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2010/3 - n° 135
pages 619 à 642
ISSN 0152-7401
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LE POINT SUR...
Mots-clefs
Bureaucratie, réduction des coûts, méthode d’évaluation, qualité réglementaire
Abstract
– How to reduce bureaucratic burdens : using the standard cost model in Germany –
Eliminating bureaucracy has been a major issue on Germany’s political agenda since the end of
the 1960s. After decades of non-systematic and thus less successful measures, the Grand
Coalition of Christian and Social Democrats is now copying the successful Dutch approach to
reducing administrative burdens in the private sector by using the Standard Cost Model (SCM).
This model makes it possible to reduce administrative burdens systematically by measuring them
in euros (“if you can measure it, you can cut it”). But how does this work ? How can the SCM
approach help increase the competitiveness of German businesses ? What are the different SCM
evaluation phases and how can ex-post and ex-ante methods be used ? Is it also possible to audit
administrative burdens on citizens and public offıcials ? The article describes how the SCM has
been applied in Germany and shows how this method can be adapted for use in an overall
strategy for improving the regulatory environment.
Keywords
Better regulation, Bureaucracy, Standard Cost Model, Adminsitrative burdens
À la suite d’une réforme entrée en vigueur le 1er janvier 2006, les entreprises
allemandes ont été obligées de déclarer le montant des cotisations dues plusieurs jours
avant la fin du mois en cours, au lieu du début du mois suivant comme c’était le cas
auparavant. L’intérêt politique sous-jacent à cette réforme était le suivant : dans l’année du
passage à ce système, treize versements mensuels ont été perçus au lieu de douze, ce qui
a permis de présenter le budget de la sécurité sociale sous un jour très favorable. À cela
s’ajoutent de légers gains d’intérêts financiers. On a supposé qu’il serait insignifiant pour
les entreprises que ces cotisations soient calculées et payées plus tôt. Il est cependant
apparu l’élément suivant : dans les secteurs d’activité où il existe une fluctuation des achats
et des paiements sur la base du chiffre d’affaires, d’accords ou de salaires horaires, la
rémunération finale n’est absolument pas arrêtée avant la fin du mois. La nouvelle
réglementation signifiait ainsi que 1,9 millions d’entreprises allaient devoir se livrer chaque
mois à une estimation préalable supplémentaire de la hauteur des cotisations probables.
À la demande de la Chambre de commerce et d’industrie de Bonn, une évaluation de
type « modèle des coûts standards » a été lancée. Le résultat a été sans appel. L’anticipation
de la déclaration et du versement des assurances maladie, dépendance, vieillesse et
chômage représente, pour les 1,9 millions d’entreprises concernées, douze procédures
supplémentaires de calcul et de virements et engendre des coûts administratifs supplémen-
taires à hauteur de 800 millions d’euros par an. Franz Munterfering, ministre fédéral de
l’emploi à l’époque a réagi rapidement à la suite de la publication de ces chiffres. Dès
janvier 2007, le décompte des cotisations sociales pour les entreprises a été de nouveau
facilité. Les employeurs ont obtenu la possibilité, pour le calcul des cotisations prévision-
nelles dues du mois en cours, de se fonder sur le résultat du calcul du mois précédent. Les
coûts d’information supplémentaires de 800 millions d’euros constatés lors de l’évaluation
pilote ont ainsi pu être supprimés.
LE PROGRAMME POLITIQUE
Le droit est un instrument majeur dans la mise en œuvre des choix réalisés au niveau
politico-étatique. Il détermine les actions en général et les actions économiques en
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1. Accord politique entre la CDU, la CSU et le SPD, page 62, lignes 3092 à 3094.
2. À signaler également, l’adoption de trois lois « visant à décharger les entreprises moyennes », qui
visent à réduire les obstacles bureaucratiques auxquels sont confrontés les PME. Ces lois sont respectivement
entrées en vigueur, le 26 août 2006, le 14 septembre 2007 et le 25 mars 2009.
Le modèle des coûts standards est une méthode de mesure et d’évaluation des coûts
d’information (appelés aussi charges administratives), qui découlent pour les entreprises de
l’exécution d’obligations légales d’information envers l’administration. Le modèle permet
une évaluation ex-post des coûts d’information générés par les lois en vigueur ainsi qu’une
estimation ex-ante des coûts qui sont à attendre des différents choix de réglementation.
