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To cite this article: Nadir Hanifi , Leila Kadik & Guy-Georges Guittonneau (2007) Analyse de la
végétation des dunes littorales de Zemmouri (Boumerdès, Algérie), Acta Botanica Gallica, 154:2,
235-249, DOI: 10.1080/12538078.2007.10516054
Résumé.- Des recherches ont été menées sur la végétation des dunes littorales
de l’Est algérois. Ces communautés végétales subissent des dégradations
d’ordres climatique et anthropique. À l’aide d’analyses multivariées (analyse fac-
torielle des correspondances, classification ascendante hiérarchique et analyse
canonique des correspondances), la répartition spatiale des espèces est étudiée
en considérant les différents gradients écologiques stationnels. Les facteurs
édaphiques (salinité et granulométrie) et topographiques (distance à la mer) sont
les paramètres qui expliquent le mieux l’organisation spatiale des phytocénoses.
Trois ensembles d’espèces sont mis en évidence et correspondent à des unités
bien définies. En raison de leur richesse floristique faible, de 9 espèces sur les
dunes embryonnaires à 28 sur les dunes grises stabilisées, ces patrimoines flo-
ristiques naturels méritent des mesures de protection et la restauration à la limi-
te des dunes grises peut être possible.
Abstract.- Research has been carried out on the Eastern Algerian vegetation
dunes coast area. These plant communities undergo climatic and anthropic
degradations. Using multivariate analysis (correspondence analysis, ascending
hierarchical clustering and canonical correspondence analysis), the spatial dis-
tribution of the species is studied by considering the various ecological gradients
sites. The edaphic (salinity and granulometry) and topographic (distance with the
sea) factors are the parameters which explain the best the floristic composition
and the space organization of the phytocoenosis. Three sets of species are poin-
ted out which correspond to the well defined units. Because of their low floristic
richness, of 9 species on the embryonic dunes to 28 on the stabilized grey
dunes, these natural floristic inheritances deserve protection measures and the
restoration at the limits of grey dunes may be possible.
I. INTRODUCTION
La végétation du littoral, en Algérie, est très peu étudiée. Les travaux, assez anciens
(Zaffran, 1960 ; Nègre, 1964 ; Thomas, 1968 ; Méziani, 1984 et Sadki et al., 1991), décri-
vent les aspects syntaxonomiques et phytosociologiques des principaux groupements. Les
résultats d’analyses basées sur les caractéristiques floristiques (Sadki et al., 1991 ; Géhu &
Sadki, 1994 ; Aridj & Makaoum, 2002 ) font apparaître, au niveau du littoral de Zemmouri
(wilaya de Boumerdès), des dégradations considérables, d’ordres climatique et anthro-
pique, préjudiciables à l’équilibre naturel. Les formations dunaires et forestières risquent
de régresser et même de disparaître si la pression se maintient et s’accroît. De plus les sols
des dunes maritimes, relativement salés, sont généralement pauvres en matière organique
(Hammouche, 2003). À cette pauvreté du milieu s’ajoute l’action néfaste des vents vio-
lents hivernaux et des embruns marins. Tous ces facteurs sont très contraignants pour la vie
végétale. La valeur du patrimoine phytogénétique de la zone d’étude est évidente ; les
communautés végétales littorales existantes n’occupent que quelques surfaces réduites.
Elles représentent une part importante de la diversité biologique. Ce milieu dunaire litto-
ral constitue un écosystème gravement perturbé par les interventions irréfléchies de l’hom-
me : le défrichement et les incendies, le pâturage, l’extraction de sable, l’urbanisation et
les activités anarchiques du tourisme de masse. Cette zone est très fréquentée et appréciée
en période estivale.
Cette étude, réalisée en 2001, fait partie d’un travail multidisciplinaire entrepris dans le
cadre d’un projet « Life-pays tiers TCY 99/DZ/139 » portant sur la réhabilitation, la valo-
risation et l’aménagement de l’écosystème de Zemmouri, y compris la zone côtière (Hanifi
et al., 2004).
