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CEFEDEM de Normandie

Formation diplômante au Diplôme d’Etat de professeur de musique


Option formation vocale et instrumentale, Saxophone

Enseigner la respiration
aux saxophonistes débutants

Jheison Jurado Marmolejo


Promotion 2009-2011

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[Titre du document]
[Sous‐titre du document]

jheison jurado

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CEFEDEM de Normandie
Formation diplômante au Diplôme d’Etat de professeur de musique
Option formation vocale et instrumentale, Saxophone

Enseigner la respiration
aux saxophonistes débutants

Jheison Jurado Marmolejo


Promotion 2009-2011

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  4
 

Sommaire
Introduction  6 
I              La respiration des instrumentistes à vent : un processus naturel ?  8 
 
A) La respiration est naturelle, elle ne s’enseigne pas  8 
a) Témoignages d’enseignants : la respiration est naturelle  8 
b) Témoignages d’enseignants à qui on n’a pas appris à respirer  9 
c) Ce que proposent les méthodes de saxophone,  10 
 
B) Le naturel a des limites : les obstacles qui perturbent la respiration.  13 
a) Apprendre à jouer d’un instrument : trop d’informations à gérer en même temps13 
b) Des difficultés différentes selon les âges  14 
c) Des difficultés liées à la musique  15 
II           Qu’est­ce que le naturel ? Le naturel se travaille­t­il ?  17 
 
A) De quel naturel parlons‐nous ?  17 
a) Redéfinition du mot naturel  17 
b) La respiration « naturelle » des instrumentistes à vent  18 
 
B)  Caractéristiques de la respiration instrumentale  22 
 a) Respirer par la bouche, pourquoi ?  22 
 b) Pourquoi lever les épaules est‐il aussi fréquent ?  23 
 c ) Pourquoi la respiration diaphragmatique ?  24 
III         Entrée pédagogique  26 
 
 A)  Enseigner la respiration aux enfants  26 
a)  Y a‐t‐il un âge pour aborder la question ?  26 
b) Que peut‐on apprendre aux enfants sur la technique de la respiration ?  27 
 
 B)       Motivation et sens du travail sur la respiration  29 
a) L’apprentissage de la respiration fait‐elle sens pour les débutants ?  29 
b) Inclure la respiration dans un contexte musical plus complet  30 
Conclusion  33 
 
Bibliographie  33 
 Annexe : Questionnaire                                                                                                                         37                       

  5
Introduction

La respiration est un des aspects fondamentaux de la technique du saxophone et


aussi de tous les instruments à vent. Souvent les représentations sur ce sujet nous
renvoient à la fonction principale de la respiration qui est celle d’assurer la vie, donc la
respiration que nous avons au quotidien. Elle est régulée par nos besoins vitaux et quand
nous l’écoutons avec attention, nous avons la sensation qu’elle coule avec un rythme
naturel.
Quand un élève commence l’apprentissage du saxophone ou d’un autre
instrument à vent, il rentre dans un domaine où l’on sort du cadre naturel de la
respiration pour l’utiliser dans un but précis. Une difficulté est d’initier les élèves à
cette adaptation du naturel car souvent dans la pratique quotidienne nous (les musiciens)
avons tellement l’habitude de réaliser ces gestes qu’ils sont devenus eux aussi naturels
et on n’a plus vraiment de recul sur la démarche qu’il a fallu suivre pour arriver là.
« On admettra sans doute facilement que les savoirs de sens commun, les savoirs
d'action, les savoirs implicites, les savoirs professionnels soient liés à des pratiques
sociales. On en parle d'ailleurs souvent comme de savoirs pratiques, ceux dont les
détenteurs n'ont pas ou n'ont plus entièrement conscience, tant ils sont contextualisés,
liés à une expérience et à des formes d'action dont on ne les détache que pour les
besoins de l'analyse. L'artiste, par exemple, détient des savoirs qu'il investit dans son
œuvre, mais il ne les explicite — parfois à contrecœur — que s'il est interviewé par un
critique, sollicité comme expert, appelé à former des débutants. Il en va de même du
sportif et de nombre de gens de métiers dont les savoirs sont en quelque sorte
indissociables des gestes professionnels qu'ils guident. On atteint d'abord les pratiques,
les savoirs s'y trouvent «en creux»1.

En pensant à mes débuts comme apprenti saxophoniste et à mes élèves


débutants, je suis confronté à un paradoxe au moment d’enseigner la respiration : si je
dis à mes élèves « soyez naturels et détendus », au moment de jouer (prendre
l’instrument) la réalité est que la tâche est vécue comme une difficulté à surmonter qui
demande une façon précise d’utiliser le souffle. C’est à ce moment qu’apparaissent les
obstacles à la compréhension de la respiration, à l’écoute du corps et à l’utilisation de
gestes plus adaptés au jeu instrumental. La question qui se pose est « la respiration étant
et devant être naturelle, peut-on et doit-on l’enseigner aux élèves ? »

                                                        
1 PERRENOUD Philippe, La transposition didactique à partir des pratiques : des savoirs aux
compétences (article) Revue des sciences de l'éducation, vol. 24, n°3, p.492.

 
  6
Pour tenter d’entrer dans ce sujet sur l’enseignement et l’apprentissage de la
respiration pour les débutants en instrument à vent (et plus précisément en saxophone),
nous partirons des représentations des professeurs pour savoir quelle est la place
consacrée à la respiration dans l’enseignement d’un instrument à vent : quelle est cette
respiration, comment elle s’apprend et quel est le lien entre la respiration instrumentale
et la respiration quotidienne. Ensuite, nous chercherons à définir le mot naturel qui est
souvent utilisé pour décrire la respiration instrumentale et nous préciserons les principes
physiologiques de la respiration instrumentale pour mieux comprendre son
fonctionnement. Cela nous aidera à expliquer les défauts que l’on retrouve souvent chez
les élèves et les différentes directives que donnent les enseignants. Enfin, je proposerai
quelques idées pour aborder l’étude de la respiration avec nos élèves en intégrant ses
différentes facettes : physique, instrumentale et musicale.

  7
I La respiration des instrumentistes à vent : un processus
naturel ?
 

A) La respiration est naturelle, elle ne s’enseigne pas


 
D’abord, nous allons observer le point de vue de professeurs d’instruments à vent,
ce qu’ils enseignent et comment ils ont été formés.

a) Témoignages d’enseignants : la respiration est naturelle

Dans un questionnaire que j’ai distribué à plusieurs enseignants d’instruments à


vent, j’ai posé la question: « La respiration est-elle quelque chose qui s’enseigne ou
plutôt quelque chose qui est naturel chez l’élève et qui doit donc être expérimenté,
ressenti et maîtrisé par lui-même ? »

Voici quelques réponses obtenues2:

-« Les élèves les plus jeunes n’ont aucune difficulté à respirer. Ils respirent
naturellement »
-« La respiration à l’instrument doit ressembler à la respiration que l’on a naturellement
quand on est couché »
- « La plupart des élèves ont peu de difficultés dans leur apprentissage dans ce
domaine »
- « Pour les tous petits, aucun problème pour aborder la respiration abdominale (parfois
encore présente chez les enfants). Plus difficile à aborder chez les adultes par exemple
… »
- « Avoir toujours l’image de la manière de respirer pendant le sommeil »
-« Je ne rencontre pas particulièrement de problèmes de compréhension pour la
respiration chez les élèves : ils « respirent » déjà naturellement ! … »

On peut trouver deux idées : la première est que la respiration a l’air d’être quelque
chose d’inné, de spontané, et que les élèves font très bien tout de suite. La deuxième
idée, c’est chercher à l’instrument la même façon de respirer qu’on a dans des situations
confortables comme dormir, ou être couché. Ces images sont choisies car elles sont

                                                        
2
Toutes les citations de cette partie viennent des réponses au questionnaire.

  8
liées à l’idée de détente et d’amplitude de respiration. On peut aussi remarquer que pour
les petits élèves, la respiration est tout de suite naturelle alors que pour les adultes, il y a
plus de difficultés. Aussi, on retrouve l’idée que s’il n’y a pas de problème, l’enseignant
n’a pas besoin d’aborder la respiration.

