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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0560

19-0560

Accidents ischémiques cérébraux


A Elbaz
P Amarenco

Résumé.– Les accidents ischémiques cérébraux (AIC) sont significativement plus fréquents que les
accidents hémorragiques et représentent approximativement 80 % des accidents vasculaires cérébraux.
Ils constituent dans les pays occidentaux une cause importante de mortalité et de handicap chronique,
avec comme conséquence un retentissement socioéconomique important. Les progrès récents, en
particulier ceux de la neuro-imagerie, des explorations ultrasonores et cardiologiques, les résultats des
études épidémiologiques et de l’expérimentation, ont permis d’améliorer considérablement la
compréhension des mécanismes responsables de cette pathologie et le démembrement des nombreuses
étiologies responsables. Les AIC représentent une pathologie hétérogène, dont l’étiologie est dominée
par l’athérosclérose et les embolies d’origine cardiaque ; de très nombreuses autres causes moins
fréquentes peuvent être incriminées et cette diversité étiologique doit être prise en compte pour la mise
en place des méthodes diagnostiques et des mesures thérapeutiques et de prévention adaptées.
© Elsevier, Paris.

Définitions et classification Épidémiologie


Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont définis par la Dans les pays industrialisés, les AVC constituent un problème de
survenue d’un déficit neurologique soudain d’origine vasculaire. santé publique considérable ; à l’échelle mondiale, ils représentent
Environ 80 % d’entre eux ont une origine ischémique (accidents la deuxième cause de mortalité après la pathologie ischémique
ischémiques cérébraux, AIC), tandis que dans 20 % des cas il s’agit cardiaque [ 1 9 ] et sont à l’origine de handicaps chroniques
d’une lésion hémorragique (hématome intraparenchymateux ou importants.
hémorragie méningée) [40].
ÉPIDÉMIOLOGIE DESCRIPTIVE
On distingue parmi les AIC, les accidents ischémiques transitoires
(AIT) et les accidents ischémiques constitués, désignés par le terme Quelques remarques élémentaires peuvent être faites à partir des
d’infarctus cérébraux. Les AIT sont des épisodes de dysfonction- taux d’incidence et de mortalité par AIC.
nement neurologique transitoire, d’installation brutale et de
– L’incidence et la mortalité liées aux AIC augmentent avec
récupération complète en moins de 24 heures, en rapport avec une
l’âge [24].
ischémie cérébrale ou rétinienne ; le plus souvent leur durée est de
quelques minutes, il s’agit alors d’un diagnostic d’interrogatoire. – Dans les décennies récentes, une diminution progressive de la
Ils représentent un signal d’alarme important et imposent la mortalité par AVC a été observée dans de nombreux pays ; elle
réalisation d’examens étiologiques urgents, afin de pouvoir serait en partie le résultat d’une amélioration de la survie après
instaurer les mesures thérapeutiques adaptées avant la constitution AVC [13, 40]. À titre d’exemple, l’incidence moyenne annuelle des
d’un infarctus cérébral définitif. Les infarctus cérébraux, plus AIC est passée de 189/100 000 personnes-années en 1955-1959 à
fréquents, sont secondaires à une ischémie du parenchyme cérébral 127/100 000 personnes-années en 1985-1989 dans la population de
durable, et sont responsables d’un déficit neurologique de durée Rochester [5]. Cette diminution d’incidence pourrait en partie
supérieure à 24 heures. Les infarctus cérébraux peuvent subir traduire la mise en place de mesures de prévention primaire (en
secondairement une transformation hémorragique. Parmi les particulier, le traitement de l’hypertension artérielle (HTA)). En
infarctus cérébraux, il peut être distingué les accidents dits France, environ 50 000 décès par an sont imputables à un AVC.
« rapidement régressifs » (car responsables d’un déficit modéré – Il existe des variations importantes de ces indices parmi les
régressant en moins de 3 semaines) et des accidents majeurs différents pays [34, 35].
responsables de décès ou d’un déficit majeur d’emblée avec – Il existe une prépondérance masculine moins marquée que pour
constitution d’un handicap sévère. Le scanner cérébral sans la pathologie coronarienne [16], la moyenne d’âge de l’AIC étant
injection de produit de contraste est, encore en 1997, l’examen plus élevée et les femmes vivant plus longtemps.
essentiel dans le diagnostic d’un AIC.
ÉPIDÉMIOLOGIE ÉTIOLOGIQUE
Alexis Elbaz : Neurologue.
La recherche de facteurs de risque d’AIC est compliquée par
© Elsevier, Paris

Pierre Amarenco : Professeur des Universités.


Service de neurologie, hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75010 Paris, France. l’hétérogénéité étiologique sous-jacente. Malgré cette difficulté, de

Toute référence à cet article doit porter la mention : A Elbaz et P Amarenco. Accidents ischémiques cérébraux. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0560, 1997, 5 p.
19-0560 Accidents ischémiques cérébraux Angéiologie

Beaucoup plus rarement, l’occlusion d’une veine cérébrale


Tableau I. – Facteurs associés positivement au risque d’accident
(thrombophlébite cérébrale) peut être responsable d’un infarctus
ischémique cérébral.
cérébral, souvent secondairement hémorragique.
Âge Fibrinogène élevé [37]
Sexe masculin [16, 24] Hématocrite élevé [39]
Antécédent d’AIT [38] Homocystéine plasmatique élevée [20] ¶ Lipohyalinose artériolaire secondaire à
Facteurs ethniques (Noirs américains, Régime riche en sel [25] l’hypertension artérielle (cf Étiologie) [9]
hispaniques) [26]
Catégorie socioprofessionelle et Régime pauvre en potassium [25]
revenus bas [16]
Tension artérielle élevée [17, 22, 38 : Régime riche en graisses saturées [25] ¶ Spasme artériel, pouvant compliquer la phase aiguë
TA systolique, TA diastolique d’une hémorragie sous-arachnoïdienne
Tabac [27, 38] Consommation excessive et récente
d’alcool [11, 25]
[28]
Obésité Contraception orale [12] MÉCANISME HÉMODYNAMIQUE
Vie sédentaire [10] Migraine [35]
Diabète [6, 17, 38] Infection récente [4]
Lipides (HDL bas) [31] Histoire familiale de décès vasculaire [36] ¶ Baisse du débit sanguin cérébral locale
AIC : accident ischémique cérébral Une sténose carotide serrée (> 70 %) peut être responsable d’un
AIT : accident ischémique transitoire
HDL : high density lipoprotein infarctus dit « jonctionnel » par chute du DSC en aval de la
sténose [22], maximale au niveau de la ligne de partage de deux
territoires artériels. La survenue et l’étendue de tels accidents sont
nombreux facteurs de risque, dont certains peuvent être prévenus,
fonction de la qualité du réseau anastomotique ; elle peut être
ont été retrouvés associés au risque d’AIC, avec une liaison
favorisée par une perturbation hémodynamique systémique.
d’intensité variable en fonction des facteurs considérés (tableau I) ;
certains de ces facteurs n’ont pas un effet indépendant, comme par
exemple pression artérielle et régime riche en sel, surpoids ou ¶ Baisse du débit sanguin cérébral systémique
alcool. Une perturbation hémodynamique systémique (hypotension
Parmi ces facteurs de risque, le plus puissant est la pression artérielle, trouble du rythme cardiaque) peut favoriser la survenue
artérielle [24]. Plusieurs études ont montré que la pression artérielle d’un infarctus jonctionnel en aval d’une sténose carotide ; si elle
systolique et diastolique sont toutes deux corrélées de manière est prolongée et sévère (arrêt cardiaque prolongé), elle peut être
indépendante au risque d’AVC ; le risque augmente de manière responsable d’une hypoxie étendue du parenchyme cérébral.
linéaire avec le niveau de la pression artérielle sans valeur seuil,
c’est-à-dire même pour des chiffres compris dans les valeurs
habituelles : une élévation de 10 mm de la pression artérielle Étiologie
diastolique augmente de 50 % environ le risque d’AVC [23]. De
même, les essais thérapeutiques ont démontré qu’une réduction Les AIC peuvent survenir dans de multiples situations
de la pression artérielle diastolique de 5-6 mmHg diminue le risque pathologiques, mais deux grandes causes, l’athérosclérose des
d’AVC de 33-50 % [7]. artères cérébrales et les embolies d’origine cardiaque, permettent
d’expliquer une grande partie des cas. Malgré l’utilisation de
moyens diagnostiques sophistiqués, une proportion d’AIC (30 %
Mécanisme des accidents ischémiques environ, proportion variable en fonction des registres) reste de
cérébraux cause inexpliquée [18] (fig 1).

Les AIC sont la conséquence d’une hypoxie du parenchyme


Athérosclérose
cérébral. Deux grands mécanismes peuvent en être la cause, modérée
l’occlusion artérielle et la baisse du débit sanguin cérébral (DSC) 8%
d’origine hémodynamique.
Cause non Athérosclérose
identifiée sévère
MÉCANISME OCCLUSIF 32 % 10 %

¶ Occlusion artérielle d’origine thromboembolique [22]

Il s’agit du mécanisme prédominant. La nature du matériel


embolique est diverse : agrégat plaquettaire, thrombus
fibrinocruorique, cristaux de cholestérol. Leur origine est Lacune
également variée : embolie d’artère à artère à partir d’une plaque 18 %
d’athérome, embolie d’origine cardiaque, embolie tumorale,
Lésions en
embolie paradoxale d’origine veineuse à travers un foramen ovale
tandem
perméable, thrombus de stase en aval d’une dissection artérielle, 3%
embolie gazeuse... L’occlusion artérielle est responsable d’une
ischémie dans le territoire irrigué par cette artère ; elle est à
l’origine d’un AIT lorsque l’artère se reperméabilise rapidement, et Embolie d'origine
d’un AIC en cas d’occlusion prolongée. Les conséquences cardiaque
cérébrales d’une occlusion artérielle sont fonction des possibilités 29 %
de vascularisation du territoire correspondant à l’artère occluse par 1 Distribution des causes d’accident ischémique cérébral parmi 250 patients de
plus de 60 ans [2].
les réseaux de suppléance anastomotique.

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Angéiologie Accidents ischémiques cérébraux 19-0560

ATHÉROSCLÉROSE DES ARTÈRES CÉRÉBRALES âgé (comme la fibrillation auriculaire non valvulaire) ou
EXTRA- ET INTRACRÂNIENNES comportant un faible risque d’AIC (comme le prolapsus mitral)
Elle est une cause fréquente d’AIC (20-30 % environ). L’ulcération peut être difficile à affirmer. Il est également à signaler
de la plaque d’athérome peut avoir pour conséquence la survenue qu’athérosclérose et pathologie cardiaque coexistent chez de
d’un AIC en libérant des emboles de cristaux de cholestérol et/ou nombreux patients [3], et que la réalisation d’un bilan cardiologique
en entraînant la constitution d’un thrombus fibrinoplaquettaire au ne dispense pas d’une exploration des vaisseaux du cou et vice
contact de la plaque ulcérée, ce dernier pouvant être à son tour le versa.
point de départ d’embolies ou aboutir à l’occlusion artérielle [1].
L’athérosclérose atteint les artères de gros et moyen calibre ; LACUNES
certaines portions du système artériel sont préférentiellement
Les artérioles perforantes de calibre inférieur à 400 µm (branches
touchées. Au niveau des artères carotides, le bulbe, l’origine de la
lenticulostriées, pontiques, thalamiques) peuvent être le siège d’un
carotide interne, le siphon sont plus souvent et sévèrement
épaississement de leur paroi, ou lipohyalinose, secondaire à l’HTA,
atteints [1]. Le risque d’AIC ipsilatéral à une sténose athéroscléreuse
pouvant conduire à l’occlusion de l’artériole et à la constitution
de l’origine de l’artère carotide interne est fonction du degré de
d’un infarctus de petite taille, dit infarctus lacunaire ou lacune
sténose, le risque étant le plus élevé pour les sténoses égales ou
(diamètre de l’infarctus < 15 mm) (15-20 % des AIC) [18]. D’autres
supérieures à 70 %, comme l’ont démontré les études NASCET
mécanismes peuvent être à l’origine d’infarctus lacunaires : un
(North American Symptomatic Carotid Endartrectomy Trial) et
microembole d’origine cardiaque, une plaque d’athérome occlusive
ECST (European Carotid Surgery Trial) [8, 20]. L’athérosclérose peut
à l’origine d’une artère perforante, ou encore un embole à partir
également atteindre les portions initiales des artères cérébrales
d’une plaque d’athérome [9].
antérieures et moyennes. Plus récemment, il a été montré que la
présence de plaques d’athérome ulcérées au niveau de la crosse de
DISSECTIONS DES ARTÈRES CERVICALES
l’aorte augmentait le risque d’AIC, le risque d’embolie cérébrale
ET CÉRÉBRALES
étant corrélé à leur sévérité [2, 33]. L’athérosclérose peut aussi
toucher la circulation postérieure à différents étages ; l’origine de Elles sont responsables d’environ 20 % des AIC de l’adulte
l’artère vertébrale et la portion prévertébrale de l’artère sous- jeune [30], mais peuvent survenir à tout âge. Elles concernent tout
clavière sont les plus souvent et sévèrement touchées, mais la d’abord l’artère carotide interne sus-bulbaire, puis l’artère
terminaison de l’artère vertébrale, le tronc basilaire et l’origine des vertébrale et enfin plus rarement les artères cérébrales. Elles sont
artères cérébrales postérieures peuvent aussi être concernées. Le la conséquence du clivage de la paroi artérielle par un hématome
risque d’AIC en rapport avec l’athérosclérose de la circulation sous-intimal ou sous-adventiciel. Deux facteurs peuvent favoriser
postérieure a été considérablement moins bien évalué que pour la leur survenue :
circulation antérieure.
– un traumatisme artériel déclenché par des mouvements forcés
cervicaux (accident de la voie publique, manipulations cervicales,
EMBOLIES D’ORIGINE CARDIAQUE
sport,...) ;
Classiquement, 15 à 20 % des AIC sont la conséquence d’une – une anomalie artérielle favorisante (dysplasie fibromusculaire,
embolie d’origine cardiaque [31] ; cette proportion est en fait plus maladie de Marfan) peut être retrouvée dans certains cas.
importante chez le sujet jeune (23-36 %, [31]) et chez le sujet âgé de
Le diagnostic suspecté cliniquement devant des signes locaux ou
plus de 60 ans, chez qui les embolies d’origine cardiaque
des signes d’ischémie cérébrale, est confirmé par la mise en
représentent la première cause d’AIC (environ 30 %) (fig 1) .
évidence d’un élargissement de calibre de l’artère disséquée par
Certains arguments cliniques et/ou radiologiques permettent de
un hématome intramural, lequel peut conduire à l’occlusion de
suspecter une origine cardiaque, mais compte tenu de leur faible
l’artère de par son volume, ou du fait du thrombus luminal formé
spécificité, le diagnostic d’AIC d’origine cardiaque repose sur la
en regard. Ce thrombus luminal constitue également une menace
mise en évidence d’une source cardiaque potentielle d’embolie ; il
permanente d’embolie cérébrale. Les examens à réaliser en
dépend donc étroitement de l’exhaustivité du bilan étiologique
urgence, avant l’apparition de signes d’ischémie cérébrale si
réalisé. La fréquence de cette cause impose de réaliser un bilan
possible, sont l’examen ultrasonore des vaisseaux du cou, et
cardiologique adapté en fonction du terrain de survenue de
surtout l’imagerie par résonance magnétique (IRM) couplée à
l’accident (l’âge et les antécédents cardiaques en particulier). En
l’angiographie par résonance magnétique (ARM), l’angiographie
dehors de l’électrocardiogramme systématique à la recherche d’une
conventionnelle n’étant plus réservée qu’aux quelques cas où les
fibrillation auriculaire ou d’une ischémie myocardique en
examens précédents ne confirment pas le diagnostic suspecté
évolution, l’échographie cardiaque est un examen dont l’utilité est
cliniquement, en particulier dans le territoire postérieur.
à discuter au cas par cas, en particulier lorsque l’examen clinique
cardiologique est anormal, suggérant la possibilité d’une
ANGÉITES DU SYSTÈME NERVEUX CENTRAL
cardiomyopathie ou d’une valvulopathie, ou lorsque l’on suspecte
une endocardite ou encore en présence d’une fibrillation Il existe de nombreuses affections inflammatoires pouvant
auriculaire. Devant un infarctus cérébral de cause indéterminée et entraîner une lésion inflammatoire de la paroi des artères
un examen cardiologique normal, l’apport diagnostique de cérébrales. L’examen permettant de porter le diagnostic est
l’échocardiographie transœsophagienne (ETO) n’a pas encore été l’angiographie cérébrale retrouvant un aspect de rétrécissement
définitivement montrée utile d’un point de vue thérapeutique. segmentaire des artères. Elles peuvent s’observer dans le cadre de
L’ETO permet de visualiser avec plus de sensibilité que pathologies variées comme la périartérite noueuse, l’angéite de
l’échocardiographie transthoracique l’oreillette et l’auricule Churg et Strauss, l’artérite de Horton, la granulomatose de
gauches, le septum interauriculaire, l’aorte ascendante et sa crosse. Wegener, l’artérite de Takayashu, le lupus érythémateux disséminé,
Les nombreuses sources d’embolies cardiaques potentielles sont certaines pathologies infectieuses, l’angéite du post-partum, ou être
résumées dans le tableau II. Le risque d’AIC est variable en associées à la prise de toxiques (crack, cocaïne, amphétamines,
fonction du type de cardiopathie ; la responsabilité dans la éphédrine) ; lorsque aucune cause n’est trouvée, on parle des
survenue d’AIC de certaines cardiopathies fréquentes chez le sujet exceptionnelles angéites isolées du système nerveux central.

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19-0560 Accidents ischémiques cérébraux Angéiologie

Tableau II. – Sources d’embolies cardiaques (d’après [14, 30] modifiés)


Cardiopathies présentant un rique important

Valvulopathies Cardiopathies ischémiques


Prothèses valvulaires Infarctus du myocarde
Endocardite infectieuse Anévrysme ventriculaire gauche secondaire
Valvulopathie rhumatismale (mitrale > aortique) Dysfonction ventriculaire gauche secondaire
Endocardite marastique
Valvulite inflammatoire (Libman-Sacks)

Troubles du rythme cardiaque Cardiomyopathies


Fibrillation auriculaire non rhumatismale Cardiomyopathie : hyperthrophique, neuromusculaire, toxique, infectieuse, etc. Toute cardiomyopathie non isché-
mique pouvant se compliquer d’altération de la fonction ventriculaire et responsable de la formation de thrombus
intracavitaires
Maladie du sinus Cardiopathies congénitales

Tumeurs cardiques Pathologies du septum interauriculaire


Primitives (myxome) Foramen ovale perméable (FOP) : embolie paradoxale associée à une pathologie veineuse thromboembolique ayant
Secondaires précédé l’accident

Anomalies cardiaques ne constituant pas une source définie d’embolie, dont le lien avec les accidents ischémiques cérébraux a été établi, mais comportant un risque de récidive très faible et
dont on ne connaît pas le mécanisme par lequel elles agissent.

Valvulopathies Pathologie du septum interauriculaire


Prolapsus valvulaire mitral Foramen ovale perméable (FOP) non associé à une maladie veineuse thromboembolique (cas le plus fréquent)
Strands (filaments de fibrine) Anévrysme du septum interauriculaire (ASIA)

AFFECTIONS HÉMATOLOGIQUES le diagnostic d’infarctus migraineux est souvent utilisé de manière


abusive, car la migraine associée à l’infarctus cérébral, au devant
De multiples affections hématologiques peuvent être à l’origine
du tableau clinique, masque souvent la vraie cause (dissection,
d’AIC par différents mécanismes [15] . Nous citerons à titre
artérite, etc). Par conséquent, ce diagnostic doit rester un diagnostic
d’exemple :
d’élimination, et ne jamais être un diagnostic définitif.
– les pathologies responsables d’hyperviscosité (polyglobulie, – Maladies métaboliques : homocystinurie, maladie de Fabry,
thrombocytémie, leucémies, gammapathies monoclonales,...) ; encéphalopathie mitochondriale (MELAS).
– les pathologies responsables d’états prothrombotiques (grossesse – Embolies gazeuses : accidents de décompression de plongée.
et post-partum, cancer, syndrome néphrotique, anémies – Embolies graisseuses : fractures osseuses, chirurgie thoracique.
ferriprives,...) ;
– coagulopathies intravasculaires disséminées chroniques (cancer) ; Conclusion
– anticorps antiphospholipides (isolés ou dans le cadre d’une
maladie générale : lupus) ;
Le diagnostic d’un AIC et sa classification en fonction du mécanisme
et de l’étiologie, facilité par le développement des techniques
– hémoglobinopathies (drépanocytose) ; d’imagerie cérébrale et d’exploration vasculaire, sont les préalables
– les thrombopénies induites par l’héparine de mécanisme indispensables à la prise en charge d’un patient présentant un AIC
immunoallergiques qui comportent un risque d’accidents afin de pouvoir instaurer les mesures thérapeutiques adaptées. Les
ischémiques artériels ou veineux ; progrès dans ce domaine ont eu pour conséquence la diminution de
la mortalité par AVC au cours de ces dernières années dans les pays
– les déficits en protéines anticoagulantes C, S, ATIII, ainsi que les
occidentaux, diminution attribuée en partie à une amélioration de la
déficits en plasminogène ou fibrinogène, ou encore la mutation du
survie. Ces remarques justifient d’adopter face aux AIC, et aux AVC
facteur V Leiden, s’accompagnent néanmoins plus fréquemment
en général, une attitude plus active que dans le passé. Néanmoins,
de thromboses veineuse que de thromboses artérielles.
bien souvent, et malgré l’utilisation de moyens diagnostiques
La survenue d’un AIC impose donc de réaliser un bilan sophistiqués, une proportion d’AIC (30 % environ, proportion
d’hémostase minimal (numération formule sanguine [NFS], variable en fonction des registres) reste de cause inexpliquée [18] ; il
plaquettes, prothrombine [TP], temps de céphaline activé [TCA], est probable que le développement de techniques d’investigation
fibrinogène) qui doit être approfondi dans certains cas (en nouvelles permettra de réduire cette part d’accidents inexpliqués.
particulier chez le sujet jeune : dosage de facteurs de la coagulation, Si la prise en charge des AIC a connu des progrès considérables,
bilan immunitaire,...). l’identification de facteurs de risque modifiables et la mesure de leur
impact relatif, avec comme conséquence l’identification de sujets à
AUTRES CAUSES haut risque, gardent une place essentielle ; elles permettent
d’instaurer des mesures de prévention primaire et secondaire dont
– Infarctus migraineux : la migraine est actuellement considérée l’objectif est de réduire non seulement la morbidité et la mortalité en
comme un facteur indépendamment associé à l’infarctus rapport avec les AIC, mais aussi en rapport avec d’autres pathologies
cérébral [36], mais le lien de causalité n’a jamais été démontré ; aussi, cardiovasculaires (infarctus du myocarde, artérite,...).

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Angéiologie Accidents ischémiques cérébraux 19-0560

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5
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0570

19-0570

Algodystrophie
F Eulry

Résumé.– L’algodystrophie, maladie protéiforme intéressant une région articulaire, est une affection
locorégionale microcirculatoire fonctionnelle par désordre neurovégétatif primitif, ou surtout secondaire
à une étiologie traumatique ou non traumatique, locale ou générale, favorisée dans 30 % des cas par un
terrain anxiodépressif. Elle évolue souvent mais pas toujours en trois phases successives « chaude
pseudo-inflammatoire », « froide ischémique », puis de guérison parfois avec séquelles rétractiles
fonctionnelles péjoratives. Son diagnostic repose sur un faisceau d’arguments cliniques (douleurs,
arthropathie invalidante, troubles vasomoteurs et trophiques), biologiques (absence de signes
biologiques inflammatoires), radiologiques (déminéralisation sous-chondrale retardée sans pincement
articulaire, bandes claires métaphysaires chez le jeune), isotopiques (hyperfixation, hypofixation chez
l’enfant) et évolutifs (guérison, totale ou non, après lutte contre la douleur et la stase circulatoire,
réponse positive aux thérapeutiques vasoactives : calcitonine surtout, blocs sympathiques régionaux à la
guanéthidine, voire buflomédil). De rares observations simulent, ou associent, une thrombose veineuse
ou une artériopathie chronique ou aiguë des membres.
© Elsevier, Paris.

Définition l’inversion, ou le télescopage, de certaines phases est possible [6], et


des crises vasomotrices peuvent faire alterner de brefs épisodes de
L’algodystrophie, affection polymorphe d’une région articulaire, phase chaude ou froide. La douleur et la stase entretiennent la
associe douleur et troubles trophiques. D’origine neurovégétative, maladie, véritable cercle vicieux, en agissant comme un nouveau
elle touche la fonction microcirculatoire, et tous les tissus de la stimulus local nociceptif [16].
peau à l’os peuvent être concernés (téguments, aponévroses,
tendons, capsule, synoviale) sauf le cartilage qui n’est pas
vascularisé. L’évolution, sur des semaines, des mois, ou Étiologie
exceptionnellement des années, se fait vers la guérison en général
sans séquelles ; elle est raccourcie par le traitement. L’algodystrophie (tableau I), touchant les deux sexes et tous les âges
y compris l’enfant [2] , est le plus souvent secondaire [6] , en
particulier à un traumatisme direct ou indirect, local ou non,
Physiopathologie orthopédique (fracture, luxation, entorses, simple contusion locale)
ou chirurgical (chirurgie orthopédique réglée ou après
Dans une région articulaire [16], un stimulus déterminé comme un traumatisme, rarement viscérale ou vasculaire). Immobilisation
traumatisme, ou indéterminé, provoque après un temps de latence
variable une perturbation neurovégétative anormalement intense Tableau I. – Étiologie des algodystrophies.
avec désadaptation microcirculatoire locale. Cette réponse est - Les deux sexes et tous les âges
disproportionnée, durable, étendue mais réversible. Les - Formes primitives
conséquences tissulaires évoluent en trois stades : le premier - Formes secondaires :
- traumatisme direct ou indirect, local ou non :
(vasoconstriction artériolaire, ouvertures d’anastomoses
- orthopédique (fracture, luxation, entorses, simple contusion locale)
artérioveineuses, vasodilatation et stase capillaire) entraîne - chirurgical (chirurgie orthopédique réglée ou après traumatisme, rarement
hyperhémie, œdème et acidose locaux ; c’est la « phase chaude » viscérale ou vasculaire)
de la maladie, d’allure clinique pseudo-inflammatoire, mais sans - plus ou moins immobilisation plâtrée et rééducation intempestives
- causes non traumatiques :
aucune histologie inflammatoire. Le deuxième associe - appareil locomoteur (arthrites septiques ou non, hémiplégie, radiculalgies,
épaississement artériel et fibrose : c’est la « phase froide », d’allure névrome de Morton), etc
ischémique, précédant le retour à la normale ou rarement les - plus rarement appareils cardiovasculaire, pleuropulmonaire, endocrinien et
métabolique
séquelles rétractiles et fibrosantes du troisième stade. L’absence ou - médicaments (isoniazide, barbituriques)
- exceptionnellement la grossesse
- facteurs favorisants classiques : troubles psychologiques, diabète sucré,
hypertriglycéridémie ?
© Elsevier, Paris

François Eulry : Professeur au Val-de-Grâce, chef du service de rhumatologie, hôpital d’instruction des
Armées Bégin, 69, avenue de Paris, 94160 Saint-Mandé, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Eulry. Algodystrophie. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0570, 1997, 4 p.
19-0570 Algodystrophie Angéiologie

plâtrée et rééducation intempestives et douloureuses révèlent ou plantaire. L’atteinte du genou est plus rare avec prise globale ou
provoquent la maladie [6]. Les causes non traumatiques intéressent limitée (condyle, plateau tibial). L’algodystrophie de hanche est
l’appareil locomoteur (arthrites septiques ou non, hémiplégie, encore plus rare, avec impotence fonctionnelle contrastant avec une
radiculalgies, névrome de Morton), plus rarement les appareils mobilité passive relativement conservée et un excellent pronostic.
cardiovasculaire (infarctus du myocarde, artériopathie,
thrombophlébites), pleuropulmonaire, endocrinien et métabolique,
les médicaments (isoniazide, barbituriques), exceptionnellement la Examens paracliniques
grossesse (algodystrophie de hanche). Des facteurs de terrain sont
fréquents : troubles psychologiques, diabète sucré, mais peut-être Il n’y a aucun syndrome biologique inflammatoire. Le liquide
pas l’hypertriglycéridémie considérée pourtant, par certains, synovial est paucicellulaire (inférieur à 1 000/mm3) et aseptique [16].
comme un facteur favorisant possible. La ponction-biopsie synoviale, exceptionnellement utile, noterait
l’absence de cellules inflammatoires et, aux stades initiaux, une
congestion vasculaire pure parfois pseudoangiomateuse, puis
Étude clinique ultérieurement une fibrose progressive.
Les radiographies comparatives, avec incidences adaptées, seront
Après un début progressif ou brutal, sont réunis [2] des signes répétées après quelques semaines, du fait du retard radiologique
articulaires, vasomoteurs et trophiques (tableau II). La douleur, de sur les signes cliniques. Elles restent normales tout au long de
tout type, souvent nocturne, limite ou interdit l’usage du membre l’évolution, dans 70 % des cas de l’enfant et dans 20 % de ceux de
et augmente avec les mouvements. Raideur articulaire et l’adulte [2, 6]. La déminéralisation sous-chondrale est le signe
impotence fonctionnelle peuvent se compliquer précocement de dominant, homogène ou hétérogène, mouchetée ou non, micro- ou
rétractions capsuloligamentaires ou tendinoaponévrotiques parfois macrolacunaire, localisée ou diffuse, sur les articulations
inaugurales et préoccupantes (extenseurs des doigts, aponévrose concernées voire adjacentes ou régionales, même si elles ne sont
plantaire). Un épanchement articulaire est fréquent. pas cliniquement touchées. Chez l’enfant, une bande claire barrant
Parmi les troubles vasomoteurs et trophiques, l’œdème est la métaphyse peut la souligner [2, 6] . Une simple ostéoporose
inconstant, mou ou ferme, rougeâtre ou pâle. L’hyperthermie puis d’immobilisation après traumatisme, sans algodystrophie, donne
l’hypothermie locales sont franches, la seconde fréquente d’emblée les mêmes images. Enfin, les berges articulaires ne sont jamais
chez l’enfant ou l’adolescent. L’hypersudation localisée est très pincées ni érodées, ni condensées. Les parties molles, épaissies au
fréquente. L’hyperesthésie cutanée concerne la moitié des cas, très début, sont parfois anormalement fines ensuite.
évocatrice du diagnostic en l’absence d’autres signes locaux. Dans 95 % des cas [6] la scintigraphie osseuse au MDP-99mTc [12] est
Rougeur ou pâleur et érythrocyanose de déclivité sont anormale aux temps précoces (angioscintigraphie, temps osseux
permanentes, ou réalisent de brèves crises vasomotrices précoce) ou surtout osseux tardifs, bien avant les signes
douloureuses. Les anomalies phanériennes, rares mais évocatrices, radiologiques, intérêt majeur pour le diagnostic précoce. Elle n’a
réversibles après guérison, sont localisées à la région articulaire aucune spécificité. Les anomalies du temps tardif persistent
intéressée : ongles cassants, hypertrichose ou hypopilosité pendant toute l’évolution, et après guérison clinique, alors que
inexpliquées. celles des temps précoces se corrigent. L’hyperfixation par rapport
Les trois phases classiques de la maladie regroupent ces au côté opposé est habituelle, locale, locorégionale ou étendue aux
symptômes. Le tableau de « phase chaude » a une allure clinique articulations sus- et sous-jacentes, mêmes muettes cliniquement.
inflammatoire (douleur articulaire, œdème, rougeur, hyperthermie) Après un traumatisme, l’hyperfixation n’évoque vraiment une
sans jamais de signes biologiques inflammatoires. En phase algodystrophie que si son territoire dépasse celui du trauma
ischémique « phase froide », la peau est froide, dépilée, atrophique responsable d’une hyperfixation localisée, ou bien si elle est
ou œdématiée, cyanosée. La rétraction des parties molles, pure, locorégionale. Une hypofixation est retrouvée dans 70 % des cas
prédominante ou discrète est de mauvais pronostic fonctionnel si de l’enfant, et presque jamais chez l’adulte [2, 6] ; elle se distingue
elle se fixe (équinisme, rétractions des fléchisseurs de la main), de l’hypofixation d’un pied en décharge complète par béquillage,
complication tardive et globalement rare. devenu froid et cyanotique, qui disparaît à la remise en charge, à
la différence de celle de l’algodystrophie [11].
Le syndrome « épaule-main » est volontiers sévère surtout à la
main avec rétraction des doigts rapidement, et assez fréquemment L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est moins utile dans
irréductible, mais atteinte rétractile de l’épaule de bien meilleur le diagnostic d’algodystrophie à quelques exceptions près :
pronostic. Au membre inférieur, il s’agit le plus souvent du pied schématiquement [10], en « phase chaude » elle donne de façon
avec risque de rétraction du tendon calcanéen ou de l’aponévrose étendue un hyposignal en T1, rehaussable par le gadolinium, et un
hypersignal en T2 qui, sur la hanche par exemple, intéressent le
col, la tête fémorale et le cotyle, permettant d’écarter une
Tableau II. – Formes cliniques d’allure vasculaire
ostéonécrose aseptique. Dans le même temps, en général, la
de l’algodystrophie.
scintigraphie osseuse est elle-même évocatrice dans les mêmes
Formes exceptionnelles d’allure artériopathique territoires. En « phase froide », les résultats sont contradictoires,
- sans oblitération artérielle
l’IRM serait décevante [17], mais il semble que les formes avec
- exceptionnelle claudication intermittente pseudoartérielle
- ischémie aiguë distale fonctionnelle pure sans thrombose (réversible) hypofixation concernant le pied ne s’accompagnent d’aucune
- avec oblitération artérielle anomalie en IRM [10]. L’intérêt principal de l’IRM nous paraît être
- artériopathie athéromateuse compliquée d’algodystrophie le diagnostic d’une fracture de contrainte associée à
- parfois lors de la chirurgie de revascularisation
l’algodystrophie (sous forme d’un trait en hyposignal intense en
Formes d’allure veineuse T1 et hypersignal en T2, en pleine zone d’algodystrophie), que cette
- sans thrombose veineuse fracture soit la cause ou la conséquence de l’algodystrophie.
- algodystrophie pseudophlébitique
- avec thrombose veineuse Les explorations fonctionnelles de la microcirculation [1] n’ont pas
- algodystrophie concomitante à la thrombophlébite (immobilisation plâtrée), la d’intérêt diagnostique, mais uniquement physiopathologique, sauf
précédant, la compliquant
dans quelques cas de diagnostic difficile.

2
Angéiologie Algodystrophie 19-0570

Diagnostic (fig 1) sésamoïde, etc) avec hyperfixation intense puis déminéralisation


localisées font discuter une tumeur comme un ostéome ostéoïde,
Il est permis par un faisceau d’arguments cliniques, biologiques ou une ostéonécrose aseptique, ou encore une fracture de fatigue,
(absence de syndrome inflammatoire), radiographiques en particulier au pied. Chez l’enfant, les formes froides
(déminéralisation sans atteinte des interlignes), isotopiques (hyper- ischémiques d’emblée et l’hypofixation isotopique sont fréquentes,
ou hypofixation), évolutifs (guérison sans séquelles ou presque), sans signes radiologiques, ou bien avec aspect de bandes claires
en particulier dans les nombreux tableaux cliniques rencontrés où métaphysaires. Un pied douloureux, d’aspect normal, évoque un
des critères de diagnostic sont nécessaires [2]. syndrome conversif, mais la scintigraphie redresse le diagnostic
avant l’apparition des signes radiologiques.
Les formes pseudo-inflammatoires font discuter une arthrite
septique, inflammatoire ou microcristalline, mais l’absence de
syndrome biologique inflammatoire redresse le diagnostic. Les
formes vasculaires, exceptionnelles [6], chaudes ou froides, simulent
Évolution traitée
ou accompagnent une thrombophlébite [7], diagnostic à éliminer en
Favorable et raccourcie par le traitement [5, 13], elle conduit à la
priorité par l’échodoppler, ou une ischémie des membres [3], parfois
guérison, parfois avec séquelles douloureuses, trophiques ou
aiguë [4, 18] où le doppler artériel, et très exceptionnellement
rétractiles. Le syndrome « épaule-main » dure 1 à 3 ans, l’épaule
l’artériographie, révéleraient un réseau distal grêle sans anomalie
guérissant plus vite que la main où de graves séquelles sont
proximale [4]. Les manifestations artérielles aiguës sont réversibles
fréquentes malgré le traitement. L’atteinte du pied dure environ
spontanément ou après traitement [4] . L’algodystrophie peut
1 an et guérit avec de rares séquelles. Au genou, l’évolution est de
exceptionnellement compliquer la chirurgie de revascularisation
6 à 9 mois, et à la hanche de 3 à 4 mois sans séquelles en général.
d’une artériopathie oblitérante [14]. La forme migratrice locale est la
récidive apparente d’un épisode guéri, mais la scintigraphie signe Le traitement physique lutte contre la stase et la douleur [5] :
l’extinction du foyer initial et l’apparition d’un nouveau foyer pendant les 15 premiers jours, mise en décharge du membre
immédiatement voisin. Les exceptionnelles formes plurifocales atteint, l’extrémité distale plus haute que la proximale pour faciliter
extensives (membres, rachis, thorax) fond discuter une étiologie le retour veineux (écharpe au membre supérieur, décubitus avec
néoplasique. Les formes partielles (un doigt et son métacarpien, pieds de lit surélevés pour le membre inférieur pour lequel on
par exemple) ou parcellaires (plateau tibial, condyle, cuboïde, autorise des déplacements limités avec cannes anglaises et appui
progressif stimulant la semelle veineuse plantaire). La mobilisation
passive est proscrite et la mobilité active développée par le patient
dans la limite de la non-douleur. Les attelles de posture prévenant
ARTHTROPATHIE D'ALLURE
CLINIQUE les attitudes vicieuses, le drainage lymphatique à distance de la
région atteinte, la balnéothérapie ou les bains écossais sont utiles,
dès le début du traitement, s’ils sont tolérés.
INFLAMMATOIRE chaude ISCHÉMIQUE froide Parmi les médicaments généraux à visée vasomotrice, la calcitonine
injectable est administrée à doses équivalant à 160 UI/j de
avec RARE tableau d'allure « vasculaire » calcitonine de porc pendant 15 à 20 jours, avec 65 % de résultats
positifs quels que soient le tableau clinique et la durée évolutive
Doppler artériel ou veineux avant traitement. Nausées, vomissements et flush font interrompre
(phébite ? artériopathie ? le traitement dans 8 % des cas, et sont prévenus par les
simulées, isolées ou associées antiémétiques et l’injection vespérale tardive. Bêtabloqueurs et
à l'arhtropathie ?) griséofulvine sont rarement utilisés mais antalgiques, anxiolytiques
et antidépresseurs sont un appoint voire un atout essentiel.
VS - CRP Parmi les traitements locaux et locorégionaux, les infiltrations intra-
ABSENCE articulaires ou intracanalaires de corticoïdes ont un effet
ÉLEVÉES antalgique, vasomoteur et antifibrosant. Les blocs sympathiques
d'algodystrophie
régionaux à la guanéthidine [8, 9] en centres spécialisés (1 à 3 blocs
NORMALES algodystrophie possible hebdomadaires sans dépasser 6 en général) nécessitent désormais
l’autorisation préalable de l’Agence nationale du médicament
avant sa délivrance par le fabricant. Le risque est la douleur lors
radiographies du maintien du garrot artériel, et une hypotension artérielle ou
comparatives des céphalées à son lâchage. En l’absence de contre-indications
(artériopathie, coronaropathie, troubles du rythme, troubles
ANORMALES et Normales veineux, comitialité), les résultats favorables concernent 70 à 80 %
évocatrices des cas. Le buflomédil remplaçant la guanéthidine serait aussi
scintigraphie osseuse efficace [9], ainsi qu’en injections intra-artérielles régionales [14].
En pratique [5], à la phase d’attaque (1er-20e jour), mise en décharge
Normale
et prévention des attitudes vicieuses sont impératives, en laissant
ANORMALE
un appui partiel et prudent au sol en cas d’atteinte du pied. La
- hyperfixation
- hypofixation calcitonine est toujours choisie en première intention. Un relais
(21e-60e jour) est souvent nécessaire par les bêtabloqueurs ou la
griséofulvine dans les formes discrètes, et les blocs sympathiques
ALGODYSTROPHIE régionaux dans les formes importantes ou graves. La rééducation
CERTAINE en piscine est souhaitable à ce stade, ainsi que le béquillage avec
progressivement pas appuyé ou l’usage du membre intéressé. À la
1 Arbre diagnostique. VS : vitesse de sédimentation ; CRP : protéine C-réactive.
main, le résultat est plus lent et la flexion-extension des doigts peut

3
19-0570 Algodystrophie Angéiologie

rester insuffisante pour les mouvements fins, quand ce n’est pas la rééducation en milieu marin ou la crénothérapie. Le soutien
pire. À la phase d’entretien (après le 60e jour) la balnéothérapie, psychologique est régulièrement nécessaire, en particulier chez
l’autorééducation dans la limite de la non-douleur et la l’enfant, à toutes les phases du traitement. La reprise des activités
kinésithérapie, active et passive, prudentes sont nécessaires, voire familiales puis sociales sera progressive.

