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Zenou Yves, Batifoulier Philippe, Cordonnier Laurent. L'emprunt de la théorie économique à la tradition sociologique. Le
cas du don contre-don. In: Revue économique, volume 43, n°5, 1992. pp. 917-946;
doi : https://doi.org/10.3406/reco.1992.409404
https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1992_num_43_5_409404
By tradition, the study of gift exchange belongs to the field of sociology. Some recent works have
tried to make the connexion between economy and sociology by transposing the archaic exchange
pattern (gift exchange) into our modem economic societies. The purpose of these attempts is to
give some insights inlo some particular relationships, like for example, the work relationship. It
appears that these insights are very limited and deceptive because of some strong hypothesis
such as the perfect rationality of the agents. Nevertheless, their merits are to provide an
hypothesis for the appearance of an non-intentional cooperation within an entirely non-cooperative
system. Moreover, it seems that the introduction of non-utilitarist motivations in the theory of
decision could help to understand the gift exchange relationship, which is a sort of compromise
between moral action and interested action.
Résumé
L'emprunt de la théorie économique à la tradition sociologique. Le cas du don contre-don
Le don contre-don est un objet d'étude qui appartient par tradition à la sociologie. Des travaux
récents tentent de transposer les schémas de la réciprocité archaïque aux échanges qui ont cours
dans la sphère économique des sociétés modernes. Le but de ces tentatives est de rendre
compte de la forme atypique de certains échanges économiques, comme par exemple la relation
de travail. Mais, à défaut de préciser davantage les hypothèses sur les comporte-ments des
acteurs, ou en faisant reposer exclusivement le don contre-don sur la rationalité instrumentale,
l'économie laisse évanouir ce nouvel objet. Le contraire exigerait, au minimum, la réintroduction
de motivations non utilitaristes dans la théorie de la décision. Le don contre-don se situe en effet
dans une sorte de compromis entre l'action morale et l'action intéressée.
L'emprunt de la théorie économique
à la tradition sociologique
Philippe Batifoulier
Laurent Cordonnier
Yves Zenou*
INTRODUCTION
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Revue économique — N° 5, septembre 1992, p. 917-946.
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L1« Essai sur le don » de Marcel Mauss a paru en 1924 dans l'Année
sociologique. À l'origine, l'ouvrage se voulait être explicitement une théorie
générale du don, appréhendé sous l'angle de l'obligation1. Aujourd'hui, si cette
théorie est loin de faire l'unanimité2, 1'« Essai sur le don » continue de faire
référence pour la densité d'informations et d'idées décisives qu'il concentre sur le
sujet. Surtout, la présentation des faits et la caractérisation du phénomène
paraissent ne pas pouvoir être remises en cause. C'est cette présentation que
nous suivons pour exposer les trois premières propriétés caractéristiques du don
contre-don : un échange collectif, largement non utilitaire, enserré dans un
système de règles de droit contraignant. À ces trois propriétés empiriques, nous
en ajoutons une quatrième, de nature analytique, qui paraît totalement
discriminante par rapport à l'échange marchand : la réversibilité.
Un échange collectif
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On le voit, les biens échangés ne concernent pas seulement, loin s'en faut,
les biens que l'on peut juger utiles à la vie, voire au confort quotidien. Et
même lorsqu'il s'agit de femmes ou de prestations alimentaires, « objets » que
l'on pourrait qualifier d'utiles, on peut s'interroger sur l'utilité de les échanger2,
puisqu'il s'agit d'« objets » que chacun a plus ou moins à portée de la main.
Par ailleurs, la complexité des systèmes d'échange échafaudés sur le principe
de réciprocité exclut qu'on puisse ramener leur raison d'être à une intention
consciente, fût-elle utilitaire. La plupart du temps, le vocabulaire des échanges
est incapable de fournir une représentation ou une justification du système
considéré3.
