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L’évolution psychiatrique 77 (2012) 121–144

Articles de la thématique
To eat or not to eat : quelles sont les modalités de
relations d’objet à l’œuvre dans l’anorexie
mentale ?夽,夽夽
To eat or not to eat: What are the modalities of object-relations at work in
anorexia nervosa?
Olivier Guilbaud ∗
Psychiatre, département de psychiatrie de l’adolescent, institut mutualiste Montsouris, université René-Descartes,
Paris-V, 42, boulevard Jourdan, 75014 Paris, France
Reçu le 13 mai 2008

Résumé
Dans une approche psychodynamique et anthropologique, l’auteur aborde, à partir de vignettes cliniques,
certaines modalités de relations d’objet observées dans l’anorexie mentale. Elles sont prises en compte
selon trois incidences relevant du domaine de l’intrapersonnel, de l’interpersonnel et de l’intraculturel.
Du point de vue intrapersonnel, la lutte contre l’avidité orale sous-tendue par la destructivité originaire à
l’égard de l’objet primaire semble être au cœur de la conflictualité intrapsychique et de la fantasmatique
anorexique. L’incapacité à intégrer les sentiments ambivalents à l’égard de l’objet maternant est liée à la
survivance d’un surmoi précoce et sadique du fait de fixation aux stades précoces du conflit œdipien et de
l’échec relatif de l’élaboration de la position dépressive. Cette faille dans l’élaboration de cette position
développementale essentielle réactivée lors de l’adolescence renforce, dans une perspective kleinienne,
le recours aux mécanismes de défense obsessionnel et maniaque qui demeurent insuffisamment efficients
pour apaiser les angoisses de perte objectale et les angoisses paranoïdes sous-jacentes. Du point de vue de la
relation d’objet interpersonnelle, l’accent est mis sur l’organisation en faux-self caractérisée par l’importance
de la soumission au narcissisme de l’objet primaire au détriment de l’épanouissement du narcissisme du sujet.
Les modalités de transaction parents–enfants vont dans le sens du verrouillage des sollicitudes affectives de

夽 Texte rédigé à partir de mon intervention au séminaire 2007/2008 organisé par Didier Lippe et Irène Kaganski dans

le département de psychiatrie de l’adolescent à l’institut mutualiste Montsouris (Paris, le 17 mars 2008).


夽夽 Toute référence à cet article doit porter mention : Guilbaud O. To eat or not to eat : quelles sont les modalités de

relations d’objet à l’œuvre dans l’anorexie mentale ? Evol psychiatr 2012;77.


∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : olivier.guilbaud@imm.fr

0014-3855/$ – see front matter © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.evopsy.2010.09.009
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l’enfant. Les gratifications orales et la régression qu’elles nécessitent sont mal tolérées tandis que l’on note
une valorisation du conformisme social, de la performance, de l’ascétisme et un surinvestissement de l’image
du corps comme lieu de maîtrise des affects et comme pivot identificatoire central. Enfin, du point de vue
intraculturel de la relation d’objet, l’anorexie mentale est considérée comme un modèle d’inconduite fourni
par la société et la culture permettant au sujet de colmater sa souffrance psychique. L’anorexie mentale
pourrait constituer une vêture symptomatique surdéterminée par les facteurs socioculturels, utilisée par
l’adolescent pour tenter d’apaiser ses angoisses de séparation et cicatriser ses angoisses schizoparanoïdes
lors de la réactivation du processus de séparation-individuation aux alentours de la période de la puberté.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Anorexie mentale ; Relation d’objet ; Métapsychologie ; Psychodynamie ; Anthropologie ; Étude théorique ;
Cas clinique

Abstract
In a psychodynamic and anthropological approach, based upon clinical cases, the author discusses cer-
tain modalities of object-relations observed in anorexia nervosa. They are approached according to three
incidences in the field of the intrapersonal, the interpersonal and intracultural. From the intrapersonal point
of view, the struggle against the oral greediness underlined by the native destructive impulse towards the
primary object seems to be at the heart of anorexic’s intrapsychic conflict and phantasy. The inability to
integrate the ambivalent feelings towards the mothering object is related to the survival of an early sadistic
super-ego due to fixation in the early stages of the oedipus conflict and to the relative failure to work through
the depressive position. This failure to work through this milestone developmental position reactivated during
adolescence strengthen, in a kleinian perspective, the use of obsessional and manic defences, which remain
insufficiently efficient to appease the anxieties of objectal loss and the underlying paranoid anxieties. From
the point of view of interpersonal object-relation, emphasis is put on the false-self organization characte-
rized by the significant submission to the narcissism of the primary object to the detriment of the vitality
of the subject’s narcissism. Modalities of parents–child transaction are in line with the locking of child’s
emotional concerns. The oral gratifications and the regression they require are poorly tolerated whereas we
can observe an enhancement of social conformity, performance, asceticism and an overinvestment of body
image as a place of control of the affects and as a central identificatory axis. Finally in terms of intracultural
object-relation, anorexia nervosa is considered as a model of misconduct provided by society and culture
allowing the subject to seal his mental suffering. Anorexia nervosa may be a symptom apparel overdetermi-
ned by sociocultural factors, used by teenagers to try to allay their anxieties of separation and to heal their
schizo-paranoid anxieties during the reactivation of the separation-individuation process around the puberty.
© 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Anorexia nervosa; Object-relation; Metapsychology; Psychodynamics; Anthropology; Theorical study;


Clinical case

« Oh ! beware, my Lord, of Jealousy ;


It is the green-eyed monster, which doth mock
The meat it feeds on. . . »
« O Seigneur, prenez garde à la jalousie ;
C’est le monstre aux yeux verts qui nargue
La chair même dont il se repaît. . . »
Shakespeare (tirade de Iago dans Othello, Acte III scène III)
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1. Introduction

Manger ou ne pas manger, être ou ne pas être, naître ou ne pas naître ; telles semblent être les
questions auxquelles les adolescentes anorexiques semblent confrontées lors de la réactivation
de la problématique œdipienne et du processus de séparation-individuation au moment de la
puberté. L’adolescente anorexique se définit non par ce qu’elle est en soi mais par ce qu’elle est
aux yeux des autres au regard de sa conduite alimentaire et de ce corps décharné qu’elle exhibe,
par le faire plutôt que par l’être en soi. Comme si elle existait par le fait de réprimer ses besoins
physiologiques et instinctuels, de restreindre son alimentation jusqu’à l’inanité. Il y a quelque
chose d’une tentative de négation à l’œuvre dans l’anorexie, qui interroge et choque tout à la fois.
Une volonté de négation du désir, des émergences pulsionnelles et des besoins physiologiques qui
interpelle du lieu de l’autre. Comme une convocation des figures parentales, du père comme de la
mère. Je restreins volontairement mon alimentation et j’exhibe mon corps maigre donc j’existe à
tes yeux et donc aux miens semblent nous dire ces patientes. Maurice Corcos [1] écrit que « s’il
n’y a pas de sentiment d’être, le sujet dépendant va trouver sa continuité d’être (et ce très tôt)
dans la continuité du faire : développement frénétique des activités de maîtrise ». Pour Winnicott
[2], le sentiment d’être du sujet est étroitement lié à l’expérience d’être dans les interrelations
précoces. Le rapport du sujet avec son alimentation et donc a fortiori avec son propre corps
renvoie au rapport du sujet avec ses objets internes ou externes et donc à son mode de relation
d’objet constitutif de son sentiment d’identité. Je n’utiliserai pas l’aphorisme « Dis-moi comment
tu manges je te dirais qui tu es » ou bien « Dis moi qui tu manges, je te dirais qui tu es » – nous
verrons que les fantasmes surdéterminants du fonctionnement psychique de ces patientes sont
marqués par la primauté d’une oralité cannibalique – mais le symptôme anorexique de par son
économie psychique singulière est illustrateur d’une modalité relationnelle avec le soi comme
avec les autres.
Dans l’anorexie mentale, on assiste en quelque sorte à l’érection d’une digue, d’un barrage sur
la pulsion, sur la libido et sur le désir. Celle-ci n’est pas uniquement en rapport avec la sexualité
mais avec l’appétence de vivre, le désir originel adressé aux figures parentales qui réactive des
sentiments ambivalents non élaborés et des angoisses persécutrices étroitement liées à un vécu
de dépendance. Comme l’écrit Jeammet [3] : « Ce dont j’ai besoin, parce que j’en ai besoin et à
la mesure même de ce besoin, c’est ce qui menace mon autonomie » et « ce qui me menace ».
Les fantômes de la pulsion orale sont à l’œuvre dans l’anorexie mentale et se laissent entrevoir
derrière la massivité des défenses obsessionnelles. Derrière le refus de l’hédonisme, il y a quelque
chose de l’avidité qui est insupportable au moi et qui pousse à toujours plus de contrôle et
de maîtrise, une avidité contre laquelle la patiente lutte sans cesse par formation réactionnelle.
Ces constatations me semblent abordables du point de vue des relations d’objet. Bien sûr il
ne s’agit pas d’entrer dans une quelconque typologie de la relation d’objet qui est par nature
singulière et différente en fonction de l’histoire du sujet, de la temporalité des interactions, de
l’organisation psychique mais d’appréhender ce qui peut faire sens et certains points communs
aux types de relations observées en clinique. À partir du suivi de patientes anorexiques pour
la plupart restrictives, je déclinerai le mode de relation d’objet en fonction du point de vue de
l’intrasubjectivité, de l’intersubjectivité et de l’intraculturel : de la relation d’objet intrapersonnelle
en se focalisant sur le niveau fantasmatique, les conflits et les mécanismes de défense du moi :

• de la relation d’objet interpersonnelle à savoir l’organisation du moi selon les modalités des
interactions précoces ;
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• de l’intraculturel permettant de faire le lien entre l’individu, la famille et la culture centrant les
préoccupations et la construction d’une pseudo-identité sur une certaine esthétique du corps.

Dans le cadre du suivi des patientes souffrant d’anorexie notamment restrictive, trois éléments
m’ont donc semblé plus particulièrement fréquents bien que non spécifiques pris isolément :

• d’un point de vue intrapersonnel : le verrouillage anal des émergences pulsionnelles notamment
de l’avidité orale et la difficulté à intégrer l’ambivalence de ses sentiments à l’égard de l’objet
primaire ;
• d’un point de vue interpersonnel : l’organisation en faux-self de la personnalité et les modalités
d’interactions avec l’entourage proche ;
• d’un point de vue intraculturel : la surdétermination socioculturelle des représentations valori-
sant implicitement ou explicitement l’image d’un corps maigre comme source de bien-être et
de réussite.

Avant de revenir plus en détail sur ces considérations à partir de quelques vignettes cliniques ou
de propos tenus par les patientes, je me propose de revenir sur le concept de « relation d’objet » et
sur quelques notions heuristiques essentielles de la théorie psychanalytique kleinienne permettant
d’éclairer leur mode de fonctionnement psychique. En ce qui concerne les vignettes cliniques
présentées dans cet article, l’anonymat a été respecté, les noms et les éléments biographiques ont
été changés ou tronqués.