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4
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0010

19-0010

Anatomie vasculaire
C Latrémouille

Résumé.– Cette étude anatomique permet de préciser les connaissances indispensables des régions
directement concernées par la pathologie vasculaire, en s’intéressant principalement aux axes
vasculaires périphériques, ce qui exclut le chapitre particulier de la vascularisation coronaire. Elle précise
l’anatomie descriptive et les voies d’abord par lesquelles le chirurgien pourra officier. Cette anatomie est
actuellement de mieux en mieux explorée par les progrès des techniques d’imagerie, qui de plus en plus
vont en s’affinant et en s’associant aux nouvelles thérapeutiques que représentent les procédures
endoluminales.
© Elsevier, Paris.

Introduction
1
Cette étude anatomique (fig 1) ne prétend aucunement avoir un
caractère exhaustif, mais devrait permettre de préciser les
connaissances topographiques des principales régions clés du système 2
10
artériel qui, étant les sites préférentiels de la pathologie vasculaire, 3
doivent être parfaitement connues, d’une part des médecins et d’autre 11
4 12
part des chirurgiens notamment vasculaires. Or, l’exploration de cette
anatomie repose de plus en plus sur une imagerie aux possibilités sans 13
cesse grandissantes. 5
Complétant l’artériographie, qui opacifie le contenu des artères,
l’échographie a permis d’analyser les modifications pariétales. Le 6 14
scanner et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) donnent des 15
images complètes de la région et précisent les rapports du vaisseau
malade. Ces éléments sont d’autant plus précieux que le chirurgien ne 16
voit pas toujours la région malade : le principe même du pontage est
de passer d’artère donneuse saine en artère receveuse normale, ignorant 17
ainsi les lésions que l’imagerie se doit d’analyser. L’exposé des
connaissances nécessaires pour réaliser des opérations vasculaires porte
donc sur l’interprétation précise des images. 18
19
7
Troncs supra-aortiques 20

8 21
Les trois troncs artériels supra-aortiques, naissant directement de la 22
crosse de l’aorte sont : le tronc artériel brachiocéphalique, la carotide
primitive gauche et l’artère sous-clavière gauche.

9 23
TRONC ARTÉRIEL BRACHIOCÉPHALIQUE
De 5 à 7 cm de longueur et de 12 à 15 mm de diamètre, il se dirige
en haut, à droite et un peu en arrière. Au niveau de l’articulation 1 Anatomie des branches terminales de l’aorte. 1. Artère épigastrique ; 2. artère il-
sternoclaviculaire, il se divise en artères carotide primitive droite et iaque primitive ; 3. artère circonflexe iliaque profonde (iliolombaire) ; 4. artère circon-
sous-clavière droite. Dans 20 % des cas, il est associé dans son origine flexe iliaque superficielle ; 5. artères circonflexes fémorales ; 6. artère fémorale pro-
fonde ; 7. artères jumelles ; 8. artère tibiale antérieure ; 9. artère pédieuse ; 10. artère
avec l’artère carotide primitive gauche.
sacrée moyenne ; 11. artère sous-cutanée abdominale ; 12. tronc hypogastrique ; 13. ar-
tères honteuses externes superficielles ; 14. artère des adducteurs ; 15. artère du qua-
driceps ; 16. artère musculaire moyenne ; 17. artère grande anastomotique ; 18. artère
articulaire supérieure ; 19. artère articulaire inférieure ; 20. tronc tibiopéronier ; 21. ar-
tère tibiale postérieure ; 22. artère péronière ; 23. branche antérieure de l’artère
© Elsevier, Paris

Christian Latrémouille : Assistant hospitalo-universitaire, département de chirurgie cardiovasculaire,


hôpital Broussais, 96, rue Didot, 75674 Paris cedex 14, France.
péronière.

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Latrémouille. Anatomie vasculaire. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0010, 1997, 3 p.
19-0010 Anatomie vasculaire Angéiologie

ARTÈRES CAROTIDES ET BIFURCATION – le segment transversaire, trajet intrarachidien ;


CAROTIDIENNE
– le segment atloïdoaxoïdien, dès l’espace intertransversaire C2-C3
L’artère carotide primitive droite naît du tronc brachiocéphalique. jusqu’au point où elle traverse la dure-mère. Son parcours est
Elle se dirige vers le haut, à côté de la trachée dans la gouttière flexueux à ce niveau ;
carotidienne accompagnée de la veine jugulaire interne et du nerf
– le segment intracrânien, où elle finit par s’anastomoser avec son
pneumogastrique. En regard de C4, elle s’élargit légèrement (sinus
homologue controlatérale pour former le tronc basilaire.
carotidien), et donne ses branches terminales, les artères carotide
interne et carotide externe. Dans la grande majorité des cas, elle ne Ses branches collatérales sont musculaires, osseuses, méningées,
donne pas de branches collatérales. L’artère carotide primitive radiculaires et cérébelleuses.
gauche naît directement de la crosse aortique et décrit un parcours Dans la région cervicale, l’artère vertébrale présente de nombreuses
cervical identique à celui de son homologue droite. anastomoses avec les artères sous-clavière, carotide externe et son
Il peut exister des variations anatomiques au niveau de la bifurcation homologue controlatérale. À l’étage intracrânien, l’anastomose la
carotidienne en ce qui concerne sa hauteur et son orientation. On dit plus importante est celle qui se fait avec le système carotidien au
généralement que plus l’angle entre les deux artères carotides est niveau du polygone de Willis à travers les artères communicantes
ouvert, plus la bifurcation de l’artère carotide primitive est haut postérieures. En effet, les artères vertébrales penètrent dans le crâne
située. Cette observation peut être utile à l’interprétation des par l’orifice occipital pour se réunir devant la face antérieure du
angiographies numérisées, où l’on perd les repères anatomiques. bulbe et constituer le tronc basilaire. Celui-ci se divise en deux artères
cérébrales postérieures, lesquelles s’anastomosent avec les artères
Dans son trajet cervical, l’artère carotide interne ne donne pas de
communicantes postérieures, collatérales des artères carotides
branches collatérales.
internes. Cette disposition classique est retrouvée dans 50 % des cas.
L’artère carotide externe s’étend dès le bord supérieur du cartilage Le polygone de Willis est le système de suppléance vasculaire
thyroïdien jusqu’au condyle du maxillaire inférieur où elle se divise intracrânien le plus important.
en ses branches terminales : l’artère temporale superficielle et l’artère
L’abord de la sous-clavière au niveau de l’origine de la vertébrale
maxillaire interne. Elle présente de nombreuses branches collatérales.
par la voie cervicale est mené par une incision pratiquée 1 cm au-
L’abord chirurgical de la bifurcation carotidienne se fait par voie dessus de la clavicule, elle impose la section des deux chefs du
cervicale antérolatérale suivant une incision effectuée sur le relief sterno-cléido-mastoïdien (sternal et claviculaire).
antérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Après avoir récliné la Après repérage du paquet jugulocarotidien, le second temps consiste
jugulaire interne en arrière, la carotide primitive est isolée à repérer et réséquer la veine vertébrale, ce qui permet d’ouvrir la
prudemment sur un lacs (risque d’embolie). Le pneumogastrique est région sur l’origine de l’artère vertébrale et de contrôler la
laissé en dedans et la branche descendante de l’hypoglosse est sous-clavière.
repérée.
La carotide externe repérée est mise sur lacs, ainsi que sa première
branche collatérale, l’artère thyroïdienne supérieure. La carotide Membre supérieur
interne est contrôlée au-dessus du glomus carotidien.
La limite supérieure de la région bicarotidienne est représentée par Passé la clavicule, l’artère sous-clavière devient l’artère axillaire, qui
le muscle digastrique au bord inférieur duquel se trouve le nerf se dirige en bas et en dehors vers le bras, cheminant derrière les
grand hypoglosse qui barre le trajet de la carotide interne à l’origine pectoraux. Après avoir franchi l’aponévrose clavi-pectoro-axillaire,
de l’espace sous-parotidien postérieur. Il est toujours nécessaire de le elle prend le nom d’artère brachiale (humérale).
repérer et parfois de le mobiliser vers le haut. Si le nerf grand Cette région comporte une circulation collatérale relativement
hypoglosse est difficile à repérer, on peut suivre vers le haut sa modeste, et toute embolie de ces artères génère rapidement un état
branche descendante. d’ischémie aiguë. L’abord se fait au niveau de la gouttière bicipitale
Lorsque la bifurcation carotidienne est haute, l’abord et la dissection interne, au pli du coude, ce qui permet d’effectuer l’embolectomie
sont prolongés dans l’espace sous-parotidien postérieur. vers l’amont et/ou l’aval.
Lorsque la bifurcation carotidienne est basse, ou pour aborder la Au niveau de l’avant-bras, l’artère humérale se divise en deux troncs
carotide primitive, il suffit de prolonger vers le bas l’incision pré- de disposition équilibrée dans plus de 90 % des cas : les artères
sterno-cléido-mastoïdienne et de dégager la carotide en dedans de la ulnaire (cubitale) et radiale. Ces deux artères sont, en effet, largement
jugulaire. anastomosées par les arcades palmaires, ce que le test d’Allen permet
de vérifier de façon fiable.
ARTÈRE SOUS-CLAVIÈRE L’implantation des pontages axillofémoraux se fait à la partie
supérieure de l’artère axillaire au-dessus de la fourche du médian.
L’artère sous-clavière gauche naît directement de la crosse aortique
La voie sous-clavio-delto-pectorale est utilisée, l’incision étant menée
en situation externe et postérieure par rapport à l’artère carotide
dans le sillon deltopectoral puis sous la clavicule, jusqu’à sa partie
primitive gauche, tandis que son homologue droite prend son origine
moyenne. La veine céphalique repérée est suivie jusqu’au plan
dans le tronc artériel brachiocéphalique au niveau de l’articulation
veineux satellite de l’artère qui peut ainsi être contrôlée.
sternoclaviculaire.
L’artère sous-clavière droite naît du tronc artériel brachiocéphalique ;
elle est d’un calibre moyen de 8 à 10 mm et présente trois portions Crosse aortique et aorte thoracique
par rapport au muscle scalène : les portions préscalénique,
interscalénique et postscalénique. Ses branches collatérales sont : descendante
l’artère vertébrale, le tronc thyrocervical (ancien tronc thyro-bi-
cervico-scapulaire), le tronc costocervical (cervico-intercostal), l’artère En continuité avec l’aorte ascendante, la crosse aortique se dirige
thoracique interne (artère mammaire interne). vers l’arrière et à gauche pour pénétrer dans le médiastin postérieur.
Au niveau de D4, elle se continue avec l’aorte descendante en
¶ Artère vertébrale décrivant un angle d’environ 90°. Cette dernière traverse l’orifice
diaphragmatique à la hauteur de D12. Elle donne des branches
L’artère vertébrale est la première collatérale de l’artère sous-clavière intercostales, bronchiques, trachéo-œsophagiennes, œsophagiennes
dans sa portion préscalénique. D’une longueur moyenne de 25 cm et proprement dites, médiastinales postérieures et diaphragmatiques
d’un calibre variable entre 4 et 6 mm, elle présente quatre segments : postérosupérieures.
– le segment prétransversaire, dès son origine jusqu’à son entrée L’importance des artères intercostales tient à ce qu’elles constituent
dans le canal transversaire de C6 ; l’origine des artères radiculomédullaires et des rameaux afférents des

2
Angéiologie Anatomie vasculaire 19-0010

artères spinales. La plus importante des artères radiculomédullaires bifurquer en artères iliaque externe pour le membre inférieur et
est l’artère d’Adamkiewicz, qui naît généralement entre D8 et L2. iliaque interne pour le pelvis. L’artère sacrée moyenne descend en
Elle alimente l’artère spinale antérieure en décrivant une boucle avant de L5 vers le sacrum.
caractéristique en épingle à cheveux. Pour visualiser les branches collatérales de l’aorte abdominale
L’abord de l’aorte thoracique se fait par thoracotomie postérolatérale séparément, il est possible de réaliser les angiographies sélectives
gauche suivant une incision qui commence en arrière entre l’épine correspondantes. Pour mettre en évidence une sténose à l’origine du
de l’omoplate et le rachis et se poursuit vers l’avant selon une courbe tronc cœliaque ou des artères mésentériques, on pratique des
à convexité postérieure, passant à deux travers de doigt en dessous incidences latérales.
de la pointe de l’omoplate. Si le geste est thoracique pur, elle se Les voies d’abord de l’aorte abdominale sont de deux types : soit
poursuit selon une courbe harmonieuse jusqu’à la ligne axillaire transpéritonéal, soit rétropéritonéal.
antérieure, si le geste doit être plus étendu, elle se recourbe vers le La voie transpéritonéale est la voie idéale pour l’aorte abdominale
bas. L’espace intercostal qui donne le meilleur jour sur l’ensemble sous-rénale et les artères iliaques primitives. Elle peut se faire soit
de l’aorte thoracique est le cinquième espace, mais si l’isthme par une incision médiane xyphopubienne, soit par voie transversale
aortique doit être contrôlé, il faut lui préférer le quatrième espace qui expose moins bien les artères iliaques.
intercostal. Si les lésions sont étendues, il faudra ouvrir un autre
La voie rétropéritonéale peut se faire soit par une voie pararectale,
espace intercostal plus bas situé (sixième ou septième), en utilisant
par la voie de Robe ou la voie iliaque externe.
la même incision cutanée. On peut suivre l’ensemble de l’aorte
thoracique dont les niveaux de contrôle dépendront du siège précis
de la lésion. Le clampage, surtout bas situé, peut nécessiter le recours Membre inférieur
à une circulation extracorporelle partielle afin de limiter le risque de
paraplégie (artère d’Adamkiewicz). L’artère fémorale commune se divise au triangle de Scarpa en deux
branches principales : la fémorale superficielle et la fémorale
profonde. Cette dernière est la voie de suppléance et de relais
Artères abdominales préférentiel en cas de sténose de l’axe iliaque et de la fémorale
superficielle. La honteuse externe est en effet anastomosée avec le
L’aorte descendante pénètre dans la cavité abdominale au niveau de réseau des branches perforantes de la fémorale profonde.
D12. La voie d’abord de l’artère fémorale au triangle de Scarpa se fait par
Le tronc cœliaque naît de la face antérieure de l’aorte abdominale au une incision arciforme à convexité externe passant à 2 cm en dehors
niveau de D12-L1. Après un court trajet de 1 à 3 cm, il trifurque du trépied fémoral en connaissant l’existence de la lame
pour donner les artères hépatique commune, gastrique gauche, lymphoganglionnaire qu’il faut récliner en dedans afin de limiter le
coronaire stomachique et splénique. L’artère hépatique commune risque de lymphorrhée postopératoire.
bifurque derrière la tête du pancréas en artère hépatique propre et À partir du canal de Hunter, la fémorale superficielle prend le nom
artère gastroduodénale. La première se dirige vers le hile du foie d’artère poplitée qui chemine à la face postérieure de l’articulation
pour se terminer en ses deux branches terminales, les artères du genou en dessous de laquelle elle donne ses branches terminales
hépatiques gauche et droite. Elle a pour collatérale importante que sont le tronc tibiopéronier et l’artère tibiale antérieure.
l’artère cystique. L’artère gastroduodénale donne à son tour les L’abord de la poplitée haute se fait à la face interne du tiers inférieur
artères gastroépiploïque droite et pancréaticoduodénale inférieure de la cuisse. L’abord de la poplitée basse se fait par une incision
droite. L’artère gastrique droite a une origine variable dans l’axe jambière, en arrière de la crête interne du tibia.
hépatique commune-hépatique propre.
L’artère mésentérique supérieure naît de l’aorte à 1 cm au-dessous
du tronc cœliaque, en regard du bord supérieur de L1. Elle se dirige Conclusion
en avant et caudalement, séparée de la face antérieure de l’aorte par
la veine rénale gauche. Ses branches collatérales sont : l’artère Cette description anatomique concise reprend les différents éléments de
duodénopancréatique inférieure gauche, les branches jéjunales et l’arbre artériel, qui sont le siège préférentiel des lésions
iléales, l’artère colique droite supérieure, l’artère colique droite athéroscléreuses. Elle reprend donc, en précisant à chaque fois les
moyenne et l’iléocolique. différentes voies d’abord, les principales régions que le chirurgien
Les artères rénales droite et gauche naissent de chaque côté de l’aorte vasculaire a l’habitude d’aborder, même si de nouvelles techniques
abdominale en-dessous du point d’origine de l’artère mésentérique thérapeutiques permettent une autre approche de la pathologie artérielle
supérieure, et se trouvent en relation avec le plan veineux qui les par les procédures endoluminales.
couvre par devant. Elles peuvent être en nombre d’une à trois de
chaque côté. Dans ce dernier cas, elles sont représentées par une
artère rénale et deux artères polaires supérieure et inférieure.
Références
Des faces antérolatérales de l’aorte surgissent, un peu en dessous de
la naissance des artères rénales, les artères spermatiques ou [1] Bastide G, Lefèbvre D. Les artères de la cuisse et du genou. In : Chevrel JP ed. Anatomie
clinique. Paris : Springer-Verlag, 1996 ; vol 1 : 427-436
ovariennes qui suivent un trajet descendant et divergeant vers les [2] Bastide G, Lefèbvre D. Les artères de la jambe. In : Chevrel JP ed. Anatomie clinique. Paris :
gonades. Springer-Verlag, 1996 ; vol 1 : 479-485
[3] Becade P. Le système artériel, constitution et valeur anatomique. Anat Clin 1980 ; 1 :
L’artère mésentérique inférieure naît de la face antérieure de l’aorte. 357-364
Elle donne des branches collatérales pour le côlon gauche et se [4] Bouchet A. Les artères du bras et du coude. In : Chevrel JP ed. Anatomie clinique. Paris :
termine par les artères hémorroïdaires pour le tiers supérieur du Springer-Verlag, 1996 ; vol 1 : 123-127
[5] Chermet C, Kieffer E. Aorto-artériographie et artérites des membres inférieurs. Techniques
rectum. - indications. Société française de radiologie. Journées nationales de radiologie, 16-18 nov
L’aorte abdominale dans toute sa longueur donne des branches 1977
[6] Fontaine C, Drizenko A. Les artères de la tête et du cou. In : Chevrel JP ed. Anatomie
collatérales lombaires étagées par paires, équivalentes aux artères clinique. Paris : Springer Verlag, 1996 ; vol 3 : 397-407
intercostales dans le thorax. [7] Lazorthes SG. Vascularisation et circulation cérébrales. Paris : Masson, 1981
L’aorte se termine au niveau de L4 en se divisant en trois branches, [8] Mercier R, Vanneuville G. Anatomie radiologique de l’aorte abdominale et de ses branches
collatérales et terminales. Paris : Vigot, 1978
les artères iliaques primitives gauche et droite et l’artère sacrée [9] Pillet J. L’aorte abdominale et ses branches. In : Chevrel JP ed. Anatomie clinique. Paris :
moyenne. Les deux premières sont des troncs divergeants, qui vont Springer-Verlag, 1996 ; vol 2 : 421-439

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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0120

19-0120

Angiopathies diabétiques
A Grimaldi
A Heurtier

Résumé.– Le diabète se définit par une hyperglycémie chronique responsable de complications de


microangiopathie, avec une corrélation pratiquement linéaire entre l’hyperglycémie et les taux
d’apparition et d’aggravation de la rétinopathie, à partir d’un seuil glycémique se situant autour de1,40
g/L. Toutefois, une fois sur deux, malgré l’existence d’une rétinopathie sévère témoignant d’un mauvais
équilibre glycémique, le diabète ne se complique pas de glomérulopathie. Il existe en effet des facteurs
génétiques et d’environnement favorisant la survenue de la glomérulopathie diabétique. Si le diabète
multiplie par deux à six le risque d’athérosclérose, la relation est ici plus complexe, variable avec le
territoire vasculaire concerné et avec la prévalence de l’athérosclérose dans la population non diabétique
du pays, et surtout fonction de l’association aux autres facteurs de risque. On peut reconnaître deux
situations cliniques à haut risque vasculaire : d’une part, le diabète compliqué de glomérulopathie et ce
dès le stade de microalbuminurie, d’autre part le diabète avec syndrome d’insulinorésistance
métabolique compliquant une obésité androïde associant volontiers hypertension artérielle, et
dyslipoprotéinémie. Si la prévention de la microangiopathie passe par une optimisation du traitement
hypoglycémiant, la prévention de la macroangiopathie suppose une prise en charge globale de
l’ensemble des facteurs de risque vasculaire.
© Elsevier, Paris.

Introduction Microangiopathie diabétique


Le diabète regroupe différentes maladies dont l’unicité tient à Les études thérapeutiques prospectives randomisées de
l’hyperglycémie chronique et à ses complications caractéristiques de Stockholm [15] et du Diabetes control and complications trial research
microangiopathie : rétinopathie, glomérulopathie, neuropathie. De group (DCCT) [23] ont permis de démontrer la responsabilité de
fait, la définition du diabète est singulièrement restrictive, se limitant l’hyperglycémie dans la survenue et l’aggravation des
aux hyperglycémies chroniques à risque de rétinopathie, soit des complications de microangiopathie du diabète insulinodépendant.
glycémies égales ou supérieures à 1,40 g/L à jeun ou supérieures ou De façon convergente, ces deux études ont permis d’établir la
égales à 2 g/L à la deuxième heure de l’hyperglycémie provoquée orale relation entre l’hyperglycémie chronique définie par l’HbA1c et le
(HGPO). Certains proposent actuellement de revoir cette définition risque d’apparition ou d’aggravation de la rétinopathie.
en conservant la valeur seuil de 2 g/L à la deuxième heure de Globalement, une diminution de 1 % de l’HbA1c (pour une
l’HGPO mais en abaissant le seuil glycémique à jeun à 1,25 g/L normale de 4 à 6 %) correspond à une diminution du risque de
(plasma veineux glucose oxydase) pour améliorer la concordance rétinopathie de 30 %. Toutefois, persiste un débat [25, 11] pour savoir
entre les deux termes. Quoi qu’il en soit, la définition actuelle ne si la corrélation entre la microangiopathie et l’hyperglycémie est
prend pas en compte l’étiopathogénie des diabètes bien que des de type exponentielle, avec un continuum à partir des valeurs
progrès importants aient été réalisés en ce qui concerne le diabète normales d’HbA1c, ou s’il existe un seuil à risque. Plusieurs études
insulinodépendant auto-immun et divers diabètes monogéniques situent ce seuil autour de 1,50 à 1,60 g/L de glycémie moyenne,
(diabète MODY, diabète mitochondrial, etc). Surtout, cette définition soit une HbA1c autour de 7,5 %. Ce débat est en partie biaisé, car
fait l’impasse sur le risque de macroangiopathie, bien que 75 % des on sait aujourd’hui qu’il existe, in vivo comme in vitro, une
diabétiques meurent d’accident cardiovasculaire. véritable mémoire de l’hyperglycémie chronique susceptible
d’induire à retardement des lésions cellulaires malgré le retour à
Nous verrons donc la nature de la corrélation entre l’hyperglycémie un milieu normoglucosé, les lésions rétiniennes pouvant donc
chronique et, d’une part, la microangiopathie, d’autre part, la apparaître secondairement après une période transitoire
macroangiopathie. d’hyperglycémie. On estime, bien que la preuve fasse défaut, que
le seuil glycémique à risque de rétinopathie est également celui à
risque de glomérulopathie, et de neuropathie. Et en attendant des
résultats de l’étude anglaise UKPDS, la communauté
André Grimaldi : Professeur des Universités. diabétologique est convaincue qu’il en va de même en ce qui
Agnès Heurtier : Chef de clinique-assistante. concerne le diabète non insulinodépendant, bien que les modalités
© Elsevier, Paris

Service de diabétologie, centre hospitalier universitaire Pitié-Salpêtrière, 47-83 boulevard de l’Hôpital,


75651 Paris cedex, France. de l’optimisation thérapeutique restent ici à définir [24].

Toute référence à cet article doit porter la mention : A Grimaldi et A Heurtier. Angiopathies diabétiques. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0120, 1997, 6 p.
19-0120 Angiopathies diabétiques Angéiologie

L’étude prospective randomisée du DCCT a confirmé les résultats une glycosylation protéique susceptible de modifier l’expression
d’études antérieures qui avaient montré un risque d’aggravation génique. En effet, cette dérégulation de la synthèse de la matrice
initiale de la rétinopathie ou de la neuropathie lors de extracellulaire, provoquée par une culture initiale en milieu enrichi
l’amélioration rapide de l’équilibre métabolique. Cette aggravation en glucose, persiste après plusieurs passages cellulaires en milieu
transitoire semble se faire sur le mode ischémique avec apparition normoglucosé. Il existerait donc une véritable mémoire génique de
au niveau de la rétine de nodules cotonneux secondaires à une l’hyperglycémie. De plus, l’accumulation de matrice extracellulaire
obstruction artériolaire et développement éventuel d’une s’expliquerait par un défaut de catabolisme par les
polyneuropathie ou d’une mononeuropathie aiguë, parfois métalloprotéases.
spectaculaire mais pratiquement toujours réversible. L’hypothèse
le plus communément avancée pour expliquer cette aggravation ¶ Biochimie
initiale transitoire, est celle d’une chute brusque du flux sanguin Sur le plan biochimique [13], on ne connaît pas encore les mécanismes
capillaire entraînée par le retour à la normoglycémie, provoquant liant l’hyperglycémie aux perturbations fonctionnelles et
l’occlusion de vaisseaux malades [23]. histologiques observées. Toutefois, il est intéressant de remarquer
que les tissus cibles de la microangiopathie diabétique se
[8]
PHYSIOPATHOLOGIE caractérisent par une pénétration libre du glucose intracellulaire si
bien que le taux de glucose intracellulaire reflète le taux de glucose
¶ Hyperglycémie chronique
extracellulaire. Cette hyperglycocytie entraînerait une augmentation
Elle est en effet responsable de perturbations précoces de la des voies métaboliques non insulinodépendantes du glucose. Deux
microcirculation avec sur le plan fonctionnel : voies sont tout particulièrement incriminées : la voie du sorbitol
d’une part, et la glycation protéique non enzymatique d’autre part.
– une augmentation du débit, de la pression et de la perméabilité
capillaires, secondaires à une sécrétion accrue de prostaglandines – La voie du sorbitol-fructose pourrait être responsable d’une
PGE2, PGI2 et de monoxyde d’azote (NO). Toutefois, au niveau pseudohypoxie métabolique (augmentation du rapport
des nerfs, l’œdème endoneural dû à l’hyperperméabilité serait NADH/NAD, augmentation du rapport lactate/pyruvate) et d’une
responsable d’un défaut de la circulation capillaire endoneurale diminution de la NaK-ATP-ase. Elle pourrait être à l’origine de la
avec développement d’une ischémie chronique expliquant la mort précoce des péricytes rétiniens riches en enzymes contrôlant
résistance paradoxale à l’ischémie observée très précocement au cette voie métabolique : l’aldose réductase.
cours de la neuropathie diabétique ; – La glycation protéique serait donc non seulement extracellulaire
– une perte de l’autorégulation hémodynamique avec vasoplégie mais aussi et peut-être surtout intracellulaire. Elle serait
artériolaire d’amont. Cette vasodilatation pourrait être secondaire responsable de la perturbation d’un certain nombre d’activités
au niveau de la rétine à une situation métabolique de enzymatiques telles que la NaK-ATP-ase, mais surtout d’une
pseudohypoxie tissulaire avec production de radicaux libres de modification de l’expression génique avec notamment
l’oxygène. Elle s’expliquerait, au niveau du glomérule rénal, par augmentation de la synthèse de collagène.
l’augmentation de la réabsorption glucosodée tubulaire proximale. La voie du sorbitol peut être inhibée par les inhibiteurs de l’aldose
Quoi qu’il en soit, cette vasodilatation avec perte de réductase et la glycation protéique par l’aminoguanidine. Les
l’autorégulation hémodynamique explique le retentissement sur la études animales ont donné des résultats très encourageants. Les
microcirculation de l’hypertension artérielle ; études chez l’homme, avec les inhibiteurs de l’aldose réductase,
– une tendance thrombogène avec notamment une augmentation ont été plutôt décevantes et l’aminoguanidine semble être à
du facteur de Willebrand synthétisé par les cellules endothéliales l’origine d’effets secondaires obérant les essais cliniques humains.
et une augmentation de la viscosité sanguine parallèle à
FACTEURS MODULATEURS
l’augmentation du fibrinogène responsable en particulier d’une (PROTECTEURS OU AGGRAVANTS) [8]

hyperagrégabilité érythrocytaire.
La responsabilité de l’hyperglycémie chronique est en faveur d’une
¶ Histologie théorie métabolique uniciste. Cependant, la constitution des lésions
est étroitement dépendante de la spécificité tissulaire. Il existe donc
Au niveau histologique, les premières lésions observées sont de des facteurs locaux ou généraux, aggravants ou protecteurs,
deux types : expliquant d’une part la discordance parfois observée entre
– d’une part la mort des péricytes, cellules de soutien enchâssées l’équilibre métabolique et la survenue des complications, et d’autre
dans la paroi des capillaires et communiquant avec les cellules part la dissociation fréquente des complications de rétinopathie,
endothéliales. Ces cellules dérivent histologiquement des cellules de glomérulopathie et de neuropathie.
musculaires lisses et ont des propriétés contractiles. Elles – L’hypertension artérielle est un facteur aggravant essentiel pour
assureraient le maintien du tonus capillaire et contrôleraient la la glomérulopathie diabétique mais aussi pour la rétinopathie et la
prolifération des cellules endothéliales. Notons qu’au niveau des neuropathie diabétiques.
capillaires musculaires, on compte un péricyte pour dix cellules En cas de microangiopathie diabétique, on cherche donc à obtenir
endothéliales, alors qu’au niveau de la rétine, on trouve un péricyte une pression artérielle inférieure à 130/85 mmHg. Les inhibiteurs
pour une ou deux cellules endothéliales. La mort des péricytes de l’enzyme de conversion (IEC) auraient un bénéfice particulier en
aurait donc des conséquences importantes sur le tonus des raison de leur action sur la pression hydrostatique transcapillaire.
capillaires rétiniens et la prolifération des cellules endothéliales ; En réalité, cet avantage n’a été démontré que pour le développement
– d’autre part, une synthèse accrue de la matrice extracellulaire de la glomérulopathie diabétique de type I, mais il n’est pas établi
(collagène, fibronectine, laminine) avec épaississement de la pour la glomérulopathie diabétique du diabète de type II, et encore
membrane basale et expansion du mésangium glomérulaire. Cette moins pour la rétinopathie et la neuropathie, malgré quelques
augmentation de synthèse protéique, par les cellules endothéliales observations cliniques et des expérimentations animales.
rétiniennes et les cellules mésangiales rénales, semble être Quoi qu’il en soit, les IEC ont apporté un argument important à la
secondaire à l’augmentation du glucose intracellulaire provoquant théorie hémodynamique de la microangiopathie diabétique qui fait

2
Angéiologie Angiopathies diabétiques 19-0120

de l’hyperdébit-hyperpression-hyperperméabilité capillaires le En réalité, la macroangiopathie diabétique associe deux maladies


mécanisme fondamental de la microangiopathie diabétique. En artérielles distinctes :
faveur de cette théorie hémodynamique, on peut également retenir
– d’une part, l’athérosclérose qui semble histologiquement
le caractère protecteur vis-à-vis de la microangiopathie diabétique,
identique à l’athérosclérose du non-diabétique ;
d’une sténose athéromateuse de l’artère rénale ou de l’artère
ophtalmique. – d’autre part, l’artériosclérose, caractérisée par une prolifération
endothéliale et une dégénérescence de la média aboutissant à la
– le glaucome primitif (en entraînant une augmentation de la
médiacalcose [4].
pression interstitielle ?) et la myopie sévère (en entraînant une
diminution des besoins en oxygène de la rétine ?) sont des facteurs
[19, 6, 2]
protecteurs reconnus de la rétinopathie diabétique sévère. ÉPIDEMIOLOGIE : FRÉQUENCE ET GRAVITÉ

– le décollement partiel du vitré, semble favoriser (pour des Parallèlement aux progrès des traitements hypoglycémiants et anti-
raisons mécaniques ?) la prolifération rétinienne. Au contraire, un infectieux, l’athérosclérose est devenue la principale cause de décès
décollement total du vitré d’ailleurs plus fréquent chez le des diabétiques, bien avant les comas métaboliques et les
diabétique, est un facteur de protection de la prolifération complications infectieuses. En effet, 75 % des diabétiques décèdent
rétinienne. d’accident vasculaire, au premier rang desquels l’ischémie
coronarienne responsable de 50 % des décès. Lorsqu’on prend en
– L’âge (> 50 ans) semble être un facteur indépendant de
compte les facteurs de risque classiques tels que l’âge,
protection vis-à-vis de la rétinopathie proliférante et de la
l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie et le tabagisme, le
glomérulopathie diabétiques, mais c’est en revanche un facteur de
diabète entraîne un risque relatif modéré de 2 à 3, chez l’homme,
susceptibilité majeure de la neuropathie diabétique, expliquant que
plus important de 4 à 5, chez la femme. En effet, en matière
l’on puisse observer chez des patients de 70 ans, une neuropathie
d’athérosclérose, la femme diabétique perd son avantage naturel
diabétique sévère en l’absence de toute rétinopathie.
sur l’homme avec un sex-ratio hommes diabétiques/femmes
– Le sexe masculin et la grande taille (en raison de la longueur diabétiques entre 1 et 2 alors qu’il se situe dans la population non
axonale ?) seraient des facteurs de susceptibilité de la neuropathie diabétique de moins de 50 ans entre 5 et 10.
diabétique.
En fait, le poids relatif des facteurs de risque vasculaires varie selon
– L’artérite des membres inférieurs, en majorant l’ischémie la topographie artérielle. Ainsi, le diabète entraîne un risque relatif
neuronale, est également un facteur d’aggravation de la d’athérosclérose hiérarchisé : de 1,5 à 2 pour les accidents
neuropathie diabétique. vasculaires cérébraux, de 2 à 4 pour l’insuffisance coronaire, de 5 à
– L’hyperlipidémie serait un facteur d’aggravation de la 10 pour l’artérite des membres inférieurs.
glomérulopathie diabétique, de même que plus généralement En réalité, les lésions anatomiques telles qu’on peut les diagnostiquer
l’ensemble des facteurs de risque d’athérosclérose, y compris les par l’imagerie vasculaire non invasive (ou lors d’études autopsiques)
antécédents familiaux d’athérome et l’insulinorésistance elle-même. sont encore plus fréquentes chez le diabétique : environ 5 fois pour
En effet, si près de 50 % des diabétiques insulinodépendants l’insuffisance coronaire, 8 fois pour l’atteinte cervicocérébrale, 14 fois
développent une rétinopathie sévère, seulement la moitié d’entre pour l’artérite des membres inférieurs.
eux présentent une glomérulopathie clinique. Et si l’incidence
annuelle de la rétinopathie sévère reste stable, autour de 3 % après RÔLE DES FACTEURS DE RISQUE ET DE
20 ans de diabète, celle de la glomérulopathie s’effondre après 20 L’HYPERGLYCÉMIE : CONSÉQUENCES CLINIQUES
ans de diabète pour tomber à 3 ‰ après 30 ans d’évolution.
Pour chaque facteur de risque vasculaire, il importe de répondre
Autrement dit, le diabétique qui n’a pas développé de
aux questions suivantes :
glomérulopathie dans les 30 premières années de sa maladie, a un
risque très faible de la voir apparaître, même si son diabète a
¶ S’agit-il d’un facteur causal ou seulement
toujours été mal équilibré et s’il a une rétinopathie sévère. Il existe
d’un facteur lié à un autre facteur causal,
donc des facteurs de protection ou de susceptibilité de l’atteinte
ou encore d’un facteur d’aggravation ?
glomérulaire. Ces facteurs sont essentiellement d’ordre
génétique [7], car plusieurs études ont montré l’existence d’une À l’évidence, l’hyperglycémie est un facteur causal de la
agrégation familiale de la glomérulopathie diabétique. Les progrès microangiopathie diabétique, de même que l’hypertension
de la génétique moléculaire laissent espérer la détermination artérielle et l’hypercholestérolémie sont des facteurs étiologiques
prochaine des facteurs de susceptibilité de la microangiopathie de l’athérosclérose. Il n’en va pas de même en ce qui concerne les
diabétique (parmi les nombreux gènes étudiés, citons les gènes de liens unissant hyperglycémie et athérosclérose. L’hyperglycémie
l’enzyme de conversion de l’angiotensine, de l’angiotensinogène, apparaît plus ici comme un facteur lié à un facteur causal ou
du facteur de Willebrand, des déterminants de la matrice surtout comme un facteur aggravant majorant l’effet délétère des
extracellulaire, etc). On pourra ainsi dépister les patients à haut autres facteurs de risque au prorata du risque lui-même.
risque de microangiopathie, en particulier de glomérulopathie. En Autrement dit, plus le risque est élevé, plus la majoration par
attendant, force est de proposer à tous les diabétiques un objectif l’hyperglycémie est grande, comme cela a été démontrée par
glycémique les mettant, autant que faire se peut, à l’abri des l’étude MR FIT [19].
complications de microangiopathie.
¶ Existe-t-il un seuil à risque ou s’agit-il
d’un continuum et quel est le niveau global de risque ?
Macroangiopathie diabétique
En matière d’athérosclérose coronarienne, il n’existe pas de seuil à
Par opposition à la microangiopathie qui touche la risque pour la pression artérielle ou pour le cholestérol, mais un
microcirculation, on désigne sous le terme de macroangiopathie continuum avec un risque croissant parallèlement à l’élévation de la
diabétique, l’atteinte des artères musculaires allant de l’aorte pression artérielle et à l’augmentation du taux de low density
jusqu’aux petites artères distales d’un diamètre supérieur à 200 µm. lipoproteins (LDL cholestérol). Lorsqu’il existe un continuum, fixer

