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L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

LABORATOIRE DES ETUDES


ET RECHERCHES ECONOMIQUES ET SOCIALES

Cahiers des Jeunes Chercheurs


SERIE 2015

IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE


PUBLIQUE AU MAROC : ENTRE
ASPIRATIONS ET REALITES

Tiré du mémoire sous le thème :

« Impact de la dette publique sur la croissance


économique au Maroc »

Pour l’obtention du MASTER :

ECONOMIE ET MANAGEMENT INTERNATIONAUX

Préparé par :

Mlle. TBER Salma

Sous la direction de :
LABORATOIRE DES ETUDES
ET RECHERCHES
M. ABDOUH ECONOMIQUES
Mohamed ET SOCIALES

Mots clés :
Dette publique – Politiques publiques– Croissance économique – Modèle économique
marocain

1
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

PLAN

Résumé …………………………………………………………………………………….. 2

Introduction ……………………………………………………………………………… 3

1- Ce qu’en pense la théorie ………………………………………………… 4


2- La dette publique marocaine : une affaire de plus de
cinquante ans ……………………………………………………………….. 9
3- La dette publique marocaine : une arme a double
tranchant ……………………………………………………………………. 13

Conclusion ................................................................................. 20

Bibliographie ............................................................................. 21

2
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

RESUME

Grimpant de près d’un milliard de dirhams en 1963 à plus de 743 milliards de dirhams
en 20141, la dette publique marocaine s’est nourrie au fur et à mesure que notre
modèle économique se construisait, aspirant lui apporter soutien. Par ailleurs, la
relation entre la dette publique et la performance économique d’un pays a toujours
fait l’objet de controverses. En effet, tandis que beaucoup s’inquiètent sur les effets
pervers d’une dette publique qui ne cesse d’accroître sur une croissance économique à
long terme, certains préfèrent dire qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter, du moment que
croissance actuelle, chômage et inflation sont maintenus dans des taux raisonnables ;
chacun présentant de son côté des arguments solides. Notre travail, qui met la lumière
sur le cas marocain, tente de répondre à cette problématique en alliant théorie,
empirisme et outils économétriques.

ABSTRACT

As the business model of morocco was being built, simultaneously, the public debt
nourished itself and rose from one billion in 1963 to over 743 billion dirhams in 2014.
Furthermore, the relationship between public debt and economic performance of a
country has always been controversial. Indeed, while many worry about the negative
effects of public debt on long-term economic growth, some prefer to say that there is
no need to be concerned because of the current economic growth, unemployment and
inflation are kept within reasonable rates; while each have strong arguments and
compelling evidences for their opinions. This study takes morocco as a case and,
attempts to address this problem by combining theory, empirical and econometric
tools.

‫ملخص‬

‫ و التً كان الهدف منها‬،ً‫ازدادت الدٌون العمومٌة تدرٌجٌا مع تطور النموذج االقتصادي المغرب‬
‫ ملٌار‬743 ‫ لتصل إلى‬1963 ‫ حٌث أنها ارتفعت من ملٌار درهم فً سنة‬.‫أساسا دعم هذا األخٌر‬
‫ وفً الوقت الذي ٌعبر فٌه الكثٌرون عن قلقهم من تنامً الدٌون وآثارها‬.4114i ‫درهم خالل سنة‬
‫ ٌفضل البعض القول أن ال مجال للقلق ما دام النمو‬،‫المضرة لتنمٌة االقتصادٌة على المدى الطوٌل‬
‫ فكال الطرفٌن ٌقدمان حججا قوٌة وفً عملنا هذا الذي ٌسلط‬.‫الحالً والبطالة تسجل نسبا معقولة‬
‫ سنحاول إٌجاد أجوبة لهذه اإلشكالٌة عن طرٌق الجمع ما بٌن‬،ً‫الضوء على النموذج المغرب‬
.ً‫ و أدوات االقتصاد القٌاس‬،‫ و التجرٌب‬،‫النظرٌة‬

3
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

INTRODUCTION

D
epuis cinquante ans, la dette de l’Etat marocain augmente sans cesse, se
nourrissant au fur et à mesure que le modèle économique marocain se
construit, aspirant lui apporter soutien. En apparence, tout ne va pourtant pas
si mal : le pays a beaucoup évolué et a réussi à se forger un nom parmi les
pays les plus performants de la région MENA. Mais vue de plus près, la situation est en
réalité très préoccupante.

La dette publique marocaine, qui renvoie aux crédits contractés par le Trésor, les
collectivités territoriales et les entreprises et établissements publics, a atteint plus 700
milliards de dirhams en 2014, soit 81% du PIB. Un niveau qui dépasse le seuil de 60%
défini par le FMI comme ligne rouge à partir de laquelle la croissance serait menacée.
Mais aussi, la dette publique marocaine fait payer à l’Etat des dizaines de milliards de
dirhams d’intérêts annuels, soit 4 ans de recettes fiscales, 2 fois le budget alloué à
l’éducation, 5 fois le budget de la santé, ou encore 7 fois le budget dédié à
l’enseignement supérieur si l’on se tient aux chiffres de l’année 20141. Pis encore, la
dette publique marocaine ne sert plus qu’à financer les dépenses d’investissement,
mais aussi le train de vie de l’Etat (masse salariale, matériel et compensation).

