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Audit social, liberté syndicale

et droit de négociation collective


Les nombreuses méthodes élaborées par des agences de notation
sociale pour évaluer le respect par les entreprises des droits fonda-
mentaux des travailleurs ont un impact limité. L’ironie veut que le
groupe étant le plus apte à contrôler les pratiques sur le lieu de travail
est précisément celui que ces normes visent à protéger: il s’agit des
travailleurs et de leurs syndicats.

Philip Hunter
Michael Urminsky
Programme des activités des entreprises multinationales
BIT

A u cours de la dernière décennie,


l’audit social a joué un rôle important
en matière de contrôle des normes du tra-
culture (SASA), celle reprise dans l’audit
Reebok de Insan Hitawasana Sejahtera
(IHS) 1999, ainsi que dans les activités en
vail et environnementales. Il s’est rapide- matière d’audit du Congrès des syndicats
ment accru au cours de ces dernières an- des Philippines (Trade Union Congress of
nées, donnant naissance à une véritable in- the Philippines, TUCP) et du projet Cam-
dustrie d’agences de consultants, associant bodge de l’Organisation internationale du
parfois des syndicats et des organisations Travail (OIT).
non gouvernementales (ONG), notam- L’accent sera mis sur les efforts dé-
ment dans les secteurs de la sylviculture, ployés dans le cadre de ces initiatives
l’agriculture, la chaussure ou le textile. Les d’audit social afin de vérifier si la liberté
pressions exercées par les syndicats et les syndicale et le droit de négociation collec-
ONG menant des campagnes de dénon- tive sont réellement respectés. Le présent
ciation conjuguées à l’attention accrue des document tentera de répondre à la ques-
médias et à une sensibilisation de l’opinion tion suivante: étant donné les méthodes
publique aux conditions dans lesquelles le d’audit actuelles, est-il possible de con-
travail est effectué ont incité certaines en- trôler efficacement la conformité d’un dis-
treprises à se soumettre à l’audit. La crédi- positif de production avec la liberté syndi-
bilité de tels audits est aujourd’hui au cen- cale? Nous tenterons de démontrer que les
tre des débats sur la responsabilité sociale méthodes d’audit ne correspondent plus
des entreprises. aux droits et aux libertés actuels et qu’une
De récentes recherches ont commencé à amélioration significative ainsi qu’une re-
analyser les méthodologies d’audit et leur conceptualisation sont nécessaires afin de
efficacité 1. Le présent document propose proposer un niveau suffisant en matière
une analyse des méthodologies en matière de fiabilité.
d’audit et de sa portée au niveau de la li- Il convient cependant d’avoir à l’esprit
berté syndicale et du droit de négociation les trois points suivants: d’abord, l’audit
collective. Six approches seront examinées: social est très dynamique et rapide; à la
celle retenue par la Fair Labour Associa- rédaction du présent article, nous étions
tion (FLA), celle du label Social Accounta- constamment sommés de maintenir le
bility International (SAI), celle utilisée par suivi des activités nouvelles et diverses
Social Accountability in Sustainable Agri- provenant des organisations mentionnées

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plus haut. Ensuite, de nombreuses organi- de vérificateurs. L’audit social ne s’appuie
sations gardent confidentielles les métho- pas sur un contrôle permanent même si les
dologies et, malgré l’accès que nous avions procédures de suivi sont courantes.
à certaines d’entre elles, nous nous sommes L’inspection sur le lieu de travail s’ap-
volontairement abstenus d’y avoir recours. puie sur une inspection directe des sites
On pourrait nous rétorquer que cela a con- et s’accompagne d’éventuelles discussions
duit à traiter de manière injuste certaines informelles avec les travailleurs et les ca-
approches d’audit social. Celles que nous dres dirigeants; elle peut se prolonger de
avons examinées ont toutefois fait publi- quelques heures à quelques jours; d’autre
quement état de l’attention qu’elles por- part, certaines inspections sont annoncées,
taient à la conformité des entreprises avec d’autres ne le sont pas. L’aptitude du véri-
la liberté syndicale et le droit de négocia- ficateur à faire preuve de perspicacité dans
tion collective. Nous ne pensons pas qu’il l’observation et le jugement portant sur les
soit inopportun de procéder uniquement conditions du site constitue l’élément es-
à l’évaluation de ces méthodes publiques sentiel de l’inspection.
puisqu’elles ont pour objet de convaincre Enfin, le contrôle s’appuie sur une sur-
qu’elles sont dignes de confiance aux yeux veillance suivie et régulière d’un dispositif
du public. Enfin, la liberté syndicale et le mis en place par une ou plusieurs person-
droit de négociation collective constituent nes. La caractéristique essentielle du con-
de vastes sujets, de sorte que le traitement trôle réside dans un engagement et une
de l’ensemble des normes dans le présent présence permanents sur le lieu de tra-
article est impossible. vail. Contrairement à l’audit, le contrôle
Nous avons cherché à extraire les élé- propose un point de vue plus approfondi
ments des différentes méthodologies pro- et plus pertinent à long terme sur le lieu
posées par les initiatives ainsi qu’à signaler de travail 2. Il requiert également la pré-
les problèmes et les domaines qui nécessi- sence permanente et l’engagement absolu
tent une nouvelle orientation. des vérificateurs. Le présent article traitera
surtout de l’audit.