L’évaluation des coûts d’information est aussi décrite comme une « approche dépolitisée »
car des coûts fondés sur des « obligations de contenu » (taxes, mise en conformité avec des
standards matériels et techniques...) ne sont pas pris en compte dans le calcul des coûts.
Le point de départ de cette évaluation est constitué par les lois, les règlements et les
circulaires. Ces textes sont analysés sous l’angle des obligations d’information et des
demandes d’information (aussi appelées demandes de données) qu’ils contiennent. Sur
cette base, le coût pour les entreprises peut alors être détaillé et rattaché à différentes
activités, mesures et étapes nécessaires et une procédure standard pour les activités
administratives requises peut être élaborée pour chaque demande d’information. Pour finir,
sont examinés les paramètres de temps, les tarifs et les fréquences : le résultat s’obtient par
la multiplication de la quantité et du prix.
Le mode de calcul
Pour procéder à une mesure des coûts qui repose sur des données solides et concrètes,
on prend comme point de départ des champs d’activité bien délimités et on constitue dans
un premier temps des catégories relatives aux différentes obligations d’information prévues
par la réglementation en vigueur (obligations statistiques, de documentation, de déclara-
tion, de demande...). Quatre questions sont alors posées : quelle est la fréquence de chaque
obligation d’information ? Combien d’entreprises sont-elles concernées annuellement ?
Combien de temps prend le traitement de cette obligation (d’après la « procédure
standard ») ? Qui effectue ce traitement et quel est le coût horaire de son travail ?
Afin de pouvoir répondre à ces questions, les données statistiques disponibles sont
systématiquement dépouillées et analysées, et des entretiens sont conduits avec des experts
et avec les intéressés dans le but d’estimer les différents paramètres que sont les fréquences,
les temps de traitement nécessaires, les catégories de tarifs et les coûts qui y sont
respectivement liés. Avec la pratique, il est aussi possible de recourir ici à des valeurs
fondées sur une moyenne statistique, car, par exemple dans le cas des formulaires peu
complexes, on retrouve la plupart du temps des valeurs très proches. Toutes les
informations ainsi rassemblées sont vérifiées avec des experts et avec les parties prenantes
concernés (contrôle de plausibilité). Après cette phase, les charges présumées induites par
une obligation légale d’information sont calculées par la multiplication des quatre
différentes valeurs. On obtient ainsi les coûts d’information annuels correspondant aux
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L’une des raisons du succès de ce modèle réside dans le fait qu’il ne porte que sur des
domaines bien précis de coûts résultant d’obligations juridiques, car seuls les coûts qui
résultent d’obligations légales d’information et de communication et qui entraînent une
dépense sont mesurés. On prend donc en compte le temps et le personnel nécessaires pour
remplir des demandes et des formulaires et pour tenir à jour des registres, ou fournir des
statistiques et des pièces justificatives, etc. En revanche, les coûts qui résultent d’obliga-
tions légales de contenu, comme les dispositions sur la protection de l’environnement ou
du travail (par exemple l’utilisation de filtres contre la pollution, l’éclairage suffisant sur le
lieu de travail, etc.) ne sont ni pris en compte ni évalués. Le gros avantage de cette
limitation repose donc sur le fait que la réduction des coûts administratifs pris dans ce sens
restreint ne pose pas trop de difficultés d’ordre politique et peut être organisée de manière
très largement consensuelle. La discussion sur les obligations de contenu, au contraire, est
pour l’essentiel très controversée et requiert en général un processus de négociation
beaucoup plus long entre les parties prenantes.
