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CORVILAIN Ludovic

2015 - 2016










La Shoah et les génocides au 20e


siècle

« Hernan Cortes, conquistador espagnol, peut-il être considéré


comme l’un des premiers génocidaires ayant opéré en Amérique
latine ? »

Titulaire : Dr J. KOTEK

Nombre de caractères : 30.793

Master 60
En Sciences politiques à horaire décalé
Table des matières
Introduction ...................................................................................................................................... 3
1. Mise en Contexte – Historicisation ........................................................................................ 4
1.1 La découverte des Amériques ........................................................................................................ 4
1.2. L’arrivée de Cortès ............................................................................................................................ 4
1.3. La politique de conquête ................................................................................................................. 5
1.4. Théorie raciste et construction de la légitimité de la violence .......................................... 6
1.5. Une guerre de conversion ............................................................................................................... 7
2. Cadre d’analyse et mise en relief ........................................................................................... 9
2.1. Le génocide .......................................................................................................................................... 9
2.2. L’Ethnocide ....................................................................................................................................... 11
2.3. Le crime contre l’humanité ......................................................................................................... 12
Conclusion ...................................................................................................................................... 13
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................ 14

2
Introduction

Enfant je voyageais, comme beaucoup d’autres garçons de mon âge, au travers des
dessins animés, des bandes dessinées, ainsi que d’ouvrages pour les plus jeunes me
permettant de m’évader à bas prix.

Une des séries animées ayant piqué à l’époque mon intérêt n’était autre que « Les
mystérieuses cités d’Or »1. Un dessin animé rapportant en terre inca les aventures d’Estéban,
jeune orphelin espagnol, et de Zia, jeune fille inca qui avait été capturée et faite esclave à la
solde des Espagnols pour ses talents de traductrice. Ce dessin animé m’amènera à
m’intéresser à tâtons à l’univers des colonisateurs, de ces aventuriers le plus souvent dépeints
de façon positive dans nos cours d’histoire européens.

En octobre 2009, un voyage récréatif au Mexique me permit de découvrir les quelques


vestiges de la civilisation aztèques, mais aussi, de m’intéresser de plus près à un des
principaux conquistadors ayant œuvré en terre mexicaine, Hernan Cortès2. J’avais été marqué,
à l’époque, par la violence qui avait été déployée pour venir à bout des « Indiens aztèques ».
Ce travail me donne l’opportunité de m’enrichir culturellement en m’intéressant de près à
cette période sombre de « l’ère conquistador espagnole ».


1
Les mystérieuses cités d’Or, Présentation de la série (1983) [En ligne],
http://www.lescitesdor.com/presentation/presentation.php (consulté le 26/12/2015).
2
Larousse.fr, Hernan Cortès [En ligne],
http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Hernán_Cortés/114777 (consulté le 26/12/2015).

3
1. Mise en Contexte – Historicisation

Dans le cadre de cette section, je vais tenter d’exposer factuellement comment Cortès et
ses hommes sont arrivés à leur fin pour conquérir le Mexique, là où d’autres explorateurs
avaient échoué plus tôt3.

1.1 La découverte des Amériques

En 1492, le navigateur génois Christophe Colomb est le premier explorateur européen à


découvrir, sous étendard espagnol, le continent américain4. Il met pied à terre successivement
sur les territoires que nous connaissons actuellement comme étant ; Cuba (1492), Haïti
(1492), la République dominicaine et la Guadeloupe (entre 1493 et 1496)5.
Ce sont ses découvertes qui attiseront la curiosité des États européens, qui enverront sur
place de nouveaux explorateurs. Ce « Nouveau Monde » sera rapidement exploré et traversé
de part en part de l’océan Atlantique à l’Océan Pacifique, que les Espagnols seront les
premiers à atteindre6.

Cependant, pour ne pas déborder dans ma recherche, je m’intéresserai principalement


dans le cadre de ce travail, à la conquête du Mexique par Hernan Cortès et ses troupes.

1.2. L’arrivée de Cortès

Hernan Cortès est un conquistador espagnol7 considéré comme étant l’un des hommes
les plus influents à Hispaniola8. Il reçoit en 1519 de la part du gouverneur de Cuba la mission
de conquérir le Mexique et de revenir chargé d’Or 9 . C’est donc fort d’un corps
expéditionnaire composé de militaires, d’artisans et de religieux que Cortès rallie les côtes
mexicaines10.


