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RÔLE
DU DISPOSITIF DE FORMATION
DANS LE PROCESSUS
DE RÉDUCTION
DE TENSIONS IDENTITAIRES
II
REMERCIEMENTS
Par ces quelques lignes, je tiens à remercier toutes les personnes ayant contribué à
l’aboutissement de ce travail de recherche.
Je pense en premier lieu aux membres de ma famille qui, par leur soutien continu, m’ont
permis de trouver les ressources nécessaires pour mener à bien un tel travail.
Je remercie tout particulièrement les cinq étudiants qui ont accepté de participer aux
divers entretiens.
III
RÉSUMÉ
Nous nous sommes orientée vers une recherche qualitative longitudinale en choisissant une
posture épistémologique de type constructiviste. Pour analyser cette interaction entre
tensions identitaires et dispositif de formation, nous avons effectué des interviews
individuelles semi-directives. Les entretiens ont eu lieu en trois fois sur l’année
académique auprès de cinq personnes. Les données recueillies ont été traitées en utilisant
des méthodes d’analyse de discours.
Les deux ancrages théoriques essentiels sur lesquels se fonde la recherche sont d’une part
l’apport du modèle d’Higgins (1987) sur les tensions identitaires et d’autre part les
connaissances recueillies par Entwistle (2003) sur les caractéristiques d’un dispositif
favorisant l’apprentissage en profondeur.
IV
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 1
1. LE CHAMP D’ÉTUDE 4
2. LES ANGLES D’ATTAQUE DISCIPLINAIRES 5
3. L’OBJET SPÉCIFIQUE 5
FORMATION 25
2.2.1. Les types de but visé par l’adulte en formation 25
2.2.2. La perception de la cohérence du dispositif 27
2.3. SYNTHESE 28
V
CHAPITRE III CADRE MÉTHODOLOGIQUE 31
1. CHOIX MÉTHODOLOGIQUES ET
ÉPISTÉMOLOGIQUES 31
2. POPULATION 35
3. CONTEXTE DE LA RECHERCHE 38
4. MÉTHODE DE RECUEIL DES DONNÉES 40
4.1. L’ENTRETIEN 40
4.2. CONSTRUCTION D’UN GUIDE D’ENTRETIEN 41
4.2.1. Le guide d’entretien 42
4.3. RECRUTEMENT 43
4.4. DEROULEMENT DES ENTRETIENS 44
5. L’ANALYSE DE CONTENU 46
5.1. L’ANALYSE CATEGORIELLE 46
5.1.1. Analyse catégorielle des entretiens 48
5.2. LE SCHEMA DE QUETE DE L’ANALYSE STRUCTURALE 51
1. MARIE 58
1.1. ENTRETIEN I (NOVEMBRE 2003) 58
1.1.1. Les aspects identitaires 58
1.1.2. L’influence du dispositif 60
VI
1.1.3. Schéma : Marie I 62
1.1.4. Synthèse de l’entretien I de Marie 63
1.2. ENTRETIEN II (MARS 2004) 65
1.2.1. Les aspects identitaires 65
1.2.2. L’influence du dispositif 67
1.2.3. Schéma : Marie II 70
1.2.4. Synthèse de l’entretien II de Marie 72
1.3. ENTRETIEN III (JUILLET 2004) 73
1.3.1. Les aspects identitaires 73
1.3.2. L’influence du dispositif 76
1.3.3. Schéma : Marie III 78
1.3.4. Synthèse de l’entretien III de Marie 79
1.4. SYNTHESE DES ANALYSES DE MARIE 81
2. DANIEL 82
2.1. ENTRETIEN I (NOVEMBRE 2003) 82
2.1.1. Les aspects identitaires 82
2.1.2. L’influence du dispositif 85
2.1.3. Schéma : Daniel I 87
2.1.4. Synthèse de l’entretien I de Daniel 89
2.2. ENTRETIEN II (MARS 2004) 92
2.2.1. Les aspects identitaires 92
2.2.2. L’influence du dispositif 94
2.2.3. Schéma : Daniel II 96
2.2.4. Synthèse de l’entretien II de Daniel 99
2.3. ENTRETIEN III (JUILLET 2004) 101
2.3.1. Les aspects identitaires 101
2.3.2. L’influence du dispositif 102
2.3.3. Schéma : Daniel III 104
2.3.4. Synthèse de l’entretien III de Daniel 106
2.4. SYNTHESE DES ANALYSES DE DANIEL 108
3. ANNE 111
3.1. ENTRETIEN I (NOVEMBRE 2003) 111
3.1.1. Les aspects identitaires 111
VII
3.1.2. L’influence du dispositif 112
3.1.3. Schéma : Anne I 115
3.1.4. Synthèse de l’entretien I d’Anne 116
3.2. ENTRETIEN II (MARS 2004) 117
3.2.1. Les aspects identitaires 117
3.2.2. L’influence du dispositif 119
3.2.3. Schéma : Anne II 121
3.2.4. Synthèse de l’entretien II d’Anne 122
3.3. ENTRETIEN III (JUILLET 2004) 124
3.3.1. Les aspects identitaires 124
3.3.2. L’influence du dispositif 125
3.3.3. Schéma : Anne III 129
3.3.4. Synthèse de l’entretien III d’Anne 130
3.4. SYNTHESE DES ANALYSES D’ANNE 132
4. COLINE 134
4.1. ENTRETIEN I (NOVEMBRE 2003) 134
4.1.1. Les aspects identitaires 134
4.1.2. L’influence du dispositif 136
4.1.3. Schéma : Coline I 138
4.1.4. Synthèse de l’entretien I de Coline 140
4.2. ENTRETIEN II (MARS 2004) 141
4.2.1. Les aspects identitaires 141
4.2.2. L’influence du dispositif 143
4.2.3. Schéma : Coline II 147
4.2.4. Synthèse de l’entretien II de Coline 149
4.3. ENTRETIEN III (JUILLET 2004) 151
4.3.1. Les aspects identitaires 151
4.3.2. L’influence du dispositif 153
4.3.3. Schéma : Coline III 158
4.3.4. Synthèse de l’entretien III de Coline 159
4.4. SYNTHESE DES ANALYSES DE COLINE 163
VIII
5. BERNARD 166
5.1. ENTRETIEN I (NOVEMBRE 2003) 166
5.1.1. Les aspects identitaires 166
5.1.2. L’influence du dispositif 168
5.1.3. Schéma : Bernard I 170
5.1.4. Synthèse de l’entretien I de Bernard 171
5.2. ENTRETIEN II (MARS 2004) 173
5.2.1. Les aspects identitaires 173
5.2.2. L’influence du dispositif 177
5.2.3. Schéma : Bernard II 181
5.2.4. Synthèse de l’entretien II de Bernard 182
5.3. ENTRETIEN III (JUILLET 2004) 183
5.3.1. Les aspects identitaires 183
5.3.2. L’influence du dispositif 186
5.3.3. Schéma : Bernard III 191
5.3.4. Synthèse de l’entretien III de Bernard 192
5.4. SYNTHESE DES ANALYSES DE BERNARD 194
IX
4. LES MOTIFS D’ENGAGEMENT EN FORMATION 207
4.1.1. Des motifs pluriels d’engagement en formation 207
4.1.2. Des motifs d’engagement en formation contingents 207
4.1.3. Des motifs d’engagement en formation évolutifs 208
4.2. LES MOTIFS D’ENGAGEMENT EN FORMATION ET DEGRE DE SATISFACTION 210
4.2.1. Le motif opératoire professionnel 210
4.2.2. Le motif vocationnel 211
BIBLIOGRAPHIE 227
ANNEXE 231
CURRICULUM VITAE 232
X
INTRODUCTION
1
sur les caractéristiques du dispositif. Les catégories choisies ont été inspirées du travail de
recherche d’Entwistle (2003) concernant la qualité de l’environnement – apprentissage
encourageant l’apprentissage en profondeur et plus directement, du travail de Charlier,
Deschryver et Peraya (REF Montpellier 2005, à paraître). En effet, ces auteurs ont établi
une grille dans laquelle les caractéristiques visant l’efficacité du dispositif étudié sont
mises en évidence.
Notre approche étant constructiviste, les théories citées nous servent de cadre
d’interprétation. Le contenu des discours est primordial.
Notre recherche se termine sur une analyse exploratoire qui, nous l’espérons, sera utile aux
responsables de formations.
2
CHAPITRE I
OBJET DE LA RECHERCHE
CHAPITRE I OBJET DE LA RECHERCHE
Par ce chapitre, nous définissons le cadre de notre recherche. Cette démarche est
importante car elle permet au lecteur de connaître les règles posées par le chercheur pour
effectuer son travail. Le lecteur peut ainsi tenir compte de ces précisions lorsqu’il découvre
la recherche.
Pour définir notre objet de recherche, nous utiliserons la démarche proposée par Albarello
(1999) dans son livre « Apprendre à chercher ». Elle nous semble bien structurée et
pertinente pour notre recherche.
1. LE CHAMP D’ÉTUDE
Le champ d’étude appréhendé dans le cadre de notre travail est celui de l’identité en
formation d’adultes. Plus précisément, l’interaction entre le dispositif de formation et les
tensions identitaires vécues par des adultes dans le cadre d’une formation universitaire.
Nous aborderons cette problématique du point de vue de l’apprenant. Notre intérêt se porte
particulièrement sur l’évolution des tensions vécues et le rôle du dispositif sur ces
changements identitaires. Pour mieux comprendre la dynamique de ces changements, nous
avons rencontré nos sujets à trois reprises durant leur parcours de formation.
L’objectif général de cette étude est de contribuer à une meilleure compréhension des
configurations permettant à l’apprenant d’atteindre des apprentissages en profondeur.
Nous définissons notre recherche comme une recherche descriptive car nous mettons
l’accent sur la description et la classification des représentations des apprenants. Elle est
également exploratoire car nous essayons de comprendre comment les adultes en
formation se perçoivent et comment ils perçoivent le dispositif. Pour ceci, nous
contextualisons et organisons les informations recueillies sous forme de configurations.
Celles-ci suggèrent, à différents moments, des interactions significatives entre le dispositif
de formation et la dynamique identitaire.
De nombreuses recherches en formation d’adultes (Bourgeois à paraître, Barbier 1996)
relèvent l’importance de l’identité. Celle-ci détermine l’engagement, le maintien ou
l’abandon de la formation et influence la qualité de l’apprentissage. Pourtant, peu d’entre
elles posent la question du rôle du dispositif sur la dynamique identitaire des apprenants.
4
Pour aborder cette problématique, il est nécessaire d’aborder deux champs d’étude : celui
des tensions identitaires et celui de la pédagogie universitaire.
3. L’OBJET SPÉCIFIQUE
Dans cette phase, il s’agit de définir un objectif précis, c’est-à-dire un aspect particulier du
champ d’étude. Notre recherche identifie les tensions identitaires et recueille les
représentations à partir d’une analyse de discours (Figure 1.1). Nous repérons les tensions
vécues en lien avec la perception du dispositif à un moment donné. L’analyse de
l’évolution des représentations au fil du temps, nous permet de dessiner des configurations
que nous pourrons comparer entre nos sujets. Notre intention est de mettre en évidence les
ressemblances et différences trouvées entre les cas. Nous allons repérer les caractéristiques
du dispositif qui interagissent sur les tensions identitaires vécues et tendent à les augmenter
ou les diminuer.
Cette étude devrait aider les formateurs à mieux appréhender cette interaction tension
identitaire – dispositif de formation et leur permettre, s’ils le désirent, d’en tenir compte
5
dans la mise en place d’un dispositif. Le but ultime étant d’optimiser le dispositif afin que
chaque apprenant réalise un maximum d’apprentissages en profondeur.
Par ce travail, nous désirons atteindre les deux objectifs suivants :
Représentations du dispositif
Expression des Did@cTIC
tensions - Cohérence du dispositif
Le sujet tire parti du dispositif
identitaires - Effet sur le lieu de travail
- Possibilité de collaborer
- Intérêt de suivre la formation
- Lien avec la pratique
Le dispositif affecte - Utilisation des NTIC
la dynamique identitaire du sujet - Choix possibles
- Contraintes ressenties
- Régulation du dispositif
Vision de soi
Dans le cadre théorique, nous allons mettre en lien les objectifs visés, la démarche de
recherche et les références théories sur lesquelles se fonde notre travail.
6
CHAPITRE II
CADRE THÉORIQUE
CHAPITRE II CADRE THÉORIQUE
Dans cette partie, nous allons construire les points de repère théoriques nécessaires à la
description des tensions identitaires, à la caractérisation du dispositif de formation et à la
compréhension des interactions dynamique identitaire – dispositif de formation. Ces points
de repère constitueront la grille d’analyse des cinq cas traités.
Dans une première partie, nous présentons l’apport théorique d’Higgins concernant les
tensions identitaires. Après une introduction générale du concept d’identité, nous
définissons précisément le concept de tensions identitaires essentiel dans notre recherche.
Nous abordons ensuite le champ de la pédagogie universitaire en mettant en évidence les
caractéristiques d’un dispositif de formation favorisant l’apprentissage en profondeur.
Dans la seconde partie, nous avons regroupé différents modèles théoriques servant à mettre
en évidence les changements de tensions vécues en cours de formation. Cela nous permet
de construire des hypothèses relatives aux conditions dans lesquelles ces changements de
tensions interviennent.
1.1. L’IDENTITÉ
8
La notion d’identité a de multiples facettes. Pour l’approcher, nous pouvons nous placer du
point de vue de l’individu, du groupe ou de la société. Notre recherche aborde cette notion
sous l’angle de l’identité individuelle.
L’identité individuelle représente la part unique d’une personne, sa singularité, son unicité.
Pourtant, l’identité individuelle s’établit sur des critères de relations et d’interactions
sociales. La question des interactions est aujourd’hui le paradigme d'interprétation
dominant des phénomènes de construction identitaire. L'anthropologue Jean-François
Gossiaux résumait cette posture en déclarant : « D'un point de vue anthropologique,
l'identité est un rapport et non pas une qualification individuelle comme l'entend le
langage commun. Ainsi, la question de l'identité est non pas "qui suis-je ?", mais «qui je
suis par rapport aux autres, que sont les autres par rapport à moi ?" Le concept d'identité
ne peut pas se séparer du concept d'altérité. » (Gossiaux, 1997). Ainsi, l’individu se
socialise et construit son identité tout au long de sa vie.
Plusieurs dimensions de l’identité personnelle ont été distinguées par Ruano-Borbalan
(1998).
Le désir de continuité du sujet
L’individu affirme son appartenance à une lignée, un environnement, une culture ou un
imaginaire.
Le processus de séparation/intégration sociale
Par la création de nouveaux repères identitaires, l’individu vise à se différencier de son
identité antérieure. L’opposition des adolescents à leur famille pour entrer dans la culture
jeune en est un exemple typique.
L’identité n’existe qu’en acte
L’appartenance à un groupe est liée directement à la pratique. Par exemple, l’identité
religieuse est d’autant plus forte que l’on va plus régulièrement à la messe.
La construction identitaire constitue un cadre psychologique
Ce cadre permet la valorisation de soi et l’autojustification. Cette construction identitaire et
l’image de soi sont des fonctions essentielles pour la vie d’un individu. Elles constituent
une structure psychologique permettant à l’individu de sélectionner ses actions et ses
relations sociales.
Notre recherche se focalise essentiellement sur ce dernier aspect de l’identité individuelle.
9
1.1.2. LE RÔLE CENTRAL DU SOI
10
modèle sur les tensions identitaires, Higgins utilise la notion de concept de soi. Il la
présente en deux éléments : le soi actuel vu par soi et le soi actuel vu par les autres
significatifs. C’est ce concept de soi qui peut se mettre en tension avec le soi idéal par
exemple.
Pour Sainsaulieu, l’identité professionnelle se définit comme la « façon dont les différents
groupes au travail s’identifient aux pairs, aux chefs, aux autres groupes, l’identité au
travail est fondée sur des représentations collectives distinctes » (Sainsaulieu, 1985).
L’identité serait un processus relationnel d’investissement de soi (investissement dans des
relations durables, qui mettent en question la reconnaissance réciproque des partenaires),
s’ancrant dans « l’expérience relationnelle et sociale du pouvoir ».
11
1.1.4. LES TENSIONS IDENTITAIRES
Dans le champ identitaire, c’est particulièrement le domaine des tensions identitaires qui
nous préoccupe. C’est-à-dire l’inconfort cognitif vécu par une personne et provoqué par
des représentations de soi contradictoires. La notion de conflits cognitifs est étudiée depuis
longtemps en psychologie. Abelson & Rosenthal (1958), Festinger (1957), Heider (1958),
McGuire (1968), Newcomb (1968) et Osgood & Tannenbaum (1955) ont proposé
différentes théories concernant la relation entre le mal être vécu et les différents types de
tensions cognitives.
Ces théories se fondent sur le principe que tout individu vise à maintenir un équilibre
psychologique ou cohérence cognitive. Si un individu se trouve dans une situation
provoquant une incohérence cognitive, il va agir dans le but de retrouver une cohérence.
Les cas d’incohérence forcent l’individu à des changements d’attitudes.
Cette théorie, appelée aussi fixation mentale ou ancrage mental, a été élaborée par le
psychologue Léon Festinger en 1957 dans ses études sur les manipulations mentales : « Si
vous changez le comportement d'une personne, ses pensées et ses émotions changeront
pour minimiser la dissonance. » ( Festinger, 1957). Cet auteur définit la dissonance
cognitive comme un état de tension désagréable provoqué par la présence simultanée de
deux cognitions (idées, opinions, comportements) psychologiquement inconsistantes. La
présence d’une dissonance produit une tension qui met l’individu dans un état d’inconfort.
Toujours selon Festinger, cet inconfort cognitif incite au changement pour réduire la
dissonance, soit en diminuant l’importance des cognitions dissonantes, soit en augmentant
l’importance de cognitions consonantes.
Quatre circonstances peuvent provoquer un état dissonant :
12
- la communication avec d’autres individus
La confrontation à d’autres points de vue peut amener des éléments dissonants des
représentations de l’individu.
LE MODÈLE D’HIGGINS
Dans son modèle « The self-discrepancy », Higgins (1987) se base sur différentes théories
psychologiques relatant le lien entre les tensions cognitives et leurs effets sur les émotions
(Adler, 1964 ; Allport, 1955 ; Cooley, 1964 ; Freud, 1961 ; Mead 1934 ; Rogers, 1961)
pour expliquer comment les tensions identitaires se créent. Sa théorie est proche des
théories psychologiques concernant les conflits cognitifs. Mais, elle est toutefois la seule à
établir une structure systématique mettant en relation les différents états de soi.
Etats de soi
Domaine du soi Point de vue sur le soi
1 Le soi actuel vu par soi
Concept de soi
2 Le soi actuel vu par les Autres
3 Le soi idéal vu par soi
4 Le soi idéal vu par les Autres
Soi guidé
5 Le soi normatif vu par soi
6 Le soi normatif vu par les Autres
13
En effet, cette théorie postule pour deux dimensions cognitives fondamentales des
représentations de l’état de soi : les domaines du soi et les points de vue sur le soi. Higgins
catégorise les différentes représentations de l’état de soi en partant de ces deux dimensions.
Six types de représentations de l’état du soi sont alors possibles (Tableau 2.1).
Concernant les domaines du soi, nous avons déjà abordé le soi actuel et le soi idéal dans le
chapitre sur le rôle central du soi (1.1.2). Higgins introduit le soi normatif qui représente un
soi que l’individu pense devoir atteindre pour être dans la norme. Souvent, il s’agit d’une
norme sociale. Nous avons déjà relevé la distinction des points de vue que cet auteur
apporte : la vision de soi vue par soi et la vision de soi vue par d’autres personnes
significatives pour l’individu.
Sur la base de ces différentes représentations de soi, huit types de tensions ont été
considérées par Higgins.
Concept de soi Soi guidé
1 Soi actuel vu par soi Soi idéal vu par soi
2 Soi actuel vu par soi Soi idéal vu par les Autres
3 Soi actuel vu par soi Soi normatif vu par soi
Tensions
Selon cette théorie, les personnes diffèrent dans l’importance de la motivation à atteindre
les Soi guidés qui permettra d’éliminer une tension identitaire.
Higgins relève que l’importance de l’écart entre les deux attributs, celui du concept de soi
et celui du soi guidé, représente l’intensité de la tension. Lorsqu’il y a présence de tensions
identitaires, le sujet ressent des émotions négatives alors qu’en l’absence de celles-ci, il
ressent des émotions positives. L’auteur s’attache à une description systématique entre
tensions identitaires et type d’émotions négatives.
Dans notre recherche, les types de tensions identitaires définis par Higgins vont nous servir
à repérer, chez les sujets, les représentations de soi en tension à un moment donné.
14
1.2. LE DISPOSITIF DE FORMATION
Dans cette partie, nous allons présenter le cadre théorique dans lequel s’insère le dispositif
de formation Did@cTIC. Nous mettrons en évidence les caractéristiques du dispositif
visant à en faire un dispositif efficace. Cela nous permettra d’analyser dans quelle mesure
les adultes en formation tirent parti ou non de la formation. Nous pourrons ainsi mettre en
lien les caractéristiques du dispositif et la dynamique identitaire.
Dans notre travail, le concept de dispositif de formation recouvre non seulement des
éléments composant une formation tel que les cours proposés, les documents écrits à
disposition, les moyens techniques utilisés, mais également et en particulier, le sujet lui-
même comme acteur de sa formation. En effet, selon son expérience de formation, son
contexte de travail ou encore son histoire de vie, celui-ci va se positionner de manière
différente dans le dispositif de formation. Cette approche constructiviste du dispositif de
formation nous intéresse particulièrement car de ce point de vue, le dispositif a une
influence sur le participant mais, à l’inverse, l’individu peut également influencer le
dispositif puisqu’il en fait partie (Charlier, 1998).
15
Depuis plusieurs dizaines d’années, Entwistle et ses collaborateurs effectuent des
recherches sur l’apprentissage des étudiants en enseignement supérieur. Dans le cadre
d’une recherche menée sur 4 ans, ils ont analysé les relations entre la qualité cognitive des
apprentissages et les perceptions des étudiants à propos de l’environnement
d’enseignement - apprentissage. A partir de ce travail, ces auteurs ont mis en évidence les
caractéristiques d’un dispositif favorisant l’apprentissage en profondeur.
Avant de présenter ces variables de dispositif, nous allons définir l’apprentissage en
profondeur.
16
APPROCHE EN PROFONDEUR
Type de motivation et Intérêt intrinsèque pour le contenu du cours
orientation
Intention Comprendre les idées pour soi-même
Rendre compte des idées par une structure de
APPROCHE EN SURFACE
Type de motivation et Extrinsèque ou instrumentale et/ou peur de l’échec
orientation
Intention S’en sortir en répondant aux attentes minimales du cours
Connaître les aspects élémentaires du programme par une
Méthode mise en place mémorisation systématique et un apprentissage méthodique
APPROCHE STRATEGIQUE
Type de motivation et Besoin d’accomplissement et/ou sens du devoir
orientation
Atteindre un niveau hiérarchique supérieur ou une autre
Intention forme de reconnaissance
Étude organisée en gérant le temps et en contrôlant
Méthode mise en place l’efficacité
Ces différentes approches affectent le degré d’effort que l’étudiant est prêt à fournir, mais
également le but et la qualité de son apprentissage. Une approche en profondeur signifie
que l’apprenant à l’intention de comprendre par lui-même. Il développe des compétences
métacognitives le rendant capable de prendre du recul sur sa manière d’apprendre,
s’implique dans la formation et organise son temps ainsi que ses activités. Un dispositif de
qualité vise à favoriser ce type d’approche d’apprentissage.
17
LES VARIABLES D’UN DISPOSITIF EFFICACE
Cette liste se fonde en partie sur des théories bien établies, mais certains éléments sont
d’ordre empirique et doivent encore être validés par d’autres recherches.
La démarche pédagogique du dispositif Did@cTIC est fondée sur ces éléments théoriques.
18
1.2.3. UN DISPOSITIF HYBRIDE
19
Dimensions Le DES Did@cTIC de l’Université de Fribourg
Unités de temps et de lieux Pour chaque module, des activités en présence et à distance sont
diversifiées proposées.
Plusieurs experts européens se partagent la responsabilité des
modules à option. Les ressources locales sont également
Ouverture des ressources
sollicitées. Les formateurs responsables du diplôme apportent un
(privées/professionnelles)
accompagnement individuel pour le suivi des projets
professionnels.
Les étudiants réalisent un portfolio des activités leur permettant de
créditer (ECTS) les modules réalisés. Ils reçoivent des feedbacks
Evaluation
personnalisés. Le projet professionnel fait l’objet d’une
présentation devant un jury.
Cohérence Chaque cours est décrit sur la plate-forme d’EAD. Le sens des
« Constructive alignment » tâches, objectifs et critères d’évaluation sont décrits.
Tableau 2.4 – Dimensions des caractéristiques d’un dispositif hybride efficace (tiré de
Charlier, Deschryver et Peraya, à paraître)
Les catégories de notre recherche concernant le dispositif de formation ont été, pour la
plupart, inspirées de cette grille.
1.3. SYNTHÈSE
Dans notre travail, l’identité est abordée d’un point de vue psychologique. Notre recherche
aborde l’aspect de l’identité individuelle en se préoccupant des conflits cognitifs survenant
chez un individu. Comme lors des entretiens la notion d’identité professionnelle a été
régulièrement évoquée, nous avons trouvé adéquat de l’introduire dans notre partie
théorique.
20
Concernant le dispositif de formation, il était essentiel de définir le cadre dans lequel se
situe la formation Did@cTIC.
Pour chaque analyse de cas, nous avons établi, grâce à ce cadre théorique, des tableaux de
synthèse. Ceux-ci mettent en lien les tensions mises à jour avec les caractéristiques du
dispositif.
Pour chaque cas étudié, nous avons obtenu trois tableaux. Le tableau 2.5 présente la
structure des tableaux de synthèse.
Intérêt de la
Diminue les
formation
tensions
Collaboration
avec les pairs
Effet sur le lieu de
Augmente les
travail
Intérêt de la
tensions
formation
Régulation
Au terme de l’analyse de chaque sujet, nous avons élaboré des tableaux (Tableau 2.6)
regroupant les trois temps d’analyse pour chaque tension. Ces tableaux nous permettent
d’observer l’évolution d’une tension en lien avec les caractéristiques du dispositif.
Sujet 1, 2,…
TENSION I (II, III…)
Caractéristique du dispositif
Diminution des tensions et extrait d’interview
Temps 1
Augmentation des tensions
Temps 2 Diminution des tensions
Temps 3 Diminution des tensions
Tableau 2.6 - Synthèse d’une tension aux trois moments
étudiés.
Sur la base de ces derniers tableaux, nous avons pu passer de l’analyse descriptive à
l’analyse exploratoire. En effet, ceux-ci nous ont servi pour la comparaison inter-cas.
21
2. CADRE CONCEPTUEL SERVANT À L’ANALYSE
EXPLORATOIRE
Le lien entre tensions identitaires et engagement en formation a été étudié par plusieurs
auteurs et en particulier par Etienne Bourgeois. Cet auteur explique comment les tensions
identitaires peuvent paraître suffisamment importantes par le sujet au point de s’engager
en formation. Il relève le rôle important des émotions dans ce processus. Il affirme et
montre par des exemples, que « L’impact à la fois émotionnel et motivationnel de
l’événement est médié par la signification accordée par le sujet à l’événement, en fonction
de facteurs personnels et situationnels en interaction. » (Bourgeois, à paraître).
A l’origine de la décision de s’engager en formation, il existe souvent un événement
biographique marquant comme la perte de son travail, une rencontre… L’auteur postule
que « tout événement biographique – même le plus atypique ou le plus anodin aux yeux de
l’observateur – peut susciter l’engagement en formation parce qu’il a contribué à modifier
la dynamique identitaire du sujet. » (Bourgeois, à paraître).
L’auteur se distancie de la théorie d’Higgins en introduisant la perspective de Carver &
Scheirer (1999, 2000) concernant les tensions identitaires. En effet, ces auteurs montrent
que les émotions positives n’apparaissent pas seulement en l’absence de tensions comme le
prétend Higgins, mais également si les sujets perçoivent une progression dans leurs
apprentissages plus rapide qu’ils ne l’avaient estimée. A l’inverse, si la progression est plus
lente que prévue, les sujets ressentent des émotions négatives. Il faut préciser que cette
vitesse de progression n’a de sens que du point de vue du sujet. Bourgeois relève que dans
certaines situations les émotions ressenties sont ambivalentes. Ceci montre que la réalité
est plus complexe que la modélisation théorique.
Cet apport théorique nous aidera à comprendre les raisons pour lesquelles les sujets se sont
engagés dans la formation Did@cTIC.
22
2.1.2. LES MOTIFS D’ENGAGEMENT EN FORMATION
Apprentissage
Opé ratoire
professionnel
Epistémique
Opé ratoire
personnel
Socio-affectif
Prescrit
Hédonique
Economique
Participation
23
Dans ce cadre motivationnel, trois motifs intrinsèques sont mis en évidence, ainsi que sept
motifs extrinsèques.
Les motifs intrinsèques Définition
Epistémiques La motivation correspond à la connaissance d’un contenu
A. Evaluation de Soi
24
Ce travail aide à comprendre comment un adulte entre en formation. Sa particularité est de
prendre en compte l’évolution de la situation. En effet, le modèle de Cross se veut
dynamique dans le sens où lorsqu’un élément du modèle change, l’ensemble de la situation
évolue. Cross a intitulé son modèle : « Chain-of-Response ». Ce titre représente bien
l’interaction entre les éléments du modèle.
« Selon Cross, l’engagement en formation n’est pas un acte en soi mais bien le résultat
d’une chaîne de réponses (COR), chaque réponse caractérisant la position de l’individu
dans son environnement. Ces réponses évoluent et se construisent en interaction les unes
avec les autres. Une configuration particulière de réponses peut déterminer l’engagement
de l’individu en formation. » (Da Fonseca-Cart, 2004).
Lorsqu’un individu participe à une formation, sa vision de lui-même ainsi que son rapport
à la formation vont évoluer. Les dimensions du modèle de Cross changent constamment au
cours du temps de formation d’un individu.
Cross représente la motivation comme un flux : « l’état du champ personnel des sujets
affecte leur niveau de motivation à l’entrée du système (input) ; et le niveau de motivation
à la sortie (output) a un impact, en retour, sur le champ personnel et donc, sur le niveau de
motivation à l’entrée d’une phase ultérieure du système. » (Bourgeois, 1984).
25
de l’autodéveloppement et la directionnalité. Cela signifie que l’individu n’a pas forcément
besoin de stimulation pour entrer en action. Le fonctionnement humain aurait une tendance
naturelle à vouloir progresser vers des buts personnels toujours plus avancés. De plus,
chaque individu est capable de se donner des orientations, des finalités pour déclencher,
modifier et réguler ses actions. Les buts, objectifs, plans et projets personnels font parti
d’un processus cognitif basé sur les représentations de l’avenir du sujet. L’autorégulation
permet au sujet de construire ses propres critères de l’atteinte de ses buts. Chez cet auteur,
la notion de perspectives d’avenir est centrale et indispensable à toute activité de
formation. Pour Nuttin, les conceptions de la formation et de l’apprentissage adulte doivent
être orientées vers le développement autodirigé : « Pour chaque individu, s’insérer dans la
formation continue peut, en principe, être conçu comme un déploiement personnel. La
condition, c’est que la forme de progrès proposée dans la formation continue soit
incorporée par l’individu au projet d’autodéveloppement qu’il se forme pour lui-même. »
(Nuttin, 1987).
Un ensemble d’autres théories proches de celle de Nuttin ont été validées en psychologie
expérimentale. Ces théories sont regroupées sous le terme de VIE pour Valence,
Instrumentalité et Expectation. La motivation est une force résultant de ces trois éléments.
26
1. La représentation de l’avenir
Elle se décline sous différentes formes : le projet, la perspective future, l’horizon temporel,
l’attente de résultats… Il s’agit de comprendre la construction, par le sujet, des
représentations de ce que l’avenir sera ou pourrait être pour lui. La formation devient un
instrument de gestion de son avenir.
2. La perception de compétence
L’individu est plus enclin à agir s’il se sent capable d’atteindre les performances visées. Au
contraire, un sentiment d’incompétence mène à la résignation ou à l’inhibition de l’action.
Dans le domaine de la formation, cela a des implications au niveau de l’évaluation et de la
relation pédagogique.
3. L’autodétermination
Cette notion a été développée particulièrement par Deci et Ryan (1985). Elle relève
l’importance du libre choix et de l’autonomie. Plus l’individu se perçoit comme acteur de
ses choix, plus sa motivation à agir augmente. En formation d’adulte, cela marque tout
l’intérêt de favoriser l’autodirection de la formation.
27
Des recherches en formation d’adultes ont montré que, de ce point de vue, 3 éléments ont
une influence prépondérante sur l’apprentissage (Charlier, 1998) :
1. le but que l’étudiant poursuit en suivant une formation
2. la représentation qu’il a de l’efficacité de la formation pour atteindre son but
3. sa représentation des liens possibles avec sa pratique professionnelle ou privée
Ainsi, « Lorsque l’adulte se représente sa participation au dispositif de formation comme
un moyen efficace pour atteindre le but qu’il se fixe et qu’il peut établir des relations
significatives avec une pratique de référence alors il maintient son engagement en
formation et vit une expérience d’apprentissage significative. » (Charlier, Nizet et Van
Dam, à paraître).