Coûts standards
L’une des orientations pragmatiques du modèle réside dans le fait que l’on n’essaye
pas d’obtenir des données représentatives au sens statistique. Les études conduites dans le
cadre de notre projet montrent que les données représentatives ne sont pas toujours
La force du modèle réside dans le fait qu’il permet de s’orienter vers une réduction
systématique et dans tous les domaines (fiscalité, sécurité sociale...) des coûts administra-
tifs. L’enjeu est alors que cette réduction puisse également avoir un impact sur l’économie
en général et sur les entreprises prises individuellement. En effet, des économies chiffrées
en millions peuvent aussi avoir des effets peu perceptibles, quand ils se répartissent entre
des centaines de milliers d’entreprises. Il reste donc à compléter le modèle, pour introduire
de nouvelles mesures, au travers desquelles une visibilité au niveau micro peut être atteinte,
et les effets négatifs connexes des lourdeurs administratives être amoindris, par exemple les
temps d’attente et les coûts d’opportunité 3, les dépenses de conseil en matière juridique,
l’accès et la qualité des informations du service et des interlocuteurs. De plus, il est
nécessaire d’inclure aussi la question de l’acceptation de la réglementation et de la
bureaucratie, car c’est finalement « l’œil de l’observateur » qui décide si la réduction de la
bureaucratie est réussie. Le modèle des coûts standard ne devrait donc pas être institué
comme l’unique remède possible ou souhaitable, mais plutôt être complété par d’autres
mesures, des procédures appropriées d’évaluation, d’analyse et de participation, si on veut
que la réduction de la bureaucratie connaisse un succès durable.
Phases de l’evaluation
3. Les coûts d’opportunité correspondent aux profits que l’entreprise ne peut engranger pour cause
d’obligation d’ordre juridiques et parce que ses ressources ne peuvent être utilisées de manière optimale.
Toutes les obligations légales d’information qui y sont contenues sont répertoriées.
Les activités que nécessite le traitement de chaque obligation d’information sont identifiées
(par exemple remplir et renvoyer le formulaire).
Une procédure standard de traitement est élaborée pour chaque obligation d’informa-
Les paramètres de temps et de tarif, y compris les coûts externes, sont provisoirement
standardisés. Dans ce cadre, les paramètres de temps font l’objet d’une observation
qualitative.
Un problème de federalisme ?
Une des questions qui se posait au départ était de savoir si l’approche fondée sur des
expériences en matière de modèle des coûts standards réalisées aux Pays-Bas, au Danemark
et en Grande-Bretagne était transposable à l’Allemagne dont la structure politique est
fédérale. Son utilisation outre Rhin a montré qu’il était tout à fait possible de prendre en
compte dans ce modèle les lois et règlementations des Länder et des communes qui
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4. Il faut traiter corrélativement les normes qui sont issues du droit communautaire. Comme le
législateur fédéral fait sienne les directives européennes au plus tard avec la loi de transposition et qu’il est aussi
l’instance qui a participé en amont à la formation des directives, il convient de comptabiliser intégralement à
son actif le droit (fédéral) basé sur des directives européennes.
Les facteurs que l’on peut identifier comme permettant une baisse systématique des
coûts d’information superflus sont les suivants : (a) étant donné que les analyses portent sur
les coûts des obligations d’information, il n’y a pas de jugement sur les objectifs des
règlementations ni sur leur fondement (effet de dépolitisation) ; (b) il existe une obligation
5. Cf. Bundeskanzleramt ed., Bericht der Bundesregierung 2009 zur Anwendung des Standardkosten-
Modells und zum Stand des Bürokratieabbaus, Dezember 2009, p. 6. [Chancellerie fédérale, Rapport du
gouvernenment fédéral 2009 sur l’utilisation du modèle des coûts standard, décembre 2009].
6. Cf. Bundeskanzleramt ed., Bericht der Bundesregierung 2009 zur Anwendung des Standardkosten-
Modells und zum Stand des Bürokratieabbaus, op. cit., p. 8.
7. Cf. Nationaler Normenkontrollrat, Jahresbericht 2010, p. 10 [Rapport annuel 2010 du Conseil
national de contrôle des normes].
