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THEATRE I FIN DE PARTIE
rideau. Il descend de Vescabeau, fait trois pas vers mètres sur trois mètres sur trois mètres, attendre
la fenêtre à gauche, retourne prendre l ’escabeau, qu’il me siffle. (Un temps). Ce sont de jolies dimen
l ’installe sous la fenêtre à gauche, monte dessus, sions, je m’appuierai à la table, je regarderai le mur,
regarde par la fenêtre. Rire bref. Il descend de l ’esca en attendant qu’il me siffle.
beau, fait un pas vers la fenêtre à droite, retoune
prendre l’escabeau, l ’installe sous la fenêtre à droite, Il reste un moment immobile. Puis il sort. Il revient
monte dessus, regarde par la fenêtre. Rire bref. Il aussitôt, va prendre l ’escabeau, sort en emportant
descend de l ’escabeau, va vers les poubelles, retourne l’escabeau. Un temps. Hamm bouge. Il bâille sous
prendre l ’escabeau, le prend, se ravise, le lâche, va aux le mouchoir. Il ôte le mouchoir de son visage. Lunettes
poubelles, enlève le drap qui les recouvre, le plie soigneu noires.
sement et le met sur le bras. Il soulève un couvercle, se H amm . — A — (bâillements) — à moi. (Un
penche et regarde dans la poubelle. Rire bref. Il rabat le temps.) De jouer. (Il tient à bout de bras le mouchoir,
couvercle. Même jeu avec l ’autre poubelle. Il va vers ouvert devant lui.) Vieux linge! (Il ôte ses lunettes,
Hamm, enlève le drap qui le recouvre, le plie soi s’essuie les yeux, le visage, essuie les lunettes, les
gneusement et le met sur le bras. En robe de chambre, remet, plie soigneusement le mouchoir et le met délica
coiffé d’une calotte en feutre, un grand mouchoir tement dans la poche du haut de sa robe de chambre.
taché de sang étalé sur le visage, un sifflet pendu au Il s’éclaircit la gorge, joint les bouts des doigts.)
cou, un plaid sur les genoux, d’épaisses chaussettes Peut-il y a — (bâillements) — y avoir misère plus...
aux pieds, Hamm semble dormir. Clov le regarde. plus haute que la mienne? Sans doute. Autrefois.
Rire bref. Il va à la porte, s’arrête, se retourne, Mais aujourd’hui? (Un temps.) Mon père? (Un
contemple la scène, se tourne vers la salle. temps.) Ma mère? (Un temps.) Mon... chien?
(Un temps.) Oh je veux bien qu’ils souffrent
C lov (regard fixe, voix blanche). — Fini, c’est autant que de tels êtres peuvent souffrir. Mais
fini, ça va finir, ça va peut-être finir. (Un temps.) est-ce dire que nos souffrances se valent? Sans
Les grains s’ajoutent aux grains, un à un, et un doute. (Un temps.) Non, tout est a — (bâille
jour, soudain, c’est un tas, un petit tas, l’impos ments) — bsolu, (fier) plus on est grand et plus
sible tas. (Un temps.) On ne peut plus me punir. on est plein. (Un temps. Morne.) Et plus on est
(Un temps.) Je m’en vais dans ma cuisine, trois vide. (Il renifle.) Clov! (Un temps.) Non, je suis
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C lov. — Alors nous mourrons. temps. Froidement.) Pardon. (Un temps. Plus fort.)
H amm . — Je te donnerai juste assez pour t’em J’ai dit, Pardon.
pêcher de mourir. T u auras tout le temps faim. C lov. — Je t’entends. (Un temps.) T u as saigné?
C lov. — Alors nous ne mourrons pas. ( Un H amm . — Moins. (Un temps.) Ce n ’est pas
temps.) Je vais chercher le drap. l’heure de mon calmant?
Il va vers la porte. C lov . — Non.
Un temps.
H amm . — Pas la peine. ( Clov s’arrête.) Je te
donnerai un biscuit par jour. (Un temps.) Un H amm . — Comment vont tes yeux?
biscuit et demi. (Un temps.) Pourquoi restes-tu C lov . — Mal.
avec moi? H amm . — Comment vont tes jambes?
C lov . — Pourquoi me gardes-tu? C lov . — Mal.
H amm . — Il n ’y a personne d’autre. H amm . — Mais tu peux bouger.
C lov. — Il n ’y a pas d’autre place. C lov . — Oui.
Un temps. H amm (avec violence). — Alors bouge! (Clov
va jusqu’au mur du fond, s’y appuie du front et des
H amm . — T u me quittes quand même.
mains.) Où es-tu?
C lov. — J ’essaie.
C lov . — Là.
H amm . — T u ne m’aimes pas.
H amm . — Reviens ! ( Clov retourne à sa place
C lov . — N on.
à côté du fauteuil. ) Où es-tu?
H amm . — Autrefois tu m’aimais.
C lov. — Là.
C lov . — Autrefois !
H amm . — Pourquoi ne me tues-tu pas?
H amm . — Je t’ai trop fait souffrir. (Un temps.)
C lov. — Je ne connais pas la combinaison du
N ’est-ce pas?
buffet.
C lov . — Ce n ’est pas ça.
Un temps.
H amm (outré). — Je ne t ’ai pas trop fait
souffrir? H amm . — Va me chercher deux roues de bicy
C lov . — Si. clette.
H amm (soulagé). — Ah! Quand même! (Un C lov. — Il n’y a plus de roues de bicyclette.
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H amm . — Chacun sa spécialité. (Un temps.) C lov . — Non. (Un temps.) Je te quitte, j’ai à
Pas de coups de téléphone? (Un temps.) On ne rit faire.
pas? H amm . — Dans ta cuisine?
C lov (ayant réfléchi). — Je n ’y tiens pas. C lov . — Oui.
H amm (ayant réfléchi).— Moi non plus. (Un H amm . — A faire quoi, je me le demande.
temps.) Clov. C lov. — Je regarde le mur.
C lov . — Oui. H amm . — Le mur! Et qu’est-ce que tu y vois,
H amm . — La nature nous a oubliés. sur ton mur? Mané, mané? Des corps nus?
C lov. — Il n ’y a plus de nature. C lov. — Je vois ma lumière qui meurt.
H amm . — Plus de nature! T u vas fort. H amm . — T a lumière qui — ! Qu’est-ce qu’il
C lov . — Dans les environs. faut entendre ! Eh bien, elle mourra tout aussi bien
H amm . — Mais nous respirons, nous changeons ! ici, ta lumière. Regarde-moi un peu et tu m’en -
Nous perdons nos cheveux, nos dents! Notre fraî diras des nouvelles, de ta lumière.
cheur! Nos idéaux!
Un temps.
C lov . — Alors elle ne nous a pas oubliés.
H amm . — Mais tu dis qu’il n’y en a plus. C lov. — T u as tort de me parler comme ça.
C lov (tristement).— Personne au monde n’a
Un temps.
jamais pensé aussi tordu que nous.
H amm . — On fait ce qu’on peut. H amm (froidement). — Pardon. (Un temps. Plus
C lov. — On a tort. fort.) J’ai dit, Pardon.
Un temps. C lov. — Je t’entends.
Un temps. Le couvercle de la poubelle de Nagg se
H amm . — T u te crois un morceau, hein?
soulève. Les mains apparaissent, accrochées au rebord.
C lov. — Mille.