2.3. SYNTHÈSE
Tous les éléments théoriques cités dans cette partie montrent qu’autant l’engagement que
le maintien en formation dépendent de l’interaction entre la représentation des variables
environnementales (dont les caractéristiques du dispositif) et les caractéristiques
individuelles du sujet. Cette interaction dynamique évolue au fil du temps.
Notre partie exploratoire utilisera comme cadre d’interprétation ces modèles théoriques.
28
normative. Dit sous une autre forme, il s’agit de contradictions cognitives qu’une personne
pourrait avoir en répondant aux questions : « Comment je me perçois ou je pense qu’on me
perçoit ? » et « Comment j’aimerais être ou comment je devrais être ? ». Ces
représentations peuvent être influencées par des personnes significatives de son propre
entourage.
Les caractéristiques d’un dispositif efficace telles que l’appui et la collaboration des pairs,
l’utilisation des NTIC, le temps à disposition ou la possibilité d’expérimenter seront
utilisées pour vérifier si les adultes en formation les perçoivent positivement ou non. Ces
différentes caractéristiques, nous permettent de comprendre comment le dispositif de
formation interagit avec l’identité de l’adulte en formation.
« CHAIN-OF-RESPONSE » DE CROSS
29
CHAPITRE III
CADRE MÉTHODOLOGIQUE
CHAPITRE III CADRE MÉTHODOLOGIQUE
Nous avons choisi d’insérer notre recherche dans un cadre épistémologique de type
constructiviste. Dans le but d’effectuer un travail cohérent, nous allons expliciter les
raisons pour lesquelles cette perspective a été choisie et en quoi elle oriente les questions
de recherche.
Comme le relève Charlier : « une manière de voir ou d’étudier un problème étant aussi
une manière de ne pas voir… » (Charlier, 1998, p. 121). Nous tenons à préciser ici qu’il
s’agit d’une option prise et que nous sommes consciente que d’autres approches sont
possibles.
Dans l’approche constructiviste la réalité n’existe pas en soi mais est une création qui
s’effectue dans la relation entre l’individu et son environnement. Dans ces conditions, la
réalité dépend des constructions mentales des individus. Elle ne peut donc être que
spécifique et contextualisée.
Comme de nombreuses autres recherches en sciences de l’éducation, le but de notre étude
est d’explorer en profondeur les représentations de cinq adultes en formation. Nos données
se fondent sur les réalités forcément subjectives et contextualisées de nos sujets.
31
1.1.2. LA RELATION ÉTABLIE ENTRE LE CHERCHEUR ET L’OBJET À
CONNAÎTRE
CONNAISSANCE
Notre recherche a comme but de comprendre comment les caractéristiques d’un dispositif
de formation interagissent avec les tensions identitaires d’un apprenant. Dans ce contexte,
la méthode de l’analyse qualitative nous semble pertinente. En effet, comme l’affirme
Mucchielli : « une méthode qualitative est une stratégie de recherche utilisant les
techniques de recueil et d’analyse qualitative dans le but d’expliciter, en compréhension,
un « fait humain ». » (Mucchielli, 1991, p. 91).
Dans notre cas, le fait humain appréhendé concerne l’évolution des tensions identitaires
d’adultes en formation. Nous recueillerons les données par entretiens et utiliserons les
techniques de l’analyse qualitative de contenu pour traiter ces données.
Un peu plus loin, nous présenterons en détail la méthode utilisée dans le cadre de notre
recherche et les raisons pour lesquelles nous l’avons choisie.
32
1.2. UNE RECHERCHE QUALITATIVE
Dans une telle recherche une partie descriptive est nécessaire. Comme le dit
Charlier : « une première démarche est de décrire avec précision et rigueur le phénomène
étudié en le situant dans le contexte de la situation particulière appréhendée par le
chercheur. » (Charlier, 1998, p. 123). Dans notre cas, cela nous mène à détailler le
contexte dans lequel se situe l’étude et à faire émerger le point de vue des interviewés.
Nous pouvons ainsi décrire les tensions vécues par les adultes en formation à un moment
donné, ainsi que la représentation qu’ils ont du dispositif à ce même moment.
Dans un deuxième temps, nous effectuons un travail exploratoire. Nous mettons en relation
les données analysées chez un même sujet à des moments différents afin de mettre en
évidence des changements éventuels de tensions ou de perception du dispositif. « Ces
comparaisons diachroniques fondent la démarche de recherche exploratoire. » (Charlier,
1998, p. 123). Par la confrontation des cas étudiés, nous pensons faire émerger de
nouvelles hypothèses.
Nous précisons que nous visons à découvrir des configurations. C’est-à-dire des conditions
dans lesquelles les tensions identitaires évoluent positivement ou négativement. Cette
approche est inductive. Elle part du discours des interviewés, s’enrichit d’un cadre
théorique pour aboutir à des configurations.
33
1.2.3. LE RECUEIL DE DONNÉES PAR ENTRETIENS
Par les entretiens, nous cherchons à découvrir les éléments du dispositif Did@cTIC
influençant positivement ou négativement les tensions identitaires de l’adulte en formation.
Blanchet et Gotman disent de l’entretien : « les discours recueillis par entretiens ne sont
pas provoqués ni fabriqués par la question mais – bien que construits par le processus
interlocutoire – constituent le prolongement d’une expérience concrète. (…) L’entretien
convient à l’étude de l’individu et des groupes restreints. Il propose les éléments contenus
dans les phénomènes étudiés, leurs composants. » (Blanchet et Gotman, 1992, pp. 40-41).
Ce sont bien ces éléments d’expérience concrète des adultes en formation que nous allons
mettre en évidence par la technique de l’entretien.
34
2. POPULATION
Dans notre recherche, la population concernée se définit aisément. Elle concerne des
adultes en formation continue de niveau universitaire postdiplôme. Notre échantillon a été
choisi dans une seule formation dans le but d’obtenir des données comparables quant aux
éléments du dispositif.
25 personnes sont inscrites à la nouvelle formation Did@cTIC proposée par l’université de
Fribourg. Nous avons effectué notre choix d’échantillon dans ce groupe de personnes.
Parmi l’ensemble des personnes, nous avons d’emblée sorti du groupe une participante
également impliquée dans l’organisation de la formation. Comme nous collaborons avec
elle pour effectuer la recherche, il n’est pas pertinent qu’elle reste dans l’échantillon.
Comme l’écrivent De Ketele et Rogiers : « Il se peut que le praticien-chercheur soit
confronté au problème particulier de devoir interroger certains acteurs du champ qu’il
côtoie personnellement par ailleurs. Cette situation est délicate et, sauf exception, elle doit
être évitée. » (De Ketele, Rogiers, 1991).
Lors de son inscription à la formation Did@cTIC, chaque participant a dû fournir un
dossier de candidature, un curriculum vitae et des copies de ses diplômes. Il a également eu
un entretien individuel avec la responsable du cours. L’échantillonnage a été effectué sur la
base des dossiers de candidature et des curriculum vitae.
Avant d’effectuer l’échantillonnage, nous avons réparti chaque participant dans une
matrice. Celle-ci contenait diverses variables : sexe, âge, nationalité, formation initiale,
formations continues déjà suivies, parcours professionnel, fonction professionnelle actuelle
et arguments présentés pour entrer en formation.
Des critères de sélection ont été déterminés dans le but d’obtenir un échantillon contrasté.
C’est-à-dire où l’on trouve la plus grande diversité possible entre les personnes choisies.
Pour obtenir cette variété dans notre échantillon, nous avons réparti les participants dans un
diagramme de Venn (Figure 3.1). Celui-ci contient trois sous-groupes : le sexe (féminin),
l’expérience en enseignement universitaire (a de l’expérience en enseignement
universitaire) et l’expérience de travail (a de l’expérience de travail). Pour garder le
maximum de données, à côté du nom des participants, nous avons ajouté le type de
formation initiale. Une autre information a été prise en compte mais n’apparaît pas dans le
diagramme pour des raisons de lisibilité. Nous avons effectué deux sous-groupes d’âge : en
dessous de la moyenne d’âge, en dessus de la moyenne d’âge.
35
Expérience d’enseignement
universitaire
S5 pédagogie curative
Bernard sciences économi ques et sociales (34 ans) S3 médecine
S14 physique
Expérience de travail
Des informations générales sur le groupe ont été relevées lors de ce travail de sélection.
Parmi les 25 participants, nous comptons 16 femmes et 9 hommes. L’âge des participants
s’échelonne entre 26 et 48 ans. La moyenne est de plus de 36 ans. Chez les femmes, elle
est un peu plus élevée (> 37 ans) que chez les hommes (> 34 ans). Un groupe de personnes
travaille dans le domaine de la pédagogie curative, un autre dans celui de la médecine et
plusieurs personnes sont concernées par l’enseignement des langues.
Nous proposons ici une brève présentation des cinq personnes sélectionnées.
Coline
Elle a une grande expérience professionnelle et d’enseignement universitaire. Sa formation
initiale en médecine et son âge (41 ans) sont deux autres éléments ayant favorisé notre
choix.
36
Anne
Elle a été choisie car elle est jeune (28 ans) et a peu d’expérience d’enseignement
universitaire. Elle diffère fortement de Coline : âge, formation, expérience.
Marie
Comme Anne, elle est jeune (26 ans) et a peu d’expérience d’enseignement. Par contre sa
formation en informatique ainsi que son parcours de formation la différencie d’Anne.
Bernard
Il a 34 ans et n’a pas d’expérience d’enseignement universitaire. Sa situation est
particulière car il est le seul à ne pas travailler dans une université. C’est pour cette raison
que, contrairement aux autres, il paie sa formation. Un projet privé l’a mené à suivre cette
formation.
Daniel
A 43 ans, il est installé dans le milieu universitaire depuis plusieurs années. Il fait de la
recherche dans le domaine de la statistique.
Les femmes étant plus représentées dans la formation, nous avons choisi 3 femmes pour 2
hommes. Deux personnes font parti du groupe étant en dessus de la moyenne d’âge :
Coline et Daniel. Marie est la plus jeune participante. Les personnes choisies ont des
domaines de formation très différents : médecine, pédagogie curative, informatique,
économie ou encore statistique.
Par cet échantillonnage, nous espérons obtenir, lors des entretiens, des points de vue très
différents qui permettent d’enrichir notre approche exploratoire.
37
3. CONTEXTE DE LA RECHERCHE
Le Département des Sciences de l’Education de l’université de Fribourg a élargi
dernièrement les domaines qu’il couvre en créant un Centre de Didactique Universitaire et
Nouvelles Technologies et Enseignement. L’un des buts est de favoriser la formation en
didactique universitaire et en technologie de l’éducation.
Dans ce contexte, une nouvelle formation continue a été mise sur pied. Cette
formation, nommée Did@cTIC, donne l’opportunité aux enseignants universitaires de se
former simultanément dans le domaine de la didactique universitaire et des nouvelles
technologies de l’information et de la communication (NTIC). Ce dispositif est fondé sur
les objectifs généraux suivants : « développer chez les participants les compétences
professionnelles d’un enseignant de l’enseignement supérieur tout en leur offrant une
formation valorisant leur pratique, stimulant l’échange et la collaboration et appliquant
des méthodes d’apprentissage variées dont l’usage des technologies de l’information et de
la communication (TIC). » (Brochure Did@cTIC 2004-2005).
Cette formation hybride s’effectue partiellement à distance. Une plate-forme
d’enseignement à distance, nommée Claroline, facilite ce type d’enseignement. Les
moments de cours en présentiel ont lieu à l’université de Fribourg et s’organisent en
journée ou demi-journée. Les personnes travaillant à plein temps doivent se libérer pour y
participer. Au contraire, les activités s’effectuant à distance permettent à chacun de
s’organiser librement. Les participants construisent leur formation sur mesure en fonction
de cours répartis en trois modules. Ceux-ci représentent les trois axes de la formation :
Chaque axe comprend un module obligatoire et divers modules à option. Les participants
peuvent choisir d’obtenir un postdiplôme (formation complète) ou un certificat
d’introduction. Selon le choix effectué, la charge de travail varie du simple au double.
Chaque participant peut individualiser son parcours de formation, mais est également
astreint à certaines conditions dont l’utilisation des NTIC lors de la formation. Tous les
modules sont répartis sur une année académique. Toutefois, les participants peuvent
38
organiser leur formation sur deux ans s’ils le désirent. Pour tous les enseignants de
l’université de Fribourg, la formation est gratuite.
La distribution d’une brochure dans les milieux universitaires concernés ainsi que l’envoi
d’un mail aux personnes susceptibles d’être intéressées ont été les deux principaux moyens
utilisés pour faire connaître la formation.
Les entretiens effectués pour notre recherche concernent le premier groupe de 25 étudiants
ayant suivi cette nouvelle formation postdiplôme en 2003-2004.
39
4. MÉTHODE DE RECUEIL DES DONNÉES
4.1. L’ENTRETIEN
UN ENTRETIEN QUALITATIF
UN ENTRETIEN SEMI-DIRECTIF
40
lorsqu’on lit un entretien retranscrit, si le sens général de l’entretien peut être saisi à la
seule lecture des items de l’aidant il est directif. Si l’entretien est compréhensible à la
seule lecture des items du client, il est non directif. S’il faut lire les deux items pour le
comprendre, il est intermédiaire. » (Blanchet, 1985, p. 40)
Ces éléments nous permettent d’affirmer que, dans la présente recherche, les entretiens
effectués ont bien été de type semi-directif. Globalement, l’interviewer est intervenu
relativement peu. Mais effectivement, sans lire les items des deux interlocuteurs, il est
difficile de comprendre l’ensemble de l’entretien.
UN ENTRETIEN INDIVIDUEL
L’intérêt d’effectuer un entretien individuel se situe dans le fait de donner une grande
liberté de parole à l’interviewé. Un entretien collectif ne nous aurait pas permis d’obtenir
systématiquement le point de vue de chacun. Nous avons trouvé plus pertinent de
rencontrer les personnes individuellement. Albarello relève que « l’entretien de groupe
n’est pas recommandé si le chercheur tente d’identifier avec le plus de précision possible
les avis les plus « purs » des différents sujets interviewés. Si tel est son souhait, l’entretien
individuel s’avère plus pertinent. » (Albarello, 1999, p. 63).
Nous avons construit notre grille d’entretien sur la base de questions utilisées dans une
recherche de même type menée par Charlier, Nizet et Van Dam. A partir de ce support,
nous avons écrit sept questions se rattachant le plus souvent à des moments vécus par les
participants durant leur formation. Les questions sont ciblées quant à la thématique, mais
restent ouvertes dans le sens où l’interviewé à une grande liberté de réponse. Cette forme
de questionnement favorise l’approfondissement de la réflexion et évite ainsi de rester dans
un discours de surface comme le relève Kaufmann : « Je préfère une suite de vraies
questions, précises, concrètes. Car elles fournissent des outils plus affûtés. » (Kaufmann,
1996, p. 44).
L’ordre des questions a été choisi afin de permettre aux interviewés d’entrer petit à petit
dans l’entretien. Kaufmann parle de « rompre la glace » avant d’entrer plus en profondeur
dans le mode de penser des interviewés et de terminer sur l’aspect plus sensible de la
vision de soi.
41
Une première version de ce guide d’entretien a été testée auprès de la personne que nous
avons sortie de l’échantillon. Cela nous a permis d’affiner la grille en prévoyant des
questions complémentaires de relance. Nous avons également pu reformuler certaines
questions pour améliorer leur compréhension.
QUESTIONS D’ENTRETIEN
VISION DE SOI ET DISPOSITIF DE FORMATION
Interview de départ (novembre 2003)
9 Pourriez-vous vous souvenir quand et dans quelles circonstances vous avez décidé de
vous engager dans cette formation ? En avez-vous parlé autour de vous ? Dans quel
but vous êtes-vous engagé ?
9 Entrer, comme adulte, dans une formation continue de longue durée (un an), présente
des contraintes, parfois non négligeables, sur le plan familial, professionnel, social…
Pourtant, la formation présente également des avantages.
Actuellement, pourriez-vous effectuer un bilan de ces inconvénients et avantages vous
concernant ?
9 Par anticipation, pouvez-vous imaginer ce que vous ferez, comment vous vous sentirez
une fois la formation terminée en considérant les différents domaines de vie tels que
vie familiale, activités professionnelles, sociales, culturelles ou politiques ?
9 Pourriez-vous vous rappeler d’un moment de la formation qui a été particulièrement
significatif pour votre formation professionnelle ? Pouvez-vous le décrire et expliquer
en quoi il était significatif pour vous ?
(Relance : Avez-vous eu à un moment donné le sentiment de ne pas apprendre ?)
Pensez à une dernière communauté à laquelle vous avez assisté, en quoi était-elle
enrichissante ou non ? (Relance : relation avec les autres)
Pensez à l’un de vos dernier usage de la plate-forme Claroline, pourriez-vous le
décrire, qu’avez-vous fait, avec qui et qu’avez-vous ressenti en l’utilisant ?
9 En vous projetant dans l’année avenir, pourriez-vous dire ce qui devrait se passer pour
qu’en fin de formation vous soyez tout à fait satisfait d’avoir participé à cette
formation continue ?
9 Si un événement ou élément pouvait être modifié pour que ce dispositif vous paraisse
plus efficace par rapport à votre projet de formation que changeriez-vous ?
9 Finalement, voici une question plus personnelle. A vous de décider dans quelle
mesure, vous voulez y répondre.
Imaginez que vous tenez un journal intime et que vous décidiez d’y décrire le rôle que
jouent pour vous vos études postdiplômes dans la relation avec vos proches, vos
collègues, vos amis et au niveau de l’image que vous avez de vous-même. Qu’écririez-
vous ?
Figure 3.2 – Guide d’entretien utilisé lors des premières interviews.
42
La réaction des interviewés à la dernière question, nous fait penser que sa formulation est
trop directe. Cela a eu comme conséquence de réduire l’expression des personnes. Malgré
le fait d’avoir reformulé, relancé cette question pour aider l’interviewé à se l’approprier,
cela n’a pas été très satisfaisant.
La grille est restée la même pour les trois entretiens. Notre but étant d’observer l’évolution
des représentations de chaque personne interviewée, nous avions besoin d’obtenir des
données comparables. La première question concernant les raisons d’entrer en formation a
été posée uniquement au premier entretien. Ça n’aurait pas eu de sens de la poser à
plusieurs reprises. Lors du deuxième entretien, des compléments d’informations
concernant la première interview ont été sollicités. Le but de ces questions était de
s’assurer de la compréhension du discours et d’éventuellement l’approfondir.
4.3. RECRUTEMENT
Cinq personnes ont été sélectionnées parmi les 25 participants de la formation Did@cTIC.
Le nombre de personnes a été limité en raison de la masse de travail que cela représente.
Pour notre recherche, ce nombre permet un travail sérieux. Nous espérons qu’il suffit à
obtenir une saturation des données nous permettant d’élaborer des configurations dans
notre partie exploratoire. Mucchielli définit la saturation ainsi : « phénomène qui apparaît
au bout d’un certain temps dans la recherche qualitative lorsque les données que l’on
recueille ne sont plus nouvelles. Tous les efforts de collecte d’informations nouvelles sont
donc rendus inutiles. Ce que l’on récolte alors rentrant dans des cadres déjà connus, on
peut arrêter la recherche » (Mucchielli, 1991, p. 116).
Avant le premier contact, le groupe a été averti de notre démarche de recherche par la
responsable de la formation. Nous avons contacté les personnes par téléphone. Nous leur
avons expliqué notre travail et demandé leur accord de principe concernant leur
participation. Avant un engagement définitif de leur part, nous leur avons fait parvenir par
mail deux documents : une lettre et la grille d’entretien. La lettre donnait des informations
sur les rencontres prévues et certifiait une démarche déontologique de notre part. Nous
avons garanti à chacun l’anonymat par la confidentialité des enregistrements et l’utilisation
d’un pseudonyme lors de la transcription. Cette lettre a été contre-signée par la promotrice
du travail de recherche. En fournissant préalablement les questions d’interview, notre
43
intention était de permettre à chacun de pouvoir, par anticipation, imaginer l’entretien. Les
personnes concernées ont toutes accepté de participer à notre recherche. Certaines ont
demandé des informations complémentaires ou pour quelles raisons le choix s’était porté
sur elles.
Chaque interviewé a été rencontré à trois reprises sur l’année académique 2003-2004. La
répartition s’est effectuée ainsi :
Novembre 2003 Les participants ont suivi les premiers modules, mais ne connaissent pas
encore certains éléments du dispositif (ex. : communautés de pratiques).
Mars 2004 Une grande partie de la formation a déjà eu lieu.
Juillet 2004 Tous les modules ont été donnés, il ne reste que certains travaux à distance et
l’évaluation finale pour ceux qui effectuent la formation sur un an.
Nous avons rencontré Daniel à son bureau pour les trois entretiens et Anne pour les deux
derniers. Les autres interviews se sont déroulées dans une salle de cours de l’université de
Fribourg. Pour fixer une date de rencontre, les interviewés ont été contactés par mail. Par la
même occasion, ils ont reçu la grille d’entretien.
En début d’entretien, nous avons précisé aux interviewés que notre intérêt se centrait sur
leur façon de voir les choses, leur point de vue. Nos questions visaient à bien les
comprendre. Ceci a permis d’éviter le sentiment de devoir répondre juste ou répondre de la
façon dont l’interviewer le désire. Les personnes ont eu l’opportunité de poser des
questions ou de prendre du temps pour parcourir la grille des questions avant de
commencer l’interview. Les entretiens ont duré en moyenne 45 minutes et ont été
enregistrés en audio.
Les questions préparées ont été posées systématiquement et toujours dans la chronologie
établie. Avant de passer à la question suivante, nous avons vérifié que l’interviewé n’avait
rien à rajouter. Durant l’entretien, l’interviewer s’est impliqué par une écoute active et
l’utilisation de questions de relance. Son but était de resté discret tout en facilitant
l’interviewé dans son discours. L’équilibre n’est pas facile à trouver entre le fait de rester
relativement proche des questions préparées et de leur structure tout en étant capable de
suivre et de s’adapter au contenu du discours de l’interviewé. Kaufmann décrit cette
difficulté dans le passage suivant : « Pour atteindre les informations essentielles,
l’enquêteur doit en effet s’approcher du style de la conversation sans se laisser aller à une
vraie conversation : l’entretien est un travail, réclamant un effort de tous les instants.
44
L’idéal est de rompre la hiérarchie sans tomber dans une équivalence des positions :
chacun des deux partenaires garde un rôle différent. » (Kaufmann, 1996, p. 48).
Notre statut d’étudiante chercheur a mis les interviewés rapidement à l’aise. Les personnes
ont participé à la recherche principalement pour rendre service. Une interviewée a toutefois
exprimé un intérêt personnel à sa participation : « …par rapport aux entretiens, je suis
contente d'avoir fait ces entretiens, parce que ces questions, je trouve nécessaire de les
poser même avec soi-même. Mais, ce n'est pas évident de le faire car le temps ne permet
pas de s'investir. Et le fait de faire ces entretiens, ça m'a permis de prendre du recul à
chaque fois et de penser à ce qui s'est déjà passé, à ce qui va venir et ouvrir certaines
pistes, découvrir certaines questions, certains aspects de la formation... Je suis contente
d'avoir fait ces trois séances d'entretien. » (Marie, entretien 3).
Les personnes ont reçu, par mail, la transcription intégrale de chaque interview afin d’en
vérifier le contenu et d’effectuer d’éventuelles modifications. A l’exception de quelques
détails, les interviewés n’ont pas apporté de changements aux textes. Notre analyse de cas
a été effectuée sur la base de ces dernières transcriptions.
45
5. L’ANALYSE DE CONTENU
Après ce travail de recueil de données, le moment d’analyser le contenu des transcriptions
est venu. L’analyse de contenu est une démarche scientifique convenant souvent bien aux
domaines des sciences humaines car elle permet, par des techniques variées, d’analyser en
profondeur toutes sortes de communication et en particulier le discours.
Dans la compréhension de données recueillies par entretien, la raison fondamentale
d’utiliser l’analyse de contenu réside dans le fait d’éviter au mieux toute interprétation
subjective. En effet, l’outil méthodologique nous oblige à dépasser notre première
impression personnelle pour faciliter la construction du sens profond communiqué par le
sujet. Il s’agit de passer à un second degré de compréhension. Certains auteurs parlent de
technique de rupture, car cela facilite le changement de position du chercheur. Elle l’aide à
quitter ses a priori. Dans le cadre de notre recherche, l’utilisation de cet outil nous semble
très utile.
Avant d’entrer dans l’analyse de contenu, il était nécessaire de déterminer quelles
méthodes utiliser. Ce choix n’est pas anodin car il dicte la sélection des passages pertinents
pour notre question de recherche. Notre travail touche deux domaines que l’on peut
discerner ainsi : les tensions identitaires et le dispositif de formation. Pour donner tout son
sens au contenu des interviews, nous avons choisi deux techniques d’analyse de contenu.
L’analyse catégorielle a été utilisée pour repérer les unités de sens et les organiser. Nous
avons basé notre sélection de passages, en partie, sur des catégories existantes. Ces
catégories ont été complétées ensuite en tenant compte des données récoltées. Pour mettre
en évidence l’évolution identitaire, nous avons choisi le schéma de quête de l’analyse
structurale. Cette technique rend compte de la dynamique présente dans le discours. Elle
est donc toute indiquée pour repérer des tensions identitaires et leur évolution.
Différentes étapes ont été suivies. Pour commencer, nous avons défini des unités de sens.
Dans notre cas, il s’agit souvent de phrases, groupes de phrases ou paragraphes.
L’utilisation du programme Nudist Vivo a facilité notre travail pour cette étape. A ce stade,
l’essentiel est d’être rigoureux et systématique. En effet, il s’agit de sélectionner chaque
passage du discours en lien avec notre question de recherche et de déterminer la catégorie à
46
laquelle il appartient. Cela semble à priori clair et simple. Ça n’est pourtant pas le cas. Il
est primordial de toujours tenir compte du contexte et du sens donné par l’interviewé. Sans
une attention de tous les instants, le chercheur peut rapidement interpréter l’énoncé et
introduire un biais. Idéalement, il faudrait être plusieurs à effectuer ce travail. Cela
permettrait un contrôle inter-juge qui éviterait un biais d’interprétation. Malheureusement,
il n’a pas été possible de mettre en place une telle démarche dans cette recherche. Pourtant,
la lecture de notre travail par une personne experte dans ce domaine, nous permet de
penser que nous avons pu, globalement, éviter ce genre de biais.
La classification des unités de sens par catégorie demande au chercheur d’être au clair sur
la définition de chaque catégorie. Concernant le dispositif de formation, les catégories de
départ ont été tirées d’une recherche se préoccupant de la qualité de l’apprentissage. A
partir d’une recherche d’Entwistle (2003), Charlier a mis en évidence cinq caractéristiques
d’un dispositif de formation favorisant un apprentissage en profondeur. Ces cinq domaines
sont : l’évaluation, le type de tâche, la cohérence des objectifs, la collaboration, le choix
donné aux participants. Notre ensemble de catégories a été adapté en tenant compte des
quinze entretiens effectués auprès de nos sujets. Ce modèle mixte, qui utilise des catégories
pré-existantes et est complété par des catégories tirées du discours, est cohérent avec notre
approche épistémologique constructiviste. Nous avons abouti aux catégories suivantes : les
buts poursuivis, la cohérence du dispositif, l’effet sur le lieu de travail, la collaboration
(collaboration avec les formateurs, collaboration avec les pairs), l’utilisation des NTIC,
l’intérêt de suivre la formation, les tâches mises en lien avec la pratique, les choix, les
contraintes, la régulation du dispositif. On constate que l’évaluation a disparu des
catégories. La raison en est simple, les interviewés ont très rarement parlé de leur point de
vue sur l’évaluation. D’autres catégories se sont ajoutées : les buts poursuivis, l’effet sur le
lieu de travail, les contraintes et la régulation du dispositif. Ces catégories aident à mettre
en évidence la spécificité du dispositif et son influence sur les participants. Les catégories
utilisées pour repérer l’aspect identitaire du discours ont été inspirées de la théorie
d’Higgins sur les tensions identitaires. Dans un but de clarté, nous avons limité notre choix
à : la vision de soi, les tensions identitaires. La variété de la catégorie « vision de soi »
nous a incitée à la définir plus en détail selon les passages. Nous l’avons donc complétée
par un « sous-titre ». Cela ne correspond pas à une sous-catégorie car nous ne retrouvons
pas systématiquement les mêmes « sous-titres » chez tout le monde. Cette démarche vise à
clarifier la lecture de l’analyse.
47
La dernière étape concerne l’analyse et l’interprétation des résultats. Celle-ci a été
effectuée en premier lieu de manière individuelle. C’est-à-dire que pour chaque interview
nous avons déterminé les tensions identitaires existantes et l’influence du dispositif. Notre
recherche s’intéressant à la compréhension de l’évolution des tensions identitaires. Il est
donc indispensable de passer à une seconde étape comparant les données des trois
interviews effectuées auprès de chaque personne. Cette partie est présentée sous forme de
tableaux.
Pour terminer, une comparaison entre les interviewés nous permet de décrire des
ressemblances et des différences. Cette dernière analyse permet de déboucher sur la partie
exploratoire de notre travail de recherche. En effet, par comparaison inter-cas, nous
pensons pouvoir construire des configurations. C’est-à-dire des conditions stables dans
lesquelles les tensions identitaires diminuent, augmentent ou se créent.
Nous reprenons ici les catégories utilisées et présentons leur définition. Il s’agit de la
situation finale. Comme nous l’avons déjà mentionné, la liste définitive des catégories s’est
mise en place petit à petit. Chaque catégorie contient un exemple tiré des entretiens.
LA VISION DE SOI
Cette catégorie reprend tous les passages concernant la perception de soi mais n’impliquant
pas de tension. Cela de façon générale ou dans un rôle précis comme celui d’enseignant.
Exemple :
« (enseigner) Cela demande aussi une certaine liberté, mais moi, je prenais la liberté, je suivais le programme
un peu comme je pensais (…) Au niveau des profs, il faut oser prendre la liberté de faire ce qu’on a envie et
tant pis si on s’écarte un peu du programme officiel. » (Bernard, entretien 2)
Nous regroupons sous cette catégorie, les unités de sens montrant une tension entre le soi
actuel et le soi idéal ou normatif.
Exemple :
« j’étais étudiante (…) j’ai toujours en tête, quels étaient les bons profs et les pas très bons profs… Je sais
aussi ce qui était dérangeant pendant les cours (…) mais ce n’est pas suffisant (…) je vois que malgré toute
ma bonne volonté, toute ma préparation, j’ai encore plusieurs doutes. » (Anne, entretien 1)
48
LES BUTS POURSUIVIS
Nous avons regroupé dans cette catégorie tous les passages relatant les objectifs visés en
suivant la formation.
Exemple :
« acquérir un certain bagage de compétences pour pouvoir donner des cours. » (Anne, entretien 1)
LA COHÉRENCE DU DISPOSITIF
Les interviewés ont parfois exprimé leur point de vue sur la cohérence perçue ou non du
dispositif. Ces passages se réfèrent à la notion de « constructive alignment » décrite dans la
partie théorique.
Exemple :
« elle manque (la formation) d’un objectif global de formation. On nous dit toujours : « C’est pour vous, c’est
pour votre pratique ». Mais, on ne sait pas pourquoi les formateurs ont fait certains choix. On connaît les
objectifs des modules, mais ce n’est pas facile à voir les liens entre eux. (…) parfois je ne sais pas trop où ils
veulent en venir. » (Coline, entretien 1)
Dans cette catégorie, nous réunissons les passages montrant que la formation suivie a un
effet sur le lieu de travail. Nous avons toutefois exclu les passages décrivant une tâche
précise car une autre catégorie est utilisée pour cela.
Exemple :
« dans mes discussions avec mes collègues, les autres assistants, j’apporte plus par rapport à avant parce que
j’ai déjà suivi cette formation. » (Marie, entretien 2)
LA COLLABORATION
Les interviewés s’expriment sur les relations qu’ils ont avec les autres durant la formation.
Nous avons divisé cette catégorie en deux sous-catégories :
Exemple :
« j’ai eu 2 ou 3 rendez-vous avec le professeur où on a regardé un peu ce que je pouvais faire dans mon
cours… ça a été le plus intéressant de tout… » (Daniel, entretien 1)
49
- La collaboration avec les pairs
Exemple :
« ce qui pour l’instant m’a peut-être le plus apporté, c’est les contacts avec les autres participants au
cours… » (Daniel, entretien 3)
Les participants expliquent qu’ils perçoivent le lien entre la tâche proposée et leur pratique.
Exemple :
« j’ai tiré des conséquences ou j’ai tiré des applications de ce que j’ai appris par rapport à mon travail. »
(Coline, entretien 2)
Comme il s’agit d’une spécificité du dispositif, nous nous sommes intéressée à regrouper
tous les passages concernant les NTIC en particulier sur l’utilisation de la plate-forme
Claroline.
Exemple :
« Je me suis rendue compte que c’est un outil (Claroline) d’une richesse incroyable. C’est pour ça que j’ai
réfléchi à l’utiliser pour moi, pour mon cours. » (Anne, entretien 1)
LES CHOIX
Certains passages montrent que les participants à la formation ont effectué des choix, qu’ils
ont eu une certaine liberté quant au lieu ou au moment de l’apprentissage, quant au contenu
ou aux objectifs d’apprentissage.