b) Témoignages d’enseignants à qui on n’a pas appris à respirer3

J’ai aussi posé la question suivante : « Comment avez-vous appris vous-même à bien
respirer à l’instrument ? »
On m’a répondu :
- « Pendant 8 ans, mes différents professeurs me disaient uniquement « respire par le
ventre » et « respire plus » »
- « J’ai abordé la respiration assez tardivement dans mon apprentissage »
- « Par moi-même. Aucune aide de mes professeurs »
- « En lisant des livres … »
-« J’ai appris assez tard car on m’en a très peu parlé dans mes premières années de
pratique. J’ai appris la respiration adulte et je l’ai perfectionnée grâce à des cours de
yoga, de chant ou des stages avec des élèves de Pichaureau (professeur de trompette) »
-« Je ne me souviens pas du tout des débuts, par contre arrivée à un certain niveau, j’ai
fait beaucoup d’exercices »
-« Aucun de mes profs de clarinette n’a su répondre à mes questionnements pour la
respiration. … J’ai cherché par moi-même. J’ai rencontré une personne extraordinaire
qui m’a beaucoup aidé : Ute Gerzabek (prof de respiration dans le département chant du
CNSM de Paris). J’ai fait un stage sur la « cinétique de la respiration » avec Blandine
Calais-Germain et la formation « médecine des arts » qui m’ont apporté les
connaissances théoriques et pratiques »
- « J’ai appris moi-même la respiration très tard car on n’en parlait à l’époque qu’aux
cuivres ! Quelqu’un m’en a parlé durant mes études et j’ai donc fait des stages avec des
médecins ostéopathes. Je fais actuellement du Tai Chi et suis convaincu que la
respiration dépend directement de la posture générale et que le travail de l’un ne peut
être dissocié de l’autre… »

                                                        
3
Toutes les citations de cette partie viennent des réponses au questionnaire.

  9
Dans ces réponses, on trouve plusieurs idées. En premier, la plupart des
enseignants ont appris très tard à respirer. On ne leur a pas appris quand ils étaient
petits. Cela rejoint les enseignants qui disent que les enfants n’ont pas de problèmes de
respiration et que ça vient plus tard. Aussi, on remarque qu’ils ont souvent appris en
dehors de leur instrument : cours de chant, tai chi, yoga, livres. Et il y a l’air d’avoir des
façons différentes d’apprendre à respirer pour chaque instrument : les cuivres qui sont
plus spécialisés dans ce travail et les chanteurs.

c) Ce que proposent les méthodes de saxophone


 
J’ai comparé deux méthodes anciennes et sept méthodes modernes.
Dans les deux méthodes anciennes, seule la méthode Cokken approfondit
la question de la respiration. Cette méthode a été écrite l’année de la création du
saxophone. C’est donc une des premières ou même peut-être la première méthode de
saxophone. Je pense que c’est intéressant de voir à l’époque comment on voyait
l’apprentissage du saxophone et la place qu’occupait le travail sur la respiration.
« Il faut tenir la tête droite, la poitrine effacée, afin de faciliter le jeu des
poumons, le corps aplomb et immobile : les mouvements de coudes sont nuisibles à
l’exécution ; pour conserver l’ensemble de cette position, l’exécutant placera toujours
la musique à la hauteur des yeux…(l’auteur parle aussi du collier et de la position des
mains)4»
et aussi :
« Pour obtenir de beaux sons sur le saxophone, il faut aspirer une suffisante
quantité d’air, puis expirer par un cou de langue dirigé vers l’anche ; l’action de la
langue doit être la même que s’il s’agissait de rejeter de la bouche un petit bout de fil.
Après avoir aspiré l’air, il ne faut pas le dépenser inutilement, on doit le conserver à sa
disposition et rester maître de sa direction et du degré de force que le son exige ; il faut
éviter d’enfler les joues.5 »
Je trouve intéressante la précision avec laquelle l’auteur décrit la manière de
faire sonner un saxophone. Si l’auteur donne toutes ces explications, c’est parce que
pour lui, la respiration n’est pas si évidente que ça et qu’il faut un mode d’emploi. Une

                                                        
4
COKKEN, Méthode complète de saxophone applicable à tous les saxophones des différents tons, Imp.
Chez J.MEISSONNIER et FILS, Paris, 1846, p120.
5
Ibid.
 
  10
chose importante à garder dans l’esprit est que cette méthode a était conçue pour adultes
et notamment dans un cadre militaire. L’enseignement est très affirmatif, très strict. On
peut aussi voir que l’auteur ne parle que de la bouche. Un enseignant a répondu à mon
questionnaire en disant que la respiration naturelle, c’était la respiration abdominale.
Cette méthode ne parle pas de ça. En fait, il y a des enseignants qui ne parlent pas de
respiration pour que ça reste naturel. Ici, c’est un peu le contraire, il y a beaucoup de
détails et la respiration n’a pas l’air d’être vue comme quelque chose de naturel. La
position est immobile, ce qui n’est pas très naturel, la « poitrine effacée », on ne sait pas
trop ce que ça veut dire, ce n’est pas très précis encore. On dirait aussi qu’il y a une
seule façon de souffler qui va avec l’articulation et le coup de langue. En fait, dans cette
méthode, les informations sont à la fois strictes comme si elles ne laissaient pas de
choix, mais en même temps, elles sont incomplètes et pas très précises. Cela risque de
perdre l’élève qui ne se sent pas libre mais qui n’a pas assez d’informations pour être
guidé dans la bonne direction.
Dans les méthodes plus modernes, on trouve différentes façons d’aborder la
respiration et également dans certaines aucune évocation de celle-ci (méthode Le
saxophoniste).
Sur les six méthodes qui parlent de la respiration, trois méthodes décrivent la
respiration au saxophone comme une respiration diaphragmatique et expliquent ce
fonctionnement. Une seule propose des exercices.
La méthode La pratique du saxophone affirme « pour une bonne pratique du
saxophone, il faut […] apprendre à maîtriser sa respiration 6» puis explique la
respiration diaphragmatique.
La méthode Saxorama, affirme : « Il faudra tendre à avoir une respiration
naturelle, celle que l’on a dans la vie lorsque l’on se déplace, que l’on chante ou que
l’on dort. C’est la respiration que l’on appelle diaphragmatique. […] il faut être le plus
décontracté possible 7». L’explication est suivie d’un schéma et d’exercices.
Enfin, la méthode de jazz pour saxophone décrit la respiration abdominale et
propose des exercices.
La méthode Saxo tempo, parle de la respiration dans le paragraphe réservé à
l’embouchure. Il faut « inspirer profondément sans déplacer les dents, sans lever les

                                                        
6
BARRET Eric, La pratique du saxophone volume 1 : L’instrument, Editions Outre Mesure, Paris, 2001,
p.9-12.
7
DELAGE Jean –Louis, Saxorama, Editeur Hit Diffusion, Clamart 2008, p.15.
 
  11
épaules […] Envoyer l’air sans gonfler les joues, en pinçant légèrement les lèvres pour
émettre le premier son8 ». On parle surtout ici de la respiration comme on la perçoit au
niveau de la bouche.
La méthode Le saxophone en jouant attache beaucoup d’importance à la
respiration et donne beaucoup de détails qu’il n’y a pas dans les autres
méthodes comme « ne pas attendre le dernier moment pour respirer, … respirer à
fond. Baisser les épaules. Contracter les muscles abdominaux. Ne pas serrer la gorge.
… Ne respirer que lorsque les poumons sont vides 9». Il y a beaucoup de directives,
mais aucune explication.
Enfin, la méthode de saxophone de C. Delangle et C. Bois « le saxophone étant
un instrument à vent, la manière de souffler retient toute notre attention 10». Ils
proposent ensuite quatre exercices sans le saxophone et précisent « tu reviendras
souvent à ces exercices11 » mais on remarque qu’il n’y a aucune explication sur le
fonctionnement de la respiration. (Il faut mettre la main sur le ventre pour sentir la
respiration à ce niveau, puis amplifier le mouvement et augmenter la puissance du
souffle.)

On voit que chaque méthode a sa conception de la respiration et les priorités ne


sont pas les mêmes à enseigner et la méthode d’enseignement est aussi différente : on ne
parle pas de la respiration ou on dit que c’est important mais on ne détaille pas, ou il y a
des exercices sans explications ou des explications sans exercices. On parle de la
respiration abdominale ou diaphragmatique ou du souffle au niveau de la bouche. A
chaque fois il y a un seul niveau de respiration, localisé dans un endroit du corps.
On observe aussi dans les méthodes, comme dans les réponses au questionnaire
qu’il y a un aspect « naturel » à retrouver : la respiration diaphragmatique, mais on sent
quand même que le processus est complexe et que c’est dur tout expliquer clairement
dans une méthode de saxophone.