3
Ruano-Borbalan Jean-Claude, « Cortès : un rêve métis ? », sciences humaines 12/2001 (N°122), p. 36-36.
4
Larousse, Le petit Larousse 2003, Paris, Larousse, 2002, p. 1255.
5
Ibidem.
6
Annie Baert, « Le capitaine Quirós et l'évangélisation de la Mer du Sud », Histoire, monde et cultures
religieuses 2008/2 (n°6), pp. 27-44, p.5.
7
Larousse, Le petit Larousse 2003, Paris, Larousse, 2002, p. 1267.
8
Ruano-Borbalan Jean-Claude, Op. Cit., p. 36-36.
9
Ibidem.
10
Ibidem.

4
Lors d’un de ses premiers contacts avec les Indiens aztèques, Cortès reçoit en don une
jeune esclave indienne qui lui servira d’interprète. Le rôle de celle-ci sera important dans le
cadre de la conquête du Mexique11, objectif qu’il atteindra en 1521 en procédant, au passage,
à la destruction de l’Empire aztèque (75 % de la population des natifs mexicains
disparurent 12 ). Cette conquête lui valut d’obtenir le titre de gouverneur général de la
Nouvelle-Espagne en 152213, mais aussi, d’être élevé au rang de marquis par la Monarchie
espagnole14.

1.3. La politique de conquête

Tout d’abord, il semble intéressant de nous placer dans le contexte de l’époque.


Précédemment, la majorité des campagnes militaires espagnoles étaient des opérations de
« reconquête » du territoire, principalement menée à l’encontre d’envahisseurs musulmans15.
Dans l’esprit des Espagnols, il n’existait pas de guerre plus légitime que celle qui visait la
récupération des territoires chrétiens occupés par les infidèles16. Par conséquent, les actes de
violence et de barbarie (tribunaux d’inquisition, conversions forcées au catholicisme…)
n’étaient que des réponses « justifiées » à la violence d’un agresseur s’étant emparé de
territoires que l’Espagne considérait comme inaliénable17, sorte de loi du Talion codifiant les
comportements collectifs en période de guerre18.
Dans le « Nouveau Monde », le paradigme de la campagne militaire de reconquête ne
pouvait pas s’appliquer tel quel. En effet, en arrivant au Mexique, les Espagnols n’avaient
plus à faire face à des envahisseurs, mais à de pacifiques peuples de païens qui les avaient
accueillis (du moins dans un premier temps) comme des divinités19 à qui ils faisaient des


11
Ibidem.
12
Alain Brossat, « Métissage culturel, différend et disparition », Lignes 2001/3 (n° 6), p. 28-52, p.42.
13
Larousse, Op. Cit., p. 1267.
14
Aristarco Regalado Pinedo, « Le conquistador : un soldat mutilé », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés [En
ligne], 20 | 2004, mis en ligne le 23 août 2013, consulté le 16 octobre 2015. URL : http://clio.revues.org/1405 ;
DOI : 10.4000/clio.1405
15
Thomas Gomez, « Conquête, violence et droit dans le monde hispanique aux XVème et XVIème siècles »,
Littératures classiques 2010/3, pp. 17-38, p. 19.
16
Ibidem.
17
Robert Cresswell, « La réalité et/de la nature. A propos de « l’affaire Sokal » », L’Homme 2001/1 (n°157), pp.
175-195, p. 190.
18
Thomas Gomez, Op. Cit., p. 20.
19
Paulo Henriques Martins, « Don, religion et eurocentrisme dans l’aventure coloniale », Revue du MAUSS
2010/2 (n° 36), pp. 317-329, p. 324.

5
dons20. Ces conditions particulières ont amené les Espagnols à revoir leur stratégie militaire
afin d’apporter la réponse adéquate face à cette situation inédite21.