Exemple :
« A la fin du module, j'ai d'ailleurs décidé de ne pas faire le travail qui accompagne le module. Bon, j'ai
choisi plus de modules par rapport au nombre demandé par la formation, donc j'ai un certain choix possible. »
(Anne, entretien 3)
50
LES CONTRAINTES
Cette catégorie regroupe tout ce que le sujet perçoit comme contraignant durant la
formation.
Exemple :
« au niveau du temps, c’est vrai que c’était la variable la plus importante (…) je voulais faire cette formation
seulement si c’était possible de la faire sur deux ans (…) Je me rendais compte qu’il y avait une charge de
travail importante à rendre. » (Anne, entretien 1)
LA RÉGULATION DU DISPOSITIF
Remarque : chaque unité de sens tirée des entretiens apparaît entre guillemets dans une écriture réduite. Le
passage est suivi de sa référence entre parenthèses, par exemple : (Marie, entretien 2).
L’analyse structurale a comme but d’étudier les données obtenues lors d’entretiens. Mais
contrairement à l’analyse catégorielle qui distribue les unités de sens dans des catégories, il
s’agit ici d’organiser les unités de sens dans une structure. Les auteurs du manuel de
« L’analyse structurale » la définissent ainsi : « l’objectif qu’on poursuit en utilisant la
méthode est de comprendre correctement celui qui s’exprime, autrement dit, d’attribuer à
ce que dit le locuteur le sens qu’il y met effectivement. (…) elle consiste à saisir les
associations, les oppositions qui relient les thèmes d’un discours (…) Ce sont les relations
entre les éléments du texte et non les éléments eux-mêmes qui permettent de découvrir la
signification du discours du locuteur.» (Piret, Nizet, Bourgeois, 1996).
51
Pour obtenir un travail de qualité, ces auteurs relèvent que le chercheur doit veiller à :
- recueillir un support linguistique original et autosuffisant. C’est-à-dire que le
discours doit venir directement du locuteur et être transcrit intégralement ;
- viser la qualité des matériaux en obtenant des informations denses et abondantes
sur les représentations du locuteur ;
- collecter les données par entretien plutôt non-directif ;
- choisir la qualité lors de la sélection des unités de sens, peu importe la quantité ;
- choisir des passages contrastés qui sont pertinents ;
- présenter les résultats sous forme de schémas de structure ;
Nous avons suivi au mieux ces recommandations lors de notre travail.
Dans notre recherche, nous avons exploité exclusivement le récit de quête de l’analyse
structurale. Il met en valeur la dynamique de la structure du discours. Le scénario de base
reste constamment le même. Un sujet effectue une action dans le but d’obtenir un objet.
Par exemple, le passage suivant peut se traduire dans un schéma de quête minimal.
« …j’ai aussi intérêt à être bien perçu au niveau de la Faculté, puisque je commence. A montrer tout de suite
que je suis un enseignant dynamique, un enseignant compétent. » (Daniel, entretien 1)
La partie supérieure du schéma concerne ce qui est à promouvoir, alors que la partie
inférieure est à éviter. Cela concerne toujours le point de vue de l’interviewé. Les parties
entre parenthèses sont les éléments déduits par le chercheur qui ne se trouvent pas
explicitement dans le discours.
Un schéma de quête complet possède des destinateurs et destinataires afin de rendre mieux
compte de la complexité du discours.
52
Le schéma de quête dans sa forme la plus complète s’organise ainsi :
Opposant
Destinateur négatif Destinataire négatif
53
Voici un exemple :
En accumulant toutes les informations dans un schéma de quête, la lisibilité aurait été
difficile. Nous avons opté pour une présentation simplifiée mais plus claire pour le lecteur.
Dans notre analyse de cas, les tensions apparaîtront au travers de l’opposition soi actuel
(destinateur) – soi idéal ou normatif (destinataire) relevée dans les interviews :
Soi idéal
Soi actuel Tensions identitaires
ou Soi normatif
Destinataire positif
Destinateur positif
+
+
Actions positives Objet positif
Sujet
Actions négatives Objet négatif
- -
Comme nos schémas présentent la plupart du temps plusieurs tensions, nous avons
numéroté celles-ci afin d’en faciliter la lecture. Par exemple, T1 signifie la tension 1, T2 la
tension 2…
54
Nous allons illustrer cela avec le premier schéma de Marie.
Dans les encadrements, nous trouvons le numéro de la tension, l’état de soi selon Higgins
(1987) et le passage d’interview illustrant l’état de soi.
Ainsi, dans le premier entretien de Marie, nous avons relevé deux tensions :
Le schéma minimal est toujours présent. Nous retrouvons toujours : le sujet, l’action et
l’objet.
Dans cet exemple, nous avons :
Le sujet Marie
L’action suit la formation
L’objet - éviter l’isolement en partageant ses expériences avec d’autres
- améliorer la confiance en soi professionnelle
55
CHAPITRE IV
ANALYSE DE CAS
CHAPITRE IV ANALYSE DE CAS
Nous avons structuré la présentation de chaque analyse de cas comme suit :
Cette organisation vise à regrouper les catégories selon la perception positive ou négative
de l’interviewé. La rubrique « Les aspects identitaires » se divise en une partie positive
dans le sens où elle favorise la participation à la formation et une partie négative qui
présente les aspects identitaires qui pourraient pousser la personne à quitter la formation.
La vision de l’enseignement – apprentissage n’a pas forcément de connotation positive ou
négative. Elle nous permet simplement de mieux comprendre la personne. La partie
concernant l’interaction avec le dispositif se divise également en une partie positive et
négative.
Chaque analyse de cas se termine par un schéma de quête qui met en évidence les tensions
identitaires. Une synthèse clôt l’analyse de chaque entretien. A la fin de l’analyse de
chaque cas, un tableau synthétise l’ensemble des interactions entre les caractéristiques du
dispositif et les tensions identitaires mises en évidence. Ceci sur les trois périodes de temps
prises en compte.
57
1. MARIE
Marie est assistante doctorante à l’université de Fribourg depuis l’année 2002. Une part de
son activité est consacrée à des séances d’exercices à donner aux étudiants. Elle a une
année d’expérience dans ce domaine lorsque je la rencontre pour la première fois.
- Eviter l’isolement :
Marie était intéressée par la possibilité de rencontrer d’autres personnes étant dans une
situation similaire à la sienne. Son but était alors de profiter du partage d’expérience avec
d’autres enseignants universitaires :
« le fait qu’il y aurait des gens qui sont de nouveaux professeurs ou qui ont plus d’expérience que moi. C’est
plutôt ce contact-là qui m’a le plus motivée à choisir cette formation. » (Marie, entretien 1)
« le fait d’analyser toute situation et non pas de s’enfermer avec son problème ou ses situations difficiles sans
en parler. » (Marie, entretien 1)
Ce but poursuivi vise à atténuer la tension 2 (Isolement) que nous relevons un peu plus
loin.
58
EVÉNEMENT MAJEUR FAVORISANT L’ENTRÉE EN FORMATION
Marie a choisi de suivre la formation Did@cTIC car elle a rencontré certaines difficultés
dans son nouveau rôle d’enseignante universitaire :
« je trouvais que ça (enseigner) nécessitait quand même au moins une petite formation pour voir comment
réagir avec les étudiants, comment se mettre à leur place (…) Donc, ça n’a pas été tout à fait facile pour moi,
au début, de faire ces cours. » (Marie, entretien 1)
« moi, j’étais consciente que ça allait m’aider » (Marie, entretien 1)
« J’enseigne, et ça c’est une formation pour l’enseignement qui est vraiment complémentaire. C’est même
nécessaire. » (Marie, entretien 1)
« je posais ces questions (sur l’enseignement) dans mon entourage professionnel (…) mais je trouve que c’est
beaucoup mieux de parler de ces problèmes dans un milieu plus académique, je veux dire pendant un cours
fait spécialement pour cela.» (Marie, entretien 1)
« En fait, quand on apprend certaines idées scientifiques, tu es plus sûre que c’est valable dans tel ou tel cas.
Donc, tu as vraiment un back round sur lequel tu te bases. » (Marie, entretien 1)
Marie se sent bien seule face aux problèmes d’enseignement qu’elle rencontre :
« avoir plus de contacts avec les gens (…) je suis isolée dans mon coin. Dans cette formation, il y a pas mal
de disciplines (…) C’est bien de voir comment ça se passe avec les autres filières (...) de voir les capacités,
les compétences des autres professeurs pour pouvoir se situer par rapport à eux. » (Marie, entretien 1)
« souvent on pense que ce sont les expériences qui font apprendre » (Marie, entretien 1)
« ça c’est vrai que c’est l’expérience qui fait apprendre les choses, mais en suivant une formation comme
celle-là, entre-temps, ça aide » (Marie, entretien 1)
« suivre en parallèle une formation comme celle-là par exemple, pour enrichir sa propre expérience. »
(Marie, entretien 1)
59
On perçoit un écart entre sa vision personnelle et la vision normative qu’elle a de
l’apprentissage. La vision personnelle de Marie ne s’oppose pas à la vision normative,
mais est plus affinée. A son avis, l’expérience est une façon d’apprendre qui est plus
efficace si elle est complétée par des apports théoriques et scientifiques. Mais, elle estime,
qu’en général, les personnes se contentent de leur expérience.
Le dispositif de formation est vu très positivement par Marie. Elle en relève de nombreux
avantages et intérêts.
COLLABORATION
La collaboration entre participants à la formation est appréciée de Marie car elle amène des
opportunités de partage et lui permet ainsi de se rassurer et de se situer au niveau
professionnel :
« tu te sens plus rassurée, même si tu te trouves dans des situations difficiles d’enseignement, tu peux
dire : « Je ne suis pas la seule. ». Tous ceux qui enseignent passent par la même situation. »
(Marie, entretien 1)
Elle perçoit l’utilité des tâches proposées. Voici quelques passages illustrant cela :
« Ce que j’ai remarqué à travers les cours passés, c’est qu’il y a plus d’analyse scientifique, pour dire
comment l’étudiant pense, comment motiver les étudiants » (Marie, entretien 1)
« au moment de la communication avec les autres, je pense que c’est utile de prendre en compte certains
facteurs (…) j’avais des doutes avant de commencer la formation, mais avec la formation que j’ai suivi, c’est
vrai que c’est un facteur que l’on ne doit pas négliger. » (Marie, entretien 1)
« ça (une activité demandée) aide vraiment à une certaine organisation, ordre avec soi-même »
(Marie, entretien 1)
Ces apports relevés correspondent à une attente de Marie évoquée dès le début : avoir une
base scientifique en didactique à laquelle elle peut se référer pour enseigner.
60
INTÉRÊT DE SUIVRE LA FORMATION : INTÉRÊT DE GÉNÉRALISER SES
APPRENTISSAGES
Marie a constaté un autre effet après avoir suivi quelques modules. C’est la possibilité
d’utiliser certains apprentissages dans sa vie quotidienne. Au départ, son intérêt pour la
formation était focalisé sur les apprentissages concrets au niveau didactique. Mais
rapidement, Marie a généralisé certains apports à différentes situations qu’elle rencontre
dans sa vie quotidienne :
« finalement apprendre à se gérer avec les élèves, peut aider à se gérer ailleurs, avec d’autres personnes, dans
un autre contexte. » (Marie, entretien 1)
CONTRAINTES
61
1.1.3. SCHÉMA : MARIE I
Dans ce premier schéma, les deux tensions suivantes sont mises en évidence :
milieu académique » ainsi que le soi normatif vu par soi « (enseigner) ça nécessitait quand même au
moins une petite formation » « C’est même nécessaire (une formation pour enseigner) ».
La particularité de cette tension est de se présenter ainsi :
Effectivement, la théorie d’Higgins présente les tensions toujours sous forme de pairs.
Dans cet exemple, nous constatons que la vision de soi actuel s’oppose simultanément à
deux autres visions : le soi idéal et le soi normatif.
62
Isolement (T2) :
Comme enseignante, Marie a un sentiment d’isolement dans le sens où elle se retrouve
seule face à ses difficultés d’enseignement. Nous pouvons relever une tension entre le soi
actuel vu par soi « je suis isolée dans mon coin » et le soi idéal vu par soi « avoir plus de contacts
avec les gens », « tu peux dire : « Je ne suis pas seule. » » .
1. Eviter l’isolement
Buts poursuivis 2. La mobilité professionnelle
3. Améliorer la confiance en soi
4. Améliorer la qualité des discussions entre collègues
avec les pairs dire : « Je ne suis pas la seule. ». Tous ceux qui
enseignent passent par la même situation
Ce que j’ai remarqué à travers les cours passés, c’est
Diminue les tensions
Dans le schéma de quête, on observe que Marie n’est pas influencée par des destinateurs
extérieurs. En effet, c’est toujours une motivation personnelle qui l’incite à suivre la
formation.
Son nouveau travail impliquant de l’enseignement est à l’origine de la situation de rupture
ayant déclenché un processus de conflit cognitif. En effet, depuis qu’elle est confrontée à
des étudiants, une tension identitaire est apparue entre le soi idéal et le soi actuel comme
enseignante. Bourgeois (à paraître) parle d’événement biographique à l’origine de
63
l’engagement en formation. Pour Marie son nouveau statut d’enseignante est l’événement
biographique dont parle Bourgeois.
Sa conception de l’enseignement – apprentissage rejoint celle du dispositif de formation.
Le dispositif Did@cTIC répond largement à ses attentes. Dans le schéma de quête, nous
n’avons relevé que les buts liés aux tensions identitaires : éviter l’isolement, améliorer la
confiance en soi. Eviter l’isolement est pour Marie simultanément un but à atteindre et une
vision de soi idéale faisant partie de la tension Isolement (T2).
Dans son discours, Marie mentionne des intérêts de différentes natures. Certains
concernent des outils concrets directement applicables dans l’enseignement, d’autres sont
d’ordre professionnel mais ont une approche plus générale comme la confiance en soi, la
mobilité ou l’intérêt des discussions avec les collègues. Dans certains cas, Marie prend
plus de recul et perçoit, dans l’apport de certains apprentissages, un intérêt dans sa vie
quotidienne.
On pourrait représenter les trois niveaux d’intérêts perçus par Marie ainsi :
Du point de vue identitaire, la formation Did@cTIC diminue les deux tensions relevées :
Nouvelle enseignante (T1) et Isolement (T2). Ces tensions existaient avant l’entrée en
formation. Depuis que Marie suit la formation, le dispositif diminue ces tensions. Pour la
tension Isolement (T2), la caractéristique du dispositif ayant un impact positif est la
collaboration avec les pairs. L’intérêt que Marie trouve dans les tâches à effectuer ainsi que
dans les modules qu’elle suit diminue la tension Nouvelle enseignante (T1).
La formation va au-delà des attentes de Marie car elle en voit l’utilité dans certains aspects
de sa vie quotidienne alors qu’elle n’avait pas imaginé cela avant de commencer la
formation.
Par contre, le dispositif crée un stress, chez Marie, au niveau de la gestion du temps. En
effet, il devient difficile, pour elle, de faire face en même temps à son travail à plein temps
et aux obligations de la formation.
64
1.2. ENTRETIEN II (mars 2004)
Ce deuxième entretien confirme le discours tenu par Marie en début de formation. C’est-à-
dire la nécessité d’avoir une formation pédagogique :
« Oui, ce jour-là (lors d’une communauté de pratiques) j’ai vraiment senti que cette formation était vraiment
nécessaire. » (Marie, entretien 2)
65
« dans le milieu de l’enseignement, tu sens que tu as plus de connaissances (…) des idées scientifiques, ce ne
sont pas des choses racontées par des gens. Ce sont bien des bases profondes » (Marie, entretien 2)
La formation a facilité un changement de pratique chez Marie. Celui-ci se situe surtout
dans sa façon d’être. De ce fait, la tension Nouvelle enseignante (T1) relevée lors du
premier entretien diminue.
Marie revient sur son engagement en formation en tant qu’adulte. Elle confirme que ce
n’est pas un frein pour elle et n’y voit pas de problème :
« commencer la formation en tant qu’adulte, ce point-là ne m’a jamais gênée et je ne pense pas que cela va
me gêner à l’avenir. » (Marie, entretien 2)
Concernant la gestion du temps, Marie se sent coincée. Elle n’estime pas que le temps de
formation en présentiel est trop important, ni que les activités à distance demandées sont
superflues. Bien au contraire, elle perçoit l’utilité et le besoin de ces moments :
« j’ai raté certains cours. Mes collègues m’ont raconté l’idée générale, mais cela m’a vraiment fait de la
peine. » (Marie, entretien 2)
« il y avait dans chaque cours une activité précise et je trouve que cela est utile car sinon cela ne sert à rien
d’avoir un diplôme sur des choses, des cours, des aspects théoriques. Souvent dans les activités, c’est faire
quelque choses de très pratique (…) En quelque sorte c’est d’essayer de projeter le cours sur nos propres
expériences. Je trouve que c’est utile. » (Marie, entretien 2)
Pourtant, elle ressent une surcharge de travail entre son emploi à plein temps et son
engagement dans la formation Did@cTIC :
« il y avait certains points qui me gênaient un peu, c’est la gestion du temps… » (Marie, entretien 2)
« …on a en moyenne un cours par mois donc c’est peu. Mais je ne peux pas demander plus, parce que je ne
peux pas assimiler à cause de ma gestion du temps. » (Marie, entretien 2)
66
Lors du premier entretien, la gestion du temps était une contrainte du dispositif.
Maintenant, cette contrainte s’est transformée en réelle tension. Non seulement Marie a de
la peine à s’organiser, mais elle n’a pas pu suivre certains modules. Cela crée chez elle une
tension entre étudiante actuelle et étudiante idéale.
Marie relève que les changements intervenus dans sa façon d’enseigner depuis qu’elle suit
la formation ont une influence sur sa motivation :
« j’ai plus de motivation pour enseigner maintenant. » (Marie, entretien 2)
« Je pense que le fait de s’investir pour communiquer avec les étudiants ça n’a pas seulement une influence
positive sur les étudiants mais sur moi-même. » (Marie, entretien 2)
Elle perçoit une amélioration dans la relation avec les étudiants durant les cours mais
également en dehors des cours. Elle ne soupçonnait pas cet effet en début de formation.
COLLABORATION
« Je vois les gens (les autres participants à la formation) comment ils font, comment ils réagissent (…) tu te
sens très proche de tout le monde parce qu’on se trouve tous dans la même situation et ce jour-là ça m’a
67
beaucoup soulagé (…) Pendant ce cours de communauté de pratiques, on est tous dans la même situation, je
vois que tout le monde a le stress que je sens, que tout le monde essaie de se débrouiller dans telle et telle
situation improvisée, peut-être de la même façon que moi » (Marie, entretien 2)
Marie se sent rassurée et soulagée par ces moments de partage. Elle apprécie
particulièrement les communautés de pratiques qui sont mises en place dans ce but.
APPRENTISSAGES
Marie ne perçoit plus la pédagogie de la même façon qu’avant sa formation. Elle en est
consciente et est intéressée par cela :
« je commence à voir qu’il y a un lien profond entre la pédagogie, la psychologie peut-être, entre les
pédagogues, les scientifiques. Il y a pas mal de domaines scientifiques qui se croisent (…) je ne savais pas
parce que je suis loin de ce domaine-là (…) ça aide vraiment à voir autre chose que son propre domaine (…)
c’est un point très enrichissant pour moi-même. » (Marie, entretien 2)
Marie revient sur l’aspect scientifique que la formation lui apporte :
« les conférenciers étaient des pédagogues qui ont des expériences internationales et le fait de voir un
pédagogue devant toi, il te parle de telle expérience dans tel pays, cela te donne vraiment une idée générale et
la dimension de cette formation. En même temps, ils ont leurs façons d’analyser et de voir les choses, je les ai
trouvés quand même impressionnants parce que tu vois quelqu’un qui fait le tour du monde, fait des
conférences partout dans le monde, et à un certain moment il analyse les choses de façon très simple »
(Marie, entretien 2)
68
Dans sa pratique d’enseignante, elle se sent plus à l’aise :
« avec les étudiants, je trouve que j’ai une meilleure communication, le fait que j’ai commencé à utiliser
certaines techniques (…) cela m’aide à être très proche des étudiants (…) pendant le cours, c’est devenu plus
facile pour moi d’imaginer ce que les étudiants attendent de ce cours » (Marie, entretien 2)
On peut relever ici que le souci de Marie est d’être à l’écoute des étudiants. Dans ce sens,
la formation est une aide concrète qui correspond à ses attentes de départ.
« pour chaque cours on avait une activité à faire et parfois pour finir une discussion, pour essayer de voir la
vision des autres par rapport à tel ou tel point dans l’activité, je trouve que la plate-forme sert beaucoup de ce
côté-là. » (Marie, entretien 2)
Pour Marie, l’aspect NTIC de la formation est secondaire. Elle met une priorité absolue sur
l’apport didactique et relève à plusieurs reprises l’importance du relationnel dans
l’enseignement.
69
1.2.3. SCHÉMA : MARIE II
(T2) Soi actuel vu par soi (T3) Soi idéal vu par soi
quand on fait un cours, on est seule en face des étudiants.
(Marie arrive à gérer son temps entre
Il n’y a pas d’autre enseignant qui est solidaire avec vous.
sa profession et sa formation)
70
Isolement (T2) :
Cette tension n’est plus ressentie par Marie, car en suivant la formation Did@cTIC elle se
sent appartenir à un groupe où elle peut partager ses difficultés et soucis
d’enseignement : « Je vois les gens (les autres participants à la formation) comment ils font, comment ils
réagissent (…) tu te sens très proche de tout le monde parce qu’on se trouve tous dans la même situation et ce
jour-là ça m’a beaucoup soulagé parce que quand on fait un cours, on est seule en face des étudiants. Il n’y a
pas d’autre enseignant qui est solidaire avec vous. ».
Temps (T3) :
Cette tension était pressentie dans le premier entretien, mais apparaissait alors comme une
contrainte du dispositif de formation. Elle s’est transformée en tension pour Marie car elle
pensait avoir le temps de gérer sa vie professionnelle tout en suivant la formation, mais elle
n’y arrive pas vraiment : soi actuel vu par soi « il y avait certains points qui me gênaient un peu,
c’est la gestion du temps », « j’ai raté certains cours. Mes collègues m’ont raconté l’idée générale, mais cela
m’a vraiment fait de la peine. », « on a en moyenne un cours par mois donc c’est peu. Mais je ne peux pas
demander plus, parce que je ne peux pas assimiler à cause de ma gestion du temps. » et soi idéal vu par
71
1.2.4. SYNTHÈSE DE L’ENTRETIEN II DE MARIE
Buts 1. Améliorer la confiance en soi
2. Améliorer la qualité des discussions entre collègues
poursuivis
3. Avoir plus de résultats, un bon rendement
72
1.3. ENTRETIEN III (juillet 2004)
- Eviter l’isolement
Marie relève que le contact avec les autres participants au cours évite l’isolement
professionnel :
« de voir les similarités entre les disciplines et les différences surtout et je trouve ça enrichissant. Surtout le
fait de ne pas rester seule, isolée sur soi-même dans son domaine, mais de découvrir d'autres disciplines. »
(Marie, entretien 3)
Marie a été rassurée de partager son expérience professionnelle avec d’autres collègues :
« Le fait de voir tout le monde passer l'un après l'autre, on n'avait pas mal de choses en commun pendant ces
cinq minutes. Personnellement, je me suis sentie soulagée. » (Marie, entretien 3)
« Un enseignant est un enseignant quelque soit son domaine, son public. » (Marie, entretien 3)
73
FACTEURS IDENTITAIRES FAVORISANT LE MAINTIEN EN FORMATION
Comme nous venons de le constater, les buts poursuivis par Marie tendent à être atteints.
Cela lui donne un sentiment d’efficacité de la formation qui la motive à continuer la
formation.
Durant certaines périodes, Marie s’est sentie surchargée. Pour diminuer la problématique
de la gestion du temps, Marie a décidé d’effectuer sa formation sur deux ans, bien qu’au
début elle pensait la terminer en une année.
A travers plusieurs passages, on perçoit la charge importante que représente la formation :
« Comme vous le savez les cours prennent souvent des matinées ou des après-midi ; planifier pour être libre à
ces moments de cours ça n'a pas été toujours facile. » (Marie, entretien 3)
« j'ai toute la semaine du travail et c'est ce qui rend l'organisation plus difficile. Souvent, je les (activités) fais
le soir, en fin de journée, quand je suis fatiguée. Alors, je ne suis pas sûre que je m'investisse comme il faut
pour faire ce travail. » (Marie, entretien 3)
« à chaque fois que je me trouve coincée (…) Je me sens, comment dire, en même temps je ne voulais pas
arrêter cette formation et en même temps il faut que je trouve un compromis... » (Marie, entretien 3)
« il faut toujours sacrifier, enfin faire des efforts et s'investir. Ça n'a pas été facile, mais quand on voit les
avantages et conséquences de cette formation sur le plan professionnel ou sur le plan social ça mérite, je
pense, cette démarche. » (Marie, entretien 3)
Dans ces passages, il est possible de déceler une tension provoquée par la formation. En
effet, la formation a un impact sur l’organisation du temps. Marie ressent une tension entre
l’étudiante actuelle et l’étudiante idéale qu’elle aimerait être. La formation l’oblige à se
réorganiser au niveau du temps, mais Marie n’est pas satisfaite des compromis qu’elle doit
faire. Toutefois, la solution d’effectuer la formation en deux ans permet de réduire cette
tension ressentie.
Marie est critique avec elle-même, ce qui la mène à utiliser la formation pour essayer de
progresser :
74
«on avait fait un cours détaillé sur le fait d'utiliser le langage du corps. Moi, souvent c'est ça mon problème.
C'est-à-dire que je parle seulement et je n'utilise pas… Je suis souvent coincée, fixée dans ma place, je ne
change pas de... Je l'ai entendu souvent de mes collègues, mais ça passe, ça ne reste pas dans ma tête. Mais le
fait d'apprendre pendant un cours qu'il faut utiliser tout, aussi son corps, les mains, la vision, le regard,
l'écoute... J'ai senti qu'il y a d'autres dimensions. C'est pas seulement parler pour parler (...) l'année prochaine,
je vais essayer de revenir là-dessus parce que j'ai trouvé ça assez important. » (Marie, entretien 3)
Parfois pour apprendre, Marie s’imagine dans une situation précise et se pose des
questions :
« Moi, j'ai essayé de me mettre à sa place (d’un enseignant) et de me demander… » (Marie, entretien 3)
C’est une autre façon, pour elle, de tirer parti de la formation.
« Avant de faire cette formation, ce qui m'intéressait c'était plutôt le contenu du cours (…) Mais après, j'ai
apporté certaines améliorations à mon cours. Pendant la séance, je ne suis pas là seulement pour transmettre,
mais pour écouter aussi les étudiants, quels sont les problèmes qui les empêchent de faire l'exercice. »
(Marie, entretien 3)
Marie a changé sa pratique de façon tout à fait consciente. Ce qui lui permet d’avoir du
recul sur ces changements et de continuer, par la suite, à améliorer son enseignement :
« le fait de consacrer peut-être 60% pour la transmission des connaissances et le reste pour le regard vers les
étudiants, l’écoute et ce genre de choses, ça m'a soulagée. Je me sens plus… ça me permet d'apporter dans le
futur des améliorations à mon cours parce que je suis très proche des étudiants, je sais ce qu'ils ressentent et
j'arrive à analyser plus qu'auparavant les situations de difficultés des étudiants. » (Marie, entretien 3)
75
1.3.2. L’INFLUENCE DU DISPOSITIF
APPRENTISSAGES
Le dispositif a permis à Marie de se rendre compte que certains apprentissages avaient une
dimension plus large et étaient ainsi utilisables dans la vie quotidienne :
« ça concerne non seulement notre façon d’enseigner mais surtout notre façon de réagir avec les gens en
général. Ce n’est pas seulement durant les cours, mais aussi à l’extérieur, avec les amis, dans la vie de tous
les jours, c’est utile. » (Marie, entretien 3)
« choisir (un module) seulement dans le but de savoir comment enseigner ; c’était ça mon critère au début
(…) ce cours a une autre dimension dans la vie quotidienne (…) il a aussi une extension dans la vie en
général. » (Marie, entretien 3)
76
Les collègues de Marie sont intéressés par cette formation, mais constatent qu’il s’agit
d’une charge importante et hésitent donc à s’engager. On peut toutefois relever que Marie
a su les intéresser et donc ainsi promouvoir la formation dans son entourage professionnel :
« Il y en a certains qui y ont pensé (suivre la formation), mais la contrainte du temps… Parce que quand ils
nous voient en train de se « battre », ça les gêne aussi. Une de mes collègues m’a dit : "Je vais voir, si j'ai pas
vraiment une trop grande charge d'enseignement, je vais la suivre l'année prochaine." » (Marie, entretien 3)
Marie n’a pas retiré d’apprentissages dans le domaine des NTIC car elle maîtrisait déjà les
tâches proposées dans les modules :
« l'intégration des TIC dans l'enseignement. C'est plutôt l'utilisation des différentes technologies. Ça ne m’a
pas apporté grand-chose, parce que j'utilise déjà cela (…) c'est quelque chose que je maîtrise déjà et ce n'est
pas nouveau.» (Marie, entretien 3)
« pour le premier module, l'intégration des NTIC, je n'ai pas fait l'activité parce que j'avais le sentiment (…)
L’activité, elle-même, c'était d'utiliser les notions du cours pour les appliquer sur notre façon de présenter le
cours aux étudiants, et moi je le faisais déjà avant » (Marie, entretien 3)
CONTRAINTES
Le seul bémol que Marie relève concerne la gestion du temps. De ce point de vu, le
dispositif a mis Marie sous pression en créant une surcharge de travail. La tension
identitaire 3 (Temps) provoquée a été réduite au moment où Marie a décidé de suivre sa
formation sur deux ans.
77
1.3.3. SCHÉMA : MARIE III
Voici les éléments de tensions identitaires mis en évidence dans ce dernier schéma :
Nouvelle enseignante(T1) :
La tension liée à son rôle d’enseignante a diminué. Dans le soi actuel vu par soi, nous
avons relevé en particulier l’amélioration de la confiance en soi et le changement de la
perception de son rôle d’enseignante.
Isolement (T2) :
Marie explique comment le dispositif Did@cTIC a enlevé son sentiment d’isolement grâce
au partage avec les autres participants.
78
Temps (T3) :
La tension liée à la gestion du temps s’est prolongée jusqu’à la fin de la formation : soi
actuel vu par soi « planifier pour être libre à ces moments de cours ça n'a pas été toujours facile » et soi
idéal vu par soi ( ne pas faire les activités quand je suis fatiguée pour être sûre de s'investir comme il faut
pour faire le travail), (éviter de se trouver coincée et de devoir faire des compromis).
formation le fait d'analyser, de prendre des exemples, de prendre du recul pour penser à notre façon de parler de
tensions
tous les jours, alors là, j'ai trouvé cela assez important, intéressant.
Lien avec Sur l'aspect professionnel, j’ai senti l’effet tout au long de la formation. C'est-à-dire que j'ai commencé à
m'investir plus qu'auparavant au niveau de l'enseignement.
la pratique J'ai trouvé les réponses à mes questions, j'ai commencé tout de suite à apporter ça dans ma pratique.
La tension identitaire Nouvelle enseignante (T1) est réduite en particulier par les
caractéristiques du dispositif suivant : l’intérêt de la formation et le lien avec pratique.
Le dispositif permet à Marie de ne plus se sentir isolée. Les communautés de pratiques ont
été appréciées par Marie. Elles donnent l’occasion aux participants de partager leurs soucis
professionnels et de voir qu’ils sont dans la même problématique que les autres. Au départ,
la tension Isolement (T2) avait été relevée, il s’agissait simultanément d’un but poursuivi
par Marie « éviter l’isolement ». Dans ce dernier entretien, Marie est soulagée de ne plus
ressentir cette tension et d’avoir pu atteindre ce but.
Marie se sent surchargée lorsqu’elle doit assumer en parallèle son travail à plein temps et
la formation. Pour palier à cette difficulté, elle a décidé de répartir sa formation sur deux
ans. La souplesse du dispositif a, dans ce cas, facilité la poursuite de la formation jusqu’à
son terme. Mais la tension identitaire liée à la gestion du temps est restée présente jusqu’à
la fin.
79
Marie a tiré profit de la formation sous différents aspects : l’amélioration des discussions
avec les collègues de travail, l’utilisation de certains apprentissages dans la vie quotidienne
et l’amélioration de la confiance en soi. Concernant l’estime de soi, une nuance est à
relever. Jusqu’à maintenant, Marie parlait de confiance en soi professionnelle. Lors de ce
dernier entretien, elle évoque la confiance en soi d’un point de vue général.
80
1.4. SYNTHESE DES ANALYSES DE MARIE
Intérêt de la formation
tu sens que tu as plus de connaissances (…) des idées scientifiques, ce ne sont pas des choses racontées par
Temps 2
Intérêt de la formation
il y a pas mal de points positifs que j'ai tirés à travers la formation (…) à chaque module, j'ai senti que j'ai
appris pas mal de choses
Temps 3
Diminution le fait d'analyser, de prendre des exemples, de prendre du recul pour penser à notre façon de parler de tous les
jours, alors là, j'ai trouvé cela assez important, intéressant.
de la tension
Lien avec la pratique
Sur l'aspect professionnel, j’ai senti l’effet tout au long de la formation. C'est-à-dire que j'ai commencé à
m'investir plus qu'auparavant au niveau de l'enseignement.
J'ai trouvé les réponses à mes questions, j'ai commencé tout de suite à apporter ça dans ma pratique.