                                                        
8
FOURMEAU Jean-Yves et MARTIN Gilles, Saxo tempo Volume 1, Editions Gérald Billaudot, Paris.
9
LONDEIX, Jean-Marie, Le saxophone en jouant, Editions Henry Lemoine, Paris, 1964/1992, p.11-13.
10
DELANGLE Claude et BOIS Christophe, Méthode de saxophone débutants, Editions Henry Lemoine,
Paris 2004 p.8.
11
Ibid.

  12
B) Le naturel a des limites : les obstacles qui perturbent la respiration.

En lisant les réponses qui ont été faites au questionnaire, on voit que pendant un
moment, on ne parle pas, on n’a pas besoin de parler de respiration mais il arrive
toujours un stade où c’est nécessaire d’aborder la question. Parfois à un âge précis,
parfois à cause d’une autre difficulté rencontrée dans le morceau ou parfois à cause d’un
mauvais geste qu’il faut corriger. On pourrait se demander quels sont les éléments qui
tout à coup rendent un travail et une analyse de la respiration nécessaire.

a) Apprendre à jouer d’un instrument : trop d’informations à gérer en même temps.

Je vais décrire quelques étapes qu’un élève débutant parcourt dans sa classe
d’instrument.
Au contact avec l’instrument les élèves vont se familiariser avec lui, voir
comment le prendre, comment le placer devant soi, se faire une idée comment il
fonctionne, quels soins lui apporter, comment le faire sonner, avec quels doigtés jouer.
Quand il a l’instrument dans ses mains et se place pour jouer, tout de suite
l’élève sent que l’instrument est un corps étranger, la perception corporelle d’équilibre
que l’élève avait de soi sans instrument n’est pas la même et il faut chercher un nouvel
équilibre ; pour réussir les premières émissions du son, il faut placer l’embouchure et le
souffle dans l’instrument.
Le sens des étapes précédentes va apparaître lorsque le son sera produit. Après il
faut que l’élève l’apprécie, retrouve les gestes pour le reproduire en comprenant son
action. S’habituer aux gestes et aux sons et après se confronter à la lecture des différents
signes, etc. vont attirer toute l’attention de l’élève.
Les premières leçons d’instrument demandent donc aux élèves un grand effort
de concentration et de coordination. Cet effort peut bloquer la respiration et inhiber
certaines actions qui étaient avant le cours naturelles. Souvent la respiration dans ces
moments devient très haute ou simplement les élèves crispent leur respiration.

  13
b) Des difficultés différentes selon les âges

Les enfants

En cours avec les jeunes élèves j’ai vu que souvent ils ont un plaisir spontané à
souffler dans l’instrument, mais arriver à canaliser leur attention pour travailler sur la
sonorité et la relation souffle / son n’est pas quelque chose facile et ça ne les attire pas.
« Entre 7 et 10-11 ans, le compromis entre le besoin d’expériences spontanées et
la contrainte apportée par une pensée plus analytique, et donc plus inhibitrice ne se fait
pas sans heurt.12 »
Avant 10 ans, « la force s’accroît régulièrement en même temps que progresse
la coordination. 13» A partir de 10 ans, « il s’agit moins d’un développement
psychomoteur que d’un perfectionnement psychomoteur, en particulier par une
meilleure harmonisation entre la force et l’adresse »14.
Les citations précédentes pourraient expliquer pourquoi on retrouve chez les
élèves une limite dans le travail des notions comme la respiration et la mise en place
d’un recul pour travailler sur la sonorité.
Le rapport que les élèves ont avec l’instrument de musique ne montre pas
beaucoup d’inhibitions si l’activité qu’ils sont en train de faire les motive. Les enfants
ont une approche corporelle de la musique. Même s’ils ne maîtrisent pas leurs gestes,
ils aiment jouer et sont spontanés.

Les adolescents et les adultes

Les adolescents sont dans une période de transition entre l’enfance et l’âge
adulte et ils partagent comme les adultes une capacité plus intellectuelle et analytique
pour apprendre la musique.
Ils ont un vécu plus expert de leur corps mais ils ont souvent des inhibitions, de
la timidité, des crispations aux premiers contacts avec leur instrument. A la différence
des enfants ils ont déjà un jugement de valeur de leur action avant d’oser faire des
choses qu’ils n’ont jamais faites ou qu’ils n’ont pas réalisées depuis un certain temps.
Au niveau des images que le professeur communique aux élèves pour travailler la
                                                        
12
LEIF, J., DELAY, J. Psychologie et éducation, tome 1 : l’enfant, Paris, Nathan, 1965, p331.
13
Ibid.
14
Ibid.

  14
sonorité, la tenue de l’instrument, la détente, son tenu propre, etc. il a un écart de la
perception du corps entre les petits élèves et les adolescents/adultes car le système
nerveux des premiers est en train de se consolider. Pour les représentations mentales, les
enfants ont des facilités à imaginer des situations, mais ils n’ont pas de recul analytique
et leur pensée est moins structurée. Les cadres de leur pensée « sont surtout des cadres
affectifs, flous et variables, l’enfant a peu de prise sur le règne des images et croit au
bien fondé de ses visions, rêves ou êtres illusoires.15 »
Les adolescents et les adultes ont plus d’inhibitions et de crispations que les
enfants, mais on peut plus facilement leur expliquer la respiration.

c) Des difficultés liées à la musique

La respiration est naturelle au commencement, mais il y a un moment où on a


besoin d’en parler de nouveau dans l’évolution du niveau musical de l’élève où à un
degré d’acquisition d’un morceau.
Les différentes étapes qui amènent à ce niveau où il faut travailler la respiration
sont :
1. L’élève doit se familiariser avec le contexte musical pour faire les liens entre
différents éléments comme : la durée, le rythme, la continuité, les hauteurs de
sons, mélodie etc. A partir de la reconnaissance d’un contexte musical les
différents éléments de la technique instrumentale vont s’imbriquer les uns aux
autres pour reconstituer ou s’inscrire à ce contexte.
2. Quand l’élève commence à s’approprier différents gestes musicaux, grâce à la
pratique et l’expérience, ces gestes vont devenir peu à peu des réflexes mais on
devra stimuler chez l’élève une certaine conscience pour qu’il construise sa
technique (savoir faire) qui pourra adapter ses gestes pour moduler les différents
sons.

A partir de ce moment commence l’aisance du jeu musical en passant par la


juste exécution pour chercher une créativité d’interprétation. Peut être c’est à ce niveau
là qu’on revoit les bases techniques pour les dépasser et accéder a des possibilités de jeu
plus larges car le texte musical l’exige et c’est au musicien de s’adapter aux contraintes
musicales (esthétiques, de style, etc.). Sur le plan de la respiration, ce sera : prendre de
l’air en milieu de phrase, connaître sa capacité respiratoire et planifier la prise d’air et la

                                                        
15
LEIF, J., DELAY, J. Psychologie et éducation, tome 1 : l’enfant, Paris, Nathan, 1965, p.228.

  15
consommation d’air. « Relier l’action (mémoire du corps) avec l’image mentale et
l’image sonore »16. « Les difficultés commencent quand l’enfant grandit car il doit jouer
des pièces plus difficiles et plus longues alors il doit apprendre les différentes
caractéristiques du souffle : vitesse, débit, direction, administration (rétention ?)17»
quand il y a des crispations ou manque de souffle, le travail sur la respiration a plus de
sens pour régler ces difficultés.

Dans cette première grande partie, nous avons constaté qu’on parle souvent
d’une respiration naturelle pour les débutants, et surtout s’ils sont enfants, et que petit à
petit le naturel se perd, soit avec l’âge, soit avec les difficultés rencontrées dans la
musique de plus en plus grandes quand on avance dans les niveaux. On voit aussi que
les enseignants parlent de retrouver le naturel, prendre comme modèle des situations où
on est « naturel », où la respiration ne nous pose pas de problème. La respiration est
quelque chose qui est peu enseigné, en tout cas de façon pas très approfondie, soit parce
que donner des explications est contraire au naturel, qu’il faut « laisser faire », soit
parce que les enseignants ne savent pas trop comment faire, soit parce que les élèves ne
« peuvent pas comprendre ». On en parle juste un peu car on a conscience que c’est
quelque chose de très important. C’est généralement plus tard, quand ils sont adultes et
expérimentés que les professionnels s’intéressent particulièrement à cette notion, pour
leur propre apprentissage.
Je pense qu’une chose très importante à faire est se mettre d’accord sur ce mot
qui revient tout le temps : naturel. C’est un mot très flou qui semble être à l’origine de la
complexité de la notion et de son enseignement. Ce mot est comme quelque chose de
sacré qui empêche un peu d’approcher la notion et de la problématiser.
Dans une deuxième partie donc, je vais essayer de définir ce qu’on entend par
naturel, et qu’est-ce que cela implique et est-ce qu’il y a un seul naturel et est-ce que le
naturel peut se travailler, s’apprendre, être enseigné.

