lum novuni do vobis... 1'l oiiiir's uunin siitt — Deus hoinu l'aclus est ut honiu deus lici'et.
Que la fin de l'Histoire soit la réalisation d'une
conscience commune à l'humanité, — que le Christia nisme soit la forme de cette conscience universelle, c'est la double foi de celui qui écrit ces lignes. En les adressant à ceux qui ont gardé la première et perdu la seconde, il voudrait, raffermissant celle-là, favori ser dans leur cœur l'éclosion de celle-ci. Les âmes qu'il vise ne sont pas les âmes des croyants ; ce ne sont pas les âmes des croyants « à rebours » ; ce sont les âmes de ceux qui cherchent et qui, malgré les obstacles qui les retiennent, se sentent mystérieuse ment attirés par le Christianisme. L'unification du monde semble aujourd'hui, depuis une dizaine d'années surtout, accélérer sa marche et VIII PRÉFACE
comme précipiter son cours. Les peuples divers qui
forment l'humanité ont vécu de longs siècles séparés les uns des autres ; ils tendent de plus en plus à sor tir de leur isolement, à développer la solidarité qui les lie, à s'unir en une grande famille. Parmi eux, c'est un fait, les peuples chrétiens tiennent le premier rang et jouent le premier rôle. Ce sont les Chrétiens qui ont colonisé la Russie et l'Amérique, refoulé l'Is lam, conquis l'Inde, ouvert la Chine ; c'est la civili sation chrétienne qui apporte aux autres les principes organisateurs de la vie matérielle et morale : nos locomotives sillonnent toute la planète et le Parlement des religions réuni à Chicago a récité le Notre Père. Il semble que tous les ruisseaux humains se dirigent, pour être successivement recueillis par lui, vers le grand fleuve qui, né en Palestine, élargi en Galilée il y a dix-neuf cents ans, roule lentement ses eaux salutaires à travers le monde'.
' Cournot a écrit quelque pari [Traité de l'Enchaînement des
idées fondamentales, livre V, chapitre iv, tome II, p. 420-421, Paris 1801] : « de bonne foi, la religion que nos pères nous ont transmise n'est pas une religion comme une autre (una emullis). Elle remplit dans l'histoire du monde civilisé un rôle unique, sans équivalent, sans analo9ue. » — Consulter encore Karl Andresen : Ideen zu einerjesuzenlrisvhen Weltreli9ion. Leipzig, les écrits de Rousset, Gunkel et leur école. Et se rappeler le rêve de Max Mûller [notamment les Essais sur l'histoire des reli9ions, trad. fr. llarris, 3e éd., 187'J, et les llibberl Lectures, 1878, 378],et le rêve PRÉFACE IX
Qui veut entendre cette histoire doit étudier d'abord
le développement de ce principe d'unité dont il cons tate l'existence. Rechercher ce qu'ont été, dans le passé, la vie et la pensée des Chrétiens, c'est le seul moyen de comprendre le présent, c'est-à-dire de tra vailler utilement à l'œuvre de l'avenir. La claire vi sion de ce que nos ancêtres ont fait nous évitera peut- être des erreurs, des découragements et des espéran ces également puérils ; elle nous persuadera que nous ne pouvons pas créer sur table rase, parlant, qu'il est maladroit de vouloir le faire ; elle nous convaincra surtout que la vie est, essentiellement, une œuvre de liberté et un effort de continuité. Avant de décrire l'étape que l'humanité parcourt depuis la fin du siècle avant-dernier — et dans les vieux pays où depuis longtemps fermente le « grain de sénevé », et dans les terres neuves, colonies naissantes ou à venir de la Chrétienté d'hier, — il convient donc de résumer
de Leibniz [cf. à ce sujet la récente étude de Baruzi : Leibniz et
l'or9anisation reli9ieuse de la Terre. Paris, 1907]. — On sait que, au jugement de certains autres penseurs, le Christ n'est pas le principe et la fin de l'histoire humaine. « Le christianisme n'est pas le centre de l'histoire, il en est un épisode ; il ne suffit pas à ramener a l'unité la vie de l'homme sur la planète. Plusieurs groupes indépendants, isolés, se sont formés, se sont développés et ont vécu parallèlement, sans se connaître les uns les autres. » [G. Séailles : Les affirmations de la conscience moderne, 2° éd., Paris, 1904, p. 31]. X PRÉFACE
l'histoire de celle-ci. C'est le préliminaire obligé, ce
sera l'introduction naturelle à notre enquête sur les origines de la Chrétienté de demain. Est-il besoin d'ajouter que notre plus cher désir est de ne pas écrire un mot qui puisse choquer personne ? Sans manquer à l'exactitude, nous tâcherons de ne rien dire qui blesse, ni nos « frères séparés », les Pro testants, les Orthodoxes et les Musulmans', ni nos « frères aînés », les Juifs. De tout écart de plume qui nous échapperait, nous demandons d'avance pardon. ' On considère l'Islamisme comme un Judéo-Christianisme appauvri de théologie grecque.