2. Qu’est-ce que la relation d’objet ?

Le terme de relation d’objet est peu usité par Freud et appartient à la psychanalyse moderne
et post-moderne. La notion de relation d’objet a introduit une rupture épistémologique impor-
tante au sein du mouvement psychanalytique remettant en cause la théorie des pulsions et de la
libido. Bien que divergentes, les théories les plus achevées de la relation d’objet, se retrouvent
dans les œuvres de Ronald Fairbairn et Mélanie Klein dès la fin des années 1920. Si Fairbairn,
à la suite de Klein, considère que le moi existe dès la naissance et qu’il a pour objet partiel :
le sein, sa conception de la relation d’objet relève d’un modèle intersubjectif alors que celui de
Klein reste intrasubjectif. Fairbairn [4] marque le plus grand écart avec la théorie psychanaly-
tique traditionnelle dans la mesure où il introduit la notion de relation d’objet interpersonnelle
qui inspirera de nombreux psychanalystes tels que Balint, Bowlby, Winnicott. Sutherland [5]
la qualifie de « changement copernicien consistant à baser la théorie psychanalytique de la per-
sonnalité humaine sur les expériences sociales et non sur les décharges instinctuelles qui ont
l’individu pour seule origine ». Selon Fairbairn [4], dans la psychogénèse du moi, les relations
réelles avec l’entourage prédominent sur le niveau fantasmatique. Quant à Mélanie Klein, elle ne
renonce pas à la philosophie solipstique qui imprègne la pensée psychanalytique (Freud, Ferenczi
et Abraham. . .) où la réalité est constituée par le moi, ses représentations et ses sensations. Freud
traitant souvent l’objet libidinal du seul point de vue du sujet et des représentations fantasmatiques
et des conflits qu’il mobilise. Fairbairn s’occupe des parents réels tandis que Klein s’intéresse
aux parents fantasmés. Fairbairn remet en cause la théorie des pulsions et de la libido de Freud,
il considère que le but de la pulsion n’est pas la satisfaction à travers l’objet mais la recherche de
la relation avec la mère ; la libido visant au principe de recherche de l’objet maternel primaire.
Mélanie Klein ne remet pas en cause fondamentalement la théorie des pulsions mais considère
que si la pulsion a une source et un but, elle a surtout un objet : le sein en tant qu’objet partiel
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puis la mère en tant qu’objet total. Mélanie Klein a su concilier théorie pulsionnelle et théorie
de la relation d’objet dans sa dimension intrasubjective en jetant les bases de l’intersubjectivité
mère–bébé. Les auteurs post-kleiniens (Bion, Winnicott, Meltzer, Segal. . .) quant à eux ont déve-
loppé et approfondi la dimension intersubjective de la relation d’objet et plus particulièrement
Winnicott en s’intéressant à la clinique des interrelations précoces tout en considérant la pensée
kleinienne comme trop solipstique.

3. Des apports kleiniens à la théorie psychanalytique et à une métapsychologie de


l’anorexie mentale

« L’analyse de très jeunes enfants m’a appris qu’il n’y a aucun besoin instinctuel, aucune
situation d’angoisse, aucun processus mental qui n’implique des objets, externes ou
internes ; en d’autres termes, les relations d’objet sont au centre de la vie émotionnelle.
Qui plus est, l’amour et la haine, les fantasmes, les angoisses et les défenses sont aussi
agissants dès le commencement et sont ab initio indissolublement liés avec des relations
d’objet. Cet insight m’a fait voir beaucoup de phénomènes sous un jour nouveau. » Mélanie
Klein [6].

3.1. Apports kleiniens à la théorie psychanalytique contemporaine

Les influences de Freud, Ferenczi et d’Abraham ont profondément influencé la pensée klei-
nienne. Les apports kleiniens, loin d’être antinomiques avec la théorie psychanalytique freudienne
l’ont complétée et éclairée en s’intéressant aux modalités de la relation d’objet précoce. Mélanie
Klein entend prolonger l’œuvre de Freud en remontant plus en amont dans le développement
psycho-affectif du moi pour éclairer la mécanique œdipienne. Si avec Freud nous abordons
initialement l’Œdipe et le fonctionnement psychique au travers de l’univers fantasmatique de
l’Hystérique, avec Klein c’est au travers des premières représentations du nourrisson et de sa
difficulté à intégrer les sentiments ambivalents à l’égard de la figure maternelle. Deux apports
théoriques kleiniens fondamentaux doivent être discernés qui vont considérablement influencer
la psychanalyse contemporaine en donnant une conception plus fluide et dimensionnelle du fonc-
tionnement psychique : celui des positions développementales (schizoparanoïde et dépressive) et
celui des stades précoces du conflit œdipien.
Selon Klein, l’ébauche du moi du bébé (encore non intégrée) est confrontée d’emblée aux
pulsions (« impulses ») agressives destructrices et libidinales d’amour à l’égard de l’objet. À
la position schizoparanoïde (avant quatre mois), l’objet partiel est constitué par le sein et les
fantasmes sadiques oraux sont d’emblée tournés vers le sein (notamment celui de voler toutes
les bonnes choses qui y sont contenues et d’en prendre le contrôle). Afin de ne pas se laisser
désorganiser par ses angoisses de persécutions liées aux fantasmes de représailles (d’intrusion
et d’effraction) de la part de l’objet, le moi précoce du nourrisson a naturellement recours à des
défenses schizoparanoïdes : clivage, déni, identification projective des mauvaises parties du moi
dans l’objet. Au clivage du moi répond le clivage de l’objet qui devient par introjection (et identi-
fication projective) porteur des bonnes (et des mauvaises parties) du moi. Le nourrisson surmonte
ses angoisses paranoïdes par l’introjection d’un bon sein (idéalisé) et l’identification à celui-ci
renforçant ses pulsions libidinales d’amour et l’intégration de son moi. Le mauvais objet partiel
(sein absent/frustrateur) devient le réceptacle de ses fantasmes sadiques agressifs grâce au procédé
d’identification projective où ses fantasmes lui reviennent de l’extérieur sur un mode persécutif
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et menace d’endommager le bon objet interne. L’identification projective est un mécanisme de


défense par lequel la pulsion et des parties du moi résultantes du clivage sont projetées dans
l’objet. Elle permet au moi d’isoler le danger comme provenant de l’extérieur tout en gardant
un contact fantasmatique étroit avec ses parties projetées. L’identification projective permet aussi
de contrôler l’objet. L’intégration d’un bon objet interne associée aux processus de maturation
neurophysiologique permet au nourrisson d’apaiser ses angoisses paranoïdes et de translaborer
(dépasser et intégrer) cette phase pour atteindre la position dépressive où l’objet est perçu dans sa
globalité et sa singularité (objet total). Pour Mélanie Klein, le développement normal de l’enfant
et son aptitude à aimer semble dépendre, dans une large mesure, de l’élaboration de cette position.
L’accès à cette position dépressive marque le début de l’élaboration des fantasmes matricides et
l’intégration des sentiments ambivalents (haine, amour) comme attachés au même objet total ainsi
que l’entrée dans les processus de symbolisation et l’accès au principe de réalité. Durant cette
période développementale, se succèdent les mécanismes de défense maniaques et obsessionnels
puis les processus de réparation. Les défenses maniaques (triomphe du moi, sentiment de toute
puissance, déni, dévalorisation de l’objet maternel ou primaire) s’installent pour lutter contre la
dépendance massive à l’égard de l’objet et les sentiments dépressifs liés à la représentation de
l’absence de l’objet. Les processus de réparation interviennent ultérieurement pour se protéger
de ses fantasmes sadiques à l’égard de l’objet primaire mais sont aussi l’expression d’une grati-
tude envers la mère. « L’échec de l’acte de réparation pousse le moi à recourir toujours et sans
cesse aux défenses obsessionnelles et maniaques »1 [7]. L’enfant peut se retrouver confronté à ses
peurs d’avoir anéanti l’objet total et à ses peurs de représailles en retour, s’il n’a pas intégré un
suffisamment bon objet interne (total et non partiel) reflet d’une représentation de relation d’objet
insécure avec son environnement. Le risque en est une fixation à la position dépressive exposant
le sujet aux angoisses de perte mais aussi aux angoisses de nature schizoparanoïdes sous-jacentes.
Néanmoins l’accès à la position dépressive marque la reconnaissance de la mère en tant qu’objet
total et la différenciation soi/non soi.
De ces conceptions théoriques, la compréhension de la névrose infantile chez Mélanie Klein
va s’en trouver modifiée. Alors que chez Freud elle est directement liée aux manifestations du
conflit œdipien, chez Klein elle est directement en rapport avec les angoisses schizoparanoïdes
sous-jacentes.
Selon Mélanie Klein, tous les nourrissons sont traversés par des « angoisses de nature psycho-
tique et la névrose infantile est le moyen normal de manier et de modifier ces angoisses »2 [7].
En somme, la névrose va constituer progressivement une organisation stable contre des angoisses
archaïques de nature psychotique. Elle constitue dans sa forme la plus achevée une guérison des
angoisses de perte (position dépressive) et des angoisses paranoïdes (position schizoparanoïdes)
du nourrisson. Cette approche donne une compréhension plus fluide, moins manichéenne et réduc-
trice du fonctionnement psychique et peut expliquer les régressions à des phases psychotiques
chez les patients névrosés ainsi que la coexistence de noyaux psychotiques, voire de noyaux
autistiques au sein d’organisation névrotique [8,9]. Dans une précédente publication, j’évoquai la
notion de spectre autistique du moi pour rendre compte de l’existence de manœuvre de protection
autistique tant chez les sujets présentant un fonctionnement psychotique que dans le cadre des
organisations limites, voire névrotiques [10]. L’approche catégorielle doit être complétée par une

1 Klein M. Contribution à l’étude de la psychogenèse des états maniaco-dépressifs (1934). In : Essais de psychanalyse,

([7], pp. 311–40).


2 Klein M. Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs (1940). In : Essais de psychanalyse, ([7], pp.

341–69).
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compréhension dimensionnelle du fonctionnement psychique. On sort ainsi du clivage heuris-


