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Le cas pratique proposé renvoie aux règles de conflit de lois en matière délictuelle.

En l’espèce, deux frères ont chacun développé sa propre entreprise dans plusieurs pays. L’un de deux frères
(Charles) a décidé d’ouvrir des magasins en Belgique pour concurrencer ceux de son frère (Felix). Ladite
ouverture a été accompagnée par une campagne de communication accusant les magasins de Felix. Par
conséquent, ce dernier s’estime victime de dénigrement commercial. Par ailleurs, Felix s’estime victime de
propos diffamatoires et d’atteinte à sa vie privée à la suite d’un article publié sur un site internet par une
journaliste.

Dans les deux cas, se pose la problématique de la détermination de la loi applicable au litige.

Il convient d’envisager successivement l’action de l’entreprise « Tout frais » contre l’entreprise « A la prairie »
(I) et ensuite l’action contre la diffamation et l’atteinte à la vie privée (II).

I. L’action de l’entreprise « Tout frais » contre l’entreprise « A la prairie »

A. Élément d’extranéité, qualification et instrument applicable

Afin que l’action de l’entreprise « Tout frais » puisse être réglée par le droit international privé, il faut
examiner préalablement si l’on est en présence d’une situation internationale comportant un élément
d’extranéité. En l’espèce, l’entreprise « A la prairie » et l’entreprise « Tout frais » ont développé des magasins
dans plusieurs pays différents. Plus précisément, l’entreprise « A la prairie » a implanté des magasins en
Italie, en Espagne, en Suisse mais aussi en Amérique du Sud alors que l’entreprise « Tout frais » a développé
son activité en Angleterre, Allemagne, Pologne, Belgique et Pays-Bas. Par conséquent, en présence d’un
élément d’extranéité, l’action de l’entreprise « Tout frais » peut être réglée par le droit international privé.

Par ailleurs, on est en présence d’un rapport de droit privé car les deux parties ne sont pas des autorités
publiques agissant dans l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique. En plus, le juge français saisi
en l’espèce, effectuera a priori une qualification lege fori de la nature de la situation litigieuse (Cass. Civ. 22
juin 1955, Caraslanis). En l’espèce, en l’absence d’un engagement librement consenti d’une partie envers une
autre, le juge français considèrera que le litige se rattache à la matière délictuelle.

En l’absence d’une convention internationale (comportant des règles matérielles, multilatérale ou bilatérale)
relative à la présente situation, le Règlement Rome II sur la loi applicable aux obligations non contractuelles,
en tant qu’instrument supranational issu du droit de l’Union européenne, semble être applicable en l’espèce.
Si c’est le cas, le juge français sera tenu de relever d’office la règle de conflit de lois.

B. Applicabilité du Règlement Rome II

Il convient préalablement d’examiner les trois conditions d’applicabilité du Règlement Rome II.

Premièrement, quant à son applicabilité temporelle, l’article 31 du Règlement dispose que le Règlement
« s'applique aux faits générateurs de dommages survenus après son entrée en vigueur. » L’article 32 ajoute
que « le présent règlement est applicable à partir du 11 janvier 2009, à l'exception de l'article 29, lequel est
applicable à partir du 11 juillet 2008. ».

En l’espèce, le fait générateur du dommage consiste en la publication des tracts après le 1 er janvier 2018.
Ainsi, le fait générateur est nécessairement survenu après le 11 janvier 2009.

Ainsi, le critère temporel est rempli.

Deuxièmement, quant à son applicabilité territoriale, le règlement s’applique dès lors qu’une juridiction d’un
État membre est valablement saisie. L’article 1 paragraphe 4 du règlement précise qu’« aux fins du présent
règlement, on entend par "État membre", tous les États membres, à l'exception du Danemark. ». Par ailleurs,
l’article 3 du règlement dispose que « la loi désignée par le présent règlement s’applique, même si cette loi
n’est pas celle d’un État membre. » Le règlement est ainsi d’application universelle.

En l’espèce, le juge français sera saisi et compétent. Ainsi, le critère spatial est rempli.

