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FAUT-IL AVOIR PEUR DES MACHINES ?

Chemins de la philosophie Mai 2018, Lycée Pasteur Neuilly sur Seine

Eléments d’analyse

-S’interroger sur le sens à donner au mot machine, (par différence avec l’outil et l’organisme, situer
la machine par rapport à la technique ) au mot peur (à distinguer de l’angoisse, de la crainte,) sur le
présupposé du sujet ( la peur pourrait-elle être un devoir ?)
-Rechercher les raisons qui mènent à cette question (pourquoi faudrait-il avoir peur spécifiquement
des machines ?) on voit à peu près ce qui nous fait peur dans les machines ..
-Repérer les risques de hors sujet (aspects positifs et négatifs des machines ; distinction des bonnes
et mauvaises machines ; identification de la machine et de la technique. ; description de ce dont les
machines sont capables ..)
-Autres préalables : le paradoxe du rapport aux machines (familiarité en pratique, angoisse en
théorie)/ la difficulté de s’y retrouver dans l’évolution des machines, difficulté qui pourrait bien nous
réduire au silence…

Eléments de problématisation :

On a peur des machines (ce qui ne date pas d’hier.) Il y a au moins une méfiance, parfois une sorte
d’hostilité, dont on retrouve la trace dans les films et autre représentations de notre imaginaire, de
Prométhée à Terminator en passant par la créature de Frankenstein.
Mais la peur ne peut être un devoir (pas plus que d’aimer sa soupe) ; avoir peur cela ne se commande
pas.
On peut, on doit donc reformuler la question : ce que l’on peut prendre comme un devoir c’est la
crainte, la méfiance, la précaution… A-t-on des raisons de craindre, les machines, de se méfier des
machines , de prendre des précautions particulières face aux machines, alors que nous en sommes
les inventeurs, les utilisateurs, les bénéficiaires ? Cette crainte doit-elle porter sur toutes les machines,
sur l’essence même de la machine ou seulement sur certaines machines, et alors lesquelles et
pourquoi ? Enfin à supposer qu’il y ait des raisons légitimes de craindre les machines, à quoi cette
crainte doit-elle conduire, quelles conséquences doit-on tirer du fait que les machines sont à
craindre ? les supprimer ? en supprimer certaines ? L’enjeu porterait sur la possibilité de se frayer un
chemin entre misonéisme (crainte du changement, du nouveau) face au progrès des machines et
fétichisme ou idolâtrie des machines ?
On s’interrogera sur ce qui pourrait être objet de crainte dans les machines du fait de leur nature ,
puis du point de vue de leur usage, avant de montrer que l’on peut aussi interroger l’usage qui est
fait du modèle de la machine dans le domaine des sciences et de la politique.

Progression possible :

1/Doit-on craindre les machines pour elles-mêmes, du fait de leur nature de


machine ? (Réponse, la puissance et la complexité des machines supposent
méfiance et précaution )
A/la complexité des machines peut rendre méfiant : L’automatisme, le mécanisme interne, à la
différence de l’outil, dont le maniement suppose un apprentissage, met mal à l’aise, parce qu’elle
nous met dans un état d’ignorance. Sa complexité peut me rendre méfiant voire hostile. Une
machine à un fonctionnement interne, un moteur, un mécanisme, des tuyaux, un réseau de tuyau,
suppose un mode d’emploi, à la différence de l’outil qui suppose un savoir faire. Je peux certes me
faire mal avec tel ou tel outil, mais je ne peux pas monter dans une voiture sans savoir la conduire..
c’est dangereux. Je suis démuni devant un micro-onde qui ne marche plus, ou un réfrigérateur qui
est inondé…La présence des machines, l’environnement des machines accroit mon ignorance et
donc mon impuissance.. On craint les nouvelles générations de voiture, de téléphones qui rendent
notre savoir obsolète constamment. On dira qu’il s’agit d’apprendre.. Mais il s‘agit alors de formation
permanente.. En effet, ce sont bien les hommes qui créent les machines, mais ce n’est pas moi, ce
sont bien les hommes qui bénéficient des machines, mais ce n’est pas forcément moi.. Je les vis
comme chronophages, encombrantes, complexes..