tique mais réducteur névrose/psychose pour entrevoir des passerelles entre ces deux modes de
fonctionnement notamment lors de l’ontogenèse du moi.
« À mon avis, le complexe d’Œdipe naît pendant la première année de la vie et commence
à se développer dans les deux sexes de manière semblable » Mélanie Klein [7]3 .
Le génie de Mélanie Klein est d’avoir repéré les stades précoces du conflit œdipien. Ils
commencent dès la phase orale au moment de l’accès à la position dépressive après le quatrième
ou sixième mois de vie. Dès 1928, Mélanie Klein, éclaire par ses apports théoricocliniques, les
stades précoces du conflit œdipien. Ses constatations cliniques, dans le cadre aménagé – grâce à
sa technique de jeu – de psychanalyses d’enfants âgés de deux à six ans, l’amène à se dégager
du primat du phallus pour recentrer les phases précoces de l’Œdipe autour du sein et du corps
de la mère. Dans les fantasmes primordiaux du nourrisson, le sein (objet partiel) puis la mère
dans sa globalité (objet total) contient le monde entier. Ainsi le corps de la mère devient la scène
prototypique des fantasmes du nourrisson : des envies destructrices et des désirs libidinaux. Toutes
les bonnes choses : les bébés, le pénis du père, le père, mais aussi les mauvaises : les selles, les
urines. . . y sont contenues fantasmatiquement. Pour Mélanie Klein, dans les représentations du
nourrisson, le tout est dans la partie et réciproquement. Le pénis paternel contenu dans le corps de
la mère représente le père lui-même. La représentation de la figure maternelle primitive renvoie
donc aux parents combinés (parents unis qui s’entredéchirent, se pénètrent et se coupent mais
aussi qui s’aiment et se protègent) où la mère contient aussi le père et ses attributs en elle. Ce
fantasme des parents combinés constitue selon Mélanie Klein le fantasme le plus précoce du
conflit œdipien. Autant d’éléments qui attisent les envies destructrices du nourrisson (étroite-
ment liées aux pulsions épistémophiliques) mais aussi en retour les craintes fantasmatiques que
la figure maternelle primitive (ou plus exactement des parents combinés) exerce des représailles
sadiques sur son propre corps. Cette punition dans l’esprit du nourrisson n’est rien d’autre selon
Klein que l’introjection de ses propres fantasmes sadiques agressifs dirigés contre ses premiers
objets et qui formeront le surmoi précoce source d’intenses angoisses. Le surmoi précoce est
donc l’héritier des introjections des identifications projectives du bébé sur la figure maternelle.
Ainsi, dans la pensée kleinienne, le surmoi n’est pas l’héritier du complexe d’Œdipe mais à la
base de celui-ci. Le surmoi (dans sa forme primaire, c’est-à-dire prégénital) peut donc être à
l’origine très précocement de profondes inhibitions et d’entraves dans le développement affectif
et intellectuel. Celui-ci est étroitement lié aux angoisses de castrations que pourrait exercer la
mère en tant qu’objet total primaire et qui ont pour objet à cette phase orale de l’Œdipe le corps
de l’enfant et tous les bébés et pénis virtuels (c-à-d fantasmés) qu’il contient. Le surmoi dans sa
forme secondaire, héritier du complexe d’Œdipe, correspond à l’intériorisation structurante des
interdits parentaux incarnés par la représentation de la figure paternelle comme tiers structurant
distinct du corps de la mère. L’Œdipe de Klein se dégage donc de celui de Freud sur deux points
essentiels : son âge précoce et le fait qu’il se joue d’abord du lieu de la mère primitive (en tant
qu’objet total) qui dans les représentations du nourrisson a le droit de vie ou du mort suscitant des
angoisses de castration archaïques sur son corps. Durant la phase orale du complexe d’Œdipe,
nommée « position réceptive féminine » ou « phase primaire de l’Œdipe » par Klein, le fantasme
central est celui de posséder en soi les bébés et le pénis contenus dans le corps de la mère. La peur

3 Klein M. Le complexe d’Œdipe éclairé par les angoisses précoces (1945). In : Essais de psychanalyse, ([7], pp.

370–424).
128 O. Guilbaud / L’évolution psychiatrique 77 (2012) 121–144

des représailles maternelles pousse l’infans (fille ou garçon) au moment du sevrage à renoncer
à cette position pour se tourner vers la figure paternelle. Les angoisses de castration du garçon
se déplaceront sur le pénis tandis que chez la fille elles resteront associées à son corps et à sa
féminité.
« À cause des tendances destructrices qu’elle entretenait contre le corps de sa mère (ou contre
certains organes de ce corps) et contre les enfants qui se trouvaient dans le ventre maternel,
la fille s’attend à être punie par la destruction de ses propres aptitudes à la maternité, de
ses propres organes génitaux et de ses propres enfants. C’est de là que vient l’inquiétude
constante (souvent si excessive) des femmes au sujet de leur beauté personnelle : elles
craignent que celle-ci ne soit détruite par la mère. Derrière les tendances à se parer et
s’embellir, on trouve toujours le désir de restaurer une beauté abîmée, qui tire son origine
de l’angoisse et de la culpabilité » [7]4 .
Chez le garçon le renoncement au sein maternel l’amènera à se tourner vers le pénis paternel
renforçant son identification à la figure paternelle comme figure tierce distincte de la mère et
structurante. L’identification au père étant moins chargée d’angoisses que l’identification à la
mère primitive. La menace de castration n’émane plus alors de la mère primitive mais de son
rival œdipien dont le garçon se fait un allié et un modèle. Il en va de même pour la fille qui
renonce dans la phase secondaire de l’Œdipe, au désir de voler les bébés du corps de la mère
pour s’identifier au père associé à l’envie d’avoir le pénis paternel puis d’avoir un bébé du père
(déplacement sur une figure tierce de son désir d’avoir les bébés de la mère primitive). Ces
fantasmes œdipiens de la petite fille sont générateurs de culpabilité envers la mère et à une
« surcompensation dans une nouvelle relation d’amour nouée avec elle » (identification secondaire
à la mère). Ainsi selon Mélanie Klein et contrairement à Freud, l’envie du pénis succède, et non ne
précède, à l’envie d’avoir un bébé tant chez la fille que chez le garçon (en référence à la « position
réceptive primaire »).
« Freud a déclaré que la découverte de l’absence du pénis pousse la petite fille à s’éloigner
de la mère et à se tourner vers le père. Les résultats de mes recherches montrent néanmoins
que cette découverte n’agit ici qu’en matière de renfort : elle a lieu très tôt dans la période
occupée par le conflit œdipien, et l’envie du pénis succède au désir d’avoir un enfant, qui
remplace de nouveau l’envie du pénis plus tard. Je considère la privation du sein comme la
cause la plus fondamentale de la conversion vers le père » [7]5 .

3.2. Apports kleiniens à la métapsychologie de l’anorexie mentale

À travers les conduites agies sur le corps, la trouvaille addictive anorexique fournit à
l’adolescente une modalité d’apaisement de ses angoisses de perte et à celles plus archaïques
lors de la réactualisation des angoisses de séparation-individuation au moment de la puberté.
D’un point de vue topique et psychogénétique, on peut évoquer un défaut de translaboration
de la position dépressive et une fixation aux stades précoces du conflit œdipien plutôt qu’une
fixation à une position schizoparanoïde ce qui n’empêche nullement les régressions à cette
position.

4 Klein M. Les stades précoces du conflit œdipien (1928). In : Essais de psychanalyse, ([7], pp. 229–41).
5 Ibib.
O. Guilbaud / L’évolution psychiatrique 77 (2012) 121–144 129

Pour Selvini-Palazzoli [11,12], l’anorexie constitue une régression à la position schizopa-


ranoïde. Cette auteure [11] considère que l’anorexie mentale constitue une défense paranoïde
intrapersonnelle. D’un point de vue développemental, elle parle de fixations entre la position para-
noïde et la position dépressive. Selvini s’inspire du modèle kleinien et des travaux de Fairbairn
dans sa compréhension des troubles des conduites alimentaires (TCA).
Elle fait l’hypothèse que l’anorexie constitue une lutte contre les impulsions boulimiques. Les
fantasmes à l’œuvre chez ces patientes sont ceux de l’incorporation cannibalique d’objets partiels
(maternels). Selon cette auteure, ces patientes se verraient grosses en dépit de leurs maigreurs
pathologiques car leurs représentations seraient liées à leurs fantasmes (à savoir se remplir de
toutes les bonnes ou mauvaises choses détenues dans le sein et le corps de la mère) marquant une
fixation prévalente à une oralité cannibalique. Le comportement alimentaire de restriction viserait
à lutter par formation réactionnelle contre leur fantasme de grossir en engloutissant le lait, les
bébés et le pénis contenus dans le corps de la mère.
La prééminence des éléments œdipiens archaïques ne signe nullement le fonctionnement psy-
chotique. Dans la majorité des cas, du fait de l’accès à la position dépressive, ces patientes ne
présentent pas d’angoisses de morcellement, sont bien adaptées à la réalité (l’objet étant perçu
dans son entièreté) et elles ont accès au processus de symbolisation et de secondarisation. De
même, il est rarement observé de dissociation intrapsychique. Si l’on observe une hétérogénéité
de l’organisation moïque de ses patientes, bien souvent il n’y a pas d’altérations de la perception
de la réalité globale même si celle-ci est distordue quant à la perception de l’image du corps
(on parlera plus de dysmorphoesthésie que de dysmorphophobie) et peu de cas présentent une
symptomatologie psychotique ou autistique avérée. Pour l’essentiel, leurs modes de fonctionne-
ment appartiennent à des registres limites ou névrotiques associés dans tous les cas à des failles
narcissiques importantes considérées par certains auteurs comme entrant dans le registre des
pathologies du self. Les formes prépubères sont sans doutes associées le plus fréquemment à
des manifestations schizoparanoïdes pouvant renvoyer à des fixations à la position schizopara-
noïde dans certains cas. Enfin du point de vue de l’ontogenèse du moi, la survenue d’un mode
de fonctionnement autistique ou schizoparanoïde ne signifie pas que ces patientes soient fixées
aux positions primaires correspondantes dans le développement mais à celle qui est en aval. Ainsi
une fixation à la position dépressive est associée à la prévalence des mécanismes de défense
de cette période du développement à savoir les mécanismes obsessionnels et maniaques décrits
par Mélanie Klein [13] mais aussi sous-tendue par des mécanismes schizoparanoïdes lorsque les
mécanismes de défense de la position dépressive ne sont pas ou plus efficients. Cette fixation
ontogénique précoce à la position dépressive se révèle parfois insuffisante pour filtrer totalement
les angoisses schizoparanoïdes de la phase antérieure. Brusset et Jeammet [14] retrouvent dans
certaines situations cliniques, lors de l’hospitalisation et de la reprise pondérale, des moments
psychotiques contemporains du lâcher prise. Ces brefs moments psychotiques lors du lâcher prise
ne signent pas la valeur structurale du fonctionnement mental mais illustrent une régression schi-
zoparanoïde face à un moi à l’organisation précaire dont les mécanismes de défense sont débordés
par la massivité des éléments pulsionnels. Le symptôme anorexique en tant que processus patho-
logique a donc une fonction de réorganisation, voire de protection face à des angoisses archaïques
chez des patients au fonctionnement psychique hétéroclite. Le point commun de ces organisa-
tions moïques très hétérogènes me semble résider dans les failles ou un défaut d’élaboration
de la position dépressive leur permettant néanmoins de s’inscrire dans une relation d’objet
total.
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4. Modalités de relation d’objet intrapersonnelle

Dans le cadre des modalités de relation d’objet intrapersonnelle, nous aborderons suc-
cessivement les défenses obsessionnelles constituées par le verrouillage anal des émergences
pulsionnelles où l’avidité orale est omniprésente puis les défenses maniaques fréquemment
retrouvées chez ces patientes.

