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La mort mentale du professeur Hurt

Pour cette nouvelle, il est conseillé d'avoir vu la trilogie Matrix.

Cela se passait dans la Matrice, quelques années avant la fin de la guerre entre Zion et 01… Le
laboratoire de physique de l'université de Princeton cachait en son sein une unité très spéciale
conduite par le professeur Hurt, prix Nobel de physique pour sa découverte des bosons TPO, trans-
particules-optionnelles, qui pouvaient modifier leur spin en réaction à un champ magnétique de
faible intensité, et surtout qui pouvait communiquer cette modification de spin à d'autres
particules… Personne ne savait encore de quelle force ces bosons étaient les véhicules d'interaction,
mais leur importance n'avait pas échappé au comité de Stockholm… L'unité du professeur Hurt
s'occupait des applications possibles de sa découverte, et de sérieuses pistes s'offraient déjà dans le
domaine de la détection des interactions quantiques spontanées en milieu interstellaire, et dans celui
de l'extraction dirigée de l'énergie du vide…

Aujourd'hui, le professeur paraissait heureux, encore plus heureux que le jour où il apprit qu'il
recevrait la fameuse récompense couronnant les summums de l'efficacité intellectuelle… Mais il
était aussi abasourdi. Son attaché-case au bout du bras, il arpentait d'un pas rapide les couloirs qui
conduisaient aux bureaux de la présidente de l'université… "Madame Tilghman devra aider notre
unité à récolter des fonds plus importants", pensa-t-il, "oui… elle devra nous aider"… En poussant
la porte du bureau, sans attendre l'autorisation de la secrétaire, le professeur Hurt eut la surprise de
trouver la présidente, assise à la place des visiteurs, en conversation avec une dame inconnue qui se
tenait à demi-adossée sur la table…

- Monsieur Hurt, déclara la dame inconnue d'entrée de jeu, nous vous attendions.

Le professeur n'avait plus l'habitude, depuis des années, de s'entendre appeler simplement
"monsieur"… Son ego de prix Nobel accusa une puérile indignation qu'il s'attacha à ne pas laisser
paraître… Quelque part dans ce cerveau aux brillantes capacités intellectuelles, se trouvait un
module neuronal gorgé de morgue hautaine et imbibé d'un sentiment de supériorité qui se cachait
volontiers sous une fausse humilité… Comment être humble avec un QI de 190 ? Comment être
modeste avec un prix Nobel qui soulignait à la face du monde l'évidence d'une puissance
intellectuelle difficile à imaginer ? Qui était cette femme devant laquelle la présidente ne paraissait
pas plus importante qu'une femme de ménage ?

- Où en sont vos recherches ? questionna la dame.


- Qui êtes-vous ?

- Vous n'avez pas besoin de le savoir, répondit sèchement la dame. Vous allez répondre à ma
question ? articula l'inconnue sur un ton glacial.

Le professeur Hurt interrogea du regard la présidente, mais celle-ci baissa les yeux et inclina
légèrement la tête vers le sol… Malgré ses recherches intenses, le professeur se tenait au courant de
certaines choses, et il connaissait très bien la plupart des hommes et des femmes politiques, depuis
les sénateurs jusqu'aux membres du gouvernement… Il chercha rapidement dans sa mémoire, mais
le visage de cette dame ne correspondait à aucune figure politique connue de lui… Scrutant
rapidement la tenue de l'inconnue, il ne trouva aucune indication utilisable pour une quelconque
déduction. La dame portait un tailleur élégant d'un bleu clair, et ses yeux noirs paraissaient contenir
une étrange volonté… Cheveux courts et bruns, corps mince mais au tonus simultanément doux et
ferme, cette femme présentait toute l'apparence d'une nature belle et presque aérienne… mais dans
ses yeux se concentrait une force mentale qui ne pouvait échapper à personne…

La dame intensifia cette étrange radiance qui émanait de ses yeux, et le professeur sentit comme une
sonde implacable pénétrant dans les entrailles de ses neurones. Tout d'un coup, il se sentit incapable
d'opposer la moindre résistance, et c'est un homme effrayé et fasciné qui résuma en quelques
phrases la teneur de ses recherches.