Concrètement, tout laisse à penser que la manière d'échanger compte au
moins autant que ce que l'on échange : « Comme si de tout temps, pour
l'humanité, l'essentiel avait été d'y mettre les formes », note Alain Caillé
([1988], p. 72).
Dans le circuit kula4, dont Bronislaw Malinowski ([1963], p. 144)
rapportait en 1922 l'extraordinaire complexité, les deux sortes de biens qui
circulent en sens inverse, d'île en île, à travers l'archipel Trobriand, sont
totalement dénués d'utilité économique. Les brassards de coquillages et les colliers de
spondyle qui se croisent font l'objet d'échanges cérémoniels compliqués qui
attestent de la noblesse de ce commerce, de son caractère profondément anti-
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Le système des dons réciproques n'est pas le fait d'une générosité bon enfant
et spontanée qui aurait prévalu en des temps d'insouciance fort reculés, quand
l'absence de règles de droits contraignantes laissait s'épanouir un instinct
fraternel originel.
Trois règles de droit essentielles structurent le système de réciprocité
primitif : l'obligation de donner, l'obligation de recevoir et l'obligation de
rendre. Le caractère obligatoire des cadeaux échangés peut paraître contradictoire
avec l'éthique supposée du don, laquelle sous-entend prodigalité, libéralité et
générosité. Mais, en vérité, il y a le fond et la forme. La forme est le plus
souvent celle du présent offert généreusement, soit avec une modestie feinte,
soit avec ostentation, comme dans le cas du potlatch3. Le fond est que cette
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Un échange réversible
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Concrètement, cela veut dire qu'un individu ou un groupe peut se voir offrir
quelque chose qu'il a lui-même donné auparavant. Et c'est ce qui ne manque pas
d'arriver. C'est évident dans le cas de l'échange des femmes entre clans (règles
du mariage) ou dans les invitations croisées à partager les fêtes ou les repas.
C'est encore plus frappant dans l'exemple déjà évoqué de la kula mélanésienne
où ne circulent que deux sortes d'objets. Ainsi, un individu particulier n'arrête
pas de donner et de recevoir toujours la même sorte de colliers ou de bracelets.
Qui plus est, il est même fortement recommandé de les faire circuler le plus
rapidement possible sous peine de passer pour un ladre (Malinowski [1963],
p. 154). Dans ce contexte, la réallocation des ressources qui s'opère ne peut pas
être gouvernée par une rationalité optimisatrice classique.
Il est même fréquent que ce soit la circulation elle-même qui ajoute à la
valeur des biens (Mauss [1967], p. 129). Chez les Kwakiutl d'Amérique, la
valeur des plaques de cuivre qui s'échangent dans les potlatch augmente en
fonction du nombre de potlach où elles ont figuré. Même chose pour les biens
qui circulent dans la kula. Ce trait est resté longtemps très saillant, dans les
phénomènes monétaires en particulier, où la confiance qu'on place dans une
pièce ou un billet a pu dépendre de son aspect sale ou usagé, preuve que l'objet
avait déjà bien circulé1.
Plus proche de nous, l'échange des cadeaux entre parents ou amis, à
l'occasion des fêtes de fin d'année, illustre encore assez bien le fait que la
logique du don réciproque n'est pas explicable par un souci d'ordre économique.
L'INSEE a pu calculer qu'outre les présents faits en nature, les ménages se font
des cadeaux en argent liquide pour un montant moyen de 356 F (Herpin et
Verger [1985], p. 33-47). Il est clair que, globalement pris, l'ensemble des
transferts ainsi réalisés représente un jeu à somme nulle. Le propre du don
rituel, comme le signale encore Guy Nicolas ([1991], p. 17), est justement
d'annuler l'intérêt utilitaire : « Son principe de base est la réversibilité de
l'offrande offerte2. »
II faut donc chercher ailleurs que dans le principe d'économicité ce qui
constitue le moteur de l'échange des cadeaux. On en vient alors naturellement à
se poser un ensemble de questions fondamentales : pourquoi l'on donne, d'où
vient l'obligation de réciprocité. . . ? Ce qui revient pour l'instant à se demander
s'il existe une théorie du don contre-don.