4.1. Défenses obsessionnelles et lutte contre l’avidité orale

4.1.1. Les défenses obsessionnelles


Au moment des processus pubertaires qui réactivent la problématique œdipienne et le processus
de séparation-individuation, on assiste en quelque sorte dans l’anorexie mentale à un verrouillage
anal des pulsions. On peut parler dans une certaine mesure d’une obsessionalisation de la réalité
interne et externe. Corcos [1] évoque une prédominance du factuel au détriment de l’affectif avec
un effort « obsessionnel de contre-vie, avec assignation à posséder les choses, pour en être, qui
enferme dans des rituels de maîtrise avec l’illusion d’un pouvoir ». Maria Torok [15] considère que
le contrôle anal de l’intérieur du corps est figuré directement dans l’anorexie mentale. Jeammet
[3] met l’accent sur l’échec précoce des processus d’intériorisation de la relation à la mère et celui
de la fonction de maîtrise de l’analité.
On peut rattacher à l’analité la maîtrise et le contrôle du comportement alimentaire (les rites
alimentaires, la sélection des aliments. . .), du corps (maîtrise de l’image du corps, contrôle du
poids. . .), des relations (ascétisme, refus du plaisir, restriction des relations interpersonnelles. . .).
De même l’hyperinvestissement mécanique et compulsif de l’intellect est à rattacher à une éco-
nomie anale.
Voici quelques exemples de propos de patientes anorexiques restrictives illustrant cette maîtrise
anale.
Eléonore âgée de 13 ans : « Moi, je veux toujours que tout soit comme un emploi du temps
sinon cela ne va pas. . . Sinon cela me gâche la vie à chaque fois qu’il y a quelque chose qui ne
va pas. ».
Lisa, 18 ans : « Le fait de tout contrôler cela me rassure, ça calme mes angoisses, contrôler la
nourriture, de ranger. . . Dès que je range un truc je me sens mieux. ».
Sylvie, 17 ans au cours d’un entretien : Elle me dit « Je suis un petit peu trop carrée », « J’ai
peur d’énerver quelqu’un ». « Je suis une petite fille sage », « je suis trop raisonnable », « j’ai
tendance à penser à ce qui va arriver ».
Elle évoque ses relations avec sa petite sœur à qui elle reproche de se laisser aller et dont elle
envie l’insouciance : « Ma petite sœur j’ai du mal avec elle. On a des caractères opposés. Depuis
petite elle est toujours souriante, elle est bonne vivante comme mon père. Moi je suis sérieuse,
j’étais grande petite. Je sais pas pourquoi j’ai toujours eu besoin de protéger mes parents. Je suis
rangée et ma sœur c’est tout le contraire. La dernière fois j’ai du passer derrière elle pour ranger
dans le salon elle avait tout dérangé. Elle, elle ne se soucie jamais des autres. Quand ma mère
lave les vêtements moi j’aime bien ranger les affaires, ma sœur elle les jette sur son lit ».
Lucie, 16 ans : « Je suis souvent économe, je vis mal que ma mère dépense de l’argent, mon
père c’est pire il dépense sans compter ».
Les mécanismes de défense de type obsessionnel tels que les formations réactionnelles ont pour
rôle d’éviter le lâcher prise et de se laisser submerger par les émergences pulsionnelles. Derrière les
barrières obsessionnelles : l’ordre, l’économie, la méticulosité et le perfectionnisme on entrevoit
O. Guilbaud / L’évolution psychiatrique 77 (2012) 121–144 131

les fantasmes sadiques agressifs sous-jacents difficilement élaborables. Pour Brusset et Jeammet
[14] « les pulsions agressives ou plus exactement ambivalentes transparaissent généralement
derrière les formations réactionnelles et les activités réparatrices : sollicitude anxieuse pour la
mère. . . ». Même si les troubles obsessionnels compulsifs ne se retrouvent que dans un quart
des cas d’anorexie mentale restrictive [16], le tableau clinique restrictif est souvent associé à
un mode de fonctionnement psychique caractérisé par la prévalence des mécanismes de défense
relevant d’une économie anale. Les formations réactionnelles en permettant d’aller à contre-
sens du désir refoulé aboutissent à la répression des affects négatifs (qui peut donner l’aspect
d’un fonctionnement alexithymique), ou bien à la paralysie de l’expression de l’agressivité. Elles
constituent une modalité de réparation compulsive de l’objet de peur de l’avoir endommagé. Il y
a quelque chose d’un fantasme de la toute puissance de la pensée, une sorte de pensée magique
à l’œuvre dans l’obsessionnalité anorexique. Elle est caractérisée par une peur que les fantasmes
sadiques se réalisent dans la réalité. Ainsi la dimension anaclitique observée chez ces patientes
ou leurs angoisses de séparation massives peuvent s’entrevoir à la fois comme la résultante d’une
organisation trouée ou vacuolaire du moi peu structurée mais aussi comme une façon d’éviter
d’être confronté à sa propre destructivité imaginaire. Le collage spéculaire à l’objet permet de se
rassurer sur le fait que les parents résistent à la destructivité fantasmatique du moi. La séparation
menace le sujet d’être confronté à son ambivalence pulsionnelle et à un surmoi archaïque source
d’angoisses et de culpabilité. Cette culpabilité c’est bien sûr la culpabilité d’avoir endommagé
l’objet avec la peur que celui-ci exerce des représailles sur le moi.
Pour illustrer cette dimension clinique, je présenterai le cas d’une patiente que j’ai été amené
à suivre. Elisa a 17 ans. Elle a été hospitalisée à plusieurs reprises pour une symptomatolo-
gie anorexique restrictive pure sévère. Cette patiente dont la symptomatologie anorexique était
par certains aspects assez caractéristique : hyperinvestissement scolaire, hyperactivité physique
et anorexie restrictive pure présentait dans ses antécédents familiaux d’autres éléments plus aty-
piques et rares : notamment des antécédents des troubles psychiatriques sévères chez la mère ayant
nécessité des hospitalisations à plusieurs reprises dans l’enfance d’Elisa. L’animosité d’Elisa à
l’égard de sa mère dans l’enfance s’est transmuée à l’adolescence en une relation fusionnelle avec
un fonctionnement en miroir mère–fille. L’une l’autre se sentant responsable de l’état dépressif
de l’autre. L’une l’autre contenant la douleur de l’autre. Lors de sa première hospitalisation en
raison d’un épisode anorexique sévère, on notait chez Elisa des difficultés à exprimer son agressi-
vité et ses sentiments négatifs, ceux-ci semblant ne pouvoir s’exprimer que dans l’investissement
d’un statut de victime au travers d’une position masochiste. Son incapacité à intégrer ses senti-
ments ambivalents à l’égard de l’objet primaire et la grande culpabilité qu’il générait poussait
Elisa à retourner son agressivité contre elle-même. Elle sera réhospitalisée quelques mois plus
tard en raison d’une anorexie devenue gravissime de par l’importance de l’amaigrissement et ses
conséquences somatiques. Durant l’hospitalisation, elle fera un geste suicidaire et avalera un gros
médaillon que sa mère lui avait prêté et qu’elle arborait en guise de pendentif. Dans ses entretiens
avec les médecins Elisa se décrira comme ayant deux personnalités l’une positive et l’autre néga-
tive (destructrice) qui l’entraîne dans l’autodestruction. Si je présente cette observation, c’est que
la problématique mélancolique me semble entrer en écho avec les difficultés d’Elisa à intégrer
son ambivalence pulsionnelle à l’égard de l’objet maternant ne semblant pouvoir s’exprimer que
retourné contre elle dans son corps comme lieu de figuration des conflits psychiques et comme
pivot identificatoire pathologique. Rollins et Bakwell cités par Brusset et Jeammet [14] avaient
noté lors d’une reprise alimentaire trop brutale « l’apparition d’états d’anxiété aiguë avec craintes
que les parents soient morts, voire d’idées suicidaires par peur de ne pouvoir contrôler leurs sen-
timents agressifs contre la famille ». Ainsi les fantasmes sadiques oraux à l’endroit des figures
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parentales qui n’ont pu être intégrés s’expriment par un retour dans le corps où la dimension de
l’oralité semble prévalente dans les passages à l’acte.
La dimension anaclitique et le collage spéculaire ont un rôle de pare-excitation de la destructi-
vité à l’égard de l’objet. D’une certaine façon, comme l’écrit Mélanie Klein dans l’Orestie6 , l’accès
au symbole constitue le meurtre psychique de la mère. Lorsque le sujet, au moment de la position
dépressive, intègre la dimension symbolique, il peut se passer de la mère, il peut s’autonomiser
sans avoir à rendre des comptes à un surmoi archaïque vengeur qui n’est rien d’autre que la réintro-
jection de sa destructivité projetée. Il me semble qu’Elisa exprime de manière manifeste ce qui est
latent chez d’autres patientes restrictives. Si chez les patientes anorexiques cette problématique est
rarement actée, cela ne veut pas dire que ces fantasmes ne sont pas opérants et ne surdéterminent
pas pour autant leur comportement et leur mode de fonctionnement. La difficulté à translaborer
(working through) la position dépressive et donc à effectuer le deuil originaire d’où naît le moi,
c’est-à-dire l’incapacité à réaliser le matricide psychique, aboutit au recours aux mécanismes de
clivage et d’identification projective du fait de l’incapacité à élaborer des sentiments ambivalents
et du fait de la résurgence des angoisses paranoïdes. Pour se protéger de la destructivité originelle
et de l’intense culpabilité qu’elle générait, Elisa était obligée de cliver ses représentations. Il y
avait une bonne et une mauvaise Elisa qu’elle appelait la « destructrice ». Ce clivage à l’œuvre
chez Elisa évoque le clivage des représentations chez les patientes anorexiques. Un clivage qui
porte sur la nourriture mais qui n’est pas sans évoquer le clivage précoce réalisé par le nourrisson à
l’égard du sein maternel : bon sein/mauvais sein ; bonne mère/mauvaise mère et qui dans une cer-
taine mesure se retrouve transposé chez les patientes anorexiques sur le corps avec le couple corps
maigre/corps gros, aliments peu caloriques/aliments très caloriques. Bychowski [18] a évoqué le
clivage entre la bonne et mauvaise nourriture comme inductrice du clivage du Soi corporel.

4.1.2. La lutte contre l’avidité orale


Mélanie Klein écrit dans Envie et gratitude7 que « l’envie est une manifestation sadique-orale
et sadique-anale des pulsions destructives, qu’elle intervient dès le commencement de la vie
et qu’elle a une base constitutionnelle ». Elle est inhérente à l’avidité orale. Elle considère que
« L’avidité est la marque d’un désir impérieux et insatiable, qui va à la fois au-delà de ce dont le
sujet a besoin et au-delà de ce que l’objet peut ou veut lui accorder. Au niveau de l’inconscient,
l’avidité cherche essentiellement à vider, à épuiser ou à dévorer le sein maternel ; c’est-à-dire que
son but est une introjection destructive ». Klein8 illustre l’envie par cette citation de Shakespeare
dans Othelllo qui décrit la « jalousie » mais c’est bien de « l’envie » dont il s’agit. « O Seigneur,
prenez garde à la jalousie ; C’est le monstre aux yeux verts qui nargue la chair même dont il se
repaît. . . ».
Dans l’anorexie mentale, il s’agit de se prémunir ou d’anticiper les attaques vengeresses de la
figure maternelle face à son envie, aux représailles d’un surmoi maternel archaïque sur le modèle
de la névrose obsessionnelle décrit par Mélanie Klein. Selon Mélanie Klein [13], la thésaurisation
(la collectionnite) obsessionnelle consiste à accumuler des objets pour se prémunir des représailles
maternelles. Chez Mélanie Klein, être vide est l’effet de la rétorsion et de la culpabilité d’avoir
voulu vider l’objet. Dans l’anorexie mentale, l’économie psychique semble participer du même
principe inconscient : Je n’ai rien mangé, je ne lui ai donc rien pris, je n’ai donc rien à craindre