TENSION 2 : ISOLEMENT
Collaboration avec les pairs
Temps 1
Diminution
tu te sens plus rassurée, même si tu te trouves dans des situations difficiles d’enseignement, tu peux dire : « Je
de la tension
ne suis pas la seule. ». Tous ceux qui enseignent passent par la même situation
Diminution
sens très proche de tout le monde parce qu’on se trouve tous dans la même situation et ce jour-là ça m’a
de la tension beaucoup soulagé (…) Pendant ce cours de communauté de pratiques, on est tous dans la même situation, je
vois que tout le monde a le stress que je sens, que tout le monde essaie de se débrouiller dans telle et telle
situation improvisée, peut-être de la même façon que moi
Concernant la tension Temps (T3), elle est apparue lors du deuxième entretien. La
souplesse du dispositif (choix) a permis à Marie de continuer la formation malgré sa
difficulté de gestion du temps.
81
2. DANIEL
Daniel est Docteur en économie. Depuis octobre 2002, il a été nommé Professeur associé à
l’université de Fribourg. Il s’agit d'un poste d'enseignement et de recherche qui complète
un poste principal ou lui est subordonné. Dans le passé, Daniel avait déjà été responsable
d’un cours pendant une année alors qu’il était assistant.
Daniel considère que son poste de professeur associé lui confère un nouveau métier. Il
l’exprime ainsi :
« …j’ai un nouveau métier finalement. Je dois enseigner en plus de faire de la recherche. »
(Daniel, entretien 1)
82
« maintenant j'ai un nouveau boulot, où il faut utiliser cet outil (la didactique), enfin, cet outil et peut-être des
connaissances. » (Daniel, entretien 1)
« Je dois tout à coup pondre des cours, enseigner, avoir des contacts avec les étudiants… Ce que je n’avais
pas à faire auparavant. » (Daniel, entretien 1)
« Je leur (collègues) ai dit que j'allais faire cette formation et que c'était dans le but de mettre l'accent au
niveau enseignement. C'est aussi le but que je me suis donné durant ces 2, 3 premières années, plutôt mettre
l'accent sur l'enseignement. Après, je reviendrai à la recherche. » (Daniel, entretien 1)
La charge d’enseignement est considérée par Daniel comme un devoir, une contrainte :
« Ce n’est pas parce que je suis vraiment intéressé par ces problèmes-là (d’enseignement) »
(Daniel, entretien 1)
« puisque je dois d’une manière ou d’une autre donner ce cours » (Daniel, entretien 1)
En suivant cette formation, Daniel espère donner une bonne image de lui envers sa
hiérarchie :
« …j’ai aussi intérêt à être bien perçu au niveau de la Faculté, puisque je commence. A montrer tout de suite
que je suis un enseignant dynamique, un enseignant compétent. » (Daniel, entretien 1)
83
TENSION IDENTITAIRE 4 (ENSEIGNEMENT EFFICACE)
84
2.1.2. L’INFLUENCE DU DISPOSITIF
COLLABORATION
CHOIX
« j'en ai parlé aux assistants durant les pauses (…) ça fait bien sourire » (Daniel, entretien 1)
85
INTÉRÊT DE SUIVRE LA FORMATION : modules peu utiles
« Je ne sais même pas si ça va se remarquer dans la qualité de mes cours. Pour l'instant, je n'ai pas trop
changé mes habitudes de faire par rapport à ce que j'ai toujours fait auparavant. » (Daniel, entretien 1)
CONTRAINTES
86
2.1.3. SCHÉMA : DANIEL I
(T1) Soi actuel vu par soi (T3) Soi normatif vu par d’autres
Ce n’est pas parce que je suis vraiment intéressé On a déjà fait tant d’années d’études, pourquoi
par ces problèmes-là (d’enseignement) encore faire cette formation
87
Regard de sa femme (T 2) :
La femme de Daniel est enseignante. Elle critique le fait que les professeurs d’université
n’ont pas de formation pédagogique. Cela crée une tension identitaire chez Daniel car
depuis sa nomination, il se retrouve dans cette situation. La tension apparaît entre le soi
actuel vu par d’autres « ces profs d’uni, ils enseignent mais n’ont aucune formation pédagogique » et
le soi normatif vu par d’autres (un professeur d’université devrait avoir une formation en
pédagogie).
travail, il se met hors norme car il suit une formation pour enseigner alors que les autres ne
le font pas.
88
2.1.4. SYNTHÈSE DE L’ENTRETIEN I DE DANIEL
poursuivis
1. Améliorer l’efficacité de son enseignement
Buts
2. Donner des cours intéressants en utilisant les NTIC
3. Prouver son ouverture d’esprit à sa femme
bien sourire
Des choses naturelles
Intérêt de la pour la plupart
formation Pas changer la qualité de
mes cours
C’est en plus de mon travail
Contraintes Limiter le fardeau de la
formation
Le schéma de quête montre l’influence de destinateurs positifs (sa femme T2, ses
supérieurs hiérarchiques et Daniel lui-même) et de destinateurs négatifs (le dispositif
Did@cTIC, ses collègues de travail et Daniel lui-même). Daniel se retrouve simultanément
dans les destinateurs positifs et négatifs car il veut suivre la formation pour améliorer
l’efficacité de son enseignement et montrer son ouverture à sa femme. Mais en
commençant cette formation, il se met hors norme (T3) par rapport à ses collègues de
89
travail. De plus, la formation Did@cTIC ne correspond pas à ce qu’il imaginait avant d’y
entrer (T4).
Cette première rencontre met en évidence cinq tensions identitaires. Deux tensions sont
directement liées à sa promotion professionnelle : Nouveau statut (T1) et Regard de sa
femme (T2). Les tensions Hors norme (T3) et Enseignement efficace (T4) apparaissent
dès le moment où Daniel entre en formation. La tension Hors norme est crée par le fait
d’être en formation, alors que la tension Enseignement efficace est provoquée par le type
de dispositif mis en place pour la formation Did@cTIC.
Comme nous l’avons déjà relevé, l’interaction entre la tension Regard de sa femme (T2)
et Hors norme (T3) crée une dernière tension Choix de formation (T5). Nous pourrions
la représenter ainsi :
suit la formation Did@cTIC (avoir des compétences en pédagogie et didactique) Choix de formation (T5)
Daniel professeur d’uni.
(ne suit pas la formation Did@cTIC) je n’ai pas ces compétences-là (pédagogie et didactique)
En suivant la formation Did@cTIC, Daniel poursuit divers buts. D’un point de vue
personnel, il s’agit de montrer à sa femme qu’il ne correspond pas à l’image qu’elle a des
professeurs d’université. Sur le plan professionnel, il aimerait devenir un enseignant
efficace qui est capable de donner des cours intéressants en utilisant les NTIC.
90
Des interactions entre tensions identitaires et dispositif de formation ressortent de cet
entretien. La collaboration avec les formateurs, la possibilité d’effectuer des choix et les
liens avec sa pratique à travers son projet tendent à diminuer la tension Nouveau statut
(T1). Par contre les contraintes de temps, augmente cette tension.
Les caractéristiques du dispositif de formation n’aident pas Daniel à diminuer la tension
Hors norme (T3). L’effet sur le lieu de travail est négatif puisqu’il diminue son
sentiment d’appartenance au groupe. La tension est crée par cet effet.
Certains modules et activités de la formation, que Daniel considère peu utiles, augmentent
la tension Enseignement efficace (T4). Dans ce cas, la caractéristique Intérêt de la
formation est insuffisante. Elle augmente la tension. Pour cette même tension (T4), le fait
d’avoir un projet permet à Daniel de faire un lien avec sa pratique. La caractéristique Lien
avec la pratique tend à diminuer la tension Enseignement efficace (T4).
En résumé, les caractéristiques de la formation Did@cTIC telles que les tâches utilisant
les NTIC, l’individualisation du parcours de formation sous la forme de projet personnel
et de choix possibles ainsi que la possibilité de collaborer avec les formateurs aident à
diminuer les tensions identitaires de Daniel. En effet, l’intégration des NTIC dans la
formation Did@cTIC est, pour Daniel, la principale source de motivation. Tous les choix
qu’il peut effectuer dans la formation sont centrés sur cet aspect. De plus, le projet
personnel individualise une part de la formation.
Les parties du dispositif Did@cTIC telles que les communautés de pratiques ou certaines
activités où Daniel a le sentiment de perdre du temps créent la tension Enseignant efficace
(T4). En effet, Daniel aimerait devenir un enseignant efficace, mais la formation envoie à
Daniel des conceptions différentes de la sienne concernant l’efficacité de l’enseignement.
91
2.2. ENTRETIEN II (mars 2004)
« Je ne pense pas que l’on apprend mieux avec la façon moderne d’enseigner. Ce qu’il y a, c’est que l’on doit
répondre à un besoin des étudiants qui veulent autre chose. Ils disent que la méthode traditionnelle, vieillotte,
du passé, c’est plus comme ça qu’on enseigne. Eux-mêmes pensent qu’ils vont apprendre mieux, ou que c’est
un meilleur enseignement si c’est basé sur une nouvelle pédagogie, des nouveaux médias etc. Donc, dans ce
sens-là, on est plus ou moins obligé de se mettre au goût du jour. Mais, je ne suis pas vraiment convaincu que
l’on apporte un plus. » (Daniel, entretien 2)
92
FACTEURS IDENTITAIRES S’OPPOSANT À LA FORMATION
Daniel revient sur le regard amusé des collègues de travail. Pourtant, il relativise cette fois
cela :
« Avec les collègues, quel est le rôle de cette formation, c’est que quand je dois partir pour un module, j’en
informe mes collègues, enfin mes assistants qui sont là, les secrétaires. On en parle et puis on en reparle après
à la pause quand j’ai fait mon module et voilà. Peut-être que l’on commente la journée, le module
brièvement. Le rôle, je le vois très bien, cela fait un peu sourire mes collègues. Ça, c’est les collègues
assistants et secrétaires. Les autres professeurs, j’ai eu l’occasion d’en parler avec l’un ou l’autre. Certains
sont intéressés mais se demandent si cela n’est pas un peu une perte de temps.» (Daniel, entretien 2)
Les collègues de travail :
« C’est mon côté provocateur, pour leur dire (aux collègues de travail) : « Eh bien voyez, moi j’ai fait ça (la
formation). » C’est pour titiller et dire qu’il y a des choses qui se passent, que l’on fait à gauche et à droite. »
(Daniel, entretien 2)
Sa perception de l’enseignement :
« je pense qu’il n’y a rien qui va changer, je suis peut-être un peu dur dans ma réponse, mais cela va
continuer comme cela a continué jusqu’à maintenant. (…) je ne pense pas que cela soit tellement
bouleversant pour dire que la formation ait contribué significativement à un changement d’attitude, de point
de vue… » (Daniel, entretien 2)
Son milieu professionnel :
« chaque prof d’uni est dans sa tour d’ivoire (…) chacun a l’impression de faire mieux, d’être le meilleur »
(Daniel, entretien 2)
« moi je suis sans illusion. Je sais comment c’est. (le milieu universitaire) » (Daniel, entretien 2)
93
« sans prétention, sans illusion en rien. Je connais trop bien le milieu. » (Daniel, entretien 2)
Les étudiants mal préparés, peu enclins à travailler et jugeant mal les professeurs exigeants
ainsi que les collègues peu exigeants rendent sa tâche d’enseignant difficile.
Il s’est impliqué lors des communautés de pratiques. Il a créé un questionnaire lié aux
NTIC :
« je me suis quand même engagé dans deux choses qui m’ont intéressé. C’était pour une communauté de
pratiques (questionnaire sur NTIC) » (Daniel, entretien 2)
94
On constate une évolution. La communauté de pratiques était un frein pour Daniel lors du
premier entretien car il ne savait pas du tout à quoi s’attendre. Maintenant, cette partie du
dispositif est devenue plutôt un moteur car il a pu s’y impliquer au niveau des NTIC.
COLLABORATION
« Il y a des grands vides où on cause (…) mais finalement, au niveau quantitatif, qualitatif, cela n’a pas
apporté grand-chose. » (Daniel, entretien 2)
« Elles durent ces communautés de pratiques. Elles sont intéressantes, mais elles durent. C’est deux heures,
trois heures de discussions, de participation sur le temps investi, dans toutes les séances il y a peut-être vingt
pour cent d’intéressant. Et le reste, ma fois, c’est du social.» (Daniel, entretien 2)
CONTRAINTES
95
2.2.3. SCHÉMA : DANIEL II
96
Hors norme (T3) :
Cette tension tend à diminuer. En effet, le soi actuel vu par d’autres « Cela fait un peu sourire
mes collègues » s’oppose encore au soi normatif vu par d’autres « On a fait déjà tant d’années
Pourtant, des modifications ont eu lieu dans son discours. Au premier entretien il parle de
la formation à ses collègues uniquement pour justifier son absence. Cette fois, il dit en
reparler après le cours. De plus, il précise que ça fait sourire les collègues assistants et les
secrétaires mais un nouveau soi actuel vu par soi « j’ai eu l’occasion d’en parler avec l’un ou
l’autre (autres professeurs). Certains sont intéressés » apparaît et favorise plutôt la participation à la
formation.
Pour terminer, Daniel commence à tirer parti de cette position de hors norme car il
dit : « c’est mon côté provocateur, pour leur dire (aux collègues de travail) : « Et bien voyez, moi j’ai fait
ça. » C’est pour titiller et dire qu’il y a des choses qui se passent, que l’on fait à gauche et à droite. ». Dans
ce passage, nous observons que Daniel voit les choses de manière plus positive qu’au
départ.
(le carnet de bord, on nous en parle à tous ces modules, (intérêt des activités pratiques, des carnets de bord).
normatif vu par d’autres « on doit répondre à un besoin des étudiants qui veulent autre chose (autre
pédagogie) », « on est plus ou moins obligé de se mettre au goût du jour ». Daniel n’est pas convaincu
97
que des changements dans son enseignement l’amélioreront. Mais le regard des étudiants
le pousse à modifier un peu sa pratique.
vu par soi (être) à la hauteur (comme enseignant universitaire). Daniel aimerait être exigeant pour
être à la hauteur de sa tâche d’enseignant, mais le point de vu des étudiants ainsi que
certains collègues l’en empêchent.
98
2.2.4. SYNTHÈSE DE L’ENTRETIEN II DE DANIEL
But
(être) à la hauteur (comme enseignant universitaire)
poursuivi
L’utilisation des NTIC ainsi que la collaboration avec les pairs réduisent la tension
Nouveau statut (T1) relevée au premier entretien. En effet, par ces deux caractéristiques,
l’écart entre le soi actuel vu par soi (je ne suis pas vraiment intéressé) et le soi idéal vu par soi
(mettre l’accent sur l’enseignement avant de retourner à la recherche) diminue.
99
Cet entretien nous permet de constater que la tension Regard de sa femme (T2) est
résolue. Elle s’est arrêtée au moment où Daniel s’est engagé en formation.
La tension Hors norme (T3) a évolué. La première fois Daniel dit : « Cela fait bien sourire »,
alors que cette fois, il dit « cela fait un peu sourire » et précise : « les autres professeurs, j’ai eu
l’occasion d’en parler avec l’un ou l’autre. Certains sont intéressés ». Daniel relativise la tension
provoquée par le fait de suivre une formation alors qu’il est professeur d’université. Son
point de vue évolue, il permet de diminuer cette tension Hors norme.
Les changements au niveau des tensions Regard de sa femme (T2) et Hors norme (T3)
ont permis d’éliminer la tension Choix de formation (T5).
Dans le schéma de quête, la tension Enseignement efficace (T4) apparaît à nouveau. Les
contraintes du dispositif ainsi que le sentiment de perte de temps durant les communautés
de pratiques tendent à augmenter cette tension. Par contre, l’utilisation des NTIC, l’intérêt
trouvé dans l’élaboration d’un questionnaire sur les NTIC et la collaboration avec les
pairs permettent de contenir l’augmentation de cette tension.
La collaboration avec les pairs est une caractéristique valorisée plus fortement lors de cet
entretien que la première fois. En effet, Daniel relève que cet aspect était peut-être le plus
intéressant.
Parmi les destinateurs positifs et négatifs nous observons peu de changement. Seul les
étudiants sont ajoutés aux destinateurs positifs. Les deux nouvelles tensions relevées,
Regard des étudiants (T6) et Etre un professeur à la hauteur (T7) sont en lien avec les
étudiants. Les caractéristiques du dispositif n’ont pas d’influence directe sur ces tensions.
100
2.3. ENTRETIEN III (juillet 2004)
L’utilisation des NTIC pour enseigner permet à Daniel de se démarquer sur sa place de
travail. En effet, il est le premier dans son entourage professionnel à mettre en place une
plate-forme informatique d’enseignement à distance :
« Le seul avantage prépondérant est que je me suis mis à ces plates-formes d'enseignement virtuel. (…) ça va
peut-être aussi (me permettre) de me situer vis-à-vis de mes collègues qui eux n'ont encore rien fait dans ce
domaine. » (Daniel, entretien 3)
« j’ai dû manquer environ deux journées. Ça m’a embêté parce que je tenais vraiment à y aller »
(Daniel, entretien 3)
Cette tension a été créée par certaines caractéristiques du dispositif Did@cTIC. Elle s’est
maintenue jusqu’en fin de formation.
101
2.3.2. L’INFLUENCE DU DISPOSITIF
« Le seul avantage prépondérant est que je me suis mis à ces plates-formes d'enseignement virtuel. (…) ça va
peut-être aussi (me permettre) de me situer vis-à-vis de mes collègues qui eux n'ont encore rien fait dans ce
domaine. » (Daniel, entretien 3)
« ça (l’utilisation d’une plate-forme informatique) va être mon standard pour tous mes cours à l’avenir. »
(Daniel, entretien 3)
« Maintenant, j'ai une certaine expérience qui va me permettre d'avancer. » (Daniel, entretien 3)
J'ai testé deux plates-formes, j'ai déjà opté pour la deuxième qui me convient mieux. » (Daniel, entretien 3)
COLLABORATION
Le contact avec les autres personnes en formation est reconnu comme un apport important
lors de ce dernier entretien :
« ce qui pour l’instant m’a peut-être le plus apporté, c’est les contacts avec les autres participants au cours »
(Daniel, entretien 3)
CONTRAINTES
102
COHÉRENCE DU DISPOSITIF
Le manque de clarté sur certains aspects de la formation a également été relevé par Daniel.
Cela concerne en particulier l’évaluation finale mais également les communautés de
pratiques du point de vue de leur suite après l’année de formation. Voici les passages
illustrant cela :
« J’ai appris maintenant qu’il y aura des examens ou (…) il y aura quelque chose d’organisé pour évaluer les
candidats (…) j’ai appris ça de manière tout à fait fortuite. » (Daniel, entretien 3)
« Ce qui ne m’est pas clair non plus, c’est qu’on a constitué des communautés de pratiques (…) l’animateur a
dit : « Oui, alors on se retrouve cet automne… » Je pensais qu’on arrivait au bout » (Daniel, entretien 3)
103
2.3.3. SCHEMA : DANIEL III
(T4) Soi actuel vu par soi (T1) Soi normatif vu par soi
Je n’ai pas appris grand chose au niveau didactique
(Daniel subordonné doit négocier)
Je m’en serais mieux sorti avec un cours de 2 jours
intensifs d’introduction aux nouvelles plate-formes
négocier son programme avec le collègue suisse-allemand qui donne le même cours que
lui : « Je devrai encore négocier puisque je ne suis pas tout à fait libre de faire ce que je veux (…) je vais le
mettre à disposition du professeur ordinaire qui est responsable de la chair. Il aimerait faire le même en
allemand. Il tient absolument à ce qu'en français et en allemand, il y ait le même cours ». Cette situation
104
Enseignement efficace (T4) :
Cette tension s’est maintenue jusqu’à la fin de la formation. Le dispositif ne lui paraît pas
efficace, soi actuel vu par soi : « Je n’ai pas appris grand chose au niveau didactique », « Je m’en
serais mieux sorti avec un cours de 2 jours intensifs d’introduction aux nouvelles plate-formes ».
Il est intéressant de relever que Daniel tient malgré tout à suivre les cours qu’il a choisi, soi
actuel vu par soi : « J’ai dû manquer deux journées. Ça m’a embêté parce que je tenais vraiment à y
aller ».
105
2.3.4. SYNTHÈSE DE L’ENTRETIEN III DE DANIEL
La tension Hors norme (T3) n’existe plus dans ce dernier entretien. Daniel valorise son
expérience acquise dans l’utilisation de plates-formes d’enseignement à distance. Il a
106
décidé d’introduire cet outil dans ses cours. Parmi ses collègues de travail, il sera le seul à
utiliser un tel outil. Cela le positionne favorablement dans son milieu professionnel.
L’utilisation des NTIC, la collaboration avec les pairs et les liens avec sa pratique sont
trois caractéristiques du dispositif qui tendent à diminuer la tension Nouveau statut (T1).
Les contraintes du dispositif ainsi que la cohérence du dispositif augmentent la tension
Enseignement efficace (T4).
107
2.4. SYNTHESE DES ANALYSES DE DANIEL
De nombreuses tensions identitaires ont été relevées chez Daniel. Certaines d’entre elles
n’ont été évoquées qu’une fois. Nous n’avons ainsi pas pu analyser de lien avec le
dispositif de formation. C’est le cas de la tension Regard des étudiants (T6) et Etre un
professeur à la hauteur (T7). La tension particulière Choix de formation (T5) a été
analysée indirectement par les tensions Regard de sa femme (T2) et Hors norme (T3)
puisqu’elle est née de l’interaction de ces deux tensions. Pour terminer, la tension Regard
de sa femme (T2) est liée à l’engagement de Daniel en formation. Elle ne dépend donc pas
des caractéristiques du dispositif. Cette tension aurait également disparu dans un autre type
de dispositif de formation.
Seules trois tensions évoluent au fil du temps en lien avec les caractéristiques du dispositif
Did@cTIC. Nous allons reprendre chacune d’elles et les mettre en interaction avec les
caractéristiques du dispositif. En reprenant les trois moments d’interview, nous pouvons
analyser leur évolution.
108
TENSION 1 : NOUVEAU STATUT
Collaboration avec les formateurs
on a regardé ce que je pouvais faire.
Choix
Mon projet je l’ai choisi dans les NTIC
Contraintes
Augmentation
On va parler uniquement de contraintes. C’est des contraintes, pourquoi, parce que c’est en plus de mon
de la tension travail. Ce sont des journées de prises
limiter aussi le fardeau de la formation
Diminution de
Utilisation des NTIC
la tension
j’ai testé deux plates-formes, j’ai déjà opté pour la deuxième qui me convient mieux
Augmentation
j'en ai parlé aux assistants durant les pauses (…) ça fait bien sourire
de la tension
Augmentation informe mes collègues, enfin mes assistants qui sont là, les secrétaires. On en parle et puis on en reparle
après à la pause quand j’ai fait mon module et voilà. Peut-être que l’on commente la journée, le module
de la tension
brièvement. Le rôle, je le vois très bien, cela fait un peu sourire mes collègues. Ça, c’est les collègues
assistants et secrétaires. Les autres professeurs, j’ai eu l’occasion d’en parler avec l’un ou l’autre. Certains
sont intéressés mais se demandent si cela n’est pas un peu une perte de temps.
Diminution de
Le seul avantage prépondérant est que je me suis mis à ces plates-formes d'enseignement virtuel. (… ça va)
la tension peut-être aussi (me permettre) de me situer vis-à-vis de mes collègues qui eux n'ont encore rien fait dans ce
domaine.
109
TENSION 4 : ENSEIGNEMENT EFFICACE
Diminution de Lien avec la pratique
la formation est liée à un projet (…) si je peux le faire (son cours universitaire) dans le cadre d'un cours
la tension
annexe, si je peux faire valoir ça à côté, c'est tout du gagné
Temps 1
Augmentation Elles durent ces communautés de pratiques. Elles sont intéressantes, mais elles durent. C’est deux heures,
trois heures de discussions, de participation sur le temps investi, dans toutes les séances il y a peut-être vingt
de la tension pour cent d’intéressant. Et le reste, ma fois, c’est du social
Contraintes
Moi personnellement, j’aurais aimé qu’il y ait des modules vraiment par blocs et qu’on les termine au bout
de deux ou trois jours et après que cela soit terminé.
Contraintes
Temps 3
Augmentation mieux moduler la formation par des périodes plus précises dans le temps (…) mais pas une formation qui
s’étale dans le temps. On oublie, on perd le rythme, on ne sait plus où on en est. Ça, ça m’a vraiment agacé.
de la tension
Cohérence du dispositif
J’ai appris maintenant qu’il y aura des examens
110
3. ANNE
Anne est assistante en pédagogie curative depuis peu lors de notre première rencontre. Cela
implique qu’elle va devoir donner des cours universitaires.
111
département de pédagogie curative choisissent de s’y inscrire. L’effet de groupe facilite la
démarche d’engagement en formation.
« j'ai été intéressée et j'en ai aussi tout de suite discuté avec mes collègues. » (Anne, entretien 1)
« On avait tous reçu ce mail. Et on était tous intéressé. D'ailleurs, il y a pas mal d'étudiants en pédagogie
curative qui font cette formation. » (Anne, entretien 1)
La famille d’Anne trouve son choix étonnant car Anne a déjà passablement de travail :
«tout ce qu’il y a à faire, c’est encore une chose de plus. » (Anne, entretien 1)
La participation au cours en étant plusieurs collègues de travail plaît à Anne. Elle y voit
des avantages :
« on pourra parler de l’enseignement en étant sur la même longueur d’onde (…) la possibilité de discuter
autour de la réalisation de cours, en ayant les mêmes pré-requis, les mêmes bases, ce sera quelque chose de
positif. » (Anne, entretien 1)
Elle espère que sa formation sera reconnue par son supérieur hiérarchique :
« on verra bien s’il reconnaît mon papier (…) il y a le salaire (…) le fait que je vais avoir davantage de
responsabilités » (Anne, entretien 1)
112
COLLABORATION
Durant ce premier entretien, malgré le peu de cours suivis, Anne a tiré parti de la formation
pour sa pratique d’enseignement :
« (pouvoir faire un) parallèle entre formation didactique et pratique sur le terrain » (Anne, entretien 1)
« l’importance de fixer des objectifs pour chaque cours (…) le fait de prévoir des questions pour une
évaluation finale possible (...) travailler sur la motivation des étudiants (…) l’importance de clarifier les
paradigmes d’enseignement » (Anne, entretien 1)
En suivant la formation, Anne vise des changements de pratique :
« J’espère qu’il y a des changements que je peux percevoir (…) au niveau de mon travail (…) sur des
changements de la technique, au niveau de l’organisation, à un niveau vraiment concret. » (Anne, entretien 1)
113
ASPECTS NÉGATIFS PERÇUS DANS LA FORMATION
COHÉRENCE DU DISPOSITIF
« J'aimerais, peut-être, qu'on soit un peu plus au clair sur le travail final. Qu'est-ce qu'on doit faire comme
travail de fin de formation, les conditions de validation de la formation. » (Anne, entretien 1)
Dans un module, Anne effectue l’activité qu’on lui demande sans en voir le sens :
« j’ai fait la démarche (…) mais au-delà d’un grand blabla (elle n’en voit pas l’intérêt) » (Anne, entretien 1)
CONTRAINTES
114
3.1.3. SCHÉMA : ANNE I
115
3.1.4. SYNTHÈSE DE L’ENTRETIEN I D’ANNE
Lien avec la (pouvoir faire un) parallèle entre formation didactique et pratique sur le terrain
J’espère qu’il y a des changements que je peux percevoir (…) au niveau de mon travail (…) sur
pratique des changements de la technique, au niveau de l’organisation, à un niveau vraiment concret.
les tensions
Cohérence du J'aimerais, peut-être, qu'on soit un peu plus au clair sur le travail final. Qu'est-ce qu'on doit faire
Augmente
Anne ressent une tension comme enseignante, le soi actuel s’oppose au soi idéal. Par le
biais de la formation, elle trouve l’appui de professionnels pour s’engager dans sa nouvelle
tâche d’enseignante universitaire. Le fait d’avoir des personnes ressources, si elle rencontre
des problèmes, lui permet d’entreprendre son nouveau travail plus sereinement. D’autre
part, elle attend de la formation des apports concrets qu’elle pourra utiliser lors de son
enseignement. La formation Did@cTIC semble répondre à ces attentes.
L’engagement en formation de collègues de travail (Effet sur le lieu de travail), la
Collaboration avec les formateurs ainsi que les Liens avec la pratique sont trois
caractéristiques du dispositif qui diminuent cette tension identitaire Nouvelle enseignante
(T1). Par contre, suite à un manque d’informations concernant la validation finale de la
formation, la Cohérence du dispositif tend à augmenter cette tension. Anne paraît
dérangée par ce manque de clarté.
Au départ, le souci d’une surcharge de travail s’opposait au suivi de la formation, mais une
rencontre avec la responsable de formation a permis de la rassurer. Pour régler la
problématique de la surcharge de travail, Anne a choisi d’emblée d’effectuer la formation
sur deux ans. La souplesse du dispositif influence favorablement le choix d’Anne.
116
3.2. ENTRETIEN II (mars 2004)
- Avoir un papier
Un intérêt de la formation concerne la mobilité apportée par l’obtention d’un diplôme :
« une chose qui est pour moi très positive, c’est que je vais avoir un papier qui atteste que j’ai quand même
fait une formation dans l’enseignement supérieur, donc des possibilités de travail dans le domaine de
l’enseignement supérieur qui vont être certainement plus importantes. Il n’y a pas que ça, mais c’est déjà un
papier (…). maintenant je suis assistante ici, c’est un contrat qui dure environ cinq ans et par la suite il faudra
trouver quelque chose. Là je vais avoir une carte de plus à donner. Ça, c’est vraiment une chose très
positive.» (Anne, entretien 2)
Anne arrive à prendre du recul sur sa façon d’être et perçoit comment progresser dans son
rôle d’enseignante :
« dans mon fonctionnement qui est extrêmement rigide, je comprends par exemple que la rigidité,
l’organisation n’est pas toujours la meilleure chose pour un enseignement. Il faut laisser une certaine liberté
aux étudiants. » (Anne, entretien 2)
117
VISION DE SOI : INFLUENCE DE LA FORMATION
« m’améliorer et c’est un processus, c’est un changement qui prend du temps et c’est un changement qui va
se faire dans le travail, mais en même temps dans ma tête. » (Anne, entretien 2)
« Ici (lieu de travail), si on veut, on n’est pas vraiment confronté aux autres dans le sens que l’on pourrait
bien faire sa petite cuisine sans qu’il n’y ait personne qui vienne nous déranger tant que les étudiants ne se
plaignent pas au chef. On pourrait vraiment tout faire pour ne pas être dérangé, si on veut. Et cette formation,
entre guillemets, nous dérange et nous amène à réfléchir. Cela c’est très positif, je trouve. »
(Anne, entretien 2)
« cela peut permettre pour moi une chose qui est un assez grand chemin à faire, c’est d’accepter les critiques
des autres, c’est un entraînement. » (Anne, entretien 2)
« Cela m’aide, c’est utile, mais à petites doses si on peut dire. C’est pas comme si on reçoit ça au visage sans
pouvoir être armé. C’est une remise en question qui se fait à petits pas, donc on peut gérer par nous-mêmes »
(Anne, entretien 2)
« (durant la formation) On peut se permettre de faire faux, ce qui est déjà très bien… » (Anne, entretien 2)
118
3.2.2. L’INFLUENCE DU DISPOSITIF
« (suivre la formation) C’est aussi un avantage pour moi dans mon quotidien. Quand je prépare des cours,
quand j’organise des apprentissages, il y a beaucoup d’éléments qui sont importants pour ce que je fais
(…). (La formation apporte) des pistes, des idées, des éléments à exploiter, voilà, c’est une richesse
finalement. C’est clair, comme j’ai dit avant, le désavantage c’est que faire le lien n’est pas toujours évident.
Mais il y a quand même des points positifs, sinon je pense que j’aurais déjà arrêté.» (Anne, entretien 2)
RÉGULATION
119
« une difficulté que j’éprouve (…) c’est de pouvoir trouver un lien avec ma pratique professionnelle par
rapport aux cours que j’ai suivis en didactique. Le cours en didactique, c’est la théorie, mon domaine
professionnel, ça devrait être la pratique. Le lien n’est pas toujours évident à trouver. » (Anne, entretien 2)
Elle explique cette difficulté par un manque de temps pour compléter les cours par des
lectures ou de pouvoir réfléchir à un moyen d’adapter ce qu’elle a entendu à sa réalité
professionnelle :
« Prendre le temps pour bien intégrer la théorie, éventuellement y lire des articles ou des éléments qui n’ont
pas forcément été donnés aux cours, des compléments pour pouvoir intégrer cela à la pratique. »
(Anne, entretien 2)
« C’est pas forcément des situations idéales qui sont présentées dans les cours, mais ce sont des situations
différentes par rapport à la mienne. C’est un travail d’adaptation que je dois faire et que je n’ai pas forcément
le temps de faire, prise dans le stress, dans le mouvement. » (Anne, entretien 2)
Anne utilise la plate-forme Claroline principalement pour obtenir des documents avant ou
après un module. Elle a été déçue par le manque de ponctualité de la part de certains
professeurs pour déposer les documents devant servir de base à un travail personnel. Elle
tire pourtant parti de cette inconvénient en transférant cela à son propre rôle
d’enseignante.