Puis la tête émerge. Dans une main le biscuit. Nagg
Un temps. écoute.
Hamm. — Ça ne va pas vite. (Un temps.) Ce H amm . — Tes graines ont levé?
n’est pas l ’heure de mon calmant? C lov. — Non.
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toi. Tiens. (Il lui tend le biscuit.) Non? (Un N agg. — N on.
temps.) Ça ne va pas? N e l l . — Réfléchis bien. (Un temps.) Alors je
H amm (avec lassitude).— Mais taisez-vous, vais te laisser.
taisez-vous, vous m’empêchez de dormir. (Un N agg. — T u ne veux pas ton biscuit? (Un
temps.) Parlez plus bas. (Un temps.) Si je dormais temps.) Je te le garde. (Un temps.) Je croyais que
je ferais peut-être l’amour. J’irais dans les bois. Je tu allais me laisser.
verrais... le ciel, la terre. Je courrais. On me pour N e l l . — Je vais te laisser.
suivrait. Je m’enfuirais. (Un temps.) Nature! (Un N agg. — T u peux me gratter d’abord?
temps.) Il y a une goutte d’eau dans ma tête. (Un N e l l . — N on. (Un temps.) Où?
temps.) Un cœur, un cœur dans ma tête. N agg. — Dans le dos.
N e l l . — Non. (Un temps.) Frotte-toi contre le
Un temps.
rebord.
N agg (bas). — T u as entendu? Un cœur dans N agg. — C ’est plus bas. Dans le creux.
sa tête! N e l l . — Quel creux?
Il glousse précautionneusement. N agg. — Le creux. (Un temps.) T u ne peux
N e l l . — Il ne faut pas'rire de ces choses, Nagg. pas? (Un temps.) Hier tu m’as gratté là.
Pourquoi en ris-tu toujours? N e l l (élégiaque). — Ah hier!
N agg. — Pas si fort! N agg. — T u ne peux pas? (Un temps.) T u ne
N e l l (sans baisser la voix.). — Rien n’est plus veux pas que je te gratte, toi? (Un temps.) T u
drôle que le malheur, je te l’accorde. Mais — pleures encore?
N agg (scandalisé). — Oh ! N e l l . — J’essayais.
N e l l . — Si, si, c’est la chose la plus comique Un temps.
au monde. Et nous en rions, nous en rions, de bon
cœur, les premiers temps. Mais c’est toujours la H amm (bas). — C ’est peut-être une petite
même chose. Oui, c’est comme la bonne histoire veine.
qu’on nous raconte trop souvent, nous la trouvons Un temps.
toujours bonne, mais nous n’en rions plus. (Un N agg. — Qu’est-ce qu’il a dit?
temps.) As-tu autre chose à me dire? N e l l . — C ’est peut-être une petite veine.
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N agg. — Qu’est-ce que ça veut dire? (Un vitesse pour les fêtes du Nouvel An se rend chez
temps.) Ça ne veut rien dire. (Un temps.) Je vais son tailleur qui lui prend ses mesures. (Voix du
te raconter l’histoire du tailleur. tailleur.) « Et voilà qui est fait, revenez dans quatre
N ell. — Pourquoi? jours, il sera prêt. » Bon. Quatre jours plus tard.
N agg. — Pour te dérider. ( Voix du tailleur.) « Sorry, revenez dans huit jours,
N ell. — Elle n’est pas drôle. j’ai raté le fond. » Bon, ça va, le fond, c’est pas
N agg. — Elle t’a toujours fait rire. (Un temps.) commode. Huit jours plus tard. (Voix du tailleur.)
La première fois j’ai cru que tu allais mourir. « Désolé, revenez dans dix jours, j’ai salopé l ’entre-
N e l l . — C ’était sur le lac de Côme. (Un temps.) jambes. » Bon, d’accord, l’entre-jambes, c’est déli
Une après-midi d’avril. (Un temps.) T u peux le cat. D ix jours plus tard. ( Voix du tailleur.) « Navré,
croire? revenez dans quinze jours, j’ai bousillé la bra
N agg. — Quoi? guette. » Bon, à la rigueur, une belle braguette,
N e l l . — Que nous nous sommes promenés sur c’est calé. (Un temps. Voix normale.) Je la raconte
le lac de Côme. (Un temps.) Une après-midi mal. (Un temps. Morne.) Je raconte cette histoire
d’avril. de plus en plus mal. (Un temps. Voix de raconteur.)
N agg. — On s’était fiancés la veille. Enfin bref, de faufil en aiguille, voici Pâques
N e l l . — Fiancés ! Fleuries et il loupe les boutonnières. (Visage, puis
N agg. — T u as tellement ri que tu nous as fait voix du client.) « Goddam, sir, non, vraiment, c’est
chavirer. On aurait dû se noyer. indécent, à la fin! En six jours, vous entendez,
N e l l . — C ’était parce que je me sentais heu six jours, Dieu fit le monde. Oui monsieur, par
reuse. faitement monsieur, le m o n d e ! Et vous, vous
N agg. — Mais non, mais non, c’était mon his n’êtes pas foutu de me faire un pantalon en trois
toire. La preuve, tu en ris encore. A chaque fois. mois! » (Voix du tailleur, scandalisée.) « Mais
N e l l . — C ’était profond, profond. Et on voyait milord! Mais milord! Regardez— (geste mépri
le fond. Si blanc. Si net. sant, avec dégoût) — le monde... (un temps)... et
N agg. — Écoute-la encore. (Voix de raconteur.) regardez — (geste amoureux, avec orgueil) — mon
Un Anglais — (il prend un visage d’Anglais, reprend PANTALON ! »
le sien) — ayant besoin d’un pantalon rayé en
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Un temps. Il fixe Nell restée impassible, les yeux C lov . — Elle m’a dit de m’en aller, dans le
vagues, part d’un rire forcé et aigu, le coupe, avance désert.
la tête vers Nell, lance de nouveau son rire. H amm . — De quoi je me mêle? C ’est tout?
H amm . — Assez ! C lov . — Non.
Nagg sursaute, coupe son rire. H amm . — Et quoi encore?
C lov . — Je n’ai pas compris.
N e l l . — On voyait le fond.
H amm . — T u l’as bouclée?
H amm (excédé). — Vous n ’avez pas fini? Vous
C lov. — Oui.
n’allez donc jamais finir? ( Soudain furieux.) Ça H amm . — Ils sont bouclés tous les deux?
ne va donc jamais finir! (Nagg plonge dans la
C lov . — Oui.
poubelle, rabat le couvercle. Nell ne bouge pas.) Mais H amm . — On va condamner les couvercles. '
de quoi peuvent-ils parler, de quoi peut-on parler (Clov va vers la porte.) Ça ne presse pas. ( Clov
encore? (Frénétique.) Mon royaume pour un s’arrête.) Ma colère tombe, j’ai envie de faire pipi.
boueux! (Il siffle. Entre Clov.) Enlève-moi ces C lov . — Je vais chercher le cathéter.
ordures! Fous-les à la mer!
Il va vers la porte.
Clov va aux poubelles, s’arrête.
N e l l . — Si blanc. H amm . — Ça ne presse pas. ( Clov s’arrête.)
H amm . — Quoi? Qu’est-ce qu’elle raconte? Donne-moi mon calmant.
C lo v . — C ’est trop tôt. (Un temps.) C ’est trop
Clov se penche sur Nell, lui tâte le poignet. tôt après ton remontant, il n’agirait pas.