L’objectif principal de cette analyse est d’approfondir la connaissance et la protection
des patrimoines floristiques naturels de cet écosystème dunaire et de mettre en évidence
les facteurs qui déterminent la répartition des communautés végétales soumises à de fortes
pressions de perturbations. Cette contribution servira de base pour tout programme de
réhabilitation, d’aménagement et de gestion intégrée des espaces côtiers.
A. Cadre d’étude
La zone d’étude fait partie du littoral est-algérois (Fig. 1). Elle est limitée au nord par
la mer Méditerranée, au sud par la R.N. 24, à l’ouest par le port de Zemmouri et à l’est par
l’oued Isser. Elle correspond à un cordon dunaire qui s’étale sur 12 km de côte, d’une lar-
geur variant entre 150 et 250 m. Le relief du Sahel est relativement plat, l’altitude moyen-
ne est de 20 m. La végétation psammophile du littoral est de type azonal, liée
essentiellement à l’édaphisme (Sadki et al., 1991) ; le climat et le bioclimat de la zone
d’étude sont aussi analysés brièvement sur la base des données climatiques de Seltzer
(1946). La pluviosité moyenne annuelle varie de 579 mm (Bordj-El-Bahri) à 815 mm
(Thenia).
Le régime pluviométrique saisonnier est partout de type H A P E. La moyenne des tem-
pératures minimales du mois le plus froid oscille entre 5,7 °C (Thenia) et 9,3 °C (Bordj-
El-Bahri), la maximale du mois le plus chaud entre 28,9 °C (Bordj-El-Bahri) et 33,8 °C
(Thenia). Le bioclimat est de type subhumide, variante à hiver chaud.
237
Fig. 1.- Localisation de la zone d’étude et des six transects d’échantillonnage de végéta-
tion. T1 = relevés 1 à 6, T2 = relevés 7 à 13, T3 = relevés 14 à 21, T4 = relevés 22 à 28,
T5 = relevés 29 à 35, T6 = relevés 36 à 42.
Fig. 1.- Geographical position of studied area and the six transects of vegetation sampling.
B. Méthodes d’étude
Après plusieurs prospections de terrain, les communautés végétales des dunes littorales
sont échantillonnées de manière systématique (Gounot, 1969) ; 42 relevés de végétation
ont été effectués depuis le haut de plage jusqu’au maquis pré-forestier, selon six transects
d’une longueur variant de 220 à 260 mètres linéaires. L’aire minimale adoptée varie en
fonction de la physionomie et la structure de la végétation (Kadik & Godron, 2004) ; elle
porte sur des surfaces homogènes de 2 à 4 m2. La liste des espèces relevées est présentée
dans le tableau I.
Le recouvrement global de la végétation est évalué (Aridj & Makaoum, 2002) le long
d’une ligne permanente de 25 m, avec un relevé point contact tous les 10 cm (Daget &
Poissonnet, 1971).
238
Tableau I.- Liste des espèces (numéros 1 à 43) et codes. Types biologiques selon
Raunkier : Ph, Phanérophytes ; Nph, NanoPhanérophytes ; Ch, Chamaephytes ; Hc,
Hémicryptophytes ; G, Géophytes ; Th, Thérophytes. Types biogéographiques : Atl-Méd.,
atlantique-méditerranéenne ; Euras., eurasiatique ; Eur-Med., euro-méditerranéenne ;
Circ-Med., circum-méditerrénéenne ; Cosm., cosmopolite ; Ibéro-Maur., ibéro-maurita-
nienne ; Méd., méditerranéenne ; N-Af., nord-africaine ; Paléo-Temp., paléo-tempérée.
Table I.- List of species, significance of the numerous (1 to 43) and the codes.
Raunkier’s life forms: Ph, Phanerophytes; Nph, NanoPhanerophytes; Ch,
Chamaephytes; Hc, Hemicryptophytes; G, Geophytes; Th, Therophytes. Biogeographical
types: Atl-Med. atlantic-mediterranean; Euras., eurasiatic; Eur-Med., euro-mediteranean;
Circ-Med., circum-mediterranean; Cosm., cosmopolite; Ibero-Maur., ibero-mauritanian;
Med., mediterranean; N-Af., north-african; Paleo-Temp., paleo-temperate.
N° Code Code Espèces Type Type
chiffres lettres Biolog. Phytog.