1903. LE PASSÉ CHRÉTIEN
INTRODUCTION
L'histoire de la Chrétienté d'hier qu'on présente au
public se distingue par deux traits de celles qu'il connaît déjà : elle contient un chapitre intitulé la Révo lution reli9ieuse ; elle supprime un chapitre intitulé YÉ9lise et la Renaissance.
Le Christianisme et les autres religions méditerra
néennes offrent, dans leur liturgie et dans leur doc trine, certaines ressemblances curieuses1. Ici et là, les cérémonies ont une importance extrême : l'accomplissement exact des rites sacrés procure le salut au fidèle2. Le baptême rappelle les exorcismes par l'eau en raison de la matière qu'il emploie et des * Ce qui les oppose nettement aux religions de In Chine et de l'Inde. On le verra plus tard. 2 F.Cumont: Les reli9ions orientales dans le pa9anisme romain Paris, 1907. p. X1X-XX. XII LE PASSE CHRETIEN
effets qu'il entraîne ; l'idée de la mort qu'il évoque
reparaît dans le taurobole, par où le fidèle de Mithra s'incorpore à la milice du ciel 1. Les chrétiens s'unissent à Jésus en mangeant sa chair et en buvant son sang; et le poisson est le symbole de cette commu nion intime. Pareillement, le myste d'Attis dévore la chair d'un animal divin et boit le sang du taureau sacré et pen se s'identifier avec le dieu lui-même -, tandis que les prêtres d'Atargatis voient dans le poisson l'incarnation de la déesse, qu'ils absorbent dans les repas mysti ques3. Une discipline semblable enchaîne à la fois ceux qui croient en Jésus et ceux qui s'initient aux mys tères : les uns etlesautres connaissent, sinon l'arcane/, du moins l'extase6, l'incubation6, les mortifications 7,
ding : Atlis, seine Mythen und sein Kult. Giessen, 1903, 196 ; Cumont : op. laud., 84 et 266, note 19; Holztmann : Neuteslam. Thcolo9ie, II, 178. * Ilepdiffg, 186; Cumont, 83. 3 Cumont, 142. * 1'. Batiffol : Etudes d'histoire et de théolo9ie positive. I2 (1902) , 1-11. 5 Rotule : Psyche. 315 (2° éd.) ; Cumont ;Mon. My.sl. de Mithra, I, 323 : de long:de Apuleio Isiacorum mysteriorum leste, 1900, 100. 0 rîeubner : De incubatione capila quattor. Lipsiae, 1900; Cav- vadias ; Ta lepôv -zo-j 'AraX^ittoù èv 'EitiSa'jptji. Athènes, 1900. 256 ; CoHilz-Bechtel : Sammluny der 9riechischen Dialekl-Inschrif- len, n. 3339-41 ; Delehaye : Les lé9endes ha9io9raphiques. Bruxelles, 1905. L'incubation est un sommeil rituel, dans un temple, durant lequel le fidèle doit obtenir un bienfait de Diei. (guérison ou prédiction). Cf. Ilamillon : Incubation... S. Andrews, 1906. 7 Cumont, 51,112 ; Juvénal, VI, 522; Sénèque: 17/. Beat, XXVI, 84 INTRODUCTION XIII
la chastetél. Les uns et les autres, parce qu'ils accor