N e ll (bas, à Clov). — Déserte. Hamm. — L e matin on vous stimule et le soir
on vous stupéfie. A moins que ce ne soit l’inverse.
Clov lui lâche le poignet, la fait rentrer dans la
(Un temps.) Il est mort naturellement, ce vieux
poubelle, rabat le couvercle, se redresse.
médecin?
C lov (retournant à sa place à côté du fauteuil). C lov . — Il n’était pas vieux.
— Elle n’a plus de pouls. H amm . — Mais il est mort?
H amm . — Oh pour ça elle est formidable, cette C l o v .— Naturellement. (Un temps.) C ’est toi
poudre. Qu’est-ce qu’elle a baragouiné? qui m e demandes ça?
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C lov. — Ce que tout est? En un mot? C ’est H amm . — Et l’horizon? Rien à l ’horizon?
ça que tu veux savoir? Une seconde. (Il braque C lov (baissant la lunette, se tournant vers Hamm,
la lunette sur le dehors, regarde, baisse la lunette, se exaspéré). — Mais que veux-tu qu’il y ait à
tourne vers Hamm.) Mortibus. (Un temps.) Alors? l’horizon?
Content? Un temps.
H amm . — Regarde la mer.
H amm . — Les flots, comment sont les flots?
C lov. — C ’est pareil.
C lov . — Les flots? (Il braque la lunette.) Du
H amm. — Regarde l’Océan !
plomb.
Clov descend de Vescabeau, fait quelques pas vers H amm . — Et le soleil?
la fenêtre à gauche, retourne prendre l ’escabeau, C lov (regardant toujours). — Néant.
l ’installe sous la fenêtre à gauche, monte dessus, H amm . — Il devrait être en train de se coucher
braque la lunette sur le dehors, regarde longuement. pourtant. Cherche bien.
Il sursaute, baisse la lunette, l ’examine, la braque C lov (ayant cherché). — Je t’en fous.
de nouveau. H amm . — Il fait donc nuit déjà?
C lov (regardant toujours). — Non.
C lov. — Jamais vu une chose comme ça!
H amm . — Alors quoi?
H amm (inquiet). — Quoi? Une voile? Une
nageoire? Une fumée? C lov (de même) . — Il fait gris. (Baissant la
C lov (regardant toujours). — Le fanal est dans
lunette et se tournant vers Hamm, plus fort. ) Gris !
le canal. (Un temps. Encore plus fort.) G rris !
H amm (soulagé). — Pah! Il l ’était déjà. Il descend de l ’escabeau, s’approche de Hamm par
C lov (de même). — Il en restait un bout. derrière et lui parle à l ’oreille.
H amm . — La base.
C lov (de même). — Oui. H amm (sursautant). — Gris! T u as dit gris?
H amm . — Et maintenant? C lov. — Noir clair. Dans tout l ’univers.
C lov (de même). — Plus rien. H amm . — T u vas fort. (Un temps.) Ne reste
H amm . — Pas de mouettes ? pas là, tu me fais peur.
C lov (de même). — Mouettes! Clov retourne à sa place à côté du fauteuil.
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C lov. — Pourquoi cette comédie, tous les jours? ment.) Dire que tout cela n’aura peut-être pas été
H amm . — La routine. On ne sait jamais. (Un pour rien!
temps.) Cette nuit j’ai vu dans ma poitrine. Il y C lov ( avec angoisse, segrattant ). — J’ai une puce !
avait un gros bobo. H amm . — Une puce! Il y a encore des puces?
C lov. — T u as vu ton cœur. C lov (se grattant). — A moins que ce ne soit
H amm . — Non, c’était vivant. (Un temps. Avec un morpion.
angoisse.) Clov! H amm (très inquiet).— Mais à partir de là
C lov. — Oui. l’humanité pourrait se reconstituer! Attrape-la,
H amm . — Qu’est-ce qui se passe? pour l ’amour du ciel !
C lov. — Quelque chose suit son cours. C lov . — Je vais chercher la poudre.
Il sort.
Un temps.
H amm . — Une puce ! C ’est épouvantable. Quelle
H amm . — Clov! journée!
C lov (agacé). — Qu’est-ce que c’est?
Entre Clov, un carton verseur à la main.
H amm . — On n’est pas en train de... de... signi
fier quelque chose? C lov. — Je suis de retour, avec l’insecticide.
C lov. — Signifier? Nous, signifier! (Rire bref.) H amm . — Flanque-lui en plein la lampe!
Ah elle est bonne!
H amm . — Je me demande. (Un temps.) Une
Clov dégage sa chemise du pantalon, déboutonne le
intelligence, revenue sur terre, ne serait-elle pas haut de celui-ci, récarte de son ventre et verse la
tentée de se faire des idées, à force de nous obser poudre dans le trou. Il se penche, regarde, attend,
ver? (Prenant la voix de Vintelligence. ) Ah, bon, tressaille, reverse frénétiquement de la poudre, se
je vois ce que c’est, oui, je vois ce qu’ils font! penche, regarde, attend.
( Clov sursaute, lâche la lunette et commence à se C lov. — La vache !
gratter le bas-ventre des deux mains. Voix normale.) H amm . — T u l’as eue?
Et même sans aller jusque-là, nous-mêmes... (avec C lov. — On dirait. (Il lâche le carton et arrange
émotion)... nous-mêmes... par moments... (Véhé ses vêtements.) A moins qu’elle ne se tienne coïte.
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H amm . — Coïte ! Coite, tu veux dire. A moins C lov (avec violence). — Non !
qu’elle ne se tienne coite.
C lov. — Ah! On dit coite? On ne dit pas coïte? Il va vers la porte.
H amm . — Mais voyons ! Si elle se tenait coïte H amm . — Attends! (Clov s’arrête.) Comment
nous serions baisés. vont tes yeux?
Un temps. C lov . — Mal.
C lov. — Et ce pipi? H amm . — Mais tu vois.
H amm . — Ça se fait. C lov . — Suffisamment.
C lov. — Ah ça c ’est bien, ça c ’est bien. H amm . — Comment vont tes jambes?
Un temps. C lov . — Mal.
H amm . — Mais tu marches.
H amm (avec élan). — Allons-nous-en tous les
C lov. — Je vais, je viens.
deux, vers le sud! Sur la mer! T u nous feras un
H amm . — Dans ma maison. (Un temps. Prophé
radeau. Les courants nous emporteront, loin, vers
tique et avec volupté.) Un jour tu seras aveugle.
d’autres... mammifères !