6 Klein M. Réflexions sur l’Orestie. (1963). In : Envie et gratitude et autres essais, ([17], pp. 189–219).
7 Klein M. Envie et gratitude. In : Envie et gratitude et autres essais, ([17], pp. 13–93).
8 Klein M. Envie et gratitude. In : Envie et gratitude et autres essais, ([17], pp. 20).
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en retour. Cela participe à mon sens d’une stratégie défensive de la série obsessionnelle pour
se protéger de son avidité orale et des représailles que l’objet pourrait faire poindre sur le moi.
Autant dans la boulimie les patientes décrivent des « envies de se remplir le ventre » souvent
suivies de culpabilité, autant l’anorexie semble une lutte constante contre ses envies par le ver-
rouillage anal de son avidité orale sur le corps. La destructivité sous-jacente à l’envie primaire
du sein n’a pu être élaborée du fait de l’absence de constitution d’un suffisamment bon objet
interne, de base suffisamment sécure, pour pouvoir surmonter la culpabilité liée à son avidité
orale.
Véronique âgée de 18 ans est une patiente suivie pour une anorexie-boulimie évoluant depuis
quatre ans. Elle a la manie de collectionner les bouteilles en plastique. Chez ses parents, elle
les remplit de vomi et les range dans le placard de sa chambre tandis que dans sa chambre de
résidence universitaire les bouteilles en plastique restent vides et sont étalées sur les étagères
de son armoire. Alors qu’elle n’arrivait plus à faire face à ses difficultés, ce qui se caractérisait
par l’incapacité à pouvoir mettre en ordre sa chambre, elle fit venir ses parents qui découvrirent
une chambre décrite comme « un véritable cloaque ». Ses parents l’aidèrent à ranger sa chambre
puis ils lui proposèrent de jeter les bouteilles en plastique contenues dans son armoire ce que
Véronique accepta bon gré mal gré. Elle me fit part un jour de ses sentiments contradictoires
en entretien : « Je n’ai pu m’y opposer cela m’a aidé car je n’aurai jamais pu le faire seule
mais cela m’a déstabilisé ». À la question de savoir ce que représentaient ces bouteilles, elle me
répondit : « Ces bouteilles en plastique c’est ma face obscure, mon anorexie ou ma boulimie, une
partie de moi. Les bouteilles pleines de vomis, c’est mon enfance que je vomis pour dire à mes
parents que j’ai peur de grandir ». À ma demande d’expliciter le lien qu’elle faisait entre son
enfance qu’elle vomissait et sa peur de grandir, elle me répondit « C’est quelque chose de mon
enfance. . . je mets cela en rapport avec l’enfant qui est mort avant ma naissance. C’est comme
s’il m’avait empêché de grandir. . . C’est un peu comme si j’avais cet enfant en moi comme s’il
me hantait. . . ». Sans revenir sur son histoire familiale, cette collectionnite isolée (puisqu’elle ne
présentait aucun autre rituel ni de signes cliniques obsessionnels) était à mon sens, sous-tendue
par des sentiments ambivalents. Le placard était-il devenu une métaphore de son propre corps et
celui de l’objet primaire total permettant l’expression des sentiments ambivalents tout en étant
délié de la représentation inconciliable ?
Dans la boulimie où les patientes se laissent aller à des fantasmes de dévoration orale dans
un lâcher prise qui les angoisse, la culpabilité ou le remords après la crise vient manifestement
d’avoir perdu le contrôle. De manière latente et fantasmatique, cette culpabilité renvoie au fait
de s’être laissée aller à exprimer une destructivité à l’égard du corps maternel. Le vomissement
peut alors être perçu à la fois comme une façon d’exprimer ses fantasmes sadiques agressifs à
l’égard de l’objet au travers d’un processus d’excorporation du bol alimentaire et comme une
façon de réparer le mal fait à l’objet primaire internalisé en lui restituant tous les bébés qui lui
ont été volés. Faut-il y voir un comportement réparateur dont le but inconscient est de soulager
des angoisses liées aux fantasmes d’avoir englouti tous les bébés contenus dans le corps de la
mère ? Cela suppose la persistance de fixation du moi au stade sadique oral. La problématique de
l’ambivalence pulsionnelle face à l’avidité orale est un élément déterminant dans l’anorexie men-
tale et la boulimie. La problématique orale de ces patientes semble reposer sur ce questionnement :
peut-on garder sa mère après l’avoir mangée ? Le bon objet interne ne sera-t-il pas endommagé ?
On retrouve ainsi des fixations prééminentes du moi à la phase sadique-orale avec son cortège de
fantasmes oro-cannibaliques.
Dans « l’Agressivité et ses racines » [19], Winnicott en faisant référence aux parents combinés
de Mélanie Klein écrit « Toutefois, à l’origine, c’est le bon objet, le corps de la mère, qu’il
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est excitant de mordre et qui donne envie de mordre. La nourriture devient donc le symbole
du corps de la mère, de celui du père et de toute autre personne aimée ». Winnicott [19] écrit
aussi « Qu’il est difficile d’aimer tendrement sa mère et d’avoir envie de la manger ». Courchet
[20] pense qu’incorporer et manger, c’est aimer, tuer ou mourir. Le fantasme central à l’œuvre
dans l’anorexie mentale est un fantasme cannibalique oral qui montre la prévalence des fixations
du moi au stade oral de l’Œdipe. Celui-ci génère une culpabilité qui ne peut être surmontée
du fait de la non constitution d’un suffisant bon objet interne permettant d’apaiser le sadisme
d’un surmoi précoce. Ce fantasme renvoie aux fantasmes éprouvés par le nourrisson dans les
toutes premières phases du développement. « Je connais un nourrisson, né avec une incisive
inférieure, qui aurait donc pu lacérer le mamelon. En fait, il a failli mourir de faim parce qu’il
cherchait à protéger le sein. Au lieu de mordre le sein, il mâchonnait l’intérieur de sa lèvre
inférieure, allant jusqu’à provoquer une plaie » écrit Winnicott [19]. Mélanie Klein9 considère
que « la peur d’absorber des substances destructrices, dangereuses pour l’intérieur du corps, est
paranoïaque, alors que la peur de détruire les bons objets extérieurs en mordant et mâchant, ou
de mettre en danger le bon objet intérieur en y introduisant du dehors des substances mauvaises,
est de nature dépressive ». Dans l’anorexie mentale, on est confronté à une volonté d’épargner
l’objet primaire en le préservant de sa destructivité orale. À la phase orale, l’amour signifie,
d’un point de vue fantasmatique, manger l’autre et plus particulièrement lors de la relation à des
objets partiels : manger le sein ou le pénis contenu dans le sein maternel. C’est comme s’il y
avait à l’adolescence du fait de la réactivation des problématiques œdipienne et de séparation-
individuation une régression à un point de fixation à la phase du sadisme oral qui est associée à
une majoration des angoisses de castration féminine et des angoisses paranoïdes sous-jacentes.
Pour autant, les cas d’anorexie du nourrisson sont rares dans les antécédents des adolescentes
souffrant d’anorexie mentale. Il peut y avoir eu fixation à un stade précoce sans pour autant que
la symptomatologie ait été patente lors des phases précoces du développement. Elle n’apparaît
que lorsque le conflit devient manifeste et que les mécanismes de défense du sujet ne sont plus à
même d’endiguer les conflits psychiques sous-jacents, dans l’après-coup pubertaire. Néanmoins,
des cognitions anorexiques sont fréquemment retrouvées dans l’enfance des adolescentes ayant
souffert d’anorexie notamment restrictive. Elles sont souvent d’autant plus intenses que l’anorexie
a été prépubère. Une cognition assez fréquemment retrouvée est une forme de phobie de la viande
qui n’est que rarement isolée. Il ne s’agit pas d’une phobie de la viande isolée sous-tendue par
des motifs culturels, philosophiques ou écologiques mais elle s’intègre au sein d’un cortège de
cognitions anorexiques et de troubles de l’image du corps infraclinique. Faut-il voir dans les
cognitions anorexiques de la petite enfance notamment la phobie de la viande retrouvée chez un
certain nombre de ces patientes une manière de se protéger des fantasmes cannibaliques à l’égard
de l’objet primaire ?
Une patiente anorexique restrictive me dit « moi, depuis l’âge de sept ans, je ne mange pas de
viande, je suis végétarienne ».
Lydie, 14 ans : « D’un côté ma mère elle surveille sa ligne et moi je mange aussi des trucs
allégés ». « Toute manière depuis que je suis petite je n’aime pas les aliments gras, les viandes. . . ».
Sandrine, 14 ans : « Depuis que je suis petite j’ai toujours eu horreur des viandes, c’est le sang
dans l’assiette que je n’aime pas. À la rigueur je mangeais des viandes blanches mais jamais les
viandes rouges. À présent je ne mange quasiment plus de viande. . . ».

9 Klein M. Contribution à l’étude de la psychogenèse des états maniaco-dépressifs (1934). In : Essais de psychanalyse,

([7]. pp. 311–40).


O. Guilbaud / L’évolution psychiatrique 77 (2012) 121–144 135

Corinne, 19 ans : « Quand j’étais petite j’étais difficile dès 3–4 ans, je n’aimais pas la viande,
le lait et le chocolat ». « Il fallait que ma viande soit parfaitement saine, c’est-à-dire sans gras
ni tendons ». « Ma mère est comme cela. Il n’y a que mon père qui est cannibale ». « Il adore la
viande ». « S’il y avait un repas sans viande il serait capable de nous manger », me dit-elle en
riant à moitié. « Il ronge la viande jusqu’aux os. Quand j’étais petite il me faisait peur. ».
Il y avait dans les représentations de cette patiente quelque chose ayant trait à la phase orale
de l’œdipe décrite par Klein10 . On peut aussi y voir une identification projective de ses propres
fantasmes sadiques oraux sur la figure paternelle. Dans une certaine mesure, la phobie de la viande
dans l’anorexie peut être sous-tendue par des représentations ayant trait au stade précoce du conflit
œdipien. Ces représentations sont souvent associées à des angoisses de représailles maternelles
sous la forme d’une oralité dévorante (surmoïque archaïque) rappelant la figure mythique des
Erinyes11 .
Mélanie Klein écrit : « À mesure qu’un enfant (ou un adulte) s’identifie plus pleinement avec
un bon objet, l’appétit libidinal augmente ; il ressent un amour plein d’avidité et éprouve le désir
de dévorer cet objet »12 . Or l’angoisse majeure chez ces patientes est de voir l’avidité détruire
l’objet et cela d’autant plus que celui-ci est vulnérable ce qui ne fait que redoubler l’agressivité
à son égard. Selon Klein [7] : « L’angoisse de voir l’avidité détruire l’objet si l’on donnait libre
cours à l’amour peut constituer une autre raison de réprimer les pulsions amoureuses ». À mon
sens, contrôler sa faim devient une manière fantasmatique de préserver l’amour maternel alors que
celui-ci est sérieusement mis en danger par les attaques fantasmatiques de l’enfant. Dans la pensée
de l’enfant, les figures parentales ne sont pas à même de supporter ses attaques fantasmatiques et
le rejet de la nourriture (comme figure du non-sein) devient de manière pervertie une tentative de
maintenir en soi un bon objet interne tout en affirmant son autonomisation. Jeammet [3] considère
que le contrôle de la faim sous la forme d’une restriction alimentaire volontaire est une manière
de nier la dépendance à l’objet et de préserver un semblant d’autonomie face à la menace que la
perte de l’objet fait porter sur le moi.
Selon Mélanie Klein, « Pendant les tous premiers mois de son existence, le nourrisson dirige
ses tendances sadiques non seulement contre le sein de la mère, mais aussi contre l’intérieur
de son corps : il désire l’évider, en dévorer le contenu, le détruire par tous les moyens que le
sadisme propose »13 . La question reste de savoir si dans les fantasmes à l’œuvre dans l’anorexie
mentale, le corps de l’anorexique ne constituerait pas le substitut du corps de la mère dans un
processus d’incorporation cannibalique de l’objet primaire. Le corps attaqué et fantasmé est le
corps de la mère mais la destructivité primaire s’exercerait sur le corps de la patiente comme
substitut de l’objet primaire. La conception de Jeammet [21] des fantasmes d’englobement où
mère et fille apparaîtraient comme des « poupées-gigognes » se contenant l’une l’autre et celui
du « corps pour deux » de Mc Dougall [22] me semblent heuristique à cet égard. Ce fantasme
d’englobement fruit de l’incorporation orale ne permet plus de savoir qui est l’objet et qui est le
sujet. Cette confusion dans la relation mère–fille, ce « corps pour deux » ne signifie nullement
qu’il y a une confusion psychotique entre les deux (hormis dans les formes graves). Selon Brusset
[23], dans certaines formes d’anorexie, il y a « un fantasme régressif d’un lien fusionnel avec la

10 Klein M. Les stades précoces du conflit œdipien (1928). In : Essais de psychanalyse, ([7], pp. 229–41).
11 Dans la mythologie grecque, les Erinyes ou « déesses infernales » (Tisiphoné, Alecto et Mégère) sont des divinités
vengeresses qui châtient sans relâche les hommes pour leurs péchés. Elles furent nommées Furies par les Romains.
12 Klein M. Contribution à l’étude de la psychogenèse des états maniaco-dépressifs (1934). In : Essais de psychanalyse,

([7]. pp. 311–40).


