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COMMENT RÉDUIRE LES LOURDEURS BUREAUCRATIQUES :

L'APPLICATION DU MODÈLE DES COÛTS STANDARDS EN


ALLEMAGNE

Henrik Brinkmann et al.

E.N.A. | Revue française d'administration publique

2010/3 - n° 135
pages 619 à 642

ISSN 0152-7401

Article disponible en ligne à l'adresse:


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Brinkmann Henrik et al., « Comment réduire les lourdeurs bureaucratiques : l'application du modèle des coûts
standards en Allemagne » ,
Revue française d'administration publique, 2010/3 n° 135, p. 619-642. DOI : 10.3917/rfap.135.0619
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LE POINT SUR...

COMMENT RÉDUIRE LES LOURDEURS


BUREAUCRATIQUES :
L’APPLICATION DU MODÈLE
DES COÛTS STANDARDS EN ALLEMAGNE *

Henrik BRINKMANN, Tobias ERNST, Frank FRICK,


Alexander KOOP et Henrik RIEDEL **

Fondation Bertelsmann, Gütersloh


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Résumé
Réduire la bureaucratie est un sujet majeur dans l’agenda politique en Allemagne depuis la fin des
années soixante. Après des décennies de mesures non systématiques et donc peu couronnées de
succès, la Grande coalition rassemblant démocrates-chrétiens et sociaux-démocrates suit main-
tenant une success story néerlandaise pour réduire les charges administratives dans le secteur
privé, en utilisant le « modèle des coûts standards » ou Standard Cost Model (SCM). Ce modèle
permet de mesurer les charges administratives en euros et de les réduire systématiquement : « ce
qui est mesuré est fait ». Mais quelle est la ratio de cette démarche ? Comment l’approche modèle
des coûts standards peut-elle contribuer à une augmentation de la compétitivité des entreprises
allemandes ? Quelles sont les phases d’une évaluation modèle des coûts standards et comment
utiliser la méthode ex-post et ex-ante ? Est-il aussi possible de contrôler les charges administra-
tives qui pèsent sur les citoyens et les agents publics ? L’article décrit la mise en œuvre du modèle
des coûts standards en Allemagne et montre comment cette méthode peut s’adapter à une
stratégie globale d’amélioration de la réglementation.

Mots-clefs
Bureaucratie, réduction des coûts, méthode d’évaluation, qualité réglementaire

* Traduit de l’allemand par Claire Barthélémy et Dominique Jeannerod.


** Frank Frick est directeur du programme « Zukunft der Beschäftigung / Good Governance » de la
Fondation Bertelsmann auquel ont collaboré Henrik Brinkmann (jusqu’en septembre 2010) et Tobias Ernst
(jusqu’en septembre 2009). Alexander Koop et Henrik Riedel sont chefs de projet dans le cadre du même
programme.

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620 HENRIK BRINKMANN, TOBIAS ERNST, FRANK FRICK, ALEXANDER KOOP ET HENRIK RIEDEL

Abstract
– How to reduce bureaucratic burdens : using the standard cost model in Germany –
Eliminating bureaucracy has been a major issue on Germany’s political agenda since the end of
the 1960s. After decades of non-systematic and thus less successful measures, the Grand
Coalition of Christian and Social Democrats is now copying the successful Dutch approach to
reducing administrative burdens in the private sector by using the Standard Cost Model (SCM).
This model makes it possible to reduce administrative burdens systematically by measuring them
in euros (“if you can measure it, you can cut it”). But how does this work ? How can the SCM
approach help increase the competitiveness of German businesses ? What are the different SCM
evaluation phases and how can ex-post and ex-ante methods be used ? Is it also possible to audit
administrative burdens on citizens and public offıcials ? The article describes how the SCM has
been applied in Germany and shows how this method can be adapted for use in an overall
strategy for improving the regulatory environment.

Keywords
Better regulation, Bureaucracy, Standard Cost Model, Adminsitrative burdens

Le gouvernement fédéral allemand cherche à améliorer les conditions favorisant la


croissance et l’emploi. Les marges de manœuvre financières disponibles sont toutefois
limitées. Les approches qui ne retirent pas à l’État des moyens financiers ni ne l’obligent
à procéder à une politique de redistribution deviennent en conséquence particulièrement
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attractives. C’est une telle opportunité qu’offre le modèle dit des coûts standards, plus
connu sous en anglais sous le nom de Standard Cost Model (SCM). Aux Pays-Bas, où il a
été développé depuis quelques années, il a permis d’engager un processus systématique et
durable d’évaluation et de réduction des coûts de l’administration. Jusqu’à la fin de l’année
2007 les coûts de l’administration ont pu être réduits de plus de 4 milliards d’euros par an
(environ 25 %), et ce avec le soutien politique de tous les partis au Parlement. L’OCDE a
elle aussi recommandé l’adoption du modèle des coûts standards et la Commission
européenne le considère comme indispensable pour l’amélioration de la législation.
Entre-temps dix-neuf pays européens ont suivi le modèle néerlandais.
En partant de l’exemple allemand, cet article explique comment l’estimation des coûts
administratifs a été réalisée jusqu’à présent outre Rhin et comment elle peut être poursuivie
à l’avenir.

UNE DIFFÉRENCE DE 800 MILLIONS

À la suite d’une réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2006, les entreprises
allemandes ont été obligées de déclarer le montant des cotisations dues plusieurs jours
avant la fin du mois en cours, au lieu du début du mois suivant comme c’était le cas
auparavant. L’intérêt politique sous-jacent à cette réforme était le suivant : dans l’année du
passage à ce système, treize versements mensuels ont été perçus au lieu de douze, ce qui
a permis de présenter le budget de la sécurité sociale sous un jour très favorable. À cela
s’ajoutent de légers gains d’intérêts financiers. On a supposé qu’il serait insignifiant pour
les entreprises que ces cotisations soient calculées et payées plus tôt. Il est cependant
apparu l’élément suivant : dans les secteurs d’activité où il existe une fluctuation des achats
et des paiements sur la base du chiffre d’affaires, d’accords ou de salaires horaires, la
rémunération finale n’est absolument pas arrêtée avant la fin du mois. La nouvelle

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COMMENT RÉDUIRE LES LOURDEURS BUREAUCRATIQUES 621

réglementation signifiait ainsi que 1,9 millions d’entreprises allaient devoir se livrer chaque
mois à une estimation préalable supplémentaire de la hauteur des cotisations probables.
À la demande de la Chambre de commerce et d’industrie de Bonn, une évaluation de
type « modèle des coûts standards » a été lancée. Le résultat a été sans appel. L’anticipation
de la déclaration et du versement des assurances maladie, dépendance, vieillesse et
chômage représente, pour les 1,9 millions d’entreprises concernées, douze procédures
supplémentaires de calcul et de virements et engendre des coûts administratifs supplémen-
taires à hauteur de 800 millions d’euros par an. Franz Munterfering, ministre fédéral de
l’emploi à l’époque a réagi rapidement à la suite de la publication de ces chiffres. Dès
janvier 2007, le décompte des cotisations sociales pour les entreprises a été de nouveau
facilité. Les employeurs ont obtenu la possibilité, pour le calcul des cotisations prévision-
nelles dues du mois en cours, de se fonder sur le résultat du calcul du mois précédent. Les
coûts d’information supplémentaires de 800 millions d’euros constatés lors de l’évaluation
pilote ont ainsi pu être supprimés.

LE PROGRAMME POLITIQUE

Le droit est un instrument majeur dans la mise en œuvre des choix réalisés au niveau
politico-étatique. Il détermine les actions en général et les actions économiques en
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particulier. Or, le droit et la qualité du droit ne constituent pas un enjeu fondamental dans
le débat public.
L’histoire de la réduction de la bureaucratie en Allemagne (Bürokratieabbau) n’est pas
une histoire à succès. Pendant longtemps le monde politique et l’administration semblaient
avoir perdu tout espoir d’améliorer de façon systématique l’efficacité et l’effectivité des
réglementations. Pourtant, d’autres pays ont obtenu des avancées dans les dix dernières
années au prix de très gros efforts. Ainsi, en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas, un large
processus a été mis en marche, qui en parallèle à l’objectif d’amélioration de la qualité
réglementaire communément regroupé sous le qualificatif de Better Regulation, met en
évidence, à côté du si, le comment des réglementations.
En Allemagne, suite aux élections législatives de novembre 2005, l’accord conclu par
la Grande coalition des socio-démocrates et des démocrates-chrétiens, prévoit, en référence
à l’exemple néerlandais, l’introduction du modèle des coûts standard 1. Les coûts
administratifs issus de lois fédérales en vigueur ainsi que les coûts des nouveaux projets de
loi doivent désormais être évalués en fonction du but de réduire d’environ 25 % ceux qui
affectent l’économie. L’objectif fixé était de soulager à hauteur de 10 à 20 milliards d’euros
par an l’économie allemande d’une partie des charges de nature administrative pesant sur
elle et d’essayer ainsi de gagner jusqu’à 1,5 % de taux de croissance 2.

1. Accord politique entre la CDU, la CSU et le SPD, page 62, lignes 3092 à 3094.
2. À signaler également, l’adoption de trois lois « visant à décharger les entreprises moyennes », qui
visent à réduire les obstacles bureaucratiques auxquels sont confrontés les PME. Ces lois sont respectivement
entrées en vigueur, le 26 août 2006, le 14 septembre 2007 et le 25 mars 2009.

