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SAINT CASTOR, EVEQUE D'APT,

ET SON CULTE

A l'automne de 1984, j'ai présenté, lors d'un colloque organisé à


Avignon. un rapport sur le culte des évêques des IV-VW siècles qui ont exercé
leur charge dans le Sud-Est de la Gaule 1. En me lançant dans cette enquête,
je n'avais pas pensé que je me trouverais deva nt un vide aussi grand que celui
que j'ai pu constater, au fur et à mesure que j'avançais dans l'examen des
sources: la recherche, en effet. s'est quasiment arrêtée à l'extrême fjn du
XIX' sircle ou dans les premin-es années du xx'. Les travaux du chanoine
Jules -Ho no ré Albanès, poursuivis par Ulysse Chevalier' marquent
l'about issement d'une tradition 6-udite dont nous percevrons. chemin
faisant. le sens et la fonction . Sur un autre versant, l'œuvre de Mgr Louis
Duchesne. ses «Fastes épiscopaux de l'ancienne Gaule» dont la seconde
éditio n du tome l est parue en 1907, J , est le fruit d'une recherche critique
qui n'a pu être remise en cause. En suivant ma propre démarche, j'ai parfois
même été conduit à plus de sévérité encore que lui et donc. a fortiori. à
rejeter certaines hypothèses avancées, voici une trentaine d'années. par Jean-
Rémy Palanque • qui avait quelque peu fait marche arrière, en s'efforçant de
sauver certains noms d'évêques issus de la tradition médiévale.

1. P.-A. FEVRfER. ft us sai nts h~ues de la fin de l'Antiquit ~ et du Haut Moyen


Agt' dans !t' Sud-Est dt' la Gaule n (Gt'nrse t't dévdoppemt'nt de leur cultt'). à paraÎtrt'
2. Gal/ia ChriJtiana nov;JJima, HistoÎrt du archtvichis, ivichis tt abbayes de France ... ,
tome premier. Aix. Apt. Fréjus. Gap . Riez et Sisteron. Mont~liard. 1899. ée travail préfacé
par U. Chevalier montre que le travail était quasi ment achevé dt'puis deux ans {en 1899). mais
que la mort du ft représentant le plus autorisé de l'écolt' dite légendaire » avait interrompu
l'élaboration d'un volume dont ressentid était pourtant ~mis à l'imprimeur.
Sur cet érud it : U. CHEV ALlER. Notice sur la vit tt IfS rruVrtS du ,hano;nt A/bants. Paris.
1919 : P. AMARGlER, «Un, figu" d'irudit : l, chanoin, Albanès (1822-1897) », dans
Provence hiJtor;qut. 1985, pp. 61-67
3. L. DUCHESNE. Faslu ipiJcopaux dt l'ancienne Gauk. tome premier. Provincc du
Sud-Est. 2~ éd .. Paris. 1907 . La prcmii-re édit ion était sortie treize ans auparavant. I\lchesne
a donc pu utiliser les articles de Georges de Manteyer et les travaux d'Albani-s .
4. J.-R. PALANQUE, ft us h~ h és provençaux à l'époque romaine n, dans Provence
historique. 1951. pp. 103-143. Ainsi pour Apt (p. 131), conserve-t-il un Auspiciusqu'il situe
au IUt sii-de ; il accepte aussi Quintinus comme prédécesseur de Castor.

Provenc~ Historique. fascicul~ 146, 1986.


Ii/()

De fait. il me semble que tout le dossier hagiographique du Midi de la


Gaule est à reprendre . Les quelques articles récents S ne constituent qu'un
premier jalon d'une prospection à tenter dans légendiers anciens ou dans les
livres liturgiques. Il ne nous suffit pas, en effet, d'établir si nous possédons
une Vie ancienne et de la publier. Il convient d'aller plus avant et de voir ce
que représentent ces récits et ces dévotions dans la conscience d'un homme
du Moyen Age ou d'un e époque plus récente. Les observations que je
présenterai sur Castor d'Apt voudraient aller dans ce sens. Mais je sui s
conscient - et ce n'est pas simple formule de rhétorique - que le dossier
reste. après quelques semaines de recherches. incomplet. Je n'ai pu voir tout
ce que ma curiosité m'aurait incité à voir. En particulier. la critique de
certai nes sources est restée incomplète.
Je présenterai donc quelques observations que je regrouperai en suivant
l'ordre chronologique d'apparition des documents. Ce qui conduira à des
observations plus générales sur l'histoire même du christianisme à Apt et sur
le bon usage que J'on pourrait faire des sources que j'ai consultées.

Le seul document bien daté relatif à Castor est la lettre que l'évêque de
Rome. Boniface, lui adressa. ainsi qu'à d'autres évêques du Midi. pour les
inviter à se réunir pour juger du cas de l'évêque de Valence Maximus. Ce
texte daté du 13 juin 419 ne donne aucune précision sur l'actio n même du
personnage et si l'on peut proposer d'identifier son siège avec celui d 'Apt. CC'
n'est que pour des arguments de vraisemblance. puisque la lettre est muette
sur ce point 6.
Les autres documents SOnt à chercher dan s les préfaces des œuvres de
Jean Cassien . Institutiones (ou Instituta coenobiorum) 7 et Collation,s. Le premior
ouvrage. une série de 12 livres. est adressé à Castor lui-même: beatissime
papa Castor. Donc à un évêque. Le projet a!!ribué par Cassien à CaSlor eSl de
f(construire pour Dieu un temple vrai et raisonnable . non pas à l'aide de
pierres inertes. mais en réunissant de saints personnages. sane/orum virorum

L J. V AN DER STRATEN.« Un f10g(' anci('n d(' saint V(ran, fils d(' saint Eucht'r,
dans Annaitc/a BolJandiana. t.83. 196L pp. 81-94 ; M . CARRIAS. Saint Mitrt d'Aix.
itudt hagiographiqur, Aix. 1969 : Cl. PASSET. La passion dr saint Pons dt Cimin. (passio Ponti).
Sourm ri traditions. Nic('. 1977. Fr. OOLBEAU.« 1...1 Vi(' ('n pros(' d(' !iilint Milrcd. fvrqu(' d('
Di(', Histoir(' du t('xt(' ('t (d. critiqu(' ,J. dans Franria, t. II . 1984. pp. 97- 130
6. BONIFACE, Ep. 3. 1. Patr. lat .. t. 20, p. 7j6: Bonifacius Patroclo, Remigio.
Maximo. Hilario. &v('ro. Val(' rio. Juliano. Comorio. L('omio. Constantino, JMnni.
Montano. Marino. Mauricio ('t caeuris ('piscopis ...
7. On pourra s(' r('porter aux éditions avec traductions paru('s dans SOUfC('S chrfti('nn('s :
J('an CASSIEN, Confirtnm, fd. E. Pich('ry. 3 vol.. Paris. 19n - 19j9: ]('an CASSIEN.
Instituions cinohitiqutJ. fd. J.-Cl . Guy. Paris. 19M . Dom Pich('ry a fait un(' mi S(' au point sur
la chronologie. Voir plus loin note 19.
381