Audit, contrôle et inspection


Audit social
L’audit, l’inspection et le contrôle sont trois
termes interchangeables relatifs aux prati- Comme nous l’avons déjà mentionné plus
ques d’évaluation afin de vérifier si l’entre- haut, l’efficacité de l’audit social s’appuie
prise est en conformité avec un ensemble sur trois composantes qui sont liées entre
de normes. Toutefois, ces méthodes cons- elles, à savoir l’examen de la documenta-
tituent trois éléments distincts de l’évalua- tion, l’inspection sur le lieu de travail, les
tion et fournissent dès lors un cadre utile interviews menées avec les travailleurs, les
pour l’analyse lors de l’audit des normes. cadres dirigeants et les parties prenantes.
L’entreprise est soumise à l’audit so- Malgré une grande diversité au niveau de
cial afin d’évaluer les conditions de tra- ces initiatives, toutes convergent vers ces
vail dans une installation ou une chaîne composantes, à l’exception de la liste de
de production. Contrairement à l’inspec- contrôle utilisée par le projet Cambodge
tion, sa durée peut s’échelonner de quel- et par le TUCP qui ne proposent aucune
ques heures à quelques jours et procède en orientation sur la méthodologie et qui sou-
plusieurs étapes qui sont en théorie étroi- mettent simplement une liste de questions.
tement liées. L’examen de la documenta- Nous allons reprendre chacune des com-
tion, l’inspection sur le lieu de travail et la posantes de l’audit social pour tenter d’ap-
conduite d’entretiens avec les cadres diri- préhender la manière dont elles examinent
geants constituent les composantes prin- ou pourraient mieux étudier la question de
cipales de l’audit social et sont en général la liberté syndicale et du droit de négocia-
exécutés par un vérificateur ou un groupe tion collective.

