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Ricordel Joëlle. Un traité des simples du XIIe siècle traduit par Arnaud de Villeneuve : Pedro Vernia Martinez, « Tratado de los
medicamentos simples - Abu-S-Salt Umayya (1068-1134) ». In: Revue d'histoire de la pharmacie, 88ᵉ année, n°326, 2000. pp.
296-298.
http://www.persee.fr/doc/pharm_0035-2349_2000_num_88_326_5102_t1_0296_0000_4
Pierre Julien
II
Des origines à la Renaissance
1. P. Vernia, « Historia de la farmacia valenciana - Siglos XII al XVm », Del Cenia al Segura, Valencia,
1990, ouvrage analysé dans Rev. Hist. Pharm., n° 295, 4e trim., 1992, p. 485-486.
LE MOUVEMENT HISTORIQUE 297
Son nouveau livre comprend trois parties. La première est consacrée à la vie
d'Abû al-Salt. Originaire de Dénia, cet auteur arabe au savoir encyclopédique doit
quitter sa patrie andalouse en proie à des troubles politiques et sociaux. Il s'exile au
Caire. D'abord en faveur auprès du souverain fatimide, il perd son soutien et est
emprisonné pour plusieurs années. En 1113, il se réfugie à Mahdiya, en Tunisie, où
le dernier prince ziride le prend sous sa protection et où il meurt en 1 134. C'est
vraisemblablement pendant son séjour dans les geôles égyptiennes qu'il a rédigé, sans
doute un peu avant 1112, un « traité sur les simples » dans la tradition galénique et
arabo-musulmane.
La seconde partie de l'ouvrage de P. Vemia évoque la personnalité d'Arnaud de
Villeneuve, né en 1240, probablement à Valence, médecin du pape Clément V et
maître à l'Université de Montpellier.
Le lien entre les deux personnages est « le traité des simples ». Arabisant, Arnaud
en a, en effet, donné une traduction qui compte parmi ses premiers travaux sur la
médecine. U défendra des théories sur les degrés et sur les médicaments composés
directement inspirées de celles du médecin philosophe arabe Al-Kindî dont les
ouvrages circulaient dans Al-Andalus musulman et dont certains furent traduits par
Gérard de Crémone. Pedro Vernia émet l'hypothèse que le premier contact d'Arnaud
avec ces principes fondamentaux ait eu heu à travers le traité des simples d'Abû
allait.
La traduction du texte du « traité des simples » constitue la troisième partie,
novatrice, de l'ouvrage de P. Vernia. Ce traité comprend une introduction théorique qui
dans sa forme actuelle ne permet pas de définir clairement les conceptions du phar-
macologue et de le rattacher à al-Kindî. Non arabisant, P. Vernia a dû faire appel à
un traducteur libanais, aujourd'hui décédé, et le manuscrit défectueux qui a servi de
base à cette étude a contraint l'auteur à laisser en blanc quelques membres de phrase,
ce qui limite la compréhension de cette partie introductive.
P. Vernia envisage d'entreprendre, avec l'aide d'un arabisant, une édition critique
à partir des neuf manuscrits existants du « traité des simples » d'Abû al-Salt ainsi
qu'une nouvelle traduction.
La partie pratique du manuel comprend vingt chapitres. Les cinq premiers sont
consacrés aux médicaments purgatifs des quatre humeurs - sang, phlegme, bile
jaune et bile noire - et à ceux capables d'évacuer plus d'une humeur. La suite des
chapitres s'organise par référence aux différentes parties du corps humain. Les
médicaments simples spécifiques du traitement de leurs affections sont énumérés.
Les degrés de qualité, les effets et le mode d'utilisation et parfois la dose efficace
sont précisés pour chacun d'entre eux. Les substances mentionnées appartiennent
aux trois règnes végétal, animal et minéral. Les rubriques sont généralement courtes
et claires. C'est un manuel qui, pour le thérapeute d'alors, se présente comme un
instrument de travail d'utilisation aisée et rapide. Il offre des modes de recherche
variés. On peut en effet noter qu'il y a plusieurs entrées possibles à cette
classification en considérant soit l'humeur déviant de l'équilibre à purger, soit la partie du
corps ou organe atteint à traiter, soit les substances elles-mêmes. Dans ce dernier cas,
il faut se reporter à plusieurs articles.
298 REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE
Il convient alors de remarquer qu'Abû al-Salt n'a pas voulu faire uvre de
compilateur. Ses références à d'autres auteurs sont rares et ne concernent que Galien et
Dioscoride. Il semble que le pharmacologue ait souhaité, en rédigeant ce court traité,
faire état de connaissances avérées, certes sans doute acquises à la lecture des grands
manuels de ses devanciers, mais assimilées, choisies et reprises à son compte. Il
permet ainsi à son lecteur d'obtenir en peu de temps une réponse à ses éventuelles
interrogations.
L'intérêt de ce traité est évident. Tel que nous le présente P. Vemia, il constitue
déjà une approche sérieuse de la pensée d'Abû al-Salt. Accompagné de l'édition
critique du texte arabe et d'une nouvelle traduction complétée à la lueur des autres
manuscrits, il pourrait s'adresser également à des spécialistes des sciences arabes
toujours dans l'attente de ces publications qui font encore grandement défaut.
Le livre présenté est, de plus, de belle facture et agréablement illustré et l'on
prend plaisir à le lire.
Joëlle Ricordel