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L’idéal démocratique repose sur l’idée que le pouvoir politique procède du peuple souverain. La démocratie implique
donc une participation du citoyen à la vie politique.
La participation politique est l’ensemble des activités menées par les individus afin d’exercer une
influence sur les autorités politiques.
La participation repose alors sur une série d’actions politiques : une action politique est une
manifestation concrète d’une opinion dans un espace public politique.
Cette série d’actions politiques s’inscrit dans un répertoire d'actions politiques : un ensemble
prédéterminé de moyens d’action connus et utilisables par les individus dans le cadre de leur
participation politique au sein d’une société donnée à une époque donnée
A. Pourquoi voter ?
1. Par obligation ?
Dans certains pays le citoyen n’a pas le choix d’aller ou non voter, car le vote obligatoire a été mis en place.
Les moyens utilisés sont des sanctions pénales et financières (amendes), administratives (être rayé des listes
administratives. Ainsi, en Belgique, où il a été instauré en 1893, l’abstention est constitutive d’une infraction,
qui, sans excuse valable, s’accompagne d’une sanction pénale (amende de 27,50 à 55 euros la première fois
et de 137,50 euros si récidive). Mais, outre la sanction pénale, l’abstention est sanctionnée aussi par des
mesures administratives. Ainsi, si la personne concernée s’est abstenue quatre fois en quinze ans, elle peut
être rayée des listes électorales pour dix ans et ne peut recevoir pendant ce laps de temps ni nomination, ni
promotion, ni distinction émanant d’une autorité publique
Le vote obligatoire relève de la théorie de "l’électorat-fonction" développée notamment par l’abbé Sieyès. Le
vote "appartient" à la Nation, et c’est donc à cette dernière qu’il revient de déterminer quels citoyens sont
aptes à remplir cet office. Quand ils considérés comme aptes, ils doivent voter
Cette solution a pour objectif de limiter l’abstention
elle a toutefois des limites :
- elle ne suffit pas à susciter l’intérêt des électeurs
- Cela ne permet pas de mettre en évidence les raisons de l’abstention
- Forcer les citoyens à utiliser leur droit de vote peut avoir des effets déstabilisateurs sur les résultats :
augmentation des votes blancs, nuls ou extrémistes, qui pourraient signifier l’opposition des citoyens
à une telle procédure.
Ces limites du vote obligatoire expliquent qu’en France, le vote reste un droit :
C’est la théorie de "l’électorat-droit » défendue notamment par Jean-Jacques Rousseau : le vote est un droit
dont dispose tout citoyen
Par principe, le vote n’est pas juridiquement un devoir. En effet, il pourrait sembler paradoxal de
transformer un droit essentiel en contrainte.
Les limites restent bien sûr l’augmentation du taux d’abstention
2. Un acte irrationnel ?
En 1957, Anthony Downs dans « An Economic Theory of Vote » analyse le vote en utilisant
l’approche économique basée sur un individu rationnel et égoïste. La décision d’aller voter résulte
d’un calcul coût-bénéfice. L’individu, avant d’aller voter, compare :
Le coût de sa participation : se déplacer, prendre du temps pour aller voter et donc renoncer à
certaines activités
Les bénéfices retenus de sa participation : la victoire de son candidat
Or, la probabilité que sa voix compte réellement, c’est-à-dire qu’elle soit cruciale, est faible voire nulle.
L’électeur a alors peu d’intérêt à aller voter. Qu’il se déplace ou pas, le résultat de l’élection ne sera pas
changé.
Cependant, même si le taux d’abstention augmente ces dernières années augmente, un grand nombre d’électeurs
continue à voter. La participation électorale s’explique donc par des déterminants culturels et historiques.
Le vote a une portée symbolique car il montre l’appartenance d’un individu à la collectivité :
Le vote assure la reconnaissance de l’individu comme citoyen :
Seuls les citoyens peuvent voter
Voter symbolise alors l’égalité politique des citoyens
Participer à l’élection montre l’adhésion aux valeurs de la communauté :
L’attachement à la démocratie et à l’organisation démocratique de la compétition politique : en démocratie,
le conflit ouvert est remplacé par un affrontement ritualisé entre adversaires politiques. Le vote est donc un
instrument de pacification sociale.