congregatione )). fi est clair que Castor n'est pas un moine et qu'il n'y a dans sa
région aucune communauté monastique. (( Dans une province qui n'a pas de
monastère , tu désires que soit organisée la manière de vivre des Orientaux, et
surtout des Egyptiens. "Apparaît là même le souci profond de Jean Cassien.
donner des modèles qui sont placés sous l'autorité de ceux qui apparaissaient
alors comme les plus parfaits. les moines d'Egypte. Néanmoins. on se
gardera de croire que Jean n'a pas fait de choix: toute son œuvre prouve le
contraire et. parmi les différents modes de vie. il a pris ce qui lui a paru bon.
Mais ce pa..l!sage de la préface présente un grand intérêt puisqu'il pose une
affirmation: l'absence de coenobia dans ce qui est appelé provincia '. Quel sens
donner à ce terme: celui de province civile ou ecclésiastique? Apt est alors
dans la Narbonnaise II ? Or. il y a déjà à Lérins la fondation d'Honorat et
Lérins paraît dépendre de Fréjus qui est aussi en Narbonnaise Ir. Faut-il
penser à un sens plus vague: « région»? Peut-être. Quoi qu'il en soit. il est
évident qu'il n'y a pas autour d'Apt encore de monastère ou du moins de
fondation cénobitique. Or. nous verrons qu'il y a, sur ce point. contradiction
flagrante entre les Vies et cette source qu'il convient de situer en tout cas
après les années 415. moment de l'arrivée de Jean Cassien à Marseille.
vraisemblablement vers 420-424.
Lors de la rédaction de la série des dix Entretiens spirituels (collationesJ
qui ont prolongé le discours de Jean Cassien. Castor a dû mourir. En effet.
Jean Cassien écrit dans la préface: " Le même pontife. dans la /lamme de
son zèle incomparable pour la sainteté. m'avait aussi prié de rédiger du même
style ces dix conférences. des plus grands parmi les Pères du désert. je veux
dire des anachorètes qui demeuraient au désert de Scété ... Aujourd'hui qu'il
nous laissés, pour aller vers le Christ, c'est à vous, bienheureux évêque
Léontius (il s'agit de l'évêque de Fréjus) et vénérable frère Helladius (c'est un
anachorète inconnu) que j'ai pensé devoir les dédier. )) 9 L'ensemble des
Collationes était achevé en 430 et le second groupe de conférences est
antérieur à la fin de 426, moment où Honorat l'abbé de Lérins devint évêque
d'Arles. On ne saurait être plus précis pour situer la première série des
{( Conférences n.
Castor vivait donc entre 419 et le milieu de la deuxième décade du V'
siècle: là, s'arrêtent nos connaissances, c'est-à-dire les informations que l'on
puisse tirer de documents sùrs. Tout le reste, n'est que transcription ou
interprétation de sources médiévales dont il va nous falloir apprécier la
validité.

La première mention d'un culte de saint Castor apparaît dans l'échange


ré<llisé entre l'évêque Bon, de Sisteron, et Paul d'Apt. au milieu du

8. Jean CASSIEN, Inst. , Préf.. 3. pp. 24-25 In provinâa siquidem roenobiorum experti
Orirnta/ium maximeque Aeg'lptorum voltns institula.
9. Jean CASSIEN. Conf.. Prif.. p. 74.
Jtl2

[X· siècle'" Tout comme la cathédrale de la première cité est dédiée à la


Vierge et saint Tirsus, la seconde l'est à sainte Marie et saint Castor. Au
x· siècle. cette titulature reste en usage. même si - épisodiquement, en 976.
991. 991-992 - apparaît aussi le nom de saint Pierre II. La chane de
constitution du chapitre cathédral d'Apt , datée du 2 août 991. unit ces trois
titres: ... constituimus ... in pra,fata s,de Apteme, omnipotenti Deo sanctaeque
Mariae virginis sanctique Petri apostoli atque sancti Castoris, eximii confessoris ...
canonicos XII.
On peut s'interroger sur l'apparition de ce nom de Pierre. Diverses
solutions ont été proposées et l'on est allé jusqu'à imaginer un transfen du
siège épiscopal. un temps, dans une église qui serait distante du groupe
épiscopal actuel. On peut tout aussi bien penser que les clercs de la dernière
décade du x' siècle ont eu le souci de rattacher leur église au siège apostolique
et d'introduire ainsi un titre nouveau qui n'a pas pris. Faut-il y voir un
indice d'une origine ancienne suggérée dès lors pour le siège d'Apt? Je ne
saurais franchir le pas.
Manine Jouve, dans son mémoire de maîtrise sur la cathédrale
d'Apt ", a très jnstement noté qu'avec le JI;['siècle, le titre de Saint -Castor
devient moins courant et que les scribes utilisent de plus en plus
fréquemment le seul nom de la Vierge pour désigner la cathédrale. Dans un
acte, de peu postérieur à \056, par lequel Pons Bot fait des dons, en
rappelant sa dévotion à la Vierge, au manyr Auspicius, désigné comme
premier évêque de la ville 13 - et c'est la première mention incontestable de
ce culte et du personnage -, et à l'évêque Castor. le formulaire mérite
attention. Le don est fait sanctae Mariae et altaribus sanc/i Auspicii ,/ sancti
CasMis servientibus. Le rapport a été établi entre ce document qui date de
l'épiscopat d'Alfant, et la donation du 27 juin 1056: un manse. à Saint-
Pierre des Tourettes. est donné. pour remédier à la c( ruine») de la
cathédrale ". Ce qui pourrait s'interpréter comme une allusion à la volonté
de l'évêque de reconstruire cet édifice. Des documents ultérieurs - 1076 et
1097 - témoignent eux, plus explicitement des travaux alors en cours IS,

Dans ce rapide examen des chartes du cartulaire cl' Apt. notons aussi un
texte, non daté, et qui est fon suspect ". C'est la donation du cas/mm de
Saignon, par Georges (et son épouse) qui prétend avoir fait jadis - Karoli

~re dt /'iglise d'Apl (835-1/301). id. N. DIDIER. H. DUBLED. J


BARRUOL. Paris. 1967. p. 90. n'II . 4 juiller 812 (1)
Il. Ibid., p. [28. n' XXV ; p. 162. n' XLII; p. 116-117. n' XXXIX.
12. M. JOUVE. Etude dt la (athidrau d'Apt, mtmoire de maîtrise présenté en 1983 à
Aix.
Il. Carl.laire ... , p. 2l6. n' LXXXVIII.
14. Ibid., p. 2n, nO LXXXVI. La formule ipsius ruinai pourrait hre inurprétù dans
un ~ ns ÎmprrcÎs, s'il n'y avait les actes ultérieurs.
Il. Ibid., pp. 24l-246, n' XCIV; pp. 248-249. n' XCVI
16. Ibid. , pp . IOl-108. n'XI.
J8J

tempore - cession de ce bien. L'intérêt de ce document, donc non daté -


mais sans doute du Xlr siècle - . est de faire apparaître Georges et Deda en
prière ante al/are santal Mariae et sanet; Castoris, chaque samedi. pour obtenir
le retour de leur fils prisonnier des païens dans les Espagnes. Celui-ci revint
un jour et les trouva vigilantes ante altare Domini Dei Salvatoris et sancti
Castoris sepu/crum. Détail dont l'importance apparaîtra à la lecture des Vies de
Castor. A noter que c'esc aussi un document où apparaît, comme au milieu
du XI' siècle, le nom d'Auspicius, martyr et éve'que.
A cette série. on peut rattacher un texte publié par Albanès et conservé
dans un manuscrit du xw siècle qui provient de Saint-Victor de Marseille 11
et qui est passé dans les mains de Peiresc. C'est la lettre que Castor est censé
avoir adressée à Jean Cassien, désigné comme Massiliensem abbatem. Il lui
demande les Instituta monasteriorum qu'il a vus en Egypte et en Palestine.
lmtilu/a, c'est le mot utilisé par Cassien dans la préface des premières
c( conférences» qu'il avait rédigées à la demande de Castor et dans certaines
conférences. Ce titre n' apparaît dans aucun manuscrit de ce que nous
appelons à la suite de M. Petschenig " , les" Institutions» ou le De institutis
coenobiorum, et que nous verrons appelé. dans les Vies, speculum mtma,horum.
ù mot est néanmoins utilisé dans la préface de ces ( Institutions » et d'une
manière qui rappelle notre lettre : instituta monasteriorum, quae par Aegyptum
ac Palestinam custodiri conspeximus. La Thébaïde, à laquelle la lettre fait
réfâence, n'apparaît pas par contre dans cette dernière préface, mais dans le
cours des chapitres.
La lettre attribuée à Castor mentionne un monastère: in nos/ro rudi
monasteno. Ce qui paraît suggérer qu'il y a déjà un monastère. Curieusement
m~me. un passage de la lettre suggère qu'on y connaissait depuis longtemps
les usages orientaux: sicuti ibi a patribus tradita sunt. Formule qui est
introduite aussitôt après l'allusion aux voyages de Jean Cassien et à ce qu'il a
voulu appliquer - servanda sanxisti. On notera d'autre part que l'incipit de la
lettre fait de Castor un évêque. ce qui est en conformité avec les préfaces.
mais non avec les Vies.