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Ce que le modèle des coûts standard peut apporter


Évaluation ex-post des coûts administratifs générés par les lois en vigueur
– Transparence sur le montant et l’origine de la charge
– Objectivité sur les coûts administratifs réels (et non les coûts ressentis)
– Distribution claire des responsabilités
– Objectif clair pour tous les services

Estimation ex-ante des coûts administratifs générés


par les nouvelles initiatives législatives
– Éviter les coûts inutiles
– Davantage de prise de conscience des coûts, dès le processus législatif

Ce processus a été accompagné par la création d’un comité indépendant de


professionnels (le Normenkontroll-Rat – NKR, « Conseil de contrôle des normes »),
d’origine législative et fruit d’un accord entre tous les partis. Le Conseil de contrôle des
normes vérifie, avant leur examen par le gouvernement, tous les projets de lois fédérales
sous l’angle de leurs coûts administratifs, et, le cas échéant, fait des propositions pour
réduire ces derniers. En outre, le gouvernement fédéral s’est doté d’une coordinatrice pour
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les activités de réduction de la bureaucratie gouvernementale. Elle préside une commission

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des secrétaires d’État de tous les ministères.
Depuis leur mise en place, le Conseil de contrôle des normes et la coordinatrice pour
la réduction de la bureaucratie ont acquis une place incontestée dans le processus politique.
Dans son rôle de « chien de garde », le Conseil de contrôle des normes ne peut certes que
formuler des recommandations, mais cette compétence relativement réduite augmente en
même temps son indépendance et sa crédibilité.

APPORTS ET LIMITES DU MODÈLE DES COÛTS STANDARDS

Le modèle des coûts standards est une méthode de mesure et d’évaluation des coûts
d’information (appelés aussi charges administratives), qui découlent pour les entreprises de
l’exécution d’obligations légales d’information envers l’administration. Le modèle permet
une évaluation ex-post des coûts d’information générés par les lois en vigueur ainsi qu’une
estimation ex-ante des coûts qui sont à attendre des différents choix de réglementation.
L’évaluation des coûts d’information est aussi décrite comme une « approche dépolitisée »
car des coûts fondés sur des « obligations de contenu » (taxes, mise en conformité avec des
standards matériels et techniques...) ne sont pas pris en compte dans le calcul des coûts.
Le point de départ de cette évaluation est constitué par les lois, les règlements et les
circulaires. Ces textes sont analysés sous l’angle des obligations d’information et des
demandes d’information (aussi appelées demandes de données) qu’ils contiennent. Sur
cette base, le coût pour les entreprises peut alors être détaillé et rattaché à différentes
activités, mesures et étapes nécessaires et une procédure standard pour les activités
administratives requises peut être élaborée pour chaque demande d’information. Pour finir,
sont examinés les paramètres de temps, les tarifs et les fréquences : le résultat s’obtient par
la multiplication de la quantité et du prix.

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Le mode de calcul

Pour procéder à une mesure des coûts qui repose sur des données solides et concrètes,
on prend comme point de départ des champs d’activité bien délimités et on constitue dans
un premier temps des catégories relatives aux différentes obligations d’information prévues
par la réglementation en vigueur (obligations statistiques, de documentation, de déclara-
tion, de demande...). Quatre questions sont alors posées : quelle est la fréquence de chaque
obligation d’information ? Combien d’entreprises sont-elles concernées annuellement ?
Combien de temps prend le traitement de cette obligation (d’après la « procédure
standard ») ? Qui effectue ce traitement et quel est le coût horaire de son travail ?
Afin de pouvoir répondre à ces questions, les données statistiques disponibles sont
systématiquement dépouillées et analysées, et des entretiens sont conduits avec des experts
et avec les intéressés dans le but d’estimer les différents paramètres que sont les fréquences,
les temps de traitement nécessaires, les catégories de tarifs et les coûts qui y sont
respectivement liés. Avec la pratique, il est aussi possible de recourir ici à des valeurs
fondées sur une moyenne statistique, car, par exemple dans le cas des formulaires peu
complexes, on retrouve la plupart du temps des valeurs très proches. Toutes les
informations ainsi rassemblées sont vérifiées avec des experts et avec les parties prenantes
concernés (contrôle de plausibilité). Après cette phase, les charges présumées induites par
une obligation légale d’information sont calculées par la multiplication des quatre
différentes valeurs. On obtient ainsi les coûts d’information annuels correspondant aux
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différentes obligations d’information.

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Précision et limites

Coûts liés aux seules obligations d’information

L’une des raisons du succès de ce modèle réside dans le fait qu’il ne porte que sur des
domaines bien précis de coûts résultant d’obligations juridiques, car seuls les coûts qui
résultent d’obligations légales d’information et de communication et qui entraînent une
dépense sont mesurés. On prend donc en compte le temps et le personnel nécessaires pour
remplir des demandes et des formulaires et pour tenir à jour des registres, ou fournir des
statistiques et des pièces justificatives, etc. En revanche, les coûts qui résultent d’obliga-
tions légales de contenu, comme les dispositions sur la protection de l’environnement ou
du travail (par exemple l’utilisation de filtres contre la pollution, l’éclairage suffisant sur le
lieu de travail, etc.) ne sont ni pris en compte ni évalués. Le gros avantage de cette
limitation repose donc sur le fait que la réduction des coûts administratifs pris dans ce sens
restreint ne pose pas trop de difficultés d’ordre politique et peut être organisée de manière
très largement consensuelle. La discussion sur les obligations de contenu, au contraire, est
pour l’essentiel très controversée et requiert en général un processus de négociation
beaucoup plus long entre les parties prenantes.

Coûts standards

L’une des orientations pragmatiques du modèle réside dans le fait que l’on n’essaye
pas d’obtenir des données représentatives au sens statistique. Les études conduites dans le
cadre de notre projet montrent que les données représentatives ne sont pas toujours

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pertinentes. Il peut en effet ressortir d’un échantillon représentatif d’entrepreneurs des


critiques liées à l’actualité politique ou économique ou à diverses aberrations bureaucra-
tiques, sans que ces indications ne se rapportent au véritable travail administratif routinier,
largement répandu et coûteux. L’expérience montre que dans ce genre de réponses, les
coûts administratifs quotidiens en matière de personnel ou de comptabilité sont la plupart
du temps considérablement sous-évalués. Souvent les entreprises interrogées ne savent pas
combien de collaborateurs (et pour combien de temps) telle procédure implique, ni les
coûts qui en résultent. On obtient plutôt des déclarations sur le poids bureaucratique
ressenti, indications dont il est prouvé qu’elles divergent en général largement du poids
bureaucratique réel.
Limité à quelques analyses et entretiens, le modèle des coûts standards relève ainsi
davantage de l’estimation. Une évaluation objective et représentative des coûts réellement
occasionnés conduirait en effet à une dépense de temps et d’argent que ne pourraient pas
supporter tous les participants, car, toutes les variantes et cas d’application devraient alors
être analysés. Cela étant, comme des mesures comparatives l’ont montré, cela n’empêche
pas que les résultats de l’estimation sur la base du modèle des coûts standards soient, tout
à fait valides et que la méthode se révèle très efficace. Précision importante : dans le modèle
des coûts standards seuls sont pris en considération les coûts dont l’origine est imputable
à l’État, et non les coûts qui, par exemple, résultent d’une mauvaise organisation interne de
l’entreprise.
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Nécessité de compléter le modèle des coûts standards pour arriver à une réduction
sensible de la bureaucratie

La force du modèle réside dans le fait qu’il permet de s’orienter vers une réduction
systématique et dans tous les domaines (fiscalité, sécurité sociale...) des coûts administra-
tifs. L’enjeu est alors que cette réduction puisse également avoir un impact sur l’économie
en général et sur les entreprises prises individuellement. En effet, des économies chiffrées
en millions peuvent aussi avoir des effets peu perceptibles, quand ils se répartissent entre
des centaines de milliers d’entreprises. Il reste donc à compléter le modèle, pour introduire
de nouvelles mesures, au travers desquelles une visibilité au niveau micro peut être atteinte,
et les effets négatifs connexes des lourdeurs administratives être amoindris, par exemple les
temps d’attente et les coûts d’opportunité 3, les dépenses de conseil en matière juridique,
l’accès et la qualité des informations du service et des interlocuteurs. De plus, il est
nécessaire d’inclure aussi la question de l’acceptation de la réglementation et de la
bureaucratie, car c’est finalement « l’œil de l’observateur » qui décide si la réduction de la
bureaucratie est réussie. Le modèle des coûts standard ne devrait donc pas être institué
comme l’unique remède possible ou souhaitable, mais plutôt être complété par d’autres
mesures, des procédures appropriées d’évaluation, d’analyse et de participation, si on veut
que la réduction de la bureaucratie connaisse un succès durable.

Phases de l’evaluation

La procédure d’estimation des charges administratives selon le modèle des coûts


standard peut être décomposée en dix étapes.

3. Les coûts d’opportunité correspondent aux profits que l’entreprise ne peut engranger pour cause
d’obligation d’ordre juridiques et parce que ses ressources ne peuvent être utilisées de manière optimale.

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Étape 1 : Détermination et délimitation de l’étendue de l’analyse

Toutes les normes comprises dans le domaine retenu sont répertoriées.

Étape 2 : Analyse des normes

Toutes les obligations légales d’information qui y sont contenues sont répertoriées.
Les activités que nécessite le traitement de chaque obligation d’information sont identifiées
(par exemple remplir et renvoyer le formulaire).