La fidélité et l’engagement à l’égard de la communauté des citoyens : ne pas voter, c’est remettre
profondément en cause les fondements de l’ordre social
le vote permet de légitimer les gouvernants, ce qui favorise l’acceptation pacifique de l’ordre politique par les
citoyens
B. L’apprentissage du vote
1. Une socialisation
Un rite est un ensemble de règles et d’habitudes qui président une cérémonie. Ces règles
s’imposent aux individus et apparaissent aux acteurs comme «naturelles » alors qu’elles sont
sociales.
Un rite se caractérise par
sa répétition
le caractère codifié des conduites attendues
sa dimension symbolique.
C. Comment voter ?
Depuis l’instauration du suffrage universel direct, les modalités ont évolué. Ces transformations vont dans le sens
d’une individualisation des comportements : la collectivité a de moins en moins de poids sur l’individu
a) L’introduction de l’isoloir
En France, au XIX° siècle, le vote se fait à partir d’un bulletin écrit en théorie secret.
Ce système présente des limites :
Des pressions peuvent se faire à l’encontre des votants : il est possible de distinguer le choix du
bulletin à partir de sa teinte ou de son épaisseur. Le secret du vote n’est donc pas assuré
Des tricheries peuvent avoir lieu : le président de bureau pouvait manipuler le bulletin avant de
l’introduire dans l’urne. La sincérité du vote n’est donc pas totale.
L’isoloir est alors conçu pour remédier à ces inconvénients. Cependant, l’introduction de l’isoloir ne fait pas
l’unanimité : l’isoloir entraînerait des complications qui décourageraient une partie des électeurs d’aller
voter.
Les procédures actuelles d’élections ont été instaurées par la loi du 29 juillet 1913 : l'isoloir et l'enveloppe sont
alors introduits.
Ces évolutions permettent d’éviter les pressions et les manipulations des bulletins
Elles témoignent d’une individualisation du vote, car dans l’ancienne procédure électorale du vote secret
en public les électeurs restaient toujours sous les regards des membres du bureau de vote. L’isoloir permet
donc au moins symboliquement d’échapper au contrôle du groupe.
Les intérêts :
Moderniser les opérations de vote : la démarche de l'électeur est simplifiée, ce qui peut inciter les citoyens à
aller voter
assurer une économie pour les communes : moins de personnel communal est requis pour les opérations de
vote
une meilleure fiabilité des opérations de vote :
éviter les risques d’erreurs lors du dépouillement
lutter contre la fraude pendant le déroulement de l’élection et le dépouillement des votes : on ne peut
plus « bourrer » les urnes
Les limites :
le coût élevé des machines
La sincérité du suffrage peut être remise en question :
Il peut y avoir des erreurs dans l’enregistrement du suffrage : l'électeur ne peut pas contrôler la réalité
de l'expression de son suffrage. Il appuie bien sur le bouton correspondant au candidat de son choix,
mais il ne peut pas s'assurer que la machine enregistre correctement son vote.
Lors du dépouillement, on ne peut recompter les suffrages : avec le vote par urne, il y a une double
procédure de contrôle : d'abord au sein du bureau de vote puis, lors du dépouillement devant le juge
administratif qui peut examiner les bulletins litigieux
Si on souhaite vérifier la sincérité du vote, il faut alors abandonner une autre condition essentielle : le secret
du vote électronique : or, la machine ne doit pas permettre de relier l'électeur à son suffrage. La traçabilité est
donc impossible
Le rituel du vote est simplifié et perd alors de son symbolisme. Par exemple, le dépouillement du vote par
machine est rapide et instantané. Selon le rapport du Sénat, la perception du vote par les électeurs peut être
modifiée ; ceux-ci peuvent être moins enclins à aller voter, car le vote est désacralisé.