Comme moi. T u seras assis quelque part, petit
C lov. — Parle pas de malheur.
plein perdu dans le vide, pour toujours, dans le
H amm . — Seul, je m’embarquerai seul! Prépare-
noir. Comme moi. (Un temps.) Un jour tu te
moi ce radeau immédiatement. Demain je serai
loin. diras, Je suis fatigué, je vais m’asseoir, et tu iras
t’asseoir. Puis tu te diras, J’ai faim, je vais me
C lov (se précipitant vers la porte). — Je m ’y
mets tout de suite. lever et me faire à manger. Mais tu ne te lèveras
pas. T u te diras, J’ai eu tort de m’asseoir, mais
H amm. — Attends! (Clov s’arrête.) T u crois
qu’il y aura des squales? puisque je me suis assis je vais rester assis encore
un peu, puis je me lèverai et je me ferai à man
C lov. — Des squales? Je ne sais pas. S’il y en
a il y en aura. der. Mais tu ne te lèveras pas et tu ne te feras pas
manger. (Un temps.) T u regarderas le mur un
Il va vers la porte.
peu, puis tu te diras, Je vais fermer les yeux, peut-
H amm. — Attends! (Clov s’arrête.) Ce n’est être dormir un peu, après ça ira mieux, et tu les
pas encore l ’heure de mon calmant? Ic-rmeras. Et quand tu les rouvriras il n’y aura plus
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de mur. (Un temps.) L ’infini du vide sera autour H amm . — T u n’as qu’à nous achever. (Un
de toi, tous les morts de tous les temps ressuscités temps.) Je te donne la combinaison du buffet si tu
ne le combleraient pas, tu y seras comme un petit jures de m’achever.
gravier au milieu de la steppe. (Un temps.) Oui, C lov . — Je ne pourrais pas t’achever.
un jour tu sauras ce que c’est, tu seras comme moi, H amm . — Alors tu ne m’achèveras pas.
sauf que toi tu n ’auras personne, parce que tu
n’auras eu pitié de personne et qu’il n’y aura plus Un temps.
personne de qui avoir pitié. C lov . — Je te quitte, j’ai à faire.
Un temps. H amm . — T u te souviens de ton arrivée ici?
C lov. — Non. Trop petit, tu m’as dit.
C lov . — Ce n’est pas dit. (Un temps.) Et puis H amm . — T u te souviens de ton père?
tu oublies une chose. C lo v (avec lassitude). — Même réplique. (Un
H amm . — Ah. temps.) T u m’as posé ces questions des millions
C lov . — Je ne peux pas m’asseoir. de fois.
H amm (impatient). — Eh bien, tu te coucheras, H amm . — J’aime les vieilles questions. (Avec
tu parles d’une affaire. Ou tu t’arrêteras, tout sim élan.) Ah les vieilles questions, les vieilles réponses,
plement, tu resteras debout, comme maintenant. il n’y a que ça! (Un temps.) C ’est moi qui t’ai
Un jour tu te diras, Je suis fatigué, je vais m’arrê servi de père.
ter. Qu’importe la posture! C lov . — Oui. (Il le regarde fixement.) C ’est toi
Un temps. qui m ’as servi de cela.
C lov. — Vous voulez donc tous que je vous H amm . — Ma maison qui t’a servi de home.
quitte? C lov. — Oui. (Long regard circulaire.) Ceci m ’a
H amm . — Bien sûr. servi de cela.
C lov. — Alors je vous quitterai. H amm (fièrement). — Sans moi (geste vers soi),
H amm . — T u ne peux pas nous quitter. pas de père. Sans Hamm (geste circulaire), pas de
C lov. — Alors je ne vous quitterai pas. home.
Un temps.
Un temps. C lov . — Je te quitte.
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H amm . — As-tu jamais pensé à une chose? H amm . — Comment presque? Il est blanc ou il
C lov . — Jamais. ne l ’est pas?
H amm . — Qu’ici nous sommes dans un trou. C lov . — Il ne l’est pas.
(Un temps.) Mais derrière la montagne? Hein? Si Un temps.
c’était encore vert? Hein? (Un temps.) Flore! H amm . — T u as oublié le sexe.
Pomone! (U n temps. Avec extase.) Cérès! (Un C lov (vexé). — Mais il n’est pas fini. Le sexe
temps.) T u n’auras peut-être pas besoin d’aller se met en dernier.
loin. Un temps.
C lov. — Je ne peux pas aller loin. (Un temps.)
H amm . — T u n’as pas mis son ruban.
Je te quitte.
C lov (avec colère). — Mais il n’est pas fini, je
H amm . — Mon chien est prêt?
C lov. — Il lui manque une patte.
te dis ! On finit son chien d’abord, puis on lui met
H amm . — Il est soyeux? son ruban!
Un temps.
C lov . — C ’est le genre loulou.
H amm . — Va le chercher. H amm . — Est-ce qu’il tient debout?
C lov. — Il lui manque une patte. C lov . — Je ne sais pas.
H amm . — Va le chercher! (Clov sort.) Ça H amm . — Essaie. (Il rend le chien à Clov qui le
avance. pose sur le sol.) Alors?
C lov . — Attends.
Il sort son mouchoir, s’en essuie le visage sans le
déplier, le remet dans sa poche. Entre Clov, tenant Accroupi il essaie de faire tenir le chien debout, n’y
par une de ses trois pattes un chien noir en peluche. arrive pas, le lâche. Le chien tombe sur le flanc.
C lov. — Tes chiens sont là. H amm . — Alors quoi?
C lov . — Il tient.
Il donne le chien à Hamm qui l ’assied sur ses H amm (tâtonnant). — Où? Où est-il?
genoux, le palpe, le caresse.
Clov remet le chien debout et le maintient.
H amm. — Il est blanc, n’est-ce pas?
C lov. — Presque. C lov . — Là.
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Il prend la main de Hamm et la guide vers la tête C lov . — Enterrée! Qui veux-tu qui l ’enterre?
du chien. H amm . — Toi.
H amm (la main sur la tête du chien). — Il me C lov . — Moi ! Je n’ai pas assez à faire sans
regarde? enterrer les gens?
C lov . — Oui. H amm . — Mais moi tu m’enterreras.
H amm (fier). — Comme s’il me demandait C lov. — Mais non je ne t’enterrerai pas !
d’aller promener. Un temps.
C lov . — Si l’on veut.
H amm . — Elle était jolie, autrefois, comme un
H amm (de même). — Ou comme s’il me deman
cœur. Et pas farouche pour un liard.
dait un os. (Il retire sa main.) Laisse-le comme ça,
C lov. — Nous aussi on était jolis — autrefois.
en train de m’implorer.
Il est rare qu’on ne soit pas joli — autrefois.
Clov se redresse. Le chien retombe sur le flanc.
Un temps.
C lov. — Je te quitte. H amm . — Va me chercher la gaffe.
H amm . — T u as eu tes visions?
Clov va à la porte, s’arrête.
C lov . — Moins.
H amm . — Il y a de la lumière chez la mère C lov. — Fais ceci, fais cela, et je le fais. Je ne
Pegg? refuse jamais. Pourquoi?
C lov . — De la lumière! Comment veux-tu qu’il H amm . — T u ne peux pas.
y ait de la lumière chez quelqu’un? C lov . — Bientôt je ne le ferai plus.
H amm. — Alors elle s’est éteinte. H amm . — T u ne pourras plus. ( Clov sort.) Ah
C lov. — Mais bien sûr qu’elle s’est éteinte! S’il les gens, les gens, il faut tout leur expliquer.
n’y en a plus c’est qu’elle s’est éteinte. Entre Clov, la gaffe à la main.
H amm . — Non, je veux dire la mère Pegg.
C lov. — Mais bien sûr qu’elle s’est éteinte ! C lov. — Voilà ta gaffe. Avale-la.
Qu’est-ce que tu as aujourd’hui? Il donne la gaffe à Hamm qui s’efforce, en prenant
H amm . — Je suis mon cours. (Un temps.) On appui dessus, à droite, à gauche, devant lui, de
l’a enterrée? déplacer le fauteuil.
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THEATRE I FIN DE PARTIE
H amm . — Est-ce que j’avance? H amm . — Oh c’est loin, loin. T u n’étais pas
C lov. — N on. encore de ce monde.
C lov. — La belle époque !
