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Dérens Jean. Gislemar, historien de Saint-Germain des Prés. In: Journal des savants. 1972, N°3. pp. 228-232.
doi : 10.3406/jds.1972.1270
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jds_0021-8103_1972_num_3_1_1270
GISLEMAR, HISTORIEN DE SAINT-GERMAIN DES PRÉS
nuation d'Aimoin d'après les éditions, « où l'on voit le récit s'étendre jus
qu'en 1165, comme s'il n'y avait eu qu'un continuateur », mais « d'après
le manuscrit de l'ancienne bibliothèque de Saint-Germain, qui a servi à faire
les éditions. Il est de deux écritures : l'une, d'un caractère antique, s'arrête
à 1015, l'autre indique une reprise de la fin du xne siècle » 7.
La cause paraissait donc entendue : la Vie de Droctovée ne pouvait qu'être
antérieure à l'interpolation d'Aimoin qui introduisit dans les traditions de
l'abbaye l'erreur concernant le premier abbé ; Gislemar devait être identif
ié avec le moine du IXe siècle. Cette datation ne fut plus remise en question
par la suite. Elle est d'importance sur deux points : quand Gislemar parle
de la basilique, on peut considérer qu'il l'a connue avant les invasions nor
mandes, en tout cas telle qu'elle était après avoir été réparée à la suite de ces
invasions, car on admet généralement qu'elle n'a pas subi de transformation
de plan avant le début du XIe siècle ; d'autre part, Quicherat s'est servi de
ce texte pour faire la critique des deux plus anciennes chartes de l'abbaye,
le diplôme de fondation de Childebert et le privilège d'immunité de saint
Germain 8. Selon lui en effet, le diplôme de fondation est un faux fabriqué
de toutes pièces d'après la Vie de Droctovée, alors que le privilège d'immunité
est une des sources de cette même Vie, garantie d'ancienneté qui vient con
firmer les fortes présomptions de sincérité que Quicherat avait déduites d'une
analyse diplomatique des plus remarquables 9.
ses par les barbares que personne ne se souvenait plus de ses actions ». On
peut ajouter que, décrivant la splendeur de l'église fondée par Childebert,
il craint de paraître exagérer et se croit obligé de citer aussitôt le poème de
Fortunat De ecclesia Parisiaca : il ne devait donc rien rester de l'église pri
mitive ; c'est dire que l'auteur écrivait après les transformations de l'abbé
Morard. Tout ceci semble donner raison à l'abbé Lebeuf : il est légitime de
dater la Vie du xi° siècle et on peut raisonnablement proposer l'identifica
tion avec le chancelier, dont la fonction constitue un argument supplément
aire, alors que le Gislemar du IXe apparaît sans qualité distinctive, occupant
l'avant-dernier rang dans la liste des moines de l'abbaye de Saint-Germain
des Prés.
On peut aller au delà de cette simple vraisemblance et c'est encore le
manuscrit 12711 qui fournira un argument à l'inverse de celui qu'il avait fourni
à Quicherat. Je dois à M. François Avril, conservateur au Cabinet des manusc
ritsde la Bibliothèque nationale, d'avoir pu identifier le copiste : alors que
j'examinais avec lui le folio 165 v° à la lampe de Wood, il reconnut l'écriture
et me communiqua la liste d'un certain nombre de manuscrits du fonds
de Saint-Germain copiés de la même main 12. Un d'entre eux (latin 12225)
Retractationes sancii Augustini porte une signature, déjà publiée par Leo
pold D elisie :
« Hic Augustinus sua dicta retracta honestus,
« Quœ, Germane, tuus quidam conscripsit alumpnus
« GISLEMARUS in hoc vocitatus nomine libro,
« Quem si quis furto tulerit tradatur Averno ». 13
Le Gislemar copiste de plusieurs traités de patristique et compilateur
de la Chronique continuée d'Aimoin, terminant sa vie sous l'abbatiat d'Isem-
bard, paraît bien être le même personnage que le chancelier connu par ailleurs,
exactement à la même époque. Si l'on veut bien envisager la parenté étroite
et la communauté des sources qui unissent la Vie de Droctovée et les « variantes
san-germaniennes », comme dit M. Lemarignier, on sera bien contraint d'ad-
12. Bibl. nat., manuscrits latins 1938, 12170, 12223, 12225, I2943- — M. Lemarig
niera distingué trois elaborations successives dans le manuscrit latin 12711. Il y a bien
en effet trois parties et le texte a pu être abandonné et repris à d'assez longs intervalles.
Mais au-delà de certaines différences de graphie dues à la plume, à l'encre, au parchemin
ou à l'âge du copiste, il paraît bien que c'est la même main que Ton retrouve dans les
trois parties. M. Vezin et M. Avril, à qui j'ai soumis la question, sont convaincus de
l'identité du copiste.
13. Leopold Delisle, Le Cabinet des manuscrits, t. II, p. 41.
232 JEAN DÉRENS
mettre que c'est encore le même Gislemar qui est l'auteur de la Vie de
Droctovée.
Que le premier abbé soit Authaire dans la Chronique et Droctovée dans
la Vie ne constitue pas un obstacle sérieux. En effet la Vie de Droctovée est un
texte plus ancien que la Chronique continuée. Gislemar aura pu, par la suite,
être l'auteur de la confusion dont parle Quicherat et introduire Authaire
en toute bonne foi au premier rang de la liste des abbés.
14. Lecture d'un rapport de Jean Dérens sur les fouilles menées dans la chapelle Saint-
Symphorien de Saint-Germain des Prés, dans Commission du Vieux Paris, Procès ve
rbaux des séances des lundi 3 mai, lundi 7 juin et lundi 5 juillet 1971, Paris, 1972, pp. 6-22.
Voir pp. 16 et 17, n. 34 et 35.