Une AFC appliquée aux relevés ainsi qu’aux espèces a permis une individualisation de
nuages de points suivant les principales cartes factorielles, correspondant généralement à
des groupements végétaux, confirmés par la CAH. Les fortes contributions relatives aux
axes ainsi que les données écologiques permettent de déterminer les facteurs écologiques
prépondérants, responsables de la répartition et de la composition de la végétation.
Fig. 2.- Position des relevés dans le plan d’axes factoriels 1-2 de l’AFC (+ autres points rele-
vés de l’ensemble B (R 5, 10, 11, 12, 16, 17, 18, 19, 24, 25, 26, 27, 32, 33, 34, 39, 40)
et de l’ensemble C (R 2, 8, 14, 15, 22, 23, 38)).
Fig. 2.- Position of vegetation samples on factors axes 1-2 of CFA (+ others point relevés
of the set B (R 5, 10, 11, 12, 16, 17, 18, 19, 24, 25, 26, 27, 32, 33, 34, 39, 40) and the
set C (R 2, 8, 14, 15, 22, 23, 38)).
- enfin l’ensemble C, qui réunit 14 relevés (31, 30, 36, 37, 7, 1, 2, 8, 14, 15, 22, 23, 29
et 38), est situé dans la partie négative de l’axe 2 et s’oppose au précédent ; il occupe les
dunes mobiles et les dunes blanches embryonnaires, zones très proches de la mer ; il
regroupe les principales espèces halo-nitrophiles dominantes : Otanthus maritimus,
Salsola kali et Eryngium maritimum.
Ces résultats préliminaires confirment la présence de ces deux groupements végétaux B
et C qui ont été décrits au niveau des sites sablonneux (Sadki et al., 1991 ; Géhu & Sadki,
1994).
Fig. 3.- Ordination des espèces dans l’espace des deux premiers axes de l’AFC ; voir le
tableau I pour le code des espèces.
Fig. 3.- Species ordination in the space determined by the first two CFA axis ; see the table
I for the code of species.
L’axe 2 met en évidence, du côté positif, le groupe d’espèces des dunes semi-fixées
constituées, pour la plupart, de thérophytes stresso-tolérantes et rudérales ; elles sont adap-
tées aux perturbations climatiques (sécheresse du sol, degré d’ensoleillement, exposition
au vent) et anthropiques (pâturage et piétinement). Ce sont les espèces de l’ensemble B ;
leurs morphologies assurent une forte résistance aux vents. Le sable est mobile, plus fin,
sec en surface et humide en profondeur. On retrouve, dans cette pelouse rase très ouverte :
Lotus creticus, Ononis variegata, Silene colorata, Pseudorlaya pumila, Hedypnois cretica
et Matthiola tricuspidata. Cette association de thérophytes, correspondant au Sileno colo-
ratae-Ononidetum variegatae (Géhu & Géhu, 1989), se développe sur sables meubles, à
l’abri des vents et des embruns marins sur le littoral tunisien et kabyle (Géhu, 1992).
242
Du côté négatif de l’axe 2, ce sont les espèces de l’ensemble C constituant une végéta-
tion assez haute de 40 à 80 cm. On note l’installation d’espèces halophiles qui jouent un
rôle de rempart biologique contre les embruns marins, espèces adaptées à la salinité
(436,5 mM de NaCl/100 g de sol) et au sable grossier. Ce sont des chamaephytes, des
hémicryptophytes et des géophytes, dotées d’un système racinaire développé s’étalant
dans tous les sens et assurant la fixation des dunes. Ces espèces sont Ammophila arenaria
subsp. australis, Pancratium maritimum, Otanthus maritimus, Eryngium maritimum et
Medicago marina. Cet ensemble C comporte le groupement végétal qui colonise les pre-
mières dunes embryonnaires proches du rivage, l’Otantho maritimi-Ammophiletum arena-
riae (Géhu, 1992) ; il se développe le long du cordon littoral méditerranéen et peut
atteindre même les côtes atlantiques (Braun-Blanquet et al., 1952). En fonction du degré
de dégradation des groupements végétaux, on peut observer des faciès à Crucianella mari-
tima, occupant des versants nettement éloignés de la mer.