                                                        
16
Réponses des enseignants au questionnaire.
17
Ibid.

  16
II Qu’est-ce que le naturel ? Le naturel se travaille-t-il ?

A) De quel naturel parlons-nous ?

a) Redéfinition du mot naturel


 
J’ai travaillé à partir des définitions du mot naturel proposées par le dictionnaire
le Grand Robert de la langue française. Il y avait une multitude de définitions, mais j’ai
bien sûr choisi les définitions qui pouvaient s’adapter au phénomène de la respiration et
je me suis rendu compte qu’on pouvait les regrouper autour de trois grandes façons
d’interpréter ce mot.
A partir de ces trois grandes définitions, on peut resituer les conceptions des
différents enseignants qui ont répondu à mon questionnaire ou des méthodes de
saxophone et qui représentent un échantillon des professeurs d’instruments à vent.
Première acception du mot :
« Qui est innée en l’homme (en parlant d’un individu), d’un groupe ou de
l’ensemble des hommes … Relatif aux fonctions de la vie … « Corporel
… Besoin Physiologique18 »
Ces définitions sont directement liées aux exemples qui ont été cités dans les
réponses à mon questionnaire sur la sensation de la respiration pendant le sommeil ou
dans une position couchée, servant de référence pour prendre conscience que la
respiration est le cycle vital d’inspiration / expiration.
Deuxième acception du mot :
« Qui exclut la réflexion, … Coulant …, Facile … Commun
normal … logique … ou correspondant aux expressions : cela coule de source , cela
va sans dire, cela va se soi 19».
Celle-ci me dirige vers le témoignage des professeurs qui ont dit que : « Les
élèves les plus jeunes n’ont aucune difficulté à respirer. Ils respirent naturellement 20»,
« Pour les tous petits, aucun problème pour aborder la respiration abdominale (parfois
encore présente chez les enfants). Plus difficile à aborder chez les adultes par exemple
(…) 21», « Je ne rencontre pas particulièrement de problèmes de compréhension pour la

                                                        
18
REY Alain (Dir.), Le Grand Robert de la Langue Française Volume III .
19
REY Alain (Dir.), Le Grand Robert de la Langue Française Volume III.
20
Réponses des enseignants au questionnaire.
21
Réponses des enseignants au questionnaire

  17
respiration chez les élèves : ils « respirent » déjà naturellement ! (…)22 » Cette
signification du mot naturel montre qu’il n y a pas besoin d’apprendre et que même du
premier coup on pourrait y arriver. « Exclut la réflexion » nous ramène à l’idée
qu’enseigner la respiration risque de la gêner alors qu’instinctivement, ça fonctionne
tout seul. Cela nous ramène aussi à l’idée d’un tabou. On ne parle pas de la respiration.
Troisième acception du mot :
« Qui se comporte, agit, s’exprime…avec spontanéité, conformément à sa nature
profonde … Qui donne l’impression de vérité, d’aisance, de simplicité (en parlant
d’un écrivain de son style)23 ». Cette définition peut correspondre au musicien
professionnel, à l’artiste qui maitrise son savoir faire. En voyant le musicien de
l’extérieur on aura l’impression que tous ses gestes sont simples, précis.

On voit à partir des trois représentations du mot naturel une progression dans un
ordre logique : 1, biologique, qui fait partie de nous à tout moment, 2, chemin qui est
compréhensible en tout cas de facile accès et 3, une activité qui a demandé
appropriation et assimilation dans le temps pour donner lieu à un nouveau naturel.

b) La respiration « naturelle » des instrumentistes à vent

Nous pouvons maintenant nous demander à laquelle de ces définitions le mot


naturel correspond si on l’emploie pour la respiration des instrumentistes à vent. Est-ce
que le mode de respiration de l’instrumentiste à vent est la respiration vitale qu’il utilise
depuis la naissance ?
Nous allons comparer la courbe représentant l’amplitude des différentes
inspirations et expirations en fonction du temps de quelqu’un à l’état de repos et d’un
musicien en train de jouer d’un instrument à vent.

                                                        
22
Ibid.
23
REY Alain (Dir.), Le Grand Robert de la Langue Française Volume III.

  18
Schéma

A) Graphique d’un cycle de respiration dans un état de repos24. (Amplitude en


fonction du temps)

B) Graphique d’une respiration courante suivie d’une inspiration profonde25.

                                                        
24
CALAIS-GERMAIN Blandine, Respiration anatomie geste respiratoire p 119.
25
Idem, p 121.
 
  19
C) Graphique d’une respiration courante suivie d’une expiration profonde26.

Similitude : courbe sinusoïdale


En effet dans les différents types de respiration les mouvements principaux
sont : « l’inspiration : est le temps ou l’on fait venir de l’extérieur du corps vers les
poumons… l’expiration est le temps où l’on renvoie de l’air des poumons vers
l’extérieur du corps27 »
Différence : on voit que l’amplitude n’est pas la même. La sinusoïde respiratoire
de quelqu’un au repos a une amplitude beaucoup plus faible que celle d’un musicien.
Au repos, la respiration est une respiration de petite amplitude qui utilise en
général un demi litre d’air « Ce volume courant peut lui-même varier un peu, en
pratique, selon les circonstances : pendant une relaxation profonde ou pendant le
sommeil, elle est à son minimum. Lors d’une activité très modérée, comme une petite
marche, à rythme détendu, on brasse un peu plus d’air. Mais on reste toujours dans un
volume courant28 ».
Pour la respiration qu’on effectue avec un instrument à vent on devra augmenter
l’amplitude de la prise d’air. Quand une inspiration est ainsi importante on appelle cette
quantité d’air « le Volume de Réserve Inspiratoire (V.R. I). Celui-ci peut arriver de 2 à

                                                        
26
CALAIS-GERMAIN Blandine, Respiration anatomie geste respiratoire p .19.
27
Ibid.
28
Ibid.

  20
3,5 litres d’air selon les personnes (selon leur taille, leur aptitude corporelle, etc.)29 »
Dans le cas de l’expiration il y a un principe qui dépasse la simple expiration du
Volume Courant car on va chercher à « expirer plus complètement nos poumons, c’est
ce que l’on appelle souvent « l’expiration forcée », « Quand une expiration est ainsi
plus importante en amplitude que la simple expiration de repos, on se trouve dans un
Volume de Réserve Expiratoire (V.R.E.). Celui-ci peut varier de 1 a 1,2 litre d’air selon
les personne (selon leur taille, leur aptitude corporelle, l’entraînement, les pathologies,
etc.)30.
La façon de respirer d’un instrumentiste à vent s’inspire peut-être de la
respiration la plus biologique de l’homme qui sert de modèle pour expliquer certains
paramètres, mais on voit bien qu’il ne suffit pas d’être naturel, d’être « relax », de
respirer comme on sait faire pour bien respirer avec un saxophone.
En lisant les commentaires des professeurs et ceux des méthodes, on peut
constater qu’un élève qui respire sans se poser de question risque d’adopter des mauvais
gestes : « Lever la poitrine et les épaules pendant l’inspiration », « respirer par le nez »,
« immobilité pour garder l’embouchure », « respiration bruyante ». Cela veut dire que la
deuxième définition du mot naturel ne convient pas encore : la respiration serait quelque
chose que l’on peut trouver tout seul, et même si ce n’est pas la même respiration que la
respiration vitale, l’élève qui prend le saxophone tout à coup trouverait comment il faut
respirer avec cet instrument.
On dirait que c’est plutôt la dernière définition qui correspond : la
respiration du musicien semble naturelle et cela a l’air facile pour lui, il est à l’aise. On
peut alors comparer l’instrumentiste à un sportif pour lequel courir une certaine distance
à l’air facile. De l’extérieur, on ne ressent pas l’effort. Mais pour en arriver là, le sportif
s’est entrainé beaucoup, a étudié et a appris une technique. Pierre Monty, flûtiste,
compare directement le musicien au sportif et conseille même au musicien de faire
beaucoup de sport : « Les soucis d’appropriation viennent quand il faut assurer de
longues tenues (avec le respect des phrases) qui nécessitent de l’endurance : on entre
alors dans le domaine « sportif ». De plus, une bonne respiration ne peut se faire que si
l’ancrage du corps est assuré correctement et la détente respectée ; la solution est avant
tout dans la posture et sans oublier la pratique du sport (…) certains professeurs des

                                                        
29
CALAIS-GERMAIN Blandine, Respiration anatomie geste respiratoire p.27.
30
Id. p.28.
 
  21
CNSM organisent des séances de jogging pour travailler la respiration avec leurs
étudiants : ils ont raison !31 »
La respiration est donc une technique, qui s’apprend. La respiration du musicien se
travaille comme celle du sportif. On va regarder maintenant plus précisément ce qui
s’apprend dans la respiration instrumentale.