3
19-0120 Angiopathies diabétiques Angéiologie

une barre visant à séparer le « normal » du « pathologique » est paroi vasculaire par le diabète. La conséquence pratique est
forcément arbitraire. Il est alors nécessaire pour le clinicien de fixer la importante puisque la majorité des auteurs s’accordent pour traiter
barre d’intervention en fonction du risque vasculaire global du l’hypertension artérielle du diabétique de moins de 60 ans dès que
patient. On peut schématiquement distinguer trois niveaux de risque : la pression artérielle dépasse 140/90 mmHg (après les précautions
et confirmations d’usage : avec un brassard adapté en cas d’obésité,
– un risque faible, ne relevant que de mesures hygiénodiététiques
au repos, en l’absence de facteur de stress, à plusieurs reprises)
et d’une surveillance régulière ;
sans attendre les chiffres de 160/95 mmHg [9].
– un risque moyen, justifiant si les mesures hygiénodiététiques Il n’y a pas, à ce jour, d’argument physiopathologique pour modifier
sont insuffisantes, une prescription médicamenteuse pour des les valeurs seuils du diagnostic d’hypercholestérolémie et
valeurs seuils assez élevées (par exemple 160/95 mmHg pour la d’intervention médicamenteuse. Il n’en va pas de même en ce qui
pression artérielle, 1,60 g/L pour le LDL cholestérol) avec des concerne l’hypertriglycéridémie, bien qu’il s’agisse plus d’un
objectifs adaptés (par exemple, moins de 140/90 mmHg pour la marqueur du risque d’athérosclérose que d’un agent causal. En effet,
pression artérielle, moins de 1,30 g/L pour le LDL cholestérol) ; 20 à 50 % des diabétiques, en particulier des diabétiques non
– un risque élevé (ce qui est le cas de la prévention secondaire et insulinodépendants, présentent une hypertriglycéridémie. Celle-ci
de l’association de trois, ou plus, facteurs de risque distincts). Le évolue souvent parallèlement à l’hyperglycémie et à la surcharge
niveau d’intervention et les objectifs sont alors plus stricts (par pondérale. Elle est due à une augmentation de la synthèse hépatique
exemple, respectivement 140/90 mmHg et moins de 130/85 des VLDL ( very low density lipoproteins ), stimulée par
mmHg pour la pression artérielle, 1,30 g/L et moins de 1 g/L pour l’hyperinsulinisme et à un défaut de dégradation des VLDL
le LDL cholestérol). circulantes par dysfonctionnement de la lipoprotéine lipase aggravé
En ce qui concerne la majoration du risque coronarien par par l’insulinorésistance. L’hypertriglycéridémie s’accompagne donc
l’hyperglycémie elle-même, les études internationales divergent. d’un défaut de la voie métabolique, menant physiologiquement des
Certaines ne montrent aucune corrélation, d’autres au contraire VLDL aux LDL. Témoignent de ce défaut, l’augmentation du taux
démontrent l’existence d’un seuil à risque, mais pour des valeurs de remnants de VLDL (IDL) et du taux de formation de LDL petites
glycémiques nettement plus basses que celles retenues pour la et denses, toutes lipoparticules hautement athérogènes [21], tandis que
définition du diabète. Bien qu’il n’y ait pas d’accord international le HDL2 cholestérol participant à l’épuration du cholestérol tissulaire
sur ces valeurs, on peut retenir 1,20 g/L à jeun et 1,40 g/L à la vers le foie, est diminué. En conséquence, la barre de 2 g/L adoptée
deuxième heure de l’HGPO. Cela dit, contrairement au risque de par les consensus internationaux pour le traitement de
rétinopathie, le risque coronarien n’augmente pas parallèlement au l’hypertriglycéridémie, n’apparaît pas appropriée pour la population
degré de l’hyperglycémie, si bien qu’en matière de diabétique. Bien qu’il n’y ait pas d’accord international, la plupart
macroangiopathie, il semble que le bénéfice soit faible, voire nul des auteurs estiment qu’il faut intervenir pour des valeurs de
lorsque l’HbA1c s’abaisse de 9 à 8 %, voire de 8 à 7 %. Un bénéfice triglycérides supérieures à 1,50 g/L ou de HDL cholestérol inférieur
ne pourrait être démontré que pour une quasi-normalisation de à 0,40 g/L chez la femme, et à 0,35 g/L chez l’homme.
l’HbA1c au-dessous de 6 % (soit une moyenne glycémique au- Complications thrombotiques de l’athérosclérose
dessous de 1,20 g/L). Resterait alors à évaluer le bénéfice
L’hyperglycémie pourrait favoriser les complications
escompté, eu égard au risque encouru d’hypoglycémies.
thrombotiques de l’athérosclérose. Si le déséquilibre du diabète ne
semble pas responsable d’une athérosclérose plus sévère, il
¶ Quelle est la pathogénie de l’athérosclérose pourrait jouer un rôle important dans la survenue des
du diabétique ? complications thrombotiques d’un athérome déjà constitué. En
Remarquons d’abord que le diabète respecte l’inégalité de effet, l’hyperglycémie s’associe à des troubles de la crase sanguine
fréquence de l’athérosclérose selon les populations du globe. Ainsi, prothrombogènes réversibles avec le parfait équilibre glycémique :
le diabétique japonais a un taux faible d’athérosclérose comme la – hyperfibrinémie, augmentation du facteur VIII de Willebrand ;
population japonaise et le diabétique finnois a un taux élevé
– augmentation du facteur VII corrélée à l’hypertriglycéridémie ;
comme la population non diabétique, bien que dans les deux cas,
le diabète soit un facteur de majoration du risque. Le diabète ne – défaut de fibrinolyse.
semble donc pas intervenir directement, mais plutôt en Accélération du vieillissement de la paroi artérielle
potentialisant les facteurs de risque d’athérosclérose, ou en L’hyperglycémie pourrait être un agent causal de l’accélération du
aggravant l’athérome constitué. Le diabète pourrait ainsi intervenir vieillissement de la paroi artérielle (artériosclérose) dont la
de cinq manières différentes. pathogénie fait intervenir :

Association des facteurs de risque – la glyco-oxydation des protéines, en particulier des protéines de
la matrice extracellulaire et notamment du collagène ;
Il comporte fréquemment une association des facteurs de risque
– la dénervation sympathique des vaisseaux due à la
vasculaire. Ainsi, l’hypertension artérielle est 2 fois plus fréquente
dysautonomie diabétique ;
chez les diabétiques que dans la population non diabétique, et
l’hyperlipidémie 5 à 10 fois plus fréquente, tandis que le tabagisme – l’atteinte des vasa vasorum par la microangiopathie diabétique.
est hélas aussi fréquent [10]. Cette artériosclérose serait responsable d’un défaut de compliance
artérielle, participant à l’autoaggravation de l’athérosclérose et
Augmentation de la sensibilité des tissus cibles majorant son retentissement cardiaque. De plus, elle expliquerait
l’atteinte distale artériolaire dont l’association à l’athérome des
Le diabète entraînerait une augmentation de la sensibilité des tissus
grosses artères rendrait compte de la gravité de l’ischémie tissulaire.
cibles (cardiovasculaires) aux facteurs de risque vasculaire.
- Ainsi, l’hypertension artérielle aurait un effet délétère chez le Rôle délétère en cas de nécrose tissulaire
diabétique pour des valeurs de pression artérielle plus faibles que Au cours d’un accident ischémique aigu responsable d’une nécrose
celles observées dans la population non diabétique. Cette tissulaire, l’hyperglycémie pourrait jouer un rôle délétère comme
sensibilité pourrait être due à l’accélération du vieillissement de la cela a été parfaitement démontré chez l’animal rendu diabétique

4
Angéiologie Angiopathies diabétiques 19-0120

avant ligature artérielle. De même, plusieurs études ont montré glomérulopathie diabétique débutante, d’autre part elle témoigne
une corrélation entre l’HbA1C et le pronostic de l’accident d’une souffrance endothéliale diffuse, conséquence du syndrome
vasculaire. Le rôle délétère de l’hyperglycémie s’expliquerait par d’insulinorésistance métabolique. Témoignent également de cette
deux raisons : souffrance endothéliale : l’élévation du facteur de Willebrand,
l’augmentation de la perméabilité capillaire, le défaut d’activité de
– d’une part hémorrhéologique, avec activation plaquettaire
la lipoprotéine lipase, etc [20].
thrombogène, défaut de fibrinolyse et surtout augmentation de la
viscosité sanguine notamment par défaut de déformabilité et Ainsi, une microalbuminurie supérieure à 30 mg/24 heures à
hyper-agrégabilité érythrocytaires ; plusieurs reprises, en l’absence d’autres pathologies
uronéphrologiques et de déséquilibre aigu du diabète, comporte
– d’autre part métabolique, avec augmentation de la production un risque de mortalité coronarienne multiplié par 3 dans les 10 ans
locale de lactates aggravant l’acidose et l’hypoxie tissulaires. De suivants. Elle est d’ailleurs souvent associée à une hypertrophie
plus, l’augmentation des acides gras libres accompagnant le ventriculaire gauche.
déséquilibre du diabète, favorise les troubles du rythme cardiaque
en cas d’ischémie myocardique. ¶ Complications de l’athérosclérose
Cela justifie de ne pas aggraver l’hyperglycémie par une perfusion
Elles ont également un certain nombre de particularités cliniques
glucosée lors de la survenue d’un accident vasculaire et de
chez le diabétique en dehors de leur gravité même, marquée par
chercher au contraire un équilibre glycémique optimal (glycémie
une mortalité globalement double de celle du non diabétique.
entre 1,20 et 1,60 g/L) en cas d’ischémie critique des membres
inférieurs, d’infarctus du myocarde ou d’accidents vasculaires
Accidents vasculaires cérébraux
cérébraux avec une surveillance pluriquotidienne (6 à 8 fois/j) de
la glycémie capillaire, compte tenu du risque de l’hypoglycémie Ils sont plus rarement hémorragiques chez le diabétique en dépit
sur ces terrains (trouble du rythme cardiaque, crise comitiale). de l’augmentation de la fréquence de l’hypertension artérielle. En
revanche, les micro-infarctus responsables de lacunes semblent
PARTICULARITÉS CLINIQUES plus fréquents chez le diabétique, en particulier en cas
DE LA MACROANGIOPATHIE DIABÉTIQUE d’association diabète et hypertension artérielle [3].

¶ Tableaux cliniques Ischémie coronarienne


Elle est deux à trois fois plus souvent indolore chez le diabétique
En pratique, on peut distinguer deux « tableaux cliniques » à haut
que chez le non-diabétique. Cette absence de douleur ne semble
risque d’athérosclérose :
pas expliquée par une neuropathie végétative avec dénervation
– d’une part le diabétique insulinodépendant (ou non sympathique cardiaque. L’infarctus du myocarde est ainsi très
insulinodépendant) développant une glomérulopathie diabétique souvent indolore, bien que plus rarement asymptomatique. Le
associée le plus souvent à une rétinopathie sévère ischémique traitement de l’infarctus du myocarde ne diffère pas de celui des
ayant justifié une panphotocoagulation au laser. L’albuminurie non-diabétiques, mais il impose l’arrêt des hypoglycémiants oraux
supérieure à 300 mg/24 heures et le déclin progressif de la fonction et le recours à une insulinothérapie au moins transitoire, avec pour
glomérulaire s’accompagnent d’une hypertension artérielle, d’une objectif une glycémie entre 1,20 et 1,60 g/L. Le séjour en unité de
dyslipidémie, d’une tendance thrombogène et peut être d’une soins intensifs est souvent prolongé, en raison du risque de mort
rétention des produits terminaux de la glycation normalement subite retardée, en particulier en cas de dénervation cardiaque avec
éliminés par le rein. L’ensemble de ces facteurs concourent à la allongement de QT (> 0,44 ms). Finalement la mortalité est double
constitution d’une véritable angiopathie maligne associant à 1 mois, à 1 an et à 5 ans par rapport aux non diabétiques. Cette
microangiopathie sévère, athérosclérose étendue, artériosclérose surmortalité tient essentiellement à la fréquence de l’insuffisance
accélérée. Le risque de mortalité coronarienne et d’amputation des cardiaque séquellaire, en particulier chez la femme diabétique
membres inférieurs est multiplié par 10 par rapport aux obèse [1, 14, 17]. L’insuffisance cardiaque du diabétique peut être de
diabétiques insulinodépendants de même âge n’ayant pas mécanismes multiples. Elle peut être secondaire à :
d’atteinte rénale [12] ;
– un infarctus antérieur étendu plus fréquent ;
– d’autre part, le diabétique non insulinodépendant présentant
– à une cardiopathie ischémique avec infarctus rudimentaires
une obésité androïde : obésité faciotronculaire avec bosse de bison,
multiples passés inaperçus ;
rapport taille/hanches supérieur à 0,80 chez la femme, à 0,95 chez
l’homme, contrastant avec une lipoatrophie relative des cuisses, – ou encore à une cardiomyopathie ni ischémique, ni hypertensive
parfois une hypertrichose, voire un discret hirsutisme et un secondaire à un « processus de vieillissement accéléré » du
syndrome des ovaires polymicrokystiques, une oligospanio- myocarde, marqué initialement par un défaut du remplissage
ménorrhée, etc. Cette obésité androïde, et tout particulièrement diastolique, puis par une altération de la fonction systolique.
viscérale, est responsable d’une insulinorésistance métabolique Au total, 9 % environ des patients présentant un infarctus du
avec hyperinsulinisme, augmentation des acides gras libres (AGL), myocarde sont des diabétiques connus, auxquels il faut ajouter 6 %
augmentation de la synthèse des VLDL, rétention sodée, environ présentant une hyperglycémie supérieure à 1,40 g/L en
augmentation du PAI1. Elle associe fréquemment, dans un ordre l’absence de diabète antérieurement connu. Une fois sur deux, il
d’apparition variable, une diminution de la tolérance glucidique, s’agit en réalité d’un diabète méconnu dont témoigne l’élévation
une hypertension artérielle, une dyslipidémie (triglycérides élevés, de l’HbA1C, ou d’une intolérance aux hydrates de carbone qui
HDL cholestérol diminué), une hyperuricémie, avec un risque persistera après l’infarctus du myocarde. Mais une fois sur deux, il
élevé d’insuffisance coronaire [18, 5]. s’agit d’une hyperglycémie de stress due à l’hypersécrétion des
L’existence d’une microalbuminurie supérieure 30 mg/24 heures à hormones de contre-régulation témoignant de la gravité de la
plusieurs reprises avec un examen cytobactériologique des urines situation hémodynamique et donc de mauvais pronostic.
(ECBU) normal, semble faire le lien entre ces deux syndromes. En En dehors de l’infarctus, le traitement de l’ischémie myocardique
effet, d’une part elle représente le premier symptôme d’une ne diffère pas, que ce soit chez le diabétique ou le non-diabétique.

5
19-0120 Angiopathies diabétiques Angéiologie

Il en est de même en ce qui concerne les pontages coronaires et les nécessité par une gangrène du pied [16]. L’artérite des membres
angioplasties, avec toutefois une mortalité périopératoire environ inférieurs du diabétique se révèle en effet trop souvent par un
double (5 % versus 2,5 %) et un risque de resténose après trouble trophique avec début de gangrène secondaire à un
angioplastie plus élevé [22]. traumatisme même minime (frottement dans la chaussure, ongle
mal taillé blessant l’orteil voisin, ongle incarné, absence de
Artérite des membres inférieurs protection des talons lors de l’alitement prolongé, etc). La survenue
Elle se révèle parfois par une claudication intermittente avec sa d’un tel trouble trophique avec nécrose ischémique, impose
douleur constrictive en étau, imposant l’arrêt de la marche. En toujours l’hospitalisation du patient pour explorations vasculaires
réalité, cinq fois sur six cette douleur fait défaut en raison de la (échographie doppler, mesure de la pression transcutanée en
coexistence d’une neuropathie diabétique. La survenue d’une oxygène et artériographie) qui permettront une décision
douleur nocturne des membres inférieurs peut faire évoquer une thérapeutique de sauvetage. En effet, la gangrène, même limitée,
artérite au stade III justifiant une exploration artérielle n’est jamais secondaire à une microangiopathie diabétique ; elle
(échodoppler, si besoin artériographie), avant l’apparition d’un témoigne toujours d’une atteinte des artères musculaires, même
trouble trophique (stade IV). Mais il peut s’agir d’une douleur s’il s’agit d’artères de petit calibre, et elle doit donc bénéficier, à
neuropathique à prédominance nocturne. Cependant cette douleur, chaque fois que cela est possible, d’une revascularisation. Un geste
loin de s’aggraver, cède plutôt à la marche. Elle est bilatérale, d’amputation « a minima » fait sans exploration vasculaire, risque
volontiers à type de brûlure, de dysesthésie, de décharge de ne jamais cicatriser et d’entraîner une aggravation secondaire
électrique, voire de broiement. Les pouls sont perçus, parfois de l’ischémie avec amputation majeure.
bondissants. Les pieds sont chauds. La trophicité de la peau et des
phanères est respectée. En cas de doute, l’exploration par
échodoppler et la mesure de la pression transcutanée en oxygène Conclusion
permettent de faire la part de l’ischémie.
Outre l’association fréquente à une neuropathie responsable du La prévention de la microangiopathie diabétique passe par
caractère indolore de l’ischémie, l’artérite des membres inférieurs l’équilibration du diabète avec pour objectif des glycémies
du diabétique est caractérisée par sa topographie : une fois sur trois préprandiales inférieures à 1,40 g/L et une HbA1c inférieure à 7,5 %.
elle est proximale, bien corrélée aux facteurs de risque classiques Cet objectif peut être atteint grâce à une optimisation du traitement
(hypertension artérielle, hyperlipidémie, tabagisme), une fois sur nécessitant une éducation spécialisée des patients. La prévention de
trois elle est distale, siégeant au-dessous du genou et une fois sur la macroangiopathie diabétique est moins codifiée. Elle nécessite une
trois globale, proximale et distale. Par chance, même lorsqu’elle est thérapeutique plurifactorielle cohérente cherchant à corriger à la fois
distale, une artère au-dessous de la cheville reste le plus souvent l’hypertension, l’hyperlipidémie, l’hyperglycémie, les troubles de la
perméable. La palpation d’un pouls pédieux n’élimine donc en rien crase sanguine. Elle se heurte souvent à un défaut de compliance des
l’existence d’une artérite sévère des axes jambiers sus-jacents, mais patients. Bien que le bénéfice sur le risque cardiovasculaire global du
il est sûrement un des meilleurs arguments pronostiques de traitement de l’insulinorésistance par des mesures hygiénodiététiques
l’artérite diabétique. En effet, cette persistance permet de réaliser soit aujourd’hui bien établi, le bénéfice des traitements
des pontages distaux (utilisant la veine saphène interne dévalvulée médicamenteux (metformine ou thiazolidinediones), reste à
in situ ou inversée), dans le cadre d’un sauvetage de membre démontrer.

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6
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0610

19-0610

Anomalies de l’hémostase
et tests biologiques
I Elalamy
C Lecrubier
MM Samama
Résumé. – Différentes circonstances de découverte d’une diathèse hémorragique chez un patient
mènent à un interrogatoire et un examen clinique. Ils doivent être complétés par des tests biologiques
spécialisés afin de caractériser l’étiologie. Les pathologies de l’hémostase primaire relèvent de plusieurs
mécanismes : altérations de la paroi vasculaire, perturbations quantitatives et/ou qualitatives des
plaquettes, maladie von Willebrand constitutionnelle ou acquise. Les circonstances de survenue d’un
syndrome hémorragique sont importantes à connaître. En fait, il s’agit le plus souvent d’une découverte
fortuite lors du bilan classique d’hémostase.
Nous envisageons les altérations biologiques pouvant être responsables d’un syndrome hémorragique
clinique.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : hémostase, coagulation, anticoagulant circulant, maladie von Willebrand, hémorragie,


hémophilie, coagulation intravasculaire disséminée.

Pathologie de l’hémostase primaire – leur nature : épistaxis précoces et prolongées, saignement


anormal à la chute des dents de lait, ménorragies, transfusions à la
suite d’un acte chirurgical banal, d’un accouchement ;
CIRCONSTANCES DE DÉCOUVERTE
– l’existence d’épisodes hémorragiques importants après avulsion
En présence d’un syndrome hémorragique clinique, cinq dentaire ou amygdalectomie doit être systématiquement
caractères, associés ou non, doivent être recherchés : recherchée ;
– la prise éventuelle concomitante d’un médicament antiagrégant
– le mode d’apparition : saignements spontanés ou déclenchés par
comme l’aspirine ou un autre anti-inflammatoire non stéroïdien.
un traumatisme minime (choc léger ou piqûre intramusculaire) ;
L’enquête familiale doit être informative pour être utile au
– la localisation : la répétition des saignements dans le même diagnostic et une consanguinité éventuelle chez les ascendants doit
territoire évoque plutôt une lésion locale, tandis que leur être recherchée (tableau I).
apparition dans des territoires différents orientent vers une
diathèse hémorragique constitutionnelle ; EXAMEN CLINIQUE
– l’aspect clinique : les saignements cutanéomuqueux à type de Il contribue à la distinction entre un simple saignement épisodique
purpura, pétéchies, ecchymoses ou épistaxis traduisent souvent et une authentique altération de l’hémostase. Il consiste à
une anomalie de l’hémostase primaire ; les télangiectasies évoquent rechercher et à caractériser les saignements externes. L’examen
la maladie de Rendu-Osler ; général permet la mise en évidence éventuelle d’une affection
– caractère récidivant ; causale : adénopathies, splénomégalie, hémopathie, hépatopathie
(tableau II).
– existence d’antécédents familiaux.
L’interrogatoire du patient et son examen clinique orientent en
grande partie les tests biologiques en vue du diagnostic. Si une
INTERROGATOIRE diathèse hémorragique est établie sur les données de
l’interrogatoire, un premier bilan associant temps de saignement
Il doit être conduit selon un protocole rigoureux et des (TS), numération plaquettaire, temps de Quick (TQ), temps de
interrogatoires stéréotypés sont même disponibles. Il permet de céphaline activé (TCA) est recommandé. Des examens spécialisés
préciser plusieurs paramètres : sont réalisés en seconde intention devant la mise en évidence d’une
– les circonstances de survenue des saignements ; ou plusieurs anomalies.
Le TS est le seul test global de l’hémostase primaire réalisé in vivo.
Il faut reconnaître que la pratique du TS est de moins en moins
Ismaël Elalamy : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. souvent systématique, en raison de sa fiabilité jugée insuffisante
Chantal Lecrubier : Attachée. par un nombre croissant de cliniciens. Un nouveau test serait plus
Meyer-Michel Samama : Professeur émérite.
Service d’hématologie biologique, Hôtel-Dieu, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 75181 Paris cedex 04,
sensible pour détecter les causes les plus fréquentes d’altération de
France. l’hémostase primaire : la prise d’aspirine et la maladie von

Toute référence à cet article doit porter la mention : Elalamy I, Lecrubier C et Samama MM. Anomalies de l’hémostase et tests biologiques. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits
réservés), Angéiologie, 19-0610, 2000, 8 p.
19-0610 Anomalies de l’hémostase et tests biologiques Angéiologie

Tableau I. – Éléments de l’interrogatoire d’un syndrome hémorragique.


Recherche d’antécédents familiaux et personnels Per-, postchirurgicaux - Saignements disproportionnés lors d’une intervention
(immédiats ou retardés)
- Transfusion per- ou postopératoire

Non chirurgicaux - Accouchement hémorragique


- Ménorragies
- Ecchymoses faciles (spontanées, multiples)
- Saignement prolongé après plaie banale ou ponction
veineuse
- Épistaxis récidivantes
- Hématomes après injections intramusculaires
- Gingivorragies
- Hématurie macroscopique
- Hémarthrose post-traumatisme minime

Prise médicamenteuse Liste exhaustive des traitements pris dans les 10 der- - Traitements anticoagulants
niers jours - Antibiotiques
- AINS
- Antiagrégants plaquettaires

AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.

L’origine est immunologique, infectieuse, ou le plus souvent


Tableau II. – Caractères cliniques principaux des hémorragies au indéterminée ou idiopathique. Les facteurs plasmatiques, ainsi que
cours des troubles de l’hémostase.
les fonctions plaquettaires, sont normaux. Les tests de fragilité
Mode Siège de capillaire (signe du brassard à tension, ventouse) sont souvent
Aspect clinique
d’apparition prédilection positifs, mais leur intérêt est en pratique très limité. L’examen
Syndrome Spontané Purpura Téguments clinique suffit le plus souvent pour reconnaître la fragilité
vasculaire Pétéchies capillaire. Le pronostic est fonction d’une éventuelle affection
Syndrome Spontané Purpura Téguments
concomitante.
plaquettaire Ecchymoses Muqueuses Différentes formes de purpuras sont décrites :
Gingivorragies
Épistaxis – purpura par vascularite leucocytoclasique, siégeant aux
Hématuries membres inférieurs, associé éventuellement à des myalgies, des
Hémophilie Provoqué Hématomes Muscles
douleurs articulaires, un œdème et/ou une néphropathie, ou une
Hémarthroses Articulations neuropathie périphérique. Le purpura résulte du dépôt de
complexes immuns circulants dans les vaisseaux du derme. Des
Coagulopathie Provoqué Hématomes Muscles
cryoglobulines peuvent être mises en évidence, le plus souvent
Hématuries Muqueuses
mixtes et rarement monoclonales. Le purpura rhumatoïde ou
Fibrinolyse Provoqué Ecchymoses en « carte de Téguments syndrome de Schœnlein-Henoch (vascularite leucocytoclasique à
géographie »
immunoglobulines [Ig] A) apparaît avant 15 ans, surtout chez les
Saignement en « nappe » Muqueuses
aux points de ponction garçons ;
Cerveau – purpura fulminans méningococcique, de pronostic sévère,
Muscles
souvent associé à une coagulation intravasculaire disséminée
(CIVD). Il doit être traité en urgence ;
Willebrand. Il s’agit de l’étude de la capacité fonctionnelle globale – purpuras de diverses origines : vascularites septiques à germes
plaquettaire évaluée sur sang total citraté par le PFA-100. Ce test Gram positif ou Gram négatif, maladies éruptives (rougeole,
est mal nommé « TS in vitro », mais il permet de mimer rubéole, scarlatine), maladie d’Osler, fragilité capillaire (sénile,
artificiellement les conditions d’une brèche artériolaire en scorbut, corticothérapie prolongée).
conditions de flux de manière, certes simple, mais son utilité dans
l’évaluation du risque hémorragique clinique demande encore à ATTEINTE PLAQUETTAIRE
être validée par des études élargies.
¶ Thrombopénies

Pathologie de l’hémostase primaire La thrombopénie est la diminution de la numération plaquettaire


en dessous de 120 G/L.
Les anomalies congénitales de l’hémostase primaire sont rares et Thrombopénies d’origine centrale
les altérations acquises sont de loin les plus fréquentes.
Elles relèvent le plus souvent d’une insuffisance médullaire globale
Il est classique de distinguer trois grands groupes d’affections :
acquise, liée à une hémopathie (état préleucémique, leucémie
– les altérations de la paroi vasculaire ; aiguë, aplasie, myélodysplasie...), ou d’origine toxique (sels d’or,
triméthoprime...). L’alcoolisme, les carences en vitamine B12 et en
– les perturbations quantitatives et/ou qualitatives des plaquettes ;
acide folique peuvent être incriminés.
– la maladie von Willebrand constitutionnelle et les déficits acquis À l’observation du myélogramme, les mégacaryocytes sont absents
en facteur von Willebrand. ou significativement réduits, associés à d’éventuelles anomalies des
autres lignées.
ALTÉRATIONS DE LA PAROI VASCULAIRE Les thrombopénies familiales avec un volume plaquettaire moyen
augmenté sont rapportées dans différents syndromes :
L’atteinte de la paroi capillaire peut provoquer un purpura qui
peut prendre l’allure de pétéchies (ponctuations), d’ecchymoses – syndrome des plaquettes grises, avec des plaquettes déficitaires
plus ou moins étendues, ou de vibices (stries allongées). en leur contenu granulaire alpha ;

2
Angéiologie Anomalies de l’hémostase et tests biologiques 19-0610

Le risque hémorragique ne semble important que pour une


Tableau III. – Thrombopénies avec volume plaquettaire moyen numération plaquettaire inférieure à 50 G/L. La valeur
augmenté.
fonctionnelle des plaquettes joue un rôle essentiel et explique la
Purpura thrombopénique bonne tolérance clinique.
Diagnostic d’élimination
immunologique (PTI)
La thrombopénie doit être confirmée sur plusieurs examens afin
Anomalie de May-Hegglin Autosomique dominant d’éliminer un éventuel artefact. L’observation du frottis après
Corps de Döhle coloration au May-Grünwald-Giemsa (recherche d’amas en
Syndrome d’Alport Autosomique dominant « queue de frottis ») et la numération sur des anticoagulants
Surdité, néphropathie différents permettent d’éliminer une pseudothrombopénie par
thromboagglutination plus fréquente en éthylène-diamine-tétra-
Syndrome de Fechtner Autosomique dominant
Surdité, néphropathie acétique (EDTA). Il existe en effet des thromboagglutinines froides
Inclusions intraleucocytaires actives à température ambiante et dépendantes de l’anticoagulant
qui sont capables de générer des agglutinats in vitro et dont l’effet
Syndrome de Sebastian Autosomique dominant
Inclusions intraleucocytaires
disparaît à 37 °C. Dans certains contextes inflammatoires, un
satellitisme plaquettaire peut être objectivé avec une adhésion des
Syndrome de Bernard-Soulier Autosomique récessif plaquettes aux leucocytes responsables d’une fausse thrombopénie.
Défaut d’adhésion
Déficit en GPIB-IX-V L’interrogatoire, l’examen clinique, la numération plaquettaire et
l’évaluation des volumes plaquettaires moyens, l’étude de la
Syndrome des plaquettes grises Autosomique dominant
coagulation, l’observation du frottis sanguin et du myélogramme
Absence de granules alpha
associé ou non à une étude histologique de la moelle, et/ou une
Syndrome des plaquettes Montréal Autosomique dominant étude isotopique de la durée de vie plaquettaire en autologue,
Défaut de réponse à la thrombine permettent de mieux cerner l’étiologie de la thrombopénie, avant
et de l’activité procoagulante
de conclure au diagnostic de PTI, qui n’est qu’un diagnostic
Willebrand plaquettaire Autosomique dominant d’exclusion.
Willebrand 2B Anomalie de l’agglutination à la ristocé-
tine Les étiologies d’une thrombopénie périphérique sont nombreuses :
Anomalie des multimères de haut poids
moléculaire – hypersplénisme : il faut bien entendu l’éliminer ;
Macrothrombopénie méditerranéenne Autosomique dominant – infectieuses : virales (rougeole, rubéole, mononucléose, hépatites,
Origine méditérranéenne infections à parvovirus ou cytomégalovirus, virus de
l’immunodéficience humaine [VIH]), bactériennes (septicémie,
– syndrome de May-Hegglin, de transmission autosomique CIVD), parasitaires (paludisme, toxoplasmose, leishmanioses) ;
dominante, souvent asymptomatique. Les leucocytes renferment – immunoallergiques : les thrombopénies induites par l’héparine
des inclusions bleutées aux extrémités effilées en navette (corps de sont rares (incidence 0,1 à 3 % des patients traités), mais elles
Döhle) ; entraînent des thromboses veineuses et/ou artérielles pouvant
– syndrome d’Epstein, avec une thrombopénie profonde à grandes engager le pronostic vital ;
plaquettes associée à une néphropathie (syndrome d’Alport) et à
– immunologiques : dans le lupus érythémateux aigu disséminé
une surdité de transmission ;
ou autre collagénose, ou au cours d’une hémopathie lymphoïde, la
– syndrome de Montréal, de transmission autosomique thrombopénie peut être associée à un anticoagulant circulant de
dominante ; le syndrome hémorragique est modéré et une type antiprothrombinase et à des anticorps anticardiolipines ;
agrégation spontanée des plaquettes géantes est visible sur les
frottis sanguins. – microangiopathiques, dans le syndrome de Moschcowitz et le
syndrome hémolytique urémique de l’enfant ;
Une altération constitutionnelle de la mégacaryopoïèse associe
thrombopénie et plaquettes de petite taille. Il s’agit du syndrome – post-transfusionnelles, par allo-immunisation du receveur qui
de Wiskott-Aldrich, de transmission liée au chromosome X, développe des anticorps antiplaquettaires. Rares, elles sont
associant eczéma et infections répétées par déficit immunitaire. observées surtout dans le post-partum après transfusion ;
L’amégacaryocytose avec agénésie radiale est exceptionnelle. – la CIVD implique la consommation des différents facteurs de la
La thrombopénie familiale Paris-Trousseau est caractérisée par une coagulation et un syndrome de défibrination.
délétion du bras long du chromosome 11, un retard mental
modéré, une syndactylie et une dysmorphie faciale. Il existe de ¶ Thrombopathies
nombreux micromégacaryocytes médullaires et les plaquettes
présentent une fusion de leur granules alpha. Thrombopathies constitutionnelles
Différents types de thrombopénies familiales de transmission
autosomique dominante et à volume plaquettaire normal ou • Pathologies des récepteurs glycoprotéiques
augmenté, par trouble de production, ont été rapportés (tableau III).
– Dystrophie thrombocytaire hémorragipare de Bernard-Soulier.
La confusion de diagnostic avec le purpura thrombopénique
La transmission est autosomique récessive. Au plan biologique, la
idiopathique (PTI) est fréquente ; la possibilité de thrombopénie
maladie se caractérise par une absence d’adhésion des plaquettes
familiale et constitutionnelle doit être évoquée grâce à une enquête
au sous-endothélium vasculaire. Les plaquettes sont de grand
familiale rigoureuse, à l’absence de numération plaquettaire
volume (12 à 15 fl), en nombre légèrement diminué. Le déficit en
normale dans les antécédents personnels et même parfois devant
récepteurs membranaires glycoprotéiques (GP)Ib-IX est démontré
l’inefficacité du traitement d’un PTI (corticothérapie,
sur électrophorèse bidimensionnelle et/ou par cytométrie en flux.
veinoglobulines ou parfois splénectomie). Ce diagnostic différentiel
L’étude fonctionnelle in vitro confirme l’absence d’agglutination en
est donc important à ne pas méconnaître.
présence de ristocétine et de botrocétine, tandis que l’agrégation
Thrombopénies périphériques induite par les autres agonistes classiques (thrombine, collagène)
est normale. La biologie moléculaire permet de mettre en évidence
Les mécanismes responsables de thrombopénies périphériques sont
des variants avec des mutations différentes.
de trois types : hyperdestruction, anomalie de répartition
(hypersplénisme), hyperconsommation (coagulopathie – Thrombasthénie de Glanzmann.
intravasculaire généralisée). Elle est aussi de transmission autosomique récessive. Le syndrome