Les martyrologes mèrovingiens - le Martyrologe hiéronymien


compilé dans la région d'Auxerre. en utilisant des sources lyonnaises 19 - et

17. Bibl. nat., ms. lat., 2126. fol. 1 (Xlr_Xn r siècl~ sdon Ph. Lau~r). éd . par
ALBANES. Ga/lia .. , op.cil" Instr .• col. . 127-128. nO 1
18. Ed. M . PETSCHENIG. Corp", ,,,ipt. "d. lat., t. XVII. 1888, p. 3 ainsi que
p, XVIII. XXII. Dans aucun manuscrit n'apparaît le titre SjJt!ulum mOM!horum. Il est curieux
de noter que Gennade (p . CXllI ; voir PaIr. lat., t. '8.col. 1096) donne des noms différents
aux trois premiers livres de ce que nous appe:lons les Institutions. un autre nom au quatrii-me
(Institulionum /ibtr unum) et aux huit livres suivantS (dt origint tt "NIl/italt ac rtmtdiis (}do
principa/ium vitiorum). Formule qui se retrouve dans un manuscrit du IX r sià:le (p. XVIII).
19. A,ta 'an,torum, Nov<mb". t. Il. I. id. H. DELEHAYE <t H. QUENTIN.
}84

carolingiens - tant celui d'Usuard que celui de l'archevêque de Vienne


Adon 20 ignorent tout d'un Castor ou d'un Auspicius. Il en va encore de
même dans le calendrier publié par Georges de Manteyer, et qui connait
pounant maints évêques de la Gaule méridionale 21,
Les sources carolingiennes et leurs dérivées laissent donc Apt de côté. JI
faut attendre le martyrologe d'Arles-Toulon ", de la fin du XI' ou début du
xw siècle, pour voir apparaître notre Castor, ainsi que Marcien , prêtre et
abbé près d'Apt. Document qui dépend aussi d'Adon , mais introduit des
éléments légendaires, comme ceux relatifs à saint Trophime d'Arles.
Cependant nous ne pouvons en tirer que la mention du nom de Castor.
Pour être mieux informés. nous ne disposons d'aucun reCUfa ancien de
légendes. Un manuscrit important pour le Sud -Est comme celui qui provient
de la Grande Chartreuse (ms. 117\ de la bibliothèque municipale de
Grenoble) ne contient rien sur notre saint.
Cette pauvreté documentaire m'a incité à poursuivre l'enquête dans les
manuscrits liturgiques qui pouvaient avoir conservé des indications relatives
aux saints locaux. J'ai donc été conduit à voir les bréviaires manuscrits et
imprimés, suivant ainsi l'exemple que donnent les Bollandistes, mais en
poussant la recherche plus loin: en effet, les éditeurs des Acta sanctorum, tant
pour Apt que pour Die - que j'ai été amené à étudier simultanément -.
ont seulement eu accès aux livres imprimés des X\Wet xvw siècles.
Il se trouve que pour la Provence 13 et plus particulièrement pour
Apt 24, nous disposons de nombreux bréviaires qui contiennent. outre les
leçons, des versets, répons, antiennes où les allusions à la vie de tel saint local
sont multipliées, au milieu de formules plus générales. Si bien que l'on peut
reconstituer une Vie, telle du moins qu'elle pouvait circuler - oralement ou
par écrit - au moment où l'usage des bréviaires s'est généralisé aux dépens
des autres livres qui servaient à la prière collective 2S.

20. J. DUBOIS" G. RENAUD, Le m"é,rologt d'Adon, Paris, 1984


21. Edité partidlement par G . de MANTEYER. La marche de Provenu jusqu 'aux
partages et l'Evùht d'Avignon jusqu'à /a Commune, Gap, 1901-1939, pp. 171 - 191 : sur les
cultes, voir pp. 210-228. Rien sur Apt: p. 211
22. G. de MANTEYER,« Les légendes saintes de Provence et le martyrologe d'Arles -
Toulon n, dans Mt/anges d'archt%git et d'histoire, t. 17, 1897, pp. 468-489
23. J. BILLJOUD. «Les manuscrits liturgiques provençaux du XIV ~ siècle ,). dans
Mtmoires de l'Institut historique de Provenu , t . I, 1924, pp. S8-71.
24. V. SAXER. « Un bréviaire d'Apt du XIV~ siècle retrouvé à. Toulon ». dans Provence
historique, 1971. pp. 109-123. Voir aussi du mème« Les c.alendriers liturgiques de SaÎnt-
Victor et le sanctoral médiéval de l'abbaye)J, ibid., 1966, pp. 463-511
25. V . LEROQ,UAIS, Les brtviaires manuscrits des bibliothèques publiques de France, Paris,
1934
J'ai donc consulté les bréviaires conservés à Apt " , ainsi que celui de la
bibliothèque d'Avignon. Je n'ai par contre pas vu le manuscrit toulonnais
étudié pour sa composition par Victor Saxer. non plus que le manuscrit de la
bibliothèque Bodléienne d'Oxford.
A ma grande surprise, dans les quatre manuscrits que j'ai analysés, je
me suis trouvé devant deux séries de textes fondamentalement différents,
tant pour les leçons que pour les versets, répons et antiennes. Division qui ne
recoupe pas la division codicologique. La cathédrale d'Apt possède en effet
des bréviaires de deux types. Les manuscrits 1 et 2 de Sautel sont des
manuscrits d'un format assez grand: 271 mm sur 205 et 262 sur 182. Le
manuscrit 3 est d'un format de poche - 181 sur 130 - et il a visiblement
beaucoup servi: son dos est très incurvé et les traces d'usure par les doigts
sont innombrables. en particulier vers les angles inférieurs. Le manuscrit
d'Avignon est d'un format analogue. mais il est bien mieux conservé. Or. le
manuscrit 1. suivit par Je manuscrit 3 et par celui d'Avignon . donne un
formulaire de Vie différent de celui du manuscrit 2 d'Apt. Il serait donc
important de savoir à que]]e série se rattachent les bréviaires de Toulon et
d'Oxford.
J'étudierai d'abord les bréviaires de la série que j'appellerai A (Apt 1 et
3 ; Avignon, ms. 126) qui datent du XIV' siècle - tout comme l'unique
représentant de la série B (Apt 2).
Au XI des kalendes d'octobre, soit le 21 septembre, est fixée la
solennité de Castor, évêque et confesseur. Les leçons 1 à VI constituent une
Vita (ms. Avignon, fol. 263 ; Apt, l , fol. 314) qui rappelle d'abord l'origine
nÎmoise du saint. ses études dans les Arts libéraux à Arles, la construction
d'une église dédiées à saint Etienne sur ses terres - in quodam sui juris agello
sancli Sttphanj ... ecclesiam. TI est alors censé vivre avec des moines: Ubi
deputatis monaehis sub regularibus disciplinis se libere Domino serviturum arcius
eonstituit implieandum. De là aussi il est dit avoir envoyé une lettre à Jean
Cassien, abbé du monastère de Marseille: in qua ipsius deposeens ad futurum
auxilium suis vid,lie,t rudibus monaehis profuturum quod et promisti. L'abbé lui
fit donc en retour d'un livre: Hujus precibus libenter annuens seripsit et regulam
deeentissimus et eluculenterque et positam quam Speculum monachorum vocavit.
Survient la mon de l'évêque d'Apt Quintinus (ms. d'Apt), et l'élection de
Castor; omnis clerus et ... plebs unanimes sibi Castorem praefici poseunt pontifieem.
La Vie s'interrompt sur cette élection - comme il arrive dans d'alites
bréviaires: j'ai observé le même fait pour Marcel de Die, dans le bréviaire
d'Avignon du xIv~siècle. Les autres leçons sont des extr.aits d'un évangile,
ou des développements en particulier sur la luxure: Castor étant un modèle
de perfection.