Ces faits témoignent du succès qu’a gagné la dette publique auprès des
gestionnaires publics qui se sont succédés depuis l’indépendance du royaume, et qui
ont privilégié cet instrument de la politique budgétaire à l’impôt, vu l’impopularité et
le coût politique de ce dernier. Seulement, ce choix n’est pas sans conséquence
aucune sur la performance et la croissance économiques du royaume. La crise récente
de la dette souveraine qui a détruit la Grèce et a mis à mal les finances publiques des
Etats les plus développés en témoigne haut et fort. C’est pourquoi aujourd’hui, s’il est
impossible de revenir en arrière et réparer les erreurs du passé, il est important de se
demander « Quel est l’impact réel de la dette publique marocaine, cumul de plus de
cinquante ans, sur la croissance du modèle économique national en chantier ? ».

1
Voir Graphique 3, page 10.

4
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

1- CE QU’EN PENSE LA THEORIE :

D es pionniers de la théorie économique traditionnelle aux économistes


contemporains, la dette publique à été sous la loupe de différents courants.
 Un choix controversé :
En cas de déficit, le recours à l’emprunt apparaît comme solution substituable à
la hausse des impôts. Seulement, la justesse de ce choix et ses retombés économiques
ne font pas l’unanimité. En effet, tandis que beaucoup s’inquiètent sur les effets
pervers de la hausse dette publique sur la croissance économique à long terme,
certains avancent que la dette publique a la capacité de stimuler l’activité en finançant
les investissements. Néanmoins, deux grands courants peuvent être abordés comme
principales références : l’école keynésienne et l’école néoclassique.
Pour les adeptes de la vision keynésienne, la dette apparaît comme situation
imposante en temps de crise, dans la mesure où elle n’entraîne pas de coût ni pour les
générations actuelles, ni pour les générations futures. Ceci est expliqué par le fait que
cet instrument génère une augmentation de l’investissement via l’effet multiplicateur
des dépenses publiques, favorisant ainsi la relance économique.
A contre courant, les classiques ne semblaient pas croire aux bienfaits de la dette
publique. Après que Smith et J.b.Say aient abordé la question de façon brève, Ricardo
fut le premier à se demander si le financement des dépenses publiques par dette ne
serait pas équivalent à un financement par impôt, donnant lieu à ce qu’on appellera
par la suite « le théorème de l’équivalence ricardienne », en se demandant. Reprenant
ce raisonnement en se basant sur de nouveaux concepts comme l’effet d’éviction et
les anticipations rationnelles, Barro soutient que l’effet de la dette publique est neutre.
Se fiant à la rationalité des agents économiques, il stipule que les citoyens voient
l’emprunt comme un impôt différé dans le temps. Ils se préparent alors à une purge
fiscale et se comportent comme s’ils sont contraints de le payer ultérieurement pour
rembourser cette dette quel que soit le décalage intergénérationnel.
C’est à partir de l’article fondateur de Barro que le débat autour de la dette publique
et son impact économique a pris plus d’ampleur. Il s’en est alors suivi une vague
d’études théoriques et empiriques, dont les conclusions convergent vers un
consensus : l’emprunt public, contenu dans des limites raisonnables, peut avoir un

5
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

effet expansionniste, notamment à court terme. Cependant, l’accumulation de lourdes


dettes, dépassant la capacité de remboursement du pays endetté, ralentit cette
expansion, et peut avoir des conséquences fâcheuses sur le fonctionnement de
l’économie.
Par ailleurs, pour mieux cerner cette problématique et pour appréhender le cas
marocain, il est important de connaître de près le processus par lequel la dette agit
sur l’économie.
 Des canaux de transmission multiples :
Partant du scénario d’une hausse de la dette publique, trois grands mécanismes
de transmission peuvent être distingués2.
Pour commencer, l’augmentation de la dette publique correspond d’une
manière générale à une diminution de l’épargne positive (ou une augmentation de
l’épargne négative) des administrations publiques, ce qui infère une diminution de
l’épargne nationale nette.
Par conséquent, les taux d’intérêt tendent à croître, chose qui provoque une
réduction des investissements et de la croissance du stock de capital. Ceci induit une
moindre productivité du travail. Le ralentissement de l’accumulation de capital freine
l’innovation, la recherche et développement et le progrès technique qui sont
considérés comme déterminants crucials de la croissance économique.
Il convient aussi de souligner que l’incidence sur les taux d’intérêt dépend
étroitement de la région affectée par la hausse de la dette publique, selon qu’elle soit
une petite économie ouverte (effet modeste), ou une grande zone économique (effet
substantiel)3, ou encore du degré que peut atteindre l’effet d’éviction.
Dans un second lieu, l’augmentation de la dette conduit à un relèvement des
charges d’intérêts. Celles-ci se substituent alors à des dépenses productives, telles que
les investissements publics d’infrastructures, d’éducation ou de santé par exemple, ou
sont compensées par une hausse de la taxation et des distorsions qui y sont liées.
Selon la mesure fiscale introduite, des effets négatifs peuvent se faire sentir sur les
investissements privés (taxes sur le capital), sur la consommation (TVA, TIC), ou encore
sur l’offre de travail (taxes sur les salaires).