B) Caractéristiques de la respiration instrumentale

Au niveau des gestes qu’on utilise spontanément pour respirer dans la technique
d’un instrument à vent, d’un point de vue physiologique ce sont tous des gestes naturels.
Ces gestes sont dans le répertoire des mouvements qui peuvent être réalisés par notre
corps.
La différence entre ces gestes est leur efficacité et donc leur pertinence par
rapport à l’action qu’on va réaliser. Pour jouer d’un instrument à vent, le travail de la
respiration est fondamental pour apprendre à réguler le souffle. Il faut trouver le juste
effort pour brasser différents volumes d’air dans des durées irrégulières (inspiration
dans un temps court et une expiration prolongée, différents débits selon les nuances, les
registres, etc.) en faisant des liens avec le résultat sonore.
Aspects de cette technique respiratoire qui ne sont pas habituels pour les
commençants :

a) Respirer par la bouche, pourquoi ?

Dans la vie de tous les jours la respiration courante est par le nez. Celle ci est
importante pour la santé du corps. « La bouche n’est pas le conduit plus normal pour
respirer : en effet elle ne possède pas comme le nez, de dispositif pour purifier et
humidifier l’air 32 »
Pour jouer du saxophone on n’est pas dans une respiration vitale, mais par contre
il faut utiliser un volume d’air plus grand, et respirer par la bouche est une option qui
nous permet de laisser rentrer l’air en plus grande quantité en un moindre temps.
« Néanmoins, il y a de nombreuses occasions où l’on respire par la bouche : quand on
veut respirer plus vite où plus fort, quand on nage, quand on chante, etc. C’est pourquoi

                                                        
31
Réponses des enseignants au questionnaire.
32
CALAIS-GERMAIN Blandine, Respiration anatomie geste respiratoire p.74.

  22
il convient de le décrire ici comme lieu de passage éventuel de l’air, au lieu éventuel de
freins au passage de l’air.33 »
Pour le saxophone on a besoin de produire souvent un souffle prolongé, qui va
mettre en vibration l’anche qui résiste au passage de l’air à travers le bec et après il faut
que le souffle traverse le corps de l’instrument. Pour cela il faudra produire une colonne
d’air puissante et flexible en utilisant l’air inspiré.

b) Pourquoi lever les épaules est-il aussi fréquent ?

Au niveau des sensations de la perception de notre corps, la cage thoracique est


innervée par de nombreuses terminaisons nerveuses sur les muscles inspirateurs. Ces
muscles sont superficiels et nous avons une représentation plus immédiate de leur rôle
inspirateur par rapport au diaphragme qui est un muscle interne. Le diaphragme est
placé entre le caisson thoracique et le caisson abdominal, ce muscle a beaucoup moins
de terminaisons nerveuses que les muscles inspirateurs de la cage thoracique.
« La contraction du diaphragme n’est pas facile à sentir : son action est située
en plein milieu viscéral. De plus, il est peu innervé du point de vue sensitif ; il l’est par
des filets nerveux provenant des six derniers nerfs intercostaux et quelques filets
provenant du plexus solaire. Ceci fait que sa contraction n’est pas facilement
reconnaissable à la sensation, beaucoup moins que celle des inspirateurs costaux.34 »
Jouer du saxophone est une action volontaire mais le premier réflexe est que les
muscles les plus sensibles vont accomplir la tache d’agrandir la cage thoracique pour
permettre aux poumons de se remplir d’air. Sur la cage agissent plusieurs groupes de
muscles inspirateurs, entre eux il y a les muscles qui élèvent les côtes depuis la ceinture
scapulaire (les muscles : petit pectoral et le grand pectoral) qui sont liés aux
articulations des épaules. Quand on effectue une inspiration haute (claviculaire) on
sollicite ces muscles liés à la ceinture scapulaire et là on peut facilement lever les
épaules. « Souvent, en pratique, les mouvements de l’épaule et de la cage thoracique se
mêlent : il est fréquent d’inspirer en montant les épaules35 »

                                                        
33
CALAIS-GERMAIN Blandine, Respiration anatomie geste respiratoire p.74.
34
Idem p.86.
35
Idem p.53

  23
c) Pourquoi la respiration diaphragmatique ?

Dans le travail d’un instrument à vent, la respiration diaphragmatique permet au


musicien d’inspirer un volume d’air plus important. Le diaphragme est le principal
muscle inspirateur et se déplace comme un piston. Quand le diaphragme se contracte il
pousse vers le bas les viscères qui sont dans le caisson abdominal. Ainsi les poumons
ont plus de place pour se remplir d’air.
Même si nous ne sommes pas conscients des contractions du diaphragme, nous
pouvons observer sans difficulté le mouvement de notre abdomen pendant le cycle
respiratoire. Pendant l’inspiration les poumons grandissent, le diaphragme descend en
poussant les viscères (les abdominaux se tassent un peu et donnent l’impression de que
le ventre se gonfle), au niveau thoracique les côtes s’ouvrent. Pendant l’expiration,
c’est le cycle à l’envers : les abdominaux rentrent, le diaphragme monte, la cage
thoracique se ferme et les poumons rétrécissent. Là nous sommes encore dans le registre
de la respiration naturelle. Une chose très importante à garder en tête est que tous les
mouvements musculaires qui entrent en jeu vont être simultanés dans tous les sens en
accompagnant les mouvements du poumon : étirement (inspiration) et rétrécissement
des poumons (expiration).
En parlant de la respiration abdominale on va chercher à brasser l’air vers la
base des poumons, action qui demande de l’entrainement et qui des fois n’est pas très
évidente à ressentir et à faire spontanément car dans la vie courante, on n’exerce pas la
capacité totale de nos poumons. « On ressent souvent les mouvements des viscères, en
particulier des plèvres (très innervées sur le plan sensitif), sans pouvoir les distinguer
de façon nette de la sensation contractile du muscle du diaphragme. Ceci explique en
partie pourquoi les inspirations diaphragmatiques, bien qu’elles soient les plus
courantes et les plus efficaces pour le volume d’air brassé, ne soient pas forcément
faciles à « trouver » quand on veut les pratiquer de façon consciente et volontaire.36 »
La respiration abdominale a un autre aspect important pour les musiciens à vent
en plus de la quantité d’air brassé : c’est le contrôle de l’expiration. Tous les muscles
vont se réguler pour créer une pression régulière (ou pas) pour chasser l’air selon nos
besoins musicaux. Les muscles expirateurs qui sont autour de la sangle abdominale
vont pousser le diaphragme (contrôler la montée du diaphragme) jusqu’à dépasser le
seuil habituel du volume courant de nos poumons (cette expiration soutenue et profonde

                                                        
36
CALAIS-GERMAIN Blandine, Respiration anatomie geste respiratoire p.86.

  24
est utilisée pendant les émissions de sons très longues ou pour les phrases longues).
C’est pour cela que la respiration qu’on utilise pour jouer du saxophone ou d’autres
instruments à vent n’est pas la simple expiration naturelle mais elle est une expiration
forcée.
Il y a un autre point important à soulever, c’est la participation des freins
occlusifs (langue, lèvres gorge) qui participent activement à la régulation du flux de
l’air avec la complémentarité des différents muscles inspirateurs et expirateurs pour la
production de la colonne d’air, (air comprimé).
« Certains de ces freins créent une occlusion, une fermeture du passage de l’air un peu
comme un robinet que l’on serre : ils sont appelés ici freins occlusifs.
On peut fermer simultanément la bouche et le nez (en pinçant son nez).
On peut aussi créer une occlusion qui ne freine que partiellement le flux de l’air :
- ainsi la glotte peut se fermer incomplètement, laissant passer un petit filet d’air, de
même pour les lèvres, ou pour l’arrière-langue par exemple
- Un frein occlusif diminue le flux d’air : il allonge la durée de l’expir et de l’inspir.
Cela pourrait être intéressant quand on veut explorer plus lentement ou plus longtemps
un volume respiratoire, par exemple37. »

Grâce à cette plasticité de nos lèvres et de la gorge, on peut varier le diamètre


d’ouverture de la sortie de l’air. La position de la cavité buccale et des lèvres forme ici
ce qu’on appelle l’embouchure. L’embouchure fait le lien entre le souffle du musicien
et l’instrument à vent où va se produire une vibration qui va ensuite être amplifiée ou
modulée dans l’instrument grâce aux différentes pressions et débits d’air (expiration,
souffle) et après la fin de ce souffle musical, les lèvres s’entre- ouvrent pour permettre
à nouveau l’entrée de l’air dans notre corps (nouvelle inspiration).