1.4. Théorie raciste et construction de la légitimité de la violence

En réponse à cette nouvelle donne, les penseurs ibériques espagnols se sont mis en
quête de nouvelles sources de justifications, permettant aux conquistadors espagnols de
procéder « légitimement » à la conquête du Mexique. Il était nécessaire de construire une
image de l’autre, l’amérindien, afin d’incorporer ce cliché dans l’imaginaire espagnol22.
Une de ces contributions fut la découverte par Cortès de la pratique du don sacrificiel
humain23. Ce « sacrement tribal » a renforcé chez les Espagnols l’idée qu’il existait une
impossibilité religieuse et politique24. En effet, ces sacrifices humains représentaient dans
l’esprit des Espagnols la limite infranchissable de l’humanité. Par conséquent, les Indiens
pratiquant ces rites devaient être déchus de leur condition d’être humain et qualifiés d’êtres
dépourvus d’âme25.
La prétendue légèreté de leurs mœurs, leur nudité qui sera assimilée abusivement à de
l’absence de pudeur, renforcera cette étiquette d’animal que certains penseurs leur
attribuaient26. Ces théoriciens joueront un rôle primordial dans le renforcement de certains
traits de l’altérité indienne27. Toute cette construction fantasque permet d’élever la violence
au service d’une cause ; celle de la civilisation contre la barbarie28.
Un théologien suivi de l’époque, Juan Ginés de Sepulveda y alla également de son
commentaire décrivant les Indiens comme étant des « êtres non parvenus à leur plein
développement, inachevés (…) des homunculus, des avortons »29. Lorsque ce dignitaire de
l’église compare les Indiens aux Espagnols, c’est pour mettre en avant leur prétendue
infériorité s’apparentant, selon lui, à celle des singes par rapport aux humains30. Ce processus
est décrit de nos jours par l’historien français Christian Ingrao, qui parle du terme


20
Ibidem, p. 321.
21
Thomas Gomez, Op. Cit., p. 20.
22
Ibidem, p. 20.
23
Ibidem, p. 21.
24
Paulo Henriques Martins, Op. Cit., p. 322.
25
Ibidem, p. 325.
26
Thomas Gomez, Op. Cit., p. 21, 22.
27
Ibidem, p. 22.
28
Ibidem, p. 23.
29
Ibidem, p. 32.
30
Ibidem.

6
« d’animalisation », mécanisme de déshumanisation de sa victime, permettant de chasser
celle-ci comme une bête31.
Les arguments qui précèdent furent des leviers puissants « légitimant » les massacres,
les tortures 32 et les humiliations perpétrés par les Espagnols au nom d’un Dieu chrétien qui ne
pouvait accepter les pratiques inhumaines des Indiens mexicains33. Sepulveda ajouta qu’il
était du devoir des chrétiens d’intervenir contre les barbares du Nouveau Monde afin de
sauver des vies humaines34.
Les conquistadors pouvaient aussi s’appuyer sur un texte édité en 1513 à la demande du
Roi Ferdinand, le « Requerimiento » (la mise en demeure) 35 . Cet ouvrage, rédigé
conjointement par Matias de Paz et Juan Lopez de Palacios Rubios, prévoyait que tous les
peuples indigènes du Nouveau Monde devaient reconnaître la souveraineté du roi d’Espagne,
sous peine de représailles (esclavage, confiscation des biens ou même la mort)36. Cet écrit
légitimait tous les aspects de la violence susceptible d’être déclenchée contre les Indiens, il
était également destiné à donner bonne conscience aux conquistadors dans le cadre de leurs
actions37.

1.5. Une guerre de conversion

La guerre de conquête menée contre les populations amérindiennes du Mexiques s’était


faite par les armes, mais aussi, en usant de stratégies de conversion à la chrétienté38. Les
chrétiens du Nouveau Monde se montraient intransigeants vis-à-vis du paganisme39, forçant la
conversion des populations autochtones, et les obligeant à refouler l’ensemble de leurs rites et
de leurs croyances 40 . Cette stratégie d’hybridation culturelle voulait que les serviteurs
adoptent le Dieu de leur maître tandis que les leurs mourraient41.
Les Espagnols fondaient la légitimité de ces conversions forcées sur « la bulle de
donation d’Alexandre VI » octroyant aux Espagnols le droit de s’approprier les terres du


31
Juliette Denis, « Autour de la violence de guerre. Entretien avec Christian Ingrao », Tracé. Revue de sciences
humaines, 14/2008, 2008, pp. 259-275, p. 270.
32
Thomas Gomez, Op. Cit., p. 32.
33
Paulo Henriques Martins, Op. Cit., p. 326.
34
Thomas Gomez, Op. Cit., p. 34.
35
Ibidem, p. 28.
36
Ibidem, p. 29.
37
Ibidem.
38
Paulo Henriques Martins, Op. Cit., p. 324.
39
Ibidem, p. 325.
40
Ibidem, p. 327.
41
Alain Brossart, « Métissage culturel, différend et disparition », Lignes, 2001/3 (n°6), pp. 28-52.