Hamm jette la gaffe.
Un temps. Hamm soulève sa calotte.
H amm . — Va chercher la burette.
C lov. — Pour quoi faire? H amm . — Je l’aimais bien. (Un temps. Il remet
H amm . — Pour graisser les roulettes. sa calotte. Un temps.) Il faisait de la peinture.
C lov. — Je les ai graissées hier. C lov . — Il y a tant de choses terribles.
H amm . — Hier! Qu’est-ce que ça veut dire? H amm . — Non non, il n’y en a plus tellement.
Hier! (Un temps.) Clov.
C lov (avec violence). — Ça veut dire il y a un C lov . — Oui.
foutu bout de misère. J’emploie les mots que tu H amm . — T u ne penses pas que ça a assez duré?
m’as appris. S’ils ne veulent plus rien dire C lov . — Si! (Un temps.) Quoi?
apprends-m’en d’autres. Ou laisse-moi me taire. H amm . — Ce... cette... chose.
C lov . — Je l’ai toujours pensé. (Un temps.)
Un temps. Pas toi?
H amm . — J’ai connu un fou qui croyait que la H amm (morne). — Alors c’est une journée
fin du monde était arrivée. Il faisait de la peinture. comme les autres.
Je l’aimais bien. J’allais le voir, à l ’asile. Je le C lov . — Tant qu’elle dure. (Un temps.) Toute
prenais par la main et le tramais devant la fenêtre. la vie les mêmes inepties.
Un temps.
Mais regarde! Là! Tout ce blé qui lève! Et là!
Regarde! Les voiles des sardiniers! Toute cette H amm . — Moi je ne peux pas te quitter.
beauté! (Un temps.) Il m’arrachait sa main et C lov . — Je sais. Et tu ne peux pas me suivre.
retournait dans son coin. Épouvanté. Il n’avait vu Un temps.
que des cendres. (Un temps.) Lui seul avait été
épargné. (Un temps.) Oublié. (Un temps.) Il paraît H amm . — Si tu me quittes comment le saurai-
que le cas n’est... n’était pas si... si rare. je? .
C lov. — Un fou? Quand cela? C lov (avec animation). — Eh bien tu me siffles
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THÉÂTRE I FIN DE PARTIE
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THÉÂTRE I FIN DE PARTIE
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THÉÂTRE I FIN DE PARTIE
petite veine. (Un temps.) Une petite artère. (Un la... chez les morts. (Ton normal.) Joli ça. (Ton
temps. Plus animé.) Allons, c’est l ’heure, où en de narrateur.) Allons, allons, présentez votre sup
étais-je? (Un temps. Ton de narrateur.) L ’homme plique, mille soins m’appellent. (Ton normal.) Ça
s’approcha lentement, en se traînant sur le ventre. c’est du français! Enfin. (Ton de narrateur.) Ce fut
D ’une pâleur et d’une maigreur admirables il alors qu’il prit sa résolution. C ’est mon enfant,
paraissait sur le point d e — (Un temps. Ton nor dit-il. Aïeaïeaïe, un enfant, voilà qui est fââcheux.
mal.) Non, ça je l ’ai fait. (Un temps. Ton de narra Mon petit, dit-il, comme si le sexe avait de l’impor
teur.) Un long silence se fit entendre. (Ton tance. D ’où sortait-il? Il me nomma le trou. Une
normal.) Joli ça. (Ton de narrateur.) Je bourrai bonne demi-journée, à cheval. N ’allez pas me
tranquillement ma pipe — en magnésite, l ’allumai raconter qu’il y a encore de la population là-bas.
avec une... mettons une suédoise, en tirai quelques Tout de même! Non, non, personne, sauf lui, et
bouffées. Aah! (Un temps.) Allons, je vous écoute. l’enfant — en supposant qu’il existât. Bon bon. Je
(Un temps.) Il faisait ce jour-là, je m’en souviens, m’enquis de la situation à Kov, de l’autre côté du
un froid extraordinairement vif, zéro au thermo détroit. Plus un chat. Bon bon. Et vous voulez me
mètre. Mais comme nous étions la veille de Noël faire croire que vous avez laissé votre enfant là-bas,
cela n’avait rien de... d’extraordinaire. Un temps tout seul, et vivant par-dessus le marché? Allons!
de saison, comme cela vous arrive. (Un temps.) (Un temps.) Il faisait ce jour-là, je m’en souviens,
Allons, quel sale vent vous amène? Il leva vers un vent cinglant, cent à l’anémomètre. Il arrachait
moi son visage tout noir de saleté et de larmes les pins morts et les emportait... au loin. (Ton
mêlées. (Un temps. Ton normal.) Ça va aller. (Ton normal.) Un peu faible ça. (Ton de narrateur.)
de narrateur.) Non, non, ne me regardez pas, ne Allons, allons, qu’est-ce que vous me voulez à la
me regardez pas! Il baissa les yeux, en marmottant, fin, je dois allumer mon sapin. (Un temps.) Enfin
des excuses sans doute. (Un temps.) Je suis assez bref je finis par comprendre qu’il me voulait du
occupé, vous savez, les préparatifs de fête. (Un pain pour son enfant. D u pain ! Un gueux, comme
temps. Avec force.) Mais quel est donc l’objet de d’habitude. Du pain? Mais je n’ai pas de pain, je
cette invasion? (Un temps.) Il faisait ce jour-là, ne le digère pas. Bon. Alors du blé? (Un temps.
je me rappelle, un soleil vraiment splendide, cin Ton normal.) Ça va aller. (Ton de narrateur.) Du
quante à l’héliomètre, mais il plongeait déjà, dans blé, j’en ai, il est vrai, dans mes greniers. Mais
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THÉÂTRE I FIN DE PARTIE
réfléchissez, réfléchissez. Je vous donne du blé, un — s’il vivait encore. (Un temps.) C ’était l’instant
kilo, un kilo et demi, vous le rapportez à votre que j’attendais. (Un temps.) Si je consentirais à
enfant et vous lui en faites — s’il vit encore — une recueillir l’enfant. (Un temps.) Je le revois, à
bonne bouillie (Nagg réagit), une bonne bouillie genoux, les mains appuyées au sol, me fixant de
et demie, bien nourrissante. Bon. Il reprend ses ses yeux déments, malgré ce que je venais de lui
couleurs — peut-être. Et puis? (Un temps.) Je me signifier à ce propos. (Un temps. Ton normal.)
fââchai. Mais réfléchissez, réfléchissez, vous êtes Suffit pour aujourd’hui. (Un temps.) Je n’en ai
sur terre, c’est sans remède! (Un temps.) Il faisait plus pour longtemps avec cette histoire. (Un
ce jour-là, je me rappelle, un temps excessivement temps.) A moins d’introduire d’autres personnages.
sec, zéro à l’hygromètre. L e rêve, pour mes rhuma (Un temps.) Mais où les trouver? (Un temps.)
tismes. (Un temps. Avec emportement.) Mais enfin Où les chercher? (Un temps. Il siffle. Entre Clov.)
quel est votre espoir? Que la terre renaisse au Prions Dieu.
printemps? Que la mer et les rivières redeviennent N agg. — Ma dragée!
poissonneuses? Qu’il y ait encore de la manne au C lov. — Il y a un rat dans la cuisine.
ciel pour des imbéciles comme vous? (Un temps.) H amm . — Un rat! Il y a encore des rats?