- Nos recherches actuelles… je veux dire, moi et mon équipe… ont abouti à la création d'un champ
quantique TPO tissé des bosons du même nom. Ce champ peut coder des instructions complexes et
les communiquer à des structures atomiques… Le point le plus étrange est que ces instructions
peuvent être transmises au champ par l'expérimentateur, simplement en plongeant la main dans le
champ et en formulant mentalement ce qu'on veut. Chacune de nos pensées correspond à des
variations dans le très faible champ électromagnétique du cerveau, et par répercussion dans le faible
champ électromagnétique de l'ensemble de l'organisme, et ces variations peuvent être aisément
perçues et enregistrées par le champ quantique TPO…

- Dites-moi exactement ce que vous pouvez actuellement faire en pratique avec ce champ
quantique.

- Pour l'instant nous pouvons juste modifier les états quantiques des électrons dans les atomes, voire
faire disparaître ou faire apparaître à loisir des électrons dans un atome quelconque, et nous avons
réussi à modifier le taux de désintégration alpha de l'Uranium 238, et à initialiser des
désintégrations alpha et bêta dans la plupart des noyaux atomiques lourds… Nous pouvons faire de
n'importe quelle matière un excellent conducteur électrique, voire une source d'électricité, et nous
pouvons extraire de l'énergie nucléaire d'à peu près n'importe quel atome lourd à partir du fer…
- Comment expliquez-vous ces résultats ?

- Euh… c'est là l'un des deux points où nous rencontrons de grands problèmes. Si nous essayons
d'interpréter à la lettre nos expériences, nous sommes obligés de penser que les atomes sont
analogues à de simples programmes informatiques : le champ quantique TPO permet apparemment
de rentrer dans le programme de l'atome et d'en modifier les instructions… la différence entre deux
atomes serait une différence de lignes d'instructions, pas une différence de répartition et de nombre
de nucléons… En envoyant au programme de l'atome l'instruction ‘nouvel électron' par exemple,
cet électron apparaît aussitôt, apparemment de nulle part…

- Et quel est le second point ?

- Nous ne savons pas encore bien synthétiser le champ quantique TPO. Celui que nous avons créé
était accidentel, faisait trente centimètres d'envergure, et il s'est épuisé au fil des expériences, peut-
être par un phénomène de dissipation naturelle… Nous ne savons pas encore exactement comment
nous avons réussi à le synthétiser, et nous ne savons pas du tout comment affronter le problème de
sa disparition progressive… Nous avons besoin de plus d'équipement et de plus de gens, et si les
expériences pouvaient être menées directement dans l'espace, peut-être pourrions-nous espérer une
solution au problème de la dissipation…

La dame leva à demi la main, pour signaler au professeur qu'il pouvait cesser ses explications. Le
sourire qu'elle affichait à présent avait quelque chose de sardonique… Comme le déchirement de
l'aurore, le voile gris qui labourait le cerveau du professeur se volatilisa, et la lucidité habituelle
revint… L'homme se sentait violé et volé… quelque chose avait pénétré son cerveau et l'avait
obligé à parler docilement, et il n'avait rien pu faire… A présent qu'il avait retrouvé ses esprits, une
petite pointe de colère surgit dans la plaine de sa lisse conscience…

- Qui êtes-vous !

Sa voix tremblait…

- Nous ne pouvons pas vous laisser poursuivre vos recherches, monsieur Hurt. Vous devez laisser
tomber.

Le professeur sollicita une nouvelle fois l'appui de la présidente. Celle-ci soutint son regard mais se
contenta de laisser tomber avec résignation :

- Le conseil a déjà ordonné la dissolution de votre unité, professeur. Je suis vraiment désolé…

- Mais bon sang, madame la présidente, pourquoi ?

La présidente ne sut que répondre… Ni elle, ni le conseil d'administration de l'université… ne


savaient exactement pourquoi il fallait obéir à cette étrange dame. Il allait claquer la porte et se
lancer à la chasse aux fonds quand une petite sensation nouvelle s'insinua dans son cerveau… La
dame se concentrait à nouveau sur sa faible personne, et cette fois ce n'est pas un voile insidieux qui
encercla ses neurones, c'est un bombardement silencieux qui s'imposa à son cortex et à son cerveau
thalamique… Tout d'un coup, l'évidence s'imposa à sa conscience : il ne pouvait faire autrement que
laisser tomber ses recherches… Il revint sur ses pas, se tourna vers la dame et exprima confusément
sa nouvelle résolution.

- OK, je suis d'accord pour arrêter mes recherches.

- C'est très bien, répondit la dame. Heureuse que vous ayez été coopératif.