Étape 3 : Validation de l’analyse

Les obligations d’information et les activités de traitement corrélatives issues de


l’étape 2 sont soumises à un panel (personnes en charge de ces questions au sein des
administrations et des entreprises concernées, experts de la branche d’activité, experts
scientifiques) qui vérifie qu’elles sont justes et complètes. Cela aide à admettre la charge
des résultats à venir de l’évaluation ainsi qu’à l’obtention d’un consensus.

Étape 4 : Élaboration de procédures standards


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Une procédure standard de traitement est élaborée pour chaque obligation d’informa-

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tion et consignée dans un plan standard. Ce plan contient toutes les étapes du travail
nécessaires pour remplir l’obligation d’information à un niveau d’efficacité normale,
c’est-à-dire en se fondant sur la manière de procéder d’une entreprise travaillant de façon
« normalement » efficace.

Étape 5 : Détermination des paramètres de fréquence

Les paramètres de fréquence sont déterminés par le biais de la fréquence annuelle et


du nombre d’entreprises concernées. Souvent ces informations statistiques sont déjà
disponibles auprès des administrations.

Étape 6 : Détermination des paramètres de temps et de tarif

Pour cela, l’examen de quelques entreprises « typiques » est en principe suffisant.


Pour ce qui est de la détermination du temps nécessaire, on a recourt à des valeurs
empiriques standardisées et on interroge des entreprises (par écrit, par téléphone ou par
contact personnel). Le tarif est calculé selon le niveau de qualification requis pour chaque
activité administrative. L’obtention d’informations « en externe » (consultation d’ingé-
nieurs du bâtiment et des travaux publics, d’architectes, de conseillers fiscaux entre autres)
est également pris en compte.

Étape 7 : Analyse et standardisation des paramètres de temps et de tarif

Les paramètres de temps et de tarif, y compris les coûts externes, sont provisoirement
standardisés. Dans ce cadre, les paramètres de temps font l’objet d’une observation
qualitative.

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Étape 8 : Validation par des entretiens avec des experts


Les temps et les tarifs standards sont présentés et validés une dernière fois par les
experts et les entreprises.

Étape 9 : Entrée des paramètres dans le modèle de calcul


Tous les paramètres sont entrés dans le modèle de calcul (banque de données).

Étape 10 : Présentation d’un rapport


Les résultats sont présentés et analysés dans un rapport. Sur la base du rapport, des
propositions pour la réduction des coûts administratifs peuvent être élaborées le cas
échéant.

Un problème de federalisme ?
Une des questions qui se posait au départ était de savoir si l’approche fondée sur des
expériences en matière de modèle des coûts standards réalisées aux Pays-Bas, au Danemark
et en Grande-Bretagne était transposable à l’Allemagne dont la structure politique est
fédérale. Son utilisation outre Rhin a montré qu’il était tout à fait possible de prendre en
compte dans ce modèle les lois et règlementations des Länder et des communes qui
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occasionnent également des coûts administratifs pour les entreprises. Qui plus est, la
première évaluation d’ensemble au niveau des seize Länder fait ressortir que les Länder
produisent seulement 1 % des coûts d’information pertinents économiquement. L’objection
selon laquelle les obligations d’information sont typiquement générées d’abord par les
règlements ou les circulaires du Land n’est donc pas convaincante. Premièrement, dans la
pratique, les gouvernements des Länder ne sont que rarement compétents pour appliquer le
droit fédéral. Deuxièmement, même quand les circulaires des Länder concrétisent des
obligations d’information, cela ne change rien au fait que le fondement de ces obligations
d’information résulte du droit fédéral 4. Au niveau communal, la part des coûts d’infor-
mation pour l’économie est encore plus réduite. En conséquences, en Allemagne les coûts
d’information pesant sur l’économie résultent presque uniquement du droit communautaire
et du droit fédéral. À la différence de beaucoup d’autres États industrialisés, il n’y a pas en
Allemagne de réelle décentralisation de la compétence législative dans les domaines qui
nous intéressent.

RÉSULTAT PROVISOIRE DE LA RÉFORME DE « RÉDUCTION


DE LA BUREAUCRATIE »

L’état des lieux (évaluation ex post)


Au 30 septembre 2006, les ministères fédéraux avaient identifié 9 199 obligations
d’information issues du droit fédéral ou communautaire qui incombaient aux entreprises.

4. Il faut traiter corrélativement les normes qui sont issues du droit communautaire. Comme le
législateur fédéral fait sienne les directives européennes au plus tard avec la loi de transposition et qu’il est aussi
l’instance qui a participé en amont à la formation des directives, il convient de comptabiliser intégralement à
son actif le droit (fédéral) basé sur des directives européennes.

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COMMENT RÉDUIRE LES LOURDEURS BUREAUCRATIQUES 627

La somme des coûts bureaucratiques que devait supporter l’économie se montait à


47,66 milliards d’euros par an 5. Afin de réduire les charges bureaucratiques qui pèsent sur
l’économie, les différents départements ministériels ont pris toute une batterie de mesures.
C’est ainsi que jusqu’au 30 décembre 2009, 300 mesures avaient été mises en œuvre qui
sont censées apporter un allégement correspondant à un montant d’environ 6,89 milliards
d’euros. Au même moment, quelques 50 mesures supplémentaires étaient en voie de
préparation grâce auxquelles les entreprises devaient pouvoir être soulagées de coûts à
hauteur de 0,26 milliards par année 6.

L’examen des nouvelles lois (evaluation ex ante)

Depuis le 1er décembre 2006, le NRK a examiné quelques 1 263 projets de


réglementation : 18 % comprenaient des effets significatifs en termes de charges bureau-
cratiques pour l’économie 7. Trois aspects importants liés à l’examen des projets de
réglementation et à l’action du NKR méritent d’être relevés pour leur côté positif.
Premièrement, la volonté politique de réduction de la bureaucratie a conduit à des
avancées substantielles depuis 2005. À travers les mesures prises, des avancées importantes
ont eu lieu vers plus de transparence des coûts, ce qui est la condition indispensable à leur
réduction. La transparence facilite en effet la communication, justifie les efforts de
simplification et de réduction de la bureaucratie et rend possible l’évaluation des mesures
adoptées.
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Ainsi, chaque ministre sait aujourd’hui combien de textes de nature législative ou
réglementaire relèvent de son domaine de compétence, combien d’obligations d’informa-
tions en découlent, quels coûts celles-ci engendrent pour les entreprises chaque année, et
quelles sont celles qui sont à l’origine de coûts particulièrement élevés.
Enfin, des innovations institutionnelles ont été opérées, qui renforce le processus. Le
Conseil de contrôle des normes fait désormais partie intégrante du paysage politico-
administratif et s’acquitte des missions de conseil et de contrôle que lui a confié la loi. Bien
que la mise en œuvre de ses propositions soit entre les mains des services compétents et que
le Conseil ne soit de ce fait qu’un « chien de garde », ce dernier remplit des tâches
importantes. Celles-ci comprennent l’élaboration en collaboration avec les ministères
fédéraux de bases méthodologiques unifiées pour l’évaluation des coûts, de même que la
surveillance de la mise en œuvre correcte du modèle des coûts standards dans le cadre de
la procédure ex ante.

Facteurs de succès, obstacles et réglages à apporter

Les facteurs que l’on peut identifier comme permettant une baisse systématique des
coûts d’information superflus sont les suivants : (a) étant donné que les analyses portent sur
les coûts des obligations d’information, il n’y a pas de jugement sur les objectifs des
règlementations ni sur leur fondement (effet de dépolitisation) ; (b) il existe une obligation

5. Cf. Bundeskanzleramt ed., Bericht der Bundesregierung 2009 zur Anwendung des Standardkosten-
Modells und zum Stand des Bürokratieabbaus, Dezember 2009, p. 6. [Chancellerie fédérale, Rapport du
gouvernenment fédéral 2009 sur l’utilisation du modèle des coûts standard, décembre 2009].
6. Cf. Bundeskanzleramt ed., Bericht der Bundesregierung 2009 zur Anwendung des Standardkosten-
Modells und zum Stand des Bürokratieabbaus, op. cit., p. 8.
7. Cf. Nationaler Normenkontrollrat, Jahresbericht 2010, p. 10 [Rapport annuel 2010 du Conseil
national de contrôle des normes].

Revue française d’administration publique no 135, 2010, p. 619-642


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Tableau 1 : Les vingt obligations d’information les plus coûteuses


628

Obligation d’information
Rang Ministère Abréviation entre parenthèses : Charges pour les entreprises
référence aux codes ou lois prévoyant l’obligation d’information en millions d’euros par an
1 BMF (a) Conservation de factures (UStG) 6 197
2 BMF Déclaration de la TVA (UStG) 3 650
3 BMJ (b) Etablissement de comptes annuels (HGB) 3 540
4 BMF Déclaration de l’impôt sur les sociétés (KStG 1977) 3 488
5 BMF Inscription à la taxe professionnelle (GewStG) 1 613
6 BMF Livraisons intracommunautaires (UStG) 854
7 BMJ Bilans annuels des établissements de crédit (HGB) 696
8 BMF Information des consommateurs sur les contrats d’assurance en cours (VAG) 541
9 BMF Déclaration préalable de TVA (UStG) 473
10 BMG (c) Décompte des prestations médicales des caisses (SGB V) 453
11 BMG Décompte des médicaments par les pharmacies (SGB V) 445