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Examen de la documentation Report qui omettent de fixer des orienta-
tions. Ce dernier déclare, par exemple, que
L’examen de la documentation est une dans son projet «Méthodologie» est inclus
composante essentielle de l’audit social. «l’examen indépendant de la documenta-
On y a recours afin de contrôler les élé- tion écrite émanant des industries, y com-
ments relatifs à toutes les normes du tra- pris les contrats, les délais de paiement, le
vail, notamment celles qui concernent règlement du personnel et les procédures
l’audit des salaires et des heures de tra- de sécurité» 3. Aucune indication n’est don-
vail. L’examen de la documentation ne née afin de déterminer dans quelle mesure
s’avère pas particulièrement efficace en l’application de ces documents a été réel-
matière de liberté syndicale. Tel qu’il est lement respectée.
prévu par quelques-unes de ces initiatives, La FLA, quant à elle, évoque, lors de
y compris la FLA, le SAI, IHS et SASA Pilot l’examen de la documentation, les ques-
Audit Template, l’examen ne fournit pas tions relatives à la méthodologie à propos
les informations nécessaires confirmant de la liberté syndicale. Elle demande à ses
l’existence de la liberté syndicale, notam- vérificateurs de contrôler les indications
ment parce qu’il est rarement soutenu par concernant la discrimination antisyndicale
les orientations indispensables en matière dans les registres d’emploi et les dossiers
de méthodologie. D’autre part, le projet personnels; elle demande de comparer les
Cambodge de l’OIT et la liste de contrôle documents afin de noter si les employés
pour vérifier les ateliers élaborée par le ont subi un traitement identique lors «d’in-
TUCP n’indiquent pas explicitement le fractions similaires sur le lieu de travail».
recours à l’examen de la documentation. Dans les cas où il y a effectivement discri-
Seule la FLA propose des orientations con- mination, un dossier prouvant que certains
cernant l’examen de la documentation en travailleurs «ont subi un traitement diffé-
matière de liberté syndicale et de droit de rent pour les mêmes infractions» tente de
négociation collective. démontrer que des travailleurs ont pu être
Parmi les documents examinés par les licenciés pour des raisons de discrimina-
vérificateurs, les accords de politique in- tion antisyndicale. Si tel est le cas, les vé-
dustrielle et de négociation collective sont rificateurs sont tenus «d’établir un dossier
mentionnés par toutes les initiatives, alors clair et précis relatif aux méthodes appli-
que la FLA y ajoute les dossiers person- quées par l’employeur à l’encontre des tra-
nels et les registres d’emploi. L’initiative vailleurs afin de comparer ce qui est dit et
SASA met l’accent sur les listes d’adhésion ce qui est écrit» 4.
syndicale et sur les procès-verbaux des ré- La FLA est la seule initiative examinée
centes réunions syndicales; elle mentionne qui traite spécifiquement la discrimination
également les activités de formation. Tou- antisyndicale, mais sa portée reste encore
tefois, il n’existe aucune instruction sur ce limitée. Elle met l’accent sur la discrimi-
que les vérificateurs sont censés rechercher nation antisyndicale et traite les licencie-
dans les documents qu’ils examinent. En ments ainsi que l’action disciplinaire, alors
outre, il n’existe aucune indication sur ce que les principes de l’OIT relatifs à la li-
qui doit être contrôlé en matière de liberté berté syndicale interdisent formellement
syndicale et les vérificateurs ne disposent «les actes de discrimination antisyndicale»
généralement pas d’une définition claire à tous les niveaux de la relation profession-
et précise de la norme. Alors que l’ini- nelle, à savoir les possibilités de formation,
tiative SASA fournit la plus longue liste la promotion, le transfert, l’embauche et les
des documents à examiner, elle n’apporte conditions de travail. La discrimination an-
aucun soutien ni sous la forme de guide tisyndicale est un aspect difficile à vérifier
au niveau de la méthodologie, ni sous la et les initiatives qui ont le mérite de s’y être
forme de méthodes d’analyse. La FLA se employées devraient être reconnues. Tou-
révèle en l’occurrence être plus efficace, tefois, il est évident qu’un vérificateur ob-
contrairement au SAI et au Peduli Hak tiendra plus probablement des preuves de