B/Sa puissance peut la rendre dangereuse : Le risque de la catastrophe, la puissance aveugle de


la machine.. Mais ce qui renforce cette peur devant la nouveauté, et peut la justifier c’est que le
mécanisme est aveugle, et que sa puissance peut produire des catastrophes. Un outil peut produire
un accident, une machine peut produire des catastrophes, (ferroviaire, aérienne, maritime )
même si cela ne vient pas d’une intention mauvaise, cela peut se dérégler, se casser.. C’est donc ici
par son absence de volonté propre, par ce par quoi elle ne ressemble pas aux être humains qu’elle
doit faire peur. Un camion dont les freins lâchent…Alors que la catastrophe naturelle est inévitable,
la catastrophe liée au mauvais fonctionnement des machines vient de notre activité .ce sont nos
inventions. C’est cela qui justifie l’appel de Hans Jonas à une « heuristique de la peur » dans Le
principe responsabilité.

C/ On répondra alors que dans ces deux cas le problème ne vient pas ne la machine seule
mais de notre rapport à la machine : soit imprudent, soit ignorant . Gilbert Simondon montre
dans Du mode d’existence des objets techniques que la machine n’est pas étrangère à l’homme et que l’on
doit en connaître les usages , qu’il faut craindre moins les machines intelligentes que les machines
« déshumanisées » c’est-à-dire fétichisées, prise comme des puissances étrangère à notre volonté :. Il
s’agit de vivre avec les machines, d’apprendre à les utiliser, de les contrôler car en réalité la défaillance
d’une machine est toujours, in fine une défaillance humaine. « la machine c'est l'étrangère en laquelle
est enfermé de l'humain, méconnu, matérialisé, asservi, mais restant pourtant de l'humain. La plus
forte cause d'aliénation dans le monde contemporain réside dans la méconnaissance de sa nature et
de son essence. »

C’est donc du point de vue de l’usage et non seulement de leur nature qu’il faut interroger les
machines. Ce que l’on devrait craindre, c’est bien un usage défaillant ou mauvais des machines que
les machines elles-mêmes car « notre société n’est pas trop technicienne, elle est mal technicienne »
écrit Simondon. Quels sont alors les bons ou mauvais usage de la machine ?
2 / Quel usage doit-on craindre des machines ? (Réponse, on doit craindre un
usage mal intentionné, l’absence de prise en compte politique de l’existence
des machines et l’usage « hors de son ordre » des machines)
A/On doit craindre non la volonté nuisible des machines – elle n’en ont pas- que le fait
qu’elles soient mises au service d’une intention destructrice.

Bien évidemment mise au service d’une volonté mauvaise, d’un projet d’anéantissement, la
technique, à l’âge des machines, est inquiétante. Un avion peut du fait des intentions du pilote faire
s’écrouler une tour et des milliers de victimes. Et cela justifie une crainte des machines. Précisons
ici que ce ne sont jamais les machines qui peuvent vouloir le mal par elle-même. Les romans
et films de science-fiction produisent ici une illusion désastreuse, car la créature de Frankenstein,
Hal dans le film de Kubrick ne sont destructrices que parce qu’on leur attribue une subjectivité et
des émotions que n’ont précisément pas les machines, tant que ce sont des machines. Et si les
machines avaient une subjectivité, on ne voit pas pourquoi elles voudraient nécessairement le mal
et la destruction.. on est ici dans le fantasme, dont il faudrait explorer les raisons. Il y a une peur
des machines qui renvoie à notre inconscient, à la peur de ce qu’il y a d’involontaire et de puissant
dans la pulsion.

B/ Faut- il craindre que les machines remplacent le travailleur ?