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19-0610 Anomalies de l’hémostase et tests biologiques Angéiologie

hémorragique cutanéomuqueux peut s’estomper à l’âge adulte ; responsable de la diminution de la formation du complexe
toutefois, une anémie ferriprive fréquente peut témoigner de la prothrombinase à la surface plaquettaire, entraînant une réduction
persistance de saignements occultes. La maladie est caractérisée de ses propriétés procoagulantes. La dissociation entre l’élévation
par une absence d’agrégation des plaquettes quel que soit significative des produits de dégradation du fibrinogène et des
l’agoniste utilisé. Elle est liée à un déficit en sites d’amarrage du taux normaux de D-dimères semble un bon test de dépistage en
fibrinogène : les complexes GPIIb-IIIa ou intégrines a2bb3 dont il cas d’absence de réponse plaquettaire à l’adrénaline. Une autre
existe 40 000 à 80 000 copies par plaquette normale. Ce chiffre est particularité clinique de cette thrombopathie est l’absence
réduit à 20 % dans le type II, forme atténuée, et à 5 % dans le type d’efficacité des transfusions plaquettaires pour contrôler les
I, forme sévère, la plus fréquente. Il existe des variants où épisodes hémorragiques.
l’anomalie du complexe est strictement qualitative. L’étude
– Syndrome de Scott.
fonctionnelle in vitro montre une activation plaquettaire limitée à
Les plaquettes présentent une anomalie d’exposition des
un changement de forme et réaction sécrétoire conservée avec une
phospholipides membranaires conduisant à un défaut d’activation
libération d’adénosine triphosphate (ATP) pratiquement normale.
de la coagulation plasmatique (ralentissement de la cinétique
La rétraction du caillot est nulle. La biologie moléculaire permet
d’activation de la thrombine). Le test de consommation de la
l’étude des anomalies génétiques associées (mutations ponctuelles).
prothrombine permet aisément d’évaluer l’activité coagulante des
En France, la maladie est le plus fréquemment observée chez les
plaquettes en mesurant la prothrombine résiduelle qui doit être
Gitans, groupe ethnique à forte endogamie et/ou favorisée par la
normalement inférieure à 10 %. Le mode de transmission est
consanguinité.
autosomique récessif.
– Anomalie de la réponse au collagène.
Dans la population asiatique, une faible proportion de sujets est Thrombopathies acquises
déficiente en glycoprotéine GPIV (CD36), l’un des récepteurs du
Elles sont très fréquentes et bien souvent découvertes fortuitement.
collagène, sans conséquence clinique ni biologique. Des
observations ponctuelles de déficit en GPIa-IIa ou en GPVI ont Le caractère acquis est à évoquer devant l’absence d’antécédents
aussi été rapportées. hémorragiques personnels ou familiaux signalés lors de
l’interrogatoire.
• Altérations des voies de signalisation plaquettaire Les médicaments sont le plus fréquemment à l’origine de ces
altérations fonctionnelles plaquettaires avec en premier lieu, les
– Anomalies de la voie des prostaglandines (aspirin-like syndrome). anti-inflammatoires non stéroïdiens dont l’aspirine (souvent en
Dans les plaquettes, un déficit enzymatique de la cyclo-oxygénase automédication), puis les antiagrégants comme la ticlopidine ou le
1 ou prostaglandine-H2 synthétase 1, enzyme constitutive, entrave clopidogrel. La liste des thrombopathies iatrogènes est bien
la synthèse du thromboxane A2. entendu non exhaustive et on peut citer les antibiotiques
– Anomalie de la réponse à l’adénosine diphosphate (ADP). (pénicilline, céphalosporines), les diurétiques, les inhibiteurs
Elle est voisine, par ses caractères biologiques, de la thrombopathie calciques, certaines chimiothérapies, les anesthésiques, les
acquise induite par la ticlopidine ou le clopidogrel. antidépresseurs tricycliques, le dextran, les hypolipémiants, et
même l’alcool.
– Troubles de la microvésiculation.
Des cas d’anomalie de la génération de microparticules D’authentiques pathologies peuvent entraîner des perturbations
plaquettaires, sans altération de l’activité prothrombinasique, ont secondaires de la réponse plaquettaire :
été rapportés. – syndromes myéloprolifératifs et préleucémiques ;
• Pathologies des granules plaquettaires ou de leur sécrétion – dysglobulinémies ;

– Déficit en granules denses : maladie du pool vide delta. – myélodysplasies ;


Le syndrome de Hermansky-Pudlak est de transmission – insuffisances rénales chroniques ;
autosomique dominante, associé à un albinisme et à l’accumulation
– contextes postopératoires, surtout la circulation extracorporelle ;
de substance céroïde dans les cellules réticulohistiocytaires. Le
syndrome de Chediak-Higashi, de transmission autosomique – valvulopathies cardiaques ;
récessive, est associé à un albinisme partiel et des infections – maladies auto-immunes avec des autoanticorps dirigés contre les
récurrentes. L’évolution est marquée par des phases de thrombo- glycoprotéines membranaires ;
et de leucopénie. Le syndrome de Wiskott-Aldrich est aussi
caractérisé par un déficit en granules denses. – hépatopathies chroniques.
– Déficit en contenu des granules alpha : maladie du pool vide alpha. Leur diagnostic est difficile et doit être effectué par des laboratoires
Il s’agit du syndrome des plaquettes grises (gray-platelet syndrome), spécialisés.
car ces granules apparaissent azurophiles au sein de la plaquette.
La transmission est autosomique dominante. ¶ Thrombocytoses et thrombocythémies
La thrombocytose est l’augmentation secondaire de la numération
• Autres pathologies associant des anomalies des plaquettes et des plaquettaire au-dessus de 500 G/L notée à plusieurs examens
facteurs plasmatiques biologiques successifs.
– Maladie von Willebrand. La thrombocythémie est l’augmentation primitive de la production
Le variant type 2B et la pseudomaladie von Willebrand sont plaquettaire dans le cadre d’un syndrome myéloprolifératif.
développées dans le chapitre correspondant.
Thrombocytoses réactionnelles
– Anomalie du facteur V plaquettaire - thrombopathie Québec.
C’est un syndrome hémorragique clinique transmis sur le mode
autosomique dominant. Les plaquettes sont en nombre • Thrombocytoses postsplénectomie
relativement diminué, avec une absence de réponse à l’adrénaline, Physiologiquement, la rate sécrète un régulateur hormonal de la
un déficit en multimérine et une protéolyse exagérée des production médullaire de plaquettes, et séquestre 20 à 30 % des
constituants granulaires alpha (facteur V, thrombospondine, plaquettes circulantes. La numération s’élève 2 jours après une
fibrinogène, facteur de von Willebrand [FVW (VWF)], fibronectine splénectomie jusqu’à 1 000 G/L en 7 à 15 jours, puis régresse en
et P-sélectine). Le déficit en facteur V plaquettaire serait 1 à 2 mois (voire 6 mois) pour se stabiliser généralement entre 500

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Angéiologie Anomalies de l’hémostase et tests biologiques 19-0610

et 700 G/L. En dessous de 600 G/L, aucune thérapeutique


antiagrégante plaquettaire n’est habituellement envisagée. Tableau IV. – Déficits quantitatifs en facteur von Willebrand.
Type 1 Type 3
• Thrombocytoses secondaires en dehors de la splénectomie
Déficit en VWF Partiel Total
Les causes sont de diverses origines : anémie, hyposidérémie, Transmission Dominante Récessive
réactions inflammatoires, sécrétion d’une substance thrombo- Fréquence 70-80 % <5%
poïétine-like par certaines tumeurs. TS Ivy ± allongé Très allongé
Une thrombocytose persistante, confirmée par des numérations
TCA Allongé Très allongé
successives, peut être révélatrice ou accompagne les cancers (30 à
40 % des cas), les maladies infectieuses aiguës ou chroniques et Numération plaquettaire Normale Normale
autres pathologies inflammatoires (17 à 30 % des cas). FVIII:c ± diminué Très diminué
VWFAg ± diminué Indétectable
Thrombocythémies VWFRMCo ± diminué Indétectable
Elles accompagnent les syndromes myéloprolifératifs : polyglobulie RIPA Normale ou diminuée Absente
de Vaquez, leucémie myéloïde chronique, splénomégalie myéloïde
Structure multimérique Normale Absente
ou thrombocythémie essentielle elle-même. du facteur von
La numération plaquettaire est parfois très élevée (jusqu’à Willebrand
3000 G/L). Elle résulte d’une atteinte monoclonale de la cellule Analyse de l’ADN Quelques mutations Délétions/insertions
souche multipotente. Dans la moelle, les mégacaryocytes sont identifiées
souvent dystrophiques. Des lésions ischémiques des extrémités, en Traitement DDAVP (desmopressine) Concentrés de VWF
rapport avec des oblitérations artériolaires par les thrombi
plaquettaires, sont assez souvent observées. VWF : facteur von Willebrand ; TS : temps de saignement ; TCA : temps de céphaline activé ; ADN : acide
désoxyribonucléique ; RIPA : Ristocetin-induced platelet agglutination (agglutination plaquettaire induite par la
Dans plus de la moitié des thrombocythémies essentielles, une ristocétine). DDAVP : 1-désamino-8-D-arginine vasopressine (Minirint). FVIIIc : facteur VIII activité coagulante.
thrombopathie acquise est observée, se traduisant par des
altérations de l’agrégation évocatrices : absence de réponse à Tableau V. – Déficits qualitatifs en facteur von Willebrand.
l’adrénaline, changement de forme important avant l’agrégation
au collagène, trouble de la réaction sécrétoire. L’allongement du Type 2A Type 2B Type 2N(1)
TS et les manifestations hémorragiques sont en revanche Défaut de liaison Augmentation de Défaut de liaison
inconstants. du VWF l’affinité du VWF du VWF au FVIII
aux plaquettes pour la
GPIb/IX(1)
MALADIE VON WILLEBRAND
Transmission Dominante Dominante Récessive
C’est la plus fréquente des anomalies constitutionnelles de Fréquence 10-12 % 3à5% ?
l’hémostase, définie par une altération quantitative ou qualitative
TS Ivy Allongé Allongé Normal
du VWF. La transmission est autosomique, le plus souvent
dominante. La forme grave (type 3) et certains variants TCA Allongé Allongé Allongé
moléculaires ont une transmission récessive. La prévalence chez Numération Normale Diminuée Normale
les hétérozygotes se situe entre 0,6 et 1 %. plaquettaire
Les hémorragies sont muqueuses (gingivorragies, épistaxis...) et FVIII:c ± diminué ± diminué Très diminué
cutanées (ecchymoses). Elles sont fréquentes en postopératoire. VWFAg ± diminué ± diminué Normal
Chez les enfants, les saignements post-traumatiques de la cavité VWFR-Co Très diminué Très diminué Normal
buccale et les hémorragies amygdaliennes spontanées sont RIPA Diminuée Augmentée Normale
caractéristiques. La tendance hémorragique s’estompe avec l’âge.
Multimères Absence des Absence des Distribution nor-
Les ménorragies de la jeune femme sont améliorées par la HPM HPM male
contraception orale œstroprogestative.
Analyse de l’ADN Mutations dans le Mutations dans le Mutations dans
Trois types de la maladie sont reconnus et la classification est domaine A2 domaine A1 les domaines
présentée dans les tableaux IV et V. D’ et D3

Traitement Concentrés de Concentrés de Concentrés de


VWF VWF VWF
Pathologies hémorragiques
de la coagulation VWF : facteur von Willebrand ; TS : temps de saignement ; TCA : temps de céphaline activé ; ADN : acide
désoxyribonucléique. RIPA : Ristocetino-induced plastelet agglutination (agglutination plaquettaire induite par la
ristocétine). HPM : multi-mères de haut poids moléculaire.
(1) Dans le type 2N (N pour Normandie), le TS est normal, comme les taux de VWFAg et de VWFR-Co et les
Ces tests globaux d’une phase de la cascade enzymatique assurant multimères normalement répartis, mais les sujets présentent un allongement du TCA et une baisse du facteur
VIIIe liée à une diminution de l’affinité du VWF pour le facteur VIII avec une clairance élevée. La transmission est
la constitution du caillot permettent l’exploration de la majorité autosomique récessive.
des facteurs participants. Ainsi, l’allongement anormal de ces
temps de coagulation évoque une anomalie dont le mécanisme doit
être précisé par des études plus approfondies. ¶ Déficit en facteur II
Nous nous limiterons aux altérations biologiques pouvant être Il s’agit du déficit en facteur de la coagulation le plus rare. Sa
responsables d’un syndrome hémorragique clinique, car les transmission est autosomique récessive. Il peut en effet exister des
anomalies responsables d’un risque accru de thrombose ont été déficits quantitatifs (hypoprothrombinémie), ou qualitatifs
envisagées dans un autre chapitre de ce volume. (dysprothrombinémie), ou mixtes. Les sujets hétérozygotes sont
asymptomatiques et les manifestations hémorragiques des patients
DÉFICITS CONSTITUTIONNELS
homozygotes sont relativement modestes, avec des hémorragies
Ils sont peu fréquents. Leur gravité est liée au facteur en cause et à surtout postopératoires. Un déficit acquis doit être éliminé, tel que
la profondeur du déficit qui peut être parfois combiné. les autoanticorps associés aux anticoagulants circulants de type
En effet, chaque test de coagulation, TQ, TCA, temps de thrombine lupus ou au syndrome des antiphospholipides. Les colles
(TT), explore une partie de la série de réactions enzymatiques biologiques avec de la thrombine bovine peuvent aussi être
constituant la coagulation plasmatique. responsables de l’apparition d’anticorps de réactivité croisée.

5
19-0610 Anomalies de l’hémostase et tests biologiques Angéiologie

Seul, en cas de déficit sévère, l’apport de concentrés de INSUFFISANCE HÉPATOCELLULAIRE


prothrombine est nécessaire pour maintenir un taux plasmatique En cas d’hépatopathie, les anomalies sont souvent complexes et
compris, en activité chronométrique, entre 30 et 50 %. multiples. Elles peuvent résulter d’une atteinte vasculaire ou d’un
hypersplénisme avec hypertension portale ou même d’une atteinte
¶ Déficit en facteur XIII posthépatique avec des troubles de synthèse ou d’une
Le facteur stabilisant de la fibrine est une protéine plasmatique coagulopathie de consommation aboutissant à des tableaux
ayant une activité transamidasique dont le déficit constitutionnel biologiques hétérogènes et de sévérité variable. Les premiers
est exceptionnel et de transmission autosomique récessive. Seuls facteurs atteints sont ceux dont la demi-vie est la plus courte,
les homozygotes sont symptomatiques, avec des phénomènes comme les facteurs VII et X, les protéines S et C. En cas d’atteinte
hémorragiques dès la chute du cordon ombilical et des hématomes parenchymateuse plus importante, il apparaît alors une diminution
profonds. Des troubles de cicatrisation sont particuliers à ce déficit. des taux de facteur V et de fibrinogène, puis d’antithrombine et de
Le diagnostic est basé sur le dosage du facteur XIII. Des plasminogène et de plasminogen activator inhibitor (PAI). Des
autoanticorps anti-XIII ont été rapportés dans la littérature surtout anomalies qualitatives peuvent être associées avec des
après traitement prolongé par isoniazide. Des déficits acquis sont dysfibrinogénémies ou des dysplasminogénémies.
décrits dans certains purpuras rhumatoïdes.
INHIBITEURS : ANTICOAGULANTS SPÉCIFIQUES
Il faut moins de 5 % de facteur XIII pour assurer l’hémostase
physiologique.
¶ Anti-VIII
¶ Déficit en fibrinogène Ce sont les plus fréquemment retrouvés dans un contexte
dysimmun comme le lupus érythémateux disséminé ou la
Il est classique de distinguer les déficits qualitatifs ou
polyarthrite rhumatoïde, les hémopathies malignes, le diabète, les
dysfibrinogénémies et les déficits quantitatifs ou hypofi-
traitements antibiotiques et le post-partum. Ils sont, dans la moitié
brinogénémies. En fait, il existe aussi des hypodysfibrinogénémies.
des cas, d’origine idiopathique, sans étiologie retrouvée.
L’afibrinogénémie est exceptionnelle et elle est de transmission
Leur nature IgG est fréquente et plus rarement IgM ou IgA. Chez
autosomique récessive. Elle peut être évoquée en période
près de 90 % des patients, la symptomatologie fonctionnelle est
périnatale avec des ecchymoses faciles, des hémorragies
hémorragique grave : hématomes profonds, rétropéritonéaux,
cutanéomuqueuses, des saignements prolongés postchirurgicaux.
intracérébraux, avec un pronostic réservé (20 % de décès). Le
Le diagnostic est envisagé devant des temps de coagulation
diagnostic est suspecté sur un allongement significatif du TCA
globaux incoagulables et parfaitement corrigés par l’apport de
isolé, non corrigé par l’apport de plasma témoin en parties égales.
plasma normal en parties égales. Le fibrinogène est indosable, alors
Les taux de facteur VIII coagulant sont effondrés. Le titre de
que les autres cofacteurs sont normaux. La substitution par des
l’inhibiteur doit être déterminé, correspondant à l’inverse de la
concentrés de fibrinogène sécurisés pour assurer un taux
dilution permettant d’obtenir 50 % d’activité de VIII résiduel.
plasmatique aux environs de 1g/L est préconisée en période
périopératoire ou hémorragique. L’apparition d’alloanticorps est ¶ Anti-IX
décrite dans ces contextes.
Plus rares que les précédents, ils sont rencontrés dans diverses
L’hypofibrinogénémie est de transmission autosomique dominante
pathologies auto-immunes, virales, inflammatoires, de surcharge,
ou récessive. En fait, le contexte clinique est lié au degré du déficit.
ou même le post-partum. Il s’agit généralement d’IgG dont la
La dysfibrinogénémie est relativement plus fréquente, avec de recherche et le titrage sont effectués comme pour l’anti-VIII.
nombreuses familles rapportées dans la littérature. De transmission
autosomique dominante, elle est, dans la plupart des cas, ¶ Anti-Willebrand
asymptomatique et de découverte fortuite. Elle est responsable,
dans près de 10 % des cas, de manifestations hémorragiques Les maladies de Willebrand acquises sont décrites dans les
modérées surtout provoquées et postopératoires (variants Fg Metz dysglobulinémies, les syndromes lymphoprolifératifs ou
ou Fg Détroit). Dans moins de 20 % des cas, elle est associée à des myéloprolifératifs, les pathologies auto-immunes, les cancers, les
épisodes thrombotiques veineux ou artériels, sans que la preuve dysthyroïdies, le diabète... En fait, les mécanismes sont divers :
formelle de sa responsabilité soit établie. L’étude en biologie – adsorption sélective des complexes VIII-VWF sur les cellules
moléculaire permet d’identifier la mutation en cause et de mieux tumorales ;
connaître la relation complexe entre les anomalies de structure et
– constitution de complexes immuns avec la dysglobuline, avec
la symptomatologie clinique.
une clairance accrue ;
¶ Déficits associés – protéolyse accélérée du VWF par les enzymes leucocytaires ;
– anomalie de synthèse des formes multimériques du VWF.
En facteurs V et VIII Au plan biologique, on retrouve tous les critères de la maladie de
Ce déficit combiné serait la conséquence d’une seule anomalie Willebrand. La prise en charge repose sur un traitement étiologique
génique et serait responsable d’hémorragies provoquées et de indispensable (chimiothérapie, hormonothérapie...) et la
saignement cutanéomuqueux. plasmaphérèse associée parfois à la perfusion de concentrés de
FVW permettent de contrôler le syndrome hémorragique.
En facteurs II, VII, IX et X
¶ Anti-V
Cette combinaison est le plus souvent le résultat d’un trouble du
métabolisme de la vitamine K acquis par ictère rétentionnel, sprue, Les contextes cliniques sont divers : cancers, entéropathies,
maladie cœliaque ou résection intestinale étendue. Il est rarement dysglobulinémies, infection, antibiothérapie, colle biologique
constitutionnel. Il faut donc envisager une enquête digestive et hémostatique (associée à une antithrombine). Le syndrome
métabolique plus large pour mettre en évidence les raisons d’un hémorragique est variable selon les sujets et dépendrait de la
déficit fonctionnel des enzymes hépatiques responsables de la persistance d’un pool plaquettaire de facteur V.
gamma carboxylation des facteurs de la coagulation, entraînant
¶ Antithrombine
ainsi la génération de protéines induites en l’absence ou par un
antagoniste de la vitamine K (proteins induced by vitamin K Ces inhibiteurs ont été rapportés dans les suites d’interventions
antagonist or absence) [PIVKA]. chirurgicales utilisant des colles hémostatiques contenant de la

6
Angéiologie Anomalies de l’hémostase et tests biologiques 19-0610

thrombine bovine. Ces anticorps de type IgG le plus souvent sont


dirigés contre la thrombine humaine dans près de la moitié des Tableau VI. – Étiologies des coagulations intravasculaires dissé-
minées.
cas. Le diagnostic repose sur l’allongement du TT, non corrigé par
l’apport de plasma témoin et normal en présence de thrombine Obstétricales Hématome rétroplacentaire
humaine. Rupture utérine
Mort in utero
¶ Autres inhibiteurs Toxémie gravidique
Avortement provoqué
Des anti-II ont été rapportés dans le lupus érythémateux disséminé Chirurgicales Traumatismes majeurs
ou dans les syndromes lymphoprolifératifs. Ainsi, près des trois CEC
quarts des patients ayant un anticoagulant circulant de type lupus Embolie graisseuse
ont des complexes immuns et parfois un authentique déficit associé
Infectieuses Septicémies
en prothrombine responsable, rarement, d’un syndrome Endotoxines
hémorragique clinique. Paludisme
Des anti-VII sont aussi décrits chez des patients cancéreux ou Néoplasiques Prostate, ovaire, poumon
atteints par le VIH. Leucémies (promyélocytaire++)
Un anti-X est rarement rapporté dans des circonstances analogues. Hémangiomes
Au cours de l’amylose, la substance amyloïde, tel un inhibiteur Immunologiques Anémies hémolytiques
extraplasmatique, fixe le facteur Stuart et génère un véritable Immunoallergie à l’héparine
déficit. Incompatibilité transfusionnelle
Des anti-XI, comme les anti-XII et les antiprékallicréines, sont Rejet de greffe
retrouvés dans les maladies auto-immunes ou les collagénoses. Ils Toxiques Venins de serpents
ne sont pas inducteurs de complications hémorragiques. Choc anaphylactique
Des inhibiteurs du fibrinogène et de la fibrinoformation ont été Hépatiques Hépatite
rapportés dans des contextes dysimmuns ou certains syndromes Cirrhose
lymphoprolifératifs. Ils sont aussi décrits dans les déficits
CEC : circulation extracorporelle.
constitutionnels. Ils peuvent ainsi empêcher la polymérisation des
monomères de fibrine (antipolymérases du myélome).
Tableau VII.
Les anti-XIII sont exceptionnels, survenant en cas de déficit
constitutionnel ou lors d’un traitement par isoniazide ou Temps de lyse (min) Fibrinolyse
pénicilline.
0 à 10 Aiguë

SYNDROMES DE DÉFIBRINATION 10 à 30 Franche

30 à 60 Subaiguë
Les coagulopathies de consommation ou CIVD sont rencontrées
dans de nombreux contextes pathologiques et sont caractérisées 60 à 120 Fruste
par une diminution de la concentration de fibrinogène et des autres
facteurs de la coagulation, avec une génération accrue de profond en facteurs (fibrinogène, V, VIII, II), la thrombopénie
thrombine et une activation importante de la fibrinolyse. Les souvent marquée, et même la diminution significative des
fibrinogénolyses primitives sont exceptionnelles avec un syndrome inhibiteurs physiologiques comme l’antithrombine ;
de défibrination exclusif. Les étiologies des CIVD sont très
– l’activation de la fibrinolyse réactionnelle par l’accélération de
nombreuses (tableau VI). Sur le plan étiopathogénique, plusieurs
l’activité fibrinolytique globale et un raccourcissement significatif
facteurs sont impliqués. La libération de grandes quantités de
du temps de lyse du caillot de sang total ou d’euglobulines (test
facteur tissulaire à partir des lésions parenchymateuses, et même à
de Fearnley ou de von Kaulla). On a également une diminution
partir des cellules mononucléées, constitue le détonateur de la
des taux de plasminogène plasmatique (tableau VII) ;
cascade de la coagulation. Certains organes sont particulièrement
riches : cerveau, prostate, utérus et poumon. Les lésions de – la mesure des D-dimères, fragments spécifiques de la fibrine
l’endothélium vasculaire sont aussi responsables d’une hypoxie stabilisée par agglutination de particules de latex et qui sont élevés
majorant la souffrance cellulaire et générant d’importantes et qui sont élevés ;
quantités de radicaux libres (syndromes d’écrasement, – la génération de complexes solubles issus de l’association de
traumatismes étendus, néoplasie). Les agents agresseurs monomères de fibrine avec des molécules de fibrinogène ou des
endothéliaux sont multiples : complexes immuns, endotoxines, fragments de dégradation de la fibrine et/ou du fibrinogène
acidose, enzymes granulaires leucocytaires (élastases, protéases). empêchant ainsi la polymérisation de la fibrine.
Des CIVD sont aussi décrites dans les hémangiomes géants Un véritable score de la CIVD peut être établi sur les critères
(syndrome de Kasabach-Merritt). biologiques et cliniques pour évaluer la sévérité et l’évolution de
La consommation des différents facteurs de la coagulation et la ce syndrome complexe (tableau VIII).
mise en jeu des systèmes de régulation aboutissent à un Le traitement essentiel est avant tout étiologique après avoir
dépassement des moyens de contrôle. Ce véritable orage vasculaire déterminé la cause de cette coagulopathie disséminée. Il est bien
est caractérisé au plan clinique par la coexistence de saignements entendu associé à la correction ponctuelle par un traitement
en « nappe », surtout en contexte chirurgical, ou cutanéomuqueux symptomatique visant à compenser les pertes (plasma frais congelé
avec des ecchymoses en « carte de géographie », d’hémorragies aux sécurisé, fibrinogène, plaquettes), modérer l’hypercoagulabilité
points de ponction. (concentrés d’antithrombine, héparine). Les antifibrinolytiques
Les manifestations cliniques thrombotiques de la microcirculation (acide tranexamique, aprotinine) sont réservés au traitement des
entraînent ainsi des comas neurologiques, une insuffisance rénale fibrinogénolyses primitives.
par nécrose corticale, une détresse respiratoire, des ulcérations
digestives multiples, des ischémies distales des membres. Le HÉMOPHILIE
diagnostic biologique doit s’attacher à évaluer :
L’hémophilie A (déficit en facteur VIII) touche un cas sur 5 000 et
– l’hyperconsommation par l’allongement des temps de l’hémophilie B (déficit en facteur IX) 1 cas sur 30 000 naissances de
coagulation globaux (TQ, TCA, TT) et le déficit plus ou moins sexe masculin.

7
19-0610 Anomalies de l’hémostase et tests biologiques Angéiologie

Tableau VIII. – Diagnostic différentiel d’un syndrome de défibrina- Tableau IX. – Sévérité de l’hémophilie.
tion.
Hémophilie sévère facteur < 1 %
Atteinte Fibrinogénolyse
CIVD
hépatique primitive Hémophilie modérée 2 < facteur < 5 %

Fréquence +++ + Rare Hémophilie mineure 5 < facteur < 25 %

Cofacteurs Hémophilie fruste 25 < facteur < 50 %


II, V Effondrés Diminués Parfois diminués
VIII Normal Diminué Normal Cliniquement, le syndrome hémorragique est caractérisé par sa
Antithrombine Diminuée Diminuée Normale survenue post-traumatique minime, avec essentiellement des
Fibrinogène Effondré Diminué Effondré hémarthroses, localisées surtout aux genoux ou aux coudes, et des
hématomes profonds musculaires. Elles apparaissent donc au
Plaquettes Effondrées Normales Normales moment de la marche, lorsque l’enfant « quitte les bras de sa
Complexes +++ - - mère ». Une circonstance à ne pas négliger est l’hémorragie lors
solubles d’une circoncision, d’une extraction dentaire, ou d’une
D-dimères Augmentés Parfois aug- Normaux amygdalectomie. En cas d’absence de prise en charge effective et
mentés de récidives, l’évolution fonctionnelle articulaire est péjorative,
Produits de Augmentés Normaux Très augmentés avec un enraidissement, une amyotrophie importante, et un
dégradation pronostic fonctionnel invalidant.
du fibrinogène
Le diagnostic est donc important sur les bases d’un bilan
Temps de lyse Raccourci Normal Très raccourci biologique avec dosage des facteurs VIII et IX, une enquête
familiale après l’interrogatoire informatif sur les antécédents,
CIVD : coagulation intravasculaire disséminée. l’existence d’une éventuelle consanguinité, l’établissement d’un
arbre généalogique. La prise en charge par un centre expert est
Elle est de transmission récessive liée au sexe. Les femmes sont indispensable pour l’éducation du patient, le conseil génétique, et
donc seulement conductrices et les hommes atteints cliniquement. surtout pour le diagnostic prénatal.
Les progrès des techniques de biologie moléculaire ont permis une
approche plus simple et rapide de l’étude des gènes
correspondants et la détection de près de 95 % des anomalies Références
ponctuelles en se limitant aux zones d’intérêt.
En fait, de nombreuses anomalies du gène du facteur VIII sont [1] Castaman G, Yu-Feng L, Battistin E, Rodeghiero F. Characterization of a novel bleeding
actuellement recensées (120 délétions partielles ou totales, plus de disorder with isolated prolonged bleeding time and deficiency of platelet microvesicle gen-
eration. Br J Haematol 1997 ; 96 : 458-463
170 mutations ponctuelles) et l’atteinte de l’intron 22 serait [2] Colman RW, Hirsh J, Marder VJ, Salzman EW. Hemostasis and thrombosis: basic prin-
responsable de la moitié des hémophilies A sévères. Plus de ciples and clinical practice. Philadelphia : JB Lippincott, 1994
800 anomalies sont également rapportées pour le gène du facteur [3] Hayward CP, Welch B, Bouchard M, Zheng S, Rivard GE. Fibrinogen degradation products
in patients with the Quebec platelet disorder. Br J Haematol 1997 ; 97 : 497-503
IX, avec essentiellement des mutations ponctuelles. [4] Lecrubier C, Potevin F, Samama M. Exploration fonctionnelle des plaquettes humaines : le
La sévérité de la maladie est liée au taux résiduel de facteur point en1995. Feuillets Biol (n° 204) : 1995 ; XXXVI 5-14
[5] Leroy J, Potron G, Samama M, Guillin MC, Tobelem G, Gruel Y. Hémostase et thrombose.
correspondant. Il semble que la fréquence des accidents Joué-lès-Tours : La Simarre, 1996
hémorragiques diminue avec l’âge (tableau IX). [6] Sampol J, Arnoux D, Boutiere B. Manuel d’hémostase. Paris : Elsevier, 1995
[7] Weiss HJ, Lages B. Platelet prothrombinase activity and intracellular calcium responses in
Les femmes conductrices ont généralement un taux compris entre patients with storage pool deficiency, glycoprotein IIbIIIa deficiency or impaired platelet
15 et 50 %. coagulant activity: a comparison with Scott syndrome. Blood 1997 ; 89 : 1599-1611

8
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0090

19-0090

Athérosclérose : description,
mécanismes et étiologie
L Capron
B Wyplosz

Résumé. – Combinaison d’une sclérose et d’un athérome, sous la forme de plaques dans l’intima des
artères de gros et de moyen calibres, l’athérosclérose est de loin la maladie artérielle humaine la plus
fréquente. Elle est responsable de la quasi-totalité des maladies ischémiques du myocarde et d’une
bonne partie de celles qui touchent le cerveau et les membres inférieurs. La formation de la plaque simple
est l’aboutissement d’une lente succession de remaniements de l’intima. La lésion est alors susceptible
de rompre pour engendrer la thrombose qui permet sa progression rapide et la survenue d’accidents
ischémiques aigus. La pathogénie est aujourd’hui dominée par le constat que la plaque est un foyer
d’inflammation chronique. L’étiologie s’axe naturellement sur l’identification des agressions qui
allument et entretiennent l’inflammation athéroscléreuse. Il s’agit des facteurs de risque établis et
modifiables, comme l’hypercholestérolémie, l’hypertension artérielle, le diabète sucré ou la
consommation de tabac, mais aussi d’autres influences, notamment immunitaires et infectieuses, qui
sont en cours d’évaluation.
© 1999, Elsevier, Paris.

Introduction Tableau I. – Variations épidémiologiques de l’athérosclérose : exem-


ple de l’enquête Monica (multinational monitoring of trends and deter-
L’athérosclérose est de loin la principale maladie artérielle humaine minants in cardiovascular disease), menée par l’Organisation mondiale
aujourd’hui. Affectant les artères de gros et moyen calibres, elle se de la santé entre 1985 et 1990 dans 18 pays [11].
définit comme des épaississements focaux de l’intima (les plaques) Incidence annuelle (pour 100 000 habitants) des accidents coronai-
où s’associent un athérome et une sclérose. Par les complications des res aigus, manifestations graves les plus fréquentes de l’athérosclé-
plaques, l’athérosclérose est responsable de phénomènes ischémiques rose, chez les individus de 35 à 64 ans. Les trois centres Monica fran-
aigus ou chroniques, dont les principales cibles sont le myocarde, le çais (Toulouse, Lille, Strasbourg) sont comparés aux centres
cerveau et les membres inférieurs. d’incidences minimale et maximale de l’étude.
L’athérosclérose a un impact majeur sur la santé globale, mais avec Hommes Femmes
des variations géographiques importantes d’incidence, comme
Lieu Incidence Lieu Incidence
l’illustre l’enquête Monica (multinational monitoring of trends and
determinants in cardiovascular disease) (tableau I) [11]. En revanche, Minimum Chine (Pékin) 79 Espagne (Catalo- 33
gne)
la gravité de la maladie installée est plus uniforme : par exemple, dans
la même enquête, la mortalité à 4 semaines de l’infarctus du myocarde Toulouse 238 Toulouse 39
était de 49 % chez les hommes (extrêmes : 35 et 60 %) et de 51 % chez France Lille 304 Lille 66
les femmes (extrêmes : 34 et 70 %) ; cela incluait deux décès sur trois
survenant avant l’hospitalisation. De tels constats récents prouvent que Strasbourg 305 Strasbourg 68
les mécanismes et les causes de la maladie sont loin d’être complètement Maximum Finlande (Carélie 818 Écosse (Glasgow) 267
maîtrisés et soulignent la nécessité de progresser encore pour mieux la du Nord)
prévenir.

plus épaisse, flanquée de ses deux annexes, l’intima, interne, et


Paroi artérielle saine l’adventice, externe.

Les plaques d’athérosclérose se développent dans la paroi artérielle MÉDIA


dont il importe de connaître la structure élémentaire et quelques- La média est constituée de cellules musculaires lisses artérielles
unes des particularités. Les artères sont des tubes musculaires disposées au sein d’une matrice extracellulaire dense (élastine,
composés de trois couches : la tunique moyenne, ou média, est la collagène et protéoglycanes). L’ensemble est arrangé en couches
concentriques dont l’organisation varie selon le type de l’artère :
dans les artères élastiques, qui sont l’aorte et les segments initiaux
Loïc Capron : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service. de ses grosses branches, la matrice extracellulaire prédomine sur
Benjamin Wyplosz : Docteur en médecine, clinicien-chercheur.
les cellules musculaires ; la répartition des deux compartiments est
© Elsevier, Paris

Service de médecine interne, Hôtel-Dieu, 75181 Paris cedex 04, France ; unité de biologie des interactions
cellulaires, URA-CNRS 1960, Institut Pasteur, 75724 Paris cedex 15, ,France. inverse dans les artères musculaires qui sont toutes les autres

Toute référence à cet article doit porter la mention : Capron L et Wyplosz B. Athérosclérose : description, mécanismes et étiologie. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0090, 1999, 10 p.
19-0090 Athérosclérose : description, mécanismes et étiologie Angéiologie

artères du réseau. Aux artères élastiques est dévolue la fonction de utérine ; principalement formés dans les zones où l’écoulement du
transformer le flot discontinu du sang éjecté par le ventricule sang est tourmenté (courbures, branchements, bifurcations
gauche en flot pulsé mais continu à la périphérie : pour ce faire, artérielles), on les interprète comme des renforcements
elles emmagasinent du sang pendant la systole qu’elles restituent physiologiques de la structure artérielle aux endroits où
durant la diastole. Les artères musculaires distribuent le sang en s’appliquent de fortes contraintes hémodynamiques. Le
adaptant son débit aux besoins des organes destinataires. vieillissement artériel normal comporte une extension et une
L’ajustement requis du calibre artériel est assuré par la expansion des épaississements intimaux. Leur signification
vasomotricité. pathogénique est essentielle : chez les humains, c’est sur eux que
Cellules conjonctives, les cellules musculaires ont une remarquable se greffe le processus d’athérosclérose [41, 57].
capacité d’adapter leurs principales fonctions (contractilité,
production de matrice extracellulaire, prolifération) aux ADVENTICE
circonstances locales, normales et anormales. Il en résulte une vaste
gamme de phénotypes dont les mieux définis sont : le phénotype L’enveloppe externe est un tissu conjonctif classique qui assure
contractile (ou myodifférencié) caractéristique du muscle artériel l’arrimage de l’artère aux organes de voisinage et assure
normal adulte et le phénotype sécréteur (ou myodédifférencié), l’innervation et, en partie, la vascularisation de sa paroi. Les
avec perte de la fonction contractile mais acquisition de capacités vaisseaux des artères humaines (vasa vasorum) ne franchissent la
mitotiques et synthétisantes (production de matrice), qui se frontière externe de la média (lame limitante élastique externe) que
rencontre au cours du développement artériel et dans divers états dans l’aorte thoracique. La média (comme l’intima) de toutes les
pathologiques comme l’athérosclérose. autres artères est normalement avasculaire : la nutrition du seul
tiers externe y dépend des vasa vasorum, alors que celle des deux
tiers internes dépend de ce qui diffuse depuis la lumière artérielle
INTIMA
au travers de l’intima.
La couche interne forme l’interface du sang et de la paroi artérielle.
Elle est composés d’une assise unique de cellules endothéliales
jointives reposant sur une très fine zone sous-endothéliale Description de l’athérosclérose
dépourvue de cellules, doublée en profondeur par une épaisse
lame d’élastine, la limitante élastique interne, qui forme la frontière Les plaques d’athérosclérose se développent dans la zone sous-
entre l’intima et la média. Les cellules endothéliales, du fait de leur endothéliale de l’intima, suivant une séquence dont les étapes ne
situation, assurent trois fonctions principales. sont encore que supposées. L’incertitude justifie de décrire d’abord
– L’endothélium est une couche thromborésistante : il maintient la la plaque simple, c’est-à-dire formée et mûre pour entrer dans le
fluidité du sang au contact de la paroi, au travers de diverses cycle des complications, puis ce qui l’a précédée (lésions
activités qui le situent au cœur de toutes les étapes de l’hémostase préathéroscléreuses) et ce qui peut lui succéder (complications). La
(temps plaquettaire, coagulation, fibrinolyse). classification synthétique des lésions d’athérosclérose établie par
Stary [56] et adoptée par l’American Heart Association (AHA), avec
– L’endothélium est une barrière de perméabilité qui filtre et quelques amendements [ 5 8 ] , sert actuellement de référence
contrôle la pénétration de composants sanguins (molécules, mais (tableau II).
aussi cellules) destinées à nourrir les parties internes de l’artère
(endartère) et à en assurer la défense.
PLAQUE SIMPLE (TYPE V)
– L’endothélium est un régulateur de la vasomotricité artérielle
par la sécrétion de substances contractantes (comme l’endothéline
ou le thromboxane A2) et relaxantes (comme la prostacycline ou le ¶ Athérosclérose = athérome + sclérose
monoxyde d’azote [NO]) qui agissent sur le muscle de la média La plaque simple ou fibroathérome (type V de Stary, ou Va de
sous-jacente. l’AHA), qui sert de base à la description, tire son nom du fait
En certains endroits du réseau artériel, la zone sous-endothéliale qu’elle est « mature » sans être visiblement compliquée (cf infra).
de l’intima est occupée par une accumulation de cellules Sur une coupe transversale de l’artère, la plaque est régulière (lisse)
musculaires lisses et de matrice conjonctive [57]. Ces épaississements mais excentrée, n’occupant qu’un secteur de la circonférence de
fibromusculaires de l’intima, qui peuvent être diffus ou focaux l’intima (fig 1). On y distingue deux composants d’où vient le nom
(coussinets), sont normaux : présents chez tous les humains, ils se même d’athérosclérose : un athérome central mou (du grec
développent à partir des premières semaines de la vie intra- athêrôma : loupe de matière graisseuse), ou cœur lipidique,

Tableau II. – Classification des lésions d’athérosclérose, avec les principales caractéristiques de chaque type. Les huit types de Stary [56]
sont mis en parallèle avec les six types de l’American Heart Association [58].
Type Stary Type AHA Nom Définition
I I Lésion initiale Dépôt de lipides dans un épaississement fibromusculaire de l’intima, au sein de cellules
spumeuses (macrophages) isolées
II II Strie graisseuse Nombre important de cellules spumeuses (macrophages et cellules musculaires) accumu-
IIa IIa - portée à la progression lées dans l’intima. Lésion visible à l’œil nu sous forme de ponctuations et de stries
IIb IIb - résistante à la progression
III III Préathérome ou lésion intermédiaire Apparition de lipides extracellulaires
IV IV Athérome Première lésion dite avancée, avec formation du cœur lipidique par ramassement des
lipides intra- et extracellulaires
V Va Fibroathérome ou plaque simple Individualisation de la chape fibreuse
VI VI Fibroathérome compliqué Plaque compliquée par rupture (plaque dite instable), pouvant donner lieu à la constitu-
VIa - thrombohémorragique tion d’un thrombus mural et (ou) d’une hémorragie (hématome) à l’intérieur de la plaque
VIb - thrombotique
VIc - hémorragique
VII Vb Lésion calcifiée Plaque avancée, lourdement calcifiée
VIII Vc Lésion fibreuse Plaque avancée(1), principalement formée de collagène. Lipides absents

(1) : L’appartenance de ce type (VIII de Stary, Vc de l’AHA), à l’athérosclérose est contestable. Ce pourrait certes être une forme d’involution terminale de la plaque, « étouffée » par la sclérose. Il pourrait autrement s’agir d’une
maladie artérielle distincte, l’artériosclérose ou sclérose pure de la paroi, sans dépôt lipidique.