7
Nouveau Monde à la condition de les évangéliser42. Les conquistadors espagnols furent
confrontés à la résistance de la population locale qui ne voulait pas abandonner ses valeurs,
son organisation sociale, mais également, sa croyance en la cosmogonie43. Face à cette
résistance, les Espagnols légitimés par la bulle de donation usèrent d’une violence, le plus
souvent physique, pour parvenir à leur fin prosélytique44.
Au fil de leur progression dans le continent, les Espagnols prirent possession des terres
mexicaines, tout en contraignant les Indiens, qui les occupaient et qui ne se soumettaient pas,
à devenir leurs esclaves45. Les Indiens qui acceptaient la conversion échappaient à l’esclavage
et s’octroyaient le droit de travailler avec les missionnaires espagnols46. L’argument principal
consistait à considérer l’esclavage comme un châtiment légal pour corriger les comportements
contraires à l’autorité politique de la couronne espagnole et à la christianisation47. L’idéologie
chrétienne n’admettait la possibilité que d’une seule société, que d’une seule civilisation. Par
conséquent, les masses indiennes étaient donc exploitées dans la culture espagnole48.
Tous ces actes furent encore une fois justifiés a posteriori par un écrit rédigé en 1544,
par le théologien espagnol Sepulveda, le « Democrates secundus »49. Dans la lignée d’autres
penseurs espagnols, cet ouvrage mettait en avant la « théorie de la guerre juste »50, légitimant
l’usage de la force au service de la religion chrétienne. Dans ce livre se développe l’idée
d’une prétendue infériorité des Indiens, et par là, la légitimité de la conquête espagnole51. Ces
discours primaires trouvaient écho auprès de nombreux conquistadors de l’époque, peu
d’entre eux étaient éduqués, ils n’étaient que 8.6 % à savoir lire et écrire aisément52.

Pour conclure cette section, il me semble important par souci d’objectivité de souligner
que lorsque Cortès et ses hommes accostèrent au Yucatan (sud-est du Mexique), la population


42
Th. Gomez, la formation de l’Amérique hispanique (XVème – XIXème siècles), Paris, Armand Colin, 1993,
p. 121.
43
Thomas Gomez, Op. Cit., p. 18.
44
Ibidem.
45
Paulo Henriques Martins, Op. Cit., p. 328.
46
Christian Duverger cité dans « Livres », L’Autre 2003/3 (Volume 4), pp. 475-480, p. 479.
47
Thomas Gomez, Op. Cit., p. 33.
48
Robert Cresswell, « La réalité et/de la nature. A propos de « l’affaire Sokal » », L’Homme 2001/1 (n°157), pp.
175-195, p. 190.
49
J.G. de Sepulveda, Democrates segundo o de las justas causas de la guerra contra los indios, ed. A. Losada,
Madrid, Instituto Francisco de Vitoria, 1951.
50
Thomas Gomez, Op. Cit., p. 31.
51
Ibidem.
52
Aristarco Regalado Pinedo, « Le conquistador : un soldat mutilé », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés [En
ligne], 20 | 2004, mis en ligne le 23 août 2013, consulté le 16 octobre 2015. URL : http://clio.revues.org/1405 ;
DOI : 10.4000/clio.1405

8
indigène était estimée à 30 millions d’âmes53. Bien que des atrocités et des massacres aient été
perpétrés durant la conquête, il est difficilement imaginable qu’une armée de 600 hommes,
certes équipés de couleuvrines, ainsi que de 16 chevaux54, soit venue à bout de 75 % de la
population mexicaine55.
Afin d’expliquer ces nombreuses disparitions, certains chercheurs ont mis en avant la
« thèse du choc bactériologique »56. Cette raison a souvent été évoquée dans les diverses
lectures que j’ai entreprises. L’exposition à de nouveaux virus pour lesquels les populations
locales n’étaient pas immunisées semble être un des facteurs ayant accéléré la disparition de
masse des populations indigènes. Pour le Mexique, c’est le virus de la variole57 qui semble
être la principale cause de ce choc bactériologique.

