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et d'autres formations aujourd'hui oubliées comme Guichard dans La Chanson dans la culture italienne
le Parti d'action, Bella Ciao offrait un consensus (Honoré Champion, 2000). Mais c'est la gauche qui
fédérateur : mourir aux côtés des partisans luttant pour reprend, avec Bella Ciao, cet héritage et le fait sien.
la liberté, voilà qui donnait une image flatteuse et
fédératrice de la gauche, tout en évitant les questions
qui fâchent.
La première représentation publique de Bella Ciao
prend forme lors de la création du Festival mondial
de la jeunesse et des étudiants, organisé à Prague
à l'été 1947. D'autres représentations suivront au
festival de Budapest (1949) et Berlin-Est (1951). La
délégation italienne y enthousiasme ses camarades
internationalistes par ses claquements de mains
accompagnant le refrain qui donne son nom à la
chanson. En ce début de guerre froide, Bella Ciao est
devenu un hymne fédérateur du camp progressiste.
Que la gauche fasse siennes les chansons populaires
semble aujourd'hui aller de soi. On mesure mal la Dans les années 1960, avec une décennie d'avance
transgression que cela représentait alors dans une sur la France, la musique folk est à la mode
Italie dont l'unité s'était constituée autour de la dans la jeunesse politisée italienne. On recueille
langue de Dante et de Boccace, et non sur ses des chansons traditionnelles, on les ré-interprète, on
innombrables dialectes dans lesquels étaient écrites les popularise, on les commente dans de savants
les chansons. Le recours au chant populaire comme travaux d'ethnomusicologie. Un personnage clé de ce
vecteur de mobilisation politique allait d'autant moins mouvement est le Milanais Roberto Leydi. Tour à
de soi que c'était là un héritage fasciste. À rebours tour journaliste, musicien et producteur, il a coécrit,
d'une culture classique, faite de la récitation de en 1954, un livre sur le blues et les protest songs
poèmes dans le bel italien des classes dominantes, le américaines, alors quasi inconnues en Italie. Leydi est
fascisme avait « légué à l'après-guerre une habitude persuadé que la chanson populaire italienne contient
d'utiliser la chanson populaire et le folklore à des cette même force subversive. Interpréter le répertoire
fins de propagande politique », notait l'historien Jean folk, dans l'Italie des années 1960, c'est se positionner
à gauche, du côté du peuple. « L'un des caractères
saillants et constants de la science du folklore en Italie
est sa politisation », disait Leydi.
Voici donc notre musicologue parcourant l'Italie du
Nord, magnétophone à l'épaule, pour y recueillir
des chants populaires. En plein miraculo economico,
l'Italie se modernise et s'industrialise, effaçant
lentement dialectes et traditions populaires qu'il
devient d'autant plus urgent de sauver de l'oubli. En
1962, lors d'une de ces campagnes de collecte, Leydi
fait la connaissance d'une certaine Giovana Daffini.
Ancienne mondine (ces ouvrières des rizières de la
plaine du Pô), elle est aussi une musicienne accomplie.
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Et voici qu'elle déclare à Leydi qu'elle chantait, dès les E noi curve a lavorar (et nous courbées à travailler)
années 1930, l'air de Bella Ciao, mais sur de tout autres Pour la gauche italienne, l'irruption de Giovana Daffini
paroles[2]. est du pain bénit. Bella Ciao a été construit après
Au lieu de : guerre comme hymne antifasciste consensuel. Et
Una mattina mi sono alzato (un matin, je me suis levé) voici que la chanson se rattache aux plus anciennes
luttes sociales italiennes, celles des journaliers de
O bella ciao, bella ciao, bella ciao ciao ciao (O bella
l'agriculture, qui présentent de surcroît l'avantage de
ciao, bella ciao ciao ciao)
pouvoir mobiliser tant au nord qu'au sud.
Una mattina mi sono alzato (un matin je me suis levé)
Leydi est enchanté de sa découverte. Quant à
E ho trovato l'invasor (et j'ai trouvé l'envahisseur) Giovanna Daffini, elle connaît, à 47 ans, la gloire.
la chanson débute par : Elle intègre les Nuovo Canzoniere Italiano, un des
Alla mattina appena alzata (le matin, à peine levée) plus prestigieux groupes de folk italien, qui se produit
même dans des lieux réservés à la culture dite d'élite.
O bella ciao bella ciao bella ciao, ciao, ciao (O bella Il est ainsi programmé au Festival dei due mondi
ciao, bella ciao ciao ciao) à Spoleto en juin 1964. Le public est du meilleur
Alla mattina appena alzata (le matin, à peine levée) monde, plus féru d'opéra que de chants populaires. Au
In risaia mi tocca andar (à la rizière je dois aller) programme du festival figurent aussi Le Chevalier à
la rose de Richard Strauss et un ballet de Glazounov.
S'ensuit une complainte sur la dure vie des mondines,
Et les Nuovo Canzoniere Italiano, en ce vingtième
les pieds dans l'eau stagnante, harassées de chaleur,
anniversaire de la libération de Rome, font sensation
harcelées par les moustiques, sous la menace constante
avec un spectacle intitulé… Bella Ciao !
du propriétaire terrien.
En ouverture, la version mondine, dite ancienne ; en
Il capo in piedi col suo bastone (le chef debout avec
final, la version antifasciste. La boucle est bouclée :
son bâton)
l'antifascisme vient bien du plus profond du peuple
O bella ciao bella ciao bella ciao ciao ciao (O bella italien. Et s'expose même crânement devant l'élite
ciao, bella ciao ciao ciao) bourgeoise italienne.
Il capo in piedi col suo bastone (le chef debout avec
son bâton)
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