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Samuel Gras
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feuillets du texte des Matines des Heures de la f amille royale espagnole au début du xixe siècle
Vierge (f. 26r-v) mais, si elles font sens, elles sont d’après l’ex-libris des princes d’Espagne collé sous
pour l’heure indéchiffrables2. D’après une note en la note manuscrite et par les deux sceaux tamponnés
français du xviiie siècle, rédigée sur papier et collée au verso du premier feuillet4. Le manuscrit fut pro-
sur le contreplat supérieur, le manuscrit était en pos- bablement acquis durant l’assignation à résidence
session de M. de Jullienne (1686-1766) jusqu’à une des princes d’Espagne, de 1808 à 1814, au château
vente datée par l’auteur de 17273. Le livre d’heures de Valençay (Berry), de nombreux achats ayant été
est de façon certaine dans les collections de la effectués à cette époque5.
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a telier8. À titre d’exemple, la demi-fleur de lis dans la lement à l’esthétique en vigueur dans l’entourage du
bordure du Couronnement de la Vierge (f. 63) se re- peintre. Nous l’avons vu, les fêtes sont encadrées sur
trouve dans plusieurs manuscrits enluminés par le les quatre côtés (recto) et dans la marge gouttière (ver-
peintre, à l’image de celles visibles dans les marges de so) par des saynètes reliées entre-elles par une struc-
la miniature découpée d’un graduel et aujourd’hui ture architecturale à petites niches [fig. 1]. Ce disposi-
conservée au Louvre9. Le fond or tapissé de nerveuses tif s’observe dans le calendrier d’un Livre d’heures à
acanthes à deux couleurs et de plantes est un type de l’usage de Sarum, aujourd’hui conservé à New York,
décoration, là-encore, fort apprécié dans l’atelier du peint dans l’atelier du Maître de Jacques de Besançon
Maître de Jacques de Besançon (François le Barbier (François le Barbier fils ?)10. Le choix d’une bordure
fils ?). L’influence de ce dernier ne se limite pas à l’or- spécifique pour la miniature de l’Annonciation
nementation des feuillets ; la mise en page originale (f. 24v) renforce encore les liens aperçus ici avec le
développée sur les feuillets du calendrier répond éga- milieu parisien des Barbier. En effet, l’utilisation de
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Jean Pichore viève (La Haye, f. 43, 110v, 194v, 196, 203v et 204v)
Plusieurs miniatures font supposer la présence d’un montrent une proximité iconographique et parfois
autre peintre destiné à mener une brillante carrière stylistique avec les Heures du Palacio Real (f. 22v, 63,
au début du xvie siècle. En effet, certaines mises en 114, 115, 118r-v). Les deux miniatures du Couronne-
page du Livre d’heures à l’usage de Paris se retrouvent ment de la Vierge (La Haye, f. 110v et Palacio Real,
dans le travail de Jean Pichore 19. Des parallèles f. 63) sont représentées selon un modèle commun où
peuvent notamment s’établir avec un Livre d’heures la Vierge agenouillée devant Dieu, assis sur un trône, la
à l’usage de Rome enluminé à Paris, durant les années bénit. Elle est couronnée par un ange devant une as-
1490, dans l’entourage de ce peintre20. Les suffrages semblée de chérubins [fig. 7 et 8]. L’utilisation de ces
reprennent la formule d’une miniature carrée où le mises en page dans l’atelier du peintre parisien est
saint est vu à mi-corps. Les enluminures de l’Annon- surprenante mais indéniable et ne peut s’expliquer
ciation, du Couronnement de la Vierge, de la Trinité, que par une étroite relation entre les enlumineurs
de saint Jean Baptiste et des saintes Barbe et Gene- ayant réalisé ces deux manuscrits.
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1 Je remercie vivement M. François Avril d’avoir échangé ses im- eut lieu le 30 mars 1767 ; voir Pierre Remy et Claude-François
pressions sur ce manuscrit. Ses remarques enrichissent consi- Julliot, Catalogue raisonné des tableaux, desseins & estampes, et
dérablement cet article. Pour une notice codicologique du ma- autres effets curieux, après le décès de M. de Jullienne, Écuyer,
nuscrit, voir Catálogo de la Real Biblioteca. Tomo IX. Chevalier de Saint-Michel, Paris : Vente, 1767 (aucun manuscrit
Manuscritos, vol. II, Madrid : Patrimonio Nacional, 1996, n’est référencé dans le catalogue de vente).
p. 423‑427. Disponible en ligne sur le site de la Real Biblioteca 4 Ex-libris « De LL. AA. RR. Les Princes d’Espagne » sous les armoi
<http://realbiblioteca.patrimonionacional.es/cgi-bin/koha/opac- ries royales. On peut également lire, tamponnés dans la marge gou-
main.pl>, taper II/2101 dans l’onglet de recherche. Ce manuscrit ttière du feuillet 1v, un premier sceau avec les initiales « F. C. A. »
fait également partie d’une étude à paraître de Josefina Planas entourées de l’inscription « Propriété des trois » sous une
et Javier Docampo, Horae : libros de horas en bibliotecas espa- couronne royale et un second sceau, « P.F.C. » entouré du tirso et
ñolas, Madrid : Orbis Medievalis, 2016, sous presse. de la palme, faisant référence à Fernando, Carlos (María Isidro)
2 On peut lire sur les entrelacs du premier phylactère « IVRA », et (Francisco de Paula) Antonio de Bourbon. Sur la lecture des
« PSN » et « GV » et, sur le second, « VATN », « SLP », « I », « A » sceaux de la couronne, voir Antonio L. Bouza, El ex-libris, tratado
et « V ». Je remercie vivement Mme Patricia Stirnemann d’avoir general. Su historia en la corona española, Madrid : Patrimonio
partagé son sentiment sur ces inscriptions. Nacional, 1990, notamment p. 115-119 et Fig. 119-120.
3 Ce manuscript vient du Cabinet de Mr. de Julienne et acheté à sa 5 Je remercie vivement Mme María Luisa López-Vidriero Abelló
vente 1727. Il s’agit probablement de M. Jean de Jullienne (1686- d’avoir apporté des précisions sur ces marques de propriétés.
1766), manufacturier et directeur de la teinturerie des Gobelins, 6 Courriel de M. François Avril daté du 15 septembre 2015.
célèbre amateur d’art, collectionneur et notamment mécène du 7 Sur l’enlumineur ; voir en dernier lieu Mathieu Deldicque,
peintre Antoine Watteau. Toutefois, on peut s’interroger sur la « L’enluminure à Paris à la fin du xve siècle : Maître François, le
date de 1727 proposée par l’auteur dans l’inscription manuscri- Maître de Jacques de Besançon et Jacques de Besançon identi-
te. En effet, une vente importante des biens de M. de Jullienne fiés ? », Revue de l’art, 183, 1 (2014), p. 9-18.
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