Revue française d’administration publique no 135, 2010, p. 619-642


12 BMI (d) Déclaration obligatoire dans les hôpitaux et les établissements de soins (MRRG) 377
13 BMF Information des consommateurs – Assurances (VAG) 322
14 BMU (e) Preuve du traitement des déchets et de l’utilisation des emballages (VerpackV 1998) 235
15 BMAS (f) Echéance des cotisations de sécurité sociale (SGB IV) 186
16 BMG Indication de la remise de narcotiques (BtMG 1981) 166
17 BMJ Comptes annuels des assurances et des fonds de pension (HGB) 165
18 BMU Demandes d’autorisation d’installations polluantes (BImSchG) 132
19 BMAS Preuve de la cotisation de Sécurité sociale (SGB IV) 129
20 BMF Définition des bénéfices en général / Impôt sur le revenu (EStG) 124
a Source : Fondation Bertelsmann
Bundesministerium für Finanzen – Ministère fédéral des Finances
b
Bundesministerium der Justiz – Ministère fédéral de la Justice
c
Bundesministerium für Gesundheit – Ministère fédéral de la Santé
HENRIK BRINKMANN, TOBIAS ERNST, FRANK FRICK, ALEXANDER KOOP ET HENRIK RIEDEL

d
Bundesministerium des Innern – Ministère fédéral de l’Intérieur
e
Bundesministerium für Umwelt – Ministère fédéral de l’Environnement
f6
Bundesministerium für Arbeit & Soziales – Ministère fédéral du Travail et des Affaires Sociales

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COMMENT RÉDUIRE LES LOURDEURS BUREAUCRATIQUES 629

pour tous les ministères d’utiliser de façon homogène le modèle des coûts standards comme
méthode pour recueillir les données ; (c) les objectifs doivent être réalistes, explicites,
évaluables et imputables sans ambiguïté ; (d) la coordination et les contrôles internes
doivent être dynamiques, c’est-à-dire que le gouvernement, chaque ministère ainsi que le
Parlement doivent bénéficier d’une information et d’une consultation continues et
publiques.
Après ces premiers succès en matière de réduction de la bureaucratie, le gouvernement
fédéral fait actuellement face au défi de devoir atteindre les objectifs qu’il s’est fixés de
réduire de 25 % d’ici 2011 les coûts bureaucratiques pesant sur le secteur économique.
Pendant longtemps, il manquait un calendrier détaillé indiquant jusqu’à quelle date telle ou
telle mesure de réduction des coûts devait être adoptée et mise en œuvre. Au milieu de
l’année 2010, le gouvernement a finalement adopté un plan pour la réalisation de l’objectif
de réduction de 25 %.
De manière générale, la question qui se pose est de savoir où exactement peut-on
intervenir pour provoquer une baisse des charges bureaucratiques. Sur la base des quatre
facteurs de coût existant, il est possible d’identifier quatre grands domaines d’application
des mesures de réduction. Ces dernières peuvent souvent être combinées les unes avec les
autres, ce qui permet ainsi d’obtenir des effets cumulatifs. Par ailleurs, on constate
l’existence de recoupements remarquables ainsi que des synergies par rapport à des
mesures contribuant à la modernisation de l’administration et à la mise ne place d’un
gouvernement électronique qui permet souvent de réaliser des économies importantes aux
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niveaux des coûts d’information. L’objectif fondamental est en effet toujours de permettre

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la réduction des coûts qui ne sont pas nécessaires. Cela ne signifie pas que l’État et
l’administration vont se trouver privés d’information importantes en matière de pilotage et
de contrôle. Il s’agit seulement de chercher la voie la plus efficiente de générer, transmettre
et traiter l’information.

Tableau 2 : Réglages nécessaires pour permettre


pour une réduction des coûts liées aux charges administratives
Éléments de réglages Mesures pour la réduction des coûts
Temps nécessaire à Écarter les questions inutiles, simplifier les formulaires – la
l’accomplissement des dépense pour la réalisation des obligations d’information
obligations baisse.
Coût salarial de l’employé Des obligations d’information moins complexes – les tâches
correspondant peuvent alors être déléguées plus facilement à des employés
moins qualifiés (exemple le traitement au niveau d’un
secrétariat au lieu d’une personne spécialisée).
Étendue, par exemple le Toutes les entreprises (de la branche, de la région)
nombre d’entreprises doivent-elles transmettre des données ? Est-ce
concernées (ou de cas) qu’éventuellement un plus petit échantillon pourrait suffire, les
créateurs d’entreprise ou les PME ne pourraient-ils pas être
dispensés de cette obligation ? La restriction du groupe cible
promet de grosses économies.
Fréquence, c’est-à-dire L’obligation d’information peut-elle avoir lieu moins souvent ?
combien de fois par an que (tous les deux ans au lieu de tous les ans, de façon
cette obligation d’information semestrielle plutôt que trimestrielle ?) De la même façon, il y
doit être remplie a là un gros potentiel de réduction.

Source : Fondation Bertelsmann

Revue française d’administration publique no 135, 2010, p. 619-642


630 HENRIK BRINKMANN, TOBIAS ERNST, FRANK FRICK, ALEXANDER KOOP ET HENRIK RIEDEL

Poursuivre ce processus de réduction de la bureaucratie reste une mission importante


tant pour le Conseil de contrôle des normes que pour les responsables politiques. Il est très
encourageant que le Conseil de contrôle des normes ait sa place dans la procédure
législative. On peut cependant regretter qu’il puisse se prononcer uniquement quand
l’initiative législative vient du gouvernement fédéral. Le contrôle des initiatives législatives
émanant de l’opposition (et réclamé par l’opposition elle-même) soulignerait de façon
particulière l’impartialité et l’indépendance du Conseil de contrôle des normes. On peut
aussi se demander pourquoi l’action du Conseil de contrôle des normes ne s’applique pas
tout au long de la procédure législative. Pour l’instant sa participation se limite à faire des
recommandations au gouvernement avant la présentation d’une loi au Parlement. De
nombreux projets de loi sont encore en cours d’examen au Bundestag. Pourquoi le Conseil
de contrôle des normes ne peut-il pas intervenir à leur égard ? Un élargissement du mandat
du Conseil de contrôle des normes fait en tout cas actuellement l’objet de discussions dans
le cadre d’une possible modification de la loi portant sur le champ d’application du Conseil
de contrôle des normes 8. La procédure législative devrait aboutir d’ici la fin de l’année
2010.
Enfin, tant le gouvernement fédéral que le Conseil de contrôle des normes pensent que
la prochaine mission d’application du modèle des coûts standards devrait porter non plus
seulement sur la mesure et la réduction des coûts d’information supportés par les
entreprises, mais aussi ceux supportés par les citoyens ainsi que par l’administration. Qui
plus est, il est prévu d’étendre le programme gouvernemental « Réduction de la bureau-
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cratie et meilleure façon de légiférer » à tout ce qui se trouve dans le sillage des
investissements nécessaires afin de satisfaire aux différentes obligations découlant de la
réglementation fédérale auxquelles l’économie doit s’acquitter, tout comme l’administra-
tion du reste. Ceci serait susceptible de contribuer à améliorer significativement la prise de
conscience et le soutien à ce programme de réforme.

DE NOUVELLES PERSPECTIVES ? RÉDUIRE LES CHARGES


ADMINISTRATIVES POUR LES CITOYENS GRÂCE AU SCM

Qui soigne des personnes handicapées ou s’occupe de personnes âgées nécessitant des
soins bénévolement se trouve confronté à un nombre important de déclarations obliga-
toires, de démarches administratives, à une correspondance volumineuse et à de nombreux
formulaires à remplir. Or il se trouve que ce sont justement ces citoyens particulièrement
engagés que l’État devrait décharger des obstacles bureaucratiques.
Les estimations faite sur la base du modèle des coûts standards en Allemagne et dans
d’autres pays européens s’étaient concentrées jusqu’à présent sur le secteur économique et
donc sur l’allègement des charges incombant aux entreprises. L’allègement des charges
pesant sur les citoyens n’a été abordé qu’aux Pays-Bas 9. Au cours de l’été 2007, la
Fondation Bertelsmann a conduit la première évaluation pilote des coûts administratifs

8. Cf. le projet de loi du 8 juin 2010 devant le Deutscher Bundestag déposé par les groupes
parlementaires CDU/CSU et FDP visant à modifier la loi sur le domaine d’application du Conseil de contrôle
des normes.
9. Voir www.whatarelief.eu

Revue française d’administration publique no 135, 2010, p. 619-642


COMMENT RÉDUIRE LES LOURDEURS BUREAUCRATIQUES 631

supportés par les citoyens 10. Peu après, le gouvernement allemand a décidé de mesurer ce
type de charges bureaucratiques. Depuis le 1er janvier 2009, les charges bureaucratiques des
citoyens dues à la réglementation fédérale font régulièrement l’objet d’une estimation dans
le cadre d’une procédure ex ante.
L’objet de l’étude de la Fondation Bertelsmann portait sur les divers groupes de
citoyens se trouvant dans les situations particulières suivantes : bénévoles dans des
associations sportives, parents d’un enfant handicapé, parents ou proches d’une personne
âgée nécessitant des soins. Les obligations d’information que les intéressés ont à remplir du
fait de leur situation particulière ont été analysées. Les obligations « générales », comme
par exemple la déclaration de l’impôt sur le revenu ou la demande d’allocations familiales
« classiques », n’ont pas été prises en compte dans l’estimation, car ces obligations
d’information n’ont pas leur source dans une situation particulière. L’enquête portait
uniquement sur le temps nécessaire pour accomplir les tâches d’information incombant à
ces groupes de personnes et sur les dépenses directes qui en découlent comme les taxes ou
les frais de port.