2. Cadre d’analyse et mise en relief

Le contexte historique posé, je me suis mis en quête, sur la base du cours et de diverses
lectures, de concepts développés dans ce que le droit nomme depuis Nuremberg (en 1945)
« les crimes contre l’humanité »58.
Afin de faciliter la vie du lecteur, de lui rendre la consultation plus agréable, j’ai pris le
pari de développer les concepts en y intégrant les éléments factuels recueillis durant mes
investigations.

2.1. Le génocide

Le génocide est « un crime contre l’humanité tendant à la destruction totale ou partielle


d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux »59. Pour qu’un crime de génocide soit
reconnu en tant que tel, il doit reprendre les 7 éléments constitutifs60 suivants ; un crime

53
Frédéric Dorel, la thèse du « génocide indien » : guerre de position entre science et mémoire [En ligne],
https://amnis.revues.org/908 (consulté le 29/12/2015).
54
Ibidem.
55
Alain Brossat, Op. Cit., p.42.
56
Frédéric Dorel, Op. Cit.
57
Ruffié, J., Sournia, J.-C., Les Epidémies dans l’histoire de l’homme. De la Peste au Sida. Essai
d’anthropologie médicale, Paris, Champs/Flammarion, 1995, p. 177-178.
58
Fouchard Isabelle, « Chapitre I : La formation du crime contre l’humanité en droit international », in Delmas-
Marty Mireille, Fouchard Isabelle, Fronza Emanuela, Neyret Laurent, Le crime contre l'humanité, Paris, Presses
Universitaires de France « Que sais-je ? », 2009, 128 pages, p.7.
59
Larousse.fr, génocide [En ligne], http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/génocide/36589 (consulté le
26/12/2015).
60
Joël Kotek , La Shoa et les génocides au 20ème siècle. Définitions, clarifications, points de repère, 2014 –
2015, p. 3.

9
collectif qui vise un groupe61, la caractéristique « communautaire » du groupe persécuté62, un
contexte de haine raciale63, l’intention d’extermination du groupe visé64, la mise en œuvre
préméditée de la volonté génocidaire 65 , un crime d’État 66 , un processus continu et
dynamique67.
Ce crime est aussi défini dans la « convention pour la répression du crime de génocide »
68
adoptée par l’ONU en 1948. Dans son article 2, le génocide y est défini comme
« l’anéantissement physique d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux ; un crime
collectif, décidé et mis à exécution par une autorité investie d’un pouvoir politique – c’est
donc un crime d’État. Sont criminel aussi bien le génocide lui-même, que l’incitation au
génocide, la tentative de le mettre en œuvre, et la complicité dans sa réalisation. Le texte
prévoit que les gouvernements successifs doivent rechercher et juger les responsables du
génocide. Cette action de justice vise des personnes (gouvernants, fonctionnaires,
particuliers : on a écarté la responsabilité pénale des États ou gouvernements). Elle ne peut
s’éteindre, car le génocide est un crime contre l’humanité, donc imprescriptible par la
convention votée le 26 novembre 1968 »69.
Le processus génocidaire est toujours accompagné de l’idée de l’épuration ethnique70.
Dans ce concept se développe le principe nauséabond visant à transformer « les attaqués en
citoyens qui se définissent un droit de réponse »71, érigeant par là le mal en bien, pour
légitimer une attaque atroce ayant pour objectif « la sauvegarde de la race ou la pureté de la
nation »72.