2
L’effet inverse étant constaté dans le cas d’une baisse de la dette publique.
3
Van Manseel et Nautet M. (2009) Impact économique de la dette publique. p.13.

6
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

Enfin, lorsque l’augmentation de la dette conduit à l’émergence du risque


souverain, la dette affecte les primes de risque à la hausse. L’augmentation de celles-ci
génère un relèvement des coûts de financement qui peut mettre en péril la solvabilité
des finances publiques.
Par ailleurs, lorsque des dettes substantielles sont combinées à des conditions
initiales budgétaires défavorables, l’effet négatif et non linéaire d’une dette élevée sur
les taux d’intérêt serait amplifié. Aussi, il ne faut pas omettre que des éléments
comme des institutions faibles ou inadéquates, une épargne privée faible, un afflux de
capitaux étrangers peu élevé, le faible degré de compétitivité de l’économie nationale,
un taux de chômage élevé, un secteur bancaire fragile ou une forte sensibilité aux
effets de contagion jouent un rôle crucial dans la détermination de l’incidence de la
dette sur la performance d’une économie.
 Un seuil à ne pas dépasser :
Dès lors que la problématique de l’endettement se pose, l’existence ou non d’un
seuil maximal d’endettement a fait objet d’autant de controverses et de réflexions
divergentes que la question de l’impact économique de la dette publique.

Tout d’abord, et pas très loin de ce que la théorie classique a abordé, une dette
est nuisible à la croissance dès lors qu’elle décourage les investissements4. En effet,
selon ces auteurs, lorsque la dette excède les ressources internes d’un pays, ce dernier
risque de ne plus être capable de rembourser les emprunts passés, ce qui aura un effet
dissuasif sur les créanciers et investisseurs potentiels.

A cet égard, de nombreuses études se sont focalisées sur la détermination du


ratio d'endettement à partir duquel la tendance de la croissance sera renversée. Par
exemple, Patillo (2002) a montré que pour les pays en développement ce ratio
d'endettement, appelé aussi « le point d'inflexion » est de 35-40% du PIB. Clements
(2003) a travaillé sur la même catégorie de pays et a revu à la baisse ce taux en le
fixant à 20-25%. Il est donc clair que pour ces pays, la croissance ne va pas de pair avec
la dette au-delà d'un certain niveau relativement faible.

4
Krugma, Paul (1988) Financing versus Forgiving a Debt Overhang », NBER Working Paper n°2486.
J. Sacsh (1989) The Debt Overhang of the Developing Countries.

7
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

En 2011, Reinhart et Rogoff ont étendu l'échantillon d'étude en considérant 20


pays développés sur une période s'étendant sur deux siècles (1790-2009). Ils ont
conclu que pour les pays dont la dette a dépassé les 90% du PIB, la croissance
moyenne annuelle est inférieure de deux points par rapport à celle enregistrée dans
des pays dont la dette est inférieure à 30% du PIB (1,7% contre 3,7%).

Dans un même contexte, Minea et Villieu (2009) ont cherché à établir une
relation entre les déficits et l'investissement public. Après l’examen d'un panel de 22
pays de l'OCDE pour la période 1978- 2006, ils ont constaté qu'au delà d'un ratio de
dette publique de 120% les déficits ne bénéficient guère à l'investissement public. Ils
expliquent ce résultat par le raisonnement suivant : plus la dette est faible, plus l'Etat
peut compenser les charges d'intérêts par une réduction des dépenses de
consommation, et plus les dépenses d'investissements sont préservées. A l’inverse,
plus la dette augmente, moins il est possible de réduire les dépenses de
consommation, et plus l'Etat est obligé d'opérer des ajustements par les dépenses
d'investissement. Ainsi, au delà d'un certain niveau de dette, la relation entre déficit et
investissement public devient négatif.

Sans être exhaustives, ces études avancent dans l’ensemble que l’emprunt public
a un impact positif sur la croissance jusqu’à un certain seuil ; au-delà duquel son effet
devient négatif. Le FMI rajoute qu'un niveau élevé de la dette publique rend le PIB plus
volatile, notamment à cause de la pression des marchés et des mesures d'austérité
mises en place pour tenter de redresser les finances publiques. Toutefois, les seuils
avancés par chacune de ses études sont loin d’être consensuels. Pourquoi tant de
divergence ?
La raison est qu’il est impossible de généraliser cet état de fait pour un panel de
pays hétérogènes.
C’est pourquoi la problématique de l’endettement doit être traitée en fonction
des caractéristiques socio-économiques, politiques et institutionnelles de chaque pays.

8
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

2- LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : UNE AFFAIRE DE


PLUS DE 50 ANS
Si le Maroc est aujourd’hui impliqué dans le cercle vicieux de la dette publique, c’est
que cette dernière a été une charge supportée par les finances publiques depuis plus
d’un demi-siècle.

En effet, en 1956, l’indépendance a donné vie à un Maroc ambitieux, qui voulait à


tout prix rattraper le retard de développement qui le séparait désormais des pays du
Nord. Cet espoir, confronté à un manque de moyens, a remis au goût du jour les
politiques budgétaires keynésiennes. L’Etat était en fait le maître d’œuvre qui devait
reconstruire l’économie du pays sur des bases solides, de façon à lui garantir un envol
réussi. Pour y parvenir, le déficit public a été le choix naturel des gestionnaires publics,
dans l’attente que les effets multiplicateurs des dépenses publiques portent leurs
fruits.