Résultats concernant le groupe d’etude des bénévoles


dans les associations sportives

L’enquête a premièrement porté sur un groupe de près de 26 000 membres dirigeants


bénévoles d’associations de football. Elle a révélé une dépense administrative de
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13,2 millions d’heures ainsi que des coûts directs à hauteur de 12,2 millions d’euros par an.
Un membre dirigeant bénévole est en moyenne occupé une semaine par mois (42 heures)
uniquement par l’accomplissement d’obligations légales d’information. Vingt-trois obliga-
tions légales d’information ont été examinées. Cependant, après entretiens et discussions
avec des experts, il est apparu que peu de mesures de simplification pouvaient être
dégagées, car l’obligation de rendre des comptes ainsi que la tenue d’une comptabilité dans
les règles incombe au comité directeur des clubs. Il s’agit d’obligations d’information
importantes qui ne pourraient être réduites qu’au détriment de la transparence envers les
adhérents. Les mesures résiduelles envisagées sont les suivantes : suppression de la
déclaration préalable de taxe sur la valeur ajoutée, regroupement des agréments de débit de
boissons, enregistrement des changements dans l’organisation des comités directeurs par
les tribunaux et non par les notaires. On estime, qu’avec ces mesures, environ 38 000 heu-
res de travail et l’équivalent d’un million d’euros par an pourraient être économisés, autant
de temps et d’argent disponibles pour l’accomplissement des buts de l’association sportive.

Résultats relatifs au groupe d’étude des parents d’un enfant handicapé

L’enquête a également porté sur un groupe d’environ 162 000 parents d’un enfant
handicapé âgé de 0 à 18 ans. Elle a révélé que les coûts administratifs qu’ils avaient à
supporter s’élevaient à environ 6,4 millions d’heures par an et les coûts directs à
2,6 millions d’euros. Par personne concernée, cela signifie une dépense équivalente à une
semaine complète de travail par an. En tout, vingt-trois obligations d’information ont été
estimées, parmi lesquelles les demandes d’aide technique (par exemple de prothèses) ou

10. Voir à ce sujet : Fondation Bertelsmann, Ermittlung von Bürokratiezeitkosten mit Hilfe des
Standardkosten-Modells [Détermination des coûts administratifs en temps à l’aide du modèle des coûts
standard], janvier 2008.

Revue française d’administration publique no 135, 2010, p. 619-642


632 HENRIK BRINKMANN, TOBIAS ERNST, FRANK FRICK, ALEXANDER KOOP ET HENRIK RIEDEL

non technique (par exemple des couches ou des crèmes de soin), ont été jugées
particulièrement coûteuses en temps et en argent. Essentiellement trois ensembles de
mesures sont susceptibles d’alléger ces charges : l’amélioration de l’information (élabora-
tion d’un portail d’information central, rôle des médecins en tant que premiers inter-
locuteurs, développement des bureaux de coordination et des brochures) ; délivrance
d’ordonnances à long-terme pour les dispositifs d’aide non technique ; augmentation de la
déduction forfaitaire d’impôt, ce qui, dans les faits, supprimera largement les demandes
pour une prise en compte de charges extraordinaires. Ces trois ensembles de mesures
constituent un volume d’économie potentiel de 1,8 million d’heures, économie par le biais
de laquelle une réduction de la dépense administrative d’environ 28 % pourrait être atteinte
pour ce groupe. Le temps économisé pourrait directement profiter à l’assistance et aux
soins de l’enfant handicapé.
Résultats relatifs aux proches d’une personne âgée nécessitant des soins
L’enquête a enfin porté sur les quelques 1,2 million de personnes âgées (de soixante
ans et plus) nécessitant des soins. Pour les proches de ces personnes, la dépense
administrative a été estimée à environ 36,6 millions d’heures par an et les coûts directs à
13,6 millions d’euros. En moyenne par personne concernée, cela signifie 32 heures par an.
Vingt-deux obligations d’information ont été identifiées. Parmi celles-ci, les demandes pour
l’aide technique ou non technique, pour l’assurance dépendance, pour les remplacements
de la personne habituellement en charge de la personne âgée, et celles pour les services à
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la personne de courte durée sont à l’origine d’une dépense importante. Quatre mesures de

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réduction ont été dégagées : le regroupement et la délivrance d’ordonnances valables plus
longtemps pour l’aide technique et non technique ; l’amélioration de l’information ;
l’invitation à la réalisation d’une visite de contrôle de la qualité de l’assistance par les
caisses de soin ; l’adjonction d’une expertise du service médical lors du rejet total ou partiel
d’une demande de prestations de l’assurance-dépendance. Avec un volume de réduction de
8,5 millions d’heures, les mesures proposées permettraient d’atteindre une économie
d’environ 23 %. Là aussi le temps économisé pourrait être investi dans l’assistance et le
soin aux personnes âgées.
Premier bilan
L’évaluation de la charge administrative supportée par les citoyens montre qu’avec de
légères modifications, le modèle des coûts standards peut aussi être appliqué à l’évaluation
des coûts pesant sur les citoyens. Des domaines problématiques, qui entraînent une dépense
administrative pour les citoyens dans des situations particulières peuvent être rendus plus
transparents. En fonction des enquêtes et estimations qui ont été menées, les mesures
préconisées représentent un potentiel de réduction de 25 %.

RÉDUIRE LES CHARGES ADMINISTRATIVES INCOMBANT


À L’ADMINISTRATION
La réduction des charges administratives grevant l’économie constitue la plupart du
temps, du moins d’un point de vue politique, le premier pas et le plus important dans la
réduction de la bureaucratie. Une extension de cet objectif aux citoyens est souvent exigée
dans la foulée. En revanche, un allègement des charges administratives pesant sur
l’administration elle-même reste en général négligé. Or, la réduction de la bureaucratie dans
l’administration s’avère tout aussi sensée et nécessaire. Seule une appréciation d’ensemble

Revue française d’administration publique no 135, 2010, p. 619-642


COMMENT RÉDUIRE LES LOURDEURS BUREAUCRATIQUES 633

de la situation permet d’éviter que la réduction des charges administratives pour les
entreprises et les citoyens ne se traduise par des charges supplémentaires pour l’adminis-
tration. Deuxièmement, l’allègement des coûts supportés par l’administration permet de
dégager plus de ressources pour l’accomplissement du noyau dur de leurs tâches, et ainsi
d’améliorer les autres effets négatifs de la bureaucratie, comme les longs délais de
traitement, l’accessibilité et la disponibilité trop restreintes des personnels et la qualité des
décisions. En Allemagne, la décision a donc été prise, lors de l’accord de coalition de 2005,
de ne pas limiter l’évaluation aux seuls coûts supportés par l’économie et par les citoyens,
mais de l’étendre aussi à ceux supportés par l’administration. Ceci dit, il convient de
signaler que jusqu’à présent, peu de projets pilotes ont été conduits afin de répertorier les
charges bureaucratiques pesant sur l’administration publique.

Application du modèle des coûts standards dans l’administration : un potentiel


considérable pour la baisse des coûts induits par les charges administratives
Des expériences ont déjà été réalisées en France et aux Pays-Bas en ce sens. En France
les coûts relatifs à 112 puis 200 procédures d’autorisation ont été évalués en 2006 11. Aux
Pays-Bas, on a commencé par une évaluation-pilote en 2006. Le résultat global atteint
jusqu’à présent est que les coûts de l’administration ne doivent pas être sous-estimés.
Lorsque le secteur économique doit supporter des coûts administratifs équivalents à quatre
euros, ces coûts représentent un euro pour les administrations elles-mêmes.
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Tableau 3 : coûts par secteurs

Coûts Coûts totaux Coûts pour Nombre


Secteur Coûts pour d’obligations
d’activité (en millions l’économie l’adminis- d’information
économique d’euros) tration
évaluées
concerné
Secteur de la construction 663 80 % 20 % 24
Agriculture 318 70 % 30 % 35
Mise en circulation
de produits pharmaceutiques 16 86 % 14 % 37

Industrie plastique 3 100 % 0% 6


Source : Fondation Bertelsmann

En Allemagne, les premiers projets d’évaluation des coûts de l’administration ont été
conduits en 2007. Les résultats ont été parfois accablants. Ainsi une étude des procédures
d’attribution des marchés publics, réalisée à la demande du ministère fédéral de l’écono-
mie, a montré que dans ce domaine, 46 % de l’ensemble des coûts induits proviennent des
services adjudicataires, c’est-à-dire de l’administration 12. Une enquête réalisée par la

11. Voir sur ce point : Montin (Charles-Henri), The Introduction of Better Regulation in France,
conférence du 29 mars 2007 [www.regplus.free.fr/lisbon.ppt] ; Montin (Charles-Henri), Administrative Burden
measurement and reduction in France, conférence du 5 février 2007 ; Montin (Charles-Henri), Administrative
Burden Measurement and Reduction. Costs Within the Administration, 2006.
12. Rapport de l’étude du Ministère fédéral de l’économie sur l’évaluation des coûts des procédures des
marchés publics de fournitures, de services et de travaux du point de vue de l’économie et des maîtres
d’ouvrage publics, Kostenmessung der Prozesse öffentlicher Liefer-, Dienstleistungs- und Bauaufträge aus
Sicht der Wirtschaft und der öffentlichern Auftraggeber, mars 2008.