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discrimination lors d’interviews conduites Il conviendrait cependant de vérifier si les
avec les travailleurs ou les parties prenan- conditions existent pour que les représen-
tes. C’est alors à l’employeur qu’il revien- tants syndicaux puissent mener à bien leur
dra de prouver le contraire. travail de manière rapide et efficace.
Au cours des méthodes d’inspection,
de nombreux autres problèmes d’ordre
Inspection sur le lieu de travail conceptuel émergent suite aux orienta-
tions et aux recommandations proposées
L’inspection sur le lieu de travail est un as- par diverses initiatives. Dans son rapport
pect important de l’audit social. Elle four- d’audit, l’initiative IHS, par exemple, éta-
nit aux vérificateurs l’occasion d’avoir une blit un rapport sur le recours aux «experts
vue d’ensemble des installations de pro- en relations professionnelles» lors de l’ins-
duction et leur donne la possibilité d’ob- pection sur le lieu de travail mais ne four-
server dans quelles conditions et dans quel nit aucune information à ce sujet, omettant
environnement elles se déroulent, élément de nous communiquer ce que sont censés
capital dans le cadre des normes relatives faire ces «experts» et sous quels critères ils
à la santé et la sécurité des travailleurs. sont désignés. La FLA demande à ses vé-
Contrairement à l’examen de la documen- rificateurs «d’observer tout règlement af-
tation, les inspections sur le lieu de travail fiché qui limiterait de manière excessive la
visent rarement à vérifier si la liberté syn- possibilité pour les travailleurs de commu-
dicale est réellement respectée. L’objectif niquer librement entre eux»6. Il ne leur est
majeur consiste à constater l’existence de toutefois pas demandé d’observer un mo-
salles réservées aux réunions entre les syn- dèle précis de moyens de communication
dicats et la direction, d’un emplacement mis en place par les travailleurs, de même
pour les annonces et les documents du syn- qu’ils n’ont aucunes instructions spécifi-
dicat. Seule la FLA donne des indications ques relatives aux indicateurs éventuels de
sur ces points, mais cette information ne restrictions qu’ils sont supposés détecter.
reflète que partiellement le principe de la Les termes «limiter de manière excessive»
liberté syndicale. ne sont pas définis et laissent le libre ar-
Nombreuses sont les questions que les bitre aux vérificateurs d’en évaluer l’éten-
vérificateurs doivent traiter lors des ins- due. L’utilisation de tels termes soulève de
pections. Leur durée est importante et le nouveaux problèmes, étant donné qu’ils se
fait de savoir s’ils ont accès ou non aux ins- prêtent à des interprétations très larges par
tallations est crucial. En ce qui concerne la différents vérificateurs. La normalisation
liberté syndicale, l’existence de documents de tels jugements subjectifs est compli-
syndicaux est tout aussi importante, l’affi- quée, voire impossible, mais des mécanis-
chage d’annonces de réunions syndicales mes destinés à assurer une cohérence dans
par exemple et la disponibilité de salles de l’interprétation des normes sont nécessai-
réunions est également très significative. res. De tels mécanismes pourraient judi-
Ces droits sont repris dans les principes cieusement être mis en place dans le cadre
de l’OIT relatifs à la liberté syndicale et à des initiatives d’audit social. Les réunions
la négociation collective. Le projet Cam- «de calibrage» pour les vérificateurs qu’or-
bodge demande ainsi de vérifier si les ganise le SAI pourraient servir d’exemple.
employeurs ont «fourni au délégué syn- Enfin, pour certains programmes, les vé-
dical le bureau, la salle de réunion, l’équi- rificateurs sont priés d’observer les espa-
pement de travail et l’emplacement prévu ces disponibles pour les réunions entre les
pour l’affichage»5. Ces conditions requises travailleurs et la direction et de vérifier si
semblent aller au-delà des dispositions les travailleurs utilisent ces réunions pour
des normes sur la liberté syndicale et sur faire part de leurs griefs. Il convient de
le droit de négociation collective quant à noter les points suivants: les discussions
la nature précise des moyens mis à la dis- avec les représentants des travailleurs ne
position des représentants des travailleurs. sont pas mentionnées et l’existence d’une