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La théorie du « hau »
C'est Marcel Mauss qui a avancé l'idée que « la clef du problème » pouvait
se trouver dans le « hau » maori1, que l'auteur traduit par : « l'esprit de la chose
donnée ». Dans un texte rapporté par Best, et jugé capital par Mauss, un
informateur maori — Tamati Ranaipiri — évoque la présence d'une force
efficace au sein des choses données qui fait qu'elles sont inévitablement vouées
à retourner à leur donateur, sous peine de mort pour le donataire2. Par le hau, la
chose donnée a prise sur le donataire ; elle constitue une partie que l'on dirait
aujourd'hui inaliénable du donateur. Le reproche qu'on a pu faire à Mauss est de
s'en tenir à cette rationalisation indigène :
« On comprend clairement et logiquement, conclut Mauss, dans ce système
d'idées, qu'il faille rendre à autrui ce qui est en réalité parcelle de sa nature et
substance » (Mauss [1985], p. 161).
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Autrement dit, les apparences sont trompeuses : ce n'est pas parce que la
réalité observable distingue trois opérations (donner, recevoir et rendre) qu'il
faut s'y attarder, et produire ensuite une théorie de leur articulation (via le
« hau »). En fait, on n'a pas besoin de la théorie du hau pour opérer une
synthèse entre les différents termes de l'échange, puisque l'échange est une
donnée première, irréductible. L'inconvénient d'une telle position est qu'elle ne
fait que déplacer le problème. Deux questions viennent immédiatement à
l'esprit :
— Quelle est l'origine de cette structure ? Ou encore : pourquoi faut-il qu'il
y ait échange plutôt que rien du tout ?
— Comment explique-t-on, dans ce cadre, les différentes formes de
réciprocité (dualiste, triangulaire, circulaire de type kula, etc.) ?
Si l'on se réfère aux travaux de Lévi-Strauss, lesquels portent
principalement sur les structures de parenté et l'échange des femmes, on dispose de deux
éléments de réponse (bien qu'en réalité un structuraliste se refuse probablement
à poser les questions dans les termes où nous les avons posées).
S 'agissant du problème de la genèse des structures de parenté, l'explication
fait appel à deux principes : l'interdit de l'inceste et ce qu'on pourrait appeler le
principe de moindre complexité. De la combinaison de ces deux principes, on
déduit l'émergence d'une structure élémentaire de la parenté mettant en relation
« ego », l'oncle utérin (le frère de ma mère), la mère et le père2.
Du point de vue de l'analyse comparative, la forme des structures, ce qui les
distingue et les rapproche à l'origine, est renvoyé in fine aux structures de
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conçoivent alors comme des remparts dressés devant la déflagration des désirs
imitatifs. Ces derniers sont responsables de la rareté parce qu'ils créent de toute
pièce le conflit acquisitif. (Les choses n'étant pas désirées parce qu'elles sont
rares, mais rares parce qu'elles sont désirées.)
D'une manière générale, des auteurs comme Pierre Clastres ou Marshall
Sahlins ont largement insisté sur l'aspect structurellement anti-pouvoir
politique ou anti-économique des règles de réciprocité. Tout se passe comme si
avec ces règles la société se prémunissait contre un emballement du pouvoir ou
contre la déflagration de l'accumulation des richesses. C'est vrai de l'institution
de la chèferie indienne1 comme de l'obligation de rendre2.
S'il est une interprétation du système du don contre-don qui fait l'unanimité
chez les sociologues, c'est bien celle qui place le don au rang de pacte social
primitif. Selon deux versions possibles, il s'agit soit de faire la paix avec la
partie adverse, soit d'établir l'entente mutuelle à l'intérieur même du groupe
donateur.