2
Angéiologie Athérosclérose : description, mécanismes et étiologie 19-0090

[helper] pour les deux tiers et CD8 cytotoxiques [killer] pour l’autre
2 tiers) [60]. Dans la sclérose, les cellules musculaires sont plus
nombreuses (environ 65 %) que les monocytes (environ 25 %) et
les lymphocytes (environ 10 %). La répartition est différente dans
la périphérie de l’athérome : autour de 60 % pour les monocytes,
30 % pour les cellules musculaires, et 10 % pour les lymphocytes.
Rupture Thrombose D’autres types cellulaires sont présents en petit nombre :
Hématome polynucléaires, plasmocytes et mastocytes.
Spasme
Les lipides de la plaque sont non seulement extracellulaires, dans
1 3 le cœur lipidique, mais aussi intracellulaires, sous la forme de
vacuoles truffant le cytoplasme de cellules dites spumeuses.
Groupées au pourtour du cœur lipidique, leur origine est double :
monocytaire et musculaire [22]. Il n’y a pas d’activité mitotique dans
une artère adulte normale ; en revanche, 1 à 2 % des cellules de la
plaque sont en cycle de prolifération. Il s’agit de cellules
musculaires, de monocytes-macrophages et de lymphocytes T [43].
Progression Incorporation
4 La prolifération est équilibrée par la mort (nécrose et apoptose)
des mêmes types cellulaires [2].
Embolies
À la différence de l’endartère normale qui est avasculaire, la plaque
Occlusion
est irriguée par des microvaisseaux dont le nombre et la densité
1 Rupture et évolution de la plaque d’athérosclérose. sont proportionnés à son volume. Ils dérivent pour une part du
La plaque de type IV (athérome) ou V (fibroathérome), figurée en 1, entre dans un cy-
cle d’instabilité qui aboutit à la rupture de la chape fibreuse (2). La plaque rompue développement des vasa vasorum de l’adventice et pour une autre
(type VI) déclenche une thrombose (de volume variable) et, de manière facultative, un de chenaux directement connectés à la lumière de l’artère [68]. Il y a
hématome (hémorragie à l’intérieur de la plaque) et un spasme de la média artérielle donc deux endothéliums dans la plaque : celui de la lumière de
(3). L’accident peut provoquer (flèche grise) des embolies à distance ou une occlusion l’artère, qui couvre la chape fibreuse, et celui, beaucoup plus
sur le site de rupture, à l’origine possible d’une ischémie de l’organe irrigué. L’orga- étendu en surface, des microvaisseaux.
nisation du thrombus, menant à son incorporation dans la plaque et à sa cicatrisation,
clôt le cycle quand l’artère ne s’est pas occluse (4). Ce dénouement, favorable dans
l’immédiat car il ramène la lésion au stade V, se solde par une augmentation ¶ Localisation des plaques
du volume de la plaque (progression) en proportion de la quantité de thrombus
Comme les épaississements fibromusculaires de l’intima, les
et d’hématome incorporés. Cependant, la plaque est de nouveau capable de parcourir
un autre cycle d’instabilité, dont l’issue pourra ne pas être aussi heureuse. L’épais- plaques se situent généralement dans les endroits où l’écoulement
sissement lent et progressif de la plaque est un autre mode possible de progression (flè- du sang soumet la paroi artérielle à des contraintes particulières.
che grise), sans participation d’une rupture de plaque. Les sites le plus communément atteints sont : l’aorte (crosse,
Reproduit d’après [6], avec l’aimable autorisation des éditions Arnette Blackwell. segment abdominal) ; les premiers segments des troncs supra-
aortiques et des artères coronaires épicardiques, carotides internes,
enchâssé dans une gangue ferme de sclérose (de sklêrôs : dur). Les iliaques, rénales, mésentériques, fémorales et poplitées ; la
lipides du cœur athéromateux sont pour la plupart organisés en terminaison des artères vertébrales et le tronc basilaire. L’atteinte
cristaux. Il s’agit de phospholipides (pour environ 30 %) et de des artères pulmonaires n’est pas exceptionnelle ; elle est plus
cholestérol (environ 70 %) sous forme libre (60 %) et estérifiée fréquente en cas d’athérosclérose aortique et surtout
(40 %). Le cœur lipidique est aussi nommé centre athéronécrotique d’hypertension artérielle pulmonaire [40]. Certaines artères de
car il contient une abondance de débris cellulaires. Il arrive qu’une moyen calibre sont en revanche habituellement respectées : artères
même plaque en contienne plus d’un. La sclérose circonscrit mammaires internes ; artères des membres supérieurs en aval de
l’athérome. Dans sa partie séparant le cœur lipidique de la lumière l’axillaire et des membres inférieurs au-dessous du milieu de la
artérielle, elle dessine la chape fibreuse, dont l’épaisseur est très jambe (bien qu’il y existe des épaississements fibromusculaires de
variable. On appelle « épaules » de la plaque les zones où la chape l’intima). Une pure explication hémodynamique ne peut pas
se raccorde à l’intima saine. La matrice scléreuse est principalement entièrement rendre compte de la distribution de l’athérosclérose
formée de collagènes (environ 60 % des protéines totales de la dans le réseau artériel.
plaque), surtout de types I et III [44]. En masse, les parts relatives de
l’athérome et de la sclérose diffèrent beaucoup d’une plaque à LÉSIONS PRÉATHÉROSCLÉREUSES
l’autre, mais la sclérose prédomine toujours largement sur
l’athérome, dans un rapport d’au moins trois parts pour une [33]. Quatre types de remaniements de l’intima précèdent la plaque
Au moins dans les artères coronaires, la prépondérance de la simple de type V (fig 1). L’étude systématique de Stary, fondée sur
sclérose subsiste même en cas de xanthomatose près de 700 autopsies, en a fourni une description précise,
hypercholestérolémique familiale homozygote (où la qualitative et quantitative, dans la bifurcation de l’artère coronaire
cholestérolémie dépasse 30 g/L, soit 77 mmol/L) [34]. Sous la gauche entre la naissance et l’âge de 40 ans [56]. L’épaississement
plaque, la média est amincie et l’adventice est modérément épaissie fibromusculaire de l’intima est la structure physiologique sur
avec fréquemment un infiltrat cellulaire mononucléé. laquelle se greffe la genèse graduelle de la plaque [41, 57].

¶ Cellules et vaisseaux des plaques ¶ Cellules spumeuses isolées de l’intima (type I)


et stries graisseuses (type II)
La densité cellulaire varie dans la plaque : élevée dans certaines
zones de la sclérose (épaules en particulier) ou dans la périphérie Le type I se définit par la présence de cellules spumeuses éparses
du cœur lipidique, mais nulle en son centre. Les cellules au sein d’un épaississement fibromusculaire. Sa prévalence était
appartiennent essentiellement à deux catégories [31] : d’une part, des de 28 % dans l’étude de Stary, entre les âges de 1 semaine et de 4
cellules musculaires lisses de même nature que celles de la média ans. Les cellules spumeuses y ont les caractères morphologiques
(d’où elles sont sans doute venues), mais non du même phénotype de monocytes macrophages. Leur regroupement en amas aboutit à
car elles sont pour la plupart sécrétrices, alors que celles de la la formation des stries ou ponctuations graisseuses ou lipidiques
couche musculaire sont contractiles ; d’autre part, des leucocytes (type II), identifiables à l’œil nu sous forme de surélévations
d’origine sanguine, qui appartiennent à deux familles, les discrètes, de couleur jaune chamois. Les cellules spumeuses y sont
monocytes-macrophages et les lymphocytes T (CD4 auxiliaires de nature musculaire et monocytaire ; quelques lymphocytes sont

3
19-0090 Athérosclérose : description, mécanismes et étiologie Angéiologie

aussi présents et une vascularisation de la média sous-jacente est n’est pas justifiée car la calcification est constante et n’a pas
souvent déjà visible. Le type II apparaît dans les artères coronaires d’influence néfaste prouvée sur le cours de la maladie ischémique.
vers l’âge de 5 à 10 ans et atteint sa prévalence maximale, 54 %, Le calcium se trouve essentiellement dans la zone fibreuse de la
dans la tranche d’âge de 10 à 14 ans. On l’observe dans l’aorte de plaque qui s’en enrichit à mesure qu’elle vieillit, aboutissant au
tous les individus où il se développe dès la vie intra-utérine [41]. type VII de Stary (Vb de l’AHA). Plutôt qu’un simple dépôt
L’évolution du type II est imparfaitement comprise : certaines stries minéral passif, il s’agit d’une véritable ossification active, comme
se stabilisent et même régressent, tandis que d’autres évoluent vers l’indique la caractérisation de protéines osseuses au sein des
les stades plus avancés de l’athérosclérose. Cela est pris en compte plaques (ostéopontine, protéine morphogénique osseuse).
dans la classification qui distingue le type IIa (porté à la Contrairement à d’autres artères (comme l’aorte, les siphons
progression) et le type IIb (résistant à la progression), sur des carotides ou les artères des membres inférieurs), les artères
critères morphologiques imprécis et non validés. Il n’est pas coronaires sont épargnées par la calcification d’artériosclérose [7],
possible d’assimiler les stries aux plaques, mais raisonnable de non liée à l’athérosclérose, touchant la média (médiacalcose de
considérer que les stries sont des précurseurs sans doute Mönckeberg) ou de lame élastique externe. La présence de
nécessaires, mais certainement insuffisants des plaques : toutes les calcifications y est donc spécifique de l’athérosclérose, ce qui
plaques dérivent vraisemblablement d’une strie, mais toutes les permet la détection radiologique des plaques coronaires. La
stries ne deviennent certainement pas des plaques [6]. signification pathologique de la calcification est incertaine. Son effet
n’est pas nécessairement nuisible : en augmentant la rigidité des
¶ Préathérome (type III) et athérome (type IV) plaques, elle pourrait les rendre moins susceptibles de se fracturer ;
L’apparition de flaques lipidiques extracellulaires dans l’intima, à les plaques rompues sont moins riches en calcium que les plaques
proximité des cellules spumeuses, caractérise le préathérome (type intactes [12].
III ou lésion intermédiaire). Les lipides extracellulaires et les
cellules spumeuses se ramassent en un cœur lipidique pour former ¶ Anévrisme
l’athérome (type IV). Préathérome et athérome s’observent à partir L’aorte abdominale sous-rénale est la localisation la plus commune
de la puberté dans les artères coronaires. La formation d’une chape d’anévrismes que l’on dit scléreux ou dégénératifs. L’anévrisme
fibreuse épaisse et bien définie caractérise le passage du type IV au s’associe à une athérosclérose souvent avancée, mais on discute
type V. Les deux se distinguent par des nuances morphologiques, encore beaucoup des liens de conséquence ou de coïncidence
mais ont en commun la capacité de devenir instables et de rompre existant entre les deux anomalies [7]. L’anévrisme pourrait être un
(cf infra). effet de l’athérosclérose, à considérer comme une exagération du
¶ Banalité anatomique de l’athérosclérose remodelage : pour absorber la masse de la plaque, l’anneau artériel
doit se dilater afin de préserver le calibre de la lumière ; si le
Dans la bifurcation coronaire gauche, l’installation des lésions se
processus dépasse son objectif et détermine un amincissement trop
fait en plusieurs phases : une vague dans la petite enfance pour le
prononcé de la paroi artérielle, un excès de distension peut en
type I, qui se raréfie ensuite ; une vague à pente raide durant la
résulter, avec formation d’un anévrisme. La dilatation anévrismale
puberté pour le type II ; une vague à pente plus douce pour les
pourrait, autrement, être le résultat d’une maladie de la paroi
types III et IV à partir de l’adolescence, mais continue jusqu’à l’âge
artérielle distincte de l’athérosclérose, mais simplement associée à
adulte. À l’âge de 40 ans, 95 % des individus examinés par Stary [56]
elle (tant elle est banale). Il s’agirait d’un affaiblissement touchant
avaient une lésion préathéroscléreuse ou athéroscléreuse : type II
la matrice de la média et diminuant sa résistance à la pression
dans 29 % des cas ; types III, IV ou V dans 66 % des cas. Ces taux
exercée par le sang ou à l’inflammation locale (cf infra) [52]. Un
soulignent la banalité des remaniements de l’intima coronaire :
défaut inné des protéines fibreuses (élastine, collagène) qui la
presque tous les adultes en sont atteints, mais une minorité aura à
constituent en serait le facteur favorisant. Le fait que des sites
souffrir d’ischémie dans le territoire myocardique concerné.
favoris de l’athérosclérose, comme les artères coronaires ou
L’athérosclérose ne devient une maladie que dans la mesure où
l’origine des artères carotides internes, soient très rarement
certaines plaques se compliquent et progressent.
anévrismaux plaide en faveur de la coïncidence, sans toutefois
exclure complètement la conséquence, car la réponse de la paroi
COMPLICATIONS DE LA PLAQUE artérielle à l’athérosclérose peut varier suivant les conditions
¶ Sténose anatomiques et hémodynamiques locales.

Pendant toute sa formation et une grande partie de sa progression, ¶ Rupture


la plaque ne déforme pas la lumière de l’artère et reste donc
invisible à l’artériographie que l’on qualifie à juste titre de La fracture de la chape fibreuse, encore appelée ulcération ou
« luminographie ». Les parties saines de l’anneau artériel se fissuration, est un événement-clé de l’athérosclérose, qui fait passer
remodèlent pour absorber la plaque dans l’épaisseur de la paroi et des types IV et V (athérosclérose évoluée) au type VI (plaque
conserver à la lumière sa forme circulaire et son calibre normaux. rompue). Elle enclenche l’essentiel des phénomènes qui aboutissent
Le remodelage adaptatif a cependant des limites : passé une à l’expression clinique (ischémie) des plaques et contribue à leur
certaine surface de section (estimée dans les artères coronaires à progression.
40 % de l’aire délimitée par la limitante élastique interne), un Le siège le plus fréquent de la rupture (environ la moitié des cas)
rétrécissement et une déformation de la lumière apparaissent [21]. est l’épaule de la plaque. La direction usuelle de la fissure est
À partir d’un certain degré (environ 70 % du calibre de la lumière), longitudinale (parallèle au sens du courant sanguin). Sa
la sténose ainsi déterminée peut entraver l’écoulement du sang et profondeur peut aller de la simple érosion de la chape fibreuse à
provoquer des phénomènes ischémiques, notamment à l’effort sa fracture complète, mettant les structures profondes de la plaque
(angor pour le myocarde, claudication intermittente pour les (centre athéromateux) en contact avec le sang circulant.
membres inférieurs). La réponse naturelle à une sténose serrée est La formation d’un thrombus est une conséquence inévitable de la
le développement d’une circulation collatérale qui permet au sang rupture de plaque. La disparition de l’endothélium qui assure la
de contourner l’obstacle et de subvenir aux besoins de l’organe thromborésistance naturelle de la paroi et l’exposition de l’intérieur
d’aval [16]. La manière dont une sténose est tolérée varie beaucoup de la plaque, contenant des molécules fortement thrombogènes
selon qu’une collatéralité efficace a pu ou non se développer. comme le collagène ou le facteur tissulaire, enclenchent
nécessairement les mécanismes de l’hémostase : adhérence et
¶ Calcification agrégation de plaquettes, formation de fibrine. Le thrombus qui se
La calcification [65] n’est une complication de l’athérosclérose qu’au forme au contact d’une plaque rompue peut connaître diverses
sens purement morphologique. Au sens clinique, cette qualification évolutions.

4
Angéiologie Athérosclérose : description, mécanismes et étiologie 19-0090

À tout moment de son évolution, il peut se détacher pour former von Rokitansky soulignait que le dépôt s’épaissit par l’apposition
une embolie qui ira occlure une artère d’aval. Ce mécanisme est de strates successives et présente dans certains cas un processus
fréquemment en cause dans l’athérosclérose de l’artère carotide de vascularisation similaire à ce que l’on observe lors de
interne ou de l’aorte abdominale. On appelle « embolie de l’organisation d’un thrombus mural cardiaque. La théorie de
cholestérol » le détachement de microemboles de matériel l’incrustation concédait un rôle essentiel à une « dyscrasie »
athéromateux pur ou mêlé à des plaquettes et de la fibrine sanguine de nature incertaine. Elle trouva vite ses opposants : la
(microembolie thromboathéromateuse). plaque est recouverte par un endothélium, ce qui était jugé
incompatible avec l’agglomération directe de substances sanguines
Le thrombus peut croître jusqu’à occlure l’artère. Le risque d’une
sur l’intima, car on ne concevait pas alors que l’endothélium pût
telle issue est d’autant plus élevé que la lumière artérielle est
repousser pour couvrir un tel dépôt. Dans les années 1860, à Berlin,
rétrécie. Cependant, le degré d’obstruction (thrombus exclu) est
Virchow revint à l’idée, précédemment rejetée par von Rokitansky,
non seulement lié à la plaque elle-même, mais aussi au spasme
que la maladie ( endarteritis chronica deformans sive nodosa ,
(contraction de la média, notamment déclenché par la sécrétion
[endartérite chronique déformante ou noueuse]) est due à des
des plaquettes) et à l’hématome (cf infra) qui peuvent s’y ajouter à
modifications inflammatoires touchant l’intima. L’épaississement
l’occasion de la rupture. Cela fait que même des plaques
résultant était considéré comme une prolifération du tissu
apparaissant petites à l’angiographie peuvent provoquer une conjonctif artériel qui, passé un certain degré, aboutit, par défaut
occlusion artérielle aiguë, d’autant moins bien acceptée par nutritif, à la dégénérescence graisseuse et à la calcification. Parmi
l’organe irrigué qu’il n’a pas pu y être préparé par le les facteurs d’irritation causant l’inflammation, une importance
développement d’une circulation collatérale préventive de particulière était attachée aux agressions mécaniques liées à
l’ischémie. l’écoulement du sang, rendant compte en partie de la localisation
Qu’il ait ou non entravé l’écoulement du sang, le thrombus sert de des plaques.
pansement à la plaque rompue, permettant sa cicatrisation. La
rétraction puis l’organisation du thrombus aboutissent à sa ¶ Imbibition et domination du cholestérol
métamorphose athéroscléreuse et à son incorporation dans la
plaque ainsi réparée, avec accumulation de tissu scléreux, En 1908, cherchant les facteurs d’irritation artérielle postulés par
développement de microvaisseaux et dégénérescence graisseuse [18]. Virchow, le Russe Ignatovski trouva qu’un régime carné
déterminait un athérome expérimental chez le lapin. En 1913,
À la faveur d’une rupture de plaque, du sang peut passer de la Anitschkov et Chalatov démontraient la responsabilité du
lumière artérielle à travers la brèche pour former un hématome cholestérol dans le phénomène et établissaient le modèle
(ou hémorragie) pariétal. Un tel épanchement sanguin, de taille expérimental d’athérome qui a été le plus utilisé depuis.
variable, est presque constamment observé au contact des ruptures D’inflammatoire, l’athérosclérose devenait une maladie
de plaques avec thrombus. L’hématome, s’il est volumineux, peut métabolique et une gigantesque activité de recherche en a découlé.
provoquer une obstruction artérielle importante et contribue Les statines, à la fin des années 1990, ont été son couronnement.
souvent, en s’ajoutant au thrombus et au spasme, à la survenue En inhibant la synthèse du cholestérol, ces médicaments diminuent
d’une occlusion artérielle aiguë. de 20 à 30 % sa concentration plasmatique et influencent
La rupture de plaque est au cœur du processus athéroscléreux : favorablement le cours de la maladie coronaire : diminution de
l’incidence en prévention primaire [17, 53] et amélioration du
– elle tient une place de premier rang dans la survenue des pronostic en prévention secondaire [47, 48, 61].
accidents ischémiques graves et, sans doute aussi, dans la
progression des lésions ; Dans le même temps, l’incrustation de Rokitansky survivait plus
ou moins chichement sur l’idée, ranimée en 1946 à Cardiff par
– elle est la question principale que les recherches sur les Duguid [ 1 8 ] , que l’incorporation des thrombus participe à
mécanismes de la maladie doivent résoudre. l’accroissement des plaques. La thrombose était surtout considérée
comme l’épisode terminal de l’histoire des plaques, menant à des
accidents ischémiques aigus, utilement contrecarré par des
Mécanismes de l’athérosclérose médicaments antithrombotiques (aspirine, héparine, etc) et
thrombolytiques. L’inflammation de Virchow, quant à elle, tombait
dans l’oubli, bien qu’elle eût été à l’origine de l’immense essor
Même simplifiée, la description qui précède montre la complexité connu par la théorie lipidique.
de l’athérosclérose. Il est malaisé d’en trouver une explication
unificatrice qui rende compte de tout le cheminement parcouru ¶ Renaissance de l’inflammation
entre un épaississement normal de l’intima et la rupture meurtrière
d’une plaque. La masse des publications consacrées au sujet Les statines, si elles ont récemment couronné la théorie lipidique,
pourrait laisser croire au chaos. Toutes sont en fait sous-tendues l’ont aussi mise en position d’être épuisée : il y a toute raison de
par quelques théories maîtresses. Il est intéressant de les considérer croire qu’elle ne mènera pas beaucoup plus loin, et pourtant la
d’abord sous leur angle historique [8], c’est-à-dire suivant les question pathogénique n’est pas entièrement résolue. Depuis les
arguments qui y ont mené, à une époque où la modestie des années 1970, le relais de la théorie lipidique a été progressivement
moyens de recherche, alors limités au seul microscope optique, repris par la théorie inflammatoire, en un mouvement qui
interdisait de s’égarer dans les détails. finalement apparaît comme un juste retour aux sources. L’entrée
des cellules musculaires artérielles sur la scène de l’athérosclérose
en 1960 [26] , puis le constat qu’une lésion de l’endothélium
HISTORIQUE DES GRANDES THÉORIES provoque une réaction fibromusculaire de l’intima menèrent Ross
et Glomset à proposer, en 1976, l’hypothèse de la « réponse à une
¶ Incrustation et irritation agression » (response to injury) [46]. Ce faisant, ils rattachaient à
l’athérosclérose les mots mêmes qui définissent l’inflammation :
Von Rokitansky (Vienne, 1852) a formulé la première théorie réaction de réparation développée par un tissu vivant en réponse
structurée de l’athérosclérose en proposant que la plaque résulte à une agression. De plus, en soulignant le rôle d’un facteur de
d’un dépôt sur l’intima de produits dérivés du sang, consistant croissance libéré par les plaquettes sanguines au contact de la paroi
principalement en fibrine. Ayant écarté l’idée qu’il puisse s’agir artérielle lésée ( platelet derived growth factor [PDGF]), ils
d’un exsudat causé par une irritation (inflammation) de l’artère, remettaient aussi l’incrustation au goût du jour. Amplement

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19-0090 Athérosclérose : description, mécanismes et étiologie Angéiologie

amendée par rapport à cette première reformulation, la théorie expriment le phénotype myodédifférencié, c’est-à-dire sécréteur
inflammatoire domine aujourd’hui à nouveau [45] . Outre sa (ou synthétisant) et proliférant. Étudiés depuis 40 ans [26], ces trois
plausibilité, elle réconcilie les deux grands courants d’idée, comportements « sclérogènes » des cellules conjonctives de la
lipidique et thrombotique, qui furent longtemps des rivaux plaque (migration, prolifération et production abondante de
inégaux. matrice) sont sous la dépendance de nombreuses modulations
endocrines, et surtout paracrines (émanant d’une cellule voisine
d’autre nature telle un monocyte-macrophage, un lymphocyte T
INFLAMMATION ET ATHÉROSCLÉROSE
ou une cellule endothéliale), autocrines (émanant d’une cellule
À simplement la regarder (cf supra), la plaque présente les quatre musculaire voisine) et même intracrines (émanant de la cellule
attributs principaux de l’inflammation chronique : infiltrat musculaire elle-même) qui sont exercées par des molécules
monocytaire et lymphocytaire, sclérose conjonctive, prolifération inflammatoires (facteurs de croissance et cytokines, en
cellulaire, prolifération vasculaire [5] . L’inflammation devient particulier) [50]. Le rôle capital des cellules musculaires a mené à
chronique quand l’agression se répète ou se perpétue. Dépassant considérer l’athérosclérose comme étant par essence une maladie
son but réparateur, elle peut alors devenir source de dégâts du muscle artériel : la théorie monoclonale conçoit la plaque
tissulaires. Vue sous cet angle, la pathogénie de l’athérosclérose comme une tumeur musculaire lisse. Elle se fonde sur l’observation
s’ouvre au vaste domaine des interactions cellulaires (leucocytes, (Benditt, Seattle, 1977) que les cellules musculaires d’une plaque
cellules conjonctives) et moléculaires (facteurs de croissances, ont toutes le même génotype (monotypie) et peuvent donc toutes
cytokines, chimiokines, intégrines, eicosanoïdes comme les être les filles d’une unique cellule mère (monoclonalité) qui, à la
thromboxanes ou les leucotriènes, formes activées de l’oxygène) manière d’une cellule cancéreuse, aurait subi une transformation
de l’inflammation. Ces entrelacements multiples tissent privilégiant sa prolifération et sa dominance. La monotypie a été
aujourd’hui la toile de la recherche sur l’athérosclérose, considérée confirmée, mais elle pourrait être le résultat d’une sélection
comme une perturbation des relations entre deux tissus, la paroi secondaire plutôt que d’une mutation primaire [51]. L’explication
artérielle et le sang. Les acteurs cellulaires en sont les résidents de tumorale s’accorde bien avec la vascularisation des plaques, mais
la plaque (endothélium, cellules musculaires, monocytes- moins avec leur localisation multifocale ou leur caractère
macrophages, lymphocytes T) avec toutes leurs productions inflammatoire.
moléculaires. Les plaquettes sanguines, mises en avant dans les
¶ Lipides et inflammation
travaux qui ont relancé la théorie inflammatoire [46], paraissent
n’intervenir que tardivement, quand la plaque rompt, pour Au sein des inflammations artérielles (maladies de Horton, de
enclencher la thrombose. Takayasu, de Kawasaki…), le dépôt lipidique est la singularité la
plus remarquable de l’athérosclérose. Le mot dépôt n’est cependant
Le champ ouvert par la réinjection de l’inflammation dans
pas adapté. Il s’agit d’une accumulation active. Le cholestérol y
l’athérosclérose est immense, impossible à décrire ici dans tous ses
prédomine, mais les types d’acides gras qui l’estérifient montrent
détails. Les quelques regards qui suivent ne cherchent qu’à en
que, par comparaison avec l’état qu’il a dans le sang, il a subi un
illustrer la richesse constamment en progrès.
métabolisme (une transformation) cellulaire avant de s’agglutiner
en athérome, c’est-à-dire qu’il n’a pas simplement sédimenté à la
¶ Endothélium et inflammation manière du calcaire dans le tartre d’une conduite d’eau. Dans ses
Les couches endothéliales de la plaque (celles des microvaisseaux transporteurs sanguins principaux, les lipoprotéines de basse
qui l’irriguent, et celle qui borde la lumière de l’artère où elle est densité (low density lipoproteins [LDL]), l’oléate prévaut sur le
implantée) sont les lieux de passage obligé des cellules linoléate de cholestérol dans un rapport de 30 pour 70, alors que
inflammatoires (monocytes et lymphocytes) pour aller du sang dans la plaque (type V), la répartition est inverse avec un rapport
dans l’intima. L’endothélium joue donc un rôle essentiel de de 60 pour 40. L’inversion est plus nette encore dans les stries
« recruteur » et de « garde-barrière » dans l’alimentation du foyer lipidiques (type II) où le rapport est de 80 pour 20 [25]. Les cellules
inflammatoire athéroscléreux, fondé sur une multiplicité de qui métabolisent (réestérifient) le cholestérol apporté dans l’intima
signaux moléculaires [30] . Cela peut mener à considérer que par les lipoprotéines sont les macrophages et les cellules
l’athérosclérose est primitivement une maladie de musculaires. La transformation spumeuse qui en résulte n’est bien
l’endothélium [ 4 5 ] , déclenchée et entretenue par son expliquée que pour les premières. Contrairement à la voie finement
dysfonctionnement qui perturbe non seulement les interactions des contrôlée du récepteur des LDL, le système éboueur (scavenger)
leucocytes sanguins et de la paroi artérielle, mais aussi la dont les macrophages sont pourvus y fait pénétrer les lipoprotéines
régulation de son tonus musculaire et de sa thromborésistance. À riches en cholestérol au prorata de leur concentration
l’opposé, on peut voir l’endothélium comme un simple relais, extracellulaire. Les récepteurs éboueurs impliqués captent non pas
exprimant les perturbations de l’intima plus profonde pour y les LDL « natives » (telles qu’elles circulent dans le sang), mais les
importer les défenses nécessaires venues du sang. Ce rôle de LDL chimiquement modifiées, et tout particulièrement celles qui
rempart protecteur (plutôt que de « cheval de Troie ») est illustré ont subi une oxydation [59]. La production de formes activées de
par le fait que la disparition de la barrière endothéliale couvrant la l’oxygène (radicaux libres) est une voie finale commune de
plaque caractérise l’instabilité (vulnérabilité) qui mène aux l’inflammation qui joue donc sans doute un rôle essentiel dans la
complications les plus graves (fig 1). captation et la transformation du cholestérol par les macrophages
des plaques. Les LDL oxydées interviennent dès les tout premiers
stades de l’athérosclérose : le processus a été observé dans l’aorte
¶ Sclérose et inflammation
fœtale [41]. La transformation spumeuse des cellules musculaires
Caractéristique essentielle de l’inflammation chronique, la sclérose lisses, moins bien éclaircie, pourrait faire intervenir l’acquisition
est le composant prédominant des plaques. Elle est présente dans d’un phénotype macrophagique avec expression de récepteurs
l’intima avant même l’enclenchement du processus athéroscléreux éboueurs [38], l’infection par un Herpès virus [28], ou le contact avec
(épaississements fibromusculaires de l’intima) [ 4 1 , 5 7 ] et des plaquettes sanguines [35] (en relation avec l’incorporation du
l’accompagne tout au long de son développement. La calcification thrombus et de l’hématome constitués à l’occasion d’une rupture
progressive qui s’y associe jusqu’au type VII de Stary (tableau II) de plaque). À partir du préathérome (lésion intermédiaire de type
peut aussi être vue comme une marque de l’inflammation III), la mort des cellules spumeuses et la libération de leur contenu
chronique, dont c’est une modalité classique (calcification dans l’espace extracellulaire contribuent sans doute pour une
dystrophique de nécrose). La matrice fibreuse de la plaque, bonne part à la formation du centre athéronécrotique.
essentiellement collagénique, est produite par les cellules La classification séquentielle des lésions (tableau II) (fig 2) et la
musculaires qui ont migré depuis la média et qui, pour la plupart, longue imprégnation des esprits par la théorie lipidique incitent

6
Angéiologie Athérosclérose : description, mécanismes et étiologie 19-0090

PROGRESSION DES PLAQUES


Âge
Les plaques peuvent croître de deux manières (fig 1) [6] . Les
20 40 premiers mécanismes de progression sont « internes » à la plaque :
au fil du temps, le dépôt lipidique (intra- et surtout extracellulaire)
cellules plaque
et l’accumulation de tissu scléreux (produit par les cellules
spumeuses strie préathérome athérome fibroathérome fibrocalcaire
musculaires) s’accentuent progressivement et régulièrement. Les
seconds mécanismes de progression sont « externes » à la plaque :
I II III IV V VII-VIII
la lésion, devenue instable (vulnérable), rompt et parcourt un cycle
qui aboutit à sa cicatrisation après incorporation du sang qui s’y
est accumulé, sous forme d’hématome et de thrombus ;
VI
contrairement à la précédente, cette modalité procède par à-coups
irréguliers.
thrombose
hémorragie Les deux processus impliqués dans la progression se succèdent ou
Clinique se combinent probablement, mais leur importance respective dans
sans symptômes avec ou sans symptômes
l’histoire naturelle de l’athérosclérose est encore incertaine.
Certains arguments plaident en faveur d’une prépondérance des
2 Déroulement proposé de l’athérosclérose au cours de la vie, des lésions de type I mécanismes « externes », mettant en jeu la rupture de plaque. Les
à celles de type VIII. angiographies coronaires répétées à court intervalle suggèrent que
À partir du type IV (athérome), la plaque est vulnérable, c’est-à-dire susceptible la progression des plaques procède plus souvent par à-coups que
de rompre en pouvant provoquer des symptômes ischémiques. suivant une pente régulière et douce [3]. La rupture de plaque est
un événement fréquent : Davies et Thomas [13] l’ont observée dans
une artère coronaire chez 10 % de 78 individus morts subitement
une majorité à considérer l’athérosclérose comme une
d’une cause non cardiaque. Un pourcentage aussi élevé est
réorganisation inflammatoire de l’intima autour d’un dépôt
compatible avec l’idée que la rupture « silencieuse » joue un rôle
anormal de cholestérol. Les modèles animaux lipidiques, depuis le
majeur dans la progression des plaques. À mesure qu’elles
lapin d’Anitschkov jusqu’aux souris knock-out pour le gène de
croissent, les plaques s’enrichissent en fibrinogène et en ses dérivés
l’apolipoprotéine E, confirment cela en montrant que (fibrine et produits de sa dégradation) [1, 54] , ce qui pourrait
l’accumulation lipidique est le primum movens et qu’une fibrose témoigner d’incrustations sanguines progressives. Avec ce qui est
plus ou moins dense se constitue ensuite. La lésion obtenue ne connu de l’organisation des hémorragies et des thrombus
dépasse pourtant guère le semblant de type III (préathérome) : pariétaux [18], tout cela suggère que, comme le proposait déjà
contrairement à l’athérosclérose humaine, la sclérose n’y a pas l’hypothèse de Rokitansky, l’incorporation soit un puissant moteur
précédé l’athérome et les stades ultérieurs, notamment la rupture évolutif des plaques.
de plaque, ne sont pas atteints. On ne peut pas écarter
Quant à la régression des plaques, il s’agit d’un phénomène rare et
formellement l’idée que chez les humains le dépôt de lipides soit
incertain selon les nombreuses études qui ont suivi des artères
une conséquence spécifique plutôt qu’une cause de l’inflammation
athéroscléreuses humaines (coronaires le plus souvent) à l’aide
athéroscléreuse. Par exemple, dans la notable activité des statines
d’angiographies répétées [14].
contre l’athérosclérose [17, 47, 48, 53, 61], il est troublant de constater qu’il
n’existe pas de corrélation stable entre le bénéfice clinique
(réduction du nombre d’accidents coronaires) et la diminution de
la cholestérolémie ou même la cholestérolémie initiale des patients Étiologie de l’athérosclérose
soumis au traitement. Cela incite à penser que les statines puissent
agir « au-delà » (voire à part) du cholestérol, notamment au travers Identifiée à tous les stades de l’athérosclérose, et reconnue par
d’effets anti-inflammatoires favorisant la stabilité des plaques [67]. beaucoup comme son mécanisme général, l’inflammation pose la
question des agressions qui la déclenchent et l’entretiennent.
¶ Rupture de plaque et inflammation
FACTEURS DE RISQUE
Moteur principal de l’athérosclérose maladie, la rupture de plaque
n’est pas entièrement expliquée. Il n’en existe pas de modèle L’épidémiologie a mis au jour près de 250 « facteurs de risque » [27].
animal fiable. Les recherches qui la concernent doivent donc Dans leur grande majorité, il s’agit simplement de marqueurs dont
utiliser le « modèle » humain avec toutes ses difficultés. Le la présence peut être associée avec une variation dans l’incidence
croisement patient des informations cliniques et morphologiques des maladies artérielles ischémiques. En gardant bien à l’esprit
(imagerie, histopathologie) a orienté vers divers mécanismes [6] l’idée qu’une relation de cause à effet n’est jamais que l’une des
comme l’architecture de la plaque, avec une tendance à la fragilité interprétations possibles de la corrélation statistique entre un
quand la composante athéromateuse, molle, est volumineuse et modificateur et une maladie [4], on attribue aujourd’hui le statut
quand la chape fibreuse est fine, ou comme l’usure de la plaque d’authentiques facteurs de risque à trois états physiologiques non
sous l’effet des forces exercées en permanence par les pulsations modifiables (âge, sexe masculin, hérédité) et à quatre états
du sang circulant ou par les mouvements de l’artère (cas pathologiques modifiables (hypercholestérolémie, hypertension
notamment des artères coronaires arrimées au ventricule gauche artérielle, diabète sucré et consommation de tabac). Tous peuvent
battant). Le mécanisme de rupture le mieux documenté est être vus soit comme des agressions génératrices d’inflammation
cependant la survenue d’une poussée inflammatoire au niveau de artérielle, soit comme des conditions qui la favorisent.
la lésion : les cellules activées de l’infiltrat (monocytes- L’agression métabolique la mieux étayée par l’épidémiologie et la
macrophages, cellules musculaires) produisent des protéases mieux comprise est l’hypercholestérolémie. Le dépôt de cholestérol
capables de digérer la matrice fibreuse de la plaque pour en dans l’intima est caractéristique de l’athérosclérose à tous les stades
accroître la fragilité et favoriser la fracture ; une accentuation de de son développement. Les modèles animaux sont convaincants et
l’apoptose des cellules musculaires, productrices de sclérose les statines, qui diminuent fortement la cholestérolémie,
protectrice, joue peut-être dans le même sens [2, 36]. Les quelques préviennent l’apparition et la progression de la maladie coronaire.
mastocytes présents dans la plaque pourraient aussi jouer un Un tel argumentaire mène à considérer le cholestérol comme une
rôle [32]. L’espoir est de concevoir, au travers de ces phénomènes, cause (sinon la cause) avérée de l’athérosclérose, mais aucune de
des médicaments stabilisateurs de la lésion. ses pièces n’est totalement irréfutable, comme on l’a vu à mesure