« cela m’a donné à réfléchir, surtout dans l’idée d’utiliser moi-même la plate-forme l’année prochaine (…)
quand on se fixe un délai on le respecte. » (Anne, entretien 2)
CONTRAINTES
120
3.2.3. SCHÉMA : ANNE II
(T3) Soi actuel vu par soi (T3) Soi normatif vu par soi
Il faut laisser une certaine liberté aux étudiants
dans mon fonctionnement qui est extrêmement rigide, je
comprends par exemple que la rigidité, l’organisation
(T4) Soi idéal vu par soi
n’est pas toujours la meilleure chose pour un
enseignement (j’aimerais) mieux coordonner les enseignements de
la didactique avec (ma pratique)
Rigidité (T3) :
Dans le soi actuel vu par soi, Anne parle de sa rigidité d’enseignement : « dans mon
fonctionnement qui est extrêmement rigide, je comprends par exemple que la rigidité, l’organisation n’est pas
toujours la meilleure chose pour un enseignement ». Cette vision de soi s’oppose à un soi normatif
Nouveauté (T4) :
Cette tension se crée entre le soi actuel vu par soi « Je pense que commencer en même temps une
formation didactique et un enseignement cela fait beaucoup. » et le soi idéal vu par soi « (j’aimerais)
mieux coordonner les enseignements de la didactique avec (ma pratique) ».
121
3.2.4. SYNTHÈSE DE L’ENTRETIEN II D’ANNE
Caractéristiques du Nouveauté
dispositif (T3)
une difficulté que j’éprouve (…) c’est de pouvoir trouver un lien avec ma pratique professionnelle
Augmente les
par rapport aux cours que j’ai suivis en didactique. Le cours en didactique, c’est la théorie, mon
Lien avec la
tensions
domaine professionnel, ça devrait être la pratique. Le lien n’est pas toujours évident à trouver.
pratique C’est pas forcément des situations idéales qui sont présentées dans les cours, mais ce sont des
situations différentes par rapport à la mienne. C’est un travail d’adaptation que je dois faire et que je
n’ai pas forcément le temps de faire, prise dans le stress, dans le mouvement.
Dans cet entretien, nous découvrons deux nouvelles tensions. L’une, que nous avons
nommée Rigidité (T2), concerne sa façon d’être comme enseignante. Anne prend
conscience que la rigidité, l’organisation n’est pas forcément un atout dans l’enseignement.
Anne est quelqu’un qui aime avoir tout sous contrôle, elle a de la peine à lâcher prise en
« laissant une certaine liberté aux étudiants. »
La tension Nouveauté (T3) relevée est due au fait qu’Anne commence à enseigner en
même temps qu’elle commence la formation Did@cTIC. Elle construit ses cours et
simultanément le dispositif lui donne des outils pour les améliorer. Comme Anne donne
son cours universitaire pour la première fois, il lui est difficile de déjà l’améliorer. Elle
pense qu’elle pourra mieux tirer parti de la formation l’année suivante, car elle aura utilisé
son cours et pourra ainsi, par les apports de la formation, le faire progresser.
Actuellement, le dispositif tend à augmenter cette tension lorsqu’il propose de faire des
liens avec la pratique car Anne n’arrive pas bien à les faire sauf lors des communautés de
pratiques.
Plusieurs caractéristiques du dispositif ont une influence sur Anne. Elles ne paraissent pas
dans le schéma de quête car elles ne sont pas liées à une tension identitaire. Comme nous
estimons ces informations intéressantes pour montrer l’influence du dispositif, nous les
commentons dans les lignes qui suivent.
122
Nous avons relevé plusieurs passages montrant que le dispositif a une influence positive.
Du point de vue des caractéristiques du dispositif, il s’agit de l’Effet sur le lieu de travail
(collaboration plus importante avec ses collègues), l’Intérêt de la formation (obtenir un
diplôme), le Lien avec la pratique (la formation apporte des pistes, des idées), la
Régulation (ouverture, écoute de la part de la formation). Anne relève qu’elle a la
possibilité de donner son point de vue sur le dispositif. Cela permet de réguler le dispositif
en fonction des participants. Anne relativise donc le manque d’informations qu’elle a
concernant l’évaluation finale par exemple grâce à cette caractéristique du dispositif.
D’autre part, le dispositif a provoqué un changement de point de vue chez Anne. Elle
s’aperçoit maintenant qu’il va y avoir un changement, non seulement dans sa pratique
d’enseignement comme elle le souhaitait, mais également « dans sa tête » comme elle le dit
elle-même. Cette prise de conscience est ressentie favorablement par Anne pour autant que
cela puisse se faire dans un milieu protégé et petit à petit : « Cela m’aide, c’est utile, mais à
petites doses si on peut dire. C’est pas comme si on reçoit ça au visage sans pouvoir être armée. C’est une
remise en question qui se fait à petits pas, donc on peut gérer par nous-même… ».
123
3.3. ENTRETIEN III (juillet 2004)
« Je suis mieux armée, j'ai plus de compétences, ce qui fait que je suis plus tranquille au niveau de
l'enseignement. » (Anne, entretien 3)
Anne aimerait que les communautés de pratiques continuent après la formation :
« avoir encore des séances, des réunions avec d’autres collègues et discuter, échanger sur notre pratique
professionnelle. » (Anne, entretien 3)
« pouvoir à nouveau avoir des contacts réguliers avec le groupe et un responsable qui guide toute la
démarche. » (Anne, entretien 3)
124
un objet ou (...) à une production. Donc, le fait de faire cette formation postdiplôme me donne cette idée de
production en quelque sorte. » (Anne, entretien 3)
Grâce à la collaboration avec ses collègues de travail, Anne perçoit un effet de la formation
sur son lieu de travail :
« on a discuté avec les collègues de la pédagogie curative pour faire quelque chose ensemble, quelque chose
qui puisse vraiment faire avancer la formation en pédagogie curative. Notre projet s'articulera sur de
nouvelles grilles d'évaluation d'une part et sur la préparation des étudiants à leur dernière année d'études. (…)
on va donner davantage de structure, de richesse à ce qu'on fait déjà. On va profiter de la formation en
didactique pour améliorer ce qu'on fait déjà. C'est déjà pas mal, mais on peut organiser d'une manière plus
structurée et faire quelque chose de bien. » (Anne, entretien 3)
« C'est qu'on se sent plus sur la même longueur d'onde. Je ne veux pas dire qu'on n'était pas sur la même
longueur d'onde, mais par rapport à l'enseignement on a les mêmes repères. Ça c'est très important, surtout
qu'on se retrouve à collaborer aussi dans l'enseignement et pas seulement dans le suivi des étudiants.
Donc, vous êtes à l'aise au niveau de la communication ?
Pour la communication et aussi dans le choix des objectifs pour un cours, ou dans la démarche à
entreprendre. » (Anne, entretien 3)
COLLABORATION
« des gens aussi sympa (…) (un contact) très agréable déjà au niveau des responsables, là c’était bien. »
(Anne, entretien 3)
« Si on avait confiance au niveau des autres participants, c’était aussi important d’avoir confiance en
l’animateur. » (Anne, entretien 3)
Anne considère les responsables du cours comme des guides, des accompagnateurs :
« avant de me lancer à 100 % dans cette idée (son travail final), je vais quand même la présenter aux
responsables. » (Anne, entretien 3)
« Je souhaiterais un accompagnement régulier. Ça ne veut pas dire que toutes les semaines je dois avoir un
rendez-vous avec un responsable. Mais, que sur une année, il y ait peut-être trois ou quatre entretiens pour le
suivi. » (Anne, entretien 3)
125
- Collaboration avec les pairs
Anne explique la différence des relations entre collègues durant les communautés de
pratiques ou durant les cours. Elle met en évidence l’importance de se retrouver
régulièrement dans un même petit groupe pour oser se confier :
« Au niveau des relations, le fait d'être un petit groupe facilite les échanges. Et le fait de se revoir toujours les
mêmes et plusieurs fois aussi. Pendant les cours, c'est vrai qu'on se connaît plus ou moins tous, mais le
nombre et peut-être le manque de transparence totale, c'était différent. Je ne sais pas si j'arrive à m'expliquer
mais...
La transparence, vous entendez dans quel sens ?
Dans le sens où on ne se connaissait pas vraiment tous.
Le fait de ne pas se voir régulièrement avec les mêmes personnes donc ?
Le fait de se voir régulièrement aide beaucoup, parce qu’au début on pouvait avoir quelques craintes en étant
confronté, des fois, à des situations qui nous touchent dans notre enseignement, dans notre travail et qui sont
parfois difficiles. Donc de pouvoir les exposer et ne pas avoir peur de se montrer ou de faire des erreurs, c'est
quelque chose de bien.
D'avoir une certaine confiance...
Voilà exactement. Au niveau des communautés de pratiques c'était plus facile. Et le fait d'avoir pu se
rencontrer plusieurs fois a aidé cela. Peut-être que je suis dans un groupe bien » (Anne, entretien 3)
126
LIEN AVEC LA PRATIQUE
Anne préfère le choix d’une formation en cours d’emploi comme Did@cTIC plutôt qu’une
formation à temps complet :
« j’ai pu faire rapidement un lien avec la pratique, par rapport aux cours que j’avais suivis. »
(Anne, entretien 3)
Dans ce cadre, Anne apprécie particulièrement les communautés de pratiques :
« différents moments (des communautés) où j’ai vraiment pu faire le lien avec ma pratique professionnelle. »
(Anne, entretien 3)
« Je pense que là, c’était (les communautés de pratiques) un appui très important tout au long de la
formation. » (Anne, entretien 3)
« C’était vraiment intéressant (une communauté de pratiques), surtout le lien avec ma pratique
professionnelle était tout à fait là (…) la richesse de ce dernier cours de communauté de pratiques c’était
d’avoir un outil qu’on peut exploiter de différentes manières. » (Anne, entretien 3)
Anne a découvert, petit à petit, l’utilité d’un cours sur les NTIC. C’est à la fin du cours
qu’elle s’est rendue compte de l’apport réel de ce cours. Elle a été surprise et satisfaite par
ce cours qui ne la motivait pas beaucoup au début :
« la démarche n’était pas très claire et l’activité (…) non plus. J’ai quand même fait mon travail (…) Je me
suis rendue compte de l’intérêt de cette activité en la faisant (…) On présentait le travail à la classe et en
même temps ils (les responsables) nous donnaient un retour (…) j’ai compris le sens d’un tel travail et j’en
suis sortie avec beaucoup de richesse, de choses… » (Anne, entretien 3)
Elle a réussi à en tirer un intérêt élevé alors qu’elle ne le pensait pas au début.
CHOIX
Anne se sent actrice de la formation. Elle effectue des choix personnels, elle oriente sa
formation selon ses besoins :
« Au début de la formation, j'avais décidé de faire un travail individuel sur un cours. J'ai gardé ce projet en
tête pour les différents modules durant la formation. » (Anne, entretien 3)
127
« la liberté, elle était là soit de la part des responsables, soit de la part du choix personnel. »
(Anne, entretien 3)
« A la fin du module, j'ai d'ailleurs décidé de ne pas faire le travail qui accompagne le module. Bon, j'ai
choisi plus de modules par rapport au nombre demandé par la formation, donc j'ai un certain choix possible. »
(Anne, entretien 3)
COHÉRENCE DU DISPOSITIF
« je commence à réfléchir à mon travail de diplôme. Encore une fois, je ne suis pas très au clair par rapport au
travail que je dois rendre (...) ce qui me dérange un peu, c’est le fait d’entendre (des informations
contradictoires venant des collègues) (…) j’aimerais avoir ces informations plus claires dès le départ (…) ça
donne quand même un peu de souci (…) Ce n’est pas vraiment des soucis. C’est d’y penser de temps en
temps avec des points d’interrogations. » (Anne, entretien 3)
« un portfolio demande une démarche précise et il y avait des modules à options par rapport à cette démarche
et je ne les ai pas choisis, par exemple, parce que ça ne m'intéressait pas. Mais, je les aurais choisis si j'avais
su dès le départ qu'il fallait faire un portfolio. » (Anne, entretien 3)
Lors d’un cours sur l’expression, Anne a été déçue. Elle s’attendait à des :
« techniques de rédaction, des astuces ou des outils pour la conversation et l’expression orale. »
(Anne, entretien 3)
Le professeur a abordé le sujet d’un point de vue philosophique. Le décalage entre l’attente
d’Anne et la réalité du cours l’a empêchée d’en tirer parti :
« la seule chose que j’ai pu en retirer, c’est l’importance de l’argumentation. Mais encore une fois, comment
argumenter, ça n’a pas été présenté. » (Anne, entretien 3)
CONTRAINTES
128
3.3.3. SCHÉMA : ANNE III
évoque un nouveau soi idéal vu par soi « Avoir encore des séances, des réunions avec d’autres
collègues et discuter, échanger sur notre pratique professionnelle », « Pouvoir à nouveau avoir des contacts
réguliers avec le groupe et un responsable qui guide toute la démarche ».
129
3.3.4. SYNTHÈSE DE L’ENTRETIEN III D’ANNE
Collaboration
de pratiques (…) c'est des éléments utiles à ma pratique professionnelle.
avec les pairs
c'était important (…) de voir d'autres personnes qui travaillent dans d'autres départements, avec d'autres
difficultés et d'autres situations.
Lien avec la C’était vraiment intéressant (une communauté de pratiques), surtout le lien avec ma pratique
professionnelle était tout à fait là (…) la richesse de ce dernier cours de communauté de pratiques c’était
pratique d’avoir un outil qu’on peut exploiter de différentes manières
enseignement, dans notre travail et qui sont parfois tirer des éléments utiles, pour mon quotidien,
avec les pairs difficiles. Donc de pouvoir les exposer et ne pas avoir des expériences des autres les échanges de
peur de se montrer ou de faire des erreurs, c'est communautés de pratiques (…) c'est des
quelque chose de bien éléments utiles à ma pratique professionnelle
130
diminuer cette tension identitaire. Toutefois, pour que cette diminution de tension dure sur
le long terme, Anne ressent le besoin d’avoir un suivi après la formation. Celui-ci pourrait
prendre la forme de communautés de pratiques vécues durant la formation.
La tension Nouveauté (T3) est également diminuée par la Collaboration avec les pairs
ainsi que par les Liens avec sa pratique d’enseignement. Contrairement au deuxième
entretien, Anne semble rencontrer moins de difficultés à faire des liens avec sa pratique.
Cela diminue la tension Nouveauté (T3). Nous pouvons expliquer ce changement par le
fait que plusieurs communautés ont eu lieu depuis. De plus, Anne a maintenant terminé sa
première année d’enseignement ce qui change le contexte.
Les communautés de pratiques sont très importantes aux yeux d’Anne. Elles l’aident à
faire des liens avec sa pratique et lui permettent de partager son expérience en toute
confiance.
Le manque de Cohérence du dispositif est à nouveau relevé dans ce dernier entretien car
Anne anticipe la fin de sa formation et se rend compte qu’elle ne sait pas exactement ce
qu’on attend d’elle. Ses choix de parcours de formation auraient été peut-être différents si
l’information avait été claire dès le départ. Ce manque de clarté concerne le travail de
validation final. La Collaboration avec les formateurs du dispositif Did@cTIC permet de
relativiser ce problème. Anne sait qu’elle peut les rencontrer pour discuter de ce souci.
131
3.4. SYNTHESE DES ANALYSES D’ANNE
Dans le discours d’Anne, nous avons relevé trois tensions. Nous présentons ici la synthèse
de celles-ci en lien avec le dispositif aux trois temps analysés.
TENSION 1 : NOUVELLE ENSEIGNANTE
Collaboration avec les formateurs
de la tension
Diminution
j’ai pu rencontrer la professeur, je lui ai dit que je voulais (…) J’ai eu une réponse positive. J’étais très
contente.
ce qui est important pour moi, c’est le fait de savoir que le formateur est disponible.
Temps 1
le fait de pouvoir discuter avec quelqu’un qui a de l’expérience (…) ça me permet de me réajuster.
Augmentation
de la tension
J'aimerais, peut-être, qu'on soit un peu plus au clair sur le travail final. Qu'est-ce qu'on doit faire comme
travail de fin de formation, les conditions de validation de la formation.
TENSION 2 : RIGIDITE
Collaboration avec les pairs
de la tension
Diminution
Temps 3
on pouvait avoir quelques craintes en étant confronté, des fois, à des situations qui nous touchent dans
notre enseignement, dans notre travail et qui sont parfois difficiles. Donc de pouvoir les exposer et ne
pas avoir peur de se montrer ou de faire des erreurs, c'est quelque chose de bien.
132
TENSION 3 : NOUVEAUTÉ
Lien avec la pratique
Diminution de la une difficulté que j’éprouve (…) c’est de pouvoir trouver un lien avec ma pratique professionnelle par rapport
Temps 2
tension aux cours que j’ai suivis en didactique. Le cours en didactique, c’est la théorie, mon domaine professionnel, ça
devrait être la pratique. Le lien n’est pas toujours évident à trouver.
C’est pas forcément des situations idéales qui sont présentées dans les cours, mais ce sont des situations
différentes par rapport à la mienne. C’est un travail d’adaptation que je dois faire et que je n’ai pas forcément le
temps de faire, prise dans le stress, dans le mouvement.
tirer des éléments utiles, pour mon quotidien, des expériences des autres les échanges de communautés de
tension
133
4. COLINE
A 42 ans, Coline a acquis une expérience importante dans l’utilisation des NTIC et dans
l’enseignement à distance. Elle travaille dans le domaine de la médecine.
134
TENSION IDENTITAIRE 2 (DIPLÔME)
Elle est contrariée par le fait de devoir justifier ses compétences par l’obtention d’un
diplôme :
« je vais être très honnête, c'est clairement aussi pour mon CV. Pour justement revaloriser tout le travail que
je fais depuis dix ans, par une formation (...) ça fait bien, sur un CV. » (Coline, entretien 1)
« …reconnaissance externe, ça je n'en sais rien si je vais l'avoir grâce à ce diplôme. Mais, de toute façon,
aujourd'hui c'est une course aux diplômes... Alors, plus on a de diplômes... » (Coline, entretien 1)
Elle précise que de son point de vue ce n’est pas le diplôme l’important :
« Pour moi, l’important ce n’est pas les diplômes qu’a une personne qui va faire que j’ai une bonne
perception ou relation. C’est ce qu’elle est capable de faire dans un but précis, dans un projet concret. C’est
ça qui est important, pas les papiers. » (Coline, entretien 1)
On perçoit très clairement une tension identitaire entre le soi actuel, c’est-à-dire avoir des
compétences sans diplôme, et le soi normatif, avoir un diplôme valorisant socialement ses
compétences professionnelles. Coline n’accepte pas très bien cette norme sociale voulant
qu’un diplôme atteste des compétences professionnelles. Pourtant, elle se plie à cette
norme pour augmenter ses chances de trouver un autre travail.
Elle relève que l’aspect financier a joué un rôle dans son engagement en formation :
« C'est clair, que le fait que c'est l'université de Fribourg qui paie, je le fais aussi à cause de ça. Parce que si
c'était moi... Par exemple, je m'étais intéressée à faire le master of education à Berne qui est aussi une
formation dans ce style pour les médecins. Et là, c'était à nous de payer et c'était dans les 18.000 francs. Là,
j'ai dit que je n'étais pas d'accord d'investir autant d'argent là-dessus. » (Coline, entretien 1)
135
VISION DE SOI : AUTRE SIGNIFICATIF
Coline se sent soutenue par son supérieur hiérarchique dans sa démarche de formation :
« il a trouvé que c'était une bonne idée. Lui, il est content que je la fasse. C'est une personne aussi très
positive par rapport à toutes ces technologies. Donc, lui il était d'accord sans problème. » (Coline, entretien 1)
Coline trouve un intérêt dans certains cours précis comme ceux concernant l’évaluation :
« … c'est pas mal. J'ai quand même appris pas mal de choses. Mais, je n'ai pas encore pu les mettre en
pratique pour l'instant. » (Coline, entretien 1)
« J’ai pu mettre des mots, des paradigmes sur les différentes questions (d’un questionnaire en ligne). J’ai
aussi pu améliorer certaines questions et ça m’a donné des idées pour poser d’autres questions.(…) ça
(module sur l’évaluation) a permis de l’améliorer et d’avoir un regard critique dessus. » (Coline, entretien 1)
En ce début de formation, elle attend encore beaucoup des cours sur les NTIC car elle a
centré sa formation sur ce sujet. Pour l’instant, elle n’a pas encore eu de cours dans ce
domaine.
« Je ne l’emploie pas beaucoup. En fait, je vais de temps en temps sur Claroline pour voir ce qui a été déposé
dans les documents et pour télécharger ce que j’ai besoin. C’est plus ou moins tout. » (Coline, entretien 1)
« elle est nécessaire pour les groupes, se transmettre les informations (…) Mais, bon… Je la trouve assez
basique comme plate-forme. » (Coline, entretien 1)
136
CHOIX
COHÉRENCE DU DISPOSITIF
CONTRAINTES
Coline est positive lorsqu’elle parle de la formation, elle apporte toutefois certaines
critiques d’un point de vue organisationnel :
« Je trouve aussi un peu dommage que les cours sont organisés en blocs. On en a eu au mois d’octobre. On a
dû rendre des travaux et tout. Et puis, maintenant, il n’y a presque plus rien jusqu’en février, jusque vers
l’inter-semestre. Bon, je crois qu’ils en ont discuté à la première rencontre, mais je n’y étais pas. ( …) au lieu
d’avoir un peu de travail tous les quinze jours, ils devront beaucoup travailler pendant les vacances. »
(Coline, entretien 1)
137
4.1.3. SCHEMA : COLINE I
(T2) Soi actuel vu par soi revaloriser tout le travail que je fais depuis dix ans, par une
formation (…) ça fait bien, sur un CV
Après, je vais devoir de nouveau chercher
de toute façon, aujourd'hui c'est une course aux diplômes... Alors,
une nouvelle place
plus on a de diplômes
ressent le besoin de vérifier que son travail a une valeur, soi idéal vu par soi « une
reconnaissance pour moi, parce que je me rends compte que ce que j'ai développé ce n'est pas à côté de la
plaque ». Cette tension incite Coline à entrer en formation.
138
Diplôme (T2) :
Coline anticipe le fait qu’elle devra probablement chercher du travail à l’avenir. Elle se
rend compte qu’un diplôme peut l’aider dans cette démarche. Elle est agacée par le fait
qu’il faut un diplôme pour attester de ses compétences. Deux soi actuel vu par soi, « je vais
devoir de nouveau chercher une place » et « l’important ce n’est pas les diplômes (…) c’est ce qu’elle (une
personne) est capable de faire dans un but précis, dans un projet concret » s’opposent au soi normatif
vu par soi « de toute façon, aujourd'hui c'est une course aux diplômes ».
139
4.1.4. SYNTHÈSE DE L’ENTRETIEN I DE COLINE
Intérêt de la J’ai pu mettre des mots, des paradigmes sur les différentes questions (d’un questionnaire en ligne). J’ai aussi
pu améliorer certaines questions et ça m’a donné des idées pour poser d’autres questions.(…) ça (module sur
formation l’évaluation) a permis de l’améliorer et d’avoir un regard critique dessus
Diminue la tension
je pourrai aussi, par rapport à la théorie, mieux juger mon travail et l'améliorer
Lien avec la J'améliore mon cours et ça m'aide à développer aussi mon cours
Les avantages, c'est que je peux, justement par rapport au cours que je donne, utiliser cette formation. C'est-à-
pratique dire que j'essaie vraiment de prendre mon projet (mon projet, c'est les cours que je donne)
Ce qui était important pour moi, c’était de pouvoir utiliser mon travail pour la formation
Il faut aussi dire que j’ai quarante deux ans, donc je peux prendre mes responsabilités. Je n’aimerais pas être
Choix prise comme un élève à qui on dit : « Tu dois faire ça, comme ça » (…) c’est une formation qui considère les
personnes comme des adultes
Coline ressent un fort besoin de reconnaissance de ses acquis professionnels. Elle suit la
formation car elle en a envie, mais également parce qu’elle pense que c’est la meilleure
façon d’assurer son avenir professionnel.
Elle aimerait être reconnue professionnellement sans pour autant devoir l’attester par un
papier. Mais, elle sait que dans notre société (en particulier dans le milieu universitaire),
cela ne fonctionne pas ainsi. Il s’agit du soi normatif.
La possibilité d’exploiter des cours utilisés dans sa pratique professionnelle (projet) ou la
souplesse du dispositif sont des caractéristiques de la formation qui tendent à diminuer la
tension Reconnaissance pour moi (T1).
Les buts, avoir une reconnaissance pour elle-même et avoir un diplôme pour son CV, visés
par Coline sont directement liés aux tensions identitaires ressenties. En atteignant ces deux
buts déclarés Coline tend à faire disparaître ses tensions.
140
4.2. ENTRETIEN II (mars 2004)
- Avoir un diplôme
- Evoluer au niveau professionnel
« je pense que dans n’importe quel milieu professionnel, il faut que les gens ne soient pas statiques mais
qu’ils évoluent. On doit évoluer. Donc pour évoluer, soit on évolue tout seul dans son coin et on devient
complètement neuro, soit on se dit : « Il y a des gens qui sont professionnels dans la branche, je vais aller
prendre un cours et après cela me permettra à moi d’évoluer. » (…) il ne faut pas réinventer le monde. Il y a
des gens qui sont pros en didactique, je vais chez les gens qui sont pros en didactique et voilà. »
(Coline, entretien 2)
« j’ai une situation familiale qui est assez facile, car je n’ai pas d’enfant et j’ai un mari qui est assez cool. (…)
C'est-à-dire que si quelqu’un (son mari ou elle-même) veut faire quelque chose professionnellement, il le fait,
et l’autre doit assumer les conséquences. Une fois c’est lui, une fois c’est moi, et ça marche bien. Donc pour
moi, ce n’est pas un problème. Mais, je n’ai pas d’enfant, c’est aussi facile à faire pour moi.»
(Coline, entretien 2)
141
SA VISION DE L’ENSEIGNEMENT - APPRENTISSAGE
« quand il y a des cours à préparer ou des activités à distance, je travaille peut-être moins sur ce que je
devrais travailler professionnellement. Cela diminue aussi ma performance au niveau des projets que je suis
en train de faire. Mais d’un autre côté, je pense que toute personne dans son milieu professionnel a le droit de
prendre du temps entre guillemets payé par son employeur pour faire une formation. C’est clair que la
formation, je ne la fais pas 100 % sur le dos de mon employeur, mais je prends le privilège de la faire en
partie sur le dos de mon employeur. (…) les employeurs ne sont pas comme ça. Ils disent : « Ah c’est cool,
c’est bien, il faut le faire, mais tu sais, c’est le soir et le week-end. Par exemple, c’est clair que tous les cours
présentiels, ils donnent en temps libre. Mais normalement, ils espèrent que tout ce qui est travail à distance,
c’est à côté. Ça se fait le soir, le week-end et les vacances. (…) officiellement, je suis soutenue. C’est clair, ils
sont contents que je le fasse parce que les qualifications augmentent, la qualité augmente, bla bla bla bla.
Mais, si on regarde la réalité, ce n’est pas parce que je fais cette formation qu’on m’aura dit : « Bon, voilà, le
cahier des charges est diminué de 25 %. » Le cahier des charges reste la même chose. » (Coline, entretien 2)
142
4.2.2. L’INFLUENCE DU DISPOSITIF
COHÉRENCE DU DISPOSITIF
Lors du premier entretien, Coline critiquait la cohérence du dispositif dans le sens où elle
ne voyait pas forcément le lien entre les cours et la raison pour laquelle ils avaient été
choisis par les organisateurs. Dans ce deuxième entretien, sa position a évolué. Elle perçoit
maintenant la formation comme un tout :
« il y a le module 0, module A, B, C, machin chose, etc. Mais à la limite, pour moi, je prends tout comme un
tout. (…) j’ai l’impression que cela fait plus un tout et j’arrive pas à splitter les choses. » (Coline, entretien 2)
« J’ai l’impression que c’est un tout. (…) maintenant cela devient plus un tout. » (Coline, entretien 2)
« si j’ai appris quelque chose que j’ai trouvé génial, j’ai été chez mes collègues en leur disant : « Dès
maintenant, on pourrait faire ça. » J’amène une nouvelle idée et on peut développer quelque chose de
nouveau. (…) J’aime bien venir avec des idées et je développe des idées et après les gens en font ce qu’ils
veulent. » (Coline, entretien 2)
En parlant de l’apport de la formation, Coline revient sur le fait que celle-ci l’aide à
améliorer ses cours :
« Ce que j’aime bien ce sont les activités à distance. Donc la partie où l’on travaille soi-même, c’est ce que je
préfère dans la formation. (…) Parce que je peux utiliser la théorie que j’ai appris ou qui nous est donnée
sous forme de « docfile » ou n’importe quoi, puis la transposer par rapport à mon travail que je fais. »
(Coline, entretien 2)
« j’ai tiré des conséquences ou j’ai tiré des applications de ce que j’ai appris par rapport à mon travail. »
(Coline, entretien 2)
143
CHOIX
Coline perçoit qu’elle a une certaine liberté, autonomie dans son cursus de formation :
« C’est clair que moi le média, je l’ai pris dans ce que j’avais développé, donc ça m’amène quelque
chose. (…) j’apprécie cette flexibilité. Et ça, un responsable nous l’a dit dès le début : « Vous faites cette
formation et cela doit vous apporter quelque chose à vous », donc il nous laisse assez libres.»
(Coline, entretien 2)
« je n’ai pas rendu, pas fait mon travail. » (Coline, entretien 2)
« c’est clair qu’il ne faut pas changer le dispositif. C’est clair que ce qui est super c’est que l’on puisse choisir
ce qu’on a envie de faire, quand on veut le faire. Ca c’est important, parce que faire une formation où on nous
impose des modules qui ne nous intéressent pas ce n’est pas intéressant. » (Coline, entretien 2)
« le fait qu’on nous permette de pouvoir choisir les modules qu’on veut. Donc, il faut que l’on soit adulte et
qu’on ait eu une réflexion, pourquoi je veux choisir. (…) avec des adultes, on peut être un peu plus flexible. »
(Coline, entretien 2)
RÉGULATION
Elle apprécie que les organisateurs adaptent le dispositif en fonction des demandes des
participants :
« C’était pas l’activité qu’elle (une professeur) avait décidé de faire, mais quand le groupe lui a demandé de
changer, elle a accepté, donc chapeau. Pas tout le monde au niveau des profs accepterait de se dire bon et
bien cela va me donner plus de travail. » (Coline, entretien 2)
« il (un professeur) a essayé de faire des changements, il nous a demandé ce qu’on voulait etc. »
(Coline, entretien 2)
« je suis aussi un cas spécial parce qu’à Zürich je travaille sur un projet. Mon entourage professionnel, on est
deux, donc ça ne fait déjà pas beaucoup. A Fribourg, mon entourage professionnel, je suis leader du projet,
donc je fais tout ce qui est administration et les choses comme ça. Dans le groupe, on est un graphiste, lui
n’est pas trop intéressé par tout ce qui est didactique et sinon, il y a deux collaboratrices scientifiques. ( …) Je
n’ai pas l’occasion de partager. » (Coline, entretien 2)
COLLABORATION
Coline n’est pas enthousiasmée par la collaboration avec les autres participants :
« On est tous très corrects les uns envers les autres et on va tous boire le café etc., mais ( …) pour ce qui est
de la didactique, pour ce qui est de la formation, les gens viennent, ils s’asseyent, ils regardent, ils font, on
144
passe la journée ensemble et puis après « tcho tsamè » et puis on se revoit deux mois après. (…) Au niveau
de la communauté de pratiques, c’est la même chose. On s’entend bien, on arrive à discuter des choses
comme cela, il n’y a aucun ressentiment, rien du tout, c’est tout à fait collégial et cordial et compagnie, mais
cela s’arrête là. » (Coline, entretien 2)
« (en parlant de la plate-forme) on n’a jamais fait de travail de groupe et bien heureusement. (…) je me suis
donnée la peine de faire mes exercices et de les poser, il y a une semaine, sur la plate-forme. Aujourd’hui, je
me suis mise sur la plate-forme et j’ai voulu « downloader » pour voir ce que les autres ont fait. Si les autres
n’ont pas bossé, c’est clair que l’on ne peut pas faire une communauté. (…) ce qui est intéressant c’est
justement de pouvoir tirer un enseignement de ce que les autres ont fait et s’améliorer ou devenir plus critique
par rapport à ce que l’on a fait, mais il faut que tout le monde joue le jeu. » (Coline, entretien 2)
Coline pense que le groupe auquel elle appartient ne fonctionne pas bien. Elle explique
cette difficulté par les attentes différentes dans le groupe et les disparités de connaissances
au niveau des NTIC :
« notre communauté de pratiques c’est un petit peu un flop. (…) Il y a des gens qui ont zéro expérience et il y
a des gens qui ont de l’expérience comme moi, et puis on arrive pas à se retrouver.» (Coline, entretien 2)
« il y a aussi pas mal de personnes qui sont venues dans cette communauté de pratiques en espérant sortir de
la communauté de pratiques en sachant faire les choses, faire des pages en HTML, faire de la programmation,
des choses comme ça. Donc, elle ne marche pas très bien notre communauté de pratiques. »
(Coline, entretien 2)
« les gens sont arrivés et c’était marqué les NTIC, mais on voyait qu’ils ne savaient pas sur quoi on allait
travailler, ce qu’on allait faire. » (Coline, entretien 2)
« j’ai l’impression de donner mais pas de recevoir. » (Coline, entretien 2)
145
CONTRAINTES
COHÉRENCE DU DISPOSITIF
Elle remarque un certain flou au niveau des consignes concernant la validation finale :
« On a eu une séance d’informations au début de l’année pour nous informer de ce qu’il faudrait faire. Ce
sera publié sur le Web pour qu’on sache ce qu’on doit faire. Et il n’y a toujours rien qui est publié, donc le
travail qui va devoir être fait, j’en ai aucune idée. Mais, d’après ce que j’ai compris, il faut qu’on reprenne
toutes les activités qu’on a faites et qu’on fasse un dossier, un portfolio ou quelque chose comme cela et
voilà. » (Coline, entretien 2)
Cela ne semble pas poser de problème à Coline. Elle attend d’en savoir plus pour terminer
sa formation.