L’axe 2, qui oppose les deux groupes d’espèces psammophiles, les fixatrices d’un côté
et celles des dunes semi-fixées ou en voie de stabilisation de l’autre, exprime le degré de
structure du substrat constitué de sable grossier, très salin et humide contre un substrat de
sable fin et sec en voie de consolidation.Cet axe est corrélé avec un certain nombre de
variables édaphiques (granulométrie, matière organique).
Le plan d’axes factoriels 2-3 (Fig. 4) oppose du côté positif de l’axe 2 des espèces à
forte contribution relative : Lotus creticus, Silene colorata, Pseudorlaya pumila,
Hedypnois cretica, Ononis variegata et Matthiola tricuspidata. Du côté négatif, les
espèces à forte contribution relative sont des halophiles : Euphorbia paralias, Eryngium
maritimum, Ammophila arenaria subsp. australis, Otanthus maritimus, Pancratium mari-
timum, Medicago marina ainsi qu’une halo-nitrophile, Salsola kali.
Les autres plans d’axes (1-3, 2-3 et 2-4), qui ne sont pas montrés ici, ont été utilisés pour
compléter et confirmer nos conclusions obtenues dans la première analyse, très discrimi-
nante, des plans d’axes 1-2 pour les relevés et les espèces. Cette première analyse des cor-
respondances constitue la principale synthèse de la répartition des phytocénoses observées.
Fig. 4.- Ordination des espèces dans l’espace des axes factoriels 2-3 de l’AFC ; voir le
tableau I pour le code des espèces.
Fig. 4.- Species ordination in the space determined by the factors axis 2-3 of CFA; see the
table I for the code of species.
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Tableau IV.- Corrélations entre les variables du milieu et les axes de l’ACC.
Table IV.- Correlations between environnemental variables and CCA axes.
Spec. axis1 Envi. axis1 Salinité Granulo. M.O. Rec .vég. Pos. dune Expo. vent
Fig. 5.- Ordination des relevés dans l’espace des deux premiers axes de l’ ACC en relation
avec les variables pédologiques. Le coefficient canonique de l’ACC est de 0,99.
Fig. 5.- Relevés ordination in the space determined by the first two axis of the CCA related
to all samples according to pedological variables. The canonical correlation of CCA is
0,99.
L’ordination des relevés en fonction des résultats pédologiques, portant sur la salinité et
la position des relevés, illustre bien une certaine hétérogénéité au niveau de la dune semi-
fixée (Fig. 6). Les deux axes séparent les trois ensembles de relevés A, B et C, bien denses,
identifiés par l’AFC en plusieurs sous-ensembles, selon les exigences précises des espèces
qui les composent. Les ensembles A et C semblent se maintenir ; par contre, deux groupes
de relevés sont mis en évidence autour de l’ensemble B :
- l’un (S1P2) se trouve en situation de transition entre le maquis pré-forestier A et B sur
la dune semi-fixée ; il comporte 8 relevés (11, 12, 20, 26, 27, 33, 34 et 41) caractérisés
par des concentrations très faibles de salinité (21,8 mM de NaCl/100 g de sol ;
Hammouche, 2003) ; on retrouve les espèces suivantes : Helichrysum stoechas, Echium
sabulicola subsp. sabulicola et Lagurus ovatus ;
- le deuxième (S3P2), représenté par 4 relevés (5, 9, 19 et 24), situés sur le transit sableux
qui, malgré leur position, présentent de fortes concentrations en NaCl (436,5 mM de
NaCl/100g de sol) ; les espèces caractéristiques de ces relevés sont Crucianella mariti-
ma, Glaucium flavum, Crepis vesicaria et Linum strictum ;
- le groupe S2P2 correspond au reste de l’ensemble B, déjà décrit ci-dessus ;
- enfin, S2P1 correspond à un sous-ensemble situé derrière les dunes embryonnaires C
et les dunes semi-fixées B ; il est représenté par quelques relevés (2, 8, 15, 23, 31 et 38) ;
la salinité est moyenne (108,9 mM de NaCl/100 g de sol) ; on retrouve les espèces sui-
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Fig. 6.- Ordination des relevés dans l’espace des variables portant sur la position des rele-
vés sur les dunes (axe 1 = 67,5%) et la salinité (axe 2 = 15,8%). Le coefficient canonique
de l’ACC est r = 0,84.