 De l’ambition à l’échec (1960-1980):

Au début des années 60, le Maroc s’est engagé dans des programmes ambitieux
pour améliorer les conditions de vie de sa population.

Le 1er programme (1960-1964) qui vise la consolidation de l’indépendance


économique du pays en valorisant ses ressources à travers le développement de
l’agriculture et l’instauration d’une industrie de base, a vite été reporté en raison de
contraintes financières. Le Maroc contracte alors en juillet 1964 son premier prêt de
1.3 millions de dollars après du FMI5.
Le 2nd programme (1965-1967), qui mise sur le libéralisme économique et le
secteur privé pour le développement des investissements, n’a pas non plus réussi à
réaliser les objectifs escomptés. L’épargne publique ne finançant qu’une partie
modeste (1/3 en 1968)6 des investissements engagés par le pays. C’est alors que
l'encours de la dette extérieure passe de 256 millions de dollars en 1963 à 566
millions à la fin de 1968 pour doubler en 1975.

5
Rahmani, Mimoun. Comment le Maroc s’est-il retrouvé dans le cercle vicieux de la dette. Article traduit
de l’arabe par nos soins. Disponible sur www.catdm.ma
6
Agourram, Abdeljalil et Belal, Aziz (1970) L’économie marocaine depuis l’indépendance. p. 165.

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L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

La croissance quant à elle a atteint un taux moyen de 5% pour la période de 1960-


1971, avec un taux d’investissement de 12.4%. Plus tard, sous l’impulsion des ventes
exceptionnelles des phosphates dont les prix ont grimpés de 14 dollars la tonne en
1973 à 68 dollars en 1975, les investissements publics passent de 12,4% à 30%7.
Malgré cet embelli, la situation n’a pas tardé à s’assombrir, notamment à cause
d’une conjoncture internationale perturbée suite au renchérissement du prix de
l’énergie, la baisse des cours des produits de base en particulier le phosphate 8, la
récession accompagnée de la recrudescence du protectionnisme, et la hausse des taux
d’intérêt internationaux et l’instabilité des taux de change après la décision des Etats-
Unis de passer au régime flexible en 1976. Ceci a été amplifié par un cycle de
sécheresse particulièrement sévère en 1981 qui s’est prolongé jusqu’en 1985.
Devant une telle situation, qui a ramené la performance économique du pays à son
plus bas niveau, les difficultés de paiements du pays n’ont pu être contrecarrées qu’au
prix d’un recours massif aux financements extérieurs9, encore une fois. La dette
extérieure grimpe alors à 3 milliards et demi de dollars en 1982, pour atteindre 88%
du PIB.
En conséquence, le Maroc a subi au début des années 1983 une crise de paiements
sans précédent qui a nécessité un assainissement budgétaire structurel des plus
sévères10.

 De la défaillance à l’ajustement (1983-1993) :

Face à des créanciers exigeants et pour remettre à flot son économie fragile en
quête de croissance, le Maroc a bénéficié d’un rééchelonnement11 de sa dette
extérieure portant sur 4,4 milliards de dollars et s’est engagé, à partir de 1983, à
appliquer un Programme d’Ajustement Structurel sous l’auspice de la BIRD et du FMI.
Ce plan, qui allait se poursuivre sans relâche pendant dix ans, visait à réorienter la
stratégie du pays vers la libéralisation de l’économie et le renforcement de son offre

7
Banque Mondiale
8
Le prix du phosphate est retombé à 30 dollars en 1976.
9
Les principaux pays prêteurs étaient les USA, la France et l’Allemagne occidentale.
10
Ce n’est ici que l’une des première retombées désastreuses à long terme du recours aveugle à la
dette.
11
Le rééchelonnement signifie une modification des termes d’une dette, soit en modifiant les échéances
soit en reportant les paiements du principal et/ou des intérêts. Il s’agit d’accorder une période de grâce
où les remboursements peuvent être interrompus.

10
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

pour mieux faire face à la concurrence étrangère, le désengagement de l’Etat de


l’économie et l’élargissement du champ d’action du secteur privé.
A partir de 1991 (2ème étape du PAS), les efforts déployés se sont traduits par une
nette amélioration du profil du budget, de la balance des paiements, et du niveau des
réserves de change. Cette amélioration, appuyée par la maitrise de l’inflation à un
niveau modéré, a aussi permis de renforcer la confiance de la communauté
internationale, et plus particulièrement des investisseurs étrangers. Les mesures prises
ont également permis de ramener le ratio dette extérieure/PIB de 122% en 1985 à
près de 70% en 1994 et de maintenir en dessous de 36% le service de la dette par
rapport aux exportations de biens et services.

