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(2) Cf. par ex. Robert Martin : Temps et Aspect ; Essai sur l'emploi
des temps narratifs en Moyen-Français, Paris, Klincksieck, 1 971 .
Annette Vassant : Passé simple et passé composé en français
contemporain : problématique et méthodologies, thèse
dactylographiée. Marc Wilmet : Le système de l'indicatif en Moyen-
Français, Genève, Droz, 1 970.
(3) R. Valin : D'une difficulté inhérente à l'analyse du présent français
dans Mélanges Gardette, Strasbourg, 1966, en part. p. 486-487.
nous n'examinerons ici que les passés. A celui qui est perçu tout en
incidence correspond la forme de P. S. : elle montre l'événement dans
son inscription au temps, saisi à sa limite initiale et suivi dans son
déroulement jusqu'à son terme. Au passé construit sur de l'incidence
déjà versée en décadence correspond la forme d'IMP. qui montre
l'événement déjà en partie arrivé et en partie virtuellement arrivant ;
c'est la « vision sécante » de l'événement qui associe de l'accompli réel
à un accomplissement virtuel. Avec le P. S. « il s'agit du fait conçu
positivement, dans son arrivée au temps » ; avec l'IMP. « il s'agit du
dedans de ce fait, de la manière qui marquait au dedans de lui » (1). Le
P.S. « envisage l'action synthétiquement, comme un noyau indivis (...)
et en offre une vision globale, indifférenciée, non sécante ». L'IMP.
envisage « la durée vécue dans le processus qui lui est propre et qui
consiste dans l'incessante transformation d'une parcelle d'avenir en
une parcelle de passé » (2). De telles phrases ne seraient-elles pas de
bonnes définitions de ce que l'on appelle traditionnellement l'aspect
ponctuel et l'aspect duratif, ou encore le déterminé et l'indéterminé ?
G. Guillaume lui-même le reconnaît dans une de ses leçons encore
inédite : « Le prétérit défini apparaît un temps capable de rendre l'idée
d'entier verbal exprimée dans les langues anciennes au moyen de
l'aspect déterminé (...). Symétriquement l'imparfait éveille dans l'esprit
l'idée du verbe non entier offrant à l'esprit la vision, ou la prévision
d'une suite perspective (...) », ce qui correspond sensiblement à
l'aspect indéterminé des langues anciennes (3). Mais c'est pour ajouter
aussitôt : « ainsi quelque chose qui s'exprimait autrefois sous la
catégorie de l'aspect s'exprime aujourd'hui, dans les langues romanes,
sous la catégorie du temps » (4). Il y aurait eu transfert de la notion
d'une catégorie grammaticale sur une autre ; il s'avère par conséquent
impossible de recourir aux définitions de type onomasiologi- que pour
cerner l'aspect verbal dans un système linguistique donné. On se
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un itératif, etc. Seuls sont condamnés, dans leur emploi générique, les
termes d'accompli et d'inaccompli, parce qu'ils sont jugés inadéquats «
à traduire l'opposition des formes simples et des formes composées du
verbe ». Il faut reconnaître que toutes ces occurrences du mot « aspect
» se situent dans des analyses concernant les effets de sens en
Discours : « aspect » pourrait sans doute être avantageusement
remplacé par « nuance de type aspectuel » ; or la distinction entre
Langue et Discours est si importante chez les guillaumiens qu'on ne
saurait pertinemment critiquer une analyse faite à l'un des deux
niveaux par des arguments empruntés à l'autre. Néanmoins il nous
paraît gênant de faciliter ainsi la confusion par l'emploi d'un
vocabulaire ambivalent. L'incertitude est particulièrement grande au
paragraphe 4.4.3 (p. 1 6) : le schéma utilisé pour représenter l'image
que l'IMP. donne du procès verbal, paraît bien être un schéma de
(1) Op. cit., p. 73-74.
(2) Op. cit., p. 125.
(3) Id., p. 135.
(4) Id., p. 88-89.
(5) Pour une étude de l'aspect verbal dans l'Information Grammaticale,
n° 4, janvier 1980, pp. 12-19.
Langue ; il donne la valeur en système de l'IMP., dans la plus fidèle
symbolique guillaumienne. Or voici comment il est commenté par A.
Vassant : « On dit généralement que le processus verbal ainsi construit
est d'aspect sécant » ; cette phrase nous paraît aussi hérétique que les
déclarations de R. Martin. Toutefois notre jugement ne prétend pas
être définitif dans la mesure où, en conclusion, A. Vassant estime qu'il
faut aller plus loin dans la synthèse entreprise et annonce un travail
ultérieur : nous attendrons donc avec intérêt ce prochain article.
Il n'en reste pas moins que, sur un système aussi longuement décrit et
expliqué par G. Guillaume lui-même, de nombreux points obscurs et
difficiles subsistent encore, qui empêchent l'unanimité de se réaliser
autour de sa théorie. A plus forte raison allons-nous rencontrer de
profondes divergences à propos du système verbal latin sur lequel les
écrits du maître sont moins abondants et moins explicites.