146
4.2.3. SCHÉMA : COLINE II
Diplôme (T2) :
Cette tension oppose deux soi actuel vu par soi « Le jour où je vais chercher du travail en milieu
privé (je pense que le diplôme sera utile) », « je trouve que c’est nul (d’être jugé sur son CV) » à un soi
normatif vu par soi « (à l’université) on est jugé sur son CV, sur les formations qu’on a faites et sur le
147
nombre de papiers qu’on a pu publier » ainsi qu’un soi idéal vu par soi « j’espère très fortement que
cela va donner un poids de plus sur mon CV ».
Employeur (T3) :
Cette tension identitaire est provoquée par le soi actuel vu par soi « (de suivre la formation)
Cela diminue ma performance » et le soi normatif vu par soi « je pense que toute personne dans son
milieu professionnel a le droit de prendre du temps (…) payé par son employeur pour faire une formation ».
148
4.2.4. SYNTHÈSE DE L’ENTRETIEN II DE COLINE
Buts
1. avoir un diplôme
poursuivis 2. évoluer au niveau professionnel
149
Dans cet entretien, Coline reparle de la tension Diplôme (T2). Celle-ci paraît être un
conflit cognitif important. Elle travaille dans un milieu valorisant fortement les diplômes
alors que pour elle, c’est quelque chose de secondaire (voir nul). Cette tension est
accentuée car Coline se rend compte que pour améliorer son employabilité, elle doit se
plier à cette norme qui valorise les diplômes. Le fait d’être en formation permet de réduire
partiellement cette tension car Coline va obtenir un diplôme. La souplesse du dispositif
(Choix) réduit également cette tension dans le sens où le parcours de formation est
partiellement individualisé.
Dans cet entretien, une nouvelle tension est mise en évidence. Il s’agit de la tension
identitaire Employeur (T3) liée à la charge de la formation prise sur son temps de travail.
Dans ce cas, le dispositif augmente la tension lorsque Coline a le sentiment de perdre son
temps. Ce qui a été le cas pour un module. Cette tension est également accentuée par un
décalage perçu entre le temps estimé par les formateurs pour effectuer les activités et le
temps réellement investi qui est nettement plus important. Ainsi, les caractéristiques du
dispositif augmentant la tension sont l’Intérêt de la formation (qu’elle ne perçoit pas) et
les Contraintes.
150
4.3. ENTRETIEN III (juillet 2004)
Coline est satisfaite de constater que ce qu’elle a déjà mis en place au niveau des NTIC
correspond à ce que l’on peut apprendre dans une formation :
« La seule chose qui a changé c'est que tout ce que j'avais fait jusqu'à maintenant c'était du "learning by
doing". Tandis que maintenant je me rends compte que ce que j'ai toujours fait n'était pas faux. Donc c'est
positif. » (Coline, entretien 3)
Coline est déjà experte dans le domaine des NTIC
« dans le public cible j'étais une des personnes qui avait déjà beaucoup travaillé dans ce domaine. »
(Coline, entretien 3)
« comme je travaille depuis de nombreuses années dans les NTIC, et bien je ne suis pas une personne de
référence par rapport aux gens qui viennent (suivre la formation). » (Coline, entretien 3)
151
VISION DE SOI : ENSEIGNER EN UTILISANT LES NTIC C’EST…
A plusieurs reprises, elle relève la nécessité d’investir beaucoup de temps pour obtenir un
enseignement à distance de qualité. Malgré le fait qu’elle soit enthousiaste pour ce type
d’enseignement, elle n’en relève que peu d’avantages.
« Il suffit d'aller surfer sur Internet pour voir que tout le monde fait des petits trucs dans son coin. Mais je
pense que, de toute façon, ça restera toujours comme ça. C'est-à-dire qu'au niveau de l'enseignement, si un
prof veut faire un enseignement avec des NTIC, c'est à lui de développer, d'aller surfer sur Internet, de
regarder ce qui a été fait et de se dire : "ça m'intéresse..." Soit on peut recopier exactement le même design,
soit on prend contact directement avec la personne ou on adapte à son enseignement. » (Coline, entretien 3)
152
TENSION IDENTITAIRE 4 (TYPE D’ENSEIGNEMENT)
Dans ce dernier entretien, Coline parle de son rôle de professeur d’université en ces
termes :
« il y a tellement de contraintes au niveau universitaire, un nombre d'heures qui sont données... C'était une
formation très générale qui voulait aller dans la direction de la pédagogie active. Je suis désolée, mais en
médecine on ne peut pas faire de pédagogie active. C'est impossible, on ne peut pas avec 150 étudiants faire
une pédagogie active. (…) je vais peut-être prendre des petits trucs en me disant, je vais quand même essayer
de motiver les étudiants et essayer de faire un design pédagogique. Mais, il faut être réaliste, l’étudiant de
médecine, lui a un examen à la fin de l'année, son but c'est de passer son examen. Et son examen, ce sont des
faits scientifiques comme un plus un égale deux. (…) peut-être que dans le futur j’aurai la possibilité, dans un
autre job ou autre part, de faire justement une pédagogie active. Et là, j'aurai des bases et des références. »
(Coline, entretien 3)
COLLABORATION
« mon projet de formation, à la limite, je crois qu'on n'en a jamais parlé. C'est-à-dire que je suis venue, j'ai
déposé mon dossier, j'ai eu une interview... Mais, je n'ai pas eu de réunion (avec les formateurs) (…) pour
discuter du projet de formation, comment ça va, comment ça évolue... Et pour moi, je n'en avais pas besoin. »
(Coline, entretien 3)
En parlant de l’utilisation de Claroline, Coline confirme ce qu’elle avait déjà dit lors des
autres entretiens. Elle n’utilise la plate-forme que pour l’échange de textes :
« J' ai très peu utilisé Claroline. La seule chose que je faisais c'était que je me le "logais" et que je
"downloadais" tous les documents et voilà. » (Coline, entretien 3)
« la plate-forme Claroline n'a jamais été utilisée par les profs comme une plate-forme de communication. De
communication, oui dans le sens où c'était là où il y avait tous les dossiers et on devait déposer nos dossiers,
on savait ce qui se passe à l'agenda, mais ce n'était pas une plate-forme pédagogique de communication qui
était intégrée, sauf une ou deux fois où on a fait des chats. » (Coline, entretien 3)
153
INTÉRÊT PERÇU DE SUIVRE LA FORMATION
« Grâce à cette formation, il y a eu une ouverture d'esprit. (…) de nouvelles idées qu'on peut grappiller à
droite et à gauche et de nouveaux concepts… » (Coline, entretien 3)
Elle a été très intéressée par les modules de base qui concernent la conception, la mise en
œuvre, l’analyse et l’évaluation de dispositifs d’enseignement – apprentissage :
« les modules de base, le A et le B. (…) j'ai trouvé qu'ils étaient vraiment complets. » (Coline, entretien 3)
Même si la formation n’a pas répondu à toutes les attentes de Coline, elle dit avoir pu très
rapidement utiliser des apports théoriques dans sa pratique d’enseignement :
« j'ai intégré dans mon enseignement au fur et à mesure et peut-être même inconsciemment, ça je n'ai pas
analysé. Mais c'est clair, chaque fois que je faisais un travail pour cette formation, je le faisais uniquement si
ça pouvait m'amener quelque chose dans mon enseignement. Par exemple pour l’évaluation, il fallait faire un
questionnaire. C'est clair que j'ai repris un questionnaire et en faisant le questionnaire je réfléchis par rapport
à mon enseignement. » (Coline, entretien 3)
Elle a utilisé la formation comme une opportunité pour introduire de nouveaux éléments
dans son enseignement à distance :
« sur le site Internet, il y a certaines choses que je n'aurais pas faites. Par exemple, tout ce qui était "Quiz"
formatifs pour les étudiants, je les ai faits parce que je me suis dit qu’en même temps ça allait bien dans la
formation. » (Coline, entretien 3)
« Ce que j'ai trouvé super dans toute la formation et qu'il ne faut absolument pas changer, c'est qu'on a
toujours la possibilité de prendre, dans les activités à distance, quelque chose qu'on a développé ou qu'on
utilise. » (Coline, entretien 3)
CHOIX
Elle apprécie de pouvoir choisir les cours qui l’intéressent. Elle a d’ailleurs décidé :
« je refais la formation, mais pas en entier. Là, j'ai fait tout ce qui était NTIC et maintenant je vais faire tous
les modules qui sont plus orientés sur la gestion de projet, les questions de groupe, des choses comme ça. »
(Coline, entretien 3)
COLLABORATION
154
INTÉRÊT PERÇU DE SUIVRE LA FORMATION : ça n’allait pas assez loin
Coline a été déçue par la qualité des modules sur les NTIC :
« J'ai choisi tous les modules NTIC pour cibler, et en étant très honnête, j'ai trouvé que le niveau était... Il m'a
manqué énormément de rigueur scientifique. Dans tous les NTIC qu'on a reçus, je n'ai pas eu un seul article
scientifique. » (Coline, entretien 3)
« j'ai quand même appris. Dans tous les modules, j'ai appris quelque chose, mais des fois, j'ai trouvé que,
pour moi, ça n'allait pas assez loin. » (Coline, entretien 3)
« dans les communautés de pratiques on me demande tout le temps : "Tu ne veux pas nous faire une
démonstration de ce que tu as fait ?" Dans certains modules NTIC, je leur ai montré comment j'ai intégré les
vidéos et j’ai fait une analyse ou dans les communautés de pratiques j’ai présenté le site Internet que j'ai fait
en embryologie. Mais moi, j'ai l'impression que je donnais, je ne suis pas contre donner, mais après et bien...
Il faudrait que ça fonctionne dans les deux sens ?
Exactement. Mais là, j'ai trouvé que c'était...
Vous n'arriviez pas à en retirer quelque chose ?
Exactement. » (Coline, entretien 3)
« La communauté de pratiques c'était vraiment une communauté de pratiques où je n'étais pas... J'ai vraiment
perdu mon temps. (…) Dans tout ce qu'on fait on grappille quelque chose, il y a toujours du positif. Mais
moi, je regarde toujours le rapport qualité prix. Pour moi qualité prix, ça veut dire le nombre d'heures où je
dois être présente et là j'ai trouvé que le prix était trop cher. J'ai trouvé qu’il y avait beaucoup de temps perdu.
Mais, je reconnais tout à fait, que c'était une communauté de pratiques sur les NTIC et sur les six ou sept du
groupe, c'était un panel de gens qui n'avait pas les mêmes compétences, les mêmes attentes et ça n'a pas été
clairement défini au départ à quoi devait servir cette communauté de pratiques et quel était son but. On se
marchait toujours dessus, on revenait toujours sur les mêmes choses. » (Coline, entretien 3)
Comme dans les entretiens précédents, elle explique le disfonctionnement de la
communauté par la disparité des attentes des différents participants.
155
CONTRAINTES
En utilisant les apports de la formation pour ses cours, Coline a passablement augmenté
son temps de travail pour préparer ses cours :
« je les (introduction de nouveautés) aurais faites cette année, mais je n'aurais pas stressé l'année dernière.
Vous n'auriez pas tout fait en même temps ?
Exactement. Je me serais dit : "Je commence avec ça et les étudiants attendront une année." Tandis que là,
l'année dernière c'était assez le stress...
Vous avez profité de la formation, mais en même temps ça vous a surchargée ?
Exactement, ça a énormément surchargé. » (Coline, entretien 3)
Coline avait déjà relevé un décalage entre le temps estimé par la formation et le temps réel
utilisé pour effectuer une activité. Cela augmente la difficulté de la gestion du temps :
« au moment où on lit la brochure, on se dit : "Voilà, j'ai deux jours de cours et une activité à distance qui va
me prendre une journée." Moralité, on se retrouve avec deux jours de cours et, en tout cas pour moi, c'était le
plus souvent deux voir trois jours de travail. (…) ils se sont complètement fourvoyés. Ce qui fait que la
contrainte temporelle est beaucoup plus grande que ce qu'ils disent. » (Coline, entretien 3)
Elle estime que la valorisation en « ECTS » pour le travail de fin de formation est faible :
« le travail de fin d'études est crédité de deux « ECTS » et ça c'est n'importe quoi. (…) Ce n'est pas
proportionnel. En prenant un module on avait deux « ECTS » et cela veut dire deux jours de cours et un à
deux jours de travail à la maison. Ce qui veut dire que le travail de fin d'études devrait représenter environ
trois, quatre jours et ça ne correspond pas du tout. C'est beaucoup, beaucoup, beaucoup plus. Les contraintes,
c'est ça. C'est que ça a pris plus de temps. Pour moi, ils se sont complètement fourvoyés du point de vue des
heures qui étaient mises. » (Coline, entretien 3)
Dans cet entretien, la souplesse du cours n’est pas forcément perçu positivement :
« j'ai discuté avec des collègues. Ils m'ont dit : " Pour cette activité, j'ai mis trois heures." Et moi, j'ai mis
trois jours. Après, je lui demande ce qu'elle a fait et elle me montre une feuille de papier. Ça dépend vraiment
jusqu'où vous allez, quelle analyse on veut faire… (…) je crois que tout passe (les responsables acceptent
tous les travaux rendus). Je crois que là, à la limite, ce qu'il faudrait, c'est de faire du coaching. C'est-à-dire
un suivi individualisé. On ne retourne pas aux notes mais... Vraiment, il y a un coaching, une discussion...
Chaque personne est vraiment évaluée sur chaque travail qu'elle fait. Moi, je trouve que ça n'a rien à voir
avec une évaluation avec des notes ou des choses comme ça, mais c'est le seul moyen... » (Coline, entretien 3)
Elle est critique sur certains points du dispositif :
« on rend une activité et après on attend deux mois pour avoir un feed-back. (…) Ce n'est pas très productif. »
(Coline, entretien 3)
« J'ai aussi trouvé que beaucoup de choses qu'on avait fait dans la communauté de pratiques, on l'avait déjà
fait dans certains modules NTIC et moi, j'avais déjà fait les modules NTIC. Pour certains, qui n'avaient pas
156
fait tous les modules NTIC, ils trouvaient que c'était bonnard. Mais moi, je trouvais que c'était des répétitions
et comme je les avais déjà fait je restais sur ma faim » (Coline, entretien 3)
« comme on était des petits groupes, il y aurait eu la possibilité de donner, à ceux qui étaient avancés, à lire
des choses et de dire aux débutants : "Bon, vous n'avez pas besoin de tout lire." C'est toujours le problème
des formations s'il y a plusieurs niveaux, c'est de gérer ça. » (Coline, entretien 3)
157
4.3.3. SCHÉMA : COLINE III
obtenir un papier
valoriser son expérience
suit la formation Did@cTIC
faire des liens avec sa pratique
Coline enseignante expérimentée
(ne suit pas de formation)
Diplôme (T2) :
La vision de soi vue par soi « On arrive à le faire sans être obligé de se dire que la théorie de "machin
"dit que » s’oppose au soi normatif vue par soi relevé dans les deux premiers entretiens qui
consiste à dire qu’il est nécessaire d’avoir un diplôme. La tension Diplôme reste bien
présente.
158
4.3.4. SYNTHÈSE DE L’ENTRETIEN III DE COLINE
159
Caractéristiques Employeur Type d’enseignement
du dispositif (T3) (T4)
Grâce à cette formation, il y a eu une ouverture
Diminue les tensions
160
Dans ce dernier entretien, une nouvelle tension identitaire apparaît : Type d’enseignement
(T4). La formation donne des pistes pour mettre en place une pédagogie active. Cela
provoque une tension identitaire chez Coline car elle aimerait pouvoir utiliser une telle
pédagogie mais ne voit pas comment la mettre en pratique dans son contexte
d’enseignement. Les contraintes institutionnelles de temps et le nombre élevé d’étudiants
sont deux facteurs d’empêchement relevés par Coline. La tension identitaire se crée entre
la situation actuelle d’enseignement et la situation idéale d’enseignement. Dans ce cas, le
dispositif est à l’origine de cette tension évoquée.
La tension Diplôme (T2) est toujours présente. En effet, Coline valorise l’apprentissage
par soi-même et n’apprécie pas de devoir justifier ses compétences par un diplôme. Le
dispositif valorise les compétences de Coline tout en lui permettant d’obtenir un diplôme.
Dans ce sens, il aide Coline à supporter cette tension. Par contre, il accentue cette tension
lorsque Coline est déçue par les apports de la formation comme dans le domaine des NTIC
(Intérêt de la formation). En effet, dans ces moments-là, elle participe à la formation
principalement pour le papier.
161
Nous relevons ici un élément étonnant à nos yeux. La formation Did@cTIC semble
renforcer Coline sur sa vision de soi d’autodidacte. En suivant son raisonnement cela peut
se comprendre. Coline a appris par elle-même tout ce qui concerne l’enseignement à
distance. En suivant le cours, elle constate que son travail est de qualité. Cela signifie pour
elle qu’il est possible d’apprendre par soi-même. Elle reste toutefois intéressée à se former
puisqu’elle a décidé de suivre d’autres modules proposés dans la formation Did@cTIC.
162
4.4. SYNTHÈSE DES ANALYSES DE COLINE
Choix
Il faut aussi dire que j’ai quarante deux ans, donc je peux prendre mes responsabilités. Je n’aimerais pas être prise
comme un élève à qui on dit : « Tu dois faire ça, comme ça » (…) c’est une formation qui considère les personnes
comme des adultes
(dans les communautés de pratiques) j’ai l’impression de donner mais pas de recevoir
Temps 2
tension
ce que tu as fait ?" Dans certains modules NTIC, je leur ai montré comment j'ai intégré les vidéos et j’ai fait une
analyse ou dans les communautés de pratiques j’ai présenté le site Internet que j'ai fait en embryologie
Temps 3
163
TENSION 2 : DIPLÔME
Augmentation de Diminution de la Choix
C’est clair que moi le média, je l’ai pris dans ce que j’avais développé, donc ça m’amène quelque chose. (…)
Temps 2
tension j’apprécie cette flexibilité. Et ça, un responsable nous l’a dit dès le début : « Vous faites cette formation et cela doit
vous apporter quelque chose à vous », donc il nous laisse assez libres
ce qui est super c’est que l’on puisse choisir ce qu’on a envie de faire, quand on veut le faire. Ca c’est important,
parce que faire une formation où on nous impose des modules qui ne nous intéressent pas ce n’est pas intéressant
énormément de rigueur scientifique. Dans tous les NTIC qu'on a reçus, je n'ai pas eu un seul article scientifique
j'ai quand même appris. Dans tous les modules, j'ai appris quelque chose, mais des fois, j'ai trouvé que, pour moi, ça
n'allait pas assez loin
164
TENSION 3 : EMPLOYEUR
Augmentation de Intérêt de suivre la formation
Donner pendant une journée un cours sur APP, je n’ai toujours pas réussi à comprendre ce que c’était
la tension
Temps 2
Contraintes
des profs disent : « Vous allez mettre 4 heures pour faire cela » et c’est vraiment sous-estimé (…) pour gérer le
temps, c’est pas évident. Quand j’ai commencé, je lisais et je me disais, bon ok, il me faut 5 heures alors que cela
n’était pas du tout ça. Je trouve que c’est un inconvénient
Grâce à cette formation, il y a eu une ouverture d'esprit. (…) de nouvelles idées qu'on peut grappiller à droite et à
gauche et de nouveaux concepts
tension
les modules de base, le A et le B. (…) j'ai trouvé qu'ils étaient vraiment complets
Intérêt de la formation
La communauté de pratiques c'était vraiment une communauté de pratiques où je n'étais pas... J'ai vraiment perdu
Temps 3
mon temps. (…) Dans tout ce qu'on fait on grappille quelque chose, il y a toujours du positif. Mais moi, je regarde
Augmentation de la tension
toujours le rapport qualité prix. Pour moi qualité prix, ça veut dire le nombre d'heures où je dois être présente et là j'ai
trouvé que le prix était trop cher. J'ai trouvé qu’il y avait beaucoup de temps perdu
Contraintes
au moment où on lit la brochure, on se dit : "Voilà, j'ai deux jours de cours et une activité à distance qui va me
prendre une journée." Moralité, on se retrouve avec deux jours de cours et, en tout cas pour moi, c'était le plus
souvent deux voir trois jours de travail. (…) ils se sont complètement fourvoyés. Ce qui fait que la contrainte
temporelle est beaucoup plus grande que ce qu'ils disent
le travail de fin d'études est crédité de deux « ECTS » et ça c'est n'importe quoi. (…) Ce n'est pas proportionnel. En
prenant un module on avait deux « ECTS » et cela veut dire deux jours de cours et un à deux jours de travail à la
maison. Ce qui veut dire que le travail de fin d'études devrait représenter environ trois, quatre jours et ça ne
correspond pas du tout. C'est beaucoup, beaucoup, beaucoup plus. Les contraintes, c'est ça. C'est que ça a pris plus de
temps. Pour moi, ils se sont complètement fourvoyés du point de vue des heures qui étaient mises
Je n'ai rien changé. Peut être que ça va juste un peu changer, comme par exemple dans l'aspect communicatif avec les
Temps 3
étudiants. (…) Mais pour le cours de cette année, je vais essayer de mettre en train un forum. Je donne en plus aux
étudiants la possibilité d'utiliser un forum. Je leur dis qu'il y a un forum et que toutes les questions qu'ils me posent
par mail je les mets sur le forum.(…) du point de vue design pédagogique de mes sites Internet ça n'a rien changé
165
5. BERNARD
Bernard est économiste. Il a terminé sa formation universitaire il y a 7 ans. Après quelques
années en entreprise, il vient de quitter son travail. Il vit une période de transition. Il est le
seul interviewé à payer sa formation.
166
travaille pour la direction du développement et de la coopération suisse. Nous allons partir en Afrique,
certainement dès l’année prochaine, dès l’automne 2004. Donc moi, je suis en train de préparer aussi, un
avenir professionnel différent. Parce que j’ai décidé de la suivre et j’aimerais travailler sur place. Alors,
l’enseignement pourrait être une des possibilités pour moi de travailler. » (Bernard, entretien 1)
« ça (la formation) me donne une corde de plus à mon arc si on veut bien. Parce que beaucoup d'entreprises,
dans beaucoup de domaines, entreprises, ONG ou ailleurs, on cherche maintenant des gens économistes mais
qui peuvent faire de la formation. J' ai remarqué ça, donc je me vois assez en fait travailler en milieu de
formation mais pourquoi pas lié à un monde économique. Il y a pas mal de possibilités. »
(Bernard, entretien 1)
« j’avais déjà envie de faire une formation en pédagogie, en didactique, disons je trouvais intéressant, surtout
en didactique. L’enseignement, j’ai déjà eu enseigné, et puis l’enseignement m’attirait, de façon général,
toujours un peu. » (Bernard, entretien 1)
« Comme maintenant je cherche un remplacement, le fait de suivre une formation didactique, est perçu
positivement même si ce n’est pas une formation didactique spécifique au CO ou au collège. Donc,
globalement, il me semble que c’est perçu positivement, ça indique que je me prends en main… »
(Bernard, entretien 1)
« peut-être que ça (la formation) me donne une image positive de moi. » (Bernard, entretien 1)
167
5.1.2. L’INFLUENCE DU DISPOSITIF
COHÉRENCE DU DISPOSITIF
COLLABORATION
Bernard apprécie les contacts, la collaboration qu’il a avec les autres participants de la
formation :
« il y avait aussi eu un échange parce que j'avais un collègue qui relisait mon scénario et moi j'ai lu le sien.
Ça, c'était intéressant aussi, cet apport, puis moi, j'ai aussi pu voir un autre scénario dans un tout autre
domaine. Et on a aussi fait une grille d'évaluation, qu'on a conçue, qu'on a discutée, et là on a travaillé en
groupe, enfin à deux personnes. C'était aussi très intéressant. » (Bernard, entretien 1)
« ça (la formation) apporte, si on veut bien un diplôme, mais aussi des connaissances plus structurées parce
que bon j'ai eu enseigné, on peut des fois former des gens, des apprentis ou d'autres personnes, mais c'est vrai
que c'est plus structuré comme connaissances (apportées par la formation), donc on se sent aussi plus à l'aise
après pour éventuellement faire un cours, même si c'est un petit cours d'une heure ou même un cours sur
plusieurs semaines, on se sent peut-être plus à l'aise pour le préparer et le réaliser. » (Bernard, entretien 1)
« j'ai pu préciser certaines choses (…) le pourquoi des démarches. Peut-être aussi, être encore plus rigoureux,
il y a peut-être certaines choses que je peux encore améliorer, je me rends compte. » (Bernard, entretien 1)
Bien que Bernard n’enseigne pas, il réalise que certains apprentissages peuvent servir à la
pratique d’enseignement :
« je pourrai mettre en pratique aussi ce que j’apprends. » (Bernard, entretien 1)
« il y avait un travail, c'était le scénario pédagogique que l'on devait écrire. C'était intéressant parce que
finalement, là, j'avais fait un cours de comptabilité, mais aussi dans un milieu, un autre milieu culturel aussi,
168
en Afrique, c'était intéressant de réfléchir à ça en se basant sur la théorie mais aussi de réfléchir concrètement
comment ce cours pouvait être organisé. Donc ça, ça m'a pas mal appris parce que j'ai pensé à certaines
choses que je n'avais pas pensé avant, pourtant j'avais déjà enseigné de la compta. » (Bernard, entretien 1)
« il y avait aussi l'aspect préparation d'une grille, une grille d'évaluation. Ça, c'est aussi une chose que tout
enseignant doit faire et là on a dû créer cette grille. C'était assez intéressant de le faire. Si je me place dans
l'idée, par exemple, l'hypothèse, au niveau activités professionnelles, l'année prochaine, d'enseigner dans un
pays du sud, donc en Afrique. Et bien, par ces deux activités, le scénario pédagogique, j'ai appris quand
même à structurer quelque chose même si, après, à l'intérieur du cours, on peut faire des modifications, si on
veut bien. Mais on a une structure de départ. Et cette grille, ça m'a permis de faire une évaluation de quelque
chose, donc, j'avais déjà fait une évaluation, mais c'était intéressant d'aller jusqu'au bout, de se poser des
questions de biais... » (Bernard, entretien 1)
« tester cette plate-forme (Claroline), disons de l’utiliser et puis de voir ce que ça apporte au niveau de
l’apprentissage. Et ça apporte pas mal, j’ai trouvé très intéressant. Je pensais pas forcément au début, mais là,
je vois que c’est pas mal » (Bernard, entretien 1)
« il y avait une plate-forme qui s'appelait Claroline qui était extrêmement bien structurée et assez simple
d'utilisation. Donc, je trouve que c'est vraiment un outil très bien. Pourquoi pas l’utiliser avec des apprenants
à l’avenir, si la possibilité se présente. » (Bernard, entretien 1)
CONTRAINTES
La contrainte du temps :
« ça prend un peu de temps quoi, il faut se donner du temps pour faire ça. Il y a des choses à faire aussi à la
maison, (…) Mais, bon, c’est pas extrême, j’entends, il faut simplement trouver, se mettre, se trouver des
plages de temps pour le faire. Donc, ça, moi personnellement ça me pose pas, j’entends, on a pas d’enfants
encore (…) c’est pas une grande contrainte, non. Ca demande du travail, il y a eu pas mal de travail au mois
d’octobre, donc il y a eu pas mal à faire. Maintenant, je crois qu’il y aura un petit peu moins durant le
semestre en fait. Mais, il y avait pas mal, ouais, il fallait quand même prendre plusieurs heures par semaine,
pour faire ça. Mais c’était assez intéressant donc c’était bien, ouais. » (Bernard, entretien 1)
« ça ne me ferait rien d’avoir un peu plus d’apports théoriques. Comme j’ai du temps et que j’aime bien avoir
des contenus assez denses. Mais, pour l’instant, c’est déjà pas mal, j’espère que ça continuera comme ça. »
(Bernard, entretien 1)
La contrainte du coût :
« Il y a une contrainte financière, parce que moi je paie cette formation, parce que je suis extérieur, donc je ne
suis pas dans le cadre de l’uni. Donc c’est une contrainte financière, parce que, quand même un certain
montant. Et voilà, donc c’est quand même pour moi une certaine somme. » (Bernard, entretien 1)
169
5.1.3. SCHÉMA : BERNARD I
170
5.1.4. SYNTHÈSE DE L’ENTRETIEN I DE BERNARD
dispositif méthode que je trouve intéressante, méthode d’apprentissage, que je trouve très bien mise en place
il y avait aussi eu un échange parce que j'avais un collègue qui relisait mon scénario et moi j'ai lu le sien.
Collaboration Ça, c'était intéressant aussi, cet apport, puis moi, j'ai aussi pu voir un autre scénario dans un tout autre
avec les pairs domaine. Et on a aussi fait une grille d'évaluation, qu'on a conçue, qu'on a discutée, et là on a travaillé en
groupe, enfin à deux personnes. C'était aussi très intéressant
ça (la formation) apporte, si on veut bien un diplôme, mais aussi des connaissances plus structurées parce
Diminue la tension
que bon j'ai eu enseigné, on peut des fois former des gens, des apprentis ou d'autres personnes, mais c'est
Intérêt de la vrai que c'est plus structuré comme connaissances (apportées par la formation), donc on se sent aussi plus à
l'aise après pour éventuellement faire un cours, même si c'est un petit cours d'une heure ou même un cours
formation sur plusieurs semaines, on se sent peut-être plus à l'aise pour le préparer et le réaliser
j'ai pu préciser certaines choses (…) le pourquoi des démarches. Peut-être aussi, être encore plus rigoureux,
il y a peut-être certaines choses que je peux encore améliorer, je me rends compte
Lien avec la j'ai pensé à certaines choses que je n'avais pas pensé avant, pourtant j'avais déjà enseigné de la compta
tester cette plate-forme (Claroline), disons de l’utiliser et puis de voir ce que ça apporte au niveau de
Utilisation des l’apprentissage. Et ça apporte pas mal, j’ai trouvé très intéressant. Je pensais pas forcément au début, mais
là, je vois que c’est pas mal
NTIC Je trouve que c’est vraiment un outil très bien. Pourquoi pas l’utiliser avec des apprenants à l’avenir, si la
possibilité se présente
Le projet de partir avec sa femme et de trouver du travail sur place constitue l’événement
ayant déclenché toute la démarche de réorientation professionnelle de Bernard. La tension
Changement professionnel (T1) relevée chez Bernard est relativement difficile à mettre
en évidence tant son discours est toujours positif. Le soi actuel vu par soi « je suis
économiste » s’oppose au soi idéal vu par soi « je me vois assez en fait travailler en milieu de
formation mais pourquoi pas lié à un monde économique ».
La formation l’aide à préparer cet avenir professionnel en lui apportant de nouvelles
connaissances et en lui permettant d’obtenir un diplôme attestant de ses nouvelles
compétences. Il améliore ainsi sa mobilité professionnelle, son employabilité. En suivant la
171
formation, Bernard diminue l’écart entre sa vision de soi professionnelle actuelle et sa
vision de soi idéale.
Plusieurs caractéristiques du dispositif diminue sa tension identitaire : la perception de la
Cohérence du dispositif, la Collaboration avec les pairs, l’Intérêt de suivre la
formation, le Lien avec la pratique et l’Utilisation des NTIC.
Le seul inconvénient que Bernard relève concerne le coût important de la formation.
N’étant pas enseignant universitaire, il doit la payer lui-même.
172
5.2. ENTRETIEN II (mars 2004)
Bernard a fait des choix professionnels importants. Avec quelques mois de recul, il est
content de ses décisions :
« j’ai passablement bien rebondi. J’ai fait une expérience en ONG où je n’étais pas convaincu au niveau du
siège. J’avais commencé en janvier 2003, et j’ai démissionné, finalement en septembre, parce qu’il y avait
des choses où je n’étais pas convaincu de ce qui se passait et j’ai préféré quitter cette ONG. A un certain
moment, je me suis dis : « Est-ce que j’ai bien fait de quitter ou est-ce que j’aurais peut-être dû me taire et
173
rester. » Et finalement, j’ai bien fait de partir car j’ai pu en même temps enseigner et faire ce postdiplôme. Je
n’aurais pas pu le faire parce que je travaillais à 100%. Je n’aurais pas eu l’idée de le faire, donc en fait cela a
été positif. (…) J’ai des amis qui n’auraient peut-être pas osé quitter comme cela et faire autre chose et
finalement, je pense que quelquefois, de prendre des risques, c’est payant. Maintenant j’ai quelque chose de
plus avant de partir et c’est quand même bien.» (Bernard, entretien 2)
Sur le plan professionnel, Bernard préfère valoriser le plaisir du travail plutôt que le plan
de carrière :
« Ce que je vois c’est qu’il y a des gens qui ont une situation, une carrière mais qui s’embêtent largement.