Fig. 6.- Relevés ordination in the space determined by the variables position of samples in
the dune (axe 1 = 67,5%) and the salinity (axe 2 = 15,8%).The canonical correlation of
CCA is r = 0,84.
L’ordination des relevés sur les axes canoniques relatifs au taux de matière organique et
à la position des relevés (coefficient de corrélation égal à 0,815) permet d’affiner cette
répartition et d’observer un sous-ensemble (M2P2) de six relevés (5, 12, 20, 27, 34 et 41)
très hétérogènes (Fig. 7). Ils sont situés sur la dune de transition en voie de stabilisation ;
le taux de matière organique y est relativement important ; ce sont les relevés soustraits à
l’influence maritime, en situation plus interne, composés de thérophytes qui s’accommo-
dent des fortes valeurs de matière organique, mais qui sont indicatrices de milieux dégra-
dés et perturbés. Les espèces rencontrées sont : Bromus diandrus subsp. diandrus,
Centaurea sphaerocephala, Cistus albidus, Smilax aspera, Linum strictum, Oxalis pes-
caprae, Polygonum maritimum.
Nous pouvons retenir que les trois principaux facteurs qui conditionnent la distribution
spatiale des espèces sur le littoral est-algérois sont des facteurs édaphiques (halophilie, gra-
nulométrie et matière organique) et topographique (distance à la mer). Du fait de l’ouver-
ture du milieu, le recouvrement de la végétation n’a aucune influence, sauf au niveau du
maquis pré-forestier sur la dune grise stabilisée.
L’interprétation de ces trois premiers facteurs concorde avec les résultats obtenus sur les
côtes atlantiques (Lemauviel & Rozé, 2000) ainsi que ceux obtenus sur les rives sud de la
Méditerranée (Vidal, 1998).
246
Fig. 7.- Ordination des relevés dans l’espace des variables portant sur la position des rele-
vés sur les dunes (axe 1 = 90,2%) et le % de matière organique (axe 2 = 9,7%). Le coef-
ficient canonique de l’ACC est r = 0,73.
Fig. 7.- Relevés ordination in the space determined by the variables the position of samples
in the dune (Axe 1 = 90,2%) and % organic matter (axe 2 = 9,7%). The canonical corre-
lation of CCA is r = 0,73.
Les résultats de l’AFC sont confirmés par l’ACC sur les variables stationnelles qui per-
mettent d’interpréter les contrastes entre les entités écosystémiques mises en évidence par
ces gradients environnementaux.
D. La richesse floristique des différentes communautés
Les trois communautés étudiées présentent une biodiversité spécifique intrinsèque, ou
diversités α (Whittaker, 1972), faible. Elle varie de 6,1 espèces, par relevé, pour les com-
munautés halophiles C, à 9,8 espèces par relevé, pour les fourrés en limite de la dune grise
stabilisée où les conditions édaphiques sont les meilleures.
L’analyse du tableau V montre que les différences entre les indices de diversité des dif-
férentes communautés sont
peu marquées. La valeur de
l’indice H’ de Shannon et Tableau V.- Calcul des indices de diversité.
Table V.- Data of the diversity index.
Weaver est relativement
indices de indices de équitabilité richesse
faible pour l’ensemble des diversité (α) Shannon (H’) (E) floristique (γ)
trois communautés (de 2,25 à
2,96). Il est aussi à remarquer Communauté A
Maquis pré-forestier 9,8 2,96 0,91 28
que les valeurs des taux Dune grise stabilisée
d’équitabilité (E) proches de
l’unité (0,91 à 0,93) indi- Communauté B
quent une régularité dans la Pelouse rase thérophytique 8,1 2,68 0,93 15
Dune grise transitoire
distribution des espèces,
induisant donc une structure Communauté C
spatiale relativement unifor- Espèces halophiles 6,2 2,25 0,93 9
Dune mobile blanche
247
me. Selon Médail (1996), l’uniformité de la structure entraîne une flore homogène et peu
diversifiée caractéristique d’un biotope unique.