Peu à peu je m’apaisai, enfin suffisamment pour C lov . — Dans la cuisine il y en a un.
lui demander combien de temps il avait mis pour H amm . — Et tu ne l’as pas exterminé?
venir. Trois jours pleins. Dans quel état il avait C lov. — A moitié. T u nous as dérangés.
laissé l’enfant. Plongé dans le sommeil. (Avec H amm . — Il ne peut pas se sauver?
force.) Mais dans quel sommeil, dans quel sommeil C lov. — Non.
déjà? (Un temps.) Enfin bref je lui proposai H amm . — T u l ’achèveras tout à l’heure. Prions
d’entrer à mon service. Il m’avait remué. Et puis Dieu.
je m’imaginais déjà n’en avoir plus pour longtemps. C lov . — Encore?
(Il rit. Un temps.) Alors? (Un temps.) Alors? N agg. — Ma dragée!
(Un temps.) Ici en faisant attention vous pourriez H amm . — Dieu d’abord! (Un temps.) Vous y
mourir de votre belle mort, les pieds au sec. (Un êtes?
temps.) Alors? (Un temps.) Il finit par me deman C lov ( résigné). — Allons-y.
der si je consentirais à recueillir l ’enfant aussi H amm (à Nagg). — Et toi?
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THÉÂTRE I FIN DE PARTIE
N agg (joignant les mains, fermant les yeux, débit Ce n’était pas indispensable, tu n’avais pas vrai
précipité). — Notre père qui êtes aux... ment besoin que je t’écoute. D ’ailleurs je ne t’ai
H amm . — Silence! En silence! Un peu de tenue! pas écouté. (Un temps.) J’espère que le jour viendra
Allons-y. (Attitudes de prière. Silence. Se découra où tu auras vraiment besoin que je t ’écoute, et
geant le premier.) Alors? besoin d’entendre ma voix, une voix. (Un temps.)
C lov (rouvrant les yeux). Je t’en fous! Et toi? Oui, j’espère que je vivrai jusque-là, pour t’en
H amm . — Bernique! (A Nagg.) Et toi? tendre m’appeler comme lorsque tu étais tout petit,
N agg. — Attends. (Un temps. Rouvrant les et avais peur, dans la nuit, et que j’étais ton seul
yeux.) Macache! espoir. ( Un temps. Nagg frappe sur le couvercle de
H amm . — Le salaud! Il n’existe pas ! la poubelle de Nell. Un temps.) Nell! (Un temps.
C lov. — Pas encore. Il frappe plus fort.) Nell !
N agg. — Ma dragée! Un temps. Nagg rentre dans sa poubelle, rabat
H amm . — Il n ’y a plus de dragées. le couvercle. Un temps.
H amm . — Finie la rigolade. (Il cherche en tâton
Un temps. nant le chien.) L e chien est parti.
N agg. — C ’est normal. Après tout je suis ton C lov. — Ce n ’est pas un vrai chien, il ne peut
père. Il est vrai que si ce n’avait pas été moi pas partir.
ç’aurait été un autre. Mais ce n’est pas une excuse. H amm (tâtonnant). — Il n’est pas là.
(Un temps.) Le rahat-loukoum, par exemple, qui C lov . — Il s’est couché.
n’existe plus, nous le savons bien, je l ’aime plus H amm . — Donne-le. ( Clov ramasse le chien et
que tout au monde. Et un jour je t’en demanderai, le donne à Hamm. Hamm le tient dans ses bras. Un
en contrepartie d’une complaisance, et tu m’en temps. Hamm jette le chien.) Sale bête! (Clov
promettras. Il faut vivre avec son temps. (Un commence à ramasser les objets par terre.) Qu’est-ce
temps.) Qui appelais-tu, quand tu étais tout petit que tu fais?
et avais peur, dans la nuit? T a mère? Non. Moi. C lov. — De l ’ordre. (Il se redresse. Avec élan.)
On te laissait crier. Puis on t’éloigna, pour pouvoir Je vais tout débarrasser!
dormir. (Un temps.) Je dormais, j’étais comme un Il se remet à ramasser.
roi, et tu m’as fait réveiller pour que je t ’écoute. H amm . — De l ’ordre !
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THÉÂTRE I FIN DE PARTIE
C lov (se redressant). — J’aime l ’ordre. C ’est avancée. (Un temps.) Demande-moi où j’en suis.
mon rêve. Un monde où tout serait silencieux et C lov. — Oh, à propos, ton histoire?
immobile et chaque chose à sa place dernière, sous H amm (très surpris). — Quelle histoire?
la dernière poussière. C lov. — Celle que tu te racontes depuis tou
Il se remet à ramasser. jours.
H amm . — Ah tu veux dire mon roman?
H amm (exaspéré). — Mais qu’est-ce que tu C lov. — Voilà.
fabriques?
C lov (se redressant, doucement). — J’essaie de
Un temps.
fabriquer un peu d’ordre. H amm (avec colère). — Mais pousse plus loin,
H amm. — Laisse tomber. bon sang, pousse plus loin!
Clov laisse tomber les objets qu’il vient de ramasser. C lov. — T u l ’as bien avancée, j’espère.
H amm (modeste). — Oh pas de beaucoup, pas
C lov. — Après tout, là ou ailleurs. de beaucoup. (Il soupire.) Il y a des jours comme
Il va vers la porte. ça, on n’est pas en verve. (Un temps.) Il faut
attendre que ça vienne. (Un temps.) Jamais forcer,
H amm (agacé). — Qu’est-ce qu’ils ont, tes jamais forcer, c’est fatal. (Un temps.) Je l ’ai
pieds? néanmoins avancée un peu. (Un temps.) Lorsqu’on
C lov. — Mes pieds? a du métier, n’est-ce pas? (Un temps. Avec
H amm . — On dirait un régiment de dragons. force.) Je dis que je l’ai néanmoins avancée un peu.
C lov. — J’ai dû mettre mes brodequins. C lov (admiratif). — Ça alors! T u as quand
H amm . — Tes babouches te faisaient mal? même pu l ’avancer !
Un temps. H amm (modeste). — Oh tu sais, pas de beau
C lov . — Je te quitte. coup, pas de beaucoup, mais tout de même, mieux
H amm . — Non ! que rien.
C lov. — A quoi est-ce que je sers? C lov . — Mieux que rien! Ça alors tu m’épates.
H amm . — A me donner la réplique. (Un temps.) H amm . — Je vais te raconter. Il vient à plat
J’ai avancé mon histoire. (Un temps.) Je l ’ai bien ventre —
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THÉÂTRE I FIN DE PARTIE
H amm . — Je veux entendre la mer. là, tu me fais peur. ( Clov retourne à sa place à
C lov. — T u ne l’entendrais pas. côté du fauteuil. ) Père! (Un temps. Plus fort.) Père!
H amm . — Même si tu ouvrais la fenêtre? (Un temps.) Va voir s’il a entendu.
C lov . — N on.
Clov va à la poubelle de Nagg, soulève le cou
H amm . — Alors ce n’est pas la peine de l ’ouvrir? vercle, se penche dessus. Mots confus. Clov se redresse.
C lov . — N on.
H amm (avec violence). — Alors ouvre-là! (Clov C lov. — Oui.
monte sur Vescabeau, ouvre la fenêtre. Un temps.) H amm . — Les deux fois?
T u l ’as ouverte? Clov se penche. Mots confus. Clov se redresse.
C lov . — Oui.
Un temps. C lov. — Une seule.