Déficit budgétaire,
dette publique et service de la dette

122%
103,6% Taux d'endettement (encours de
97,9% la dette/PIB)
86,9%
81,2%
72%
57% 61% Ratio du service de la dette
54% (charges totales de la dette /
49%
38% Recettes courantes en devises)
36%

Déficit budgétaire (en


9,2% 8% 5,7% 6% 2,3% pourcentage du PIB)
2,9%

1983 1985 1987 1989 1991 1993


Source : Banque mondiale

De son côté, le taux de croissance moyen de l'économie marocaine durant la


période 1983-1994 a été de 4.1%. Bien que significative en période d'ajustement
structurel, cette croissance n'a pas été en mesure de faire face à une population active
en forte augmentation, ce qui a entraîné une aggravation du chômage.
En effet, la croissance a été marquée
Croissance réelle du PIB
par une forte volatilité comparativement à
10 6,3 6,8
2,5
la période antérieure, en raison des 5 -0,6 -1
0
fréquentes sécheresses. « Le secteur -5 -2,7
agricole représentait 17 % du PIB global, 1983 1985 1987 1989 1991 1993

employait 40 % de la population active et Croissance réelle du PIB


Source : Banque mondiale

11
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

constituait 40 % des exportations »12. Le repli de la croissance a été également dû à la


baisse de l’investissement public et privé, à la décélération de la demande étrangère et
principalement européenne adressée au Maroc et à la baisse de la compétitivité
relative des exportations marocaines par rapport aux autres pays émergents13.
 De la dette extérieure à la dette intérieure (1993-2009) :

C’est alors que la stratégie du royaume a pris une nouvelle trajectoire. A partir de
1993, il était désormais question de renforcer l'orientation des investissements vers les
secteurs prioritaires, la rationalisation des incitations à l'investissement privé, la facilité
du commerce extérieur, et l’élaboration d’une stratégie sociale pour les ménages à
revenus modestes. Dans un contexte macroéconomique en difficulté, le Maroc a du
recourir encore une fois à l’endettement pour atteindre ces objectifs.
Par ailleurs, le Maroc a revu sa stratégie d’endettement afin de réduire sa
dépendance vis-à-vis de ses créanciers étrangers. Il a donc mis en place plusieurs
réformes, afin d’emprunter au marché national dans les meilleurs conditions.
Evolution de la structure de la dette (1993-2009) A partir de 2010, la dette
79% 80% 77% publique a repris un trend haussier
73%
65% suite à la baisse de la performance
61%
57% économique, la hausse des cours
52%52%
mondiaux des produits de base, le
48%48%
43%
39%
coût élevé des subventions aux
35%
27% denrées alimentaires et aux
21% 20% 23%
carburants. La dette publique est
alors passée de 47.1% du PIB à
2001
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000

2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009

Dette intérieure Dette extérieure 81% en 2014.


Source : DTFE

Ceci étant, peut-on dire que la dette publique de l’Etat marocain a augmenté au
service de la croissance ?

12
Vergne, Clémence (2014) Le modèle de croissance marocain : opportunités et vulnérabilités. Revue
Macroéconomie et Développement. Agence Française de Développement, n° 14, p. 7.
13
L’exemple le plus éloquent reste celui du secteur textile. Le libre échange prôné à travers le monde à
cette époque a favorisé l’essor de ce secteur, mais a aussi donné naissance à des concurrents tels que la
Chine, la Turquie qui ont détrôné l’offre marocaine. D’autant plus que l’image de cette dernière était
entachée par une main d’œuvre non qualifiée, des retards de livraison et une gestion de qualité
médiocre.

12
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

3- LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : UNE ARME A DOUBLE


TRANCHANT

D
epuis David Ricardo, nous savons que l’option de l’emprunt public pour
laquelle a opté le Maroc depuis des années est tributaire d’un certain
nombre de paramètres qui conditionnent son efficacité et ses répercutions
sur l’activité économique. Quelles sont alors les répercutions de ce choix sur
les politiques économiques entreprises récemment par le Maroc ?
 La dette publique : un prétendu moyen de relance économique

Pour la plupart des économistes, le modèle économique marocain n’a laissé


entrevoir ses véritables traits qu’après l’an 4111. Cette période a en effet été marquée
par une meilleure visibilité des stratégies entreprises durant les années 90, qui ont
misé sur trois axes majeurs à savoir le renforcement d’une économie de marché où le
secteur privé est amené à jouer un rôle plus dynamique, l’intégration de l’économie
marocaine dans l’économie mondiale à travers la promotion des exportations et
l’attractivité des IDE, puis la stimulation de la demande intérieure, qui constitue le fer
de lance de la croissance économique du Maroc.
Pour ce faire, le Maroc s’est engagé dans un processus important de réformes
qui se sont attaquées, compte tenu des défis à relever, à la stabilité
macroéconomique, l’efficience institutionnelle, l’intégration internationale de
l’économie, le développement industriel, l’emploi des jeunes et des femmes, la
cohésion sociale et la lutte contre la pauvreté. Ce nouveau régime a fait passer le taux
de croissance moyen du PIB de 3.1% entre 1980 et 1999 à 4.7% entre 2000 et 2013 14,
tout en réduisant sa volatilité.
Cette nouvelle configuration du modèle économique marocain a globalement
nécessité l’appui d’une politique budgétaire expansionniste. Par conséquent, les
dépenses publiques ont connu une progression continue pour atteindre 36% du PIB en
2012 ; avec une pression particulièrement forte en 2011 et 2012 quand le
gouvernement, tout en poursuivant son effort d’investissement, a dû gérer la forte
hausse des cours internationaux du pétrole et la montée des revendications sociales
nées du déclenchement du printemps arabe dans les pays voisins.