26. J. SAUTEL. Catalogue dtScriptif el il/us/rt dts manuscrits liturgiques de l'Eglist d'Apt,
Carpen,,,,,. 1921, pp. 23-28
J/ili

Il Y a cependant des informations complémentaires à tirer de ce


bréviaire. A la fin . à vêpres, il est fait référence à la mort du saint et à sa
sépulture. Fe/ici cOnJumatu cur$U beatus Domino reve/ante emÎnen/em obitum
fratribus denunciavit suum a/que in imo carcerum unde reos absolvit sepeliri jussit.
Ceci renvoiE: à un récit auquel un répons antérieur fait aussi référence: 0
Castor gloriose castita/is amator ac justitiae ... dominice truSDS ab impio judice
absolvisti carcere. Versets, répons et antiennes rappellent d'ames parties de la
vie. Il est fait allusion à son mariage: paucorum annorum conjugali mundanis
vacans ac/ibus, tandem rore divini eumdem perfundens sermonis praefundens
Jermonis ... Nitebat igi/ur beatissimus amore fragans divino utque olim uxor demum
existeret soror. Un répons donne le nom du monastère: Manacha (Avignon)
ou Manancha (Apt), oppidum erat super quod Castor beatissimus monasterium
condidit. Est évoquée l'humilité du moine. Et sa fuite dans les bois. Dans le
manuscrit d'Avignon - que je vis le premier -. je ne sus lire le nom du lieu
où Castor se réfugia. Par contre dans le manuscrit 1 d'Apt, bien écrit, on lit·
in Debresone monte. Il est fait aussi allusion à la découverte du saint par les
venatores. ainsi qu'à une marche avec le diacre Largus - in tempestale noctis".
cereumque - sous la pluie. ce qui ne les empêche pas d'aller usque sanctorum
"'ca.
ny
a donc visiblement un récit continu. mis en œuvre pour la lecture
des Heures. Une analyse plus fine que celle que j'ai pu faire, sans avoir les
trois manuscrits simultanéement sous les yeux, permettrait peut-être d'aller
plus avant et de reconstituer une Vita et ses lacunes, et donc de donner une
édition critique.
Le manuscrit 2 d'Apt contient, à partir du fol. 381, un office: in festo
saneti Castoris. Les leçons rapportent une vie analogue dans son déroulement
à celle des autres manuscrits: les études, la fondation d'un monastère in agello
sancti Stephani, l'envoi de la lettre à Jean Cassien. la fuite in Debresone monte,
l'annonce de la mort, l'ordre donné d'ensevelir l'évêque in uno eareerum (si je
lis bien, ce qui me paraît une faute pour in imo eareerum). Mais le récit est fait
en des termes totalement différents. Je n'ai pas eu de peine à y reconnaître
une Vie que j'analyserai un peu plus tard - ou du moins quelques parties de
ceHe-ci. la Vie conservée dans un manuscrit de Carpentras 27.

Cette différence n'est pas la seule que j'ai pu constater. En effet. la Vie
d'Auspicius, telle qu'elle ressort des manuscrits 1 et 3 d'Apt et du manuscrit
126 d'Avignon, est différente de celle du manuscrit 2 d'Apt. Ici le lien est
très nettement marqué avec les actes des martyrs romains Nérée et Aquilée;
là on insiste essentiellement sur la mission confiée par l'évêque de Rome
Clément. Or, le texte même du bréviaire 2 d'Apt se retrouve dans la Vie
d'Auspicius du manuscrit de Carpentras.

27. Bibl. de Carpentras. ms. 514. Voir plus bas. Cette Vie se retrouve copiée par J.F . de
REMERVILLE. Colkctanta variorum diplmnalum mksiat Apltnsis. pp. 5-10
Jfi7

Il me semble donc clair qu'au XIV' siècle, devaient circuler deux Vies.
au moins. très proches par leur trame, différentes cependant dans leurs
formes et leur développement. De ce fait, je tirerai. provisoirement. au
moins une observation méthodologique: la nécessité de faire une enquête
globale sur les sources des textes de nos bréviaires du Midi, pour reconstituer
des Vies perdues.

Franchissons une nouvelle étape chronologique. Cela nous conduira à


un manuscrit de la bibliothèque Inguimbertine de Carpentras: le ms. j 14.
Sous les j 13 et j 14. figurent deux recueils de textes qui Ont été constitués au
milieu du xvw siècle. Ces pièces paraissent avoir été dans les mains de
Polycarpe de la Rivière, car on trouve sa main dans les marges et dans les
notes; cela paraît être confirmé par deux lettres écrites par Nicolas Peiresc à
notre homme en 1630 et 1632.
Dans le recueil li 4, la table placée au début et écrite d'une main qui
adopte une cursive italique devenue courante - une même main a transcrit
des actes relatifs à Saint-André de Villeneuve et la Chronologie finale -
annonce une Vita 5ancti AU5piâi et une Vila beatissimi Castoris qui se lisent
aux folios 7 j -80 et 191-195. Ces deux Vies se ressemblent par le papier -
et son format - sur lequel les textes ont été transcrits et par la main du
scribe. Celui-ci utilise une cursive proche des écritures notariales, dérivée
des cursives gothiques. et que l'on trouve encore en usage à la fin du XVJ~,
voire au xvw siècle.
Lorsque je me suis mis à l'étude de la tradition manuscrite relative à
Castor d'Apt, j'avais - avant d'étudier les bréviaires - mis la main sur le
r
manuscrit de Carpentras. étais très partagé. En effet, le terrible patronage
de Polycarpe de la Rivière 28 pouvait faire craindre le pire: ne serait-on pas
devant un nouveau faux? Mais, dans le même temps , je vis que l'écriture des
Vies de Castor et d'Auspitius était différente des autres écrits. D'où l'on
pouvait penser à une source étrangère à l'officine de Polycarpe. Hypothèse
qui se trouve confirmée maintenant que j'ai reconnu dans le bréviaire d 'Apt,
nO 2, l'unique témoin de la série B, des emprunts à cette Vie que je définirai
donc comme Vie B. par rapport à une Vie A, dont je ferais la source des
bréviaires Apt 1 et 3, ainsi que d'Avignon 126.
Albanès a visiblement suivi cette Vie B pour rédiger la notice qu'il a
consacrée à Castor dans sa Gallia christiana novissima. Il précise: « Cette Vie
de saint Castor fut écrite par un de ses contemporains, qui avait été témoin

28. Sur ce personnage E. DUPRAT, dans Mimoires de l'académie de Vaucluse, 1909,


pp. 134-144. Voir aussi des observations récentes faites par H.-1. MARROU. {( L'épitaphe
de sainte Cesarie J), dans Forma fu/uri. Mélanges Michele Pe//egrino, Turin. 1975.
pp. 666-680.
11/1/

des fairs qu'il rapporte. ainsi que ses récits le fom assez comp rendre: et
comme il l'avait composé dans un style recherché et ampoulé. peu à la portée
du commun des fidèles, Raimond Bot. évèque d'Apt vers la fin du
XIII' siècle. la retoucha et la r<'digea en un style plus simple et accessible il
tous)) 29. Alhanès affirme. contre cenains détracteurs qu'il ne nomme pas.
mais qui doivent être les Bollandistes dont le tome VI de septembre avait
paru en 1867, que la Vie existe, mais curieusement il ne cite pas sa source. Et
surtout il s'est bien gardé de publier le document. non plus que celui relatif il
AlL'~picius, se contentant de piquer ici ou là de très brèves références et
préférant résumer le texte qu'il avait dù lire 30, Où? Vraisemblablement à
Carpentras. dont il devait connaître le fond. C'est le même document qu'a
eu entre les mains Paul de Terris lorsque dans la re vue mensuelle cc Sainte
Anne d 'Apt)) 31, en 1894, il donna sa propre version : « Nous nOlis
comenterons de traduire à peu près littéralement l'o uvrage de l'évêq ue
aptés ien du xrw siècle, sauf à y ajouter quelques légers détails qui lui avaient
échappé et que nous emprunterons à des auteurs sérieux . ))
Le manuscrit de Carpentras débuta par un prologue qui se prése nt e
comme l'œuvre de Regimundlls Aptensis "desiae ... episcopus, qui la dédie il un
chanoine - non nomm~ d'Avignon - qui avait été récemment i71 basilica
IIbi corpus beata, Matba, Sa/vatoris ancilla" discipulae, ... qui,scit - h as ilique
où un autel était dédi é à saint Castor. Ce Regimundus serait donc le
Rd}mundus Boti des actes de la fin du XIII' siècle. il moins qu'il ne s'agisse de
Raymond Bot. évêque d'Apt de 1319 à 1330. Curieusement Albani"
présente les deux solutions à des pages différe ntes. Dans la notice sur Castor.
il attribue la rédaction il Raymond Bot «évêque d'Apt vers la fin du
XIW siècle)) et, dans la notice sur Raymond Bot II, il en fait l'auteur d e la
copie de la Vie et Je donateur d'un buste d 'argent destiné à recevoir la tête de
Castor 32.
Ce Regimundus, évêque, est donc censé avoir remanié une Vie
ancienne: vitam quam olim gallicano co/nrno simplici/ate fratrum minus
d,/ucidatam inveni, simp/ici stilo breviter enorat, cura vi. Pour qui lit les lo ngues
phrases et répétitions souvent superflues du texte. un sourire vient
immédiatement. Mais. il y a des choses plus graves. Notre Ct abréviateur ))
donne un récit qui n'est pas toujours en accord avec les leçons d es bréviaires.
qui devraient être contemporaines de sa rédaction. ni avec d'autres
documents plus récents. Il ne peut être question de reprendre entièrement la
narration. Je me contenterai d'en rappeler les faits saillants.