7
19-0090 Athérosclérose : description, mécanismes et étiologie Angéiologie

qu’elles ont été exposées. L’oxydation des LDL fournit un lien


plausible entre l’inflammation et la formation de l’athérome, mais, Tableau III. – Hypothèse infectieuse de l’athérosclérose : palmarès
des deux principaux agents mis en cause [10].
malgré quelques préliminaires encourageants [15] , le pouvoir
antiathéroscléreux des traitements antioxydants (régimes ou Catégorie de preuve Herpèsvirus, Chlamydia pneumoniæ
médicaments) reste incertain. L’augmentation de la triglycéridémie cytomégalovirus
et l’abaissement de la concentration du cholestérol lié aux Modèles animaux + ±
lipoprotéines de haute densité (high density lipoproteins [HDL])
Modèles cellulaires + ±
forment un marqueur de risque intriqué. Faute de démonstration
émanant d’essais thérapeutiques probants, il reste contestable de Séroépidémiologie + +
l’élever au rang de facteur, même si des liens pathogéniques Détection dans les + +
intéressants ont été proposés [20]. La glycation non enzymatique des plaques
protéines artérielles et sanguines est un autre facteur d’agression
Traitement - +
oxydante. Elle pourrait expliquer pourquoi le diabète et le
vieillissement favorisent l’athérosclérose [62], maladie qui toutefois Les données sont : + : globalement en faveur ; ± : partielles ; – : absentes ou négatives.
se combine à une forte composante artérioscléreuse (type VIII de
Stary) (tableau II) dans la macroangiopathie diabétique et dans athéroscléreuse a pris corps avec la caractérisation des lymphocytes
l’artériopathie sénile [7]. Les traitements méticuleux du diabète T dans les plaques [31]. La participation de cette réaction comme
n’ont pas d’effets nettement bénéfiques sur le cours des atteintes moteur pathogénique, et non comme simple phénomène
artérielles ischémiques. d’accompagnement, a été étayée par la découverte que les greffons
L’agression mécanique est l’hypertension artérielle dont, cardiaques peuvent développer une maladie coronaire grave, dont
cependant, l’association avec les accidents artériels cérébraux une composante est une athérosclérose très accélérée [63]. En dehors
ischémiques est plus étroite qu’avec la maladie coronaire. Cela de la caricature iatrogénique fournie par l’artériopathie des
vient sans doute du fait que l’ischémie myocardique est presque transplants, la plaque « banale » semble abriter une réaction auto-
exclusivement due à l’athérosclérose, alors que l’ischémie cérébrale immune polyclonale [60] dirigée contre certains épitopes qu’elle
a d’autres causes courantes (embolies d’origine cardiaque, sclérose contient : LDL oxydées, fragments d’élastine, protéines de choc
des petites artères cérébrales responsables de lacunes) qui sont thermique ( heat shock proteins [hsp]) [66] . Il reste pourtant
aussi favorisées par l’hypertension. L’hypertension est un impossible de discerner si ces phénomènes sont causes ou
déterminant beaucoup moins influent de la maladie coronaire que conséquences de l’inflammation athéroscléreuse.
ne l’est l’hypercholestérolémie, comme le prouve l’efficacité
préventive plus modeste des traitements antihypertensifs que des ¶ Infections
statines. L’histoire des infections dans l’athérosclérose est plus ancienne
L’agression chimique, par augmentation de l’oxydation, est une encore que celle du cholestérol [42]. Pendant longtemps, les deux
modalité d’action du tabac dans l’athérosclérose [39]. Il en va de idées n’ont cependant pas joui de la même estime. L’ère moderne
même pour l’élévation de l’homocystéinémie qui est directement de l’infection s’est ouverte en 1978 avec l’observation qu’une
toxique pour l’endothélium [55]. infection virale du poulet (Herpèsvirus de la maladie de Marek)
Deux états favorisants, sans être directement agressifs, sont provoque des lésions artérielles ressemblant de près à
l’hérédité et le sexe masculin. L’hérédité intervient : l’athérosclérose de type V [19]. Depuis lors, l’hypothèse s’est
structurée [ 1 0 ] sur des arguments expérimentaux,
– soit en réglant le niveau des facteurs précédents, avec les cas séroépidémiologiques, histopathologiques et même thérapeutiques.
monogéniques extrêmes de la xanthomatose Les microbes à suspecter doivent posséder plusieurs
hypercholestérolémique familiale (type IIa de la classification de caractéristiques : large diffusion épidémiologique, tropisme pour
Fredrickson, caractérisé par un défaut des récepteurs des LDL) ou la paroi artérielle, capacités de rémanence, de latence et de
de l’homocystinurie, mais aussi un grand nombre de récurrence. Le tableau III résume les arguments des deux
polymorphismes plus complexes (comme ceux du gène de candidats les plus titrés : un virus, le cytomégalovirus (cinquième
l’apolipoprotéine E ou de l’enzyme de conversion de Herpèsvirus humain), et une bactérie, Chlamydia pneumoniæ. La
l’angiotensine) en cours d’identification et d’évaluation ; publication en 1997 de deux essais thérapeutiques [23, 24] utilisant
– soit en influençant des mécanismes pathogéniques, comme la un antibiotique macrolide actif contre Chlamydia pneumoniæ l’a
fonction des plaquettes, la structure de la matrice extracellulaire placée sur le front d’un courant qui évolue maintenant très
ou certaines activités enzymatiques de la paroi artérielle. rapidement : l’origine infectieuse de l’inflammation
L’espoir est d’aboutir à une identification génomique des individus athéroscléreuse. L’hypothèse a deux intéressantes connexions avec
prédisposés à un risque artériel élevé. L’effet du sexe (tableau I) d’autres explications de l’athérosclérose :
semble plus lié à une protection exercée par les œstrogènes, – la transformation des cellules musculaires, postulée par la
disparaissant après la ménopause, qu’à une action néfaste des théorie monoclonale, peut être induite par le cytomégalovirus [37] ;
hormones mâles. Les bénéfices d’une substitution hormonale
postménopausique n’ont cependant pas encore été établis [29]. – les hsp sont des protéines intracellulaires de protection contre le
stress (chaperons) dont la structure est hautement conservée dans
tout le règne animal ; à cause de cette parenté, par un mécanisme
AUTRES CAUSES
de spécificité croisée (mimétisme antigénique), une immunité
Indépendamment de l’épidémiologie, d’autres agressions ont été dirigée contre une hsp bactérienne peut aussi être active contre
mises en cause dans l’étiologie de l’athérosclérose en partant de une hsp humaine structurale des cellules artérielles et enclencher
constats expérimentaux ou anatomopathologiques. Les désordres un phénomène auto-immunitaire [66].
immunitaires et les infections suscitent aujourd’hui une attention
particulière. ATHÉROSCLÉROSE : MALADIE MULTIFACTORIELLE
OU MONOFACTORIELLE ?
¶ Perturbations immunitaires
La dominance étiologique des facteurs de risque a abouti à la
Diverses techniques d’immunisation contre les composants des conception multifactorielle de l’athérosclérose : la maladie résulte
plaques provoquent ou accélèrent les lésions artérielles de réactions complexes entre le génome et l’environnement ;
expérimentales [49]. Longtemps considérée comme marginale, l’idée chaque cas est le produit de la combinaison défavorable d’un inné
qu’une réaction immunitaire contribue à l’inflammation et d’acquis, dont les variantes sont très nombreuses, sinon infinies.

8
Angéiologie Athérosclérose : description, mécanismes et étiologie 19-0090

Telle est aujourd’hui l’idée qui connaît le plus de succès car elle Avenir de l’athérosclérose
légitime toutes les voies de recherche, si antagonistes qu’elles
puissent être. Cela est confortable, mais semble une tautologie : Vieux de plus de deux siècles [8], le désir médical de comprendre
mises à part les affections héréditaires monogéniques à pénétrance l’athérosclérose pour la maîtriser est en partie réalisé. Les
invariable, existe-t-il une maladie qui ne soit pas multifactorielle ? 20 dernières années ont été marquées, du côté pratique, par la
La pathologie est par essence multifactorielle : la cause nécessaire confirmation des médicaments antithrombotiques et
d’une maladie (comme une exposition à Helicobacter pylori) n’est l’établissement des statines et, du côté conceptuel, par la
pas suffisante à l’éclosion de la maladie (comme un ulcère de renaissance de la théorie inflammatoire. Comme modalité
l’estomac). Il y faut des circonstances, liées aux gènes et à pathogénique, l’inflammation a les grands avantages d’unifier les
l’environnement, qui autorisent l’enchaînement complet de l’agent efforts de recherche et de poser la question étiologique en termes
à son fait. Comme la plupart des maladies, on doit envisager que simples. L’identification des agressions en cause est encore partielle
l’athérosclérose est monofactorielle : elle a une cause dont l’impact avec les facteurs de risques conventionnels, mais des espoirs
final, qui peut être nul, modeste ou majeur, est le résultat d’une naissent de nouvelles explications comme l’infection. Si la piste se
masse d’influences que l’on qualifie, elle, de multifactorielle. Le confirmait, la voie s’ouvrirait à des approches originales de
cholestérol, ou une anomalie plus subtile des lipides dont la traitement et de prévention, avec même une perspective potentielle
cholestérolémie serait un reflet grossier, pourrait bien être cette de réelle éradication. L’actualité de l’athérosclérose sera
cause, mais la porte reste ouverte à d’autres candidats comme passionnante à suivre dans les prochaines années. Elle pourrait être
l’intervention de microbes spécifiques [9]. une maladie sans grand avenir.

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10
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0630

19-0630

Causes cardiaques des embolies


C Chapelon-Abric

Résumé.– La recherche d’une cause cardiaque potentiellement emboligène doit être systématique
devant tout accident embolique. Une origine cardiaque est retrouvée dans la grande majorité des cas
lors des embolies des membres et lors de 15 à 20 % des accidents cérébraux. Un interrogatoire et un
examen attentif permettent le plus souvent une orientation. L’échographie transthoracique et
transœsophagienne, le holter électrocardiogramme (ECG) sont les examens clés de l’enquête
étiologique. Malgré ces investigations, 5 à 10 % des accidents emboliques restent inexpliqués.
© Elsevier, Paris.

Introduction supraventriculaire. Le trouble du rythme peut être permanent ou


paroxystique, avec un risque majeur au moment du changement
La recherche d’une source cardiaque potentiellement emboligène doit de rythme que celui-çi soit spontané ou provoqué, et ce sans
être systématique devant tout accident embolique périphérique et/ou anticoagulation efficace.
cérébral. Le territoire de l’embolie, son caractère récidivant et /ou Une arythmie complète par fibrillation auriculaire (AC/FA)
multiple peuvent être des éléments d’orientation. L’échocardiographie permanente ou paroxystique, quelle que soit son origine, est
transœsophagienne a transformé l’approche diagnostique de ces souvent en cause. Elle intervient probablement par stase sanguine
accidents [1, 14], permettant de découvrir une source possible d’embolie au niveau d’une oreillette gauche plus ou moins dilatée, associée
dans 57 % des cas contre 15 % en échocardiographie trans- dans certains cas à une diminution du débit cérébral. La présence
thoracique [13]. Néanmoins, cet examen ne saurait se substituer à d’une AC/FA multiplie le risque d’accident cérébral par un facteur
l’échographie transthoracique qui est complémentaire et doit être de 1,8 à 7,5, majoritairement cortical [9]. Le risque est d’autant plus
effectuée de première intention, en particulier pour visualiser l’apex grand qu’il existe, en échocardiographie transœsophagienne, un
du ventricule gauche. contraste spontané dans l’oreillette ou l’auricule gauche et/ou une
La majorité des embolies d’origine cardiaque proviennent des cavités dilatation auriculaire [14] et une valvulopathie rhumatismale sous-
gauches (90 %) et sont de type cruorique. Les embolies cardiaques jacente [9]. La mortalité est de 20 % et les risques de récidive
sont à l’origine de 80 à 90 % des embolies artérielles des membres [2] spontanée, dans les 30 premiers jours, sont de 8 à 15 %. Il est donc
et de 15 à 20 % des embolies cérébrales [11]. En dehors des causes impératif de rechercher parallèlement une cause au trouble du
classiques que sont les troubles du rythme, les valvulopathies, rythme. Sa présence intervient directement lors de la prise en
l’infarctus, la présence d’échos de contraste spontanés dans l’oreillette charge thérapeutique ultérieure. Les valvulopathies mitrales, les
gauche représente un risque emboligène [1, 13] , de même qu’un cardiopathies ischémiques et hypertensives, les myocardiopathies
anévrysme auriculaire septal, un foramen ovale perméable [13], un et les péricardites peuvent se compliquer d’arythmie. Une
thrombus ou une tumeur de l’oreillette gauche [1, 13]. hyperthyroïdie est à rechercher systématiquement, car elle se
Malgré l’échocardiographie transœsophagienne, 5 à 10 % des accidents complique d’accidents emboliques dans 10 à 20 % des cas [9]. Le
emboliques restent inexpliqués [3, 13]. bilan comprendra, en dehors de l’interrogatoire et de l’examen
clinique complet, une échocardiographie transthoracique et
transœsophagienne [9], complétés par un holter ECG sur 24 heures,
Embolies cardiaques cruoriques [2, 4, 11] lorsque l’on suspecte un trouble paroxystique. Dans de nombreux
cas, aucune cause n’est retrouvée et la fibrillation auriculaire est
dite idiopathique. Le risque embolique d’une AC/FA chronique
TROUBLES DU RYTHME
est de 16,2 % [9] avec un risque de récidive de 5 %/an.
Actuellement, les embolies cardiaques cruoriques sont, dans la Le flutter auriculaire est moins fréquemment à l’origine d’accidents
majorité des cas, secondaires à un trouble du rythme, en particulier emboliques. Cela est encore plus exceptionnel avec troubles du
rythme ventriculaire.
La phase de réduction de l’arythmie, qu’elle soit médicamenteuse
ou par choc électrique externe, est hautement emboligène. Cela
justifie la réalisation d’une échocardiographie. Tous les patients
© Elsevier, Paris

Catherine Chapelon-Abric : Praticien hospitalier, service du Professeur Piette, centre hospitalier


universitaire (CHU) Pitié- Salpêtrière, 47-83 boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. doivent être parfaitement anticoagulés, durant et au décours de la

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Chapelon-Abric. Causes cardiaques des embolies. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0630, 1997, 3 p.
19-0630 Causes cardiaques des embolies Angéiologie

phase de réduction, les embolies de régularisation survenant cérébral, une fibrillation auriculaire chronique, une fibrillation
essentiellement dans les 8 premiers jours chez des patients mal auriculaire contemporaine de l’infarctus, une surélévation de ST
anticoagulés. supérieure à 2,4 et une hypertension artérielle [12]. À la phase
tardive, les accidents emboliques sont corrélés avec la présence
VALVULOPATHIES d’un anévrysme ventriculaire ou d’un pseudoanévrysme. Celui-ci
s’accompagne d’un accident embolique dans 38 % des cas.
¶ Rétrécissement mitral
CARDIOPATHIES CONGÉNITALES
Le rétrécissement mitral représente la valvulopathie la plus
emboligène, et ce en dehors de tout trouble du rythme. Une ¶ Chez l’enfant
complication embolique émaille son évolution dans 10 à 20 % des
Les cardiopathies cyanogènes sévères chez l’enfant de moins de 2
cas. Ces embolies sont multiples, répétitives et peuvent siéger sur
ans peuvent être à l’origine d’accident vasculaire cérébral. Un
n’importe quel territoire. Les plus fréquentes et les plus graves sont
accident paradoxal, à partir de la circulation cave, peut s’observer
les embolies cérébrales, en particulier sylviennes, avec un risque
au cours de tous les shunts droite-gauche, lors de la persistance du
majeur de récidive. Le risque est d’autant plus grand qu’il existe
canal artériel et en présence d’un foramen ovale perméable.
des échos de contraste spontanés dans l’oreillette gauche [7].
¶ Chez l’adulte
¶ Prolapsus valvulaire mitral
Une perméabilité du foramen ovale souvent associée à un
Le prolapsus valvulaire mitral semble s’associer à une fréquence anévrysme du septum auriculaire devra être recherchée
accrue d’accident embolique, en particulier d’accident ischémique systématiquement chez l’adulte, en l’absence d’autres causes par
transitoire, d’infarctus cérébral, d’amaurose, d’occlusion de l’artère une échographie cardiaque de contraste. Les fréquences de ces
centrale de la rétine semble-t-il par hyperactivité plaquettaire. La malformations sont dans la population générale respectivement de
rupture de continuité endothéliale favorise l’agrégation 27 à 35 % des cas et de 1 % des cas. Une embolie paradoxale à
plaquettaire, la formation du complexe fibrine-thrombine. À tout partir d’une thrombose veineuse de membre inférieur doit être
cela s’associe des arythmies paroxystiques plus fréquentes. De ce suspectée s’il existe un foramen ovale ou une communication
fait, des prescriptions empiriques d’aspirine ont été proposées [4]. interauriculaire avec shunt droite-gauche [13] et ce, à l’occasion
d’une élévation des pressions dans la cavité droite. La recherche
THROMBOSES SUR PROTHÈSE VALVULAIRE [2, 4, 11]
d’une phlébite par échodoppler des membres inférieurs (voire une
phlébographie), d’une embolie pulmonaire par scintigraphie
Les thromboses sur prothèse valvulaire surviennent chez 5 à 25 %
pulmonaire de ventilation-perfusion est nécessaire.
des patients, à l’origine d’accidents emboliques dans à 1 à 4 % par
an. Cette fréquence varie en fonction des séries, du recul, du type EMBOLIES DE L’ENDOCARDITE INFECTIEUSE [2, 4, 11]
de prothèse, mais aussi en fonction de la position de la prothèse.
En effet, les embolies s’observent plus fréquemment lorsque les L’endocardite infectieuse se complique d’embolies artérielles dans
prothèses sont en position mitrale par rapport à la position 15 à 20 % des cas, pourcentage nettement inférieur à celui observé
aortique, surtout s’il s’y associe une AC/FA. Les embolies sont lorsqu’il n’existait pas d’antibiotiques (70 à 97 % !). Les risques sont
nettement plus fréquentes dans le territoire cérébral. Les accidents inférieurs lorsqu’il s’agit de formes subaiguës (embolie clinique
emboliques sont moins fréquents avec les bioprothèses. Ainsi, dans 6 à 35 % des cas), alors qu’elle est présente dans 60 % des cas
certains auteurs proposent pour tenter de réduire le risque des formes aiguës [16]. Tous les organes peuvent être intéressés. Les
embolique, d’associer au traitement anticoagulant, de l’acide localisations emboliques préférentielles sont les reins (56 %), la rate
salicylique à dose faible (100 mg/j) [15]. (44 %), le cerveau (33 %), en particulier au niveau de l’artère
cérébrale moyenne et de ses branches. Les occlusions des grosses
BOURRELETS VALVULAIRES artères sont rares, sauf s’il s’agit d’endocardites fungiques ou à
Staphylococcus aureus.
Les bourrelets valvulaires définis par une expansion tissulaire fine Du fait de la lenteur de recouvrement des végétations par
très mobile peuvent s’observer sur des valves natives et des l’endothélium (6 mois), les accidents emboliques peuvent survenir
prothèses valvulaires. Leur présence est un facteur emboligène [17]. des semaines, voire des mois après l’éradication du processus
infectieux, avec un risque tardif de 5 %.
INFARCTUS DU MYOCARDE
[9]
CARDIOMYOPATHIES
L’infarctus du myocarde à sa phase initiale est à haut risque
d’accidents emboliques qui surviennent chez 2 à 4 % des ¶ Cardiomyopathies dilatées [4]
patients [4, 12]. Plus de 50 % d’entre eux sont diagnostiqués durant
les 5 premiers jours. Les études autopsiques montrent la présence Toutes les cardiomyopathies dilatées, quelle que soit leur cause,
d’un thrombus mural dans 44 % des cas, essentiellement au niveau peuvent se compliquer d’accident embolique. Ce risque augmente
de la pointe du ventricule gauche. En cas d’infarctus septal, le parallèlement à l’aggravation de la dysfonction ventriculaire
thrombus peut siéger au niveau des deux ventricules. Un accident gauche, particulièrement si le malade est en AC/FA [4] . Le
embolique est noté chez 10 % des patients décédés d’infarctus, diagnostic est facile et repose sur l’échocardiographie.
localisé dans 50 % des cas au niveau de l’encéphale. Les autres
localisations fréquentes sont les reins, la rate, la bifurcation aorto- ¶ Cardiomyopathies du post-partum
iliaque et l’artère fémorale. La présence d’un thrombus est corrélée ou syndrome de Meadows
à l’étendue de la nécrose myocardique et sa localisation antérieure ; Cette cardiomyopathie rare, sous nos climats, est à sa phase aiguë
elle est très rare en revanche lors des nécroses inférieures. Les à haut risque emboligène, un accident étant observé dans plus de
facteurs prédictifs d’accidents emboliques cérébraux sont à la 20 % des cas. Cela justifie un traitement anticoagulant
phase initiale, un infarctus antérieur, des antécédents d’accident systématique [10].

2
Angéiologie Causes cardiaques des embolies 19-0630

FIBROSES ENDOMYOCARDIQUES – végétations marastiques des néoplasies observées dans 0,5 à 1 %


des cas ;
Les fibroses endomyocardiques sont rares et relèvent de causes
variées. Le risque de thrombus intra-auriculaire et – embolies calcaires du rétrécissement aortique calcifié, toujours
intraventriculaire est élevé, surtout s’il s’y associe une gravissime au niveau cérébral. Ce risque est majoré lors des
hyperéosinophilie [5]. cathétérisme et valvuloplastie ;
– calcifications de l’anneau mitral : cette cause n’est pas encore
THROMBUS INTRACAVITAIRE formellement reconnue.
Un thrombus intracavitaire est rarement isolé et survient dans un Leur diagnostic repose sur le contexte clinique et
contexte particulier : AC/FA, rétrécissement mitral, chez des l’échocardiographie.
porteurs de prothèse valvulaire, en cas de dysfonctionnement
sévère du ventricule gauche et lors de dilatation de l’oreillette
gauche.
Conclusion
ÉCHOS SPONTANÉS INTRACAVITAIRES

La présence d’échos spontanés intracavitaires associés à l’AC/FA, Malgré des investigations bien conduites, il est, dans 5 à 10 % des
le rétrécissement mitral, une prothèse valvulaire, un cas, impossible de connaître la source de l’embolie. À l’inverse
dysfonctionnement ventriculaire gauche augmentent chacun parfois, chez un même patient, coexistent plusieurs pathologies
significativement le risque d’accidents emboliques [4]. emboligènes comme une prothèse valvulaire cardiaque, une AC/FA,
et une anticoagulation inefficace.
Actuellement est en cours d’évaluation le doppler transcrânien qui,
Embolies tissulaires [2]
en révélant la présence de HITS (échos emboliques unidirectionnels
transitoires observés au niveau des artères cérébrales) permettrait
Les embolies tissulaires sont beaucoup plus rarement en cause : peut être de définir des patients à haut ou bas risque [15].
– myxome : tumeur bénigne de l’oreillette essentiellement gauche, La prévention repose sur une anticoagulation efficace et/ou un
a un risque embolique élevé (30 à 50 % des cas) ; traitement antiagrégant plaquettaire.

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3
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0620

19-0620

Conséquences vasculaires des traitements


cardiologiques
DL Clement

Résumé.– Nous avons résumé les effets de la restriction du sel, des diurétiques, des inhibiteurs de
l’enzyme de conversion de l’angiotensine-I, des antagonistes calciques, des dérivés nitrés et des
bêtabloquants (non sélectifs, sélectifs, avec vasodilatation) sur la circulation périphérique et les
vaisseaux. Les effets hémodynamiques périphériques (le débit sanguin et la résistance vasculaire
périphérique) et les conséquences fonctionnelles et structurelles sur la paroi vasculaire (endothélium,
hypertrophie vasculaire) ont été mis en évidence. Les changements de la compliance systémique et
régionale, induits par les médicaments, et l’influence sur la morphologie de l’onde artérielle ont été
résumés. Pour chaque classe de médicaments, nous avons décrit en bref le mode d’action et le(s)
mécanisme(s) par le(s)quel(s) la circulation artérielle et/ou veineuse est influencée. En dernier lieu, les
effets indésirables sur le plan vasculaire périphérique ont été discutés.
© Elsevier, Paris.

Introduction Tableau I. – Conséquences vasculaires des traitements


cardiologiques.
De nombreux mécanismes peuvent jouer un rôle dans l’effet des
Résistance Débit Artère/veine Compliance
traitements cardiaques sur la circulation et les vaisseaux. périphérique cardiaque (A/V)
Parmi ces mécanismes vasculaires on peut signaler des effets Diurétiques - # / ±
structurels et fonctionnels (sur la paroi vasculaire et l’endothélium) ou IEC-I - # A>V ++
purement hémodynamiques. Citons-en quelques-uns [4] : Antagoniste - # A>V ++
calcique
– changements passifs des diamètres par modification du débit Dérivés nitrés (-) # V>A ++
cardiaque et de la pression artérielle (par exemple : décompensation Alphabloquants* - # A/V +
cardiaque, hypotension) ; Vasodilatateurs - + A>V ±
(hydralazine)*
– influence des systèmes (contre) régulateurs, des hormones (système Bêtabloquants + - / +
nerveux sympathique, rénine-angiotensine-aldostérone...) qui ont par
elles-mêmes aussi un effet puissant sur la paroi vasculaire ; * pas discutés dans le texte ; / ne s’applique pas ; # pas d’effet important ; IEC : inhibiteur de l’enzyme de
conversion.
– tonus myogène et vasodilatation qui dépend du niveau du débit
sanguin. Par exemple dans la circulation du bras chez l’homme une Conséquences vasculaires
vasodilatation provoque aussi la production des substances vasoactives
comme l’EDRF (endothelium derived relaxation factor) et de la réduction du sel
l’endothéline ; et des traitements diurétiques
– certaines molécules peuvent avoir un effet direct relaxant sur les
cellules musculaires lisses ; On accepte généralement le fait que l’administration de sel augmente
la pression artérielle, à la phase aiguë par augmentation du débit
– changements des caractéristiques viscoélastiques de la paroi sanguin et, à la phase chronique, par adaptation du tonus
vasculaire, d’une manière indépendante de la pression artérielle ou des artériolaire, donc vasoconstriction. De plus, il a été démontré que le
diamètres. sel peut réduire l’élasticité de la paroi artérielle, indépendamment
Les classes pharmacologiques que nous allons discuter en de la pression artérielle par plusieurs mécanismes, influence directe
détail [17, 18, 19, 20] dans les paragraphes suivants sont (tableau I) : les de l’élasticité par le tonus vasomoteur, Na+-K+ pompes défectives
diurétiques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine sur les membranes, échange de Ca++ sur le plan cellulaire, influence
(IEC-I), les antagonistes calciques, les dérivés nitrés, les bêtabloquants du système nerveux sympathique, action des substances
non sélectifs, les β1-sélectifs, avec vasodilatation. natriurétiques.
– Les essais diététiques [3] avec restriction de sel ont donné des
résultats contradictoires : augmentation du diamètre de l’artère
brachiale, mais diamètre non modifié des artères carotidiennes.
Denis-Louis Clement : Professeur, chef du département de cardiologie et d’angéiologie de l’hôpital
– L’effet des diurétiques sur les caractères physiques des artères
© Elsevier, Paris

universitaire de Gand, professeur de cardiologie à l’université de Gand, hôpital universitaire de Gand,


département de cardiologie et d’angéiologie, De Pintelaan 185, B-9000 Gand, Belgique. paraît être assez limité. Ajusté pour la pression artérielle, il n’y a pas

Toute référence à cet article doit porter la mention : DL Clement. Conséquences vasculaires des traitements cardiologiques. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0620, 1998, 3 p.
19-0620 Conséquences vasculaires des traitements cardiologiques Angéiologie

d’effet significatif sur la compliance. Le diamètre de l’artère brachiale lents (L-channels ). Les trois types d’antagonistes calciques (1,4-
et la vélocité des ondes (PWV : pulse wave velocity) ne changent pas dihydropyridines, phényléthylamines, benzothiazépines) sont fixés
ou très peu sous traitement. Peut-être ce phénomène est-il dû à une par la α1-subunité du L-canal. Il faut se rappeler que d’autres
contre-régulation aux changements du volume, par le système récepteurs (α-adrénergiques) sont également sensibles aux
rénine-angiotensine-aldostérone ou par le système nerveux antagonistes calciques. Dans les territoires vasculaires musculaires,
sympathique. les antagonistes calciques provoquent une forte vasodilatation,
Les effets des diurétiques sur les reflets des ondes dans les artères nettement plus importante sur le système artériel que sur le système
n’ont pas été étudiés suffisamment pour pouvoir aboutir à des veineux [7]. Une veinoconstriction réflexe est parfois observée. La
conclusions claires. L’effet des diurétiques se situe surtout sur le plan baisse des résistances périphériques entraîne une augmentation
d’une réduction du volume plasmatique et extracellulaire et du débit réflexe de la fréquence cardiaque. Certains effets vasculaires ou
cardiaque dans les premières semaines suivie d’une réduction des cardiovasculaires indésirables ont été rapportés : vertiges, flushs
résistances périphériques. Certains diurétiques comme la cutanés, céphalées, hypotension posturale mais surtout œdèmes
spironolactone [6] paraissent entraîner une vasodilatation importante ; périphériques [10].
cela paraît être le cas, mais dans une moindre mesure, pour
l’indopamide. Pour les autres diurétiques, la possibilité est loin d’être EFFETS SPÉCIFIQUES DES ANTAGONISTES CALCIQUES
évidente. SUR LA CIRCULATION PÉRIPHÉRIQUE
Il n’y a pas d’effets indésirables sur le plan vasculaire des Le diamètre artériel et la compliance ont été fréquemment mesurés
diurétiques, abstraction faite d’un effet diabétogène (plus ou moins après l’administration d’antagonistes calciques. Dépendant de la
réversible) et d’une élévation de la cholestérolémie et de la dose administrée, le diamètre de l’artère brachiale se trouvait élargi.
triglycéridémie à long terme. Pour l’artère carotidienne des données contradictoires ont été
décrites. L’action était indépendante de l’action purement mécanique
Conséquences vasculaires induite par le changement de la pression artérielle. On a démontré,
pour différents dérivés dihydropyridines, une nette augmentation du
des inhibiteurs de l’enzyme débit sanguin dans les membres et les artères carotidiennes. L’action
de conversion de l’angiotensine I des antagonistes calciques sur l’endothélium est plutôt neutre. La
compliance artérielle se trouve favorablement influencée par les
EFFETS GÉNÉRAUX ET MODES D’ACTION
antagonistes calciques. L’administration aussi bien aiguë que
Les IEC-I ont comme effets une réduction de la postcharge, une chronique augmente la compliance systémique et brachiale
réduction des résistances périphériques (vasodilatation) sans effets (distensibilité et compliance). Sans doute, la réduction de la pression
significatifs sur la fréquence cardiaque ou le volume circulant et l’élargissement des diamètres vasculaires jouent un rôle ; peut-
(resetting des barorécepteurs). La vasodilatation est aussi bien être la relaxation des cellules vasculaires lisses, indépendante de la
artérielle que veineuse, associée parfois à une augmentation limitée pression, contribue-t-elle à l’évolution favorable de la compliance ?
du débit cardiaque [8]. Ces données ont été confirmées pour différents types d’antagonistes
Les modes d’action comprennent une réduction de l’angiotensine II (dihydropyridine et autres). Enfin, les contours de l’onde artérielle
endogène vasoconstrictive, stimulante de l’aldostérone, l’inhibition sont influencés favorablement par les antagonistes calciques. Pour la
de la dégradation de la bradykinine [9] et une stimulation des nifédipine et l’isradipine, on a démontré que la partie systolique
prostaglandines vasodilatatrices. tardive de l’onde de pression est influencée de façon plus
significative dans les artères centrales que dans les artères
EFFETS DES IEC-I SUR LA FONCTION ET LA
périphériques.
STRUCTURE DES GROSSES ARTÈRES [2]
Chez l’homme, l’élasticité de l’artère brachiale s’améliore sous IEC-I.
Le diamètre augmente d’une manière indépendante de la pression
artérielle. Cet effet favorable est peut-être dû à une réduction de
Conséquences vasculaires des dérivés
l’hypertrophie des cellules vasculaires lisses de la paroi vasculaire. nitrés
Ainsi y a-t-il amélioration de la fonction endothéliale. Ces résultats
se retrouvent aussi au niveau des artères carotidiennes. Un autre EFFETS GÉNÉRAUX ET MODE D’ACTION
aspect important induit par les IEC est la diminution du
« média/lumen ratio » des artères de résistance. L’action des dérivés nitrés (la nitroglycérine, l’isosorbide dinitrate...)
Les IEC-I semblent réduire, dans des modèles animaux, la formation sur les vaisseaux périphériques s’effectue directement sur les fibres
des athéromes dans les grosses artères (par exemple, l’aorte musculaires lisses, par vasodilatation non spécifique. Néanmoins, par
thoracique). Cette protection est dépendante de la fonction un mécanisme réflexe (stimulation sympathique), on observe une
endothéliale. vasoconstriction dans certains vaisseaux (surtout circulation
splanchnique). La dilatation se situe par préférence au niveau
La compliance des artères carotidiennes est améliorée sous
veineux, réduisant ainsi la précharge cardiaque. Concernant la
l’influence des IEC.
dilatation artérielle, elle est plus faible et se voit principalement au
Les IEC-I réduisent la portion systolique tardive de l’onde artérielle niveau des grosses artères et dépend des doses utilisées. La réduction
dans les artères carotidiennes, plus que dans les artères du bras de la résistance périphérique est donc faible et compensée par
(brachiale, radiale), ce qui suggère que l’effet sur la circulation augmentation du débit cardiaque ou, en moindre mesure, par
centrale et le ventricule gauche est plus important que sur les artères vasoconstriction artérielle.
périphériques.
Il paraît évident que ces effets vasculaires positifs vont de pair et EFFETS SPÉCIFIQUES DES DÉRIVÉS NITRÉS SUR LA
amplifient l’effet positif des inhibiteurs de l’enzyme sur CIRCULATION PÉRIPHÉRIQUE [1, 15]
l’hypertrophie cardiaque.
Chez l’homme, l’administration des dérivés nitrés influence
significativement la compliance artérielle et la morphologie de l’onde
Conséquences vasculaires artérielle, ce qui se reflète par une réduction parfois importante de la
des antagonistes calciques pression artérielle systolique [12]. Des études non invasives par
échodoppler ont démontré dans l’aorte, l’artère brachiale et les
EFFETS GÉNÉRAUX ET MODES D’ACTION artères carotidiennes, une dilatation accompagnant une réduction de
L’action des antagonistes calciques se situe aussi bien au niveau du la pression, ce qui suggère un mécanisme qui implique directement
tissu cardiaque que vasculaire. Rappelons très brièvement que le site la paroi vasculaire. Dans les grosses artères, un mécanisme de
d’action majeur des antagonistes calciques se localise sur les canaux dilatation de haut flux ne se déclare pas, parce que la résistance

2
Angéiologie Conséquences vasculaires des traitements cardiologiques 19-0620

régionale et la vélocité cross-sectionnelle ne changent pas sous bêtabloquants lipophiles, qui pénètrent le système nerveux central et
traitement nitré mais la réduction de la pression systolique ne diminuent le tonus sympathique vasomoteur d’origine centrale, ce
s’explique pas seulement par un changement de diamètre. En effet, qui entraîne une diminution de la résistance vasculaire périphérique,
le traitement par dérivés nitrés a comme conséquences un réduisant la vasoconstriction directe.
changement d’élasticité des grosses artères et une augmentation de
la compliance, exprimée par une plus forte pente de la relation EFFETS SPÉCIFIQUES DES BÊTABLOQUANTS SUR LA
pression-volume. La compliance systémique et celle de l’avant-bras CIRCULATION PÉRIPHÉRIQUE
sont augmentées après dérivés nitrés. Pour les vélocités des ondes,
on a décrit des valeurs constantes ou diminuées après dérivés nitrés. L’action des bêtabloquants sur la compliance des grosses artères chez
l’homme dépend du type de bêtabloquant : ceux non sélectifs n’ont
La morphologie de l’onde artérielle change aussi sous l’influence des
d’effet ni sur la distensibilité ni sur la compliance ; les sélectifs, en
dérivés nitrés [ 1 3 , 1 4 ] . L’observation la plus claire est que la
général, ont un effet plus prononcé sur la compliance et la
nitroglycérine diminue l’amplitude de l’onde reflétée dans la
distensibilité. À long terme, les bêtabloquants avec ASI et
périphérie ; la deuxième partie de l’onde artérielle peut même
caractéristiques vasodilatatrices augmentent aussi la distensibilité et
disparaître. À des doses thérapeutiques, on observe une réduction
la compliance. Les bêtabloquants sans action vasodilatatrice ne
de l’onde reflétée sans dilatation artériolaire importante. Parce que
causent pas seulement une plus haute résistance périphérique mais
l’onde artérielle a une autre morphologie au niveau de l’aorte (l’onde
aussi des ondes « réflectées » plus augmentées. Les ondes de pression
reflétée est plus centrale), la réduction de la pression artérielle
carotidiennes sont caractérisées par une augmentation de l’onde de
systolique sous dérivés nitrés est plus exprimée dans l’aorte et le
pression systolique tardive. Tout à l’inverse, les bêtabloquants avec
ventricule gauche que dans les artères périphériques (où on mesure
action vasodilatatrice diminuent l’onde de pression systolique
par routine la pression artérielle). Ainsi, l’onde artérielle carotidienne
tardive dans les artères carotidiennes. En conséquence, les
sous-estime la réduction de la pression systolique provoquée par la
bêtabloquants avec action vasodilatatrice semblent présenter une
nitroglycérine [11] . Le nitroprussiate a les mêmes effets que la
capacité plus prononcée que d’autres pour diminuer la pression
nitroglycérine avec, en plus, une dilatation artériolaire et une
systolique centrale (l’aorte et le ventricule gauche).
réduction de la résistance périphérique.