14
FMI, calculs faits par nos soins.

13
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

Ce rythme s’est ainsi traduit par une aggravation du déficit budgétaire et la


dégradation du solde du compte courant étant donné que la demande interne
soutenue a été satisfaite en partie par une hausse des importations.

D’autant plus que les recettes fiscales n’ont cessé de diminuer passant de plus
de 22% du PIB en 1981 à 17% en 2008 puis à 19,2% en 201415. Ceci a été du à la baisse
des impôts directs à savoir l’IS et l’IR, et au ralentissement des droits de douane
impacté par la politique nationale d’ouverture commerciale. A cela s’ajoute le
caractère exceptionnel des recettes non fiscales, telles que les dons et la contribution
libératoire16.
Si les transferts des MRE et l’avènement croissant des IDE ont joué un rôle
important dans le financement des mutations du modèle économique marocaine,
l’économie nationale a continuellement souffert d’un besoin de financement qui
contrariait la réalisation de ses objectifs.
Dans ces conditions, l’endettement a permis de compenser l’absence ou
l’insuffisance d’une épargne nationale, et de combler un déficit budgétaire devenu
structurel. Il va donc sans dire que la dette publique a effectivement permis de réaliser
les politiques économiques publiques engagées, dans un contexte macroéconomique
national et international en souffrance.
 La dette publique et l’alibi de l’austérité

Comme le prédit la théorie économique, après avoir permis au pays de vivre en


dessus de ses moyens, un recours massif à la dette publique dans des conditions
initiales déséquilibrées ne peut que contraindre le pays endetté à assainir son budget,
souvent à des mesures très contraignantes. Et comme la dette publique marocaine a
atteint un niveau relativement élevé nourri par un besoin de financement croissant
dans un contexte économique fragile, l’amélioration du solde primaire a été nécessaire
pour réorienter la dette à la baisse, ou du moins accorder à l’Etat davantage de marges
de manœuvres.

15
DTFE, 2015.
16
La contribution libératoire consiste pour les marocains résidents à l’étranger de déclarer leurs actifs
détenus à l’étranger (immobiliers, financiers et liquides) auprès de l’office des changes. Cette opération
a donné lieu à la déclaration d’actifs d’une valeur globale de 27,85 milliards de dirhams, ce qui a permis
de collecter 2.3 milliards de dirhams.

14
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

Solde budgétaire en % du PIB


0,6 0,4

-1,7 -2,2
-2,6
-3,1 -3,1
-4,1 -4
-4,7
-5,2
-5,2
-6
-7

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Source : DTFE, 2015.

En effet, en comparaison avec les recettes, l’encours global de la dette


représente l’équivalent de plusieurs années de recettes fiscales, principale source de
l’Etat marocain. En 2014, la dette a représenté 4 ans de recettes d’impôt17.
En comparaison avec les dépenses inscrites au Budget Général cette fois-ci, les
charges annuelles de la dette du Trésor dépassent de loin les montants alloués aux
investissements, et encore plus les dépenses sociales qui sont le pilier du
développement de tout pays. Il s’agit là d’un énorme manque à gagner tant pour le
gouvernement marocain qui voit sa marge de manœuvre réduite, que pour la
population qui subit les conséquences d’une dette publique qui s’est accumulée de
génération en génération.

Comparaison : Charges de la dette et autres dépenses du budget de


l'Etat (2014)
Montants en milliards de dirhams*

58

47,95
22,79
13,92 12,91 9.4 8.92 3,2

Source : DTFE, 2015.

17
Akesbi, Najib (2015) Le modèle de développement de l’économie marocaine : Est-il porteur
d’émergence ? Conférence à l’HEM Rabat, 44 Janvier.

15
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

Par ailleurs, le niveau exorbitant qu’ont atteint certaines dépenses a contraint le


gouvernement actuel à abandonner sa politique expansionniste prônée à son arrivée,
en faveur d’une politique restrictive dont l’objectif élémentaire était de réduire le
déficit budgétaire, et préparer le désendettement de l’Etat. C’est ainsi que les mesures
les plus frappantes se sont attaquées aux deux postes budgétaires qui pèsent le plus
lourd sur le budget, à savoir la masse salariale et la compensation.
Concernant la compensation, après avoir grimpé de près de 4 milliards de
dirhams en 2002 à plus de 54,9 milliards de dirhams en 201218, la charge de
compensation, dans la perception des gestionnaires publics, n’est plus vue comme un
stimulateur de la demande intérieure en protégeant les consommateurs de la classe
pauvre et moyenne des fluctuations des matières premières, mais comme une entrave
réduisant les marges de manœuvre en matière d’investissement public.

Pour sa part, la masse salariale marocaine, considérée comme la plus élevée de


la région MENA19, a elle aussi été privée d’une partie de son budget habituel. En effet,
les mesures adoptées20 par le gouvernement actuel ont ramené le ratio de la masse
salariale à 11,3% du PIB en 2013, en baisse de 0.4 points du PIB par rapport à 2012. Il a
également ciblé la création d’emploi, qui est aujourd’hui perçue comme une charge
plutôt qu’un moyen de résorber un chômage grimpant qui a atteint 10% en 2014 selon
le HCP. C’est ainsi que l’Etat marocain est passé de la création de 14 744 nouveaux
postes budgétaires en moyenne annuelle entre 2011 et 2013 à seulement 4 637 en
201421.