29 . Gal/fa cbrisliana novissima ... I. col. 196


30. C ertes J'invl."ntaif(' dl." Carpl."ntras n'a paru qu'en 1901. Mais Albanrs qu i avait fait
dans la mêm e série les catalogues dl."s manuscrits de Marseille avait pu suivrl." le travail fait à
Carpentras. D'autant plus aisément qu'il y ava it eu C. G . LAMBERT. Cata/ogut dtJ(P'iptif tt
raisonné dts manuscrits dt la bibliotbtqut dt Carptntras, 1. I. 1862 (voir pp. ?09-3 10).
31. Saint Anne d'Apt, Revue mensudle. 1rt année. nO l. août 1894. p. 102 et su ivantl."s.
32. Ga/lia cbristiana novÎssiNa ... I. col. 196 et 243
3!19

- Castor est nÎmois. Suit un développement subtil sur l'étymologie du


nom et les raisons du choix 33.
- PueruluJ, il s'est donné aux Arts libéraux.
- Une veuve d'Arles apparaît qui possédait quoddam oppidum ... quod
vrxabulo Man/hana ... opidanorum indus/ria /urribus e/ muriJ fere inexpugnabilem
factum. Elle était l'objet de cabale de la part d'un certain Auxentius. Elle
vient se jeter aux pieds de Castor qui lui fit gagner le procès J4
- Le mariage de la fille de la veuve et de Castor est proposé à celui-ci
qui accepta. Puis Castor choisit la vie solitaire; à ce point. se place une
allusion très difficile à restituer à cause des ratures à saint Pierre et sainte
Pétronille : on retrouve donc là des vies de saints romaines tardives 3S
- Création du monasterium de Manantha. où Castor vit très
humblement: on le voit faire cuire le pain. en risquant gros à callse de la
fumée et de la chaleur.
-Désignation de Castor comme abbé.
- Lettre écrite à Jean Cassien.
- Mort de Quintinus. évêque d'Apt; le choix se porta sur Castor.
- Acceptation apparente de Castor puis fuite dans la/ebram Ebredonis
montiJ. Découverte par les Aptésiens.
- Maeximis laudibus intronizaverunt 36. Et eonvocato metropolitano mm
episeopis eonprovincialibus mm magna veneratione eonseeratur.
- Castor resta abbé de Manantha.
- Promenades avec le diacre Largus : là se place l'épisode de la torche
que la tempête ne réussit pas à éteindre, des vêtements secs et de divers
prodiges.
- Libération de prisonniers pour les faire participer aux cérémonies
pascales. Episode qui est situé sub Arcadio imp,ra/ore 57 Le juge refusa:
l'évêque pria et les captifs furent délivrés. Quo miraculo terri/us judex duritiam
eordis deposuit, pie/a/em assumpsit, rogavitque pontifieem u/ eareeris il/ius
domicilium in domum Salvatoris oratorium eonseerando permutaret. In quo
nimirum oratorio frequentius mÎSsas fociebat. A noter que les prisonniers avaient
été conduits à l'eec/esia Jane/ae Dei genitriciJ.

33. Ces étymologies se lisent dans le manuscrit d 'Apt nO 2


34. Ct't épisodt' t'st lu i aussi proprt' au hréviairt' d'Apt nO 2
3j . On trouve déjà référt'nct:' à la légt'ndt' dt Pétronillt Cht7. Adon. Voir édition ci tét
nott 20. pp. 175 et 193 . •
36. Cettt fo rmult' méritt' d'rtrt' rdt'vét' car l'intronisation tst restét rést'rvét au pape
jusqu'au IX t s i~de (voir lorsqu'ellt st'ra puhliée la XXXIIlt 5tUimana... dt 5po/Ùt)
37. Mention curieuse puisqu'Arcadius a été t mpereur tn Orient de 395 à 408 ;
Remt'rville don nt par contrt ici, commt plus bas. Honorio. Mais il e-st vraisemblable qUt la
lecture- Arcadio a dû postr problème- car dans le manuscrit dt:' Carptntras on lit : anno 407
pour la date dt:' la mort . Honorius étant mort t:'n 423. la correCtion s'tst pt'llt-ètTe imposét à
un érudit qui connaissait la lettrt' de 4]9
390

- Récit de la mort de Castor. en présence des episcopos, abbates,


preskyteroJ, monachos, ce/trosque religio50s viros. Il communia au corps et au
sang. Le texte ajoute labii fronti peelori signum sanctae crucis imprimens.
- Suit une date : imperatore Arcadio, regnanle Domino n05/ro Jesu Christo
qui cum Patre et Spiritu sa ne/a vivil et regnat unllS DellJ. per immorlalia semla
secu"'rum. Amen. Doxologie qui est accompagnée d'une date: Compulandus a
conditione mundi usque ad ejus obilum anni V millia el (1) C XVII. Ce qui est
complété en marge par: Alibi 43\7 id esl tin. 407. A noter que la doxologie
est identique à celle qui clôt la Vie d'Auspicius.
- Dans cette chronologie est intégrée la formule: Sepu/tus esl aulem in
illa cripla in qua sieut dictum est in honore Domini Salvaloris altare consecraveral.
Ce texte très long et verbeux est intéressant à plusieurs titres. Norre
auteur connaissait une église de la Vierge et une église du Sauveur où était
enterré Castor. D'où la double mention à l'occasion du miracle de Pâques et
d'où l'hypothèse que nous sommes en droit de faire: le rédacteur de cette
Vie a cherché par là à expliquer l'origine même de ce qu'il voyait. le groupe
des deux nefs jointives. celle de la Vierge au nord et celle de saint Castor au
sud qui, au hasard d'un texte du IX( siècle. nous est déjà apparue comme li ée
au culte du Sauveur. Le récit des prières de Georges et de son épouse se
trouve donc éclairé et par ce qui reste visible et par cette Vie.
Notre auteur s'exprime comme un homme d'un Moyen Age avancé: il
parle d'intronisation et de consécration épiscopale: il sait l'importance que
revêt la présence du métropolitain; il évoque un rite qui accompagne la mort
que je n'ai pas relevé dans les Vies les plus anciennes. Et surtout il décrit
l'oppidum de Manantha comme un château fortifié.
La Vie B est antérieure au XIve siècle puisqu'elle a servi de base au
moins à un bréviaire aptésien. Mais peut-on être plus précis?
Dans les deux Vies A et B. il Y a une trame commune qui est en
contradiction flagrante avec l'information fournie par Jean Cassien. Castor
était évêque lorsqu'il demanda les « Institutions n. et non pas abbé d'un
quelconque monastère. Bien au contraire. la phrase signalée plus haut de la
préface exclut tout coenobium de la provincia. La Vie A contient un détail que
je n'ai pas relevé encore: Igitur praeclarissimus prudens abbas (il s'agit de
Cassien) qui firme, ut vere reperimus. quinque mjlia pater extetit monachorom.
Or, il s'agit là d'une exagération visible inspirée par les récits qui ont circulé
sur les monastères d'Egypte 38.
Je me risquerai à faire un hypothèse . Je situerai volontiers l'origine de
nos deux textes. vers le moment où les moines de Marseille attribuèrent à

38. Ce chiffre de 5.()(XJ. nous le trouvons dans PALLADIUS. Histoire lauJiaque, fd


G.J.M. BARTELlNK. éd. Mondador;, 1974. 7, 2. pp. 38-39. où ;! ;nd;qu, l, nombre d,
gens qui SO nt dans la montagne de: Nirrie. 32,8, pp. n6 - 1n. sur les 7.(XXI qui sont sous
l'autorité de Pakhome.
J9/

Jean Cassien leur fondation et où ils introduisient au début de leur manuscrit


des Jnstitution,s une lettre de Castor. Au moment aussi où sc développa la vie
canoniale à Apt , c'est-à-dire en un Xlt siècle qui voit la reconstruction du
groupe épiscopal et le développement du culte de Castor. Ce qui conduit à
chercher la ou les sources de ces textes, soit autour d'épiscopat d'Alfant
( ... 1048-1076 ... ) qui marque une première reconstruction du groupe
épiscopal, soit vers le milieu du xne. date la plus haute que l'on puisse donner
à la crypte sainte placée sous J'abside de la nef septentrionale, et reliée par
une fenestella avec J'abside de la nef méridionale. AHNC CRIPT AM
S(AN)C(T)AM lit-on sur le pourtour de la confession si parfaitement
appareillée, qu'on ne peut la faire trop remonter dans le temps. J'ajouterai
que, présentement, je penche vers une hypothèse qui placerait dans la même
séquence J'ensemble des deux nefs ct absides; et ces travaux, je les vois mal
commencés avant le milieu du xw siècle.
Un siècle de constructions et reconstructions et l'importance donnée
aux reliques me paraissent pouvoir expliquer Ja rédaction d'une légende.
Surtout si J'on admet que la structure double de la cathédrale actuelle reprend
une structure ancienne dont il est impossible de préciser l'organisation
précise. La mention des deux lieux de culte dans la Vie B me paraît
parfaitement répondre à un b.esoin d'expliquer l'originalité architecturale de
la cathédrale d'Apt au XII' siècle.