Enfin, quant à son applicabilité matérielle, l’article 1 paragraphe 1 du règlement dispose que ce dernier
s’applique « dans les situations comportant un conflit de lois, aux obligations non contractuelles relevant de
la matière civile et commerciale. ». Selon la jurisprudence ERGO Insurance (CJUE, 2016) et le considérant 7
du règlement, il existe un principe de cohérence entre les notions autonomes dégagées par la Cour de justice
de l’Union européenne entre les règlements de l’Union européenne.

De ce fait, la notion « obligations non-contractuelles » est une notion autonome. Selon l’arrêt Kalfelis (CJCE,
1988), on retient la qualification délictuelle des lors que la demande vise à mettre en jeu la responsabilité du
défendeur et ne se rattache pas à la matière contractuelle.

En l’espèce, la demande de l’entreprise « Tout frais » vise à mettre en jeu la responsabilité de l’entreprise « A
la prairie » et ne se rattache pas à la matière contractuelle du fait qu’aucun engagement n’a été librement
assumé d’une partie envers une autre (CJCE, Jakob Handte, 1992).

Donc, on est bien en présence d’obligations non-contractuelles.

Par ailleurs, la notion « matière civile et commerciale » est aussi une notion autonome. Selon l’arrêt
Eurocontrol (CJCE, 1976), on n’est pas en matière civile et commerciale des lors que les parties sont des
autorités publiques agissant dans l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique (acta jure imperii).

En l’espèce, les deux entreprises ne sont pas des autorités publiques agissant dans l’exercice de leurs
prérogatives de puissance publique.

Ainsi, on est bien en matière civile et commerciale.

La situation comporte aussi un conflit de lois en raison de l’élément d’extranéité évoqué précédemment.

Il convient d’examiner si le litige relève d’une exclusion prévue a l’article 1 paragraphe 2 du règlement. Selon
l’article 1 paragraphe 2 a), sont exclues du champ d’application du présent règlement, « les obligations non
contractuelles découlant de relations de famille ou de relations qui, selon la loi qui leur est applicable, ont
des effets comparables, y compris les obligations alimentaires ; ». Cette exclusion doit être écartée car on
n’est pas en présence d’une obligation non contractuelle qui découle de la relation familiale entre les deux
frères. Le lien fraternel est un simple fait. En général, le litige ne relève pas d’une autre exclusion.

Il ressort de l’analyse ci-dessus que le critère matériel est rempli aussi.

Le Règlement Rome II est donc applicable en l’espèce.

B. Mise en œuvre du Règlement Rome II

Il convient préalablement de préciser qu’aucune loi de police française, au sens de l’article 16 du règlement,
ne semble être pertinente en l’espèce.

La règle de conflit spéciale issue de l’article 6 du règlement, intitulé « concurrence déloyale et actes
restreignant la libre concurrence », semble être la disposition pertinente. La notion « acte de concurrence
déloyale » ne fait pas l’objet d’une définition harmonisée au sein du Règlement ou de la jurisprudence de la
Cour de justice.

En l’espèce, le juge français devra avoir recours à la qualification lege fori de la notion.
En droit français, le dénigrement commercial est un comportement constitutif de concurrence déloyale
sanctionné par les dispositions du Code civil (ancien article 1382, nouveau article 1240 Code civil). Le
dénigrement consiste à discréditer en public les produits, l’activité ou les représentants d’une entreprise
concurrente.

La Cour de cassation a pu, dans un arrêt récent du 20 septembre 2012, apporter des précisions quant aux
différences entre l’infraction de la diffamation et l’infraction du dénigrement commercial. C'est ainsi qu'elle a
pu déclarer que : « Les appréciations, même excessives, touchant les produits, les services ou les prestations
d'une entreprise industrielle et commerciale n'entrent pas dans les prévisions de l'article 29 de la loi du 29
juillet 1881, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne
physique ou morale qui l'exploite. Le fait pour une personne de dénoncer le mode de fonctionnement d'une
société commerciale, et de tenir des propos ayant porté atteinte à l'image commerciale de la société auprès
de ses partenaires, s'analyse en un dénigrement et revêt un caractère fautif au sens de l'article 1382 du Code
civil, ouvrant droit à dommages et intérêts. »

Dans cet arrêt, l'ancien agent commercial dénonçait le mode de fonctionnement de la société elle-même,
l'accusant d'user de méthodes irrégulières et remettant en cause la qualité des produits proposés ou des
prestations fournies par ladite société. En outre, les propos litigieux avaient porté atteinte à l'image
commerciale de la société auprès de ses partenaires, en revanche, ils ne constituaient pas une atteinte à
l'honneur ou à la considération de la personne physique ou morale.