13 Klein M. Les stades précoces du conflit œdipien (1928). In : Essais de psychanalyse, ([7], pp. 229–41).
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mère, d’un corps à corps, peau à peau, et d’un lien passionnel avec une fantasmatique d’inclusion
réciproque, d’indifférenciation ou de dévoration ». Brusset [23] évoque un transfert sur la conduite
alimentaire et sur la perception du corps des conflits intrapsychiques en deçà d’une mise en scène
fantasmatique. Leur propre corps devient un substitut du corps de la mère et un lieu de figuration
des conflits psychiques notamment en ce qui concerne l’ambivalence pulsionnelle non intégrée.
En se nourrissant peu, en se laissant mourir de faim petit à petit et en asséchant tous les bébés
virtuels contenus dans leur ventre, ces patientes anorexiques semblent faire subir inconsciemment
les pires avanies au corps maternel tout en exprimant de manière subconsciente une volonté de se
préserver des représailles d’un surmoi sadique œdipien prégénital face à leurs fantasmes de voler
le pénis et les bébés contenus fantasmatiquement dans le corps de leur mère.
Une patiente, en entretien, m’a fait un joli lapsus, lorsque j’évoquai avec elle l’aide que lui avait
apportée son hospitalisation, elle me répondit : « cela n’a rien fait d’autre que de m’engrosser ».
Lorsque je repris ces termes pour lui faire remarquer, elle resta stupéfaite pendant plusieurs
secondes puis me rétorqua : « vous avez bien compris, me faire grossir ».
Une autre me fit part de ses craintes de voir son ventre grossir quand elle mange. Elle fit le lien
spontanément avec un équivalent de grossesse : « Si je mange cela me salit de l’intérieur, cela me
fait grossir. J’ai l’impression que quand je mange un truc cela se voit dans mon ventre. Après j’ai
l’impression que les gens vont dire que je suis enceinte. J’ai dit à ma mère tu crois que je suis
enceinte de combien de mois ». Quand je lui ai demandé de préciser ce qu’elle entendait par là,
elle me répondit : « je lui dis vu la taille de mon ventre, cela correspond pour toi à quelle période
de ta grossesse quand tu étais enceinte de moi ».
Fréquemment on retrouve chez ces patientes la coexistence de traits génitaux et prégénitaux
œdipiens. Les représentations liées à la sexualité sont souvent réprimées car sources d’une intense
culpabilité liée aux fixations prégénitales œdipiennes. La patiente Elisa citée précédemment me
disait en entretien : « À la puberté j’ai eu peur d’avoir des formes, de devenir femme. J’ai eu peur
d’avoir des enfants et de prendre du poids. On a un ventre tout rond et après quand le bébé est né
on ne sait pas si on va reprendre le poids. Remarque ma mère après son accouchement elle a tout
perdu. Moi j’ai peur de tout garder. . . ». Chez cette patiente le premier plan du discours renvoyait à
la prise de poids tandis que l’arrière plan renvoyait aux bébés contenus dans le ventre de la mère. La
question est de savoir de qui sont les bébés fantasmés par la patiente ? Problématique œdipienne ou
complexe d’œdipe précoce ? C’est aussi le poids de la génitalisation des pulsions à l’adolescence
qui favorise la régression vertigineuse. Cette régression peut s’apparenter parfois à une destruction
psychotique d’une situation œdipienne. Parmi les craintes liées à la culpabilité d’avoir endommagé
fantasmatiquement l’objet il y a la peur imaginaire des représailles dirigées contre le corps de la
patiente ce qui réactive les angoisses persécutives de la position schizoparanoïde : la peur d’être
punie et dépouillée par les figures parentales, les procédés de clivage et d’identification projective
s’en trouvent renforcés.
Une patiente anorexique restrictive, Isabelle, âgée de 18 ans me faisait part d’angoisses para-
noïdes. Elle avait peur qu’il y ait une « bombe dans le placard », même si elle reconnaissait le
caractère pathologique de ses peurs, elle éprouvait toujours le besoin de vérifier qu’il n’y avait
rien dans son placard avant d’aller se coucher. En dépit d’angoisses de déréalisation importantes
lors de la reprise pondérale en milieu hospitalier, on ne notait pas de signes cliniques psycho-
tiques : ni dissociation, ni troubles du cours de la pensée, ni délire, ni froideur, ni repli. Derrière
ses éléments paranoïdes est très vite apparue une problématique œdipienne avec des éléments
prégénitaux notamment au travers du matériel onirique livré en entretien. Un jour me dit-elle,
« dans mes rêves il y a toujours mon corps, ma mère et la nourriture » puis elle me raconte un
rêve « J’étais avec ma mère et on cherchait des petits gâteaux à la kermesse, moi, je ne voulais
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pas les goûter, ma mère elle en a goûté ». Au début des consultations, elle avait tendance comme
beaucoup de patientes à se focaliser sur des éléments factuels en décrivant ses sensations corpo-
relles : « J’ai l’habitude de voir mon ventre toujours plat et je n’aime pas qu’il gonfle, j’ai mon
estomac rempli alors que je souhaiterai qu’il soit vide ». Progressivement, le matériel onirique
a laissé transparaître une problématique œdipienne avec un surmoi d’une grande sévérité. « J’ai
fait un rêve où un ami essayait de me draguer dans une boîte. Puis sa mère me disait que son fils
(l’ami en question, ndlr) était mort ». Quand je lui demandais ce qu’évoquait ce rêve pour elle,
elle me répondit « j’ai envie de prendre mes distances avec ma mère c’est comme si j’avais un
policier derrière mon dos ». La figure maternelle apparaissait dans ses représentations à la fois
comme une figure interdictrice castratrice et à la fois comme une rivale, ce qui n’était pas sans sus-
citer culpabilité et peur inconsciente de représailles. Son surmoi particulièrement sadique pouvait
expliquer la coexistence d’angoisses paranoïdes dont elle reconnaissait le caractère pathologique
(peur qu’il y ait une bombe dans son placard, dans le métro, de se faire agresser dans la rue)
avec des éléments d’un registre névrotique. Peu à peu, au cours de la prise en charge les éléments
archaïques ont laissé place à des éléments nettement plus œdipiens comme dans ce rêve qu’elle
me raconta. Elle partait en voyage avec son père mais après avoir tourné en voiture dans sa ville
y renonça pour aller manger avec son père au restaurant. Dans le matériel diurne, la veille de son
rêve, elle se souvenait être allée au restaurant avec ses deux parents.

4.2. Les défenses maniaques

Selon M. Klein14 , les défenses maniaques agissent en liaison étroite avec les défenses obses-
sionnelles de telle sorte que l’échec répétitif de la réparation pousse le moi à recourir sans cesse
aux défenses maniaques et obsessionnelles. Le développement normal de l’enfant et son aptitude
à aimer semblent dépendre, dans une large mesure, de l’élaboration de la position dépressive. Les
défenses maniaques sont caractérisées par la négation de la souffrance, l’idéalisation du soi et la
disqualification de l’objet face à l’incapacité à faire le deuil de l’objet primaire et à la dépendance
massive à son égard forcément persécutrice pour le moi. Les défenses maniaques sont associées à
un sentiment de toute puissance avec une tentative de maîtrise, de contrôle et de satisfaction sadique
à vaincre ou à humilier l’objet. Dans l’anorexie mentale, on retrouve la négation de la souffrance
(de la sienne comme celle provoquée chez autrui) et l’idéalisation d’un soi grandiose incarné par
la maîtrise totale et l’emprise sur son propre corps comme substitut du corps maternel. C’est le
cas des patientes qui souhaitent contrôler l’alimentation de leurs parents alors qu’elles-mêmes ne
s’alimentent que très parcimonieusement. Ce pouvoir d’emprise que l’on observe fréquemment
appartient à mon sens aux défenses maniaques. De même, le déni des troubles et de sa propre
souffrance assortis d’un mépris à l’égard de celle de l’entourage proche me semble relever de
ce type de défense. Les défenses maniaques correspondent au désir de triompher d’autrui et en
particulier des parents, d’avoir un pouvoir sur eux. Selon Brusset [23], l’échec de l’élaboration de
la position dépressive renforce également le recours à des mécanismes de défense plus archaïques
appartenant à la position schizoparanoïde : « les difficultés d’élaboration de la position dépressive
et du deuil originaire suscitent le recours, d’une part, aux mécanismes de clivage et de projec-
tion et, d’autre part, aux défenses maniaques et à la position d’omnipotence violente ». L’aspect

14 Klein M. Contribution à l’étude de la psychogenèse des états maniaco-dépressifs (1934). In : Essais de psychanalyse,

([7]. p. 311–40). Klein M. Le deuil et ses rapports avec les états maniaco-dépressifs (1940). In : Essais de psychanalyse.
([7], pp. 341–69).
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destructeur des défenses maniaques et de pseudo-réparation des défenses obsessionnelles, ainsi


que leur prévalence, empêche toute élaboration du travail de deuil et par conséquent du processus
d’autonomisation réactivé à l’adolescence.