Valéry écrit dans Regards sur le monde actuel en 1938 que « l’homme est l’esclave de la modernité, il
n’y a point de progrès qui ne tourne à sa plus complète servitude » On pense alors au rapport des
machines au travail. D’abord considérées comme un progrès, du point de vue de l’ouvrier parce
qu’elles remplacent le travail pénible, du point de vue du producteur parce qu’elles produisent de la
richesse de façon plus rapide et efficace que l’ouvrier… La crainte, ici est née progressivement, dès
lors que des machines ont remplacé et supprimé du travail humain. (Voir par exemple les révoltes
des ouvriers du textile à Rouen le 14 juillet 1789 contre l’arrivée de machines anglaises dont ils
craignaient qu’elle les mette au chômage, et plus tard le « Luddisme » ). Mais ce n’est pas seulement
le chômage qui est à craindre, mais le rapport même au travail : . « L’intérêt de la discussion à notre
point de vue tient donc plutôt au fait que cette question d’adaptation puisse même se poser. On ne s’était
jamais demandé si l’homme était adapté ou avait besoin de s’adapter aux outils dont il se servait : autant
vouloir l’adapter à ses mains. » ou Marx dans les manuscrits de 57 : « Ce n’est plus tant le travail qui
apparaît comme inclus dans le processus de production, mais l’homme plutôt qui se comporte en
surveillant et en régulateur du processus de production. ». De ce point de vue, ce qui est à craindre
et donc à organiser c’est l’usage fait des machines dans le monde du travail, les conditions sociales et
politiques qui entourent l’usage des machines.

C/ Du bon usage des machines : ce qu’on doit craindre alors c’est non les machines mais le
machinisme, entendu comme l’usage sans discernement des machines : analyse des Temps
modernes et de la séquence de la machine à manger. Le problème n’est pas tant son dysfonctionnement
(catastrophique) que le fait de vouloir faire des machines pour tout, des machines à tout. Chaplin
aime les machines - ne ferait sans cela pas de cinéma - mais il aime aussi manger, patiner,
danser…Alors on peut étendre cette « critique » à tout un tas de choses : ce qui est à craindre c’est
l’amour des machines qui nous les fait utiliser là où on en a pas besoin. Pascal parlerait alors de
tyrannie du machinisme ( prendre sa voiture pour aller chez le boulanger qui est à « 300 m..) Chaplin
nous fait exactement comprendre que la machine est à craindre lorsqu’elle est utilisée comme le
formulerait Pascal « hors de son ordre ».

Si l’on doit donc anticiper les risques liés à la puissance des machines, et lutter contre le machinisme
comme idéologie, parce que l’on a pas besoin de machines partout et tout le temps, doit on craindre
aussi s’interroger sur les usages de la machine comme modèle, à la fois dans le domaine des sciences,
que dans celui de la psychologie et de la politique. Doit-on craindre l’analogie faite entre le vivant et
la machine ? ou la machine prise comme modèle dans d’autres domaines ?

3/ Machine et organisme : Peut-on, doit-on aussi remettre en question le


modèle de la machine.
A/ L’animal n’est pas une machine (mais un organisme)On connaît l’opposition souvent faite
entre machine et organisme, entre le texte de Descartes « je ne rec onnais aucune différence entre
les machines que font les artisans et les divers corps que la machine compose, sinon que les effets
des machines ne dépendent que de l’agencement de certains tuyaux.. » dans Les principes de la philosophie
et la remarque de Kant « certes une partie existe pour une autre, mais ce n’est pas par cette autre
partie qu’elle existe » . De ce point de vue une machine qui serait vivante, s’adapterait, se reproduirait
etc.. ne serait plus vraiment une machine ; ce qu’on appelle une machine intelligente simule certaines
capacités du cerveau, de façon souvent plus parfaite que le cerveau vivant, mais n’est jamais que
transposition dans un système de calcul de ce qui se fait autrement dans un cerveau. Deep Blue ne
veut pas gagner, alors que l’organisme, le vivant veut vivre , et Kasparov gagner. Bref, la machine ne
rend pas compte du développement du vivant, même si elle est utile pour en comprendre le
fonctionnement.

C/ Un être humain n’est donc pas une machine.. On peut le montrer à partir de la thèse connue
de Bergson sur le rire dont il dit qu’il s’agit « de mécanique plaqué sur du vivant ». Le comique
vient de la rigidité d’un comportement, de son aspect mécanique, là où l’on attend une adaptation
au circonstances.. le vivant est souplesse, adaptation, attention.. Le rire à alors une fonction sociale,
il vise à corriger l’écart de comportement, à faire précisément que l’on ne se comporte pas comme
une machine, ce qui est drôle tant que ce n’est pas inquiétant. C’est en réalité la même chose qui
nous faire rire et que nous craignons dans l’homme machine. Le docteur Folamour est inquiétant,
et drôle pas son comportement mécanique.