Sur la base de cette description globale du terme « génocide », je peux proclamer que
sur ce point que Cortès et ses troupes ne sont normativement pas coupable du crime de
génocide. Si on se réfère aux sept éléments constitutifs du génocide, je peux affirmer ce qui
suit ; bien qu’il y ait eu une construction permettant un contexte de haine raciale à l’encontre

61
Ibidem.
62
Ibidem, p. 4.
63
Ibidem.
64
Ibidem.
65
Ibidem, p. 4-5.
66
Ibidem, p. 5.
67
Ibidem.
68
CICR, Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide [En ligne],
https://www.icrc.org/dih/INTRO/357?OpenDocument (consulté le 27/12/2015).
69
Jean-Paul Burdy, « La Turquie candidate et le génocide des arméniens : entre négation nationaliste et société
civile », Pôle Sud 2005/2 (n° 23), pp. 77-93, p. 78-79.
70
Mounir Chamoun, « Génocide et ethnocide : exterminer pour survivre », Topique 2008/1 (n°102), pp. 41-49,
p. 42.
71
Ibidem.
72
Ibidem, p. 41.

10
des indigènes dans leur ensemble et que des massacres de populations sur base ethnique ou
« convictionnelle » aient pu être perpétrés, il n’y a pas eu d’intention génocidaire dans le chef
de l’Espagne ni une réelle intention d’extermination de la part de Cortès. Pour renforcer ce
dernier point, il est important de souligner que le célèbre conquistador espagnol souhaitait
réaliser ce que l’anthropologue français Christian Duverger appelle « métissage cortésien »73,
un processus qui visait à mixer les populations coloniales et indigènes en vue de former un
tout plus homogène.

2.2. L’Ethnocide

L’ethnocide est un terme désignant l’action de destruction d’une ethnie sur le plan
culturel74. On vise ici plus particulièrement la « désintégration de la culture, du langage, des
sentiments nationaux d’un groupe ethnique par un autre plus puissant »75. On utilise aussi le
terme « d’assimilation forcée »76 lorsque l’on évoque cette pratique. Ce n’est pas forcément
une pratique de violence physique, mais un processus contraignant ayant pour objectif de
« tuer l’identité des personnes et des collectivités »77 avec pour objectif de leur faire épouser
une nouvelle identité.

Pour ce qui est de l’ethnocide, il apparaît clairement que les Espagnols ont procédé par
contrainte, le plus souvent violente comme décrit supra, à une volonté de rompre avec les
traditions, religions, et culture des Amérindiens du Mexique. La conversion forcée au
catholicisme est le meilleur exemple de cette volonté d’en finir avec la culture indienne.
L’indien dominé dut donc se plier à la nouvelle culture apportée par le colon dominant. Il y
avait bien dans le cas des Indiens du Mexique, ce que les anthropologues français Robert
Jaulin et Pierre Castres décrivent comme « la destruction d’une ethnie sur le plan culturel sans
anéantir physiquement ses membres, en se contentant d’altérer leur culture et de briser leur
organisation institutionnelle »78.


73
Ruano-Borbalan Jean-Claude, Op. Cit., p. 36-36.
74
Larousse.fr, Ethnocide (En ligne), http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ethnocide/31407 (consulté le
26/12/2015).
75
Joël Kotek, Op. Cit., p. 9.
76
RTBF.be, Excuses historiques du Canada pour l’assimilation forcée (En ligne), article mis en ligne le
12/06/2008, http://www.rtbf.be/info/monde/detail_excuses-historiques-du-canada-pour-l-assimilation-
forcee?id=5196703 (consulté le 26/12/2015)
77
Mounir Chamoun, Op. Cit., p. 46.
78
Clastres, Pierre, « Ethnocide », in Encyclopædia Universalis, Editeur : Encyclopaedia Universalis, Paris,
France 2002, vol. 8, pp. 888-90.

11
2.3. Le crime contre l’humanité

À notre époque contemporaine, cette notion apparaît pour la première fois en 1945, et
plus précisément à l’article 6c des statuts du tribunal militaire international de Nuremberg79.
Le crime contre l’humanité y est décrit comme suit ; « l’assassinat, l’extermination, la
réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes
populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs
politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu’ils aient constitué ou
non une violation du droit interne des pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite
de tout crime rentrant dans la compétence du Tribunal, ou en liaison avec ce crime »80.