Revue française d’administration publique no 135, 2010, p. 619-642


634 HENRIK BRINKMANN, TOBIAS ERNST, FRANK FRICK, ALEXANDER KOOP ET HENRIK RIEDEL

Fondation Bertelsmann en matière de réglementation des activités industrielles, artisanales


ou commerciales est arrivée à une répartition des coûts qui se trouvent supportés à 45 % par
les entreprises et à 55 % pour l’administration et autres organismes publics 13. Comme le
montrent ces exemples, le potentiel de baisse des coûts administratifs dans l’administration
peut donc être considéré comme relativement important.
À l’aide de trois projets pilotes, « Accès facilité à l’aide au logement », « Accès
facilité aux allocations familiales », « Accès facilité aux aides pour étudiants », le
gouvernement allemand, le Conseil de contrôle des normes, certains Länder et des
opérateurs étatiques extérieurs ont testé l’observation sur plusieurs niveaux de processus de
d’exécution des décisions et de mise en œuvre de mesures 14. À cette occasion, l’attention
a porté aussi bien sur les charges administratives pesant sur les citoyens, ainsi que celle
affectant l’administration. La réalisation des objectifs du gouvernement fédéral est analysée
en tenant compte de la coopération multi-niveaux entre l’administration fédérale, les
Länder et les communes. Par ailleurs, des bonnes pratiques ont été identifiées et des
propositions de simplification de la réglementation fédérale ont été développées.

Application de la méthode des modèles des coûts standards aux différents types
d’obligations d’information dans l’administration

En appliquant le modèle des coûts standard à l’économie, on examine des obligations


d’information que les entreprises doivent remplir vis-à-vis de l’administration. En
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appliquant ce modèle à l’administration, l’attention doit se porter sur les obligations

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d’information qui existent entre administrations. L’un des résultats essentiels d’une
première étude de faisabilité de la Fondation Bertelsmann résidait de ce fait dans la
systématisation de cet entrecroisement de relations.
Le domaine qui a surtout été analysé dans les études conduites jusqu’à présent est celui
des obligations d’information envers le monde économique et les citoyens, obligations
d’information pour lesquelles l’administration doit enregistrer et travailler sur les données
reçues (le traitement des autres obligations d’information est moins documenté). Dans ce
domaine, il est apparu que la méthode du modèle des coûts standards doit être étendue à un
élément stratégique : l’analyse des procédures standards. En particulier, les interdépendances
existant entre exigences légales, réglementations administratives et prescriptions en matière
d’exécution n’apparaissent clairement qu’à travers une analyse détaillée des procédures
internes existantes, étape préalable au rattachement des charges générées à tel ou tel aspect.
Là aussi, il est nécessaire de faire un travail de systématisation encore plus poussé,
méthodique et conceptuel pour pouvoir établir un standard en la matière.

Utilisation et signification du modèle des coûts standards dans l’administration :


problème de redistribution de l’information et identification de mesures possibles

Dans le cadre de l’estimation des coûts administratifs entraînés par la réglementation


des marchés publics, les potentiels d’économies entraînées par des mesures de simplification

13. Les résultats sont basés sur une étude encore non publiée d’évaluation des obligations administra-
tives dans le domaine communal. Ces résultats sont tirés d’une étude d’avril 2008 sur la mesure des obligations
de nature administrative à la charge des communes pour ce qui concerne le droit des activités industrielles et
commerciales. http://www.bertelsmann-stiftung.de/cps/rde/xbcr/SID-43420537
14. Cf. Nationaler Normenkontrollrat, Jahresbericht 2019, p. 10-11 ; ainsi que Nationaler Normenkon-
trollrat, Jahresbericht 2010, p. 32-40.

Revue française d’administration publique no 135, 2010, p. 619-642


COMMENT RÉDUIRE LES LOURDEURS BUREAUCRATIQUES 635

ont également été analysés. On constate ainsi que lors d’une procédure d’attribution de
marché public le passage du dépôt d’une demande d’information par les entreprises à une
obligation de notification de la part de l’administration pouvait faire économiser 21,5 mil-
lions d’euros aux entreprises, mais générerait des coûts supplémentaires à hauteur de
43,8 millions d’euros pour l’administration. Parmi les vingt-neuf propositions restantes qui
ont été examinées, une seule proposition d’allègements du côté des entreprises conduisait
également à des frais supplémentaires du côté de l’administration. On peut tirer deux
conclusions de cet exemple. D’un côté, c’est seulement par l’intégration dans le calcul
général des coûts administratifs des coûts supportés par l’administration qu’il est possible
d’éviter ce qui reviendrait à des transferts de charge administrative, et même dans certains cas
à des augmentations de coûts. D’un autre côté, la plupart des mesures d’allègement pour
l’économie et pour les citoyens ont aussi un effet d’allègement pour l’administration. Il est
évident qu’une simplification voire la suppression de certaines informations à transmettre par
les entreprises génèrent une baisse des charges pour l’administration. Cette piste d’amélio-
ration potentielle doit cependant faire l’objet d’une analyse plus poussée étant donné que les
avantages escomptés se transforment en inconvénients à partir du moment où les informa-
tions nécessaires pour prendre des décisions commencent à manquer et doivent à ce
moment-là être obtenues au prix d’efforts supplémentaires. Cela plaide aussi pour l’intégra-
tion de l’administration dans l’analyse des coûts administratifs. Un avantage supplémentaire
d’une telle prise en compte réside dans le fait que la collaboration directe des agents de
l’administration dans la mise en place de mesures qui pourraient leur bénéficier n’est pas
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seulement un facteur de motivation mais aide à l’identification d’économies réalistes.

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Bilan intermédiaire
Les études et projets menés jusque à présent sur l’application du modèle des coûts
standards dans l’administration ont montré qu’un potentiel très important d’allègements
gisait au sein de l’administration. Des ressources pourraient être libérées, avec effet
supplémentaire sur la diminution des lourdeurs administratives (disponibilité, délais
d’attente, durée des procédures, etc.). L’intégration des coûts propres à l’administration
augmente la motivation de l’administration : les possibilités de simplification, les obstacles
et les défis peuvent être plus facilement identifiés. Les services qui n’ont aucune fonction
exécutive mais servent uniquement à redistribuer les tâches et les informations peuvent être
identifiés et réduits. Il est conseillé de compléter la méthode du modèle des coûts standards
en l’orientant vers une analyse des processus d’entreprise dans le domaine des coûts
administratifs. On réduira davantage les coûts en faisant des économies du côté de
l’administration, par le biais de la réduction de la bureaucratie dans l’économie et auprès
des citoyens, qu’en déplaçant ces coûts. La prise en compte des coûts supportés par
l’administration dans l’évaluation des coûts administratifs supportés par l’économie et les
citoyens est donc à conseiller de façon pressante et devrait figurer en haut de l’agenda de
l’ensemble des acteurs concernés.

MESURER TOUS LES COÛTS DE LA RÈGLEMENTATION SELON


LE MODÈLE DES COÛTS STANDARDS

Il y a deux raisons principales pour lesquelles la simplification administrative s’est


jusqu’à présent concentrée, en Allemagne, sur la réduction des obligations légales
d’information. Premièrement, parce que le modèle des coûts standards offrait une méthode

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éprouvée et acceptée internationalement de mesure des coûts d’information. Et deuxième-


ment, parce qu’à l’étranger, la réduction des coûts d’information s’était révélée dans une
large mesure apolitique et ainsi relativement facile à mettre en œuvre. On peut cependant
supposer que les coûts d’information ne représentent qu’une proportion relativement faible
du total des coûts de la réglementation affectant les acteurs économiques et les autres
catégories d’acteurs touchés par l’édiction de normes.
Dans plusieurs États membres de l’Union européenne, mais aussi dans les pays
anglo-saxons, des méthodes ont été mises au point et testées, lesquelles permettent de
mesurer les coûts non seulement des obligations légales d’information, mais aussi d’autres
obligations juridiques. Il existe également des outils servant à distinguer les « coûts qui
surviendraient de toutes façons » (Sowieso Kosten) des « coûts additionnels », ainsi qu’à
mesurer les « coûts d’opportunité » ou à détecter les « effets irritants ».
La Fondation Bertelsmann a donc initié un projet visant à élaborer et à tester – sur la
base des coûts standards et des enseignements tirés d’autres relevés de données statistiques
– un modèle destiné à permettre de développer et de tester une mesure intégrée des coûts
de la réglementation 15. Ce modèle est désigné sous le nom de modèle des coûts de la
réglementation (MCR, pour Regulierungskostenmodell, RKM). Le modèle des coûts de la
réglementation se borne à mesurer les coûts de la réglementation au sens strict, c’est-à-dire
les coûts découlant directement de la mise en œuvre d’obligations légales d’agir.
Le modèle des coûts de la réglementation se fonde sur le modèle des coûts standards,
mais étend son domaine à quatre dimensions supplémentaires. Premièrement, il tient non
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seulement compte des obligations d’information, mais aussi de toutes les formes d’obli-

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gations d’agir. De plus, tous les types de coûts susceptibles de découler de ces obligations
d’agir sont pris en compte. À cet égard, outre les coûts objectifs, les charges subjectives
sont également mesurées. Le modèle tient également compte de toutes sortes d’autres cas
d’application possibles.
Sont compris comme coûts de la réglementation, les coûts occasionnés pour le
destinataire d’une norme juridique par une activité découlant de ses obligations légales
d’agir. Il s’agit là, à proprement parler, de coûts de réglementation au sens strict du terme,
dans la mesure où il est également possible de comprendre, au sens large, comme des coûts
de réglementation, les coûts suivants tels que : (1) ceux qui affectent les destinataires des
normes du fait de leur respect d’autres types d’obligations juridiques (obligations de tolérer,
ou d’abstention) ; (2) ceux qui résultent non directement des normes elles-mêmes, mais,
indirectement, du respect par d’autres destinataires des obligations légales pesant sur
ceux-ci (par exemple, en raison d’effets de prix ou de quantité) ; (3) ceux qui, en matière
de politique et d’administration, sont engendrés par processus allant de la planification à
l’adoption d’une norme visant, le cas échéant, d’autres destinataires (le coût de la
législation).
L’obligation juridique est au centre de la mesure des coûts de la réglementation. Une
obligation juridique est une norme abstraite et générale édictant une obligation pesant sur
les destinataires, lorsque sont réunies des conditions de fait particulières, et leur prescrivant
de faire, de tolérer ou de s’abstenir.
Les obligations qui imposent une « action » particulière, ou l’accomplissement de
certaines activités peuvent être désignées aussi par le terme d’« obligations d’agir »
(Handlungspflichten). Les exigences de tolérer, en revanche, sont des obligations qui
imposent à leur destinataire de permettre les activités d’un tiers ou une situation particulière

15. Bertelsmann Stiftung : Handbuch zur Messung von Regulierungskosten, [Manuel de mesure des
coûts de la réglementation], April 2009.