Jean de Nicolaï, évêque d'Apt et vice-légat, a fait imprimer à Lyon un


bréviaire, secundum ritum el morem prefata, Aptensis ecclesiae. A la révision des
textes et à l'expulsion des erreurs qui s'i taient introduites. avaient travaillé
Monaldus de Cantona, chanoine et préchantre, et trois bénéficiers. Antoine
y snard, Balthasard Lanfuni et Guillaume Jean. Le travail fut achevé le 17
février 1532 (Albanès pense 1533) à Lyon, par l'imprimeur Denys de
Harsy".
Du fol. 424 rO au fol. 427, figure l'office : festum beatissimi Castons
Aptensis ,piscopi ,t eonfessoris. Duplex majus. El hab,t octavas solemnes. D'où
d'autres lectures placées au fol. 427 V O et 428ro. La !.etio J et la II a
reprennent les textes des leçons 1 et II des bréviaires de la série A. La leelio
JII unit les anciennes leçons III ct IV . La lectio JV estl'ancienne V ct début
de la Vic. La lectio V débute avec J'élection de Castor comme évêque d'Apt
(2< partie de l'ancienne leçon VI). La leçon VI est nouvelle : die évoque les
difficultés rencontrées dans le monastrre lorsque Castor voulut s'en
décharger. Quant aux antiennes, versets et répons, ils reprennent eux aussi

39. Un exemplaire est conservé dans la réserve de la bibliothèque de Cal"p('ritras. Un


autre qui est passé dans les mains du chanoine:" Espeut. SI: trouve dans la bibliothèque du
Centre d'études des sociétés méditerranéennes de l'Université de Provence. à Aix
i'!2
ceux dt" la série A. Si bien que notre nouveau bréviaire ressemble très
fortement aux bréviaires du XTV~ siècle.
Nouvelles. par contre, sont les leçons de l'octave, au nombre de trois.
Elles contiennent le récit du sanglier blessé qui se réfugia auprès de l'évêque.
alors que celui-ci rentrait vers sa cathédrale. Jub Bonili ct/stro. Récit que nous
lisons avec les mêmes mots dans la Vie B .... aper securus ad silvam ; pontifix
ad suam cÎvitatem regressus est. De même. si l'on regarde les récits relatifs à
Auspicius dans ce même bréviaire. on constate que les leçons sont très
différentes de celles de la série A du XIV' siècle et que les rédacteurs ont puisé
à pleine main dans les légendes qui rattachent l'évêque d'Apt à Nérée et
Achillée. à Flavia Domitilla et Clément de Rome.
Une autre originalité peut être trouvée dans notre bréviaire imprimé.
Dans les bréviai res. tant de la série A que de la série B.la propriété de Castor
où il établit des moines est liée à une église Saint-Etienne. En 1) 32. on
trollve l'indication suivante: in quodam Sui juris agello sanet; Faustini summo
studio ecclesiam construxit. Je n'ai pas noté dans la Vie du manuscrit de
Carpentras d'indication de nom de saint lié au monastère de Castor. Détail
qui m'intrigue quelque peu puisque Albanès et Terris reprennent. dans leurs
récits. ce titre de Saint-Faustin. Titre qui témoignerait d'un culte du martyr
romain vénéré au VI ~ mille sur la voie de Porto.
Je n'ai pas pris connaissance des leçons du bréviaire de 1664 qui a été
imprimé en conformité avec les normes du bréviaire romain. Mais les
extraits qu'en ont donné les Bollandistes suffisent pour se faire une idée
précise de son contenu. Ces érudits, en effet, n'ont eu entre les mains que la
Gallia chriJtiana et les leçons de ce bréviaire. Pour ma part. j'ai consulté deux
autres documents. les Officia propria sanetae calhedralis ecclesiae et diocesis
Aplensis, publiés à Avignon en 1769, et le Breviarium Aplense il/ustrissimi el
reverendiJsimi ... DD. Laurenlii-Michaelis Eon de Ce(y, episcopi Aplensis et
principis, publié à Paris en 178)40
Entre le bréviaire du xvw et les textes du XVIW, il y a peu de
différence. sauf que le premier est plus bavard que les deux autres. On y
trouve. en particulier. un développement sur l'humilité de Castor dans son
monastère et l'histoire du four . De même, le texte est quelque peu développé
pour évoquer les vertus de l'évêque. On y trouve aussi mention des

40. L'e: xe:mplaire: du bréviaire- de- ]:; 32 que- poss~dait le: chanoine: Espellt lai s~e e-ntrt'voir
b difficuh ~~ rt'ncontrées par l'adoption d e-s nouveaux textes. Vnt' main a écrit sur It' dernin
folio du brévia ire- propreme-nt dit : (' Ad idem obj«tum vide- ddiberatione-m capituli 30 maï
1643. VOye:7 la délibération du 8 (déce:mbre-) 1604 où le: chapitre en recevant le bréviaire
romain Mdart' que ce n'e-st qu'autant qu'il ne: préjudirait pas à ses statut~. privilèges. libe:rtés t't
immun ités. En 1697. le Parleme-nt y avoir abus à une ordonnance: de M . l'év<<tue: qui
ordonoit de: rt'cnoir le rirud francois-romain ou métropolitain. sur le: fond mê-me qu'on ne:
peut pas changer les usage:s de:s cathédrales. li
393

prisonniers libérés et conduits ad eec/esiam Deiparae Virginis dieatam. Et la


construction de l'église du Sauveur sur l'emplacement de la prison est
rapportée. Même souci des détails pour la sépulture in sae,lIo SalvatlJris.
Il y a donc un réd souci d'abréger le texte dans la deuxième moitié du
XVIII~ siècle. Tout se passe comme si cenains détails étaient maintenant
superflus. Mais la trame même du récit est le même. L'itinéraire conduit de
Nîmes à la veuve arlésienne et à Manancha, élevé au rang de monastère.
Détail à relever, il est cette fois question, après la lettre , de l'œuvre de Jean
Cassien en ces termes : de institutione mtmastica libri. Apparaît aussi une
mention extraite d'un document authentique, l'allusion au concile chargé de
juger l'évêque Maximus de Valence.
Les rédacteurs des XVW -XVIW siècles apparaissent donc comme
soucieux d 'introduire des documents empruntés à une histoire sérieuse. Mais
dans le même temps, ils abandonnent la Vie A pour s'appuyer sur la Vie B.
Les leçons du jour sont un résumé de la Vie B. Me paraît caractéristique
l'allusion à la veuve arlésienne , ainsi que les détails sur la vie au monastère de
Ma.nancha. Nos auteurs ont donc rompu complètement avec la tradition
conservée dans le bréviaire imprimé de 1532. Mais il y a bien des
différences avec la Vie B qui ne s'expliquent pas seulement par le souci de
résumer.
Dans la Vie B, lorsque la mort approche, Castor fait un certain nombre
de gestes: labiis, fronti, peetor signum saneta, erucis imprim'ns manibus. Dans
nos nouveaux bréviaires. on lit: seipso crucis signa muniens. et elevatiJ manibus,
suspiciens in coelum, animam Deo reddidit. Un geste nouveau est introduit qui
rappelle étrangement la mort de saint Ambroise ou celle de saint Benoît.
Un dernier détail mérite d'être relevé. Alors que les Vies anciennes ne
font mention que de façon vague à la consécration épiscopale ou que la Vie B
ne signale que le métropolitain et ses conprovinciales, nos textes font
apparaître l'évêque de Cavaillon, mandato episcopi Cavallicensis. Or, cette
nouveauté ne peut s'expliquer que si l'on se rappelle qu'à partir des xvw-
XVlfIC siècles 40, on identifiait Manancha avec Ménerbes, précisément située
dans le diocèse de Cavaillon. La Vie commentée· par un auteur anonyme ,
après 1750, souligne cette obéissance de Castor à l'ordinaire du lieu, pour
parler en termes modernes.
Quant à Denis de Sainte-Marthe (1667-1765), auteur du premier
volume de la Gallia christiana. mise en train à la demande de l'assemblée du
clergé de 1710 - le volume 1 a été publié en 1715 -, il a visiblement
utilisé dans les intrumenta 42, un bréviaire du type A , manuscrit ou imprimé.