H amm . — La première ou la seconde?
H amm . — T u me jures que tu l ’as ouverte?
C lov . — Oui. Clov se penche. Mots confus. Clov se redresse.
Un temps. C lov. — D ne sait pas.
H amm . — Eh ben... (Un temps.) Elle doit être H amm . — Ça doit être la seconde.
très calme. (Un temps. Avec violence.) Je te C lov. — On ne peut pas savoir.
demande si elle est très calme! Clov rabat le couvercle.
C lov. — Oui.
H amm . — C ’est parce qu’il n ’y a plus de navi H amm . — Il pleure toujours?
gateurs. (Un temps.) T u n ’as plus beaucoup de C lov . — N on.
conversation tout à coup. (Un temps.) Ça ne va H amm . — Pauvres morts! (Un temps.) Qu’est-ce
pas? qu’il fait?
C lov . — J’ai froid. C lov. — Il suce son biscuit.
H amm . — On est quel mois? (Un temps.) H amm . — La vie continue. (Clov retourne à sa
Ferme la fenêtre, on rentre. ( Clov ferme la fenêtre, place à côté du fauteuil.) Donne-moi un plaid, je
descend de Vescabeau, ramène le fauteuil à sa place, gèle.
reste derrière le fauteuil, tête baissée.) Ne reste pas C lov . — Il n’y a plus de plaids.
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THEATRE I FIN DE PARTIE
fois, trois fois, au cas où ils n’auraient pas entendu, C lov . — Il n’a pas besoin d’aller loin.
à la première, ou à la seconde. (Un temps.) Je me
dirai, Il reviendra. (Un temps.) Et puis? (Un Un temps.
temps.) Et puis? (Un temps.) Il n’a pas pu, il est H amm . — Ce n’est pas l ’heure de mon calmant?
allé trop loin. (Un temps.) Et puis? (Un temps. C lov. — Si.
Très agité.) Toutes sortes de fantaisies! Qu’on me H amm . — Ah! Enfin! Donne vite!
surveille! Un rat! Des pas! Des yeux! L e souffle C lov . — Il n’y a plus de calmant.
qu’on retient et puis... (il expire). Puis parler, vite, Un temps.
des mots, comme l ’enfant solitaire qui se met en
H amm (épouvanté). — Mon... ! (Un temps.)
plusieurs, deux, trois, pour être ensemble, et par
Plus de calmant!
ler ensemble, dans la nuit. (Un temps.) Instants
C lov. — Plus de calmant. T u n’auras jamais
sur instants, plouff, ploufF, comme les grains de
plus de calmant.
mil de... (il cherche)... ce vieux Grec, et toute la
vie on attend que ça vous fasse une vie. (Un Un temps.
temps. Il veut reprendre, y renonce. Un temps.) Ah H amm . — Mais la petite boîte ronde. Elle était
y être, y être! (Il siffle. Entre Clov, le réveil à la pleine !
main. Il s’arrête à côté du fauteuil.) Tiens! Ni C lov . — Oui, mais maintenant elle est vide.
loin ni mort?
C lov. — En esprit seulement.
Un temps. Clov commence à tourner dans la pièce.
H amm . — Lequel?
Il cherche un endroit où poser le réveil.
C lov. — Les deux. H amm (bas). — Qu’est-ce que je vais faire. (Un
H amm . — Loin tu serais mort. temps. Hurlant.) Qu’est-ce que je vais faire? ( Clov
C lov. — Et inversement. avise le tableau, le décroche, l ’appuie par terre tou
H amm (fièrement). — Loin de moi c’est la mort. jours retourné contre le mur, accroche le réveil à sa
(Un temps.) Et ce rat? place.) Qu’est-ce que tu fais?
C lov . — Il s’est sauvé. C lov . — Trois petits tours.
H amm . — Il n ’ira pas loin. (Un temps. Inquiet.) Un temps.
H ein? H amm . — Regarde la terre.
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FIN DE PARTIE
THEATRE I
T u sais ce qui s’est passé, toi? (Un temps.) Clov! en l ’air, les poings fermés. Il perd l ’équilibre, s’accroche
C lov (se tournant vers Hamm, exaspéré). — T u à l ’escabeau. Il descend quelques marches, s’arrête.
veux que je regarde cette ordure, oui ou non?
C lov . — Il y a une chose qui me dépasse. (Il
H amm . — Réponds d’abord.
descend jusqu’au sol, s’arrête.) Pourquoi je t ’obéis
C lov. — Quoi?
toujours. Peux-tu m’expliquer ça?
H amm . — T u sais ce qui s’est passé?
H amm . — Non... C ’est peut-être de la pitié.
C lov. — Où? Quand?
(Un temps.) Une sorte de grande pitié. (Un temps.)
H amm (avec violence). — Quand! Ce qui s’est
Oh tu auras du mal, tu auras du mal.
passé! T u ne comprends pas? Qu’est-ce qui s’est
passé? Un temps. Clov commence à tourner dans la pièce.
C lov. — Qu’est-ce que ça peut foutre? Il cherche la lunette.
Il se retourne vers la fenêtre. C lov . — Je suis las de nos histoires, très las.
H amm . — Moi je ne sais pas. (Il cherche.) T u n’es pas assis dessus?
Un temps. Clov se tourne vers Hamm.
Il déplace le fauteuil, regarde à l ’endroit qui était
C lov (durement). — Quand la mère Pegg te caché, se remet à chercher.
demandait de l ’huile pour sa lampe et que tu l ’en
voyais paître, à ce moment-là tu savais ce qui se H amm (angoissé). — Ne me laisse pas là! ( Clov
passait, non? (Un temps.) T u sais de quoi elle est remet rageusement le fauteuil à sa place, se remet à
morte, la mère Pegg? D ’obscurité. chercher. Faiblement.) Je suis bien au centre?
H amm (faiblement). — Je n’en avais pas. C lov . — Il faudrait un microscope pour trouver
C lov (de même). — Si, tu en avais ! ce — (Il voit la lunette.) Ah tout de même!
Un temps. Il ramasse la lunette, va à l ’escabeau, monte dessus,
H amm . — T u as la lunette? braque la lunette sur le dehors.
C lov. — N on. C ’est assez gros com m e ça.
H amm . — Donne-moi le chien.
H amm . — Va la chercher.
C lov (regardant). — Tais-toi.
Un temps. Clov lève les yeux au ciel et les bras H amm (plus fort). — Donne-moi le chien!
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THÉÂTRE I FIN DE PARTIE
Clov laisse tomber la lunette, se prend la tête entre C lov (baissant la lunette, se tournant vers Hamm).
les mains. Un temps. Il descend précipitamment de — Quoi? (Un temps.) C ’est pour moi que tu dis
Vescabeau, cherche le chien, le trouve, le ramasse, se ça?
précipite vers Hamm et lui en assène un grand coup H amm (avec colère). — Un aparté! Con! C ’est
sur le crâne. la première fois que tu entends un aparté? (Un
temps.) J’amorce mon dernier soliloque.
C lov . — Voilà ton chien! C lov . — Je te préviens. Je vais regarder cette
Le chien tombe par terre. Un temps. dégoûtation puisque tu l’ordonnes. Mais c’est
bien la dernière fois. (Il braque la lunette.) Voyons
H amm . — Il m’a frappé. voir... (Ilpromène la lunette.) Rien... rien... bien...