EFFETS INDÉSIRABLES VASCULAIRES


DES BÊTABLOQUANTS [10]
Conséquences vasculaires
des bêtabloquants – Dans la littérature des années 1960, une série d’effets indésirables
des bêtabloquants (surtout pour les non sélectifs), sur le plan
vasculaire, ont été décrits. Tout d’abord, des extrémités froides avec
EFFETS GÉNÉRAUX ET MODE D’ACTION
diminution des pulsations ont été fréquemment signalées allant
L’action des bêtabloquants sur l’hémodynamique et les vaisseaux est jusqu’à causer un phénomène de Raynaud et même des gangrènes.
très complexe et dépend des circulations locales et du type de Une vasoconstriction α-adrénergique, liée au blocage de la
bêtabloquant (non sélectif, sélectif, avec capacité vasodilatatrice ou vasodilatation médiée par les récepteurs β et une réduction du débit
non). Le débit cardiaque, un peu abaissé par les bêtabloquants cardiaque contribuent largement aux phénomènes observés.
(moins par ceux qui possèdent une activité sympathomimétique
– Il a été décrit que des patients souffrant d’une maladie artérielle
intrinsèque [ASI]), et le ralentissement de la fréquence cardiaque sont
périphérique (claudication intermittente ou ischémie distale)
compensés par une élévation plus au moins équivalente des
verraient une aggravation de leur maladie sous bêtabloquants.
résistances périphériques. La nature de cette élévation est
Heureusement, des études bien organisées ont démontré que
« réflectoire », et est observée chez tous les bêtabloquants classiques.
l’administration des bêtabloquants en chronique ne provoque pas ou
À long terme, la résistance tend à diminuer mais reste plus élevée au
très peu d’effets négatifs à ce niveau [5].
niveau des membres surtout pour les bêtabloquants sans ASI et non
sélectifs. Ce sont surtout les bêtabloquants non sélectifs qui ont une – Enfin, faut-il rappeler qu’à long terme, l’hypertriglycéridémie, la
action vasoconstrictive, du fait de leurs récepteurs vasculaires de diminution de l’high density lipoprotein (HDL)-cholestérol, et les
type β2 ; les bêtabloquants avec ASI ont une faible vasodilatation. troubles du métabolisme glucidique étant athérogènes, peuvent
L’action vasculaire est en partie aussi indirecte, pour les entraîner des complications vasculaires précoces ?

Références
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3
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0510

19-0510

Douleurs des membres inférieurs


et des extrémités
É Hachulla

Résumé.– Les douleurs des membres inférieurs ont des causes multiples et parfois intriquées. Lorsqu’une
gangrène distale est installée, l’origine artérielle ne fait pas de doute. Le diagnostic est déjà plus difficile
en cas d’ulcérations des membres inférieurs où l’origine peut être veineuse, artérielle ou microcirculatoire
parfois liée à une vascularite. Si l’amyotrophie guide vers une pathologie neurogène, si l’enraidissement
articulaire oriente vers une cause ostéoarticulaire, les pièges sont nombreux et un œdème douloureux de
cheville, dont on peut croire à l’origine veineuse, peut être dû à une algodystrophie.
© Elsevier, Paris.

Introduction
échodoppler échodoppler
Nous essaierons dans ce chapitre de progresser de manière très oxymétrie
pragmatique vers le diagnostic plutôt que d’établir une longue liste
étiologique. Il importe de déterminer tout d’abord si la marche est
artérielle veineuse
douloureuse (fig 1), s’il existe ou non une claudication.
artériopathie oblitérante* insuffisance veineuse
On peut classer en cinq grands cadres étiologiques l’origine d’une superficielle et profonde*
poplité piégée
marche douloureuse (tableau I). Un interrogatoire minutieux peut syndrome des loges syndrome de Cockett
bien souvent orienter vers une origine artérielle, veineuse, insuffisance veinolymphatique
ostéoarticulaire, musculotendineuse ou nerveuse.
La claudication intermittente douloureuse n’est pas caractéristique
de l’artériopathie oblitérante (tableau II). Une origine veineuse ou
marche douloureuse
un canal lombaire étroit peuvent être des pièges amenant à des gestes
de revascularisation parfois inutiles.

ostéoarticulaire musculotendineuse nerveuse


Douleurs des membres inférieurs arthrose*
tendinite* ou rupture radiculalgies*
d’origine artérielle arthrite*
ostéonécrose tendineuse canal lombaire
rupture d'un kyste rupture ou claquage étroit*
L’origine artérielle d’une douleur des membres inférieurs n’est pas poplité musculaire syndrome canalaire
toujours facile à démontrer. Si la claudication intermittente algodystrophie entésopathies névralgie de Morton
fracture de fatigue myosites syndrome sensitif
douloureuse avec crampe du mollet constitue le symptôme le plus trouble de la statique certaines myopathies profond
classique, comme nous l’avons vu les pièges sont nombreux et les du pied
intrications possibles. Si l’on découvre une sténose artérielle à
l’échodoppler, la douleur alléguée par le patient n’est pas
nécessairement toujours en rapport avec l’image échographique radiographies
observée. Encore faut-il que la sténose décrite soit scintigraphie EMG
(IRM, scanner) (IRM, scanner)
hémodynamiquement significative. Lorsqu’existe un doute,
l’oxymétrie transcutanée dynamique (fig 2) fait la démonstration 1 Arbre d’orientation selon le cadre étiologique des marches douloureuses. IRM :
de l’ischémie d’effort à l’image du sous-décalage du segment ST imagerie par résonnance magnétique. EMG : électromyogramme. * Causes les plus
fréquentes, par là où la démarche diagnostique doit commencer.
qui peut survenir chez le coronarien à l’effort.
La topographie de la douleur artérielle aux membres inférieurs
varie selon le niveau de la sténose. On peut établir une certaine – en cas d’oblitération artérielle du carrefour aorto-iliaque, la
corrélation anatomoclinique qui souffre cependant de nombreuses douleur est uni- ou bilatérale et localisée à la fesse ;
exceptions :
– en cas d’oblitération iliaque ou fémorale, la douleur est localisée
à la cuisse ;
– en cas d’oblitération fémorale ou fémoropoplitée, la douleur est
© Elsevier, Paris

Éric Hachulla : Professeur des Universités, service de médecine interne du professeur Bernard Devulder,
hôpital Huriez, CHRU, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France. localisée au mollet ;

Toute référence à cet article doit porter la mention : É Hachulla. Douleurs des membres inférieurs et des extrémités. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0510, 1997, 8 p.
19-0510 Douleurs des membres inférieurs et des extrémités Angéiologie

Tableau I. – Particularités sémiologiques de la marche douloureuse selon le cadre étiologique.


Artérielle Veineuse Ostéoarticulaire Musculotendineuse Nerveuse
Douleur
— mécanique ++ + ++ ++ ++

— inflammatoire 0 0 parfois rarement 0

— facteurs de majora- marche rapide sur plan station debout terrain accidenté, pression, certains mou- certains mouvements
tion incliné prolongée, chaleur certaines mobilités vements d’étirement ou (Lassègue, Léri)
articulaires, contre résistance,

— facteurs de soulage- arrêt de la marche, surélévation du certaines positions immobilisation, AINS, repos, AINS
ment vasodilatateurs membre, tonique articulaires, infiltration
veineux, contention immobilisation, AINS,
infiltration

— persiste au repos 0 0 0 0 0
(sauf stade III ou IV) (sauf troubles (sauf arthrite)
trophiques)

Boiterie 0 0 ++ + +

AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Tableau II. – Principales causes des claudications intermittentes douloureuses et particularités cliniques.
Artériopathie oblitérante • Au stade de la claudication intermittente (stade II de Leriche et Fontaine), le malade va ressentir une douleur typiquement au mollet mais
parfois au pied ou à la cuisse. Celle-ci survient uniquement à la marche d’autant plus que la marche est rapide ou le terrain en côte
l’obligeant alors à s’arrêter. La douleur disparaît en quelques minutes après l’arrêt (signe de la boutique). Il s’agit d’une douleur à type de
striction ou de brûlure, elle survient habituellement pour une distance identique appelée périmètre de marche.
• Le siège de la douleur de la claudication intermittente, habituellement unilatérale, peut être fessier, localisé à la cuisse, au mollet ou à la
plante du pied selon le niveau de l’atteinte artérielle.

Insuffisance veineuse • L’insuffisance veineuse profonde primitive ou post-thrombotique peut être à l’origine d’une claudication intermittente douloureuse du
membre inférieur débutant typiquement au mollet, irradiant vers la cuisse voire la hanche mais ne cédant pas immédiatement après l’arrêt
de la marche.
• La surélévation du membre accélère la disparition des symptômes.

Canal lombaire étroit • Il s’agit d’une authentique claudication, les douleurs ont une topographie radiculaire, voire pluriradiculaire et s’accompagnent de
paresthésies, de dysesthésies ou de crampes.
• Les symptômes surviennent en station debout, sont plus importants à la descente des escaliers qu’à la montée. La flexion lombaire
soulage les signes plus que l’arrêt de la marche. Les déplacements en bicyclette ne provoquent aucun symptôme du fait de la lordose qui
élargit le canal lombaire et limite la compression radiculaire.

Coxarthrose et gonarthrose • La douleur est spontanée, discrète, progressivement croissante, accentuée par la marche et certains mouvements, calmée par le repos et
s’accompagne d’un enraidissement progressif de la mobilité articulaire.
• La topographie de la douleur de hanche peut être trompeuse : aine, fesse et face postérieure de la cuisse, face antérieure de la cuisse, face
externe de la cuisse ou face interne de la cuisse dans sa partie haute.
• La gonarthrose entraîne plutôt une douleur déclenchée par la montée et la descente des escaliers, parfois la position assise prolongée. Le
signe du rabot et le toucher rotulien postérieur douloureux orientent vers un origine fémoropatellaire.

douleurs de primodécubitus qui surviennent quelques minutes


TcPO2 pied
après le coucher et témoignent d’un déficit circulatoire important,
TcPO2 précordiale le malade finissant par dormir jambes pendantes.
T55 = 4,04 minutes
Pied gau ISD = 139,24 À côté de l’athérome le plus souvent en cause, on décrit de
nombreux mécanismes différents d’artériopathie oblitérante des
Init = 89,65 %
membres inférieurs.
Rapport d'oxygénation tissulaire

Récup = 61,86 %

Douleurs des membres inférieurs


d’origine veineuse
Mini = 27,90 %
Outre l’insuffisance veineuse profonde qui peut être à l’origine
d’une authentique claudication intermittente douloureuse (tableau
Temps
II), une thrombose veineuse profonde peut se révéler par une
douleur isolée de la jambe, une crampe ou une simple gêne du
Début d'effort Fin d'effort mollet.
2 Chute de la courbe d’oxymétrie à l’effort et surtout en phase de récupération ; la L’insuffisance veineuse superficielle occasionne des douleurs et des
surface hachurée correspond à la dette en oxygène. lourdeurs de jambe lors de la station debout, au fur et à mesure de
la journée, parfois dès le matin. Ces douleurs sont majorées par le
– en cas d’oblitération fémoropoplitée ou jambière, la douleur est piétinement, augmentent en période estivale ou lors du syndrome
localisée à la plante du pied. prémenstruel ou des grossesses. Elles régressent lors de la marche
Au stade de la douleur de décubitus (stade III de Leriche et ou du décubitus mais peuvent laisser place à des crampes ou à un
Fontaine), la douleur survient le plus souvent en deuxième partie syndrome des jambes sans repos.
de la nuit, et est calmée par la position déclive jambes hors du lit. L’examen clinique complété de l’échodoppler veineux conduit
Il s’agit d’une ischémie tissulaire de repos. Il faut distinguer les habituellement facilement au diagnostic.

2
Angéiologie Douleurs des membres inférieurs et des extrémités 19-0510

Douleurs des membres inférieurs – électromyogramme (EMG) ;


d’origine neurogène – scanner rachidien.

SCIATIQUE CANAL LOMBAIRE ÉTROIT

La douleur est spontanée, siège à la face postérieure de la cuisse et Les symptômes cliniques ont été rapportés dans le tableau II. La
descend dans le creux poplité, la jambe et le pied avec une intensité douleur est liée à une atteinte mono- ou plus souvent
variable, du simple élancement à la douleur atroce. Elle est pluriradiculaire. Rarement constitutionnel, le canal lombaire rétréci
exagérée par la toux ou l’éternuement (origine discale), lorsque le est surtout la résultante d’un conflit entre une protrusion discale
patient se lève ou se retourne dans son lit. L’appui antalgique porte ou le développement d’une arthrose interarticulaire postérieure et
sur le côté sain, l’autre côté étant demi-fléchi. Il existe souvent une l’étui dure-mérien. Ce conflit étant dynamique et la taille du canal
raideur rachidienne, une douleur provoquée par la pression du variant avec la position de la colonne lombaire, le diagnostic de
sciatique lui-même, par élongation du nerf au cours de la canal lombaire étroit peut être difficile. L’EMG montre de façon
manœuvre de Lasègue ou par pression latérovertébrale. habituelle une souffrance pluriradiculaire. Les radiographies
Une hypoesthésie dans le territoire cutané correspondant, mais standards du rachis lombaire peuvent visualiser une arthrose
surtout la diminution du réflexe achilléen sont autant de signes interapophysaire postérieure volumineuse, un trouble de la
objectifs. Les deux types principaux de lombosciatique intéressent statique ou une cyphose. L’imagerie par résonance magnétique
les racines L5 et S1 avec leur topographie respective : fesse, cuisse, (IRM) et le scanner sont très utiles pour apprécier la taille du canal
face externe de jambe, dos du pied et gros orteil pour L5 ; face mais ces examens sont réalisés couché et parfois seule la
postérieure de la cuisse et de la jambe, talon et plante du pied saccoradiculographie réalisée debout peut révéler le site exact du
pour S1. rétrécissement lombaire.
Le diagnostic de sciatique discale est d’abord clinique. Dans les
formes typiques et d’évolution rapidement favorable, aucun autre AUTRES RADICULALGIES
examen n’est nécessaire. Dans les formes atypiques ou si la
La douleur du membre inférieur est traçante et descendante, il peut
symptomatologie est traînante, alors l’imagerie permet un
exister des paresthésies, des élancements, des troubles de la
diagnostic morphologique :
sensibilité. La distribution métamérique de la douleur (fig 3) reflète
– rachis lombaire face + profil et cliché L5-S1 centré de face ; l’atteinte radiculaire ou tronculaire.

C2

C3
C2 C4
C3 C5
C6
Plexus cervical C4
C5 C2
T1
T1 C2
Circonflexe T2 C6 Circonflexe T2
T3 T3
Nerfs intercostaux T4 C7
T4
T5
T5 T6
Radial T6
T8 T7
T7
T8 T10 T9
Musculocutané T9
Musculocutané T12 T11
Brachial cut int T10 L1
Brachial cut int L2
Abdominogénital T11 L3
L4
T12
Radial
Cubital L1 C8 S3 L5
Cubital S4 S2 S1
Médian C7
Génito- S2,3
crural L2 Médian
Obturateur Fessiers
L3
Génitocrural
fémorocutané
Crural
L4
Obturateur

Petit sciatique
Crural

Sciatique poplité externe L5 Sciatique poplité externe

S1

Sciatique poplité interne L5


Sciatique poplité interne

3 Distribution métamérique des racines nerveuses et systématisation des territoires nerveux aux membres inférieurs.

3
19-0510 Douleurs des membres inférieurs et des extrémités Angéiologie

(tableau IV). Il peut s’agir de douleurs articulaires, de crampes ou


Tableau III. – Diagnostic différentiel des polyneuropathies : le syn- de paresthésies douloureuses. Les symptômes restent d’horaire
drome des jambes sans repos.
mécanique et sont peu sensibles aux antalgiques ou aux anti-
Manifestations cliniques inflammatoires, en revanche, ils répondent rapidement à la
Asthénie paresthésiante avec sensations anormales désagréables des membres infé- dopathérapie.
rieurs survenant exclusivement au repos et dans les positions assise ou couché
immobiles.
La marche, les flexions extensions des jambes, les massages ou n’importe quel SYNDROME SENSITIF PROFOND
mouvement soulagent rapidement. Le besoin de mobiliser les jambes peut être
réfréné durant un laps de temps limité mais finalement devient irrésistible. Lorsqu’existe une lésion sur les voies anatomiques de la douleur
Les sensations d’agacement profondes, rampantes, picotantes ou grouillantes nais- (pariétale, thalamique, bulbaire, médullaire) - qu’elle soit d’origine
sent au niveau des genoux et descendent vers les jambes puis les chevilles. La sta- vasculaire ou tumorale - on peut observer des douleurs fulgurantes
tion assise prolongée est difficile au-delà de quelques dizaines de minutes. La
symptomatologie apparaît parfois dès la mise au repos en fin de journée mais le des membres liées à une atteinte des différentes sensibilités
plus souvent les signes s’accentuent durant la soirée puis la nuit, entraînant des (musculaire, articulaire ou osseuse). Les douleurs sont très vives,
insomnies. passent à travers les membres et le tronc avec la rapidité de l’éclair,
Il peut exister des crampes à l’effort.
surviennent par crises de quelques minutes à plusieurs heures.
Étiologies Quelquefois la douleur a un caractère fixe à type de morsure ou de
— Insuffisance veinolymphatique : amélioration des symptômes après port de bas clou pénétrant, dans d’autres cas il s’agit d’une sensation de
de contention et toniques veineux (il s’agit typiquement du premier stade de la
maladie veineuse, les signes tendent à diminuer, voire à disparaître lorsqu’appa-
serrement, de broiement ou des paresthésies à type de courant
raissent les varices). d’eau chaude ou froide.
— Carence martiale : la symptomatologie va disparaître après correction de la Dans ces situations, c’est l’imagerie par résonnance magnétique
carence en fer.
— Divers : carence en folates, bronchopneumopathie obstructive, gastrectomie,
(IRM) encéphalique ou médullaire qui aide au diagnostic
abus de caféine, insuffisance rénale chronique (avant l’apparition de la neuropathie étiologique.
urémique), certains médicaments (neuroleptiques, antidépresseurs, éthosuximide,
phénytoïne).
NÉVRALGIES PARESTHÉSIQUES
Traitement DE BERNHARDT ET ROTH
— Traitement étiologique.
— Traitement neurotrope : Rivotrilt, Tégrétolt, Modopart, Parlodelt, benzodiazé- Ce syndrome canalaire est lié à l’irritation du nerf fémorocutané. Il
pines de demi-vie courte. s’agit d’une atteinte sensitive pure donnant des paresthésies ou un
— Neurostimulation transcutanée. engourdissement dans la région antéroexterne de la cuisse avec
hypoesthésie en raquette.
La pression du nerf au niveau de son passage juste sous le
Tableau IV. – Douleurs des membres chez le parkinsonien. ligament inguinal, immédiatement sous l’épine iliaque
Douleurs articulaires
antérosupérieure, peut déclencher des paresthésies. L’infiltration
locale est un test diagnostique.
Crampes
— d’effort
— nocturnes
Douleurs des membres inférieurs
Dystonies douloureuses
— claudications dystoniques d’origine musculaire
— dystonies matinales
— dystonies de fin de dose L’origine musculaire de douleurs des membres inférieurs est
Paresthésies douloureuses habituellement bien rapportée par le malade lui-même. Les
— brûlures myalgies peuvent être spontanées ou ne survenir qu’à l’effort. Le
— engourdissements plus complexe est de rattacher le tableau clinique à sa cause.
— impression d’étau
— syndrome des jambes sans repos
L’EMG peut guider vers un syndrome myositique ou myopathique
mais est assez régulièrement en défaut. L’élévation des enzymes
musculaires (créatine phosphokinase [CPK] et aldolase) peut
L’EMG guide le diagnostic. Les radiographies de rachis, la confirmer l’origine musculaire d’une douleur atypique mais cette
scintigraphie, le scanner rachidien, voire le scanner ou élévation est inconstante quelle que soit l’origine de la souffrance
l’échographie pelvienne, permettent la plupart du temps un musculaire.
diagnostic étiologique rapide : neurinome, métastases osseuses, Toutes les situations envisagées ci-dessous ne sont pas
tumeur pelvienne, etc. nécessairement localisées électivement aux membres inférieurs
NEUROPATHIE PÉRIPHÉRIQUE mais peuvent y être prédominantes. Outre les douleurs
musculaires du sportif liées à un entraînement excessif ou mal
Les caractéristiques cliniques de la douleur sont assez spécifiques. Il adapté, les principales causes toxiques ou métaboliques sont
existe des paresthésies des extrémités à type de picotements, de rassemblées dans le tableau V.
brûlures diurnes ou nocturnes. Les symptômes surviennent plus
souvent au repos et sont soulagés par la marche. Il peut s’agir de
crampes, de simples engourdissements, d’impression d’étau donnant Tableau V. – Douleurs musculaires d’origine toxique et
parfois un tableau identique au syndrome des jambes sans repos métabolique.
(tableau III). D’abord symétriques et distales, ces symptômes peuvent — Myopathie hypothyroïdienne
progresser vers le haut du corps (membres supérieurs et thorax). — Myopathie médicamenteuse : statines et fibrates +++, quinolones +++, antipalu-
L’EMG est l’outil diagnostique de choix. Parfois seule l’étude des déens de synthèse, D-pénicillamine, corticoïdes, Aldomett, cimétidine, ranitidine,
lithium, Bactrimt, danazol, substances hypokaliémiantes (diurétiques, laxatifs,
petites fibres peut confirmer une atteinte neurogène périphérique réglisse, amphotéricine B), vincristine, acide aminocaproïque
chronique. — Myopathie alcoolique aiguë
— Déficit en enzyme de la glycogénolyse ou mitochondriales
MALADIE DE PARKINSON — Ostéomalacie
— Hypophosphorémie
Environ 50 % des parkinsoniens souffrent de douleurs à un stade
— Hypokaliémie
ou à un autre de leur maladie. Dans environ un cas sur 10, les — Nutrition parentérale (déficit en acides gras essentiels)
phénomènes sont inauguraux. Les symptômes peuvent être divers

4
Angéiologie Douleurs des membres inférieurs et des extrémités 19-0510

Tableau VI. – Principales caractéristiques des myosites inflammatoires.


Caractéristiques Dermatomyosite Polymyosite Myosite à inclusions
Origine infectieuse non démontrée Parfois : non démontrée
virus : VIH, HTLV1, coxsackie
Certaines bactéries : staphylocoque, Yer-
sinia, streptocoque, légionelle, Borrelia
burgdorferi

Médicament inducteur possible D-pénicillamine D-pénicillamine Non


Zidovudine

Cancer associé ++ + 0

Atteinte musculaire Faiblesse musculaire à prédominance Faiblesse musculaire à prédominance Faiblesse musculaire proximale avec
proximale proximale rapide atteinte distale

CPK Elevées jusqu’à 50 fois la normale Elevées de 10 à 50 fois la normale, par- Elevées jusqu’à 10 fois la normale, par-
fois normales fois normales

EMG Atteinte myogène (parfois non spéci- Atteinte myogène Atteinte myogène souvent signes non
fique) spécifiques : potentiels polyphasiques,
potentiels de fibrillation

VIH : virus de l’immunodéficience humaine.


HTLV1 : Human T-cell lymphoma virus 1.
CPK : créatine phosphokinase.
EMG : électromyogramme.

Tableau VII. – Principales étiologies des myalgies d’origine systémique.


Pseudopolyarthrite rhizomé- Adulte > 50-55 ans.
lique Association dans 20 à 30 % des cas de signes de maladie de Horton.
Douleurs musculaires à prédominance proximale.
Syndrome inflammatoire dans plus de 95 % des cas.
Efficacité spectaculaire en quelques jours de la corticothérapie.

Périartérite noueuse Myalgies intenses et diffuses présentes dans 50 % des cas ; amyotrophie intense et rapide ; faiblesse musculaire.
Altération de l’état général, fièvre, arthralgies ou arthrites.
Multinévrites fréquentes.

Lupus érythémateux systé- Myalgies diffuses (50 % des cas) et faiblesse musculaire proximale accompagnent les arthralgies ou arthrites présentes dans 80 % des cas.
mique Les douleurs musculaires sont parfois favorisées par un traitement associé : myopathie cortisonique, antipaludéens de synthèse.

Sarcoïdose Formes musculaires avec amyotrophie, formes pseudopolymyositiques exceptionnelles mais la biopsie de quadriceps est d’une grande
rentabilité diagnostique.

Mixed Connective Tissue Myalgies (80 % des cas) : dans 10 à 20 % des cas, le tableau clinique peut évoquer une polymyosite avec élévation des enzymes musculaires
Disease (syndrome de Sharp) et syndrome myogène à l’EMG.

Syndrome myalgies- Début quelques semaines à 2 ans après le début d’un traitement à base de L-trypophane (interdit de vente depuis 1990 mais encore présent
éosinophilie dans certaines préparations diététiques) ; éosinophilie > 2 000/mm3
Myalgies (100 % des cas) diffuses, en quelques jours, prédominent sur les avant-bras mais aussi les muscles des épaules, des cuisses et
paravertébraux ; consistance œdémateuse ou indurée du muscle à la palpation.

EMG : électromyogramme.

Les causes médicamenteuses et l’hypothyroïdie sont les deux Douleurs des membres inférieurs
situations les plus fréquentes.
d’origine ostéoarticulaire
Dans d’autres cas, il peut s’agir d’une myosite inflammatoire
(tableau VI). La faiblesse musculaire est ici plus fréquente que la L’atteinte de l’appareil locomoteur est une cause fréquente de
douleur. douleurs des membres inférieurs. La marche est souvent anormale
Les myalgies ont parfois une origine systémique (tableau VII). et s’accompagne de boiterie, caractère qui n’existe pas chez
l’artériopathe en dehors de troubles trophiques associés. La cause
Dans d’autres cas les myalgies ont une origine infectieuse :
la plus fréquente est l’arthrose.
– toutes les infections virales peuvent être en cause donnant des
PATHOLOGIE DE LA HANCHE ET DU GENOU
myalgies fébriles : grippe, infections à coxsackie, parvovirus B19,
cytomégalovirus, virus d’Epstein-Barr, etc ; La topographie variable des douleurs de hanche ou du genou fait
qu’il n’est pas toujours facile de rapporter une douleur de la jambe
– la toxoplasmose peut être à l’origine de myalgies parfois diffuses
à son origine articulaire.
et s’accompagnant d’adénopathies superficielles cervicales qui
persistent quelques semaines ou parfois quelques mois ; La hanche peut donner des douleurs de topographie variable :
aine, fesse et face postérieure de la cuisse, face antérieure de la
– la trichinose entraîne des myalgies diffuses persistant parfois cuisse, face externe de la cuisse ou face interne dans sa partie
plusieurs mois, s’accompagne d’un œdème périorbitaire avec haute. Le genou peut aussi donner des douleurs de topographie
conjonctivite, d’une fièvre à 40 °C, l’ensemble survient 8 à 15 jours variable : face antérieure ou postérieure du genou, face latérale du
après l’ingestion de porc mal cuit et s’accompagne de troubles genou, voire face antérieure de la cuisse.
digestifs avec céphalées. La sérologie permet souvent le diagnostic. La figure 4 permet d’orienter le diagnostic étiologique d’une
L’apparition de myalgies à l’effort évoque certains diagnostics plus douleur de la hanche ou du genou. Les radiographies standards,
rares liés à un déficit enzymatique de la glycogénolyse ou voire la scintigraphie ou l’IRM, constituent des examens clés du
mitochondriale (tableau VIII). diagnostic.

5
19-0510 Douleurs des membres inférieurs et des extrémités Angéiologie

Tableau VIII. – Myalgies survenant après l’effort.


Type d’atteinte musculaire Clinique Diagnostic
Déficit en enzymes de la Déficit en phosphorylase = glyco- Douleurs musculaires survenant après un exercice Taux de CPK souvent élevé même au repos.
glycogénolyse génose de type V ou maladie de violent ou suite à un exercice soutenu d’intensité
McArdle = maladie héréditaire à moyenne.
transmission autosomique réces- Début dans l’enfance, sexe masculin plus souvent Sous ischémie, l’exercice s’accompagne d’une
sive atteint. crampe et la lactacidémie ne s’élève pas dans le
sang veineux.
Les crampes douloureuses survenant à l’effort per- L’EMG est silencieux pendant la crampe.
sistent pendant plusieurs heures et s’accompa-
gnent parfois d’urine foncée témoin d’une myo- Biopsie musculaire avec étude enzymatique.
globinurie.

Déficit en phosphofructokinase = Maladie plus fréquente chez l’homme, l’intolé- Élévation du taux de CPK
glycogénose de type VII ou rance à l’exercice débute dans l’enfance, devient
maladie de Tarui = maladie héré- gênante à l’adolescence et se manifeste par des
ditaire à transmission autoso- myalgies et des crampes des membres inférieurs
mique récessive avec fatigue importante et parfois nausées, vomis-
sements.
La myoglobinurie est inconstante. Absence d’élévation de la lactacidémie à l’effort
qui fait apparaître une crampe.
EMG : silencieux au moment de la crampe, parfois
tracé myogène.
Biopsie musculaire avec étude enzymatique.

Déficit en enzymes mito- Déficit en carnitine-palmityl- Les accès douloureux sont particulièrement Élévation des CPK à l’effort ou après plusieurs
chondriales transférase = maladie héréditaire déclenchés par l’exercice violent et par le régime jours de jeûne.
à transmission autosomique riche en acides gras.
récessive à prédominance mascu- Les myalgies et les crampes s’accompagnent de Augmentation importante de la lactacidémie à
line myoglobinurie. l’effort.
La gêne est faible en cas d’exercice modéré ou en Élévation du taux de cholestérol et des triglycé-
régime normal. rides.
Histologie musculaire avec étude enzymatique.

Déficits en complexes de la Myalgies survenant à l’exercice Augmentation importante de la lactacidémie à


chaîne respiratoire l’effort.
Possible rétinite pigmentaire, surdité, diabète, Biopsie musculaire avec étude biochimique :
atteinte cardiaque, pseudo-infarctus cérébral. déficit en complexe I de la chaîne respiratoire,
plus rarement en complexe III.

CPK : créatine phosphokinase


EMG : électromyogramme.

Tendinite Algodystrophie Ostéonécrose aseptique Fracture de surcharge ou Pathologie tumorale


point douloureux douleurs très intenses douleur spontanée menace fracturaire du col douleurs spontanées
certains mouvements empêchant la station intermittente mal fémoral profondes de rythme
repos debout localisée douleurs vives avec inflammatoire à
Pathologie impotence complète à la prédominance nocturne
station debout suite à une
extra- activité physique
inhabituellement intense
articulaire et prolongée

sans limitation des


mouvements passifs infiltration test radiographies radiographies radiographies radiographies
de Xylocaïne ® scintigraphie avec IRM scintigraphie scintigraphie
temps vasculaires IRM IRM
précoces
Douleurs liées à une scanner
pathologie de hanche
ou du genou

avec limlitation des


mouvements passifs

Arthrose Arthrite
douleurs spontanées, discrètes, progressivement croissantes, accentuées douleurs à prédominance nocturne avec limitation rapide et
Pathologie par la marche et certains mouvements, calmées par le repos importante de la mobilité
limitation préférentielle de la rotation interne, de labduction et de
articulaire l'extension si coxarthrose
douleurs à la montée et à la descente des escaliers ou en position assise
prolongée si gonarthrose

radiographies radiographies
si doutes : scintigraphie - IRM
ponction articulaire :
inflammatoire, infectieuse, microcristalline
4 Arbre d’orientation diagnostique d’une douleur du membre inférieur rapportée à une pathologie de la hanche ou du genou.
IRM : imagerie par résonance magnétique.

6
Angéiologie Douleurs des membres inférieurs et des extrémités 19-0510

PATHOLOGIE DE LA CHEVILLE
causes
L’arthrose de la cheville est rare et souvent post-traumatique. ostéoarticulaires
L’arthrite de la cheville peut être isolée et révéler une sarcoïdose
ou un rhumatisme inflammatoire chronique. tumeurs osseuses arthrose digitale* tendinopathies et
chondrome rhizarthrose* ténosynovites
L’algodystrophie est un piège car elle peut être secondaire à un ostéome ostéoïde hallux valgus
traumatisme minime parfois oublié. En phase de début pseudo- pied creux*
inflammatoire, l’œdème, la rougeur cutanée, la douleur et la polyarthrite*
limitation articulaire sont classiques. Plus tardivement, la rougeur synovite* algodystrophie
fait place à une pâleur cutanée avec cyanose, la douleur reste
présente avec l’œdème et une limitation de la mobilité articulaire. ostéonécrose
pseudarthrose
Plus tardivement encore, la douleur peut avoir disparu mais
l’œdème peut persister. L’articulation garde souvent une mobilité
limitée. C’est à ce stade que le diagnostic différentiel avec un
œdème veineux ou lymphatique peut être difficile. Les Douleurs des extrémités tumeur glomique
radiographies standards et la scintigraphie rectifient le diagnostic.

PATHOLOGIE ARTICULAIRE DU PIED ischémies digitales


pathomimie
Les douleurs traumatiques du pied sont fréquentes. Plus difficile
de diagnostic est la fracture de fatigue qui survient volontiers sur
les métatarsiens après un effort de marche soutenu bien que chez
polyneuropathie syndromes canalaires* osyndromes*
le sujet âgé un petit effort puisse être suffisant. Il existe initialement
un œdème douloureux du dos du pied. La radiographie est, à ce
causes
stade, normale mais la scintigraphie permet de confirmer le causes
neurogènes vasculaires
diagnostic en visualisant un foyer d’hyperfixation. Plus
tardivement se constitue un cal visible sur la radiographie
5 Orientation diagnostique d’une douleur des extrémités. * Causes les plus fré-
standard. quemment observées, par là où la démarche diagnostique doit commencer.
Le pied creux est une source fréquente de douleur plantaire. La
décompensation d’un pied creux traduit un raccourcissement
excessif du système suro-achilléo-calcanéo-plantaire. À la marche,
le pied se met en varus et va favoriser les entorses de cheville ou
l’inconfort à porter certaines chaussures plates (la marche sur la
pointe des pieds soulage souvent les symptômes). Il peut survenir
des crampes dans les mollets ou dans la plante des pieds. Tableau IX. – Principales causes des ischémies des extrémités.
Artérites distales juvéniles*
— artériopathie athéromateuse précoce
Aspects particuliers des douleurs — maladie de Buerger

des extrémités Causes emboligènes*


— cardiopathie emboligène : valvulopathie, thrombus, troubles du rythme
— aortite ulcérée, anévrysme de l’aorte
Une douleur des extrémités peut avoir une origine très diversifiée
(fig 5). L’atteinte peut être ostéoarticulaire, vasculaire, tendineuse, Troubles de l’hémostase*
synoviale ou neurogène. La pathomimie n’est pas nécessairement — syndrome myéloprolifératif
— antiphospholipides
un diagnostic d’exclusion.
— déficit en protéines C, S, déficit en antithrombine III
La tumeur glomique se définit comme une hyperplasie du glomus — cryoglobulinémie
neuromyoartériel. La localisation sous-unguéale est plus fréquente, — hyperhomocystinémie
les douleurs sont souvent très intenses, insomniantes et irradiantes. Causes médicamenteuses*
La pression peut déclencher la crise douloureuse ainsi que les — dérivés de l’ergot de seigle
variations de température. On peut observer parfois une — chimiothérapie : bléomycine, cisplatine, vinblastine
tuméfaction violacée sous-unguéale. Le diagnostic est confirmé par — interféron α
l’artériographie. Connectivites*
L’origine ischémique d’une douleur des extrémités (tableau IX) est — sclérodermie
évoquée lorsqu’existe un refroidissement d’un ou plusieurs doigts — lupus érythémateux systémique avec ou sans antiphospholipides
ou orteils s’accompagnant de pâleur. Parfois il s’agit d’un aspect Vascularites
bleuté livédoïde. La chaleur soulage souvent les symptômes. — maladie de Takayasu
Quelle que soit la cause, le phénomène de Raynaud est inconstant. — maladie de Horton
Sa présence argumente l’origine vasculaire. L’échodoppler permet — périartérite noueuse*
— cryoglobulinémies primitives ou associées*
l’étude des artères proximales des membres. Lorsqu’il y a une
obstruction isolée des artères digitales, l’échodoppler est normal, Artériopathies non athéromateuses
seule la manœuvre d’Allen et la mesure des pressions systoliques — artérite radique
digitales, voire l’artériographie peuvent confirmer l’obstruction des — pseudoxanthome élastique
— syndrome de la traversée thoracobrachiale1
collatérales des doigts.
— poplitée piégée2
L’érythermalgie est un acrosyndrome paroxystique survenant à la
Causes professionnelles*
chaleur, caractérisé par des crises vasomotrices donnant parfois
— syndrome du marteau hypothénar1
d’atroces brûlures pulsatiles avec une rougeur cutanée des doigts — maladies des vibrations1 (si autre facteur associé, tabac par exemple)
qui sont infiltrés et chauds. On peut observer un battement artériel. — sclérodermie induite : exposition à la silice, aux solvants
L’aspirine constitue un véritable test diagnostique.
1 atteinte exclusive des membres supérieurs
Les origines ostéoarticulaires peuvent être repérées par les 2 atteinte exclusive des membres inférieurs

radiographies standards, voire la scintigraphie. Aux mains, * atteinte parfois isolée des collatérales digitales

7
19-0510 Douleurs des membres inférieurs et des extrémités Angéiologie

Tableau X. – Principaux syndromes canalaires avec douleurs des extrémités.


Main

Nerf médian (syndrome • Fréquent ++


du canal carpien) • Paresthésies ou engourdissements de la main qui entraînent un réveil nocturne
• Systématisation aux 3 premiers doigts inconstante
• Possible hypoesthésie de la palmaire des 3 premiers doigts ou déficit moteur du court abducteur du pouce
• Eliminer une amylose, une hypothyroïdie, une acromégalie

Nerf cubital (syndrome • Paresthésies des 4e et 5e doigts de la main avec parfois hypoesthésie et déficit des interosseux
du canal de Guyon) • La compression du nerf peut être dans la gouttière épitrochléo-olécrânienne ou au poignet

Pied

Nerf sciatique poplité • Steppage accompagné plus ou moins de paresthésies du pied après une posture prolongée
externe • Compression du nerf au col du péroné

Nerf tibial postérieur • Douleurs plantaires mécaniques à type de brûlure


• Hypoesthésie de la branche plantaire interne

Nerf interdigital des • Provoque une claudication intermittente du pied. La douleur ne survient que lorsque le patient est chaussé, le pied un peu serré, en
pieds (maladie de revanche elle n’apparaît jamais pied nu. Cette douleur est souvent fulgurante, siège précisément entre la 3e et la 4e tête métatarsienne,
Morton) s’accompagne d’une irradiation électrique vers les orteils, soit vers la pulpe soit de façon plus caractéristique sous l’ongle.
• La pression de l’interligne entre le 3e et 4e métatarsien entraîne une vive douleur qui est liée à la présence d’un fibronévrome du 3e nerf
interdigital plantaire. La compression latérale du pied fait remonter ce petit fibronévrome entre les têtes des métatarses et l’expulse comme un
noyau de cerise (signe de Mulder).
• Le diagnostic est surtout clinique, l’IRM de l’avant-pied peut montrer le fibronévrome en cause.
• Les microtraumatismes répétés (sport sur sol dur, hauts talons, trouble de la statique du pied) favorisent la constitution du névrome.