Sans prétendre être exhaustifs, les mesures prises pour assainir le budget
marocain ont certes permis d’alléger temporairement le déficit budgétaire. Mais dans
un contexte économique malmené par un taux de chômage élevé, une croissance
volatile, au lieu de jouer sur le déficit et accentuer l’austérité, n’est-il pas plus efficace
de s’attaquer directement au PIB ? L’histoire des finances publiques de l’Etat marocain

18
Loi de Finances 2015, page 116.
19
AGENOR Pierre-Richard et AYNAOUI Karim, op.cit, p.47-48.
20
En 2005, le gouvernement marocain a élaboré une politique de départs volontaire initiée par la
banque mondiale pour réduire sa masse salariale. Or, cette politique n’a pas eu les effets escomptés.
21
PDLF 2015.

16
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

qui se réitère ne montre-t-elle pas que derrière la montée de la dette publique se cache
l’inefficacité des dépenses publiques ?

4- DU CONSTAT AU RESULTATS ECONOMETRIQUES :


Notre rétrospective de l’évolution de la dette publique marocaine et celle du
modèle économique du pays dénotent un grand écart entre les potentialités du
royaume et la performance réalisée. Ce manque à gagner est souvent expliqué par
l’inefficacité des dépenses publiques engagées depuis des années par l’Etat marocain,
des dépenses financées majoritairement par la dette publique.

Pour confirmer ou infirmer ce constat, nous avons établi un modèle


économétrique qui tente de démontrer l’impact des différents canaux de transmission
de la dette publique sur la croissance économique. Et pour choisir entre les différents
canaux existants, nous nous sommes basés sur les hypothèses suivantes, construites à
partir de notre revue du cas marocain.

 Hypothèses de travail :
Tout d’abord, il apparaît que la dette publique n’agit pas directement sur la
croissance économique. En effet, l’impact de la première variable sur la deuxième se
fait, principalement, via l’effet multiplicateur des dépenses publiques, à savoir les
dépenses de fonctionnement et les dépenses d’investissement. Les premières
affectent la consommation finale des ménages et des administrations publiques ; soit
le premier élément de la fonction de demande qui contribue à la croissance
économique du Maroc (58% en moyenne en part du PIB entre 2000 et 2013). Quant
aux deuxièmes, elles constituent une part importante de la FBCF nationale, deuxième
élément de la demande intérieure qui contribue à la croissance économique. Sans
oublier leur participation à la création de l’emploi.

Enfin, toute dette implique le paiement des intérêts. Ici, il est important de
distinguer entre les intérêts relatifs à la dette intérieure, et ceux de la dette extérieure.
Pour les premiers, ils constituent une fuite de la trésorerie de l’Etat mais sont
réinjectés dans l’économie par le jeu du marché de capitaux national. Cependant, les

17
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

charges de la dette extérieure constituent une fuite de capitaux vers le reste du


monde, qui échappe au circuit économique national.

Nous supposons donc que les charges de la dette publique intérieure22 ont un
effet neutre, tandis que celles de la dette extérieure exercent un effet négatif sur la
croissance.

De ce fait, nous avançons qu’au Maroc, la dette publique agit sur la croissance
économique via trois principaux canaux, à savoir les dépenses d’investissement, les
dépenses de fonctionnement et le service de la dette extérieure :

LYt = α + β1 DINV + β2 DFONCT+ β3SDE+εt

 Modélisation et interprétation des résultats :


Tenant compte de ces hypothèses et pour mesurer l’impact des canaux choisis,
nous avons établi une base de données qui couvre une période de 24 ans allant de
1990 à 201423. Et comme nous sommes en présence de séries chronologiques, nous
avons opté pour une modélisation VAR (Autorégressif Vectoriel) à deux retards,
afin de ressortir l’effet à court et à long termes des canaux choisis. Le résultat obtenu24
est le suivant :

D1PIB = - 0.78*D1PIB(-1) - 0.09* D2PIB(-2) - 0.66*D2FONCT(-1) -


0.12*D2FONCT(-2) + 0.24*D2INV(-1) - 0.29*D2INV(-2) - 0.23*D2SDE(-1) +
0.16*D2SDE(-2) + 26.21
De cette fonction nous pouvons déduire que globalement, l’impact de la dette
publique marocaine sur la croissance économique à travers le canal des dépenses
publiques et du service de la dette extérieure est négatif, à court et à long terme. Dans
le détail, les dépenses de fonctionnement, à savoir le paiement des fonctionnaires et
l’achat de biens et services pour les administrations publiques, exercent un effet
négatif très significatif que notre modèle a évalué à -66% sur le court terme. Sur le long
22
Cette hypothèse peut aussi être justifiée par un faible effet d’éviction puisque les administrations
publiques ne constituent que 5% de la part des crédits accordés par les banques, principale source de
financement des entreprises.
23
Nous avons évité d’inclure la période de l’ajustement structurel (1983-1990) car cette période été
marquée par des mesures exceptionnelles et une conjoncture spécifique, qui risquent de biaiser nos
résultats. D’autant plus que nous n’avons pas réussi à trouver suffisamment de données.
24
Ce résultat a été obtenu après avoir vérifié la stationnarité des séries et la détermination de l’ordre
d’intégration de chacune.