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COMMENT RÉDUIRE LES LOURDEURS BUREAUCRATIQUES 637

Tableau 4 : les quatre points sur lesquels le modèle des coûts


de la réglementation étend le modèle des coûts standards

1. Prise en compte 2. Prise en compte


de tous les cas d’application de toutes les obligations d’agir

Approche descendante (ex post ou ex ante) Obligations d’information, de paiement,


et approche par le bas (ex post ou ex ante) de coopération, de contrôle, de qualification,
d’objectifs et toutes autres mises en
conformités par rapport à des prescriptions.

Modèle
des coûts standards

4. Prise en compte 3. Prise en compte


des charges subjectives de tous les types de coûts
« Effets irritants » par manque de Coûts en personnels, coûts en équipements
compréhension, défaut d’applicabilité coûts financiers, coûts qui surviendraient,
et absence d’acceptation des obligations de toutes façons, coûts additionnels,
coûts d’opportunité
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Source : Fondation Bertelsmann

(par exemple, consentir à une inspection d’entreprise). Parmi les obligations « de ne pas
faire » figurent en particulier les interdictions (par exemple l’interdiction des exportations
illégales d’armes).
Le modèle des coûts de la réglementation se focalise – pour des raisons pratiques – sur
la mesure des coûts découlant d’obligations d’agir. Les obligations d’agir permettent
d’appliquer la mesure des coûts à des activités matériellement observables et vérifiables. En
matière d’obligations de tolérer, le destinataire de la norme agit en principe de manière
passive, et les obligations « de ne pas faire » interdisent d’effectuer certaines activités. Dans
les deux cas, les coûts qui apparaissent proviennent généralement de ce que les ressources
propres du destinataire de la norme ne peuvent pas être utilisées ailleurs. Pour les identifier,
il faudrait donc échafauder des hypothèses sur la façon dont le destinataire aurait utilisé ces
ressources en l’absence d’obligation de tolérer ou « de ne pas faire ». Il conviendrait en
outre de calculer le solde des coûts d’opportunité. Une mesure fiable de ces coûts ne
paraissant pas facilement praticable, les obligations de tolérer et « de ne pas faire » ont donc
été exclues du cadre d’analyse du modèle des coûts de la réglementation.
Cela étant, la mise en pratique concrète de la mesure des coûts bureaucratiques d’une
activité peut être subdivisée en deux grandes étapes : (1) identification de l’obligation
d’agir ; (2) mesure des coûts de l’activité.
La première obligation d’agir identifiée est l’obligation d’information au sens du
modèle des coûts standards. En Allemagne, l’obligation d’informer est normée dans la loi
portant création du Normenkontrollrat, l’organisme fédéral chargé de mesurer la production
bureaucratique (§ 2, alinéa 1, phrase 2 de la Loi NKR du 14 août 2006) : « Constituent des

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obligations d’information, les obligations existantes ayant leur base juridique dans une loi,
une ordonnance, un règlement ou un arrêté et imposant de fournir, de tenir à disposition,
ou de transmettre des données et autres informations aux autorités ou à des tiers ».
Outre l’obligation d’information, le modèle des coûts de la réglementation distingue
entre cinq autres types d’obligations d’agir : (a) les obligations de paiement ; (b) les
obligations de coopérer ; (c) les obligations de surveillance ; (d) les obligations de qualifica-
tion ; (e) ainsi que les obligations de but et autres exigences de s’acquitter de charges.
De façon générale, on distingue trois types de coûts générés par l’exécution des
obligations d’agir : (1) les coûts en personnel, (2) les coûts d’équipement et, (3) les coûts
financiers. Les coûts en personnel comprennent quant à eux : les salaires et les traitements ;
les cotisation de sécurité sociale ; les retraites ; les frais d’assistance. Les coûts en
équipements comprennent pour ce qui les concernent : le coût des matières premières, des
matières consommables et des fournitures, le coût des marchandises, le coût des services,
le coût du financement,
les autres charges d’exploitation, l’amortissement. Les coûts financiers enfin, sont des
prélèvements de droit public, c’est-à-dire des prestations en argent avec ou sans
contrepartie directe, que les entreprises ont à verser à l’État en vertu de la législation en
vigueur. Ils peuvent être subdivisés en, d’un côté, les taxes, et de l’autre côté, les autres
charges (par exemple contributions, taxes et prélèvements spéciaux...). Les droits devant
être payés par l’entreprise en rapport à ses employés (cotisations de sécurité sociale et
imposition forfaitaire) sont considérés comme faisant partie des frais de personnel (voir
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ci-dessus). Tous les frais de personnel, dépenses de matériel et coûts financiers sont, pris

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dans leur globalité, désignés comme « coûts de réglementation I ». Les frais généraux ne
sont en principe pas pris en compte dans le modèle des coûts de la réglementation.
Dans le cadre de la mesure des coûts de la réglementation on procède ensuite de
manière systématique à un examen – pour tous les coûts de personnel et d’équipement –
afin de déterminer le niveau où doit être fixée la proportion des coûts non gérables et des
coûts supplémentaires. Les coûts non gérables sont ceux qui surviendraient de toutes
façons ; ils désignent les coûts pesant sur les destinataires des normes qui existent même
en dehors d’une obligation légale. Si, par exemple une entreprise est tenue de préparer un
plan de formation et que ce plan serait également fait en l’absence de toute obligation
légale, les frais engagés pour la préparation du plan doivent être désignés comme des coûts
qui surviendraient de toutes les façons à 100 %. Les coûts supplémentaires sont quant à eux
les coûts qui ne pèsent sur l’entreprise que du seul fait d’une obligation légale. Cela
explique aussi pourquoi les coûts financiers représentent en général des coûts supplémen-
taires – et non des coûts qui surviendraient en toute hypothèse – : une entreprise ne paierait
pas d’impôts, ni de taxes s’il n’existait une obligation légale de le faire.
Après soustraction des coûts non gérables de la somme de tous les coûts en personnel,
en équipements et des coûts financiers, autrement dit des « coûts de réglementation I », on
obtient les coûts dits de « réglementation II », reflétant les coûts supplémentaires.
Enfin, le modèle des coûts de la réglementation calcule – sur la base des coûts
supplémentaires – les « coûts d’opportunité ». Les coûts d’opportunité, dans ce contexte, sont
les manques à gagner rencontrés par l’entreprise en raison des exigences légales devant être
respectées, et parce que ses ressources opérationnelles ne peuvent pas être utilisées de manière
optimale. Comme la détermination de la perte de profits conduirait – de même que pour les
coûts entraînés par les obligations de tolérer ou de ne pas faire (voir ci-dessus) – à devoir
former différentes hypothèses (en fonction du chiffre d’affaires, des coûts et des bénéfices en
cas d’utilisation optimale des ressources), le modèle des coûts de la réglementation recourt à
la procédure suivante pour identifier les coûts d’opportunité :

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COMMENT RÉDUIRE LES LOURDEURS BUREAUCRATIQUES 639

(1) identification des dépenses supplémentaires pendant la période concernée (habituellement


un an),
(2) détermination d’un taux d’intérêt implicite des dépôts à terme d’un an et ;
(3) multiplication des charges supplémentaires par le taux d’intérêt implicite.
L’addition des coûts d’opportunité et des coûts de la réglementation II (coûts
supplémentaires), donne ce que l’on appelle les coûts de la réglementation III, qui
représentent l’ensemble des charges objectives (en coûts) résultant directement d’une
obligation d’agir spécifique édictée par la loi.
En plus de la charge objective constituée par les éléments de coûts décrits ci-dessus,
le modèle des coûts de la réglementation prend aussi en compte la charge subjective
représentée par les « effets irritants » (« Irritationseffekte ») tels que ressentis par les
destinataires de la norme. Les effets d’irritation ou d’énervement liés à une obligation
légale peuvent être attribués à trois causes principales : le défaut de compréhension de
l’obligation légale, le défaut d’applicabilité de l’obligation légale et le manque d’accepta-
tion de l’obligation légale.