Au niveau du maquis pré-forestier, les indices de diversité sont plus relativement les
plus élevés. Les strates arbustives et arborescentes ont un impact non négligeable sur la
composition et la structure des interfaces limitantes, riches en espèces rudérales et théro-
phytes. En effet, les phanérophytes peuvent modifier et améliorer les conditions microcli-
matiques de ces écotones par leur ombre portée et leur rôle de brise-vent, mais aussi les
paramètres physico-chimiques du sol (enrichissement en matière organique) en relation
avec des dépôts de litière (Médail, 1996).
Les résultats obtenus montrent une certaine similitude du point de vue indice de diver-
sité H’ entre les trois communautés, malgré leur différence au plan structural.
Ces milieux peuvent être considérés comme un écocomplexe constitué d’une mosaïque
de communautés végétales (Lemauviel & Rozé, 2000) aux conditions écologiques simi-
laires et correspondant à un même stade dynamique. La diversité γ représente donc la
diversité spécifique totale de cet écocomplexe, au niveau du paysage ou même à l’échelle
régionale (Whittaker et al., 2001). Le pool taxonomique total ou diversité γ semble évo-
luer dans le même sens que la diversité α. Elle passe de 9 espèces, dans les communautés
C, à 15 espèces, sur la dune de transition constituant l’ensemble B, et atteint 28 espèces au
niveau de A, du maquis pré-forestier sur la dune grise stabilisée. Dans ces milieux, la
diversité floristique γ suit la même courbe de réponse selon le niveau de stress et de per-
turbation (Tableau V).
Les populations à haute valeur patrimoniale, souvent de faible effectif, sont directement
menacées (Barbaro, 1999). Cependant, la stratification verticale associée à la répartition
spatiale des espèces ligneuses colonisatrices augmente localement l’hétérogénéité spatia-
le. Ceci peut conduire à l’augmentation de la richesse spécifique alors qu’elle s’érode glo-
balement au sein de l’écocomplexe (diversité γ) en raison de l’effet de taille ou de lisière.
Dans tous les cas, la recolonisation par des ligneux opère un changement qualitatif et quan-
titatif de la végétation. Ces écosystèmes perturbés sont d’une grande importance d’un point
de vue de la conservation de la biodiversité. Bon nombre de ces habitats sont considérés
comme d’importance prioritaire.
L’étude de la richesse spécifique entre les trois entités écosystémiques A, B et C montre
qu’il existe un degré de diversification des communautés conformément aux prédictions
de Grime (1979) et Tilman (1997). Il a été démontré que plus le stress et la perturbation
sont intenses, plus la richesse diminue. Sur le littoral est-algérois, des changements ont été
notés dans la composition floristique en quelques années, suite aux dégradations interve-
nues sur le milieu. Alors, de nouvelles conditions écologiques, plus dures, ont entraîné la
perte d’une bonne partie de la biodiversité et l’installation de nouveaux taxons très résis-
tants aux stress et aux perturbations.
La dune grise de transition se comporte comme une mosaïque de populations hétéro-
gènes d’espèces à stratégies sensu Grime (1979) R, RS et RC, adaptées aux perturbations.
Les thérophytes sont les taxons les plus favorisés, notamment du fait de l’ouverture du
milieu. Cette mosaïque est régie par des conditions intermédiaires de salinité (S1P2, S2P2
et S3P1), de teneur du sol en matière organique (M1P2, M2P2) et de position intermédiai-
re sur la dune (S2P2). On retrouve les espèces suivantes : Ononis variegata, Matthiola tri-
cuspidata, Pseudorlaya pumila, Lotus creticus, Silene colorata et Hedypnois cretica.
Au niveau de la dune blanche embryonnaire, proche de la mer, les espèces adoptent des
stratégies inverses à affinités stresso-tolérantes S, SR et SC, représentées par des chamae-
248
IV. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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Remerciements - La présente étude a été soutenue par les programmes de partenariat Algérie-CEE, Life-pays tiers
TCY 99/DZ/139. Nous remercions tous les collègues qui ont apporté leurs commentaires, ce qui a permis d’amélio-
rer la première version de cet article.