Dans ce II, je me suis interrogé sur le sens du mot naturel adapté à la respiration
instrumentale et j’ai observé que cette respiration utilisait bien des gestes naturels, c’est-
à-dire adaptés à la physionomie du corps, mais ces gestes ne sont pas les mêmes que
l’on utilise pour la respiration vitale de tous les instants. La respiration instrumentale est
une respiration forcée dominée par l’expiration (le souffle), alors que dans la respiration
vitale, l’expiration est passive. De nombreux « défauts » techniques des élèves
concernant la respiration viennent du fait que les gestes qui arrivent spontanément ne
sont souvent pas ceux qu’il faut utiliser pour jouer d’un instrument de manière efficace.
Il faut chercher quelque chose qu’on n’a pas l’habitude de faire et apprendre à le
maîtriser pour qu’il devienne naturel. La respiration demande un travail et un
apprentissage. Nous allons maintenant nous demander comment un tel apprentissage
                                                        
37
CALAIS-GERMAIN Blandine, Respiration anatomie geste respiratoire p.130.

  25
peut s’effectuer, comment partir de ce qui est « naturel » pour l’élève pour développer
une technique de la respiration.

III Entrée pédagogique


 

A) Enseigner la respiration aux enfants


a) Y a-t-il un âge pour aborder la question ?

Nous avons dit dans une première partie (I) qu’il était plus difficile d’enseigner
la respiration aux enfants qu’aux adultes ou adolescents et parfois ils en ressentent
moins le besoin. Mais à tout niveau, la respiration joue un rôle capital dans la technique
du musicien. C’est important pour l’élève au fur et à mesure qu’il avance dans son
apprentissage de la technique de la respiration qu’il ait des repères les plus clairs
possibles et cela le plus tôt possible. Ces repères vont permettre à l’élève de construire
son savoir-faire. Ces repères doivent être adaptés aux possibilités des élèves et
notamment à leur degré de maturité (des repères comme : la posture, la décontraction,
l’amplitude de la respiration, la sonorité.)
Dans la tradition d’enseignement de la musique, il y a des modèles qui
s’imposent et qui font souvent partie de nos représentations de ce que doit transmettre
un professeur à son élève et quel est le devoir de l’élève. Ces représentations renvoient à
la façon comme le professeur a lui-même appris avec son maître. La différence est
qu’aujourd’hui dans les classes d’instruments à vent, il y a de plus en plus d’élèves très
jeunes et qui ne vont pas correspondre obligatoirement aux exigences d’un tel modèle.
La difficulté avec les jeunes élèves est de trouver une pédagogie adaptée sans
s’obstiner sur des détails très précis de la technique qui demandent de l’abstraction.
Sinon ils n’arrivent pas à se concentrer et ce travail leur demande trop d’effort ou même
est impossible. Par exemple : aborder la théorie de la respiration où découper les
exercices pour analyser comment fonctionne la respiration. Cela risque de ne pas être
pertinent à leur niveau de conceptualisation et de leur intérêt (pour les 6-10 ans) mais
d’être plutôt une gêne dans la compréhension par tâtonnement et ça risquerait de les
démotiver.
Mais si on s’appuie sur la théorie de Jérôme Bruner qu’il appelle la
morphogenèse concentrico-spiralaire, on peut penser qu’on peut enseigner n’importe
quelle notion à tout âge, à condition de l’adapter, comme si chaque notion avait

  26
plusieurs couches et qu’on allait, avec l’âge et le niveau de plus en plus en profondeur
vers la complexité.
« Si l’on respecte la façon de penser de l’enfant qui grandit, si on est assez habile pour
traduire les données de l’enseignement dans les termes de la logique de l’enfant et de le
rendre assez alléchant de façon à ce que l’enfant aie envie d’avancer, alors il est
possible d’introduire à un âge précoce les idées et les comportements qui, plus, tard,
feront de l’adulte un homme instruit… Si l’hypothèse du programme en spirale est
valable, n’importe quel sujet peut être enseigné, à n’importe quel enfant, sous une
forme acceptable.38 »

L’enjeu pédagogique de l’enseignant se trouve là de prendre conscience des


notions qu’il faut aborder dès le début et de les simplifier pour éviter soit de ne pas les
enseigner soit de les enseigner de façon tellement inadaptée que cela provoque des
effets néfastes et peut nous amener à abandonner notre démarche.

b) Que peut-on apprendre aux enfants sur la technique de la respiration ?


 

« Le Développement psychomoteur de l’enfant : En préambule, nous dirons que


l’enfant ne doit surtout pas être perçu comme un adulte en miniature. Pourquoi ? Parce
que l’on aura tendance à comparer ses productions psychomotrices à celles de l’adulte
et l’on ne le percevra pas comme un être en harmonie avec son niveau de
développement. Il ne faut donc pas voir systématiquement ce qui lui manque mais
l’aider à atteindre ses propres objectifs avec les moyens dont il dispose… 39 »

Ainsi, nous pouvons dire que les démarches à suivre pour faire travailler la
respiration sont plus au niveau de l’éveil de la conscience corporelle de la respiration.
Le professeur va proposer à l’élève des expériences différentes qui vont faire référence,
écho, à des actions que l’élève aura vécues auparavant qui ont nécessité d’utiliser sa
respiration avec un certain contrôle, comme par exemple : souffler dans une bouteille,
souffler dans un sifflet, fredonner un air, moduler sa voix, bailler, etc. Il est important
de développer sa capacité d’analyse et de recul : l’élève doit observer comment son
corps réagit et établir un lien avec son action appliquée à l’instrument de musique,
comparer les différents principes d’émission. Il s’agit de pratiquer la transposition
didactique, ou transfert.
« Il y a parfois peu de distance entre la pratique et une activité de son
apprentissage (du transfert)». « On ne peut pas enseigner directement des compétences,

                                                        
38
DEVELAY Michel, De l’apprentissage à l’enseignement, p39.
39
CHOQUE Jacques, Gym et Jeux D’éveil pour les 2-6, p.11.
 
  27
mais seulement créer des conditions pour leur développement, au gré de dispositif
d’entrainement (du transfert) »

On peut donc créer une multitude de situations par le jeu par exemple. En
utilisant des objets divers comme des ballons, des pailles, c'est-à-dire des obstacles qui
gênent le passage de l’air soufflé. Ainsi, les élèves vont pouvoir expérimenter la
puissance du souffle et sentir dans leur corps comment la respiration peut être utilisée
de plusieurs façons et en même temps prendre conscience que la respiration a deux
côtés : vital et pour la production du souffle (expiration forcée).

À partir des témoignages des professeurs qui m’ont fait part de plusieurs images
qu’ils utilisent pour faire travailler le rapport souffle /son chez ses élève, j’ai organisé
dans deux colonnes les images qui pourraient inciter l’élève à produire une inspiration
diaphragmatique et expiration soutenue et contrôlée.

Métaphores des professeurs pour enseigner les gestes et les sensations de la technique
de la respiration40 :

Inspiration Expiration/ souffle


« Sensation de pousser vers le bas », « sensations de chaleur » « souffler sur un petit
« respirer en ayant toujours l’image de la manière bateau » « souffler une bougie » « faire avancer les
de respirer pendent le sommeil ». notes sur un tapis volant (air) » « Le son d’un
« Imaginer que tout le corps respire, devant, instrument à vent vient du ventre. Comparer le
derrière et sur les côtés » « ballon qui se gonfle et souffle à l’archet des instruments à cordes. »
se dégonfle », « prendre l’air vers les pieds avec « image de souffler entre les notes.»
une louche » « sentir l’air qui monte des pieds vers
les oreilles » « « ouvrir la gorge comme quand on
baille »

Les métaphores ont une efficacité et une pertinence dans la pratique


pédagogique à tout âge et à tout niveau. Chez les jeunes élèves, les métaphores ont un
grand impact car ils ont une imagination très riche qui fait des liens directs avec le jeu.
Il y a un risque si on reste seulement dans les métaphores car à un certain moment les

                                                        
40
Réponses des enseignants au questionnaire.

  28
élèves auront besoin de bénéficier d’une compréhension plus précise de ce qui participe
à la respiration et ils peuvent rester avec des représentations erronées du fonctionnement
du corps ou qui ne sont pas adaptées à leur ressenti. Par exemple, ils peuvent avoir
l’impression en pratiquant la respiration abdominale que quand on respire par la bouche,
l’air va dans l’estomac, ou que les poumons sont dans ventre. Témoignage d’un
professeur : « Je n’utilise pas l’image respirer par le ventre (on l’entend beaucoup), le
ventre se gonfle, oui, mais il n’y a pas d’air qui rentre dedans41 ». Ce n’est pas grave
d’avoir une conception personnelle du corps et ça nous permet d’expérimenter la
complexité des choses qui ne sont pas visibles mais il faut ensuite ajouter à ces
sensations des explications plus scientifiques.