18
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

terme, leur effet reste négatif mais s’amoindri à -19%. Cet effet négatif est la
conséquence logique du fait que ces dépenses de consommation sont contre-
productives et n’ont aucune rentabilité financière et économique. D’autant plus que
celles-ci se substituent aux dépenses les plus utiles au développement du royaume,
notamment les dépenses d’éducation et de recherche et développement qui ont
stagné durant ces vingt-cinq dernières années. Par ailleurs, si les investissements
publics sont en théorie très bénéfiques à long terme, les résultats de notre modèle
démontrent le contraire. En effet, elles exercent un effet positif mais très limité sur la
croissance économique nationale à court terme. Un effet qui devient négatif à long
terme. Les dépenses d’investissement ont donc augmenté sans efficacité conséquente.

Quant au service de la dette extérieur, il a effectivement agit négativement sur la


croissance économique en réduisant les marges de manœuvres de l’Etat marocain.
Toutefois, la baisse considérable de la dette extérieure durant la période post-
ajustement (1993-2009) a réussit à atténuer cet effet sur le long terme.

Ceci étant, d’autres facteurs résiduels peuvent être impliqués dans la relation
dette publique et croissance marocaines, parmi lesquels nous citions l’importance des
conditions initiales budgétaires, structurelles et institutionnelles, qui sont malmenées
par des déséquilibres et des défaillances considérables, la non convergence des
politiques publiques axées sur une vision sectorielle et non une vision stratégique et
intégrée, ainsi que les effets de contagion retardés issus des crises et chocs extérieurs,
surtout ceux de l’Union Européenne à laquelle le pays demeure étroitement
dépendant sur le plan économique.

Aussi, si l’impact des canaux de la dette publique a été globalement néfaste à la


croissance économique, c’est aussi parceque la politique d’endettement du royaume
butte sur de nombreux obstacles, parmi lesquels nous soulignons le sous-encadrement
de la dette publique marocaine, le chevauchement institutionnel, l’absence de cadre
de comparaison entre les bailleurs de fond internationaux, ou encore le retard dans
l’exécution des dettes extérieures converties en investissements 25.

25
Ces limites ont été abordées et détaillées par la Cour des Compte dans son rapport annuel de 2013.

19
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

CONCLUSION

La dette publique marocaine est, tout compte fait, un cadeau empoisonné. Elle
n’a pas financé un effort structuré en faveur des dépenses les plus utiles à la
croissance et à la préparation de l’avenir. Elle a surtout favorisé la mauvaise
gouvernance, le laxisme et la vision courtermiste des gestionnaires publics qui se sont
succédés. En effet, la dette publique a permis au Maroc de vivre largement en dessus
de ses moyens, et l’obsession du retour aux équilibres lui a fait oublier de guérir les
véritables maux de sa société qu’il a considérés comme secondaires, et de palier aux
menaçantes fragilités de son économie, qu’il a laissées entre les mains d’une
conjoncture des plus incertaines.

Rien d’étonnant car entre une absence de vision stratégique, un manque de


coordination entre les institutions impliquées dans la politique d’endettement du
royaume, un manque de transparence dans la publication des informations relatives à
la dette publique et l’évaluation des projets financés par dette, et une irresponsabilité
des gestionnaires publics vis-à-vis des générations futures, la gestion optimale de la
dette publique du Maroc n’a pas pu être obtenue, et la croissance n’a pas pu être
stimulée de façon inclusive et pérenne. Et ce n’est qu’en améliorant ces éléments que
l’Etat marocain pourrait espérer sortir du cercle vicieux de la dette. Ceci doit être bien
évidemment accompagné d’une révision profonde du modèle économique marocain,
sans omettre de repenser le rôle que doit désormais jouer l’Etat marocain en
répartissant les tâches, de façon optimale, entre le public et le privé selon les besoins
du modèle socio-économique du pays.

Avec tout ce qu’elle a permis de conclure, la dette publique marocaine est


finalement très révélatrice, puisque son analyse permet de mettre à nu la réalité du
pays. Une réalité qui doit conduire l’Etat marocain à régir. Car en fin de compte, la
majorité des pays du monde entier est confrontée à des problématiques similaires,
pourtant, certains ont réussi à rendre à l’action publique son efficacité au service de la
croissance et de l’emploi.

Les années 2016 et 2017 s’annoncent difficiles. La montée des revendications


sociales dans différents secteurs, la pluie qui tarde à se manifester portant la

20
L’IMPACT ECONOMIQUE DE LA DETTE PUBLIQUE MAROCAINE : ENTRE ASPIRATIONS ET REALITE

performance agricole à son plus bas niveau, la persistance des déséquilibres


budgétaires malgré les mesures d’austérité prises ... autant de facteurs qui nourrissent
le pessimisme de l’économiste, du décideur et du citoyen marocains.
Il est alors temps pour le Maroc de prendre son avenir en main.

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