Bronislaw Malinowski, peut-être avant Mauss, avait découvert le rôle
constitutif de la réciprocité au sein des communautés primitives3. Mais c'est
F« Essai sur le don » qui laisse le plus d'indications sur la vocation pacifique
de l'échange primitif. Le don, l'alliance ou la réciprocité sont l'envers de la
guerre:
« Dans toutes les sociétés qui nous ont précédés immédiatement et
encore nous entourent, et même dans de nombreux usages de notre moralité
populaire, il n'y a pas de milieu : se confier entièrement ou se défier entièrement ;
déposer ses armes et renoncer à sa magie, ou donner tout... » (Mauss [1985],
p. 277).
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« Parfois c'est l'exigence de paix qui prime et ce sont alors très exactement
les mêmes biens, en quantités égales, qui changent de main, opération
symbolique de la renonciation aux intérêts antagonistes. D'un point de vue
strictement formel, la transaction est une perte de temps et d'effort » (Sahlins
[1976], p. 239, notes).
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Si l'on pose, comme René Girard, que le désir est mimétique par nature, et
qu'il représente en conséquence une source de conflit perpétuelle, il y a peut-être
dans ces éléments des justifications pertinentes à l'obligation de donner1. Dans
une perspective girardienne, Mark Anspach ([1984], p. 73) a interprété le don
comme un sacrifice limité, où l'objet donné se substitue au sacrifice d'une
victime émissaire. L'inconvénient de cette présentation est qu'elle remet en
cause la distinction don/sacrifice établie par l'anthropologie, laquelle permet de
concevoir actuellement la différence, à l'origine, entre réciprocité et partage
(Durkheim [1975], p. 119). Il reste que la jalousie, l'envie et autres soupçons
de ce genre à l'intérieur d'un groupe peuvent constituer de puissants mobiles à
des renoncements collectifs ou à des obligations tacites d'entraide.
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1. Pour des revues critiques en français de la littérature sur cette question, voir
Lallement et Maillefer [1989], Batifoulier et Zenou [1990] et Zenou [1992].
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Firme
Bonnes conditions Mauvaises conditions
de travail de travail
Effort A B
élevé (15,15) (3,20)
Individus
Effort C D
faible (20,3) (5,5)
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Ce qui peut s'entendre à demi-mot chez Leibenstein est par contre tout à fait
explicite dans les travaux d'Akerlof ([1982 et 1984] principalement). L'offre
d'effort contre salaire est, de part et d'autre, l'objet d'un don contre-don. C'est,
selon Akerlof, la réponse adaptée au problème posé à la théorie standard par le
cas des cash posters (rapporté initialement par Homans). Les cash posters
travaillent en équipe et sont attelés à une tâche répétitive et peu qualifiée de
classement de dossiers. Ils1 présentent cette particularité intrigante, contre-
intuitive au regard de la théorie standard, d'offrir volontairement un niveau de
productivité supérieur aux normes minimales exigées par l'employeur. Dans
l'équipe, certains employés se situent juste au niveau de cette norme, tandis que
d'autres la dépassent sensiblement. Le résultat est que le groupe des cash
posters dans son entier « offre » spontanément un niveau d'effort moyen
supérieur au plancher édicté par la firme.
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simple, soit en s'y ajustant d'après leur goût plus ou moins prononcé pour
cette norme collective1.
Dans un sens, on peut dire que cette présentation est conforme à la version
sociologique du don contre-don : ce sont des groupes qui échangent et non des
individus. Mais, à l'opposé, on peut regretter, comme le fait Amet Insel
[1991], que ce comportement collectif ne soit pas déduit des dons réciproques
que se font les employés entre eux. À ce sujet, Akerlof passe très rapidement
sur l'idée que le comportement des cash posters est peut-être dû à la sympathie
que les employés se portent mutuellement.