L’article 6c des statuts du tribunal militaire international de Nuremberg me semble très


explicite et fait totalement écho aux crimes, qui ont été perpétrés par les troupes de Cortès aux
dépens des peuples amérindiens du Mexique. La torture, la conversion forcée, la réduction à
l’esclavage étaient des pratiques courantes utilisées à l’encontre des « indigènes » qui
rechignaient à se soumettre aux volontés des conquistadors espagnols.
De plus, d’autres exactions attribuées aux hommes de Cortès ont marqué l’histoire de
cette colonisation. J’évoquerai ici, le massacre de Cholula d’octobre 1619, au cours duquel
des milliers d’Aztèques, même non armés, furent tués froidement dans les rues de la ville sur
ordre de Cortès81. Mais aussi, le massacre du temple de Tenochtitlan (actuel Mexico city) où
les soldats espagnols profitèrent de la fête religieuse de Toxcatl pour procéder au massacre de
huit à dix miles aztèques82. Ces deux massacres pourraient à ce jour être qualifiés de crimes
de guerre83.


79
Association des Anciens Amateurs de Récits de Guerre et d'Holocauste (Aaargh), Procès des grands criminels
de guerre devant le Tribunal Militaire International, Nuremberg [En ligne], Texte officiel en langue française,
1947, p. 152. URL : http://www.vho.org/aaargh/fran/livres3/jugement.pdf (consulté le 26/12/15)
80
Ibidem.
81
Christopher Minster, The Cholula Massacre – Cortes sent a message to Montezuma [En ligne],
http://latinamericanhistory.about.com/od/theconquestofmexico/fl/The-Cholula-Massacre.htm (consulté le
29/12/2015).
82
New World Encyclopedia, Battle of Tenochtitlan [En ligne],
http://www.newworldencyclopedia.org/entry/Battle_of_Tenochtitlan (consulté le 29/12/2015).
83
CICR, statut de Rome de la cour pénale internationale, 17 juillet 1998, crime de guerre, article 8 (En ligne),
https://www.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/Article.xsp?action=openDocument&documentId=67489368A3CF99A74
1256696003B85FB (consulté le 29/12/2015).

12
Conclusion

Lorsque l’on parle de crimes, d’atrocités, de violences en temps de guerre, nous nous
trouvons toujours dans l’émotion. Bien souvent, ces termes sont clivants et laissent de part et
d’autre du mur, d’une part, les auteurs cherchant souvent à se dédouaner ou à justifier leurs
actes, et d’autre part, les victimes avides de reconnaissance et de justice. Lorsque nous
sommes dans l’émotion, il est de notre devoir dans le cadre de la recherche de prendre le recul
nécessaire pour ne pas nous laisser « infecter » par certaines lectures paraissant trop engagées
d’un côté ou de l’autre de ce mur. Il est donc primordial d’accorder l’importance qu’elle
mérite à la sémantique, à la signification et l’emploi juste des mots, afin de ne pas tomber
dans la dramaturgie ou l’omission.

L’usage de l’expression « génocide indien » est souvent évoqué lorsque l’on s’intéresse
à l’époque coloniale du Nouveau Monde. Ce terme fort a une portée symbolique puissante, il
est important qu’il le reste parce que le crime génocidaire est un fait exceptionnel. Il vise la
destruction physique totale d’une ethnie, d’un peuple, par là, son caractère normatif strict
contribue à garantir le devoir de mémoire de l’humanité. Le vocable génocide n’est donc en
aucun cas une appellation à brader ou à employer au hasard des émotions.

Ce qui est erronément appelé « génocide indien » devrait plutôt se muer en « ethnocide
indien ». Au vu des rapports historiques provenant d’auteurs ayant étudié la question de la
colonisation du Nouveau Monde, et plus particulièrement dans le cas qui nous occupe du
Mexique. On ne peut pas nier que les Espagnols, par le biais de la mise en place d’une
politique de conversion agressive au catholicisme, ont procédé à la destruction des différences
culturelles des Amérindiens mexicains. Le sort malheureux réservé aux autochtones
mexicains n’était donc pas le fruit d’une politique génocidaire « bien pensée », mais plutôt, le
résultat d’une politique économique de conquête agressive menée par l’Espagne avec la
bénédiction et le soutien de l’Église catholique romaine.

Pour répondre à ma question de recherche, Hernan Cortès peut être qualifié de criminel
de guerre, mais il ne peut en aucun cas se voir attribuer le titre peu enviable de génocidaire.

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