Le vote par correspondance électronique existe depuis 2003, il est réservé aux français de l’étranger qui sont
dans une situation particulière :
Comme tout citoyen français, ils ont le droit de vote
Mais ils se heurtent à des difficultés pratiques :
éloignement des lieux de vote dans un même pays
réticence ou même opposition de certains États à voir organiser par la France des élections sur leur
territoire
Les intérêts : augmenter le taux de participation des catégories d'électeurs peu enclins à voter jusqu'à présent
dans des bureaux de votes : les jeunes et les électeurs situés loin des bureaux de vote. En effet, il ne demande
aucun déplacement et un temps réduit.
Les limites :
Le vote secret n’est pas assuré : l'électeur peut voter devant son ordinateur sous la pression plus ou moins
forte d'un tiers.
La sincérité du vote est remise en cause :
il n'y aucune garantie que la personne votant « par internet » soit l'électeur concerné. L'authentification
de l'électeur à l'aide uniquement d'un identifiant et d'un authentifiant adressés par voie postale ne
constitue pas une garantie absolue.
il est impossible à l'électeur de savoir si l'information enregistrant son vote a correctement retranscrit
le choix qu'il a effectué
comme pour le vote électronique le vote perd de son symbolisme. Il devient aussi un acte individuel,
puisque le rite du bureau de vote, synonyme d’appartenance à un groupe disparaît.
Les résultats :
Le taux de participation n’a pas globalement augmenté
Mais les électeurs qui participent aux élections choisissent beaucoup plus le vote électronique.
C. Tilly montre que derrière les différentes modalités d’action, il y a des points communs.
Il introduit ainsi la notion de répertoire d’actions politiques. Selon Tilly :
toute population a un répertoire limité d'actions collectives, c'est-à-dire de moyens
d'agir en commun sur la base d'intérêts partagés.
C’est un répertoire non comme dans la musique classique, mais comme dans le
jazz : les individus ont le choix entre différentes modalités d’action.
Source : E.Neveu
entre le XVIIème et XIXème siècle le modèle « local patronné » est dominant :
Les actions protestataires ont lieu dans l’espace local
Elles fonctionnent souvent par détournement de rituels sociaux existants
(carnaval…)
les groupes mobilisés cherchent le plus souvent le soutien d’un notable local : le
patronage
Les actions se manifestent par de brusques flambées de violence
Tilly s’est posé la question de savoir si un troisième répertoire n’apparaissait pas à partir des
années 1980. C’est le répertoire « transnational-solidariste » caractéristique d’une société
post-industrielle.
Transnational-solidariste (en gestation) (depuis 1980)
Types d’intérêt Plus universels et techniques (environnement, lutte contre la
mobilisation,…)
Rapport aux autorités Réticence à toute délégation politique
Cadre de la protestation Du local au global : forums sociaux, campements d’indignés
Formulation des Militantisme d’expertise, rôle accru du droit et des médias
revendications
Lieux de mobilisation Lieux symbolisant la mondialisation néolibérale : contre-sommet
altermondialiste
Niveau de violence Faible ; recul de la violence politique
Source : E.Neveu
Les caractéristiques de ce troisième répertoire d’actions politiques sont donc :
dimension internationale des actions
L’action se désinstitutionnalise avec l’apparition de coordinations hostiles à toute
délégation de pouvoir et qui privilégient la démocratie directe.
Les formes de l’action sont plus individualistes et font intervenir des leaders
médiatisés et experts.
Les actions sont moins violentes, plus symboliques spectaculaires.
La consommation engagée : par son acte de consommation, l’individu essaye d’influencer un pays ou une
entreprise
- boycott : ne pas acheter un bien pour protester contre les pratiques de l’entreprise ou du
pays qui le produit
- buycott : acheter un bien plutôt qu’un autre pour promouvoir une cause
b. Quelles explications ?
Le développement de l’individualisme : les formes de l’action témoignent d’une individualisation des actions
collectives :
des comportements privés ou domestiques prennent une dimension politique.
les individus utilisent des ressources personnelles et se mobilisent ponctuellement sur des objectifs
limités pour une durée déterminée,
Une pacification des actions collectives : en démocratie, la lutte pour le pouvoir se fait de manière pacifique, car le
fait de savoir qu’il y a une alternance du pouvoir rend illégitime le recours à la force. Les actions sont alors peu
violentes mais symboliques et spectaculaires.