(…) Je ne sais pas trop ce que je vais faire, mais au moins tout est ouvert. » (Bernard, entretien 2)
« cela (avoir un travail lié aux relations humaines) me convient bien et m’épanouit plus qu’un travail
d’organisation pure ou de gestion (…) Le côté relation m’intéresse toujours pas mal. Et peut-être, si cela a si
bien passé, les cours que j’ai donnés à l’école secondaire, c’est parce que j’étais aussi très ouvert à la relation
avec ces ados. Je crois qu’ils le perçoivent. » (Bernard, entretien 2)
« De plus en plus, je vois des annonces où on demande de former, quand même, à l’intérieur de l’entreprise
ou du service ou de l’ONG, d’avoir en même temps une capacité à former l’autre parce que l’on se rend
compte que la transmission du savoir est extrêmement importante même à l’intérieur d’une organisation. Ça,
c’est des postes qui pourraient, moi aussi, m’intéresser parce que ce contact et cette transmission de savoir
m’ont toujours intéressé. » (Bernard, entretien 2)
174
En pensant à sa vie future qui l’emmènera pour quelques années en Afrique, Bernard
considère qu’il a passablement d’opportunités de trouver du travail dans le domaine de la
formation :
« dans les pays du Sud en développement, l’aspect formation est fondamental parce qu’il y a un besoin de ces
gens d’être formé. Mais, on peut faire de la formation pas seulement dans une école, mais on peut aussi faire
de la formation dans une ONG ou dans une organisation qui travaille sur place (…) il y a quand même pas
mal de possibilités. Je pense. Je n’arrive pas à dire où je serai, mais je pense que il y aura des possibilités
d’utiliser ce que j’ai travaillé durant cette année. » (Bernard, entretien 2)
« je prends pas mal de risques dans ce que je fais et je pense qu’il y a des gens qui ont un parcours beaucoup
plus lisse que le mien. Mais on verra si cela paye ou pas. Evidemment, je ne fais pas une carrière dans une
banque ou une grande administration où je monte petit à petit les échelons. Je n’ai encore pas de grand plan
de carrière devant moi, mais d’un autre côté maintenant que l’on part, ma femme et moi, j’ai pas mal de
cordes à mon arc qui sont utilisables. Peut-être que je ne ferai pas une énorme carrière, mais je vais avoir
beaucoup de plaisir où je vais travailler. » (Bernard, entretien 2)
175
« ils (les élèves du CO) avaient l’impression que c’était plus détendu et moins scolaire et en fait je pense
qu’ils apprenaient tout autant que si j’avais fait un cours très scolaire. (…) J’étais étonné, parce qu’ils étaient
tout tristes que je parte à la fin de ce remplacement. Ce qui veut dire qu’on peut faire un cours détendu tout
en travaillant. (…) En cours magistral, on peut aller plus dans les détails. Mais finalement, le fond fait que
pour l’histoire, s’ils arrivent à comprendre les tenants et les aboutissants des 1ère et 2ème Guerres Mondiales –
c’était ce que j’avais enseigné – c’est plus important que de savoir tout en détail sur les batailles. (…) Cela
demande aussi une certaine liberté, mais moi, je prenais la liberté, je suivais le programme un peu comme je
pensais (…) Au niveau des profs, il faut oser prendre la liberté de faire ce qu’on a envie et tant pis si on
s’écarte un peu du programme officiel. Quoique j’étais quand même dans le programme au niveau du thème
général, mais je n’ai pas tellement utilisé les livres que j’avais. Je trouvais que c’était pas très intéressant et
j’ai fait des choses que j’ai préparées moi-même. (…) Cela prend vite du temps. » (Bernard, entretien 2)
« On a une vision, en tout cas moi qui étais économiste et qui ai vécu le collège, ensuite l’université, dans le
sens très classique du terme. Moi, je suis étonné de voir tout ce que l’on peut faire dans l’apprentissage et de
voir des visions différentes de l’apprentissage. Je pense que cela m’a manqué, parce que je pense que je suis
plus à l’aise dans des apprentissages plus dynamiques, plus participatifs et cela me plaît beaucoup mieux. Je
me rappelle, je m’ennuyais quand même énormément à l’uni. Il y a beaucoup de cours où je n’allais pas,
parce que je trouvais que cela ne servait à rien d’y aller. C’est quand même du temps perdu vu que c’est des
formations qui existent. Si on avait fait autrement, on aurait pu faire beaucoup d’autres choses je trouve. Et
de voir que cela existe, qu’il y a des gens qui ont déjà travaillé là-dessus et que beaucoup de personnes se
sont rendues compte que l’on pouvait faire mieux. Que cela existe, un enseignement différent, cela c’était
bien, cela ouvre l’esprit. » (Bernard, entretien 2)
« au CO de Marly, j’ai eu de bons contacts avec les profs et j’ai envie d’aller suivre quelques cours que
donnent les profs qui m’ont l’air de bons profs. (…) être simplement derrière et de suivre comment ils font
eux la classe. Parce que vu que je n’ai jamais fait de stage comme font des élèves de l’Ecole Normale, cela
me manque encore un peu, je fais un peu les cours à ma façon. (…) je ne sais pas comment font les autres.
Par exemple, chez moi, il y a toujours un peu de bruit, il y a toujours des gens qui parlent et cela ne me gêne
pas vraiment tant que cela reste à un niveau. C’est très participatif (…) je trouve que finalement
l’apprentissage surtout à cet âge, l’adolescence, ce n’est pas seulement des faits (…) il y a tout un contexte
émotionnel que je trouve intéressant aussi. (…) c’est une vision et je ne sais pas si c’est bien ou pas et c’est
pour cela que je voudrais aller voir dans une classe comment cela se passe.» (Bernard, entretien 2)
176
5.2.2. L’INFLUENCE DU DISPOSITIF
COHÉRENCE DU DISPOSITIF
Bernard perçoit le dispositif de formation comme un puzzle formant une base pour
enseigner et permettant d’évoluer :
« J’ai trouvé ces différentes perspectives (différents modules) très intéressantes parce que cela forme un
puzzle qui forme un tout ensuite, qui est bon je trouve. Cela donne une bonne assise pour l’assurance pour
ensuite enseigner et comme je le disais au début pour ensuite se donner les clés pour se dire : « Qu’est-ce je
pourrais améliorer, pourquoi cela a bien marché, pourquoi cela a moins bien marché ? » Je crois que c’est
quand même important, si on est enseignant ou si l’on donne une formation, c’est important et c’est agréable
d’avoir des clés. De pouvoir se remettre en question avec déjà quelques bribes de réponses, parce que si on
nage dans le brouillard, on n’avance pas vraiment. On voit qu’il y a quelque chose qui ne va pas, mais on
n’arrive pas à déterminer pourquoi exactement (…) pas de clés et pas mal d’ouverture.» (Bernard, entretien 2)
COLLABORATION
Lorsqu’il parle du contact qu’il a avec les autres participants, il est très positif :
« (les relations avec les autres) Extrêmement intéressant, parce que l’on est d’horizons différents et que j’ai
pas mal discuté avec des pédagogues ou autres. Il y en avait en pédagogie curative, il y en avait d’autres qui
étaient plutôt en sciences, en médecine, et c’était bonnard, parce qu’on pouvait confronter différentes visions
de l’apprentissage et cela c’était très intéressant. » (Bernard, entretien 2)
« Elle (la formation) a ajouté de la confiance et une connaissance parce que je peux envisager un cours plus
globalement et peut-être aussi mieux préparer soi-même, faire attention aux apprenants, qui ils sont, ce qu’ils
attendent. Et aussi au niveau de l’évaluation, l’évaluation de son propre enseignement. Tout ça, c’est des
données qui se mettent ensemble un peu comme un puzzle mais qui sont assez importantes pour tout
enseignement. (…) c’est pas seulement le postdiplôme qui fait que j’arrive à enseigner. Mais ça donne plus
d’assurance et peut-être aussi une plus grande autocritique possible » (Bernard, entretien 2)
177
« je sens que j’ai une vue plus globale qu’avant sur l’enseignement et la problématique de l’apprentissage. Je
vois mieux, plus globalement et pas seulement de façon scolaire. Parce qu’on était seulement habitué à du
scolaire, mais aussi globalement ce que les apprenants peuvent tirer de l’enseignement. (…) une vision peut-
être plus large, pas restrictive, au simple fait de la manière à apprendre et à redonner éventuellement dans une
inter, une composition ou un examen. Mais aussi, plus largement, ce que c’est l’apprentissage »
(Bernard, entretien 2)
« les communautés de pratiques, j’aime bien aussi. J’ai trouvé très intéressant (…) on avait fait un petit jeu de
rôle que j’avais trouvé très intéressant. D’une façon générale la communauté de pratiques j’aime bien,
j’aurais même aimé qu’il y en ait plus (…) qu’on peut effectivement en petits groupes faire vraiment du
travail peut-être plus pratique. Ces petits jeux de rôles sont, je trouve, très intéressants et permettent de
vraiment de se mettre en situation pratique. Même si on n’est pas en vraie situation pratique, cela permet de
recréer plus ou moins une situation pratique et de voir comment les gens réagissent. C’est toujours intéressant
de voir que certains réagissent comme cela, d’autres comme ci. Enfin, chacun réagit un peu différemment et
ça c’est intéressant. On peut confronter ses propres façons de faire et aussi observer la façon de faire des
autres. Et on se dit : « Ah c’est pas mal aussi. » ou alors « Ah non, je n’aurais jamais fait comme cela. » et
cela c’est pas mal, cela permet de voir d’autres possibilités. » (Bernard, entretien 2)
« j’espère avoir encore quelques séances de communauté de pratiques car je trouve que c’est vraiment très
enrichissant. Pouvoir encore profiter un maximum de cette formation, de ce qui reste. »
(Bernard, entretien 2)
« les communautés de pratiques, je suis toujours demandeur, on pourrait en faire deux par mois que cela ne
me gênerait pas, surtout que ce n’est pas forcément long et que c’est intéressant. » (Bernard, entretien 2)
178
LIEN AVEC LA PRATIQUE
179
CHOIX
CONTRAINTES
Bernard parle du temps, mais pour lui c’est une contrainte relativement facile à gérer vu sa
situation :
« je trouve encore assez de temps. J’étais enseignant à l’Ecole secondaire de Marly. Là, cela me prenait plus
de temps, j’avais plus de mal à tout faire. Mais maintenant, l’enseignement s’est arrêté car le prof que je
remplaçais est revenu donc je vais avoir deux mois ou je vais pouvoir me consacrer à la formation. Donc au
niveau organisation je n’ai pas de problème. » (Bernard, entretien 2)
« Je vais avoir du temps maintenant pour approfondir. Avant, vu que j’enseignais en même temps, j’arrivais
juste à faire les modules et deux ou trois choses à côté, mais pas grand-chose. Maintenant, je vais avoir du
temps pour approfondir et j’ai bien envie d’approfondir. Je vais aller me plonger un peu dans les différents
liens qui existent pour chaque module que j’ai choisi et même pourquoi pas pour d’autres modules. »
(Bernard, entretien 2)
Lorsqu’il émet une critique sur le dispositif, c’est pour demander plus de temps de
formation :
« On pourrait prendre quelques jours de formation de plus. Ce serait bien pour tout ce qui est le module A et
B. C’est passé assez vite, alors que c’est des modules quand même assez centraux (…) c’est toujours comme
cela, des fois on aimerait plus et on ne peut pas. Il y a peut-être quand même une question de temps. »
(Bernard, entretien 2)
180
5.2.3. SCHÉMA : BERNARD II
(T1) Soi actuel vu par soi
j’ai passablement bien rebondi
osé quitter comme cela et faire autre chose
prendre des risques
ça m’a conforté dans l’idée que je suis capable de faire quelque
chose de différent qu’économiste, d’être enseignant
cela (avoir un travail lié aux relations humaines) me convient bien
et m’épanouit plus qu’un travail d’organisation pure ou de gestion (T1) Soi idéal vu par soi
(…) Le côté relation m’intéresse toujours pas mal je vais avoir beaucoup de plaisir où je vais travailler
ce contact et cette transmission de savoir m’ont toujours intéressés utiliser ce que j’ai travaillé durant cette année (de
j’ai véritablement envie de travailler sur place formation)
mon parcours s’infléchit un peu dans d’autres directions
cette formation est pour moi onéreuse (T1) Contraire du Soi idéal vu par soi
Dispositif
Ce que je vois c’est qu’il y a des gens qui ont une situation, une
carrière mais qui s’embêtent largement
Dans ce schéma, nous retrouvons la tension identitaire mise en évidence lors du premier
entretien :
vu par soi « je vais avoir beaucoup de plaisir où je vais travailler », « utiliser ce que j’ai travaillé durant
cette année (de formation) ». Mais Bernard est confiant.
181
5.2.4. SYNTHÈSE DE L’ENTRETIEN II DE BERNARD
Collaboration
(on a pu) confronter différentes visions de l’apprentissage et cela c’était très intéressant
avec les pairs
Intérêt de la (Les passages sont si nombreux que nous avons pris le parti de ne pas les réécrire ici. Cette caractéristique
Lien avec la Ça modifie aussi chez moi, la façon dont j’ai donné les cours à l’Ecole secondaire. Je trouvais qu’on
Bernard vit de nombreux changements dans sa vie. Il a quitté son travail, suit une
formation en didactique, trouve un remplacement et a envie de travailler dans le domaine
de l’enseignement lorsqu’il sera à l’étranger.
La tension relevée au premier entretien n’existe pratiquement plus ici. Le dispositif
Did@cTIC et son remplacement le rassurent. Bernard est tout à fait confiant d’atteindre
son idéal professionnel (avoir du plaisir dans son futur travail et pouvoir utiliser ce qu’il a appris durant
la formation Did@cTIC).
En décidant de quitter son travail, Bernard a pris des risques, mais cela lui a permis
d’éliminer une tension identitaire qu’il vivait. Depuis, la formation Did@cTIC et son
remplacement au CO de Marly lui permettent de s’approcher un peu de son idéal
professionnel qui est d’avoir du plaisir dans son travail. Il n’a pas envie d’être un
économiste technocrate. Il est intéressé par les contacts humains et la transmission de
savoirs. La formation est un moyen d’orienter sa carrière professionnelle dans ce sens.
182
5.3. ENTRETIEN III (juillet 2004)
183
FACTEURS IDENTITAIRES FAVORISANT LE MAINTIEN EN FORMATION
Par la formation, Bernard a pris plus confiance en sa capacité de travailler dans le domaine
de la formation :
« au niveau de l'image de soi, je crois quand même que c'est un plus. On se dit qu'on a une corde, une petite
corde, parce que ce n'est pas une formation... C'est un postdiplôme, mais quand même une corde de plus à
mon arc dans le domaine de la formation où je me sens quand même assez à l'aise maintenant. C'est donc une
assurance de soi supplémentaire. » (Bernard, entretien 3)
184
VISION DE SOI : bouger j’aime ça
« Je ne crois pas que je me sens forcément plus en confiance pour enseigner parce que je me sentais déjà
relativement bien en confiance. C'est peut-être pas forcément purement dans l'enseignement, mais plutôt dans
tout ce qui est autour de l'enseignement. C'est plutôt comment est-ce qu'on va évaluer les apprenants, surtout
être conscient des biais possibles dans l'évaluation des apprenants, tout ce qui est autour de la formation. »
(Bernard, entretien 3)
« si on fait de la formation et que c'est simplement qu'on prépare un cours et on le donne. C'est un peu
réducteur, ce n'est pas suffisant. Il y a, dans la formation, toute la partie préparation de ce qu'on va faire, toute
la partie après et même pendant dont il faut tenir compte. » (Bernard, entretien 3)
Pour Bernard, le fait de pouvoir se former tout au long de sa vie est une chance :
« Finalement, moi je fais un postdiplôme je vais d'ailleurs peut-être en faire un autre après, bon, ça c'est
encore une autre histoire, mais tout à fait dans un autre domaine. C'est bonnard de pouvoir continuer à se
former en ayant passé trente ans. J'aime bien, c'est aussi une chance. » (Bernard, entretien 3)
185
« …j'ai fait quelque chose de nouveau, mais j'ai des amis qui n'ont pas eu cette chance ou qui n'ont pas voulu,
qui ne voient pas l'intérêt de pouvoir continuer de se former. » (Bernard, entretien 3)
COLLABORATION
La collaboration avec les autres participants est vue très positivement par Bernard :
« on a fait un travail à distance. On était un bonnard groupe. Avec deux collègues de la formation, on a mis
en place un test (…) On a travaillé ensemble pour le mettre sur Excel (…) On a beaucoup travaillé là-dessus
et j'ai eu beaucoup de plaisir à faire ça. C'était très intéressant. (…) Le fait de faire en groupe a permis
d'échanger, on s'est vu plusieurs fois en buvant le café et des matinées entières pour faire ça. On a testé sur
ordinateur, on s'envoyait des versions du programme qu'on testait. (…) C'était intéressant comme
démarche. » (Bernard, entretien 3)
« Ça faisait un moment qu'on était en formation ensemble dans différents modules. Aussi à l'uni, on se
croisait, on a mangé ensemble. Enfin, on était assez souvent ensemble et on commençait à se connaître aussi
un peu. On était assez en confiance je dois dire. Après quelques mois de travail, on se connaissait et après on
osait parler (…) pour moi en tout cas, je n'ai jamais de problèmes de parler dans un groupe, de raconter un
peu ce qu'on vit, je suis assez transparent. Peut-être que pour d'autres, il faut un peu plus de temps, c'est
possible. Mais en tout cas là, tout le monde était assez détendu. » (Bernard, entretien 3)
« le groupe se voyait quand même assez régulièrement. Maintenant, j'ai pas mal de contacts avec les
collègues qui sont en médecine ou en pédagogie curative... C'est sympa, je les revois de temps à autres. Ça
crée des liens intéressants. » (Bernard, entretien 3)
On s’aperçoit que Bernard crée des liens avec les autres et garde des contacts avec eux en
dehors des cours.
186
INTÉRÊT DE SUIVRE LA FORMATION : QUELQUE CHOSE QUE J’ATTENDAIS À CE
MOMENT-LÀ
« Et je trouve que même là, ce qu'on a vu, cette façon de faire (...) c'est très intéressant parce que c'est
réutilisable partout. À chaque fois qu'on doit faire une évaluation. » (Bernard, entretien 3)
« (le cours sur la gestion de conflits) c'était des outils aussi très intéressants qui sont utilisables partout. Pas
seulement dans la formation, mais aussi dans des groupes d'adultes ou autres travaux et pourquoi pas en
couple aussi... Il y a aussi d'autres modules qui étaient intéressants, tout à fait différents. Par exemple,
l'analyse de différentes plates-formes Web que l'on peut trouver. C'était aussi très pratique. »
(Bernard, entretien 3)
En parlant de la gestion de conflits, nous avons relevé que Bernard voit un intérêt non
seulement à un niveau professionnel, mais également dans sa vie privée.
Il relève que la formation lui a donné l’opportunité d’effectuer un mandat dans le domaine
de l’évaluation. Elle lui a donc apporté du travail :
« c'était bien de faire ce postdiplôme. (…) il y a une conséquence directe, c'est que j'ai été engagé pour ce
mandat, pour faire l'évaluation de la formation des personnes ressources FriTIC. Bien sûr que si je n'avais pas
fait cette formation postdiplôme, je n'aurais pas eu ce mandat. Ce mandat me convient bien parce que c'est
des choses qu'on a vu, l'évaluation de formations... Je me sens assez à l'aise dans cette évaluation-là.(…) je
suis très content de pouvoir faire ça. Il y avait donc directement un côté pratique. En tout cas un côté où je
peux utiliser ce que j'ai appris. » (Bernard, entretien 3)
187
A de nombreuses reprises, Bernard met en évidence le lien entre la formation et la
pratique :
« Ce qui était intéressant dans toute cette formation, c'est qu'il y avait toujours un côté pratique, de mise en
application directe de ce qu'on recevait comme théorie. (…) Il y avait toujours un lien avec la réalité, notre
vécu.» (Bernard, entretien 3)
« vu que j'enseignais aussi à côté, ça permet aussi d'utiliser le matériel qu'on avait ou les idées, de les mettre
en pratique, de tester un peu, c'était bien. » (Bernard, entretien 3)
« de directement appliquer ce qu'on recevait. Et aussi avoir du matériel pour éventuellement faire des travaux
à distance, des travaux de groupe. On devait prendre des situations réelles. J'avais là, pas mal de situations qui
étaient arrivées… » (Bernard, entretien 3)
Ce dernier passage montre que Bernard tire parti de la formation pour sa pratique
d’enseignement, mais il utilise également son expérience de remplaçant dans la formation
Did@cTIC.
Lorsqu’il parle de la plate-forme Claroline, Bernard est très satisfait, même s’il se rend
compte qu’il y a des éléments à améliorer :
« chercher de l'information pour les cours, des dates, de trouver des scripts, des syllabus de cours à imprimer
ou alors déposer des travaux à distance. Mais ça se résume un peu à ça. On a fait du chat quand même deux
fois, un pour discuter (...) Le chat est mal conçu dans Claroline, il n'est pas bien fait mais il permet quand
même d'être utilisé. (…) C'était une utilisation différente une fois de Claroline. Mais c'est vrai, autrement, le
forum et d'autres trucs, ça n'a pas tellement marché. Jusqu'à la fin, c'est plutôt resté vide. On utilisait
directement les e-mails en général. » (Bernard, entretien 3)
« Claroline, c'était super pour le début. Pour moi, c'était génial de voir ce qui existait, mais en fait Nudel est
encore plus performant. » (Bernard, entretien 3)
CHOIX
Bernard considère que la formation est souple. Elle permet une organisation individuelle :
« (la formation) c'était quand même bien réparti sur toute l'année. Donc, ça a permis de faire autre chose toute
l’année. On n'avait pas besoin de se consacrer qu'à ça. On pouvait aussi gérer notre temps librement. A la
limite, si j'avais beaucoup de choses toute la semaine, je pouvais utiliser un week-end ou deux, ou des jours
pour effectuer le travail à distance. On avait une libre organisation. Le fait que ce soit étalé, c'était aussi
intéressant parce qu'on y pensait au fur et à mesure qu'on avançait. On avait la tête qui pensait de temps en
temps au côté didactique. » (Bernard, entretien 3)
« Il fallait en prendre deux sur trois... J'ai fait les trois (modules obligatoires) finalement parce que j'avais le
temps. » (Bernard, entretien 3)
188
CONTRAINTES
RÉGULATION
Bernard relève qu’il a apprécié d’avoir la possibilité de donner son avis sur le dispositif de
formation :
« Les séances de régulation pendant et à la fin de la formation, la formatrice avait convié tout le monde pour
voir ce qui avait plu et ce qui avait déplu, ce qu'on pouvait améliorer... Je trouvais intéressant déjà cette
approche. » (Bernard, entretien 3)
« je suis déjà satisfait et même tout à fait satisfait d'avoir participé (à cette formation) (…) Ça avait déjà été
dit dans les séances de régulation, je pense que les premiers modules A et B devraient être obligatoires pour
tout le monde et le C devrait être plutôt un module à choix, plus tard.» (Bernard, entretien 3)
189
je pense que ce n'est pas évident à organiser une communauté de pratiques (…) Peut-être que c'était notre
groupe qui était moins dynamique, je ne sais pas comment ça s'est passé dans les autres groupes. J'ai trouvé
qu'à la fin c'était un peu moins (…) Les premières étaient vraiment très intéressantes et les dernières je les ai
trouvées moins captivantes. » (Bernard, entretien 3)
« je pense qu'on aurait pu faire peut-être plus. C'est pas un reproche, ni une critique, mais une envie de faire
encore plus. » (Bernard, entretien 3)
190
5.3.3. SCHÉMA : BERNARD III
(T1) Soi idéal vu par soi
je me verrais bien travailler dans le domaine économique ou de l’aide
au développement tout en ayant une part formation. Je me verrais bien
dans de la formation
je me vois assez bien, plus tard, travailler en tant que consultant
(T1) Soi actuel vu par soi éventuellement, où il y a une part évaluation. Ce n'est pas forcément
maintenant (dans le domaine de la envie de faire quelque chose qui a un lien avec l'économie, avec
191
5.3.4. SYNTHÈSE DE L’ENTRETIEN III DE BERNARD
Buts
1. Aller dans un autre domaine
poursuivis 2. Avoir une corde de plus à son arc
Intérêt de la
Diminue la tension
formation c'est réutilisable partout. À chaque fois qu'on doit faire une évaluation
Lien avec la j'ai été engagé pour ce mandat, pour faire l'évaluation d’(une) formation
pratique il y avait toujours un côté pratique, de mise en application directe de ce qu'on recevait comme théorie
Régulation Je trouvais intéressant déjà cette approche (avoir des séances de régulation)
La tension de Bernard est maintenant faible car l’apport de la formation Did@cTIC lui a
permis de se voir différemment. Avant la formation, il se voyait comme un économiste
« pur », alors que maintenant il a acquis des compétences dans le domaine de la formation.
C’est exactement ce qu’il attendait de la formation. Cela l’aide à atteindre son idéal
professionnel qui est de trouver un travail qui l’intéresse en lien avec l’économie et la
formation.
Dans ce dernier entretien, nous aurions pu penser qu’une tension serait provoquée par
l’information lui indiquant qu’il habitera un pays anglophone. Son idéal est si fort qu’il lui
permet d’outrepasser ce problème de langue.
Bernard relève plusieurs caractéristiques du dispositif l’ayant mené à résoudre sa tension :
la Collaboration avec les pairs (par le contact avec de nouvelles personnes), l’Intérêt de
la formation (avoir des outils utilisables dans diverses situation), les Liens avec la
pratique (effectuer un mandat d’évaluation de formation), les Choix possibles
(organisation souple de son temps), la Régulation (approche qui l’intéresse). Au-delà de
ces caractéristiques, Bernard a apprécié l’aspect moderne de la formation qui lui a permis
de découvrir une autre approche de l’enseignement – apprentissage.
192
Dans son discours, Bernard oppose les personnes qui ne se forment pas, stagnent dans leur
vie, sont des conservateurs qui ont la crainte de l’étranger, de la différence ; aux personnes
comme lui qui bougent toujours, sont dynamiques, évoluent, sont ouvertes aux étrangers et
à la différence. La formation l’a soutenu dans ce changement, cette évolution.
193
5.4. SYNTHÈSE DES ANALYSES DE BERNARD
TENSION I : CHANGEMENT PROFESSIONNEL
Cohérence du dispositif
en plus de découvrir, enfin d’apprendre certaines choses au niveau didactique et tout, il y a aussi toute une méthode que je trouve
intéressante, méthode d’apprentissage, que je trouve très bien mise en place
Intérêt de la formation
ça (la formation) apporte, si on veut bien un diplôme, mais aussi des connaissances plus structurées parce que bon j'ai eu enseigné,
Temps 1
on peut des fois former des gens, des apprentis ou d'autres personnes, mais c'est vrai que c'est plus structuré comme connaissances
(apportées par la formation), donc on se sent aussi plus à l'aise après pour éventuellement faire un cours, même si c'est un petit cours
d'une heure ou même un cours sur plusieurs semaines, on se sent peut-être plus à l'aise pour le préparer et le réaliser
j'ai pu préciser certaines choses (…) le pourquoi des démarches. Peut-être aussi, être encore plus rigoureux, il y a peut-être certaines
choses que je peux encore améliorer, je me rends compte
Cohérence du dispositif
J’ai trouvé ces différentes perspectives (différents modules) très intéressantes parce que cela forme un puzzle qui forme un tout
Diminution de la tension
ensuite, qui est bon je trouve. Cela donne une bonne assise pour l’assurance pour ensuite enseigner
(on a pu) confronter différentes visions de l’apprentissage et cela c’était très intéressant
Intérêt de la formation
(Tous les passages concernant cette caractéristique de la formation tendent à diminuer la tension)
Intérêt de la formation
Diminution de la tension
des cours bien conçus et quelque chose que j'attendais à ce moment-là ,c'est réutilisable partout. À chaque fois qu'on doit faire une
évaluation
j'ai été engagé pour ce mandat, pour faire l'évaluation d’(une) formation
il y avait toujours un côté pratique, de mise en application directe de ce qu'on recevait comme théorie
Choix
on pouvait gérer notre temps librement
Il fallait en prendre deux sur trois... J'ai fait les trois (modules obligatoires) finalement parce que j'avais le temps
Régulation
Je trouvais intéressant déjà cette approche (avoir des séances de régulation)
194
CHAPITRE V
LECTURE TRANSVERSALE
DES ANALYSES DE CAS
CHAPITRE V LECTURE TRANSVERSALE
DES ANALYSES DE CAS
Diminue
Marie
Tension TEMPS
Diminue
provoquée par Relativisée
Choix
Contraintes
196
Engagement en
En cours de formation En fin de formation
formation
(Processus) (Etat)
(Etat)
Diminue
Collaboration avec les formateurs
Lien avec la pratique
Choix
Tension
Utilisation des NTIC Relativisée
NOUVEAU STATUT Collaboration avec les pairs
(Temps 2 et 3)
Augmente
Contraintes
Tension
REGARD DE SA Résolue par le fait d’être en formation Résolue
FEMME
Diminue
Daniel
Tension
N’en parle plus
ETRE UN PROFESSEUR À LA HAUTEUR
197
Engagement
En cours de formation En fin de formation
en formation
(Processus) (Etat)
(Etat)
Diminue
Collaboration avec les pairs
Tension
Collaboration avec les formateurs
NOUVELLE Faible
Lien avec la pratique
ENSEIGNANTE
Augmente
Cohérence du dispositif
Anne
Tension RIGIDITÉ
Diminue
provoquée par Relativisée
Collaboration avec les pairs
Prise de conscience
Engagement
En cours de formation En fin de formation
en formation
(Processus) (Etat)
(Etat)
Résolue car elle a obtenu
Diminue
Tension une reconnaissance de
Intérêt de suivre la formation
RECONNAISSANCE
Lien avec la pratique ses compétences durant
POUR MOI
Choix
la formation
Diminue
Tension Choix Résolue grâce à
DIPLÔME Augmente l’obtention du diplôme
Intérêt de la formation (manque)
Coline
Diminue
Intérêt de la formation Résolue par le fait
Lien avec la pratique
Tension EMPLOYEUR d’avoir terminé la
Augmente
formation
Intérêt de la formation
Contraintes
Tension Augmente
TYPE D’ENSEIGNEMENT Lien avec la pratique Se maintient
provoquée par (ne voit pas comment mettre en
198
Engagement en formation En cours de formation En fin de formation
(Etat) (Processus) (Etat)
Diminue
Cohérence du dispositif
Collaboration avec les pairs
Bernard
Suite à cet ensemble de configurations, nous pouvons établir deux constats d’ordre général.
Toutes les tensions à l’origine de l’engagement en formation se sont estompées ou ont été
résolues. Deux tensions créées par le dispositif en cours de formation se maintiennent
jusqu’en fin de formation. Toutes deux sont liées au style pédagogique promulgué par la
formation Did@cTIC. Certains l’appellent moderne, d’autres pédagogie active. Les
tensions liées à cet aspect se maintiennent soit par le fait qu’on n’y adhère pas, soit par le
fait qu’on rencontre des difficultés à mettre en place ce style pédagogique dans sa pratique
d’enseignement.
Dans le chapitre suivant, nous allons effectuer une comparaison inter-cas des tensions
identitaires ressenties. Nous utiliserons ce regroupement pour ensuite analyser le rôle des
caractéristiques du dispositif.
199
2. VARIÉTÉ DES TENSIONS IDENTITAIRES RELEVÉES
Nous avons organisé les tensions identitaires selon trois critères : le moment où nous les
avons repérées (avant ou pendant la formation), leur lien avec le dispositif (en lien ou non)
et leur influence sur le dispositif (s’oppose au suivi de la formation ou favorise le maintien
en formation). Suite à cette classification, nous obtenons les cinq types de tensions
suivantes.
Tous nos sujets ont évoqué une ou deux tensions identitaires à l’origine de l’engagement
en formation. Seul Daniel avance la tension Regard de sa femme qui n’est pas liée aux
caractéristiques du dispositif. Pour toutes les autres tensions apparues avant l’entrée en
formation, les caractéristiques du dispositif doivent aider les personnes à réduire ces
tensions. Au départ, aucune tension ne s’oppose au suivi de la formation.
Exemple : Coline vit les tensions Reconnaissance pour moi et Diplôme avant d’entrer en
formation.
DISPOSITIF
Durant la formation de nouvelles tensions se créent. Elles sont, dans ce cas de figure,
provoquées par certaines caractéristiques du dispositif. Ces nouvelles tensions, si elles
s’avéraient importantes, pourraient mener à l’abandon de la formation. Nous verrons que
certaines caractéristiques du dispositif peuvent aider à les résoudre ou à les supporter.
Exemple : La tension identitaire Temps se crée en cours de formation chez Marie. Les
caractéristiques du dispositif sont à l’origine de cette nouvelle tension.
DISPOSITIF
Durant la formation de nouvelles tensions se créent. Elles sont, dans ce cas de figure,
provoquées par le dispositif. Ces nouvelles tensions favorisent le maintien en formation.
200
Exemple : En cours de formation, Anne prend conscience du rôle de sa rigidité sur son
enseignement. Cette nouvelle tension Rigidité l’incite à continuer la formation
pour que celle-ci l’aide à résoudre cette tension.
DISPOSITIF
Ces tensions apparaissent en cours de formation pour des raisons externes aux
caractéristiques du dispositif. Elles sont défavorables au maintien en formation.
Exemple : Daniel vit la tension Hors norme. Cette tension est indépendante des
caractéristiques de la formation puisqu’elle est liée au regard des collègues de
Daniel. Elle est défavorable au maintien en formation jusqu’au temps trois ou
Daniel, par un changement cognitif, en tire parti.