Obligation d’information
Rang Ministère Abréviation entre parenthèses : Charges pour les entreprises
référence aux codes ou lois prévoyant l’obligation d’information en millions d’euros par an
1 BMF (a) Conservation de factures (UStG) 6 197
2 BMF Déclaration de la TVA (UStG) 3 650
3 BMJ (b) Etablissement de comptes annuels (HGB) 3 540
4 BMF Déclaration de l’impôt sur les sociétés (KStG 1977) 3 488
5 BMF Inscription à la taxe professionnelle (GewStG) 1 613
6 BMF Livraisons intracommunautaires (UStG) 854
7 BMJ Bilans annuels des établissements de crédit (HGB) 696
8 BMF Information des consommateurs sur les contrats d’assurance en cours (VAG) 541
9 BMF Déclaration préalable de TVA (UStG) 473
10 BMG (c) Décompte des prestations médicales des caisses (SGB V) 453
11 BMG Décompte des médicaments par les pharmacies (SGB V) 445
d
Bundesministerium des Innern – Ministère fédéral de l’Intérieur
e
Bundesministerium für Umwelt – Ministère fédéral de l’Environnement
f6
Bundesministerium für Arbeit & Soziales – Ministère fédéral du Travail et des Affaires Sociales
pour tous les ministères d’utiliser de façon homogène le modèle des coûts standards comme
méthode pour recueillir les données ; (c) les objectifs doivent être réalistes, explicites,
évaluables et imputables sans ambiguïté ; (d) la coordination et les contrôles internes
doivent être dynamiques, c’est-à-dire que le gouvernement, chaque ministère ainsi que le
Parlement doivent bénéficier d’une information et d’une consultation continues et
publiques.
Après ces premiers succès en matière de réduction de la bureaucratie, le gouvernement
fédéral fait actuellement face au défi de devoir atteindre les objectifs qu’il s’est fixés de
réduire de 25 % d’ici 2011 les coûts bureaucratiques pesant sur le secteur économique.
Pendant longtemps, il manquait un calendrier détaillé indiquant jusqu’à quelle date telle ou
telle mesure de réduction des coûts devait être adoptée et mise en œuvre. Au milieu de
l’année 2010, le gouvernement a finalement adopté un plan pour la réalisation de l’objectif
de réduction de 25 %.
De manière générale, la question qui se pose est de savoir où exactement peut-on
intervenir pour provoquer une baisse des charges bureaucratiques. Sur la base des quatre
facteurs de coût existant, il est possible d’identifier quatre grands domaines d’application
des mesures de réduction. Ces dernières peuvent souvent être combinées les unes avec les
autres, ce qui permet ainsi d’obtenir des effets cumulatifs. Par ailleurs, on constate
l’existence de recoupements remarquables ainsi que des synergies par rapport à des
mesures contribuant à la modernisation de l’administration et à la mise ne place d’un
gouvernement électronique qui permet souvent de réaliser des économies importantes aux
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niveaux des coûts d’information. L’objectif fondamental est en effet toujours de permettre
Qui soigne des personnes handicapées ou s’occupe de personnes âgées nécessitant des
soins bénévolement se trouve confronté à un nombre important de déclarations obliga-
toires, de démarches administratives, à une correspondance volumineuse et à de nombreux
formulaires à remplir. Or il se trouve que ce sont justement ces citoyens particulièrement
engagés que l’État devrait décharger des obstacles bureaucratiques.
Les estimations faite sur la base du modèle des coûts standards en Allemagne et dans
d’autres pays européens s’étaient concentrées jusqu’à présent sur le secteur économique et
donc sur l’allègement des charges incombant aux entreprises. L’allègement des charges
pesant sur les citoyens n’a été abordé qu’aux Pays-Bas 9. Au cours de l’été 2007, la
Fondation Bertelsmann a conduit la première évaluation pilote des coûts administratifs
8. Cf. le projet de loi du 8 juin 2010 devant le Deutscher Bundestag déposé par les groupes
parlementaires CDU/CSU et FDP visant à modifier la loi sur le domaine d’application du Conseil de contrôle
des normes.
9. Voir www.whatarelief.eu
supportés par les citoyens 10. Peu après, le gouvernement allemand a décidé de mesurer ce
type de charges bureaucratiques. Depuis le 1er janvier 2009, les charges bureaucratiques des
citoyens dues à la réglementation fédérale font régulièrement l’objet d’une estimation dans
le cadre d’une procédure ex ante.
L’objet de l’étude de la Fondation Bertelsmann portait sur les divers groupes de
citoyens se trouvant dans les situations particulières suivantes : bénévoles dans des
associations sportives, parents d’un enfant handicapé, parents ou proches d’une personne
âgée nécessitant des soins. Les obligations d’information que les intéressés ont à remplir du
fait de leur situation particulière ont été analysées. Les obligations « générales », comme
par exemple la déclaration de l’impôt sur le revenu ou la demande d’allocations familiales
« classiques », n’ont pas été prises en compte dans l’estimation, car ces obligations
d’information n’ont pas leur source dans une situation particulière. L’enquête portait
uniquement sur le temps nécessaire pour accomplir les tâches d’information incombant à
ces groupes de personnes et sur les dépenses directes qui en découlent comme les taxes ou
les frais de port.