5. Modalités de relation d’objet interpersonnelle

Après avoir passé en revue les fantasmes et les mécanismes de défense sous-jacents aux conflits
intrapsychiques observés dans l’anorexie mentale, je me propose de revenir sur certaines carac-
téristiques du mode de relation d’objet interpersonnelle et notamment sur l’organisation de la
personnalité et de la notion de self. Bon nombre d’auteurs ont insisté sur l’organisation en faux-
self des adolescentes anorexiques. En effet, il y a une part proéminente du faux-self qui vient
masquer la réalité interne de ces patientes. Une part d’elle-même dont les patientes semblent
coupées et qui fait retour à travers le symptôme. Comme si elles n’avaient accès à leur self qu’au
travers de l’expression symptomatique qui reste néanmoins déliée des représentations mentales.
Le self renvoie au sentiment d’exister et d’identité. Selon Winnicott [24], le self est en quelque
sorte un héritier du holding et des interactions précoces. Pour Winnicott le vrai self est le moi
maturé qui se constitue au-delà du cinquième mois lors de l’élaboration de la position dépressive.
Il est une émanation initiale du ça et des processus primaires. Aux exigences initiales du ça
et des pulsions infantiles d’autoconservation, la mère répond de manière adaptée et en phase
(préoccupation maternelle primaire) de telle sorte que le bébé a l’impression de créer l’objet
primaire partiel : le sein. Cela renforce son moi et son sentiment d’omnipotence et lui permet
d’accepter la frustration de manière sécure. Pour Winnicott [24], seul « le vrai-self peut être
créateur et seul le vrai self peut être ressenti comme réel ». Winnicott [24] décrit le faux-self
comme celui qui « masque la réalité intérieure de l’enfant ». Dans cette configuration, la mère
initialement n’a pu rendre effective l’omnipotence du nourrisson. La préoccupation maternelle est
partielle ou non opérante. À la place du besoin du bébé, la mère lui substitue le sien ce qui génère
une attitude de soumission du bébé. Cette soumission est la toute première étape du faux-self
selon Winnicott. La fonction du faux-self est de masquer le vrai-self afin de le protéger. C’est la
partie du moi branchée sur les exigences extérieures auxquelles le moi est contraint : obéissance,
soumission, conformisme, adaptation. . . Winnicott [24] a évoqué différents degrés de faux-self
allant du faux-self physiologique ou faux-self social (faux-self défensif de compromis face aux
exigences sociales et externes) au faux-self caractérisé par le clivage complet du sujet avec son
vrai-self auquel le sujet n’a pas accès. Dans ce dernier cas, le sujet confond son faux-self avec son
self et c’est le faux-self qui est réel pour les observateurs. Le sujet fait « semblant d’être réel ». Il y a
une dissociation entre le faux-self et le vrai-self. Une dissociation qui peut porter sur la séparation
entre le soma et la psyché. « Il y a une perturbation du sentiment d’exister ». Les organisations
dites limites de la personnalité qui tendent à s’accrocher au percept au détriment de l’affect et
de sa représentativité y ont été rattachées. Selon Jeammet [25], la conduite anorexique est une
conduite antipensée et antireprésentationnelle et tend à favoriser le surinvestissement du domaine
des sensations liées à l’extériorité afin de se dégager de la dépendance aux objets et du risque de
dépression qui lui est attachée. Le self des patientes anorexiques apparaît clivé de leur vrai self et de
leur aspiration narcissique authentique. La dimension de soumission aux exigences de l’entourage
proche apparaît prévalente montrant la sévérité du surmoi auquel elles sont contraintes. Brusset
[23] écrit « Le spectre de l’identité est restreint par cette contrainte qui correspond au faux-self,
c’est-à-dire, comme nous l’avons vu, au clivage du self ». Corcos [1] évoque chez ces patientes
un « développement d’autoérotismes non nourris de l’objet physiquement et psychiquement ». Il
rajoute qu’il « ne s’agit pas d’un sentiment d’être, le sujet dépendant va trouver sa continuité d’être
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(et ce très tôt) dans la continuité du faire : développement frénétique des activités de maîtrise
jusqu’à la maîtrise de ses besoins physiologiques, autosuffisance jusqu’à l’auto-engendrement
d’une image idéale du soi victorieuse sur l’objet ». En somme ces patientes ont besoin de faire
pour être révélant une profonde vulnérabilité narcissique.
Les identifications projectives parentales nécessaires au développement de l’enfant dans sa
construction identitaire peuvent parfois nier le narcissisme primaire de l’enfant l’obligeant à se
soumettre au moi idéal parental projeté en renonçant aux aspirations de son vrai self. J’évoque
l’identification projective parentale au sens bionnien du terme, à savoir le recours à l’identification
projective par les parents pour « rêver » l’existence d’un psychisme chez le nouveau-né. De
manière étroite, ces identifications projectives interagissent avec les introjections identificatoires
du nourrisson.
Corcos [26] souligne l’importance de l’emprise des parents sur l’enfant et la soumission de
l’enfant au désir parental. « Empiètement massif des problématiques parentales sur son espace
psychique interne et sur son corps, utilisation narcissique de sa personne (en tant qu’enjeu)
par l’un ou les deux parents, relation d’emprise plus ou moins manipulatoire ». Souvent les
patientes mettent entre parenthèse leurs aspirations légitimes, leurs désirs d’autonomie de peur
de déstabiliser ou de déplaire à leur entourage et se conforment aux identifications projectives
parentales. Brusset [23] évoque une « sorte d’adhésion entière à l’idéal de la mère pour sa fille
(qui est son propre moi idéal infantile) ».
Y-a-t-il des modalités spécifiques des interactions parents–enfants dans le cadre de l’anorexie
mentale ? Selon les théories de Sours [37] : les modalités de transactions familiales seraient carac-
térisées par une économie anale : notamment par une maîtrise anale des quêtes affectives de
l’enfant. Les gratifications orales et la régression parents–bébé qu’elles nécessitent ne seraient
tolérées que peu de temps pour ne pas dire évitées. Confrontée aux sollicitudes affectives du
bébé, le ou les parents répondraient par la valorisation de la maîtrise et du contrôle. L’enfant
se voit invité à se conformer au style parental valorisant le conformisme social, la performance,
l’ascétisme et le contrôle du plaisir. La dimension ludique et régressive du comportement de
l’enfant est disqualifiée au détriment de la rectitude et du conformisme. Sours [27] décrit des
soins parfaitement adéquats mais accomplis sans plaisir. Les parents ayant tendance à décourager
les mouvements d’indépendance et de séparation tandis que l’enfant a tendance à être soumis aux
désirs parentaux et à investir le corps de la mère plutôt que son self. Selvini [12] évoque la surpro-
tection maternelle, le « surcontrôle de l’enfant, (qui) contrarie ses efforts ultérieurs pour obtenir
du plaisir de son propre corps, et la soumission de l’enfant qui est récompensée ». Pour Torok
[15], le contrôle maternel renvoie au stade anal, stade où la mère a autorité sur l’intérieur du corps
de la fille et s’attire en retour de la part de celle-ci une agressivité exacerbée avec des « fantasmes
meurtriers d’éventration, d’évacuation de l’intérieur du corps maternel, de destruction du lieu et
de la fonction de sa maîtrise ». Kestemberg et Decoubert [28] évoquent aussi un surinvestissement
maternel narcissique avec une survalorisation des performances scolaires et sociales aux dépens
de l’expression des manifestations émotionnelles et affectives.
Derrière l’hyperactivité intellectuelle compulsive des patientes anorexiques souvent décrites
comme brillantes, on retrouve dans bon nombre de cas des angoisses massives de performance
sous-tendue par la peur de ne pas être à la hauteur des idéaux parentaux qu’elles ont introjectés.
L’introjection identificatoire de l’idéal parental de réussite sociale et de performance s’est faite
de manière démesurée comme source d’estime et d’amour de la part de l’entourage montrant
l’organisation en faux-self de la personnalité et la faillibilité de l’objet interne caractérisée par le
manque de confiance en soi. Emilie : « Souvent, je me disais, j’aimerais bien avoir un rhume ou
être malade pour ne pas aller à l’école ». « Je me mettais la barre très haute, avec une amie c’était
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à celle qui réussissait le mieux ». « Je m’enfermais dans mes devoirs et je pesais 35 kilos (pour
1 m 72, ndlr) et je m’enfermais de plus en plus malgré les remarques de mes parents. En classe, je
n’avais plus d’amis, j’étais dans mon truc. » « J’ai perdu la plupart de mes amis à ce moment ».
Lucille qui a toujours été la première en classe jusqu’en seconde a commencé à manifester à
partir de la première S de véritables attaques de paniques à l’idée d’aller en cours avec la « peur
de ne pas être la première, de ne pas être parfaite ». « Depuis tout le temps j’ai des bons résultats,
depuis le CE1, CE2, mais je ne supporte pas l’école. J’ai dû faire un gavage à l’école. Quand
j’étais petite il fallait que tout soit parfait, que je sache tout par cœur. Pour moi l’école c’est
l’enfer. Dès fois je me demande si c’est pour cela que je suis tombée malade au moins quand je
suis hospitalisée je ne vais pas à l’école ».
Ainsi pour un certain nombre de ces adolescentes, l’accomplissement narcissique passe par
le domaine de l’extériorité au détriment de l’intériorité. Dupont et Corcos écrivent [29] « être en
tête de la classe n’est pas une manière d’être la meilleure, mais seulement de calmer un idéal du
moi qui exige du sujet un paiement comptant, quels que soient les effets de la dénutrition. Il ne
s’agit pas d’arrogance, seulement de survivre narcissiquement : il lui faut partout être la première,
être la plus maigre, la plus sportive, la plus active, la plus efficace, la plus irréprochable, “exceller
ou mourir” ». Être aimée signifie être la première, être la plus maigre. Ces patientes présentent
souvent une certaine sagesse apparente avec un côté hyperconforme. On ne peut s’empêcher de
voir une dimension en faux-self coupé du vrai-self du moins jusqu’à la survenue du symptôme
anorexique. Le vrai-self devenant source de menace pour le moi, car l’expression des sentiments
en lien avec le vrai-self fait craindre la perte de l’amour parental et l’irruption de sentiments de
destructivité non métabolisables.
Alors qu’il est fréquemment rapporté dans les dynamiques familiales une dimension d’emprise
et de maîtrise maternelle sur les désirs de l’enfant, les pères sont dépeints comme plus effacés,
moins impliqués dans l’éducation des enfants [30]. Les pères sont souvent décrits par les patientes
comme assez permissifs, voire absents dans l’éducation, laissant volontiers l’autorité éducative
à la mère. Jeammet et al. [31] évoquent la difficulté des pères à assumer une position d’autorité
dans le cadre familial. Les mères doivent souvent assumer leur vie professionnelle, maritale et
familiale tandis que les pères semblent beaucoup moins impliqués dans les tâches ménagères ou
dans l’éducation des enfants. Les mères deviennent aux yeux de l’enfant les garants de l’autorité
éducative et parentale. Les identifications mère–fille ne s’en trouvent que renforcées dans une
configuration triadifiée plutôt que triangulée fragilisant les identifications secondaires à la mère
en tant que femme et rivale œdipienne. Lors d’un entretien avec une patiente et ses parents, ce
type de configuration m’est apparu plus limpide.
Cécile : « Quand on était petits avec mon frère, on n’était pas encadrés, mais ma petite sœur
fait ce qu’elle veut et ma mère elle crie et cela ne fait rien. Tandis qu’un homme il suffit que cela
hausse la voix et on se calme ».
Le père se retourne vers Cécile et dit : « Ta mère cela vaut bien un homme ».
Moi : « Qu’est ce que vous entendez par là ? ».
Le père : « c’est elle qui a l’autorité. Cela servirait à quoi ? ».
La mère : « L’autorité cela catastrophe mon mari ».
Le père : « moi je suis plus sensible c’est tout ».
Il a été évoqué par Agman et al. [32] dans certaines constellations familiales, des pères effacés,
en difficulté pour faire preuve d’autorité et souvent exclus de ce fait de la vie familiale. On
retrouve dans certaines situations père–fille une valorisation inconsciente du corps tubulaire de
leur fille, sans forme féminine. Corcos [1] évoque l’attitude contre-œdipienne des pères comme
une manière d’abraser une fantasmatique incestueuse par le surinvestissement subconscient d’une
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image filiforme du corps de leur enfant. Il a été aussi noté la prévalence de l’identité féminine
chez les pères. Selon Jeammet et al. [31] on note une « attitude contre-œdipienne des pères (qui)
recouvre une identification féminine conflictuelle ».