41. La vÎt dt Jain/ Caslor, tvifJue d'Apl e/ patron rie la paroisse tÛ Nismes. Avignon. éd.
F.J. OOMERGUE, , .cl
42 . Gal/ia Christina, t. J. 17IL col. 3~O-351l:t inslr. p. 73
394

En effet, la Vie qu'il donne, très brève, lue in perveluslo Aplensis ecclesiae
martyrowgio, suit très fidèlement les leçons du bréviaire - et elles seules - ,
en omettant quelques rares phrases.
Il n'y a donc, durant les XVl'-XVIII' siècles, que peu de modifications par
rapport aux versions primitives. Ou bien on garde la version A, courte; OH
bien on résume la version B. Sauf à en conserver un passage original: mais
encore cela est-il le fait des correcteurs de 1) 32. Aux XVII'-XVIII' siècles, on
appauvrit la seule version qui faisait preuve d'une réelle imagination et on la
réduit à un pauvre abrégé.

Les observations qui viennent d'être présentées conduisent à mettre en


doute l'historicité des faits rapportés par les sources hagiographiques. Le
silence qui s'étend du Vt au x r siècle. l'absence de toute mention dans les
martyrologes anciens, les formules même~ de la Vie la plus longue, les
différences que l'on perçoit entre diverses traditions - ce qui paraît surtout
vrai pour la Vie cl' Auspicius -. tout cela conduit au scepticisme. Encore
faut-il essayer de comprendre ce qui s'est passé à Apt entre le XI~ et le
xlvrsiècle.
Pour cela, il est nécessaire d'élargir quelque peu notre champ
d'observation. Tout d'abord. il convient de se rappeler que bien des évêques
du Midi. même rendus illustres par td événement « littéraire» comme
l'œuvre de Cassien, n'ont reçu qu'un culte local dont l'apparition est tardive.
Tout autant que Castor. Leomius de Fréjus est resté un inconnu. Si l'on met
à part les évêques d'Arles ou de Riez, liés par un moment de leur vie au
monachisme lérinien. quasiment personne ne sort de l'ombre. avant un
Eutropius d'Orange, un Marcellus de Die ou un Apollinaris de Valence,
donc avant la seconde moitié du V( siècle.
Se pose un problème même dans la première moitié du V( siècle: de
quand date le culte d'un Honorat de Lérins devenu évêque d'Arles? Le
sermon prononcé lors de son anniversaire par Hilaire n'est pas explicite sur
ce point. L'autre sermon, attribuable à Fauste de Riez, est par là même un
peu plus récent. La Vie de Maxime de Riez mort entre 4)2 et 462 n'a été
écrite qu'à la demande d'Urbicus, connu entre )84 et )89. Y a-t-il eu
vraiment et fréquemment un culte ancien des évêques? Jean-Charles Picard
s'est posé des questions analogues pour l'Italie du Nord et il est fort sceptique
sur l'antiquité de bien des « traditions» médiévales 43.

Par ailleurs, il semble évident que certains cultes d'évêques, fondateurs


ou non , doivent leur nouveau départ sinon leur naissance aux XIf et xw

43 , Il s'agit d'unt thèse soutenue' à Paris-IV C'n 1984. à paraître dans la Bibliothèque dt
l'Ecole française: de Rome. Pour plus de d~vdoPIXm('nts sur ces ViC's qui seront citées, je
renvoie à l'article indiqué à la note 1
395

siècles. Il en va ainsi du plus illustre et de celui 'qui est le plus anciennement


attesté, Trophime d'Arles, qui émerge dans le martyrologe d'Arles-Toulon
et qui surtout doit son succès au transfert de reliques dans l'église cathédrale.
depuis l'Antiquité pourtant dédiée au diacre Etienne. Ce titre est même
attesté dès la Vie d'Hilaire, mort le 5 mai -449, Vie écrite au plus tard au
début du VI' siècle. Au IX' siècle, la cathédrale était toujours dédiée à saint
Etienne, en même temps qu'à la Vierge et saint Genès. La première mention
du titre de Saint-Trophime - ]003-1009" - est du début du XI' siècle.
Or, c'est en 9 72(?) que, pour la première fois, on lit dans un acre mention de
la présence du corps de Trophime à Saint-Etienne .: ab baJilieam saneti
Stephani ... protomar~yris Christi ubi sanctus Trophimus pteciosus eorpore quiescit ".
Avec le XIJf siècle, le vocable nouveau supplante définitivement l'ancien.
Cette évolution s'est accompagnée d'une série de transformations
architecturales. On attribue d'ordinaire 46 à une première étape dans le
IX~ sièc1e les murs latéraux de la nef et au xw siècle la construction d'une
nouvelle abside. d'un transept et d'une crypte, ainsi que le voûtement
ultérieur des trois nefs. Cette crypte étendue - d'un type que l'on s'accorde
à considérer comme un archaïsme était justifiée peut-être, au moins dans un
premier temps, à recevoir les reliques de Trophime. Une tradition arlésienne
médiévale situe un transfert des reliques de Trophime en 1152" ; et les
archéologues sont tentés de placer un peu auparavant la construction de cet
ensemble monumental - crypte et transept.
Le Xlt et la première moitié du xw siècles apparaissent donc comme un
moment important dans le développement du culte de Trophime, comme
dans la vie religieuse de la ville.
Le pèlerin qui se rendait à Saint-Jacques de Compostelle après être
passé par Arles, gagnait Saint-Gilles. Or, là encore, il pouvait voir une
crypte imposante, mais placée sous la partie occidentale de la nef. Cette
œuvre amorcée en 1116. on pourrait la croire imposée par des raisons de
pente du terrain; en fait, elle découle de la nécessité de permettre l'accès au
tombeau de saint Gilles 48. Or, ici aussi nous nous trouvons devant une

44. Gal/ia chrisliana novissima, Arl~s . Valence. 19CXJ. col. lB, nO 299
4l.lbid., col. 120. n' 27l.
46. J.-M. ROUQUETTE, Provtnct romane, 1.1, la ProVutct rhodanienne, La-Pierre-qui-
vire. 1974. pp. 26~-273; J. THIRION. 5aint-Trophimed'Arks, dans Congrèsarrhiokgique de
France, /J4' session, /976, Pays d'Arles, Paris. 1979, pp. 370- 382
Je me d~mand ~ si J'on a bi~n raison d'attribuer s~ul~m ent à des raisons de disposition. du
terrain la crypt~ d~ Montmajour : on aurait pu bâtir l'édific~ ~ n d'autres lil"uX du plateau. à
mon ·s~ns. D'où l'impression que j~ mire que la crypte d'Apt n'est pas aussi isolée qu'on I~
dit. et que celle d'Arl~s n'est pas aussi archaïque qu on le." croit.
47. Gal/ia chrisliana novissitpa, ArI~s. col. 221. nO 568. J'ai la conviction qu'il faudra
repf("ndf(" un jour l'étud~ du cutte." d~ Trophime.
48. J. NOUGARET et R. SAINT -JEAN, Lmgurdoc roman, 1. l , Le Langurdoc
médite"anien, La-Pi~rre-qui-vire. 19n . .pp. 42-45
J96

dévotion dont le développement ne peut remonter très haut dans le temps.