L’enquête a également porté sur un groupe d’environ 162 000 parents d’un enfant
handicapé âgé de 0 à 18 ans. Elle a révélé que les coûts administratifs qu’ils avaient à
supporter s’élevaient à environ 6,4 millions d’heures par an et les coûts directs à
2,6 millions d’euros. Par personne concernée, cela signifie une dépense équivalente à une
semaine complète de travail par an. En tout, vingt-trois obligations d’information ont été
estimées, parmi lesquelles les demandes d’aide technique (par exemple de prothèses) ou
10. Voir à ce sujet : Fondation Bertelsmann, Ermittlung von Bürokratiezeitkosten mit Hilfe des
Standardkosten-Modells [Détermination des coûts administratifs en temps à l’aide du modèle des coûts
standard], janvier 2008.
non technique (par exemple des couches ou des crèmes de soin), ont été jugées
particulièrement coûteuses en temps et en argent. Essentiellement trois ensembles de
mesures sont susceptibles d’alléger ces charges : l’amélioration de l’information (élabora-
tion d’un portail d’information central, rôle des médecins en tant que premiers inter-
locuteurs, développement des bureaux de coordination et des brochures) ; délivrance
d’ordonnances à long-terme pour les dispositifs d’aide non technique ; augmentation de la
déduction forfaitaire d’impôt, ce qui, dans les faits, supprimera largement les demandes
pour une prise en compte de charges extraordinaires. Ces trois ensembles de mesures
constituent un volume d’économie potentiel de 1,8 million d’heures, économie par le biais
de laquelle une réduction de la dépense administrative d’environ 28 % pourrait être atteinte
pour ce groupe. Le temps économisé pourrait directement profiter à l’assistance et aux
soins de l’enfant handicapé.
Résultats relatifs aux proches d’une personne âgée nécessitant des soins
L’enquête a enfin porté sur les quelques 1,2 million de personnes âgées (de soixante
ans et plus) nécessitant des soins. Pour les proches de ces personnes, la dépense
administrative a été estimée à environ 36,6 millions d’heures par an et les coûts directs à
13,6 millions d’euros. En moyenne par personne concernée, cela signifie 32 heures par an.
Vingt-deux obligations d’information ont été identifiées. Parmi celles-ci, les demandes pour
l’aide technique ou non technique, pour l’assurance dépendance, pour les remplacements
de la personne habituellement en charge de la personne âgée, et celles pour les services à
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la personne de courte durée sont à l’origine d’une dépense importante. Quatre mesures de
de la situation permet d’éviter que la réduction des charges administratives pour les
entreprises et les citoyens ne se traduise par des charges supplémentaires pour l’adminis-
tration. Deuxièmement, l’allègement des coûts supportés par l’administration permet de
dégager plus de ressources pour l’accomplissement du noyau dur de leurs tâches, et ainsi
d’améliorer les autres effets négatifs de la bureaucratie, comme les longs délais de
traitement, l’accessibilité et la disponibilité trop restreintes des personnels et la qualité des
décisions. En Allemagne, la décision a donc été prise, lors de l’accord de coalition de 2005,
de ne pas limiter l’évaluation aux seuls coûts supportés par l’économie et par les citoyens,
mais de l’étendre aussi à ceux supportés par l’administration. Ceci dit, il convient de
signaler que jusqu’à présent, peu de projets pilotes ont été conduits afin de répertorier les
charges bureaucratiques pesant sur l’administration publique.
En Allemagne, les premiers projets d’évaluation des coûts de l’administration ont été
conduits en 2007. Les résultats ont été parfois accablants. Ainsi une étude des procédures
d’attribution des marchés publics, réalisée à la demande du ministère fédéral de l’écono-
mie, a montré que dans ce domaine, 46 % de l’ensemble des coûts induits proviennent des
services adjudicataires, c’est-à-dire de l’administration 12. Une enquête réalisée par la
11. Voir sur ce point : Montin (Charles-Henri), The Introduction of Better Regulation in France,
conférence du 29 mars 2007 [www.regplus.free.fr/lisbon.ppt] ; Montin (Charles-Henri), Administrative Burden
measurement and reduction in France, conférence du 5 février 2007 ; Montin (Charles-Henri), Administrative
Burden Measurement and Reduction. Costs Within the Administration, 2006.