Tableau 5 : Ensemble des coûts pris en compte


par le modèle des coûts de la réglementation
Obligation légale d’agir
+ Coûts en personnel
Clarté, facilité de compréhensions
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+ Coûts en équipements
+ Coûts financiers
Applicabilité
– Coûts de réglementation I
– Coûts non maitrisables (Sowieso kosten)
Acceptance
– Coûts de réglementation II (additionnels)
+ Coûts d’opportunité
Effets irritants
– Coûts de réglementation III
Charge objective Charge subjective
Source : Fondation Bertelsmann

Le Gouvernement fédéral a décidé le 27 janvier 2010 d’étendre le programme de


« diminution des charges administratives et d’amélioration de la législation » (« Bürokra-
tieabbau und bessere Rechtsetzung ») à l’ensemble des charges dites d’exécution (« Erfül-
lungsaufwand »), qui naissent pour les entreprises, les citoyens, comme pour l’administra-
tion de la mise en œuvre de dispositions prescrites par le droit fédéral. Pour ce faire, une
méthode adéquate est actuellement en cours d’élaboration. Les contours du modèle des
coûts de régulation peuvent lui servir d’inspiration à cet égard.

VERS UN MEILLEUR DES MONDES RÈGLEMENTAIRE ?

Quel rôle le modèle des coûts standards joue-t-il dans une stratégie globale de bonne
réglementation ? La qualité de la réglementation étatique se retrouve de plus en plus sur
l’agenda politique. Les instruments traditionnels de l’action de l’État, la règle de droit et la

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640 HENRIK BRINKMANN, TOBIAS ERNST, FRANK FRICK, ALEXANDER KOOP ET HENRIK RIEDEL

fourniture de prestations, couplées avec un monopole étatique de la violence, sont souvent


trop peu efficaces, ont beaucoup d’effets secondaires, sont trop éloignés des citoyens, trop
pensés à un niveau essentiellement national, trop peu flexibles, pour aboutir aux effets
désirés à des coûts justifiables.
Le public perçoit ces limites, mais continue à attendre des institutions politiques
existantes des réponses et des solutions, puisqu’il semble justement, à l’époque de la
globalisation, s’appuyer à nouveau plus fort sur l’État-nation traditionnel et chercher un
enracinement régional. Cela semble paradoxal : État, partis politiques et administration
publique sont victimes d’une crise politique et sont en même temps, à défaut d’alternatives,
destinataires de vœux multiples et variés. On attend de la politique et de plus en plus aussi
de l’administration étatique, à côté de leur contribution à la solution de problèmes, des
mécanismes de démocratie administrative pour traduire leurs actions et leurs choix, dans
une proportion toujours plus importante, comme moyen de construction de la confiance.
Dans le débat international sur le rôle et l’accomplissement des tâches de l’État, ces
nouveaux défis pour l’action étatique se manifestent entre-temps aussi sur le plan
sémantique : l’expression de « réglementation moderne » (Better Regulation, Smart Regu-
lation ou encore Regulatory Reform) commence à prendre la place des notions jusque-là
prédominantes de « déréglementation » et de « modernisation de l’administration ». Ce
débat en est encore à ses débuts, les enjeux déterminants, qui sont discutés sous le mot-clé
de Better Regulation, sont absolument différents d’un État à l’autre. Il n’est pas sûr qu’il
en ressorte une nouvelle synthèse internationale, une nouvelle compréhension de l’État, et
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cela n’est peut-être même pas désirable. Il ne peut ainsi pas être répondu de façon définitive

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à la question : « Qu’est-ce qu’une réglementation moderne ? ».
Malgré toutes les différences nationales, on peut voir se dessiner les évolutions
suivantes : la qualité et l’effet réel de la réglementation devient le centre des efforts ; les
acteurs de l’administration cherchent à faire partie de réseaux nationaux et internationaux ;
le repli sur soi de l’administration fait place à un point de vue qui prend en compte
consciemment la perspective des citoyens et des entreprises concernés ; à côté de la
perspective de contenu des mesures de simplification, la perspective des processus est mise
en place, comment obtenir la collaboration des acteurs nécessaires pour imposer et mettre
en œuvre le processus de régulation ; la gestion de l’interface entre les unités administra-
tives et entre l’administration et ceux qui sont concernés par la régulation devient une des
préoccupations majeures ; la souveraineté reste certes l’instrument central de la réglemen-
tation, elle est cependant complétée ou, de façon isolée, remplacée par des outils de
réglementation alternatifs (autorégulation régulée, systèmes d’incitation, intervention
d’acteurs privés,...). Ceux-ci peuvent souvent n’être développés que dans un dialogue sur
la mise en œuvre et l’impact avec les autres acteurs et ceux qui sont concernés par la
réglementation ; il n’est plus question de moins d’État, mais plutôt d’une répartition des
rôles et d’un accomplissement des tâches au mieux, la pure déréglementation avec sa teinte
idéologique perd du terrain. Enfin, un point de vue pluridisciplinaire remplace de plus en
plus la perspective purement juridique.
Le mouvement en faveur d’une Better Regulation se concentre sur les interfaces entre
l’administration étatique, les responsables politiques et les citoyens ainsi que les entreprises
concernés. En conséquence, il connaît un certain élan politique, plus que beaucoup de ses
prédécesseurs, trop technocratiques. Comme les acteurs de l’administration publique
développent et mettent en œuvre des règlementations appropriées au plus proche des
intéressés, le politique peut être encouragé dans son rôle professionnel de « chercheur de
décisions » et de « communicateur public » par le biais de l’administration. Les citoyens et
les entreprises peuvent expérimenter, par le biais de la conception et de l’application de la

Revue française d’administration publique no 135, 2010, p. 619-642


COMMENT RÉDUIRE LES LOURDEURS BUREAUCRATIQUES 641

règlementation étatique, de nouvelles formes de participation démocratique et doivent


pouvoir suivre de façon transparente les objectifs, les instruments, les impacts et les coûts
des mesures étatiques. En d’autres termes : la réglementation moderne peut et doit être
exploitée en tant que communication politique.
Sur cette trame, le succès du modèle des coûts standards en Allemagne et dans
beaucoup d’autres États n’est pas un hasard. L’instrument répond vraiment aux attentes du
nouveau monde de la réglementation : il met au premier plan la perspective des intéressés,
ouvre le dialogue avec ceux qui sont concernés par la réglementation, se concentre sur
l’interface entre les administrés et l’administration et est utile dans la communication
politique. De plus, l’un des avantages de cette méthode est qu’elle permet de définir des
objectifs politiques clairs et de vérifier le respect de ces objectifs. Elle offre objectivité et
transparence et renforce ainsi la confiance, lourdement entamée en Allemagne, dans les
possibilités d’une formulation et d’une mise en œuvre de la politique qui soit rationnelle et
fondée sur des éléments tangibles. Il est vrai que le modèle des coûts standard n’éclaire
qu’un petit aspect de la qualité de la réglementation : celui des coûts d’information.
À elle seule, l’évaluation des coûts administratifs, observée isolément (comme
beaucoup d’instruments) va faire preuve de succès limités. Pour obtenir des effets plus
sensibles il faut recourir à des concepts plus globaux et passer par une stratégie de Better
Regulation, qui, dans les quatre dimensions de la réglementation ci-dessous, cherche à
atteindre des résultats optimaux.
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Tableau 6 : les quatre dimensions de la réglementation et leurs enjeux
Qualité de Procédures /
Contenu réglementation Qualité d’exécution structures
« bonne
« bonne politique » « meilleure administration » « bonne
régulation » gouvernance »
Définition de l’objectif A-t-on recours aux Mise en œuvre Forces politiques ?
stratégique ? mesures optimales orientée sur l’usager ? Contrôle des
Détermination des pour atteindre résultats ?
effets mesurables pour l’impact ? Soutien des acteurs les
les destinataires ? Les coûts pour l’État, plus importants
les citoyens et les assuré ?
entreprises sont-ils
minimisés ?

Source : Fondation Bertelsmann

Un tel concept sera toujours dépendant de la culture nationale et de la situation


politique concrète dans lesquelles il doit être appliqué. Un regard sur le concept de
réglementation présenté plus haut à titre d’exemple rend ainsi évident le fait que le coût mis
en lumière n’est que l’un des aspects, même s’il est très important, de la réglementation
moderne. À quoi sert une réduction des coûts d’information inutiles, quand la mesure
choisie pour une règlementation donnée n’atteint pas le but fixé ou que l’autorité
subordonnée ne joue pas le jeu et laisse attendre les citoyens concernés trop longtemps ?
Dans les deux cas, la réglementation va être perçue comme « mauvaise » par les citoyens,
et le succès du modèle sera obscurci par l’absence de qualité de la règlementation ou
l’absence de réalisation. C’est seulement lorsque l’ensemble des quatre dimensions,
contenu, qualité de la réglementation, qualité de l’exécution, procédures et structures, sera
présent dans toutes les phases de la règlementation, que la réglementation rempliera son

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niveau d’exigence moderne. Le modèle des coûts standards est ainsi seulement une étape
sur le chemin conduisant à la règlementation moderne. Beaucoup d’autres restent à
franchir.

*
* *
En Allemagne, on prend de plus en plus conscience du fait que la réduction de la
bureaucratie ne peut être couronnée de succès que comme projet d’ensemble, c’est-à-dire
en se déroulant sur tous les niveaux : fédéral, des Länder et communal. En effet, les
différents aspects d’une bonne réglementation sont généralement le fait de différents
niveaux étatiques. Le législatif est la plupart du temps de compétence fédérale, l’exécutif
en général une tâche incombant aux Länder et aux communes.
Il ne s’agit pas seulement de développer de nouveaux instruments, mais aussi
d’utiliser et de combiner différents instruments et objectifs comme la réduction de la
bureaucratie, l’évaluation des résultats et la modernisation de l’administration. C’est
seulement par cette combinaison que les apports positifs de ces outils pour tous les citoyens
et les entreprises peuvent être amenés à être optimisés, qu’il sera possible d’enrayer les
coûts et que l’acceptation d’une bonne règlementation pourra se renforcer.
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