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salle de réunion ne signifie pas que les réu- des conventions collectives et leur fournir
nions ont effectivement lieu et n’indique des détails sur la nature et le dénouement
ni la fréquence ni la manière dont elles se de leurs récents conflits au sein du travail.
déroulent. Dans le système du SAI, les vérificateurs
Le recours à l’inspection sur le lieu de sont invités à consulter les ONG en matière
travail en tant que méthode pour conduire de négociation collective et de harcèlement
l’audit en faveur de la liberté syndicale et à l’encontre des syndicats. Le SAI ne leur
du droit de négociation collective n’a évi- fournit aucune indication sur la finalité de
demment qu’un impact limité. Il n’offre au ces interviews et ne donne aucun détail re-
vérificateur qu’une possibilité restreinte de latif à la manière dont elles sont menées,
contrôler si deux éléments spécifiques sont dont les réponses sont traitées, pas plus
respectés, à savoir les moyens mis à la dis- que n’est remise en question l’information
position des représentants des travailleurs provenant de l’ONG; la FLA et le SAI ne
et l’affichage des annonces syndicales. s’informent ni l’un ni l’autre sur la compé-
tence de ces organisations. Sont-elles bien
informées sur les normes du travail et sur
Interviews la liberté syndicale? Quelle est leur posi-
tion vis-à-vis des syndicats locaux? Pour la
La conduite d’interviews constitue proba- poursuite de l’audit, ces questions revêtent
blement l’aspect essentiel de l’audit social. une importance capitale. Recoupées, ces in-
Elles consistent à mener des discussions formations recueillies auprès des ONG et
avec les différentes parties et fournissent des syndicats sont très utiles mais placent
au vérificateur la possibilité de communi- le vérificateur dans une situation délicate
quer avec les travailleurs. Elles représen- puisqu’il endosse le rôle de modérateur
tent la source la plus directe d’informa- entre les parties et non plus celui de sim-
tions et, lorsqu’elles sont exploitées à bon ple observateur des faits.
escient, elles donnent une vue d’ensem-
ble détaillée et fiable sur les conditions Interviews avec les cadres dirigeants. Ces
de travail dans l’installation de produc- interviews donnent au vérificateur la pos-
tion. Il n’est donc pas surprenant qu’elles sibilité d’approfondir les questions relati-
constituent la partie la plus développée de ves à la liberté syndicale et à la négociation
l’audit. En ce qui concerne la liberté syn- collective avec les cadres dirigeants. Tou-
dicale, les interviews menées ont tendance tefois, seul la FLA conduit les interviews
à cibler les travailleurs et leurs représen- avec les cadres dirigeants.
tants. La FLA a toutefois intégré une com- La nature des conventions collectives
posante concernant les interviews au ni- est un aspect de la négociation qu’il con-
veau des cadres dirigeants et propose des vient de souligner lors des interviews avec
orientations sur la manière dont il faut les les cadres dirigeants. Le vérificateur est in-
conduire. Il a également prévu des inter- vité à passer en revue, avec les dirigeants,
views avec les communautés locales et les les dispositions des conventions collec-
ONG. tives. Toutefois, les directives proposées
pour cet examen se réfèrent uniquement
Les communautés locales et les ONG. Les aux procédures de plaintes et à la manière
représentants des communautés locales dont les représentants des travailleurs peu-
sont interviewés en premier lieu afin de réu- vent exprimer leurs préoccupations à la di-
nir l’information extérieure. La FLA estime rection. La FLA demande également des
qu’ils sont en mesure de fournir aux vérifi- informations relatives aux critères de for-
cateurs des «informations utiles» relatives mation pour les cadres dirigeants en ma-
aux positions syndicales et à l’«approche» tière de discrimination et de liberté syndi-
du gouvernement local à l’égard de l’acti- cale et à l’existence d’ingérence de la di-
vité syndicale. Ils peuvent également iden- rection dans les activités syndicales. Bien
tifier les entreprises ayant des syndicats et que leur impact soit limité sur le fond, ces