12. Rapport de l’étude du Ministère fédéral de l’économie sur l’évaluation des coûts des procédures des
marchés publics de fournitures, de services et de travaux du point de vue de l’économie et des maîtres
d’ouvrage publics, Kostenmessung der Prozesse öffentlicher Liefer-, Dienstleistungs- und Bauaufträge aus
Sicht der Wirtschaft und der öffentlichern Auftraggeber, mars 2008.
Application de la méthode des modèles des coûts standards aux différents types
d’obligations d’information dans l’administration
13. Les résultats sont basés sur une étude encore non publiée d’évaluation des obligations administra-
tives dans le domaine communal. Ces résultats sont tirés d’une étude d’avril 2008 sur la mesure des obligations
de nature administrative à la charge des communes pour ce qui concerne le droit des activités industrielles et
commerciales. http://www.bertelsmann-stiftung.de/cps/rde/xbcr/SID-43420537
14. Cf. Nationaler Normenkontrollrat, Jahresbericht 2019, p. 10-11 ; ainsi que Nationaler Normenkon-
trollrat, Jahresbericht 2010, p. 32-40.
ont également été analysés. On constate ainsi que lors d’une procédure d’attribution de
marché public le passage du dépôt d’une demande d’information par les entreprises à une
obligation de notification de la part de l’administration pouvait faire économiser 21,5 mil-
lions d’euros aux entreprises, mais générerait des coûts supplémentaires à hauteur de
43,8 millions d’euros pour l’administration. Parmi les vingt-neuf propositions restantes qui
ont été examinées, une seule proposition d’allègements du côté des entreprises conduisait
également à des frais supplémentaires du côté de l’administration. On peut tirer deux
conclusions de cet exemple. D’un côté, c’est seulement par l’intégration dans le calcul
général des coûts administratifs des coûts supportés par l’administration qu’il est possible
d’éviter ce qui reviendrait à des transferts de charge administrative, et même dans certains cas
à des augmentations de coûts. D’un autre côté, la plupart des mesures d’allègement pour
l’économie et pour les citoyens ont aussi un effet d’allègement pour l’administration. Il est
évident qu’une simplification voire la suppression de certaines informations à transmettre par
les entreprises génèrent une baisse des charges pour l’administration. Cette piste d’amélio-
ration potentielle doit cependant faire l’objet d’une analyse plus poussée étant donné que les
avantages escomptés se transforment en inconvénients à partir du moment où les informa-
tions nécessaires pour prendre des décisions commencent à manquer et doivent à ce
moment-là être obtenues au prix d’efforts supplémentaires. Cela plaide aussi pour l’intégra-
tion de l’administration dans l’analyse des coûts administratifs. Un avantage supplémentaire
d’une telle prise en compte réside dans le fait que la collaboration directe des agents de
l’administration dans la mise en place de mesures qui pourraient leur bénéficier n’est pas
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seulement compte des obligations d’information, mais aussi de toutes les formes d’obli-
15. Bertelsmann Stiftung : Handbuch zur Messung von Regulierungskosten, [Manuel de mesure des
coûts de la réglementation], April 2009.
Modèle
des coûts standards
(par exemple, consentir à une inspection d’entreprise). Parmi les obligations « de ne pas
faire » figurent en particulier les interdictions (par exemple l’interdiction des exportations
illégales d’armes).
Le modèle des coûts de la réglementation se focalise – pour des raisons pratiques – sur
la mesure des coûts découlant d’obligations d’agir. Les obligations d’agir permettent
d’appliquer la mesure des coûts à des activités matériellement observables et vérifiables. En
matière d’obligations de tolérer, le destinataire de la norme agit en principe de manière
passive, et les obligations « de ne pas faire » interdisent d’effectuer certaines activités. Dans
les deux cas, les coûts qui apparaissent proviennent généralement de ce que les ressources
propres du destinataire de la norme ne peuvent pas être utilisées ailleurs. Pour les identifier,
il faudrait donc échafauder des hypothèses sur la façon dont le destinataire aurait utilisé ces
ressources en l’absence d’obligation de tolérer ou « de ne pas faire ». Il conviendrait en
outre de calculer le solde des coûts d’opportunité. Une mesure fiable de ces coûts ne
paraissant pas facilement praticable, les obligations de tolérer et « de ne pas faire » ont donc
été exclues du cadre d’analyse du modèle des coûts de la réglementation.