dent aux rites une importance capitale, reconnaissent l'autorité d'un sacerdoce2; et, parce que leurs rites sont obscurs et symboliques, les prêtres des uns et des autres sont des érudits et des docteurs qui de la piété font une gnose, et de la religion une science3; et, parce que les rites qu'ils dispensent requièrent des mortifications, ils deviennent pour leurs ouailles des directeurs de conscience qui apaisent les remords et rendent la quiétude *. Lorsque, aujourd'hui même, les chrétiens demandent à Dieu le « rafraîchissement» spirituel de leurs frères défunts (vefri9erium) , ils répèlent la prière que les Egyptiens adressaient ;'i Osiris pour que l'âme bienheureuse pût éternellement se désaltérer aux sources fraîches des champs d'Ialou 5.
' Porphyre : de Abslinentia; Farnell : the evolution of reli9ion,
1905, 154 : Plutarque: deIside, 2 ; Apulée: Metam.Xl, 6.1sis même se convertit, dans le roman deXénophon d'Kphèse (vers 280 p.Chr. nat.) elle protège la chasteté de l'héroïne. [Cumont. 112-H3J. - Cumont, 52, 64, 415. Les uns et les autres connaissent des groupements d'ascètes : prophètes, galles, arehigalles, métra- gyrtes, Thérapontes, Esséniens. 3 Cumont, 40-4l. Thot et Bel sont les révélateurs de la science. [Strabon, XVII, 21, XVI. 1 : Pline, II. N. vi,26, S 121 ; cil, VII, 75'J; 1'orphvre : Epist. Aneb. H ; Iamblique: de myst. II. ll|: Mon. Mysl. 'Mithra, I, 312. * Cumont, 52. '- Cumont. 124, 280. Aotr, toi ô "Oiipt; "ô ^j'I '/<>,> ôoiop. Koihel : IGSf, 1488, 1705. 1782, 1812. Cf. Corpus 1ns. Semit., Il, 141 (stèle araméenne de Carpentras). — L'expression de « très chers frères ° avait cours parmi les fidèles de Jupiter Dolichenus [cil, vi, 406 = 30758|. — Le motif iconographique de la Vierge portant l'Enfant Jésus dérive du type de» deesses-mères, c'est-à-dire; Xiv LE PASSÉ CHRÉTIEN
Ici et là, la morale etles croyances sont pareillement
orientées. Faire la volonté de Dieu, c'est la règle de conduite que Sénèque propose à ses lecteurs i, aussi bien que l'auteur d'Adapa, et le rédacteur dela Genèse -, et Jésus dans l'Évan9ile. Et c'est un « combat » qu'im pose au fidèle devenu un « soldat » cette volonté de Dieu, selon Mithra et selon Jésus3. Car, Mazdéens et Chrétiens s'accordent à cet égard, un Esprit mauvais s'oppose dans le monde au règne de la justice et du bien : ici Ahriman, là Satan1. Et les fidèles, dans leur
peut-être, d'Isis et Horus [Revue d'histoire et de littérature reli
9ieuses, 1902, 366]. L'art chrétien, chacun Paccorde, est sorti de l'art païen. — Gevaert a montré l'influence de la musique païenne sur la musique chrétienne [d'après C. Bellaigue : Revue des deux Mondes, 15 septembre 1907, p. 449-450]. < De Providentia, V, 5-6. C'est la fameuse prière de Démétrius : « Hoc unum de vobis, di immortales, queri possum, quod non ante mihi voluntatem vestram notam fecistis. Prior enim ad ista yenissem ad qute nunc vocatus adsum. Vultis liberos sumere i vobis illos sustuli. Vultis aliquam partem corporis 1 sumite... Nihil cogor nihil patior invitus, nec servio Deo, sed adsentior. » « Si l'on veut comparer cette prière au Suscipe de saint Ignace, la belle effusion qui termine le livre des Exercices spirituels, on sera étonné de la ressemblance des deux morceaux. » C'est un jésuite qui parle le R. P. Delehaye: Lé9endes ha9io9raphiques, 170, note, Et il garantit qu'il n'y a pas ici influence directe de Sénèque. 