B) motivation et sens du travail sur la respiration

a) l’apprentissage de la respiration fait-elle sens pour les débutants ?

L’apprentissage de la musique et d’un instrument est un système complexe où


on est confronté très tôt à combiner plusieurs paramètres : le rythme, les hauteurs de
sons, le timbre, les nuances et l’expression. En pensant à l’enseignement des différentes
notions en musique, la respiration est particulièrement délicate car c’est une action qui
se fait avant le son et qui permet par la suite d’alimenter le discours musical. Donc il est
difficile d’isoler l’apprentissage de la respiration. Pour tous les musiciens en général, la
respiration est une des manières de ponctuer, d’aérer les phrases musicales pour les
rendre compréhensibles et donc musicales. Cela montre que la musique partage avec le
langage (oral et écrit) des paramètres communs comme: le rythme, l’intonation, des
phrases de longueurs différentes, des caractères, de la ponctuation. La ponctuation
pourrait être comparée aux respirations musicales et instrumentales, (pour les
instruments vents) dans le sens qu’elles permettent au déclamateur ou au comédien de
reprendre son souffle au milieu d’un paragraphe et de ponctuer chaque idée. Ces
respirations lui permettent d’avoir un discours compréhensible pour l’assemblée qui
l’écoute.
La respiration est à la fois une notion et une technique qui va accompagner le
parcours de l’élève tout au long de son apprentissage de la musique : jouer d’un
instrument avec de la musicalité. Si on n’intègre pas une technique consciente de base
                                                        
41
Réponses des enseignants au questionnaire.

  29
qui est en équilibre avec le corps, il aura un moment où les contraintes physiques ne
vont pas permettre d’assurer les exigences musicales. La respiration est une technique
qui s’apprend dans le temps car il y a autant de façons de respirer que de contextes
auxquels le musicien doit s’adapter. Pour cela le professeur enseignera à l’élève
comment la technique de respiration s’inscrit dans ces trois dimensions :
- La respiration dans le corps
- Le souffle dans l’instrument et la production du son
- Le jeu musical

Un aspect qui pourrait participer à la perte du sens quand on découpe un


enseignement est de ne pas rendre évident le lien avec la suite de l’idée ou du geste, par
exemple si on aborde la notion de antécédent /conséquent en les écartant, en les
analysant séparément sans les mettre en rapport, on pourrait perdre le fil et l’intérêt de
la notion. Au niveau de la respiration, ce serait par exemple si on isole l’inspiration de
l’expiration. Un enseignant écrit : « Pour moi la respiration est indissociable du
soutien. Les deux doivent d’être abordés en même temps, dès le début de
l’apprentissage 42», « Une bonne expiration déclenche en général, une bonne
inspiration. Le problème principal est donc : la gestion de l’expiration dans la
souplesse - autrement dit : conserver la souplesse dans l’endurance dans la gestion du
souffle. Ce qui demande : - un corps souple et tonique, une embouchure bien placée
pour ne pas gêner la sortie de l’air43 »
L’apprentissage de la respiration prendra tout son sens si on le relie avec les
paramètres qui lui sont attachés. L’élève doit voir que la respiration est liée à la
musique, qui est sa principale motivation. Il doit voir directement les effets sur son jeu,
son interprétation et son bien-être à l’instrument. Si on isole la respiration, elle va
perdre son sens et son intérêt.

b) inclure la respiration dans un contexte musical plus complet

Si on veut relier la respiration à la musique, il faut inclure la respiration dans un


contexte le plus riche possible et proposer à l’élève des situations musicales et
artistiques variées pour expérimenter des utilisations et des rôles différents de la
respiration.
                                                        
42
Réponses des enseignants au questionnaire.
43
Ibid.

  30
C’est important pour la motivation de ne pas trop tarder à proposer au petit
débutant des situations musicales où il pourra : voir, écouter, sentir et agir. « J’ai appris
à travers l’enseignement que j’ai reçu, l’expérience des concerts, l’observation des
autres musiciens (ce sont les violoncellistes qui respirent le mieux dans un
orchestre … 44
) Le travail individuel est important pour saisir les rudiments de la
technique et pour acquérir les premiers réflexes, mais le fait de s’intégrer à un contexte
collectif peut permettre de donner plus de sens aux diverses notions étudiées en musique
et l’enfant peut apprendre beaucoup des expériences des autres partenaires musiciens.
Par exemple, une très bonne manière de mettre en relation la respiration et le rythme est
de travailler les départs synchronisés tout au long d’un morceau par la respiration de
levée. Cela peut se faire simplement dès qu’on a un duo. Cela permet d’apprendre à
« anticiper la prise d’air en fonction de la longueur de la phrase et de l’intensité voulue
et ainsi gérer l’expiration.45 » et cela est lié également au tempo que l’on choisit.
Dans une situation musicale, les occasions d’avoir une écoute active vont surgir
(ici je donne un sens global à l’écoute du son et des ses sensations) car il rencontrera des
obstacles pratiques comme la coordination des éléments divers de la technique
instrumentale, la précision du jeu, la crispation etc. Ces obstacles sont plutôt des
occasions pour développer des compétences à partir des acquis présents chez l’élève.
On pourrait dire que l’élève rentre dans la zone proximale de développement. « La
définition que donne Vygotski de la zone proximale de développement est la suivante :
"c’est la distance entre le niveau de développement actuel tel qu’on peut le déterminer à
travers la façon dont l’enfant résout des problèmes seul et le niveau de développement
potentiel tel qu’on peut le déterminer à travers la façon dont l’enfant résout des
problèmes lorsqu’il est assisté par l’adulte ou collabore avec d’autres enfants plus
avancés". S’intégrer dans un contexte musical permet à l’élève de passer de la position
d’élève à celle du musicien qui réagit face à un environnement vivant. Il prend
conscience de l’obstacle et de ce qu’il faut atteindre et précise donc ses besoins.
Le fait de prendre conscience de ses difficultés en ayant l’idée du niveau à
atteindre va forger graduellement une méthode de travail.
« Ne pas confondre la méthode avec ses excès et la méthode librement consentie. Reste
que la méthode n’est vraiment éducative que si le sujet en comprend la nécessité. S’il ne
voit pas le but des exercices de détails, comme la respiration ou les gammes*, ceux-ci
ne sont plus que des corvées qui risquent non seulement de le dégoûter d’apprendre
mais plus encore de l’aliéner dans le conformisme ; tout exercice devient dommageable

                                                        
44
Réponses des enseignants au questionnaire.
45
Ibid.

  31
dès qu’on n’en comprend plus l’enjeu, dès qu’on est privé de voir à quoi l’on s’exerce»
(* à propos de musique)
« La méthode, à condition qu’elle soit comprise par l’élève et si possible trouvée par
lui, est donc ce qui lui permet de prendre en main son propre apprentissage. Alors, elle
n’est pas contrainte mais liberté.46»