INDÉPENDANTES DU DISPOSITIF
Les caractéristiques du dispositif créent les tensions relevées aux points 2.1.2 et 2.1.3.
Nous allons maintenant nous focaliser essentiellement sur les tensions existantes avant
l’entrée en formation (2.1.2) et celles liées à la formation qui ont un effet négatif (2.1.2) car
elles représentent la large majorité des tensions repérées.
201
2.2. INTERACTION TENSIONS - CARACTÉRISTIQUES
Un grand nombre de tensions relevées se trouvent dans cette catégorie (2.1.1). Ce sont les
tensions liées à la décision d’entrer en formation. Toutes les tensions évoquées à ce niveau
vont diminuer grâce au dispositif de formation. Les caractéristiques influençant
favorablement ces tensions sont variées : Intérêt de la formation, Collaboration avec les
pairs, Choix, Collaboration avec les formateurs, Utilisation des NTIC, Cohérence de
la formation et Régulation. Nous verrons dans le chapitre 2.3 « Organisation des
caractéristiques selon leur influence » que nous pouvons organiser ces caractéristiques en
deux groupes. Celles qui diminuent systématiquement les tensions et celles qui peuvent
influencer les tensions positivement et négativement. Pour terminer, relevons que certaines
tensions de ce type sont résolues en fin de formation. C’est le cas en particulier lorsque ces
tensions sont liées au fait même d’être en formation (Daniel : Regard de sa femme,
Coline : Diplôme) ou que le dispositif à répondu aux attentes de l’apprenant (Coline :
Reconnaissance pour moi).
Dans ce type de tensions (2.1.2), nous avons remarqué que le dispositif permet de résoudre
certaines tensions qu’il crée lui-même. C’est le cas chez Marie pour la tension Temps. Le
dispositif crée la tension par la caractéristique Contraintes (de temps), mais propose la
caractéristique Choix (effectuer la formation sur deux ans) permettant de réduire cette
tension. Dans le cas d’Anne, la caractéristique Cohérence du dispositif a accentué la
tension Nouvelle enseignante (flou sur l’évaluation finale), mais le dispositif propose les
caractéristiques Régulation et Collaboration avec les formateurs permettant à Anne de
donner son avis et d’exprimer ses questions liées au dispositif. Dans ces deux cas, les
tensions identitaires ont diminué.
Les caractéristiques Choix, Régulation et Collaboration avec les formateurs jouent un
rôle important dans la diminution de tensions vécues en cours de formation. Mais pour que
ces caractéristiques aient une influence, les apprenants doivent les prendre comme des
opportunités.
202
Deux autres cas (Daniel et Coline) présentent une tension provoquée par les
caractéristiques (manque d’)Intérêt de la formation et Contraintes (liées au temps). Les
caractéristiques Lien avec la pratique, Intérêt de la formation (perçu positivement) et
d’autres caractéristiques propres à chaque personne ont contribué à contenir les tensions
identitaires. La tension provoquée a été contrebalancée par certaines caractéristiques dont
les participants ont tiré parti. Les tensions n’ont donc ni augmenté, ni réellement diminué.
Elles sont restées stables dans le domaine du supportable. Ces tensions semblent pouvoir
être « maîtrisées » puisqu’elles apparaissent mais ne provoquent pas un changement
d’attitude (comme l’abandon de la formation).
203
2.3. ORGANISATION DES CARACTÉRISTIQUES SELON LEUR
INFLUENCE
204
3. DYNAMIQUE IDENTITAIRE ET ÉVÉNEMENT
BIOGRAPHIQUE
Suite à ces observations, nous pouvons confirmer la théorie d’Etienne Bourgeois soutenant
que l’événement biographique incite l’adulte à s’engager en formation pour autant que
celui-ci perçoive la formation comme un moyen de diminuer les tensions créées par
l’événement biographique. Toutefois, nous relativisons le rôle de l’événement
biographique. Car, comme nous l’avons observé chez Coline, certaines tensions peuvent
205
être latentes et conduire à l’entrée en formation sans qu’il y ait un événement
biographique. Dans le cas de Coline, nous retrouvons plutôt la théorie de la motivation
humaine de Nuttin qui se fonde sur le principe du dynamisme de l’autodéveloppement
(nous n’avons pas besoin de stimulation pour entrer en action) et la directionnalité
(capacité de se donner des buts pour entrer en action).
206
4. LES MOTIFS D’ENGAGEMENT EN FORMATION
Carré, dans son modèle descriptif des motifs d’engagement en formation, précise que ceux-
ci sont pluriels, contingents et évolutifs. Nous reprenons ces trois affirmations sous
l’éclairage de notre recherche.
Il est vrai que chez presque tous nos sujets, nous trouvons au minimum trois motifs
d’engagement en formation dès le premier entretien. Anne fait pourtant exception à cette
règle. Il est intéressant d’observer qu’elle ne relève qu’un motif d’engagement en
formation d’ordre opératoire professionnel (acquérir des compétences pédagogiques) à
notre première rencontre. Par contre, au deuxième entretien, ses motifs d’engagement en
formation se diversifient. Anne en relève trois d’ordre opératoire professionnel et un
d’ordre vocationnel. Dans son cas, la participation à la formation a permis de découvrir de
nouveaux motifs.
207
promotion, mais simplement au fait de changer. Ce motif d’engagement en formation est
donc propre à la personnalité de Coline. Nous avons trouvé ce même type de motif chez
Bernard, mais dans son cas, il est lié à sa situation de vie actuelle (à une tension). Pourtant,
dans le dernier entretien, Bernard nous a confirmé à quel point c’était important pour lui de
bouger : « (des amis) me voient bouger sans cesse et c’est vrai que j’aime ça. Je trouve que c’est très
dynamique et ça m’apporte beaucoup. (…) On est dans une perpétuelle évolution qui apporte quand même »
(Bernard, entretien 3). Lors de notre troisième entretien, Bernard et Coline sont les deux
personnes nous ayant annoncé qu’ils avaient de nouveaux projets de formation. Est-ce
vraiment un hasard au regard de ce que nous venons d’écrire ?
Pour conclure, nous constatons que la plupart du temps, les motifs d’engagement en
formation sont contingents. Il arrive pourtant que l’un des motifs d’engagement soi lié à la
personnalité même du sujet. Nous l’avons observé pour le motif vocationnel chez Coline et
Bernard.
Ce point de vue nous intéresse particulièrement puisque nous avons rencontré nos sujets à
trois reprises et ainsi pu comparer l’évolution des raisons avancées pour l’engagement en
formation. Carré relève par ce point que les changements qui interviennent au niveau des
motifs d’engagement en formation sont liés à l’histoire de la personne et son rapport à la
formation.
De notre côté, nous observons pourtant une certaine stabilité des motifs avancés en
particulier lorsqu’ils sont en lien avec une tension identitaire vécue. Chez tous nos sujets,
nous constatons que les tensions relevées en début de formation et justifiant l’entrée en
formation sont liées à des motifs d’engagement en formation stables. C’est-à-dire des
motifs que nous retrouvons du premier au dernier entretien. Prenons l’exemple de Bernard.
La tension vécue Changement professionnel l’incite à entrer en formation. Les motifs
d’engagement en formation d’ordre vocationnel (préparer son avenir professionnel, avoir
un papier…) relevés par Bernard visent d’une façon ou d’une autre à réduire la tension
vécue. Nous retrouvons ce type de motif (vocationnel) à chaque entretien. Soit Bernard
reprend les mêmes, soit il les exprime différemment, mais cela reste des motifs d’ordre
vocationnel visant à résoudre la tension Changement professionnel.
208
Seul Daniel ne reprend pas un motif d’ordre identitaire lié à la tension Regard de sa
femme, car cette tension est résolue dès le moment où il entre en formation. Il n’y a donc
pas de sens qu’il avance encore ce motif lors du deuxième et troisième entretien.
Pour terminer, nous avons situé nos sujets selon les quatre orientations proposées par
Carré. Ce travail nous permet d’observer qu’au cours des trois rencontres tous les sujets
avancent plusieurs raisons pour suivre la formation. Parmi les motifs avancés, nous
observons chez tous les sujets un motif prioritaire. Nous pouvons établir deux groupes :
- Opératoire professionnel (Marie, Anne, Daniel) + (Coline comme motif secondaire)
- Vocationnel (Bernard et Coline) + (Marie et Anne comme motif secondaire)
Parmi nos sujets, seul Daniel n’accorde pas d’importance au fait d’obtenir un diplôme. Au
contraire, pour Bernard et Coline se motif (vocationnel) est important. Quant à Anne et
Marie, elles trouvent intéressant d’obtenir un papier justifiant leurs compétences. Elles
pensent à leur avenir professionnel à moyen – long terme et savent que ce diplôme pourra
leur servir.
Le motif opératoire professionnel est prioritaire pour Anne, Marie et Daniel. Pour ces trois
personnes, la formation sert surtout à leur pratique d’enseignement. Coline indique
également ce motif, mais il est secondaire. Bernard n’évoque pas ce motif. Cela se
comprend puisqu’il n’enseigne pas actuellement et ne sait pas encore comment il pourra
mettre en pratique les apports de la formation à l’avenir.
209
4.2. LES MOTIFS D’ENGAGEMENT EN FORMATION ET DEGRÉ DE
SATISFACTION
En reprenant les motifs d’engagement en formation jugés prioritaires par les sujets et en les
mettant en lien avec le degré de satisfaction nous avons pu relever quelques observations.
Pour être satisfaites, les personnes ayant en priorité un motif opératoire professionnel
doivent percevoir le lien entre le but poursuivi et l’efficacité du dispositif. Les
caractéristiques du dispositif vont avoir une influence importante dans ce cas. De plus,
nous observons des motifs plus ou moins précis selon les personnes. Cela va également
influencer le degré de satisfaction.
Parmi les trois personnes ayant le motif opératoire professionnel comme priorité, nous
remarquons une importante différence.
Daniel suit la formation Did@cTIC surtout pour découvrir l’utilisation d’une plate-forme
informatique d’enseignement à distance. Ce motif d’engagement en formation d’ordre
opératoire professionnel est très ciblé. La formation va lui permettre d’atteindre ce but,
mais le rapport « qualité-prix » pour atteindre ce but est mauvais : « Je pense que je m’en serais
mieux sorti par un cours de deux jours intensifs d’introduction aux nouvelles plates-formes » (Daniel,
entretien 3). Pour Daniel, l’efficacité de la formation n’est pas bonne. Il y a trop d’aspects de
la formation Did@cTIC qui ne l’intéressent pas et qui lui donnent un sentiment de temps
perdu et d’inefficacité. En fin de formation, Daniel est peu satisfait de la formation.
210
Nous verrons plus loin que le type de motif ainsi que son degré d’ouverture ne sont pas les
seules raisons d’insatisfaction de Daniel. C’est un élément de compréhension parmi
d’autres de cette différence observée.
D’un point de vue opératoire professionnel, Coline aimerait acquérir de nouvelles
connaissances sur les TIC comme moyen d’enseignement. Elle sera déçue par les apports
du dispositif à ce sujet. Nous remarquons que ce motif d’engagement en formation est
ciblé, la satisfaction est faible. Relevons encore, que ce motif n’est pas lié à une tension
identitaire.
Ce motif d’engagement en formation est souvent lié à l’obtention d’un diplôme. Dans ce
cas, le sentiment de compétence (je suis capable d’y arriver) va avoir une influence
importante, mais les caractéristiques du dispositif sont relativisées. Ce motif d’engagement
en formation est donc indirectement lié aux caractéristiques du dispositif. De plus, comme
dans le motif opératoire professionnel, nous distinguons des motifs vocationnels plus ou
moins précis selon les personnes.
Bernard change de projet de vie, pratiquement toutes ses attentes sont orientées vers son
avenir professionnel différent. Les motifs vocationnels évoqués sont, pour la plupart, très
ouverts : préparer mon avenir professionnel, avoir une corde de plus à mon arc, aller dans
un autre domaine, apprendre des choses ou encore découvrir une autre façon d’enseigner.
Il relève également l’obtention d’un papier. Nous percevons que les caractéristiques du
dispositif peuvent difficilement influencer négativement ce type de motifs. En fin de
formation, la satisfaction de Bernard est très élevée.
Coline émet deux motifs d’engagement en formation d’ordre vocationnel : avoir un
diplôme, évoluer au niveau professionnel. L’obtention d’un diplôme est peu lié aux
caractéristiques du dispositif. Du moment que Coline s’estime capable d’arriver à obtenir
le diplôme, les autres aspects du dispositif deviennent secondaires. De ce point de vue,
Coline sera satisfaite de la formation.
211
Nous pouvons résumer cela sous cette forme :
Satisfaction élevée
Bernard
Motifs vocationnels
Marie et Anne
Coline Motifs op. prof.
Coline
Motifs op. prof.
Daniel
Motifs op. prof.
Peu de satisfaction
Nous verrons plus loin que cette relation est relativisée par l’attitude de départ des
participants ainsi que les caractéristiques de formation pouvant créer de nouvelles tensions.
212
5. LE MODÈLE DE CHAÎNE DE RÉPONSES
Pour présenter nos résultats en lien avec ce modèle, nous avons repris chaque variable
proposée dans le modèle de Cross.
Des traits de personnalité relativement stables jouent un rôle important dans le processus
de motivation. Une estime de soi élevée faciliterait l’entrée en formation, alors qu’un
manque de confiance en soi où la formation pourrait être considérée comme une menace
rendrait l’engagement en formation difficile.
Dans notre recherche, nous observons que tous les sujets ont une bonne estime d’eux-
mêmes. Pourtant, pour quatre d’entre eux, l’estime de soi professionnelle est en jeu lors de
la décision d’entrer en formation :
Anne, Marie et Daniel : Est-ce que je suis un bon enseignant ? Est-ce que je fais juste ?
Comment je pourrais améliorer mes compétences d’enseignant ?
Coline : Est-ce que je fais du travail de qualité ? Est-ce que je fais juste ?
Les tensions identitaires tendent à remettre en question une part de la confiance en soi. La
diminution des tensions visées par l’entrée en formation tend à rétablir cette confiance
perturbée.
213
Par contre, Daniel a une attitude par rapport à la formation plutôt négative. Nous avançons
deux raisons à cela :
- le milieu professionnel
Ces deux éléments ont été relevé dans le discours de Daniel comme deux tensions
identitaires (Hors norme et Enseignement efficace). Elles apparaissent dès l’entrée en
formation de Daniel.
Dans la tension Hors norme, nous trouvons l’explication de Cross liée à l’attitude des pairs.
Daniel se trouve dans un milieu professionnel où la formation pédagogique est considérée
comme superflue. Cette situation rend la position de Daniel difficile. De ce point de vue, il
est à l’opposé d’Anne où la démarche de formation se fait à plusieurs.
La tension Enseignement efficace est directement liée aux caractéristiques du dispositif.
Daniel n’apprécie pas certains aspects du dispositif Did@cTIC (carnet de bord, activités
pratiques après les modules). De plus, la pédagogie active présente dans certaines parties
de la formation ne convainc pas Daniel. Il se sent plus à l’aise avec l’enseignement
« traditionnel ».
FORMATION
Cette interaction indique qu’une bonne estime de soi liée à une attitude positive par rapport
à la formation motive et incite l’individu à se former. Nous ajoutons à cela le rôle des
tensions identitaires provoquant un déséquilibre cognitif. La recherche de résolution de
tensions se retrouve chez chacun des sujets que nous avons étudié. Que ces tensions soient
provoquées par un événement biographique (Anne, Daniel, Marie et Bernard) ou non
(Coline).
De ce point de vue, nos sujets peuvent être rapprochés de la théorie de Houle (1961) les
définissant comme des « adultes orientés vers l’apprentissage » ou à la théorie d’Atkinson
et Feather (1966) qui parlent de « personnalité motivée par la réussite ». Par l’exemple de
Bernard et Coline, nous avons envie plutôt de parler de personnalité motivée par le
changement.
214
Daniel est le seul à ne pas se trouver dans cette relation bonne estime de soi – attitude
positive. En effet, il a une bonne estime de lui-même, mais son attitude est plutôt négative.
Ce n’est pas pour autant qu’il craint de s’engager en formation (peur de l’échec). Par
contre, il est la personne qui tire le moins parti des caractéristiques du dispositif.
centrer son but sur l’utilisation d’une plate-forme informatique d’enseignement à distance.
Comme nous l’avons déjà relevé, de ce point de vue la formation lui donne les moyens
d’atteindre ce but, mais le temps investi pour l’atteindre est trop important pour que Daniel
soit satisfait. Les autres buts opératoires professionnels mentionnés par Daniel vont être
mis de côté car la formation lui semble inefficace pour les atteindre. En fin de formation, il
dit : « je n’ai pas appris grand chose au niveau didactique. » (Daniel, entretien 3). Si Daniel n’avait eu
dès le départ comme seul but l’amélioration de sa pratique d’enseignement (comme chez
Anne), il n’aurait probablement pas terminé la formation. Réciproquement, si le dispositif
de formation n’avait pas donné à Daniel la possibilité de collaborer avec les formateurs,
215
d’effectuer des choix dans son parcours de formation et d’avoir un projet permettant
d’effectuer un lien entre la formation et sa pratique, Daniel aurait sûrement quitté le
dispositif Did@cTIC.
Nous sommes là au cœur de l’interaction entre identité et dispositif de formation. Comme
nous pouvons le constater, le dispositif ne peut pas être efficace par lui-même. Son
efficacité dépend fortement des représentations de l’apprenant.
Nous ne connaissons pas suffisamment les personnes interviewées pour pouvoir analyser
de manière sérieuse cette variable. Dans ce domaine, nous pouvons simplement relever :
- Marie (26 ans), Coline (41 ans) et Bernard ( 34 ans) trouvent intéressant de se
former tout au long de la vie. Chez Bernard, cela est lié à sa situation actuelle alors
que chez Coline cela semble être quelque chose de constant : « j’ai fait 10 ans dans le
milieu vétérinaire. J’ai tout arrêté et maintenant, cela fait 6 ans que je fais ces nouvelles technologies
de l’enseignement. Ça fait 6 ans, peut-être que dans 4 ans, j’en aurai marre et je ferai autre chose.
C’est pour ça que je suis une étudiante éternelle. » (Coline, entretien 2).
- Daniel (43 ans) recherche une certaine stabilité. Sa promotion comme professeur
est une étape dans sa carrière, il ne parle pas d’un avenir professionnel différent.
- Anne (28 ans) et Marie (26 ans) sont doctorantes, elles viennent d’obtenir un poste
à l’université mais comptent encore évoluer au niveau professionnel. Elles relèvent
l’intérêt d’obtenir le diplôme Did@cTIC dans cette vision de l’avenir.
216
5.1.6. LES OPPORTUNITÉS ET LES BARRIÈRES
Dans cette partie du modèle nous pouvons observer comment les caractéristiques du
dispositif Did@cTIC interagissent directement avec les tensions vécues. Si la motivation
est importante, l’apprenant cherchera des opportunités proposées et surpassera certaines
barrières.
Marie se trouve dans cette situation. Sa motivation est élevée car elle a un fort sentiment
d’efficacité de la formation pour atteindre ses buts. Lors de sa participation au dispositif
Did@cTIC, elle considère comme des opportunités essentiellement les caractéristiques
suivantes : la collaboration avec les pairs, l’intérêt de la formation et le lien avec la
pratique. Il est à relever que les caractéristiques considérées comme des opportunités lui
permettent de diminuer les tensions vécues. La caractéristique collaboration avec les pairs
diminue la tension Isolement, alors que l’intérêt de la formation et le lien avec la pratique
diminuent la tension Nouvelle enseignante. Par contre, en suivant la formation, Marie
rencontre une barrière qui est la gestion du temps. Au cours de la formation, cette barrière
va créer la tension Temps. Marie étant très motivée, elle va trouver une stratégie pour
surpasser cette barrière qui consiste à échelonner sa formation sur deux ans au lieu d’une
année. Dans cette situation, une caractéristique du dispositif Did@cTIC (Contrainte) est à
l’origine de la tension Temps. Mais une autre caractéristique du dispositif (Choix) permet à
Marie de diminuer cette tension et ainsi de rester en formation. Les caractéristiques du
dispositif ont eu un rôle primordial dans cette situation. Mais si Marie n’avait pas été
suffisamment motivée, elle n’aurait probablement pas utilisé cette stratégie.
Bernard est si motivé qu’il ne perçoit pas de barrières. Même le prix de la formation, qui
pour lui est important car il est extérieur à l’université n’est pas considéré comme une
barrière. Par contre, dans les opportunités, il relève de nombreuses caractéristiques du
dispositif Did@cTIC : la collaboration avec les pairs, l’intérêt de la formation, les liens
avec la pratique, l’utilisation des NTIC, la cohérence du dispositif, le choix et la régulation.
Prenons maintenant l’exemple de Daniel qui est nettement moins motivé à suivre la
formation. Nous l’avons relevé plus tôt, deux tensions Hors norme et Enseignement
efficace influencent cette motivation. Ces tensions auraient pu être considérées par Daniel
comme des barrières suffisamment importantes pour compromettre son engagement en
formation. Comment expliquer le fait que Daniel, malgré cette situation négative, reste en
formation ? Nous allons émettre deux hypothèses :
217
1. Arrêter la formation serait un échec (raison identitaire)
On peut penser que si Daniel décidait d’arrêter la formation, cela serait considéré comme
un échec autant par lui-même que par sa femme ou encore ses collègues de travail. Dans ce
sens, la tension Regard de sa femme résolue par le fait de suivre une formation
pédagogique, réapparaîtrait. Malgré son manque de motivation, Daniel reste en formation.
2. Les caractéristiques du dispositif
Le dispositif Did@cTIC est à l’origine d’une des tensions ayant pu compromettre la
formation de Daniel (Enseignement efficace). Pourtant, Daniel va utiliser certaines
caractéristiques du dispositif : collaboration avec les formateurs, collaboration avec les
pairs, lien avec la pratique (pour ce qui concerne son projet), Choix et utilisation des NTIC
pour s’impliquer dans la formation et ainsi tirer parti de certains aspects du dispositif.
Nous avons aussi remarqué qu’au fil du temps, Daniel a moins considéré la formation
comme un fardeau : « j’ai dû manquer deux journées. Ça m’a embêté parce que je tenais à y aller »
(Daniel, entretien 3) et a transformé la tension Hors norme en un avantage dans son milieu
professionnel : « je me suis mis à ces plates-formes d’enseignement virtuel (…) ça va peut-être aussi (me
permettre) de me situer vis-à-vis de mes collègues qui eux n’ont encore rien fait dans ce domaine. » (Daniel,
entretien 3). L’effet sur le lieu de travail qui était négatif en début de formation : « ça fait bien
sourire » (Daniel, entretien 1), lui paraît positif en fin de formation. Il y a donc là un
218
5.1.7. L’INFORMATION
L’information concernant l’offre de formation ainsi que ses contraintes a été effectuée
d’abord sous la forme d’un fascicule de présentation de la formation Did@cTIC. Une
rencontre avec la responsable en début de formation a également permis une discussion
individuelle où chacun a pu poser ses questions. Finalement, trois temps de régulation ont
été prévus en cours de formation.
Les rencontres avec la formatrice et les temps de régulation sont perçus positivement par
les sujets que nous avons rencontrés. Pour Anne, la rencontre a été déterminante car en
début de formation la contrainte du temps l’inquiétait : « j’ai pu rencontrer la professeur. Je lui ai
dit que je voulais faire cette formation, mais seulement si c'était possible de la faire sur deux ans. J'ai eu une
réponse positive. J'étais très contente. » (Anne, entretien 1). Bernard, Anne et Coline remarquent que
les temps de régulation permettent de s’exprimer sur le dispositif. Ils apprécient cette
opportunité : « Les séances de régulation pendant et à la fin de la formation, la formatrice avait convié tout
le monde pour voir ce qui avait plu et ce qui avait déplu, ce qu'on pouvait améliorer... Je trouvais intéressant
déjà cette approche. » (Bernard, entretien 3).
Ces deux caractéristiques du dispositif Did@cTIC (Collaboration avec les formateurs et
Régulation) tendent à diminuer les barrières et à favoriser la prise en compte des
opportunités données par la formation. Daniel et Anne ont relevé un manque de clarté pour
la validation finale. Cela montre un manque de cohérence dans le dispositif. Ce manque de
cohérence perçue a eu tendance à augmenter une tension existante.
Nous pouvons conclure qu’un déficit d’information peut ne pas avoir d’influences
négatives chez l’apprenant pour autant que d’autres caractéristiques du dispositif
permettent de compenser cette mauvaise communication. C’est le cas avec la collaboration
des formateurs et la régulation.
219
5.1.8. LA PARTICIPATION
Le modèle de chaîne de réponses de Cross est très intéressant pour analyser l’évolution de
la motivation des participants en cours de formation. Nous pouvons remarquer que pour
Anne, Marie, Bernard et Coline la motivation est suffisamment importante dès le départ
pour entrer dans un ensemble de chaînes de réponses ascendant. Le rôle du dispositif, dans
ce cas, est d’éviter de couper ce mouvement ascendant. Nous avons vu avec les exemples
de Marie et Anne (contrainte du temps, manque de cohérence) que le dispositif Did@cTIC
permet, grâce aux caractéristiques Collaborations avec les formateurs, Régulation et Choix,
de réduire des tensions vécues. Il permet aux participants de tirer au mieux parti du
dispositif.
Pour Daniel, la situation était différente. La motivation était basse, il était donc nécessaire
qu’elle s’améliore pour que Daniel s’implique dans la formation. Le dispositif a contribué
à cela.
220
6. SYNTHÈSE EXPLORATOIRE
Sur la base de cette lecture transversale, nous nous proposons de reprendre le modèle de
Cross (1981) et de l’adapter en tenant compte de l’apport d’autres théories et de notre
recherche.
D. Transition de vie
A. Evaluation de Soi
221
Les caractéristiques du dispositif jouent un rôle sur la perception de l’efficacité de la
formation. L’individu va percevoir les opportunités et les barrières que présentent pour lui
les caractéristiques de la formation. Selon son jugement, la formation lui paraîtra plus ou
moins efficace et l’influencera dans son choix d’entrer en formation. Le même processus
fonctionne en cours de formation. L’efficacité de la formation est ainsi continuellement
remise en question. Les caractéristiques du dispositif Collaboration avec les formateurs et
Régulation améliorent l’efficacité de la variable Information. La caractéristique Effet de la
formation sur le lieu de travail va influencer la variable Attitude par rapport à la
formation. Nous l’avons remarqué chez Daniel (effet négatif) et Anne (effet positif).
Cet ensemble d’interactions va influencer la variable Participation. Cette variable va
évoluer en cours de formation. Comme nous l’avons suggéré, l’important est que
l’apprenant entre dans une spirale de configurations ascendantes. Dans ce cas, il va tirer
parti de la formation. Ce n’est que dans ces conditions que l’apprenant pourra effectuer des
apprentissages en profondeur. Chez tous nos sujets, nous avons pu observer cette
progression.
222
CONCLUSION
Le but de cette recherche a été d’établir la relation entre un dispositif de formation et les
tensions identitaires vécues par les apprenants. Pour ce faire, nous avons effectué une étude
qualitative longitudinale par entretiens. Nous avons utilisé l’analyse de contenu pour
mettre en évidence, à travers le discours des sujets, les changements intervenus en cours de
formation au niveau des tensions identitaires et des représentations de la formation.
Comme la littérature nous l’a suggéré, les tensions identitaires évoluent en cours de
formation. Certaines tensions diminuent alors que d’autres apparaissent.
La partie descriptive de notre travail a permis d’établir que :
- Certaines tensions paraissent évoluer en lien avec les représentations que les sujets
ont du dispositif et d’autres pas.
223
cette tension et de franchir cet obstacle. De même, des tensions liées à la
perception d’un manque de cohérence dans le dispositif ont pu être
diminuées par les opportunités de régulation et de rencontres avec la
responsable de la formation.
2. il met en place un système de communication utilisant divers canaux en plus
des informations écrites.
- La collaboration avec les formateurs et les pairs favorise la réduction des tensions
identitaires. La collaboration avec les pairs a eu un rôle important car elle a permis
aux participants de partager leurs soucis, de découvrir d’autres façons de voir et de
se situer dans leur milieu professionnel.
- Le lien avec la pratique a souvent servi à la diminution de tensions. Par contre, dans
certaines situations, cette caractéristique peut accentuer une tension si l’apprenant
rencontre des difficultés à mettre en lien théorie et pratique.
224
L’ensemble de ces observations nous conduit à préconiser la mise en place de dispositifs
prenant en compte l’individu. La différenciation pédagogique est alors nécessaire tout
comme la mise en place de lieux d’écoute (rencontre avec les formateurs, collaboration
avec les pairs, moments de régulation).
C’est à ce prix que les apprenants vont vivre une formation permettant de réduire ou de
résoudre des tensions identitaires vécues tout en évitant au mieux d’en créer de nouvelles
s’opposant à l’apprentissage. Ce type de formation aura plus de chance de mener les
apprenants vers des apprentissages en profondeur.
PERSPECTIVES THEORIQUES
Pour terminer, nous avons comparé nos observations à certaines théories traitant de la
problématique de l’efficacité des formations. Le modèle de Cross a servi de fondement à
cette analyse exploratoire. A partir de celui-ci, nous avons ajouté le rôle des tensions
identitaires et du dispositif de formation (Figure 5.2).
Les travaux antérieurs (Bourgeois à paraître, Barbier 1996) postulent la présence de
tensions identitaires à l’origine de l’engagement en formation. A notre connaissance, peu
d’auteurs s’étaient penchés sur le rôle du dispositif de formation dans la réduction de ces
tensions ou dans l’émergence de nouvelles tensions. Notre travail a permis de mettre en
évidence plus en détail le rôle de la représentation du dispositif et en particulier de
certaines de ces dimensions. En outre, la démarche méthodologique mise en œuvre pourra
être reproduite dans le cadre d’autres recherches afin de mettre à l’épreuve nos
propositions.
Avant de conclure, nous voudrions relever les limites de notre démarche. Elles se situent
d’abord au niveau du contexte spécifique ayant servi de cadre à notre travail. De plus, il y a
eu un effet de nouveauté comme la formation se donnait pour la première fois. Finalement,
notre travail connaît les limites propres à toute recherche exploratoire.
PERSPECTIVES PRATIQUES
Au cours de notre travail, nous avons remarqué que le dispositif de formation est source de
nouvelles tensions chez la plupart de nos sujets. Cela nous incite à penser aux concepteurs
de formation. S’ils ont en tête dès la mise en place d’un dispositif que celui-ci va
forcément provoquer des tensions identitaires chez les apprenants, ils pourront peut-être
l’organiser de façon à minimiser cet effet indésirable. De plus, ils peuvent favoriser la
225
diminution des tensions ayant provoqué l’engagement en formation. Nous l’avons vu, des
moyens existent (choix, collaboration, régulation…). Faut-il encore que les concepteurs
soient convaincus que par ce biais ils favorisent un apprentissage de qualité et contribuent
à diminuer les abandons. Nous espérons que notre recherche est suffisamment
convaincante pour les aider à faire un pas dans ce sens. Pour les concepteurs déjà
convaincus, nous espérons les conforter dans leur démarche et leur fournir des données
scientifiques leur permettant de justifier leur pratique.
Il serait encore nécessaire de mieux comprendre les interactions complexes se passant
durant une formation d’adultes entre le dispositif et l’individu. Notre recherche a ouvert
une piste montrant l’importance de l’individualisation des parcours de formation. Les
caractéristiques d’un dispositif, permettant à chaque participant d’établir son propre
parcours de formation, favorisent l’apprentissage dans le sens ou chacun peut adapter le
dispositif pour qu’il réponde au mieux à ses attentes. L’apprenant va pouvoir ainsi réduire
les tensions vécues et tirer parti du dispositif. Dans ce sens, plus les dispositifs développés
à l’avenir se mettront au service de l’adulte en formation, plus notre travail de recherche
aura eu de sens.
Ce travail de recherche a été pour nous comme une série d’aventures. Le choix de la
thématique a été la première étape. Nous nous sentions concernée par la problématique des
tensions identitaires en milieu professionnel pour en avoir nous-même vécues. Mais, sur le
plan théorique, tout était à découvrir. Nous nous sommes lancée dans l’aventure. La
démarche qualitative par entretien a été notre deuxième défi. Notre but a été d’effectuer un
travail de qualité dans un souci de rigueur scientifique. Comme novice en la matière, nous
avons pu constater que rien n’est jamais aussi simple que dans les livres ! L’analyse de nos
données a été notre dernière aventure. C’était sans aucun doute la plus longue et difficile,
mais également la plus intéressante et enrichissante.
Au terme de ce travail, nous constatons qu’un dispositif de formation peut favoriser la
réduction de tensions identitaires d’adultes en formation. Pour ce faire, il doit tenir compte
de chaque apprenant. L’individualisation du parcours de formation est donc le point
essentiel mis en exergue par notre travail.
226
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230
ANNEXE
CURRICULUM VITAE
ETAT CIVIL
Nationalité : Suisse
LANGUES
EXPÉRIENCES PROFESSIONNELLES
232
FORMATION
Licence en lettres
CENTRES D’INTÉRÊTS
Sport :
- Volleyball, badminton (JS I), snowboard, natation (JS I)
Voyages découvertes :
233
FORMATION CONTINUE (FC)
gérer la différence
lire, dire et animer les contes en classe…
Je déclare sur mon honneur que j’ai accompli mon mémoire de licence seule et sans aide
extérieure non autorisée.
234