4) L'ASPECT EN LATIN
Le schéma proposé par G. Guillaume pour illustrer la structure du
système verbal latin et mettre en évidence les rapports des différentes
formes entre elles est le suivant :
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amabam
amo
amabo
Zl wi « LZ
amaueram
amaui
amauero
Ce schéma, finalement très classique, apparaît dès Temps et Verbe et
ne sera pas modifié par la suite. Mais il ne nous apprend rien sur
l'expression de l'aspect en latin. En particulier, il n'est nulle part
précisé dans Temps et Verbe si l'extension du présent vers un autre
horizon, celui de parfait, relève de la notion de temps ou de celle
d'aspect. C'est dans un article plus tardif (1 ) et surtout dans les inédits
qu'il faut aller chercher un développement plus complet sur l'aspect en
latin ; « Dans une langue à morphologie temporelle développée,
embrassant le temps in extenso (sous ses trois époques : passé,
présent, futur) le système des aspects dans son ensemble portera non
pas des conséquences de morphologie, mais des conséquences de
sémantèse » ; après cette affirmation générale, G. Guillaume cite entre
autres exemples le latin suadeo/persuadeo, caedere/occidere (2) ; et
dans l'article évoqué ci-dessus, on peut lire : « en latin légère et legisse
sont des thèmes temporels et non des aspects parce qu'on ne peut pas
conjuguer la deuxième construction, mais seulement la première au
présent. Mais latin légère et perlegere, français lire et avoir lu sont des
aspects et non des thèmes temporels, les deux constructions étant
conjugables - la condition est suffisante - au présent et au passé : lego,
legebam ; per/ego, per/egebam ; je lis, je lisais ; j'ai lu, j'avais lu. » (3)
G. Guillaume reprend donc la thèse née après la découverte des
langues slaves et défendue par exemple par D. Barbelenet, selon
laquelle, en latin, c'est le préverbe qui porte l'expression de l'aspect. Il
reconnaît d'ailleurs que celui-ci ne joue plus que très imparfaitement le
rôle grammatical qui lui était dévolu : « L'action du préverbe sur le
verbe est une action illimitée qui, après avoir produit tous les effets
grammaticaux dont elle est capable, se prolonge en une action
sémantique, tendant à la
(1) Immanence et transcendance.
(2) Inédits 1938-1939, p. 1-2.
(3) Op. cit., n. 4, p. 356.
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op. cit.
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définition d'un verbe nouveau par le sens. Ainsi latin occi- dere et
slave u-biti ont pris l'un et l'autre le sens de « tuer » sous lequel ne
transparaît que faiblement la signification première de « battre
jusqu'au bout ». L'action sémantique du préverbe en a oblitéré l'action
grammaticale. » (1) Le système de l'aspect en latin est donc ébranlé,
ce qui explique l'apparition d'un système nouveau dans les langues
romanes.
Nous avouons être étonnée par le caractère très succinct de cette
analyse guillaumienne. Peut-on encore parler d'aspect quand la
marque en est à ce point affaiblie qu'elle est devenue un simple moyen
de composition ? Peut-on parler de catégorie grammaticale quand
l'inventaire des formes est aussi incertain et quand le choix entre les
deux termes de l'opposition n'a aucun caractère d'obligation ? Par
ailleurs nous ne sommes pas convaincue par les arguments donnés
pour rejeter hors de l'aspect l'opposition legere/legisse. Dans Temps et
Verbe en effet, et plus tard dans L 'Architec- tonique, la forme de
parfait est toujours conçue comme un présent : le sentiment de la fuite
du temps a entraîné la décadence du bloc et + u> constituant le présent
latin ; celui- ci prend « en direction du passé une forme étendue » ;
mais dans la mesure où il n'y a pas disjonction des deux chronoty- pes,
on a toujours affaire à un présent, « la notion d'époque ne s'est pas
dégagée » (2) ; c'est pourquoi la forme de parfait est appelée « présent
de mémoire ». Cette conception est sans doute criticable, mais elle est
celle de G. Guillaume ; pour rester logique avec lui-même, il aurait
donc dû considérer que le couple legere/legisse était conjugable à tous
les modes et tous les temps, notamment au présent et au passé de
l'indicatif (lego/legi, legebam/legeram), « condition suffisante » pour
en faire une opposition aspectuelle.
Cette seconde analyse est d'ailleurs si conforme à la « ligne
guillaumienne » qu'elle est proposée par R. Valin - le plus fidèle
pourtant des disciples - dans son article sur les aspects du verbe
français. Il considère en effet que l'opposition morphologique des
thèmes d'infectum et de perfectum, qui transcende toutes les autres
oppositions du système, est d'ordre aspectuel et correspond aux
valeurs de « méro- tropie » et de « plérotropie » ; la première exprime
la durée incomplète, la seconde la durée complète. Les deux aspects
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