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questions constituent une évolution ex- formulant des questions informelles et en
trêmement importante, étant donné que sélectionnant les travailleurs auxquels les
pour d’autres initiatives il n’a pas encore vérificateurs devraient s’adresser. Ils sont
été jugé nécessaire de les insérer. Le projet invités à interviewer les «responsables du
Cambodge de l’OIT et l’initiative du TUCP syndicat le plus représentatif» ainsi que les
sont très instructifs sur ces questions mais «représentants de toutes les autres orga-
ils ne font aucune référence spécifique aux nisations syndicales qui ont des membres
interviews avec les cadres dirigeants. dans l’entreprise» 8. Il leur est également
conseillé de conduire des interviews «extra
Interviews avec les travailleurs. La théma- muros» et de façon «informelle» au cas où
tique des interviews se veut méthodique. le syndicat ne serait pas reconnu ou si un
Les questions essentielles couvrent divers accord collectif n’existait pas.
aspects relatifs à la liberté syndicale et en- L’interview se heurte à de nombreux
globent la discrimination antisyndicale, problèmes d’ordre méthodologique qui
l’action disciplinaire et l’ingérence des ca- ne sont que rarement traités par les initia-
dres dirigeants dans les activités syndica- tives d’audit. Si ces questions restent sans
les. La FLA met également l’accent sur les réponse, les preuves accumulées grâce aux
procédures de plainte tandis que le SAI sou- interviews resteront inutiles et n’influeront
ligne le problème des salles de réunions. pas de manière efficace sur les conditions
En outre, il demande à ses vérificateurs de sur le lieu de travail. Comment, par exem-
s’informer sur les réunions de comité des ple, les vérificateurs peuvent-ils gagner la
travailleurs ainsi que sur les récentes élec- confiance des travailleurs au cours de l’in-
tions syndicales dans les cas où l’entreprise terview? Il s’agit là d’une question essen-
limite la liberté syndicale. L’initiative SASA tielle qui touche le fond du problème de
partage les mêmes préoccupations et sem- l’audit social. Une interview menée entre
ble adopter toutes les recommandations du deux personnes étrangères l’une à l’autre
SAI 7. L’initiative IHS se démarque à ce ni- qui ne dure qu’un court moment et menée
veau et peut constituer un problème pour par une personne souvent au service de la
les syndicats. Elle confirme, en effet, que gestion de l’entreprise ne favorise pas la
des interviews «structurées» ont été con- confiance des travailleurs. Dès le départ,
duites et qu’elles ont fait office d’«enquête l’information qu’il/elle donne est faussée.
formelle auprès des travailleurs». Seule-
ment, cet examen n’a pas grand-chose à
voir avec la liberté syndicale et semble da- L’audit relatif à la liberté syndicale
vantage guidé par la volonté de réunir des en situation délicate
informations sur les activités syndicales. Il
s’enquiert de l’appartenance des membres Nous avons donc abordé de manière re-
ainsi que des bénéfices générés par l’adhé- lativement détaillée la manière de procé-
sion syndicale, de la fréquence des réunions der des vérificateurs afin de recueillir des
et des dates auxquelles elles se déroulent. informations relatives à la liberté syndi-
L’examen traite cependant les questions de cale. Toutefois, un aspect important a été
discrimination et cherche à savoir si l’affi- omis, parce qu’il ne correspond pas véri-
liation syndicale est sujette à autorisation tablement au cadre conceptuel de l’audit:
par l’employeur ou si elle est susceptible comment les vérificateurs accomplissent-
d’affecter la promotion. ils leur tâche dans les pays – notamment la
En ce qui concerne la question relative à Chine – où la liberté syndicale et de négo-
la méthodologie, la FLA est la seule initia- ciation collective n’est pas autorisée?
tive à proposer des directives sur la liberté Dans les pays où la liberté syndicale
syndicale à ses vérificateurs lors des inter- n’existe pas et où il est impossible pour
views conduites avec les travailleurs. Les les travailleurs de jouir d’une liberté d’ac-
commentaires concernent la manière dont tion, quelques organisations recomman-
les interviews devraient être menées, en dent aux entreprises de mettre en place

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des moyens parallèles de liberté syndi- diverses initiatives d’audit social. Force est
cale et de négociation collective. Les véri- de constater l’ampleur et la complexité des
ficateurs sont dès lors priés de prendre en normes de l’OIT relatives à la liberté syn-
considération ces moyens existants au sein dicale et à la négociation collective. Malgré
de l’entreprise. Le SAI suggère, par exem- les progrès réalisés par les diverses initiati-
ple, que la sélection d’un «représentant des ves pour examiner le respect de ces droits,
travailleurs pour la responsabilité sociale elles ne parviennent pas encore à appré-
constituerait un moyen pour la direction hender toute la gamme de questions qu’il
de favoriser une représentation indépen- suscite. Il convient de rendre hommage
dante des travailleurs»9. De telles dispo- aux initiatives mentionnées qui reconnais-
sitions s’écartent toutefois des normes in- sent leurs lacunes en la matière mais qui
ternationales du travail puisque celles-ci continuent néanmoins à développer leur
s’adressent aux gouvernements et non aux méthodologie. Le présent article n’a pas
entreprises. la prétention d’être exhaustif. Il souhaite
Dans ces cas précis, cela ne signifie par apporter des élément pour ouvrir le débat,
pour autant qu’il n’existe aucun moyen aider les syndicalistes à mesurer les enjeux
de soumettre l’entreprise à l’audit en ma- de l’évolution de l’audit social et démon-
tière de respect de la liberté syndicale et trer aux vérificateurs l’importance d’ap-
du droit de négociation collective. Certains préhender de manière précise les droits
suggèrent que les vérificateurs examinent syndicaux dont ils sont censés surveiller
de plus près les réseaux de communica- le respect. Nombreuses sont les proposi-
tion existants entre les cadres dirigeants tions susceptibles de faire évoluer la situa-
et les travailleurs, tels que les comités di- tion tels que des mécanismes pour «contrô-
rigeants-travailleurs en matière de santé et ler les contrôleurs» (éventuellement dans
de sécurité par exemple au sein de l’entre- le cadre de l’OIT), l’instauration de critè-
prise. D’autres pensent que, étant donné res de connaissance des normes du travail
que les cadres dirigeants constituent le pour les vérificateurs, notamment les nor-
groupe organisateur des réunions et de mes internationales du travail, une consul-
dialogue, il est peu probable que les con- tation plus systématique des organisations
ditions soient requises pour instaurer un syndicales et, de la part de ces derniers,
véritable dialogue volontaire. D’autres en- un engagement plus résolu à propos des
core estiment que, pour étudier les actions pratiques de l’audit social. Toutefois, une
de l’entreprise, il conviendrait d’analyser question plus fondamentale doit encore
leur manière d’appréhender la liberté syn- être débattue.
dicale dans le pays. Par exemple, les en- Le présent document a analysé trois
treprises recherchent-elles activement des termes – l’audit, l’inspection et le con-
changements juridiques? Se sont-elles join- trôle – qui peuvent parfois être interchan-
tes à d’autres pour prôner de tels change- geables par les observateurs et les oppo-
ments? Ont-elles fait des déclarations pu- sants de l’audit social. Il décrit les prati-
bliques à ce sujet? De telles démarches re- ques de l’audit observées ou non par les
fléteraient davantage leur souci de liberté initiatives. Toutefois, étant donné la com-
syndicale que l’instauration de dialogues plexité de la notion de liberté syndicale et
et de comités contrôlés par les dirigeants. du droit de négociation collective, ne con-
vient-il pas de nous poser la question de
savoir si l’une des autres méthodes exis-
Conclusion tantes n’est pas mieux conçue pour traiter
de la conformité et du respect de la liberté
La liberté syndicale et le droit de négocia- syndicale et du droit de négociation collec-
tion collective sont les points les plus sen- tive? L’inspection, évoquée dans le présent
sibles et les plus controversés de l’audit so- document, s’est malheureusement avérée
cial. Le présent document a tenté d’analy- d’une portée limitée au regard des droits
ser la place qu’accordent à ces droits les en vigueur. Le contrôle est, par contre, un