En l’espèce, Charles avait accompagné l’ouverture de ses nouveaux établissements, d’une campagne de
communication agressive qui accusait les magasins « Tout frais » d’être rapidement en rupture de stock,
d’avoir un personnel peu aimable et de pratiquer des prix exagérément chers. De ce fait, la campagne de
communication de Charles pouvait être qualifiée de dénigrement commercial, au sens de la jurisprudence de
la Cour de cassation, car elle consiste en la dénonciation du mode de fonctionnement des magasins « Tout
frais » en tenant des propos ayant porté atteinte à l’image commerciale de ces derniers auprès de ses
partenaires.

Par conséquent, on est bien en présence d’un acte de concurrence déloyale.

L’article 6 du règlement opère une distinction entre les actes de concurrence déloyale affectant les intérêts
collectifs (article 6 paragraphe 1) et ceux affectant les intérêts d’un concurrent déterminé (article 6
paragraphe 2).

En l’espèce, le dénigrement commercial affecte exclusivement les intérêts d’un concurrent déterminé,
l’entreprise « Tout frais » de Felix.

Ainsi, l’article 6 paragraphe 2 est la disposition pertinente. Il dispose que « lorsqu'un acte de concurrence
déloyale affecte exclusivement les intérêts d'un concurrent déterminé, l'article 4 est applicable. » Dans cette
hypothèse, la loi applicable est celle du « pays où le dommage survient quel que soit le pays où le fait
générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels les conséquences
indirectes de ce fait surviennent » (article 4 paragraphe 1). Toutefois, l’article 4 paragraphe 2 du Règlement
dispose que « lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence
habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s'applique ».

La notion de « résidence habituelle » est précisée par l’article 23 paragraphe 1 du règlement qui dispose que
« la résidence habituelle d’une société, association ou personne morale est le lieu où elle a établi son
administration centrale » .

En l’espèce, l’entreprise de Charles (« A la prairie ») et l’entreprise de Felix (« Tout frais ») ont toutes les deux
leur siège en France. Ainsi, les deux entreprises ont leur résidence habituelle dans le même pays.

Ainsi, selon l’article 4 paragraphe 2 du Règlement, la loi applicable à leur litige est la loi française.
Article 4 para 3  proximité

Enfin, s’agissant du projet d’accord désignant la loi belge comme applicable au litige, il convient de préciser
que l’article 6 paragraphe 4 du Règlement dispose qu’« il ne peut être dérogé à la loi applicable en vertu du
présent article par un accord tel que mentionné à l'article 14 ».

Par conséquent, la proposition de Charles d’un projet d’accord désignant la loi belge comme applicable au
litige est impossible.

II. L’action contre la diffamation et l’atteinte à la vie privée

A. Élément d’extranéité, qualification et instrument applicable

Afin que l’action de Felix contre la diffamation et l’atteinte à sa vie privée puisse être réglée par le droit
international privé, il faut examiner préalablement si l’on est en présence d’une situation internationale
comportant un élément d’extranéité. En l’espèce, le litige présente des liens avec plusieurs pays du fait que
l’article diffamatoire, concernant l’entreprise de Felix dont le siège est en France, a été rédigé par une
journaliste belge résidant en Suisse et a été ensuite mis en ligne depuis l’Italie. Par conséquent, en présence
d’un élément d’extranéité, l’action peut être réglée par le droit international privé.

Par ailleurs, on est en présence d’un rapport de droit privé car les deux parties ne sont pas des autorités
publiques agissant dans l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique. En plus, le juge français saisi
en l’espèce, effectuera a priori une qualification lege fori de la nature de la situation litigieuse ( Cass. Civ. 22
juin 1955, Caraslanis). En l’espèce, en l’absence d’un engagement librement consenti d’une partie envers
une autre, le juge français considèrera que le litige se rattache à la matière délictuelle.