6. Modalités de relation d’objet intraculturelle

Les conduites de dépendance ne sont pas réductibles aux seules relations d’objet interper-
sonnelle et intrapersonnelle. La dimension socioculturelle apparaît primordiale dans le choix du
symptôme et la nature de la conduite addictive. Dans le déterminisme du trouble, interviennent
à la fois des facteurs psychologiques, généticobiologiques et socioculturels. Si les composantes
généticobiologiques jouent un rôle non négligeables, celle de la culture doit être prise en compte.
On pourrait, pour paraphraser Olivenstein [33] à propos de la toxicomanie, évoquer le déter-
minisme soutendant l’anorexie mentale comme relevant d’une rencontre entre un individu, un
contexte socioculturel et une conduite de dépendance.
Dans une perspective psychanalytique préfigurant la psychiatrie transculturelle, Freud [34]
a évoqué dès les années 1920, le vêtement symptomatologique que la culture pouvait fournir
à l’individu pour exprimer sa souffrance psychique. Ainsi, il entrapercevait derrière le vête-
ment démonologique fournit au moyen-âge par la culture chrétienne en Europe un habillage
des névroses de l’époque. Linton [35] a été l’un des premiers à décrire dans le domaine de
l’anthropologie socioculturelle des « modèles d’inconduites » valorisés par la culture permettant
au sujet d’exprimer sa souffrance psychopathologique. Ce concept a donné naissance aux syn-
dromes liés à la culture ou Culture-Bound syndromes tels que l’Amok et le Latah en Malaisie, les
personnalités multiples aux USA, le Myriatchit de Sibérie, le Brain fog en Afrique de l’Ouest. . .
Certains syndromes propres à une culture ont même été référencés dans le Manuel diagnos-
tique et statistique des troubles mentaux nord-américain (DSM-IV). L’anorexie mentale, bien
que non référencée à ce titre dans le DSM-IV, a été considérée par certains auteurs comme un
syndrome lié à la culture. Le poids des facteurs socioculturels semble donc important à prendre
en compte sur les modalités d’expression symptomatologique de la souffrance individuelle. À la
suite des travaux de Devereux [36], il apparaît que la culture fournit à l’être de culture un habit à
sa souffrance psychique. À travers le corps, la langue, l’éducation, des modèles de conduites et
d’inconduites sociétaux et culturels sont transmis au sujet. Ils vont constituer des vêtures cultu-
relles de l’organisation moïque intégrant les idéaux culturels dont les parents sont les vecteurs.
Bateson et Mead [37] ont émis l’hypothèse que le caractère d’un individu est façonné par sa
culture et notamment par les interactions cumulatives entre les parents et l’enfant. La façon dont
s’articulent la culture et l’individu s’effectue pour une grande part au travers de l’interface fami-
liale. Bateson [38] développera une théorie de l’apprentissage spécifique de l’enfant au travers
des patterns culturels véhiculés par les parents. Ils développent les concepts d’eidos et d’ethos
transmis au travers des processus d’apprentissage précoce. Ces deux concepts correspondent res-
pectivement au tableau des processus cognitifs d’une culture et aux valorisations émotionnelles
d’une culture. Il s’agit du transfert des apprentissages cognitifs et émotionnels des parents à
l’enfant. Le processus d’enculturation aboutit très précocément à l’incarnation de la culture des
parents et des mythologies collectives au sein de l’individu. Il y a un dialogue transférentiel et
contre-transférentiel entre le sujet et sa culture. Pour Roheim [39], la culture permet au sujet de
consolider ses bases sécures, il évoque « les efforts formidables faits par le bébé qui a peur de rester
seul dans le noir » et la place allouée à la culture comme « un gigantesque système d’essais plus ou
moins heureux pour protéger l’humanité contre le danger de la perte d’objet ». En quelque sorte, il
existe une relation d’objet intraculturelle (ou endoculturelle) où le sujet va rejouer et réactualiser
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avec l’objet culture ou le socius une part de ses relations d’objet précoces. Le branchement sur
la culture se fait dès l’accès aux phénomènes de transitionnalité, dans la constitution d’une aire
transitionnelle entre le moi et le non moi marquant la concaténation de l’univers fantasmatique
du nourrisson avec son univers externe. La symbolisation, l’art, les religions et plus globalement
la culture sont issus des processus transitionnels selon Winnicott.
Corcos et al. [40] considèrent que le développement psychique de l’enfant et de l’adolescent
adoptent plus ou moins « le rythme » et « la forme » de l’évolution socioculturelle et qu’il est
influencé par la nature et l’intensité de la pression sociale. Selon Jeammet [41], les modalités
d’intégration de l’écart « narcissique-objectal » à l’adolescence contribuant à la construction iden-
titaire sont étroitement tributaires du socius. Dans les sociétés de consommation et d’abondance,
les mythologies collectives et les images sociales, d’où se nourrit en partie la problématique de
dépendance à une conduite anorexique, semblent valoriser le culte de la minceur et de la per-
formance comme source de bien-être et de réussite. L’idéalisation de la minceur, de l’ascèse et
de l’androgynie chez les patientes anorexiques répond à une soumission aux stéréotypes cultu-
rels avec une valorisation croissante d’un idéal de maîtrise et de contrôle de soi passant par la
valorisation d’un corps mince. Cette soumission aux stéréotypes socioculturels où l’image du
corps occupe une place de pivot identificatoire central se retrouve dans un certain nombre de
constellations familiales où le poids du transgénérationnel se fait ressentir.
On entrevoit les projections identificatoires des problématiques alimentaires parentales sur
l’enfant. Problématiques surdéterminées et valorisées par une dimension socioculturelle. Il s’agit
notamment des situations familiales où l’on note des antécédents de TCA chez les parents ou les
grands-parents. Néanmoins ces situations ne correspondent qu’à moins de 10 % des familles de
patientes souffrant d’anorexie mentale (en ce qui concerne les TCA cliniquement avérés). Strober
et al. [42], dans une étude réalisée chez 60 patientes anorexiques hospitalisées, ont retrouvé chez
les mères une prévalence de vie entière de 8,3 % de TCA avérés contre 1,1 % chez les patientes
hospitalisées indemnes de TCA. C’est donc loin d’être le cas de l’ensemble des constellations
familiales. On retrouve à la fois des facteurs de vulnérabilité génétique et épigénétique. L’ethos
valorisé dans ces constellations familles semble constitué, entre autres, par la valorisation émo-
tionnelle d’un corps mince et svelte comme source d’accomplissement et de réussite personnelle.
L’eidos, processus cognitifs transmis à l’enfant, se caractérise notamment par le surinvestisse-
ment de la maîtrise et du contrôle, l’importance du surinvestissement du domaine du factuel et
du perceptuel. Les exigences narcissiques parentales semblent plaquées sur le socius plutôt que
sur celles de l’enfant avec un surinvestissement des capacités de maîtrise et d’apprentissage de
l’enfant et de sa captation dans le désir de l’adulte au détriment de l’apprentissage de ses besoins
propres et du développement de ses capacités de plaisir autonome ([40], p. 81).

7. Conclusion

Que dire de cette construction théorique à partir de quelques fragments cliniques et faite
dans l’après-coup pubertaire, au détour du symptôme ? Que dire de cette conceptualisation qui
se veut reconstructive des premières interactions ? Qu’elle est d’abord réductrice, biaisée par
le poids du symptôme et l’absence de recul par rapport à celui-ci, même si bon nombre des
vignettes cliniques proviennent de patientes n’étant plus en phase aiguë. De même, il n’y a
pas de typologie spécifique de la relation d’objet en fonction d’un trouble des conduites ou
d’un syndrome psychiatrique. L’ensemble des études cliniques montrent l’hétérogénéité du mode
de fonctionnement mental des patientes souffrant d’anorexie mentale avec néanmoins une plus
grande représentation des organisations limites et névrotiques de la personnalité. Toutefois cette
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conceptualisation des modalités de relation d’objet à l’œuvre dans l’anorexie mentale garde à
mon avis une perspective heuristique en mettant en exergue certaines caractéristiques communes.
Sur le plan psychopathologique, certains traits plus spécifiques de la relation d’objet peuvent se
dégager, d’une part, le surinvestissement de la conduite alimentaire et de l’image du corps comme
lieu de contrôle et de maîtrise des affects et, d’autre part, dans un certain nombre de cas, les pro-
jections identificatoires des problématiques alimentaires parentales sur l’enfant et réciproquement
l’introjection identificatoire chez l’enfant des problématiques alimentaires parentales.
Dans une perspective psychodynamique, je mettrai l’accent sur la difficulté à intégrer
l’ambivalence des sentiments à l’égard de l’objet primaire (notamment l’agressivité) sous-tendue
par un échec relatif de l’élaboration de la position dépressive. Cette incapacité partielle à translabo-
rer la position dépressive est associée à une fixation aux stades précoces du conflit œdipien. Dans
l’hypothèse séduisante d’une fixation aux stades précoces du conflit œdipien des patientes ano-
rexiques, celles-ci payeraient comptant sur leur corps leurs fantasmes sadiques oraux à l’encontre
du corps maternel révélant ainsi la survivance d’un surmoi archaïque et sadique générateur de
culpabilité et d’actes de réparation ad libidum centré sur le corps et la conduite alimentaire. Dans
cette optique de fixation à la phase orale du conflit œdipien liée à une mauvaise élaboration de
la position dépressive, peut-on concevoir la boulimie comme l’équivalent inconscient d’attaques
envieuses dirigées contre le corps maternel et l’anorexie comme une lutte contre ses attaques
génératrices de fort sentiment de culpabilité ? Peut-on concevoir les vomissements boulimiques,
sans en méconnaître la portée sadique-agressive, comme un équivalent inconscient, sous l’emprise
d’une culpabilité œdipienne prégénitale, visant à restituer les bébés imaginaires volés au corps de
la mère ? Du point de vue de l’économie psychique, la conduite anorectique permet au sujet de
verrouiller sur le corps les émergences pulsionnelles (notamment l’avidité orale) et vient palier
l’insuffisance des défenses obsessionnelles et maniaques lors de la réactivation du processus de
séparation-individuation à la puberté.
Enfin, dans une perspective interpersonnelle et intraculturelle, la tentative d’organisation en
faux-self et les valorisations parentales (surdéterminées par des facteurs socioculturels) de la
performance, de l’ascétisme et du surinvestissement de l’image du corps comme lieu de maîtrise
des affects et comme pivot identificatoire central semblent aussi des pistes heuristiques. En ce
sens, l’ensemble des éléments décrits donnent une certaine spécificité et cohérence aux modalités
de relation d’objet intrapersonnelle, interpersonnelle et intraculturelle dans cette pathologie. Cette
conduite de dépendance constituerait une vêture symptomatique surdéterminée par les facteurs
socioculturels, et utilisés par l’adolescent pour tenter d’apaiser ses angoisses de séparation et de
cicatriser ses angoisses schizoparanoïdes aux alentours de la période de la puberté.

Déclaration d’intérêts

L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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