La détermination n'était rien qu'un schéma neurochimique dont la solidité était aussi fragile que
celle d'une construction de tiges d'allumettes. En l'absence de vent, à l'abri dans un caisson de verre,
l'édifice de petits morceaux de bois paraissait stable et permanent… En l'absence de toute influence
de radiances mentales, à l'abri dans la boîte crânienne, les convictions et les décisions paraissaient
pouvoir tenir fermes… En vérité, tout cela était la traduction apparente de myriades de flux de
photons et d'électrons dans des enchevêtrements de champs électromagnétiques portant des billions
et des billions d'informations… Les flux les plus forts pouvaient infléchir à volonté la structure des
flux les plus faibles… La dame émettait des radiances mentales qui pouvaient modeler le cerveau
des gens, et y imprimer les ordres voulus…

Les recherches du professeur Hurt n'étaient pas seulement motivées par un profond intérêt
intellectuel… il attachait un grand espoir dans ses recherches, et chaque jour qui passait nourrissait
un trésor de sentiments et d'émotions qui sédimentaient en-dessous ou au-delà du seul écran des
raisonnements et des intuitions… Comme un tapis de fakir, les fils de fer de ses espoirs
s'entrelaçaient pour former un arrière-plan qui soutenait l'ensemble de sa vie… Sa vie n'était pas un
simple épisode biopsychologique dans le flot indifférent de l'humanité, l'homme était animé par un
profond désir : trouver la clef qui permettrait d'utiliser n'importe quel fragment de matière pour
n'importe quel besoin. La fin des problèmes matériels, la fin de la notion de matière première, la fin
de la dictature de certains matériaux particuliers dans les activités humaines… Les puissances du
rêve ontologique dépassaient de loin l'incrémentation habituelle des pensées et des décisions, des
émotions et des désirs… Le professeur Hurt nourrissait au fond de sa conscience un impressionnant
rêve ontologique, quelque chose qui s'enracinait dans l'ensemble des cellules de son corps, et pas
seulement dans quelque ganglions neuronaux…

C'est donc une vague d'énergie irrésistible qui jaillit du très-fond de son être et submergea son
cerveau, annihilant en quelques secondes les fraîches connexions qui venaient de naître et qui
soutenaient la décision induite…
- Non, non… excusez-moi, mais je ne peux pas arrêter mes recherches.

La dame parut d'abord incrédule, mais bientôt son regard analytique lui montra que le professeur
revenait réellement sur sa toute récente décision. C'était impossible. Elle avait bien envoyé une
irrépressible charge mentale qui avait remodelé en quelques instants les schémas décisionnels de
l'individu… l'homme devait obéir, obéir, obéir… Une nouvelle salve mentale se heurta à un mur
psychologique aussi solide qu'une muraille de plomb… Les yeux effrayants de l'inconnue
rencontrèrent les yeux déterminés du professeur, et le flux se brisait contre une résistance
inadmissible…

- Puisque vous le prenez comme ça… déclara la dame, énigmatique.

Elle ferma les yeux, parut entrer dans une intense et violente concentration à en juger par le
serrement de sa mâchoire et le subtil froncement de ses sourcils… Dans ce cerveau exceptionnel,
une petite masse condensée de chaleur psychique se forma et, comme une balle éjectée par la
puissance de feu d'une arme de poing, elle s'abattit brusquement sur les synapses du professeur…
Les dégâts furent immédiats. En quelques secondes, les yeux du professeur perdirent toute
expression, un filet de bave s'écoulait au coin de la bouche, et tout le visage trahissait l'absence de
lucidité, une hébétude qui devait traduire la destruction d'une bonne partie du cortex…

- Je ne pouvais faire autrement, expliqua la dame à l'attention de la présidente. Vous direz aux gens
que le professeur a été victime d'une commotion cérébrale résultant de la pression nerveuse
excessive de ses travaux… c'est un légume à présent. Je dois y aller.

L'étrange femme se retrouva rapidement au volant de sa voiture… Elle maugréait encore quand son
portable sonna.

- Oui, répondit-elle, il s'agissait bien de ce qu'on craignait. Cet homme était sur le point de
découvrir la vraie nature de ce monde. Il ne lui aurait pas fallu longtemps pour accéder à la maîtrise
des programmes qui animent la texture ‘naturelle' de la Matrice. [..]. Oui, je l'ai neutralisé…
définitivement.

A l'autre bout du fil, au bord d'un lac paisible, l'Architecte raccrochait, et se tournant vers l'Oracle, il
lui dit :

- C'est une bonne idée d'utiliser ces potentiels pour des missions de persuasion, ils font toujours un
excellent travail. Mes agents ne savent que casser des briques et des bras…

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