C lov . — T u me rends enragé, je suis enragé! très bien... rien... p a rf— (Il sursaute, baisse la
H amm . — Si tu dois me frapper, frappe-moi lunette, l ’examine, la braque de nouveau. Un temps.)
avec la masse. (Un temps.) Ou avec la gaffe, tiens, Aïeaïeaïe !
frappe-moi avec la gaffe. Pas avec le chien. Avec H amm . — Encore des complications ! ( Clov des
la gaffe. Ou avec la masse. cend de Vescabeau.) Pourvu que ça ne rebondisse
pas!
Clov ramasse le chien et le donne à Hamm qui le
prend dans ses bras. Clov rapproche Vescabeau de la fenêtre, monte
dessus, braque la lunette. Un temps.
C lov (implorant). — Cessons de jouer!
H amm . — Jamais! (Un temps.) Mets-moi dans C lov . — Aïeaïeaïe !
mon cercueil. H amm . — C ’est une feuille? Une fleur? Une
C lov. — Il n’y a plus de cercueils. toma — (il bâille) — te?
H amm . — Alors que ça finisse ! ( Clov va vers C lov (regardant). — Je t’en foutrai des tomates !
Vescabeau. Avec violence.) Et que ça saute! (Clov Quelqu’un ! C ’est quelqu’un !
monte sur Vescabeau, s’arrête, descend, cherche la H amm . — Eh bien, va l’exterminer. ( Clov des
lunette, la ramasse, remonte sur Vescabeau, lève la cend de Vescabeau.) Quelqu’un! (Vibrant.) Fais
lunette.) D ’obscurité! Et moi? Est-ce qu’on m’a ton devoir! (Clov se précipite vers la porte.)
jamais pardonné, à moi? Non, pas la peine. (Clov s’arrête.) Quelle distance?
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THEATRE I FIN DE PARTIE
Clov retourne à Vescabeau, monte dessus, braque H amm . — Il est peut-être mort.
la lunette. C lov . — Je vais y aller. (Il descend de Vescabeau,
C lov . — Soixante... quatorze mètres. jette la lunette, va vers la porte, s’arrête.) Je prends
H amm . — Approchant? S’éloignant? la gaffe.
C lov (regardant toujours). — Immobile. Il cherche la gaffe, la ramasse, va vers la porte.
H amm . — Sexe?
H amm . — Pas la peine.
C lov. — Quelle importance? (Il ouvre la fenêtre,
se penche dehors. Un temps. Il se redresse, baisse Clov s’arrête.
la lunette, se tourne vers Hamm. Avec effroi.) On C lov . — Pas la peine? Un procréateur en puis
dirait un môme. sance?
H amm . — Occupation? H amm . — S’il existe il viendra ici ou il mourra
C lov . — Quoi? là. Et s’il n’existe pas ce n’est pas la peine.
H amm (avec violence). — Qu’est-ce qu’il fait?
Un temps.
C lov (de même). — Je ne sais pas ce qu’il fait!
Ce que faisaient les mômes. (Il braque la lunette. C lov . — T u ne me crois pas? T u crois que
Un temps. Il baisse la lunette, se tourne vers Hamm.) j’invente?
Il a l’air assis par terre, adossé à quelque chose. Un temps.
H amm . — La pierre levée. (Un temps.) T a vue H amm . — C ’est fini, Clov, nous avons fini. Je
s’améliore. (Un temps.) Il regarde la maison sans n’ai plus besoin de toi.
doute, avec les yeux de Moïse mourant.
Un temps.
C lov . — N on.
C lov . — Ça tombe bien.
H amm . — Qu’est-ce qu’il regarde?
I l va vers la porte.
C lov (avec violence). — Je ne sais pas ce qu’il
regarde! (Il braque la lunette. Un temps. Il baisse H amm . — Laisse-moi la gaffe.
la lunette, se tourne vers Hamm.) Son nombril. Clov lui donne la gaffe, va vers la porte, s’arrête,
Enfin par là. (Un temps.) Pourquoi tout cet inter regarde le réveil, le décroche, cherche des yeux une
rogatoire? meilleure place, va à l ’escabeau, pose le réveil sur
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THÉÂTRE I FIN DE PARTIE
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THÉÂTRE I FIN DE PARTIE
demande aux mots qui restent — sommeil, réveil, entre Clov. Panama, veston de tweed, imperméable
soir, matin. Ils ne savent rien dire. (Un temps.) sur le bras, parapluie, valise. Près de la porte, impas
J’ouvre la porte du cabanon et m ’en vais. Je suis sible, les yeux fixés sur Hamm, Clov reste immobile
si voûté que je ne vois que mes pieds, si j’ouvre jusqu’à la fin. Hamm renonce.) Bon. (Un temps.)
les yeux, et entre mes jambes un peu de poussière Jeter. (Il jette la gaffe, veut jeter le chien, se ravise.)
noirâtre. Je me dis que la terre s’est éteinte, quoique Pas plus haut que le cul. (Un temps.) Et puis?
je ne l ’aie jamais vue allumée. (Un temps.) Ça va (Un temps.) Enlever. (Il enlève sa calotte.) Paix
tout seul. (Un temps.) Quand je tomberai je pleure à nos... fesses. (Un temps.) Et remettre. (Il remet
rai de bonheur. sa calotte.) Égalité. ( Un temps. Il enlève ses lunettes.)
Un temps. Il va vers la porte. Essuyer. (Il sort son mouchoir et, sans le déplier,
H amm . — Clov ! (Clov s’arrête sans se retour
essuie ses lunettes.) Et remettre. (Il remet le mou
ner. Un temps.) Rien. (Clov repart.) Clov! choir dans sa poche, remet ses lunettes.) On arrive.
Encore quelques conneries comme ça et j’appelle.
Clov s’arrête sans se retourner. (Un temps.) Un peu de poésie. (Un temps.) T u
C lov. — C ’est ce que nous appelons gagner la appelais — (Un temps. Il se corrige.) T u récla
sortie. mais le soir; il vient — (Un temps. Il se corrige.)
H amm . — Je te remercie, Clov. Il descend : le voici. (Il reprend, très chantant.) T u
C lov (se retournant, vivement). — Ah pardon, réclamais le soir; il descend : le voici. (Un temps.)
c’est moi qui te remercie. Joli ça. (Un temps.) Et puis? (Un temps.) Ins
H amm . — C ’est nous qui nous remercions. (Un tants nuls, toujours nuls, mais qui font le compte,
temps. Clov va à la porte.) Encore une chose. ( Clov que le compte y est, et l ’histoire close. (Un temps.
s’arrête.) Une dernière grââce. (Clov sort.) Cache- Ton de narrateur.) S’il pouvait avoir son petit avec
moi sous le drap. (Un temps long.) Non? Bon. lui... (Un temps.) C ’était l ’instant que j’attendais.
(Un temps.) A moi. (Un temps.) De jouer. (Un (Un temps.) Vous ne voulez pas l ’abandonner?
temps. Avec lassitude.) Vieille fin de partie perdue, Vous voulez qu’il grandisse pendant que vous,
finir de perdre. (Un temps. Plus animé.) Voyons. vous rapetissez? (Un temps.) Qu’il vous adoucisse
(Un temps.) Ah oui! (Il essaie de déplacer le fau les cent mille derniers quarts d’heure? (Un temps.)
teuil en prenant appui sur la gaffe. Pendant ce temps Lui ne se rend pas compte, il ne connaît que la
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THÉÂTRE I
RIDEAU