La plus récente étude de la Vie de Saint-Gilles" invite à ne pas la dater
avant la fin du x~ siècle.
Une autre remarque est suggérée par l'existence de cette dédicace au
Sauveur, commune à la Vie longue et à la charte du XI' siècle. On se
rappellera qu'il y a, aux XI'-XII' siècles, un autre édifice qui gardait le
souvenir du Sauveur, c'est dans le groupe épiscopal d'Aix. La charte de
Pierre Gaufridi, vers 1090, parle du sedem Aquensis ecc/esie in honore sancI,
Marie consecratam cum oratorio Sancti Sa/vatoris nos/ri Dei, ainsi que du
baptistère. Et il a subsisté, jusqu'au tout début du XIX' siècle, un petit édifice
dédié au Sauveur, situé à l'extrémité de la nef dite du Corpus Domini, et
curieusement conservé dans le bras méridional du transept de la nouvelle
cathédrale du XJV~ siècle. Les fouilles récentes viennent même d'en restituer
le plan: une petite nef et une abside édifiées aux dépens de l'ancienne rue
romaine 50.

J'ajouterai une observation. Je serais "très étonné si l'on pouvait faire


remonter au-delà de l'époque carolingienne une dédicace du type de celle
dont nous constatons la présence à Apt ou Aix . Les mentions du Sauveur ne
donnent pas d'ordinaire un indice d'ancienneté; aussi le développement fait
dans les deux Vies A et B de Castor sur l'église édifiée au-dessus de la prison
(l'église explicitement dite du Sauveur dans la Vie B) me paraît constituer un
indice pour une datation de base de ces documents.
Le XII" siècle voit naître un certain nombre de dévotions nouvelles.
précisément à Aix: c'est alors - et vraisemblablement dans la seconde
moitié du siècle - que naît le souvenir de Maximin et que les traditions
relatives à Marie-Madeleine prennent corps. Il n'y a donc pas lieu de
s'étonner de l'importance que prend ici ou là un retour aux origines ou à un
passé à peine plus récent.
De là l'hypothèse que je formulerai : les XI'-XII' siècles ont dû voir
naître de nouvelles Vies pour répondre à ces nécessités de ressourcement. Du
cas d'Apt. je rapprocherai ce qui s'est passé dans le diocèse voisin. celui de
Cavaillon.
Les martyrologes anciens - le (( hiéronyrnien)) d'Auxerre, les
martyrologes carolingiens lyonnais ou viennois. Usuard - ignorent tout
d'un Veranus de Cavaillon, qu'il ne faut point confondre avec le Veranus
lyonnais, ni avec l'évêque - plus que douteux - de Vence. Pour l'évêque

49. A.M. LUISELLI FADDA. « Sulle tradu7.ioni altomedioevali di testÎ agiografici n,


dans Culto dû santÎ instÙu'ÛonÎ t classi sociali in et à prtindtiJlr;alt, Rome, pp. 13-35 qui
prolonge les observations de J. DUBOIS et G. REN AUD, Vies de saints et des birnhfureux,
t. 9. "p"mbre, pp. 27-33 (BHL, 93-9)).
50. R. GUILD, Elude dt la calbtdrale d'Aix-rn-Provenct, thèse de IW cycle de
l'Universitr de Provence. 1981. Plan dans Bull. mon., t. 144. 1986, p. 232
397

de Cavaillon, on dispose d'une Vie li , où surabonde le merveilleux, et où il


est plus question de ses longs voyages vers l'Italie que de son épiscopat. De
son séjour dans le Midi. le rédacteur a essentiellement retenu la destruction
du dragon qui hantait la source qui Sorgia dicilur, et le transport du corps ad
fonttm sliprascrip/am Sorgiam. ce qui donne l'occasion d'un nouveau miracle
d'un type banal dans l'hagiographie. Le pallium ... quod corpus l'g,bat ... Se in
am sublevans passe; la source s'arrête; le cortège passe et le corps est placé in
pra,dio ubi ipse, dum adhuc viveret in corpore, "lIulam bealae semper Virginis
construxit. L'évêque était mort le II novembre et il est enterré le 12 .
Ce récit est transmis par deux des manuscrits du Xlt siècle. l'un jadis
conservé à Saint-Benoît. l'autre à Micy : à quoi s'ajoutait un manuscrit perdu
de Montpellier. Or, c'est en 979 que Gauchaud, évêque de Cavaillon, a
fondé monasttrium ... juxta "cl,siam qu, in Vall,clusa sita fore vid,tur. Ces
moines devront rester soumis à l'évêque et ses successeurs. La suite du texte
donne le titre du nouveau sanctuaire: Tribuo namque ad supradicta ,ccl,sia
sancle Marie el sancli Veria ni confworis Christi... Le corps de l'évêque devait
être supposé là puisqu'cn 1311 seulement ses reliques ont été transférées à
Cavaillon. Notons au passage cette date; elle nous rappelle ce que Raimond
Bot fit en 1320 pour le chef de saint Castor. Et pensons aussi au mouvement
de piété qu'a pu susciter à travers la Provence l'invention des reliques de la
Madeleine à Saint-Maximin. Nous sommes par ailleurs, en cette fin du XIW
et première moitié du XJV r , dans un moment où de nombreux lieux de culte
sont en cours de construction. Et puisque nous sommes dans le Comtat ou à
ses abords. comment ne pas penser à ce qu'a pu représenter l'arrivée de
Clément V à Avignon en 1309 et l'installation de la cour pontificale?
Vient alors à l'esprit une nouvelle interrogation. La série de sources la
plus ancienne qui livre la trame de la vie de Castor se lit dans les bréviaires
du XIV r siècle. Faut-il imaginer que c'est au moment où ces livres liturgiques
entrent dans l'usage que l'on a éprouvé le besoin de recueillir des récits qui
circulaient sur Castor et de rédiger une Vie? Ou faut-il remonter plus avant
vers ces XI'-XII' siècles déjà évoqués? Je ne saurais le dire. Car, même si je
perçois de la dispersion des informations entre leçons. versets. réponds.
antiennes des bréviaires l'existence d'une Vie. ;e ne saurais dire si cdle-ci est
de beaucoup antérieure.
François Dolbeau a étudié récemment la Vie de l'évêque de Die
Marcel. un texte en prose qui lui est apparue comme postérieure. à la Vita
Bihiani et contemporaine d'une Vie en vers 51. Ces deux textes qui
entendent décrire l'action d'un évêque qui a vécu à la fin du v r siècle et qui
serait mon en 510, remonteraient à l'époque carolingienne. Le texte en prose
eSt en tout cas antérieur à un manuscrit grenoblois du milieu du XJJr siècle. Il

lI. At/a sanctorum, octob<r. t . 8. pp. 467-470 (BHL 8)36)


52 . Voir J'article cité note L
Nil

est en effet vraisemblable que dans les villes du Midi, à l'instar de ce qui se
faisait à Vienne (autour d'Adon) et à Lyon, au moment où se réorganisait la
vie ecclésiastique - ce dont témoignent encore pour nous les plaques de
chancels ici et là conservées - il ya eu écriture de Vies d'anciens évêques ou
de saints locaux. Cepe~dant je n'oserais faire remonter aussÎ haut les sources
de la Vie de Castor, ou de celle d'Auspicius. Pour Apt comme pour bien
d'autres villes, nous butons sur tout ce que le XI' siède a accumulé dans la vie
religiell'ie : reconstruction des chapitres cathédraux, reconstructions des lieux
de culte. créations monastiques. Auparavant nous n'appréhendons que le
vide. Ou presque

On voit que la recherche des sources hagiographiques et l'étude quelque


peu précise des dévotions médiévales entraîne dans des directions très
diverses. Et ce que je viens de dire prouve qu'un examen rigoureux des
bréviaires manuscrits et imprimés mérite d'être tenté, en même temps qu'une
recherche des Vies anciennes des saints locaux. Tout cela est certainement
plus important que de rechercher où localiser le monastère de Manantha ou
Manancha ou Manacha qui n'a sans doute jamais existé ailleurs que dans
l'imaginaire médiéval. Plus utile serait encore de chercher les formes de
piété qui sont suggérées par ces documents, les vices que les clercs
entendaient combattre - je pense à la luxuria des bréviaires du XIV' siècle.
Je me sui~ contenté de mettre un peu d'ordre dans une documentation
qui n'avait pas été revue de façon critique depuis longtemps et qui surtout
n'avait pas été véritablement regroupée. Je me suis donné le plaisir de
revenir à mes premières recherches: n'avais-je pas consacré un de mes
premiers articles aux fêtes religieuses dans le diocèse de Fréjus, ce qui m' avait
conduit à détruire quelques légendes qui continuent pourtant à se maintenir,
si fortes sont les errances et les croyances que je ne qualifierai pas de
populaires. Aurai-je plus du succès dans le pays d'Apt? Au lecteur d'en
Juger.
Paul-Albert FEVRIER.

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