B/ Une société n’est pas une machine (mais une collectivité de personnes).
Même risque de réductionnisme dans le domaine social et politique, on peut se méfier ( même s’ils
sont utiles, jusqu’à un certain point, comme toute analogie ) des modèles mécaniques, visant un
fonctionnement autonome, automatique, dont les parties seraient les individus, qui n’existeraient
plus que comme moyen du fonctionnement d’un ensemble sans autre finalité que celle de l’efficacité..
Mais efficacité de quoi ? Richesse ? Puissance ? Durabilité ? Une société n’est pas une machine parce
qu’elle est vivante, c’est-à-dire liée à une finalité, et n’est d’ailleurs pas un organisme parce qu’elle est
un ensemble d’organismes ayant chacun leur finalité propre, alors que dans un organisme la finalité
d’un organe (œil, estomac..) n’a de sens que relié à la finalité de l’ensemble de l’organisme. Simondon
à nouveau voit le risque : « Alors nait un technicisme intempérant qui n'est qu'une idolâtrie de la
machine et, à travers cette idolâtrie, par le moyen d'une identification, une aspiration technocratique
au pouvoir inconditionnel. »

IL faut donc remettre la machine à sa place. Il faut la connaître et savoir l’utiliser, mais surtout avoir
conscience, (et alors la crainte est justifiée et nécessaire) des dangers qui lui sont propres, et qui
viennent essentiellement de la puissance qu’elle peut avoir, par différence avec l’outil. On doit par
conséquent viser un usage intelligent et prudent des machines, dans leur ordre propre, et craindre
ceux qui n’interrogent pas la place à donner à la machine ; on doit craindre la machinisme encore
plus que la machine. Enfin, on doit aussi interroger le modèle mécanique, qui n’est qu’en partie
explicatif de la nature et du comportement du vivant. Si nous ne savons pas craindre les machines,
nous en auront véritablement peur.

Plan B ; autre plan possible :

1/ La peur des machines paraît infondée..

- Ce sont des constructions artificielles, et non naturelles ( on doit craindre une épidémie et non
la machine dont la construction dépend de notre volonté ), distinction ici de la machine et de
l’orgnanisme, cf Aristote, Ethique à Nicomaque « Car l’art ne concerne pas ce qui est ou se
produit nécessairement, non plus que ce qui existe par un effet de la seule nature – toutes
choses ayant en elles-mêmes leur principe. »

-Nous en sommes les utilisateurs, la finalité qu’elles semblent avoir dépend en réalité de notre
intention, de ce que nous en faisons. - Elles sont plutôt ce dont nous devons espérer un progrès (
Descartes, Discours de la méthode VIeme partie )

-La peur que nous en avons est alors un anthropomorphisme, ou liée à l’inconscient, à
l’angoisse ?

Alors, vraiment, ne pas la craindre ?

2/ Cependant…

- À la différence de l’outil elle possède un fonctionnement qui possède « un certain degré de


liberté »,( Simondon ) fonctionnement qui la rend difficile à utiliser, elle suppose un savoir et non
seulement un savoir-faire. Un mécanicien est autre chose qu’un artisan. L’utilisateur peut se sentir
exclu du monde des machines..

- Elles ont surtout, pour certaines d’entre elles liée à cette autonomie une puissance qui peut
rendre un dysfonctionnement catastrophique, ( à distinguer de l’accident liée à l’utilisation d’un
outil ), il y a des accidents domestiques et des catastrophes aériennes ou ferroviaires.

-Enfin, leur utilisation transforme le rapport au travail, et menace l’équilibre socio-économique (


Le Luddisme ) Arendt..

La crainte est donc justifiée, plus que la peur, alors que faire.. ?

3/ Donc :

- Il faut une culture de la machine, en apprendre et en connaître l’utilisation et le fonctionnement,


« notre société n’est pas trop technicienne, elle est mal technicienne » Simondon
- IL faut surtout prendre en compte le « principe responsabilité, » tel qu’il est énoncé par Jonas si
l’on veut éviter les effets catastrophiques des machines.

-Il faut enfin penser la machine, non comme une sorte d’alien, qui tiendrait de l’oganisme, ni
comme un simple développement de l’outil, mais selon sa spécificité.

La crainte des machines est utile et justifiée, pour éviter d’en avoir peur, il faut apprendre,
légiférer, et comprendre..

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