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n’aurait encore fait qu’augmenter et que les lamelles défendre l’idée d’une croissance résistant à ses limites
de la toile auraient chacune valu les 860 000 livres de naturelles : comme le souligne Antonin Pottier
l’œuvre entière. dans Alternatives économiques, pour Nordhaus, le
Si la volonté de Banksy était bien de réaliser un réchauffement climatique optimal est de 3,5 °C !
acte de protestation et de destruction de valeur, il a La destruction de l’œuvre de Banksy montre qu’une
échoué parce que son œuvre ne lui appartient plus. Il bonne petite idée (la broyeuse dans le cadre) peut,
appartient à un marché capable de tout transformer en comme le dit Paul Romer, créer une grande valeur, de
argent et de créer de la valeur à partir de la négation même que la destruction elle-même (comme celles qui
même de ce qu’est une transaction commerciale. interviendraient en cas de réchauffement à 3,5 °C) peut
L’abstraction des rapports marchands est devenue être optimale. C’est cette logique même qui risque de
telle que, désormais, la valeur vient de la destruction mener la planète à sa perte, au nom de l’idée que tout
même de la valeur. Schumpeter est ici pris de court : ce qui crée de la valeur est bon par nature.
sa destruction créatrice tant prisée par les décideurs Mais l’épisode Banksy enseigne une seconde leçon,
d’aujourd’hui supposait que ce qui, n’ayant plus de qui rend la première encore plus inquiétante. C’est
valeur, était détruit devait être remplacé par une que le capitalisme moderne ne peut désormais plus
production nouvelle contenant davantage de valeur. être critiqué, parce que sa critique devient elle-même
La nouvelle destruction créatrice tient à ce que, un agent de la création de valeur. Lorsque Banksy
désormais, le produit détruit vaut lui-même plus que peint sur un mur parisien l’image d’un homme qui
ce qui le précède. offre à son chien la patte qu’il vient de lui couper,
Si, comme le souligne à raison Jean-Marc Vittori l’ancienne présidente du Medef Laurence Parisot juge
dans Les Échos, l’acte de Banksy a voulu montrer l’œuvre « extraordinaire » et y voit une critique
que le monde s’autodétruisait, il a en réalité montré du rapport de l’homme à l’animal, alors même qu’il
encore plus : il a montré que le capitalisme était s’agit d’une allégorie de l’aliénation capitaliste décrite
capable de valoriser à l’infini cette destruction. Le par Marx. La critique du capitalisme est devenue
monde est ainsi, on le sait, menacé par le changement impossible, parce qu’incompréhensible. Il n’y a pas
climatique, mais ce changement climatique est lui- de récupération ou, comme on pouvait le dire jadis,
même un moyen de gagner davantage. On trouvera de perversion de l’art par l’argent. Il y a simplement
donc des moyens de faire de cette destruction une une incapacité à saisir ce que peut être une critique du
source de valeur. Certains voient même dans cette fonctionnement du capitalisme, qui est devenu comme
capacité une chance de sauver la planète grâce au
génie créateur du capitalisme. C’est possible, mais
l’affaire Banksy souligne un autre scénario : celui
d’une valeur croissante au fil de la destruction,
rendant cette destruction toujours plus nécessaire au
fonctionnement du système capitaliste. Ceci ramène
à la nécessité de ne pas confondre, comme on le fait
aujourd'hui trop souvent, création et extraction de
valeur.
Cet épisode arrive à point nommé, c’est-à-dire
au moment même où, lundi 8 octobre, le comité
de la banque de Suède vient d’attribuer à Paul
Romer et William Nordhaus le prix d’économie,
souvent appelé « Nobel ». Tous deux ont cherché à
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naturel. Laurence Parisot ne critique pas le capitalisme une création de valeur, laquelle échappe à celui qui
devant l’œuvre de Banksy, elle critique « l’homme », en est à l’origine parce qu’elle appartient désormais
parce que l’homme est intrinsèquement capitaliste. à un système qui lui refuse le droit de le remettre en
cause. Et il prouve qu’il est capable de le lui refuser en
valorisant sa critique. Donc en l'annihilant. Banksy a
fait l’expérience de cette prison mentale, où son acte
hautement anticapitaliste est devenu le summum du
capitalisme moderne.
Mais à quelque chose malheur est bon. Pour qui sait le
voir, cet acte a mis à jour les ressorts de la destruction
à venir : l’avancée aveugle d’un système capable de se
nourrir de rien et de son contraire et dont l’humanité
est devenue prisonnière.
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