Pour proposer à l’élève différentes approches du savoir à apprendre, on pourrait


utiliser les moyens qu’il y a autour de nous. Par exemple :
- Proposer aux élèves quelques visites à travers les différentes classes du
conservatoire pour voir comment leurs camarades qui jouent d’autres instruments
apprennent la musique avec leurs professeurs. Le but sera d’observer quels sont les
éléments communs et différents dans leur manière de travailler : le souffle, la tenue, les
images utilisées par les professeurs qui pourraient enrichir la méthode de l’élève.
L’élève commencera à créer des références qui existent dans la pratique des autres
instrumentistes et le fait de les analyser donnera plus de profondeur à sa pratique.
« D’autres apprentissages se font à travers la formalisation de l’expérience, au gré
d’une pratique réflexive ou métacognitive ».
Je considère aussi important que l’élève ait de temps en temps des occasions
pour exprimer la musique d’une manière différente que seulement avec son instrument.
Les élèves pourraient participer à des ateliers de percussion, de danse, de lecture, etc. où
la respiration est à la base de ces actions. Cela leur permettrait de continuer à s’éveiller
à la conscience des sensations au niveau du toucher, de l’écoute, de l’appropriation et
de la coordination de nouveaux gestes qui vont enrichir leurs vocabulaires gestuels. Le
mieux est de faire des ateliers où on les aide à établir des liens directs avec l’instrument.
Le fait d’avoir des expériences variées va permettre à l’élève de prendre du recul et de
faire des liens entre ses savoirs de musicien pour aller peu à peu vers une
compréhension de son action et accéder à une autonomie dans sa pratique musicale.
Je sais qu’on ne peut pas tout faire dans une classe hebdomadaire et qu’il faut
choisir et délimiter les activités et les objectifs pour progresser dans un apprentissage.
Mais la respiration fait partie de la musique et aussi elle fait partie de notre vie. La
respiration en musique peut paraitre contraignante mais une solide connaissance de
base permettra de développer la technique et la musicalité entre autres, tout en tenant
compte de la santé et du bien-être de l’individu.

                                                        
46
Le nouvel éducateur (Dossier) n° 157, Méthode naturelle d’apprentissage par tâtonnement
expérimental, p. 34.
 
  32
Conclusion
 

 
Dans un premier temps on a observé dans les grandes lignes comment le thème
de l’apprentissage de la respiration est perçu par les professeurs d’instruments à vent.
Leurs points de vue sont complémentaires et alternent entre une conception de l’inné et
du réfléchi. Ces idées mettent en valeur un stade où le naturel de la respiration rencontre
des obstacles pendant l’appropriation de la technique à l’instrument.
Dans un deuxième temps j’ai comparé les différentes acceptions du mot naturel
par rapport à la technique respiratoire pour essayer de définir le sens du mot naturel
lorsque l’on parle de l’apprentissage de la respiration pour les instrumentistes à vent.
Pour aller au delà des représentations personnelles j’ai analysé pourquoi certains gestes
que l’on pourrait cataloguer comme des défauts techniques sont récurrents chez les
élèves : mouvements qui sont à la fois naturels dans le répertoire des gestes du corps
(d’un point de vue physionomique) mais qui par contre ne sont pas les plus efficaces
dans le jeu instrumental (du point de vue de la performance). En dernière partie, j’ai
réfléchi dans quelle mesure le professeur doit adapter sa pédagogie pour aider à l’élève
à construire des repères clairs dans la technique de la respiration. J’ai soulevé
l’importance de ne pas trop tarder à confronter l’élève à des contextes musicaux variés,
pour qu’il puisse passer de la position d’élève à celle de musicien, et ainsi pouvoir
repérer son niveau technique pour expérimenter et comprendre le rôle qu’a la
respiration dans le jeu musical.

Bibliographie
 
1) Réflexions sur l’éducation et l’enseignement
LEIF, J., DELAY, J. Psychologie et éducation, tome 1 : l’enfant, Paris, Nathan, 1965,
512p.

  33
DEVELAY Michel, De l’apprentissage à l’enseignement, ESF Editeur, Paris,
1992,163p.
Ouvrage collectif, LES CAHIERS PEDAGOGIQUES N° 408, Savoir c’est pouvoir
transférer? édition numérique au format PDF, NOVEMBRE 2002 Paris, 75p
Ouvrage collectif, LES CAHIERS PEDAGOGIQUES N° 381, L’intelligence, ça
s’apprend ? édition au format PDF, février 2000, Paris, 75p

PERRENOUD Philippe, La transposition didactique à partir de pratiques : des savoirs


aux compétences (article) Revue des sciences de l'éducation, vol. 24, n°3
http://id.erudit.org/iderudit/031969ar, 1998, p. 487-514.

Le nouvel éducateur (Dossier) n° 157, Méthode naturelle d’apprentissage par


tâtonnement expérimental, Mars 2004 p. 29-35

2) Ouvrages généraux
PIGNIER Daniel, Que sais-je ? La respiration kinésithérapeute respiratoire, Presses
Universitaires de France, Paris, novembre1998
GERZABEC Ute, Pour en savoir plus sur la respiration et vivre mieux, Editions Sand,
Paris, 2000,128 p
BEAUSERGENT Jaques, Le tir à la cible de l’initiation à la compétition, Editions
Amphora, Paris, février 2002 ,239 p.
CHOQUE Jacques, Gym et Jeux D’éveil pour les 2-6, Editions Amphora , Paris. ,
mars 2000,191p.
WEINECK Jürgen BIOLOGIE DU SPORT Traduit de l’allemand par Robert
Handschuh. Editions Vigot, Paris , 1992, p. 136-150
RIQUIER Michel, Je ne manque pas de souffle! Gerald BILLAUDOT Editeur, Paris
,1991
CALAIS-GERMAIN Blandine, Respiration anatomie geste respiratoire, Editions
Désirs, Paris, 2007, P.219
REY Alain (Dir.), Le Grand Robert de la Langue Française 6 Volumes, Dictionnaires le
Robert, Paris, 2001

3) Méthodes de saxophone
COKKEN, Méthode complète de saxophone applicable à tous les saxophones des
différents tons, Imp. Chez J.MEISSONNIER et FILS, Paris, 1846, p120.

  34
DUPAT Charles, Méthode Polyphonique Leçons élémentaires et progressives pour
l’enseignement simultané de tous les instruments à vent OP. 19, Edition à Paris chez
l’auteur ,1859.
FOURMEAU Jean-Yves et MARTIN Gilles, Saxo tempo Volume 1, Editions Gérald
Billaudot Paris
O’ NEIL John La méthode de jazz pour saxophone du premier son à Charlie Parker,
Éditions SCHOTT, Paris, 2005, p.9-10.
DELAGE Jean –Louis, Saxorama, Editeur Hit Diffusion, Clamart 2008, 95p.
LONDEIX, Jean-Marie, Le saxophone en jouant, Editions Henry Lemoine, Paris,
1964/1992, 47p.
DELANGLE Claude et BOIS Christophe, Méthode de saxophone débutants, Editions
Henry Lemoine, Paris 2004, 98p.
BARRET Eric, La pratique du saxophone volume 1 : L’instrument, Editions Outre
Mesure, Paris, 2001, 68p.
MERIOT Michel, Méthode pratique et progressive, Editions Combre, Paris 76p.

Annexe

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Questionnaire
Pour les professeurs de saxophone, clarinette ou autre instrument à vent.

1) Quelles difficultés sont récurrentes au niveau de la compréhension/appropriation


de la technique de respiration chez vos élèves ?

2) Quelles stratégies utilisez-vous pour éveiller la conscience corporelle, et la


relation souffle/son ?

3) La respiration est-elle quelque chose qui s’enseigne ou c’est plutôt quelque


chose qui est naturel chez l’élève et qui doit donc être expérimenté, ressenti et
maitrisé par lui-même ? Que pensez vous si on laisse aux mains des élèves
l’invention de leurs propres exercices de respiration ?

4) Comment avez-vous appris vous-même à bien respirer à l’instrument?

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Mots clés : respiration ; diaphragme ; naturel ; représentations ; technique ; sens ;
débutant

Résumé : Dans ce mémoire, j’ai travaillé à partir du constat (d’une collecte) des
représentations les plus communes chez les professeurs d’instrument à vent et à partir
de quelques méthodes qui expliquent l’enseignement de la technique de la respiration
pour les débutants (saxophone). En confrontant ces différentes approches de la
technique respiratoire, nous verrons comment elles se complètent entre elles, comment
la notion de respiration englobe différents facettes qui pourraient être qualifiées
d’évidentes mais qu’il faut mettre en valeur pour mieux comprendre ce qui est en jeu
dans le processus d’apprentissage chez les élèves. Nous nous demanderons enfin
comment à partir d’expériences diverses dans un contexte musical adapté au niveau des
élèves, essayer de construire avec eux une méthode consciente et créative qui les
pourrait les aider à trouver du sens à l’étude de la technique de la respiration.

Merci à tous les enseignants qui ont bien voulu répondre à mon questionnaire, à
Fabienne Taillandier pour ses généreux conseils, à mon aide-mémoire Marie Vergnon, à
la famille Dahan pour son soutien.

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