Cela étant, la mise en pratique concrète de la mesure des coûts bureaucratiques d’une
activité peut être subdivisée en deux grandes étapes : (1) identification de l’obligation
d’agir ; (2) mesure des coûts de l’activité.
La première obligation d’agir identifiée est l’obligation d’information au sens du
modèle des coûts standards. En Allemagne, l’obligation d’informer est normée dans la loi
portant création du Normenkontrollrat, l’organisme fédéral chargé de mesurer la production
bureaucratique (§ 2, alinéa 1, phrase 2 de la Loi NKR du 14 août 2006) : « Constituent des
obligations d’information, les obligations existantes ayant leur base juridique dans une loi,
une ordonnance, un règlement ou un arrêté et imposant de fournir, de tenir à disposition,
ou de transmettre des données et autres informations aux autorités ou à des tiers ».
Outre l’obligation d’information, le modèle des coûts de la réglementation distingue
entre cinq autres types d’obligations d’agir : (a) les obligations de paiement ; (b) les
obligations de coopérer ; (c) les obligations de surveillance ; (d) les obligations de qualifica-
tion ; (e) ainsi que les obligations de but et autres exigences de s’acquitter de charges.
De façon générale, on distingue trois types de coûts générés par l’exécution des
obligations d’agir : (1) les coûts en personnel, (2) les coûts d’équipement et, (3) les coûts
financiers. Les coûts en personnel comprennent quant à eux : les salaires et les traitements ;
les cotisation de sécurité sociale ; les retraites ; les frais d’assistance. Les coûts en
équipements comprennent pour ce qui les concernent : le coût des matières premières, des
matières consommables et des fournitures, le coût des marchandises, le coût des services,
le coût du financement,
les autres charges d’exploitation, l’amortissement. Les coûts financiers enfin, sont des
prélèvements de droit public, c’est-à-dire des prestations en argent avec ou sans
contrepartie directe, que les entreprises ont à verser à l’État en vertu de la législation en
vigueur. Ils peuvent être subdivisés en, d’un côté, les taxes, et de l’autre côté, les autres
charges (par exemple contributions, taxes et prélèvements spéciaux...). Les droits devant
être payés par l’entreprise en rapport à ses employés (cotisations de sécurité sociale et
imposition forfaitaire) sont considérés comme faisant partie des frais de personnel (voir
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ci-dessus). Tous les frais de personnel, dépenses de matériel et coûts financiers sont, pris
Quel rôle le modèle des coûts standards joue-t-il dans une stratégie globale de bonne
réglementation ? La qualité de la réglementation étatique se retrouve de plus en plus sur
l’agenda politique. Les instruments traditionnels de l’action de l’État, la règle de droit et la
cela n’est peut-être même pas désirable. Il ne peut ainsi pas être répondu de façon définitive
niveau d’exigence moderne. Le modèle des coûts standards est ainsi seulement une étape
sur le chemin conduisant à la règlementation moderne. Beaucoup d’autres restent à
franchir.
*
* *
En Allemagne, on prend de plus en plus conscience du fait que la réduction de la
bureaucratie ne peut être couronnée de succès que comme projet d’ensemble, c’est-à-dire
en se déroulant sur tous les niveaux : fédéral, des Länder et communal. En effet, les
différents aspects d’une bonne réglementation sont généralement le fait de différents
niveaux étatiques. Le législatif est la plupart du temps de compétence fédérale, l’exécutif
en général une tâche incombant aux Länder et aux communes.
Il ne s’agit pas seulement de développer de nouveaux instruments, mais aussi
d’utiliser et de combiner différents instruments et objectifs comme la réduction de la
bureaucratie, l’évaluation des résultats et la modernisation de l’administration. C’est
seulement par cette combinaison que les apports positifs de ces outils pour tous les citoyens
et les entreprises peuvent être amenés à être optimisés, qu’il sera possible d’enrayer les
coûts et que l’acceptation d’une bonne règlementation pourra se renforcer.
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