Quoi qu'il en soit, il manque un étage dans le modèle de 1984 : celui de la
théorie micro-sociologique de la norme collective d'effort. Cette impasse
conduit à jeter le soupçon sur l'attitude des cash posters. D'où vient leur
obéissance à la norme d'effort collective ? Dans la formalisation qu'en donne
Akerlof, elle est le produit d'un calcul militariste de la part des employés. Dans
ces conditions, il devient abusif d'interpréter leur comportement en termes de
don contre-don.
Colin Camerer [1988] part également de l'idée que l'échange de dons peut
servir à l'émergence de la coopération entre des individus égoïstes, lorsqu'ils
sont confrontés à une situation aux ressorts fondamentalement non coopératifs.
Le cadre de son analyse est le jeu d'investissement (ou jeu des courtisans). Ce
jeu met face à face deux individus qui sont à l'aube d'une relation durable,
laquelle exige de chacun d'eux, pour qu'elle réussisse, une collaboration
poussée. La réussite de l'opération se mesure, pour chaque partenaire, à l'aune
des « dividendes » qu'il pourra en tirer. Ce type de relation est illustrée par des
rapports aussi différents que le mariage, le contrat salarial ou le contrat de
société entre futurs associés. Dans tous ces cas, l'individu égoïste cherchera
toujours à partager le meilleur, rarement le pire.
Dans cette situation, chacun doit donc estimer les chances qu'il a d'être en
face d'un partenaire coopératif, s'il entend ne pas être floué dans son entreprise.
Camerer montre qu'un échange de dons permet de révéler de manière efficiente
le type des individus (coopératif ou non coopératif) à leur partenaire.
Intuitivement, cela se comprend : plus on est coopératif, plus on sera généreux. Mais, à
la réflexion, il s'agit d'une « générosité » un peu spéciale.
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sa relation avec son partenaire. Là encore, même s'il est vrai qu'il n'existe pas
de don gratuit (Douglas [1990]), l'interprétation de Camerer pose problème.
Peut-on faire du don un phénomène exclusivement intéressé sans perdre tout
de suite l'idée même qu'on voulait suggérer au départ en parlant de don, à savoir
que le geste de donner sous-entend un minimum de désintéressement ?
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C'est ce que nous détaillons au paragraphe suivant Nous indiquons ensuite quel
serait, selon nous, le point de départ d'une théorie positive du don contre-don.
À condition de la faire pencher du « bon côté », la convention d'effort à la
Leibenstein fournit une première idée sur la matrice des hypothèses à
concevoir.
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II est clair que le terme « cadeau » est pris dans un sens particulier. La
rationalité des joueurs étant connaissance commune, on peut s'interroger sur le
« romantisme » de cette rencontre1. Toutefois, en dehors des rapports
amoureux, le modèle peut recevoir des applications concrètes. On voit bien
comment, dans les relations de travail par exemple, on peut mesurer la volonté
des différentes parties de s'investir dans une relation, en mesurant l'abnégation
de chacun. Mais, dans ce cas, pourquoi cantonner le don contre-don dans un rôle
signalétique inaugural, alors qu'il peut se poursuivre dans la relation elle-
même?
Cela dit, même si la justification des hypothèses de ces modèles repose sur
une utilisation abusive de concepts sociologiques, l'intérêt des différentes
démarches exposées ici est de poser, d'une manière nouvelle, le problème de la
coopération dans la coordination des actions interindividuelles. Ces modèles de
don contre-don représentent une tentative, différente de la théorie des jeux
répétés, pour faire émerger une coopération indirecte, non intentionnelle, entre
des acteurs préoccupés de leurs seuls intérêts.
Mais le principe de l'explication continue de reposer sur une analogie
marchande, devenue embarrassante. Dans ce qui devient progressivement « la
théorie standard élargie2 », comme le souligne Olivier Favereau [1989a et b],
toutes les institutions sont réduites à un arrangement contractuel bilatéral
choisi parmi toutes les configurations possibles.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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