2 Cf infra p 222 Dhormes : Choix de textes reli9ieux assyro- babyloniens. Paris, 1907, 155-157; Genèse,3 -S.Mathieu, 6, 10. — Mithra, aussi, impose à ses fidèles ses evcoAo». 3Cumont XHI-XIV 183-184; S. Rcinach: laMoraledu Mithraismc [Galles, Mythes et Reli9ions, II, 1906, 220] ; A. Harnack : Militia Christi. Tubingen, 1905. * Bousset. Die Reli9ion des ludentums im neutestamentlichen Zeilaller, 483. La question des rapports du Judaïsme et du Maz déisme est très délicate en raison de l'incertitude ou l'on est de la date de l'Avesla. INTRODUCTION XV
lutte contre ses ministres et contre lui, s'appuient sur
le secours d'êtres divins, yazatas, démons ou anges', comme aussi sur la bénédiction de leurs protecteurs particuliers, génies domestiques, dieux locaux ou mar tyrs'. — Chrétiens et Syriens adorent également « une divinité unique, toute puissante, éternelle, universelle, ineffable3 » et très sainte. La Trinité que prêche l'Église rappelle les triades chères aux théologiens de laChaldée'ctde l'Egypte: l'une et les autres expriment la richesse infinie de l'Être ineffable. Cet Être a un vicaire — que Philon et les chrétiens appellent le Verbe — ici Shou ou Mardouk 5, là Jésus. Jésus a été conçu, comme Apollon Persée ou et Hermès, Horus, Romulus dans le sein et Rémus, d'une ilvierge a, dans •;
son enfance, miraculeusement échappé à la mort1 ; il
' Plutarque: de Iside. 46; Arnobe, IV, 12; Lactance : Insl. div., II.9,13;ps.-Iamblique : de Myst., III, 31; Cumont, 184 et 305-307 : article An9élolo9ie dans le Dictionnaire de théologie catholique; Hild : les Démons ; Zeller : Philosophie der Griechen, V, 188. 2 Cf. notre Chrislianisation des foules, 3" éd., 1907, Paris ; Lucius : Vie Anfân9e des Ileili9enkulls. Tubingen, 1904, et, quant à l'influence des légendes païennes surles légendes chrétiennes, Delehaye : op. laud. 3 Cumont, 161, 157. 250. Cf. le texte de Maxime de Madaure, vers 390, P. L. 33, 82 (et 315). Pour le stoïcien Boethus [Zeller, III, 1. 554], Dieu est transcendant au monde [n" s. av. J.-C.]. * Cf. infra p. 35, 55, 105. 6 Cf. infra p. 41, 108. 0 La remarque est de saint Justin : première Apol. 21-22 [Pauti- gny, 42-46]. — Cf. Celse, dans Origène : contra Celsum, 1,37. — Iloltz- mann : Lehrbuch der neulestamentiichen Thcolo9ie, 1 (1897), 409. 7 Gunkel: Zum reli9ions9eschichtlichen Verstândniss des neuen Testaments. Gottingen, 1903, p. 09. b