En l’absence d’une convention internationale (comportant des règles matérielles, multilatérale ou bilatérale)
relative à la présente situation, le Règlement Rome II sur la loi applicable aux obligations non contractuelles,
en tant qu’instrument supranational issu du droit de l’Union européenne, semble être applicable en l’espèce.

B. Applicabilité du Règlement Rome II

Le Règlement Rome II n’est pas applicable en l’espèce du fait que le litige relève de l’exception expresse
prévue à l’article 1 paragraphe 2 g) qui concerne « les obligations non contractuelles découlant d'atteintes à
la vie privée et aux droits de la personnalité, y compris la diffamation. »

La loi applicable au litige sera donc déterminée sur la base du droit commun du juge saisi (Cass. Civ. 22 juin
1955, Caraslanis). En l’espèce, comme c’est le juge français qui sera saisi, il convient d’examiner les règles
issues du droit commun français.

C. Le droit commun français

En droit français, le principe est que la loi applicable en matière délictuelle est celle du lieu où le délit a été
commis. Ce principe trouve un fondement dans l’article 3 al. 1 du Code civil qui dispose que « les lois de
police et de sûreté obligent tous ceux qui habitent le territoire ».

En 1948 avec l’arrêt Lautour, la Cour de cassation a consacré la compétence de la lex loci delicti commissi en
considérant que : « la loi applicable à la responsabilité civile extra-contractuelle de celui qui a l’usage, le
contrôle et la direction d’une chose en cas de dommage causé par cette chose à un tiers est la loi du lieu où
le délit a été commis. » (Civ. 1ère, 25 mai 1948, Lautour)
Un délit est toutefois considéré « complexe » ou « plurilocalisé » lorsqu’il y a éclatement des ses éléments
constitutifs, c’est-à-dire une dissociation du lieu de l’événement causal à l’origine du litige (le fait générateur),
et du lieu de la matérialisation du dommage (la survenance du dommage).
Dans une telle hypothèse, la Cour de cassation considère que « le lieu où le fait dommageable s’est produit
s’entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que du lieu de réalisation de ce dernier » ( Cass.
civ. 1re, 14 janvier 1997).

Cette solution ne permet cependant pas toujours de déterminer aisément la loi applicable comme en
témoignent certains arrêts. Ainsi, la Cour de cassation a apporté une précision concernant un cas de figure
particulier dans l’arrêt « Mobile North Sea Ltd » (Cass. civ. 1re, 11 mai 1999), à propos du naufrage d’une
plate-forme pétrolière. La cour de cassation a attribué compétence a la loi du pays qui présentait les liens les
plus étroits avec le fait dommageable, en raison de la multiplicité des lieux de commission de faits
générateurs du dommage.

En l’espèce, l’article diffamatoire illustré par une photo portant atteinte à la vie privée de Felix a été mis en
ligne depuis l’Italie (i.e. lieu du fait générateur) sur un blog hébergé par le site internet du Grand quotidien
français. Du fait que l'Internet se prête à la diffusion instantanée et universelle d’information, on est en
présence d’un cyber-délit complexe. En d’autres termes, le dommage est susceptible d’être matérialisé dans
plusieurs pays en raison de l’accessibilité du contenu sur le site internet.

La Cour de cassation dans un arrêt récent (Cass. Civ. 1re , 12 juillet 2012) relatif à l’exploitation
contrefaisante d’une photographie par un site internet et sa reprise par un moteur de recherches, a retenu
un faisceau d’indices pour caractériser un lien de rattachement avec la France. La Cour de cassation a pris en
compte l’objet du contenu, la langue de rédaction, la destination et l’accessibilité du contenu, l’utilisation
d’une adresse URL en « .fr » etc.

En l’espèce, l’article visant le plan de restructuration des établissements français de l’entreprise « Tout frais »,
a été rédigé en français et a été mis en ligne sur un blog hébergé par un site internet du Grand quotidien
français dont l’adresse URL est en « .fr ». Ainsi, on pourrait caractériser un lien de rattachement substantiel
avec la France puisque l’article s’adresse principalement au public français.

Par conséquent, la loi française est applicable en tant que loi présentant les liens les plus étroits avec le fait
dommageable.

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