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aspect que nous n’avons pas traité. Lors de Civil Society 2002, The Centre for the Study of Global
l’examen, nous nous y sommes référés en Governance: octobre 2002. Centre international de
tant que mise en place d’un dispositif de politique économique: «Report: Social Audits and the
Banana Industry in Costa Rica», septembre 1999.
«surveillance permanente et régulière par 2
L’audit social et les systèmes d’accréditation
une ou plusieurs personnes». Un dernier et de certification procèdent parfois à un suivi des
point à souligner: l’ironie veut que l’orga- inspections et, dans le cas du SAI, à des «visites de
nisation et le groupe de personnes compé- surveillance». Bien que ces systèmes mis en place
tentes dans ce domaine, c’est-à-dire le syn- visent à contrôler si les actions rectificatives sont
dicat et les travailleurs eux-mêmes, soient appliquées, il ne faut pas confondre cette activité
avec le contrôle tel qu’il est mentionné dans le
aussi ceux que nous tentons de protéger présent document.
par le biais des activités de l’audit social! 3
Insan Hitawasana Sejahtera: «Peduli Hak: Ca-
ring for Rights», octobre 1999.
4
Fair Labour Association: «Monitoring Gui-
Notes dance», p. 30.
5
OIT: «Liste de contrôle finale».
1 6
Voir Jem Bendell: «Towards Participatory Work- Fair Labour Association: «Monitoring Gui-
place Appraisal: Report from a Focus Group of Women dance», p. 33.
Banana Workers», Nouvelle académie de l’activité 7
SASA: «Joint Pilot Audit Template», p. 19.
économique: septembre 2001. Marina Prieto et Jem 8
Bendell: «If You Want to Help Us Then Start Liste- FLA: «Monitoring Guidance», p. 15. Afin de
ning to Us! – From Factories and Plantations in Cen- s’assurer du bon déroulement, le SAI propose de
tral America, Women Speak out about Corporate dialoguer avec les représentants syndicaux et les
Responsibility», Nouvelle académie de l’activité dirigeants, mais tend à privilégier le témoignage des
économique: décembre 2002. Melanie Beth Oliviero travailleurs. Il demande également de conduire des
et Adele Simmons: «Who’s Minding the Store? Global interviews avec les anciens travailleurs.
9
Civil Society and Corporate Responsibility», Global SAI: «Guidance 1999», p. 24.

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