IRM : imagerie par résonnance magnétique

l’arthrose digitale et la rhizarthrose sont des diagnostics faciles. La Le diagnostic de pathomimie est souvent difficile. Il peut s’agir de
polyarthrite se caractérise par une tuméfaction des articulations, microtraumatismes provoqués des extrémités, d’œdème lié à une
une augmentation de la chaleur locale, un enraidissement des position déclive prolongée d’un membre, ou lié à l’utilisation d’un
mobilités articulaires et surtout un réveil nocturne plus volontiers garrot. La conséquence peut être une authentique algodystrophie
en deuxième partie de nuit, un dérouillage matinal qui dépasse 30 confortant le quidam dans sa pathologie.
minutes et peut durer parfois plusieurs heures. Les
spondylarthropathies peuvent donner des douleurs des pieds à
type de talalgies en couronne. Une arthrite d’orteil s’accompagnant Références
d’un aspect d’orteil en saucisse évoque particulièrement soit une
arthrite réactionnelle soit un rhumatisme psoriasique.
[1] Bouvenot G, Devulder B, Guillevin L, Queneau P, Schaffer A. Pathologie d’organe.In :
Les neuropathies périphériques peuvent entraîner des douleurs Pathologie médicale. Paris : Masson, 1996 : 291-374
distales qui débutent aux pieds ou aux mains, source de [2] Cusset C, Antoine JC, Rousset H. Algies diffuses. In : Rousset H, Vital-Durand D eds.
paresthésie, de picotements, de brûlures diurnes ou nocturnes (cf Diagnostics difficiles en médecine interne. Paris : Maloine, 1990 : 9
supra). [3] De Gennes C. Algies diffuses : orientations diagnostiques. In : Godeau P, Herson S, Piette
JC eds. Traité de médecine. Paris : Médecine Sciences-Flammarion, 1996 : 1-82
Les syndromes canalaires sont la conséquence d’une compression [4] Hachulla É, Flipo RM, Hatron PY, Devulder B. Maladies inflammatoires. Paris : Masson,
localisée sur un trajet nerveux (tableau X). Le syndrome du canal 1992
[5] Pérez-Cousin M, Hachulla É. Artériopathie oblitérante des membres inférieurs. In : Bouve-
carpien se caractérise par sa fréquence. Il est parfois intriqué avec not G, Devulder B, Guillevin L, Queneau P, Schaffer A eds. Pathologie médicale. Paris :
un syndrome du défilé thoracobrachial. Masson, 1996 : 125

8
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0110

19-0110

Dyslipidémies
JM Brun
S Rudoni

Résumé. – De nombreuses études épidémiologiques ont montré le rôle athérogène des lipoprotéines de
basse densité (low density lipoproteins [LDL]), en particulier sous leurs formes oxydées. Dans la plupart
des hypercholestérolémies, l’augmentation du taux des LDL s’accompagne d’une diminution des
lipoprotéines de haute densité (hight density lipoproteins [HDL]), dont le pouvoir protecteur vis-à-vis de
l’athérosclérose est bien admis. L’hypertriglycéridémie, par elle-même, mais aussi par l’hypo-HDL-émie
et les anomalies qualitatives des LDL qui l’accompagnent, ainsi que les troubles de l’hémostase induits,
est un facteur de risque vasculaire qu’il faut également prendre en compte. D’autres marqueurs de
risque, tels que la présence en excès de la lipoprotéine (Lp[a]), et l’hyperlipidémie postprandiale peuvent
jouer un rôle dans l’athérothrombogenèse. Enfin, l’existence de facteurs de risque associés, tels que le
tabagisme, l’hypertension artérielle ou le diabète, aggravent considérablement le risque
cardiovasculaire. Si les résultats des grandes études d’intervention primaire et secondaire ont nettement
montré l’efficacité des hypolipidémiants dans la réduction du risque cardiovasculaire, nous ne devons
pas ignorer les résultats intéressants des études d’intervention diététique. Si la communauté médicale
est actuellement unanime pour traiter les hyperlipidémies en prévention secondaire et primaire, le
problème auquel nous sommes confrontés est celui de la compliance du patient à un traitement qui doit
être a priori pris à vie, et de l’assurance qu’un contrôle satisfaisant des paramètres lipidiques sera
obtenu. En effet, plusieurs études indiquent que la prise en charge des hyperlipidémies reste médiocre.
Une véritable éducation du patient hyperlipidémique s’avère indispensable non seulement pour lui
permettre une application réaliste des conseils diététiques mais aussi pour obtenir sa motivation
personnelle, seule garantie d’une compliance satisfaisante, au long cours. La prise en charge
thérapeutique des patients hyperlipidémiques a pour objectif une prévention du risque vasculaire global.
Elle doit ainsi tenir compte du type d’anomalie lipidique observé, mais aussi des autres facteurs de risque
associés, dans le cadre d’une collaboration pluridisciplinaire.
© 1999, Elsevier, Paris.

Introduction de l’année 1994, 46 311 décès par infarctus du myocarde ont été
comptabilisés. Dans l’étude MONICA, la mort subite est la première
manifestation ischémique dans 61 % des cas chez l’homme et dans
Les cardiopathies ischémiques représentent la première cause de 74 % des cas chez la femme [36]. L’amélioration de la mortalité
mortalité avec 6,26 millions de décès annuels dans le monde, sur un coronaire chez les patients hospitalisés reflète essentiellement les
chiffre total de 50 millions [60]. Les accidents vasculaires cérébraux, progrès réalisés dans la prise en charge de l’infarctus en milieu
avec 4,4 millions de décès par an, représentent la deuxième cause. Si
hospitalier (thrombolyse précoce, angioplastie, antiagrégants...). En
au cours des dernières années, la mortalité coronaire a diminué dans
revanche, l’absence de diminution du nombre des décès avant l’accès
les pays industrialisés, elle apparaît en très nette augmentation sur
des patients à l’hôpital souligne les grandes carences de la prévention
l’ensemble du globe et plus particulièrement dans les pays ayant vu
primaire. Ainsi, il apparaît clairement que le traitement efficace des
une occidentalisation de leur mode de vie. Parmi les facteurs en cause
dyslipidémies est une étape essentielle de la prise en charge globale
dans le développement rapide des maladies cardiovasculaires, les
du patient, aussi bien en prévention primaire que secondaire. Il est
hyperlipidémies apparaissent au premier plan. C’est ainsi que dans
bien démontré que les LDL sont les Lp les plus athérogènes. Les
l’étude EUROASPIRE (European action on secondary prevention
HDL ont un effet protecteur vis-à-vis de l’athérosclérose et la
through intervention to reduce events), réalisée chez 3 569 patients
diminution de leur taux est corrélée à une augmentation du risque
de neuf pays européens, ayant présenté un accident ischémique
cardiovasculaire. Il apparaît également d’après les données de la
coronaire, l’hypercholestérolémie est présente chez 71 % des patients
européens et 73 % des patients français [35]. En France, lors littérature des cinq dernières années que l’hypertriglycéridémie est
un facteur de risque cardiovasculaire coronarien dans les deux sexes,
indépendant du taux de cholestérol [5, 45], de même que la présence
dans le plasma, en quantité importante, de la Lp(a). Enfin, un rôle
Jean-Marcel Brun : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.
Sabine Rudoni : Chef de clinique-assistant. délétère est reconnu à l’hyperlipidémie postprandiale.
Service d’endocrinologie, diabétologie, maladies métaboliques, centre hospitalier universitaire de Dijon,
Après un bref rappel sur le métabolisme des Lp, les mécanismes
© Elsevier, Paris

hôpital du Bocage-Sud, 2, boulevard du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, BP 1542, 21034 Dijon cedex,


France. physiopathologiques impliqués dans les processus d’athérosclérose

Toute référence à cet article doit porter la mention : Brun JM et Rudoni S. Dyslipidémies. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0110, 1999, 9 p.
19-0110 Dyslipidémies Angéiologie

et/ou de thrombose seront étudiés avant d’envisager les effets des LDL de petite taille et denses (densité supérieure à 1,038)
bénéfiques des thérapeutiques en prévention primaire et secondaire. (pattern B). Plusieurs études ont mis en évidence une association
entre la présence de LDL denses et le risque coronaire [6, 85]. Les
LDL petites et denses sont particulièrement riches en triglycérides
Métabolisme des lipoprotéines et il est clairement établi que l’hypertriglycéridémie s’accompagne
d’une augmentation significative du nombre de particules LDL
petites et denses. Dans l’étude SCRIP (Stanford coronary risk
MÉTABOLISME GÉNÉRAL
intervention project), 90 % des sujets ayant des LDL denses avaient
Les lipides sont solubilisés dans le plasma grâce à une fraction des triglycérides plasmatiques supérieurs à 1,81 mmol/L [59]. Dans
protéique : l’apoprotéine. La particule constituée est appelée Lp. cette même étude, une amélioration des scores angiographiques,
Toutes ces Lp contiennent un noyau central formé de cholestérol sous traitement hypolipidémiant, n’était observée que chez les
estérifié et de triglycérides, une couronne périphérique formée patients ayant initialement des LDL denses [59]. Les LDL denses,
d’apoprotéine, de phospholipides et de cholestérol libre. Il existe enrichies en triglycérides, apparaissent plus athérogènes, en raison
cinq classes de Lp qui diffèrent selon leur contenu lipidique et le de leur oxydabilité accrue et de leur captation préférentielle par
type d’apoprotéine : les récepteurs scavenger des macrophages, donnant naissance aux
cellules spumeuses dont l’accumulation forme la strie lipidique, lit
– les chylomicrons ; du développement de la plaque d’athérosclérose [7].
– les Lp de très faible densité ( very low density lipoproteins Les LDL oxydées interviennent à la fois dans l’athérome (formation
[VLDL]) ; de plaques lipidiques focales), et dans l’artériosclérose
– les Lp de densité intermédiaire (intermediate density lipoproteins (modifications de la paroi vasculaire avec l’âge) [26, 44, 90]. Cette
[IDL]) ; oxydation physiopathologique provient en partie de la richesse
relative de ces Lp en acides gras polyinsaturés, en particulier
– les Lp de basse densité (LDL) ; l’acide linoléïque. La modification oxydative des LDL
– les Lp de haute densité (HDL). s’accompagne d’une fragmentation de l’apoB100. La LDL modifiée
Après absorption des graisses alimentaires, le chylomicron n’est alors plus reconnue par son récepteur spécifique ApoB/E,
constitue la première Lp circulante. Sous l’action de la Lp lipase, il mais plutôt par un récepteur dit scavenger présent à la surface des
est transformé en une molécule plus petite et moins riche en monocytes et des macrophages. Ce dernier n’est pas rétrorégulé, à
triglycérides : le remnant. Ce dernier est reconnu par un récepteur la différence du récepteur ApoB/E des LDL natives, ce qui aboutit
spécifique de l’apoE au niveau hépatique où il est dégradé. Le foie à l’accumulation massive des Lp dans ces cellules en surcharge,
fabrique de nouvelles Lp, les VLDL, qui sous l’action de la Lp désignées sous le nom de cellules spumeuses. Elles correspondent
lipase, se transforment en IDL. Ces dernières sont reconnues au macroscopiquement à la strie lipidique, lésion initiale de
niveau hépatique par un récepteur spécifique des apoB/E, et sont l’athérosclérose. [27]. Ces stries lipidiques sont retrouvées chez des
catabolisées. D’autres IDL sont transformées en LDL par la lipase enfants à partir de l’âge de 10 ans. Les LDL modifiées acquièrent
hépatique. Ces LDL sont reconnues par le même récepteur. Leur des propriétés biologiques délétères. En particulier, elles exercent
catabolisme, aboutissant au dépôt intracellulaire de cholestérol une cytotoxicité directe sur les cellules endothéliales en modifiant
libre, a pour conséquence de réprimer la synthèse intracellulaire l’action de l’oxyde nitrique qui régule le tonus vasculaire et inhibe
de cholestérol. Les HDL sont fabriquées par le foie, mais l’adhésion leucocytaire et plaquettaire. Les LDL modifiées
proviennent également en partie de l’hydrolyse directe des modulent la synthèse de nombreuses cytokines et facteurs de
chylomicrons et des VLDL. Ces HDL vont capter le cholestérol croissance proathérogènes au niveau des macrophages et des
libre membranaire des cellules périphériques et le ramener au foie cellules musculaires lisses [28, 71]. L’augmentation des taux circulants
où il sera catabolisé en acides biliaires et éliminé dans le cycle de LDL favorise le vieillissement vasculaire en accélérant
entérohépatique. Il faut souligner l’importance des apoprotéines : l’épaississement diffus de la paroi. Il est constaté une augmentation
ce sont elles en effet qui sont reconnues par le récepteur spécifique de la fixation du calcium dans les fibres élastiques, facteur
des membranes basales cellulaires. Certaines ont des rôles important de la perte de l’élasticité des vaisseaux [70]. Par ailleurs,
particulièrement importants. Ainsi, l’apoC 2 est le cofacteur l’enrichissement cellulaire en Lp athérogènes augmente la synthèse
d’activation de la Lp lipase ; l’apoA-I, surtout présente dans les d’élastase par les cellules musculaires lisses. D’autres facteurs de
HDL-2, active la lécithine cholestérol-acyl transférase, enzyme clé risque associés à ces anomalies lipidiques aggravent les
du transport reverse du cholestérol. Cette apoA-I est liée au HDL-2, phénomènes oxydatifs, en particulier le tabagisme [74].
fraction antiathérogène du cholestérol. À l’inverse, l’apoB,
constituant essentiel des LDL, est en quelque sorte un marqueur ¶ HDL-cholestérol
de la fraction athérogène du cholestérol. Dans les
La relation inverse entre le niveau de HDL-cholestérol et le risque
hypercholestérolémies, le taux des LDL et leur temps de séjour
cardiovasculaire est largement démontrée par toutes les grandes
dans le plasma augmentent, ce qui favorise leur oxydation.
études épidémiologiques prospectives. Il est à noter que cette
relation inverse est particulièrement forte chez la femme, comme
[1, 31, 57, 83, 89]
RÔLE DANS L’ATHÉROME l’a montré l’étude de Framingham [25]. Ainsi, il apparaît clairement
que les sujets présentant une diminution du HDL-cholestérol ont
¶ LDL-cholestérol un risque cardiovasculaire accru [52].
Il est établi depuis longtemps, grâce à de nombreuses études
épidémiologiques, dont celle de Framingham et l’étude MRFIT ¶ Triglycérides
(Multiple risk factor intervention trial ), que le taux de LDL- Il existe aujourd’hui un consensus international établissant des
cholestérol est un facteur de risque cardiovasculaire puissant. À liens solides entre triglycérides et maladie cardiovasculaire
côté des anomalies quantitatives du LDL-cholestérol, de [5, 14, 15, 18, 41, 46, 61, 88]
. L’étude de Framingham a notamment
nombreuses données se sont accumulées, au cours des dernières individualisé un sous-groupe à haut risque coronarien associant
années, sur le rôle potentiellement athérogène de certaines hypertriglycéridémie et taux bas de HDL-cholestérol [24]. La baisse
modifications qualitatives des LDL, en particulier les modifications du HDL-cholestérol accompagne en effet la plupart des
de leur taille et leur oxydation. hypertriglycéridémies. L’hypertriglycéridémie entraîne de plus des
On décrit globalement deux types de particules LDL : des LDL de modifications athérogènes de la structure des LDL. Bien que les
grande taille, légères, de densité inférieure à 1,038 (pattern A), et liens entre triglycérides et maladies cardiovasculaires ne soient pas

2
Angéiologie Dyslipidémies 19-0110

aussi forts que ceux qui existent avec le LDL-cholestérol, la relation athérogènes et thrombogènes. En effet, l’hypertriglycéridémie
entre risque vasculaire et hypertriglycéridémie a bien été admise s’accompagne d’une augmentation des VLDL-remnants qui sont
depuis 1991 [61, 88]. préférentiellement captés par les récepteurs scavenger des
L’hypertriglycéridémie est, dans toutes les études macrophages, donnant naissance aux cellules spumeuses.
épidémiologiques, un important facteur de risque en analyse L’hypertriglycéridémie s’accompagne, par ailleurs, d’une
univariée. Cette relation persiste dans toutes les études quand le augmentation des LDL denses enrichies en triglycérides. En outre,
niveau de cholestérol est pris en compte. En revanche, elle disparaît l’hypertriglycéridémie, par l’intermédiaire d’une activation de la
le plus souvent lorsque l’on tient compte de plusieurs autres cholesterol ester transfer protein (CETP) entraîne un enrichissement
facteurs de risque associés (glycémie, HDL, tension artérielle, en triglycérides des HDL, avec pour conséquence un accroissement
poids...). Ce résultat tient à la difficulté des études de leur catabolisme et une diminution de leur efficacité dans la
épidémiologiques en matière de triglycérides. La triglycéridémie voie de retour du cholestérol [51, 68].
est en effet un paramètre peu stable, dont la distribution n’est pas Il apparaît probable que le dosage de triglycérides, après charge
normale. Le dosage des triglycérides est techniquement moins en lipides, soit un bien meilleur marqueur du risque
fiable que celui du cholestérol et est environ trois fois plus variable cardiovasculaire. Une association entre la triglycéridémie, après
d’un instant à l’autre au cours du nycthémère et d’un jour sur charge en lipides, et le risque coronaire est retrouvée dans
l’autre. De plus, bon nombre d’études épidémiologiques n’ont pas plusieurs études [32, 43, 48, 63]. Les charges en lipides pourraient être
été faites à jeun. Enfin, ces études ont regroupé des pathologies intéressantes pour dépister les patients présentant une
hétérogènes dans lesquelles les hypertriglycéridémies sont le plus hypertriglycéridémie postprandiale, alors que leur niveau de
souvent associées à de nombreux autres facteurs de risque. triglycérides à jeun reste normal. Ces derniers ont, en effet, un
L’hypertriglycéridémie est un facteur de risque plus ou moins fort risque cardiovasculaire accru.
suivant la pathologie et la population concernée. Ainsi, les
triglycérides apparaissent souvent, en analyse multivariée, comme RÔLE DANS LA THROMBOSE
un facteur de risque chez la femme. Le risque est toujours plus
élevé dans les sous-groupes dont le niveau de HDL-cholestérol est L’oxydation des LDL augmente l’agrégabilité plaquettaire, ce qui
bas (< 40 mg/dL). entraîne une diminution de la sérotonine intraplaquettaire et une
augmentation de la biodisponibilité de la sérotonine.
Les données les plus récentes sont celles de la dernière méta-
L’hypersérotoninémie favorise la prolifération cellulaire et la
analyse de Austin [45] , qui porte sur 17 études prospectives
vasoconstriction [8]. Une vasoconstriction plus importante stimule
intéressant 46 400 hommes et 10 864 femmes avec un suivi de 8 ans.
l’activité de l’enzyme responsable de la synthèse d’histamine ;
En analyse univariée, toute élévation de 1 mmol/L (0,87 g/L) des
l’hyperhistaminémie augmente la perméabilité vasculaire et
triglycérides augmente le risque coronaire de 32 % chez l’homme
modifie en retour la tonicité vasculaire. L’augmentation de la
et de 76 % chez la femme. Après ajustement sur l’ensemble des
production de ces facteurs tissulaires favorise la formation de
paramètres, y compris le HDL-cholestérol, les triglycérides restent
thrombus en regard de la plaque athéromateuse, a fortiori si elle
un facteur de risque indépendant : toute élévation de 1 mmol/L
est à risque fissuraire. Les plaques les plus exposées à la fissuration
augmente le risque coronaire de 14 % chez l’homme, et de 37 %
sont celles qui ont un cœur riche en lipides extracellulaires
chez la femme. Cela rejoint les conclusions de l’étude de
(> 40 %). Ce type de plaques est fréquemment rencontré au niveau
Framingham [25] où les sujets qui font le plus souvent un infarctus
des artères coronaires. Les grandes fissurations de plaques
du myocarde sont ceux qui ont une hypertriglycéridémie avec une
conduisent à la perte de l’enveloppe qui laisse échapper le contenu
diminution du HDL, et celles de l’étude PROCAM (Prospective
lipidique. Le cratère formé se comble partiellement d’un thrombus.
cardiovascular munster study) où un suivi de 4 849 hommes,
Ce dernier phénomène survient plus volontiers au niveau de
pendant 8 ans, confirme que les triglycérides représentent un
l’aorte et des carotides, source d’embolie distale [29].
facteur de risque coronaire indépendant [4]. À taux de cholestérol
total, LDL et HDL-cholestérol équivalents, les sujets ayant un taux D’autre part, l’hypertriglycéridémie paraît favoriser la
de triglycérides supérieur à 2 g ont un risque coronaire augmenté thrombogenèse, dans la mesure où elle s’associe à une
de 50 % par rapport à ceux qui ont un taux inférieur à 1,50 g. augmentation du facteur VII, de l’activité coagulante du facteur X
et du PAI1 (inhibiteur de l’activateur du plasminogène). Par
Par ailleurs, de nombreuses études de régression de plaques
ailleurs, les VLDL augmentent l’expression de l’activité
comme l’étude CLAS (Cholesterol lowering atherosclerosis study),
procoagulante des monocytes[12].
l’étude Nicardipine, l’étude MARS (Monitored atherosclerosis
regression study), l’étude POSCH (Program on the surgical control
of hyperlipidemia ), ont mis en évidence une association entre
l’hypertriglycéridémie et/ou les Lp riches en triglycérides d’une
Dyslipidémies
part, et la progression des plaques d’athérosclérose, d’autre part [11,
19] . En outre, l’hypertriglycéridémie apparaît, dans plusieurs
HYPER-LDL-ÉMIES
travaux, comme un facteur de resténose des greffons de pontage Elles sont principalement rencontrées dans l’hypercholestérolémie
coronaire. familiale, (type IIa de la classification de Fredrikson), mais il existe
Les études d’intervention nous apportent aussi un éclairage des formes acquises. Les formes familiales homozygotes
intéressant. En effet, dans l’étude d’Helsinki, la diminution de (1/1 000 000 cas) et hétérozygote (1/500 cas) sont essentiellement
l’incidence d’accidents coronaires n’est observée que dans le liées à des mutations du récepteur des LDL. On décrit plus de
groupe de patients présentant initialement une hyperlipidémie 50 mutations différentes qui aboutissent à quatre grandes classes
mixte avec augmentation conjointe du cholestérol total et des d’anomalies : absence de récepteurs, défaut de transport, défaut de
triglycérides [55]. Dans la Stockholm ischaemic heart disease study, la liaison aux Lp, défaut d’internalisation des LDL [9]. Ces anomalies
diminution des décès d’origine ischémique n’est observée que chez ont pour effet d’augmenter la concentration sanguine des LDL. Les
les patients ayant initialement des triglycérides supérieurs à VLDL sont sécrétées par le foie et transformées en IDL. Chez le
1,31 g/L, et apparaît plus marquée chez ceux ayant une réduction sujet normal, les IDL sont pour moitié transformées en LDL, et
du taux de triglycérides, sous traitement, supérieure à 30 % [23]. pour moitié captées par des récepteurs hépatiques. En cas de
Globalement dans cette étude, la diminution du risque déficience de ces derniers, les IDL ont un temps de séjour
cardiovasculaire apparaît proportionnelle à la baisse du chiffre de plasmatique augmenté, elles se transforment en LDL qui seront
triglycéridémie. captées et dégradées plus lentement.
Plusieurs données expérimentales laissent penser que Il existe d’autres anomalies génétiques, telles que l’hyper-bêta-
l’hypertriglycéridémie pourrait avoir des conséquences lipoprotéinémie familiale (type III de la classification de

3
19-0110 Dyslipidémies Angéiologie

Fredrikson). Dans cette forme, une apoB100 anormale est le plasminogène. La Lp(a) entre en compétition avec ce dernier
responsable d’une mauvaise reconnaissance des LDL par leurs pour la liaison aux cellules et à la fibrine. La Lp(a) inhiberait ainsi
récepteurs et d’un ralentissement de leur catabolisme avec les possibilités d’activation du plasminogène. Ces effets ont bien
accumulation d’une Lp de densité intermédiaire se traduisant par été démontrés in vitro [91]. En diminuant l’activité de la plasmine,
une augmentation parallèle des taux de cholestérol total et de la Lp(a) pourrait inhiber l’activation du transforming growth factor
triglycérides dans les dosages plasmatiques beta (TGF-bêta) et favoriser ainsi la prolifération, la migration et
On décrit également une hyper-LDL-émie chez des sujets porteurs l’activation des cellules musculaires lisses et vasculaires. Les
de l’isoforme allélique e4 du gène de l’apoE. Les sujets porteurs de isoformes de plus petite taille prédominante auraient une affinité
l’allèle e4 auraient une clairance des remnants augmentée avec, en plus élevée pour la fibrine, et par conséquent, un effet
rétrocontrôle, une diminution du nombre des récepteurs B/E et antifibrinolytique plus prononcé [3]. Chez 94 % des sujets, il existe
une augmentation secondaire des LDL plasmatiques. une hétérozygotie allélique, et l’effet antifibrinolytique serait lié au
Il existe par ailleurs une mutation de l’apoE2 touchant la région de rapport existant entre la concentration des deux isoformes et leur
fixation aux récepteurs, entraînant également une affinité relative pour la fibrine vis-à-vis du plasminogène.
hyper-LDL-émie [76]. Il n’existe actuellement aucune thérapeutique susceptible de
Les hyper-LDL-émies peuvent être associées à une diminuer isolément et spécifiquement le taux de Lp(a). Deux
hypertriglycéridémie par augmentation des VLDL dans le cadre études récentes [54, 84] ont montré qu’une diminution du taux de
d’une hyperlipidémie mixte ou combinée (type IIb de Fredrikson). LDL seul, grâce à un traitement par statine, permet de stabiliser,
Dans ces dyslipidémies, au risque athérogène des LDL s’ajoute voire de faire régresser l’athérosclérose coronarienne chez des
celui des triglycérides. sujets initialement porteurs d’un taux élevé de Lp(a).

HYPO-HDL-ÉMIES
Traitement des dyslipidémies
Les HDL sont hétérogènes, particulièrement dans leur composition
en apoA. L’apoA1, apoprotéine essentielle des HDL-2 est un
et prévention de l’athérosclérose
marqueur de protection cardiovasculaire. Elle exerce un rôle
antioxydatif vis-à-vis des LDL. Dans l’hypo-HDL-émie, c’est le Les études interventionnelles de ces 15 dernières années, et en
taux d’HDL-2 qui est le plus souvent diminué avec augmentation particulier les plus récentes, nous ont apporté des renseignements
relative des autres sous-fractions des HDL. L’hypo-HDL-émie est précieux pour la prise en charge des patients hyperlipidémiques,
très souvent associée à une hypertriglycéridémie et/ou une hyper- en prévention primaire et en prévention secondaire.
LDL-émie. Certains déficits génétiques en apoA1 entraînent une
hypo-HDL-émie isolée ; celle-ci est fortement athérogène. ÉTUDES DE PRÉVENTION PRIMAIRE

La plupart des études se sont surtout intéressées à l’athérome


HYPERTRIGLYCÉRIDÉMIES
coronarien. Peu d’études concernent spécifiquement la maladie
Elles correspondent dans la très grande majorité des cas à des vasculaire périphérique. L’étude WOSCOPS ( West Scotland
hyper-VLDL-émies (type IV de Fredrickson), ou bien s’inscrivent coronary prevention study [78]) a suivi pendant 4,9 ans 6 595 patients
dans le cadre d’une hyperlipidémie mixte (type IIb surtout, et type divisés en deux groupes : pravastatine 40 mg/j versus placebo. Une
III exceptionnellement). Elles se caractérisent par le fait que diminution de 33 % de la mortalité cardiovasculaire globale est
l’anomalie métabolique est le plus souvent associée ou aggravée observée dans le groupe traité. L’étude KAPS ( Kuopio
par d’autres facteurs de risque, se situant ainsi au carrefour de atherosclerosis prevention study ) a évalué la progression de
plusieurs pathologies. L’hypertension est plus fréquente lorsqu’il l’athérosclérose carotidienne et fémorale [73]. Il existe une différence
existe une hyperlipidémie de type IIb ou IV. Cette association est de progression des plaques carotidiennes très significative entre les
en partie, mais pas totalement expliquée par la plus grande deux groupes (pravastatine 40 mg/j versus placebo) en faveur du
fréquence de l’obésité. La sédentarité est associée à un taux de groupe traité. En revanche, il n’a pas été montré de différence
triglycérides plus élevé et un taux d’HDL-cholestérol plus bas. significative de progression de l’athérosclérose fémorale.
L’intoxication tabagique est indépendamment associée à un taux L’étude AFCAPS/TEXCAPS ( Air Force Texas coronary
de LDL-cholestérol et de triglycérides plus élevé, et à un taux atherosclerosis prevention study ) dont les résultats ont très
d’HDL plus bas [88]. récemment été rapportés, permet d’apporter un début de réponse
à la question difficile du traitement des patients présentant un taux
AUGMENTATION DE LA LIPOPROTÉINE(a) de HDL-cholestérol bas. Cette étude de prévention primaire,
réalisée chez 6 605 personnes ayant un LDL-cholestérol compris
La Lp(a) a une structure proche de celle des LDL. Elle est entre 1,3 et 1,90 g/L et un HDL-cholestérol bas (inférieur à 0,44 g
caractérisée par la présence d’une apoprotéine(a), liée par un pont chez les hommes et à 0,45 g chez les femmes), a mis en évidence,
disulfure à chaque molécule d’apoB100. L’apo(a) présente une dans le groupe traité par lovastatine, une réduction significative
similitude structurale avec le plasminogène. Actuellement, de 36 % (p < 0,001) du risque de survenue du premier événement
34 génotypes différents de Lp(a) ont été identifiés. Les apo(a) de coronaire majeur. Les patients traités par lovastatine présentaient
petite taille sont préférentiellement associées à des LDL riches en une diminution de 25 % de leur taux de LDL-cholestérol moyen,
cholestérol estérifié ; les apo(a) de grande taille sont plutôt alors que l’augmentation du HDL-cholestérol était modérée
associées à des LDL riches en triglycérides. Le taux de Lp(a) est (+ 6 %). Cette étude permet de penser que la prévention des
pour 90 % génétiquement déterminé. Son pouvoir athérogène est maladies cardiovasculaires, chez les patients dont le HDL-
admis pour un taux plasmatique supérieur ou égal à 300 mg/L. cholestérol est bas, passe par une réduction du LDL-cholestérol,
Plusieurs études ont retrouvé qu’une concentration élevée de Lp(a) même pour des valeurs initiales très modérément augmentées.
serait un facteur indépendant de risque coronarien. [54, 72, 75], mais
aucune étude prospective n’a actuellement évalué le lien entre
ÉTUDES DE PRÉVENTION SECONDAIRE
Lp(a) et maladie vasculaire périphérique.
Le pouvoir athérogène de la Lp(a) a été soupçonné en découvrant Les dernières années ont vu, par ailleurs, la publication de grandes
sa présence dans les parois vasculaires et les plaques d’athérome. études de prévention secondaire riche d’enseignements. La
La Lp(a) avec ou sans modification, pourrait être captée par les fameuse étude 4S (Scandinavian simvastatin survival study) [67],
macrophages et conduire à la formation de cellules spumeuses [42]. ayant étudié 4 444 hommes âgés de 35 à 69 ans porteurs d’une
Le rôle prothrombogène découle de son homologie structurale avec hypercholestérolémie et ayant présenté un épisode récent

4
Angéiologie Dyslipidémies 19-0110

d’infarctus du myocarde et/ou d’angine de poitrine, a nettement n’est observé que chez les patients ayant initialement un taux de
montré, dans le groupe traité par simvastatine, une réduction très LDL-cholestérol supérieur à 1,25 g/L. Ainsi, l’étude CARE permet
significative de la mortalité coronaire (– 42 %), des événements une meilleure définition du patient à traiter qui apparaît être celui
coronaires majeurs (– 34 %), mais aussi de la mortalité totale présentant un LDL-cholestérol supérieur à 1,25 g/L [72].
(– 30 %) [34]. Ainsi, l’étude de 4S, en démontrant dans la population
traitée une réduction non seulement de la mortalité ÉTUDES DE RÉGRESSION
cardiovasculaire, mais aussi de la mortalité globale, a mis fin à une
polémique mettant en doute l’efficacité réelle des Leurs caractéristiques sont résumées dans le tableau I. Toutes ces
hypolipidémiants. La méta-analyse de quatre études de prévention études montrent une régression de l’athérosclérose
secondaire réalisée avec la pravastatine (pravastin limitation of significativement plus importante dans le groupe traité que dans
artheriosclerosis in the coronary artery study [PLAC] I, PLAC II, le groupe témoin.
regession growth evaluation statin study [REGRESS], Cardiac Il est frappant de constater, dans toutes les études de régression de
arhythmia pilot study [CAPS] met en évidence une réduction très plaques d’athérome, une discordance entre la réduction modérée
significative de 62 % des infarctus mortels et non mortels, une des plaques d’athérome, sous traitement hypolipidémiant, et la
réduction de 46 % de la mortalité totale, et une diminution des diminution nette des événements cliniques cardiovasculaires [13]. En
accidents vasculaires cérébraux mortels de 62 % [22, 47, 65, 66]. Un des outre, plusieurs études anatomopathologiques font apparaître que
faits les plus marquants de cette méta-analyse est l’observation 70 % des infarctus du myocarde sont liés à des sténoses inférieures
d’un effet précoce du traitement par pravastatine, dans la mesure à 50 %, alors que les sténoses graves supérieures à 70 % ne
où les courbes de survenue d’accidents coronaires entre les patients représentent que 15 % des cas de nécroses myocardiques [39]. C’est
traités et non traités s’écartent dès le sixième mois. Ces résultats à partir de ces observations qu’ont été définies les notions
plaident pour une action propre des statines sur la plaque anatomopathologiques de plaques d’athérosclérose, à risque élevé
d’athérosclérose, la fonction endothéliale et la thrombose qui ou faible d’accidents ischémiques aigus. Les plaques
s’ajouterait à son action hypocholestérolémiante. En effet, plusieurs d’athérosclérose à risque élevé sont constituées d’un cœur lipidique
études in vitro ont montré que les statines réduisaient la riche, d’une capsule fibreuse fine et fragile, et d’une augmentation
multiplication et la prolifération des cellules musculaires lisses. du nombre des macrophages. Elles sont particulièrement fragiles
Chez l’animal, les statines augmentent le collagène avec pour avec un risque de fissuration élevé. Lorsqu’une telle plaque
conséquence une stabilisation des plaques d’athérosclérose. Une d’athérosclérose se fissure, une thrombose se produit localement
diminution de la réponse inflammatoire (et plus particulièrement aboutissant à l’obstruction aiguë de l’artère. Les plaques
macrophagique) est observée, in vitro, sous l’effet d’athérosclérose à risque représentent 10 à 20 % des lésions, mais
d’hypolipidémiant. D’une part, certains hypolipidémiants ont une sont responsables de 80 à 90 % des événements cliniques. Une
action antithrombogène. D’autre part, l’hypercholestérolémie étude anatomopathologique publiée en 1997, réalisée chez
s’associe à une dysfonction endothéliale avec une diminution de la 113 hommes décédés d’infarctus du myocarde, fait apparaître que
vasodilatation induite. Sous traitement hypocholestérolémiant, il les ruptures de plaques sont essentiellement observées chez les
est constamment observé une amélioration nette de la fonction patients ayant un taux de cholestérol élevé et un rapport
endothéliale avec restauration d’une vasodilatation induite cholestérol total/HDL-cholestérol augmenté [20]. L’effet précoce des
normale [86]. Tous ces résultats amènent à se poser la question de hypolipidémiants et plus particulièrement des statines sur la
savoir s’il ne serait pas utile de traiter, en prévention secondaire, réduction d’événements cliniques semble être aussi lié à une
tous les patients par une statine. La récente étude Cholesterol and modification de la structure des plaques d’athérosclérose qui ont
recurent events trial (CARE) permet en partie de répondre à cette tendance, sous traitement, à devenir plus stables et à risque de
question. En effet, cette étude multicentrique de prévention fissuration faible. En effet, il est observé, sous traitement
secondaire ayant étudié 4 159 sujets aux antécédents d’infarctus du hypolipidémiant, une diminution significative des lipides au sein
myocarde porteurs d’une hypercholestérolémie modérée de la plaque, ainsi qu’un épaississement de la capsule fibreuse.
(cholestérol total inférieur à 2,40 g/L et LDL-cholestérol moyen
1,39 g/L), a mis en évidence une diminution significative des ÉTUDES D’INTERVENTION ET POPULATIONS
événements coronaires mortels ou non de 24 % (p = 0,002), une PARTICULIÈRES
diminution des infarctus du myocarde mortels de 37 % (p = 0,01)
et une diminution de la nécessité d’un geste (pontage ou ¶ Chez les femmes
angioplastie) de 27 % (p = 0,0001) [36, 37]. Lorsque l’on analyse plus
précisément les résultats en tenant compte du taux initial de LDL- L’étude de Framingham a nettement mis en évidence un lien entre
cholestérol, on s’aperçoit que l’effet du traitement par pravastatine les lipides et le risque cardiovasculaire chez la femme [25]. Dans la

Tableau I. – Études de régression de l’athérosclérose [16, 21, 25, 29, 33, 53].
BECAIT REGRESS PLAC I MAAS
Nombre de patients 81 653 320 341

Durée 5 ans 2 ans 3 ans 4 ans

Drogue Bézafibrate Pravastatine Pravastatine Simvastatine

Degré de sténose 35,8 % - 28,5 % 30,6 %

Effet du traitement

Cholestérol total -9% - 20 % - 19 % - 23 %

LDL-cholestérol -2% - 29 % - 28 % - 31 %

HDL-cholestérol -9% - 10 % -7% -9%

Triglycérides - 31 % -7% -8% - 18 %

Amélioration du diamètre + 64 % + 67 % + 67 % + 69 %
artériel

BECAIT : Bezafibrate coronary atherosclerosis intervention trial ; MAAS : Multicentre antiatheroma study ; PLAC I : Pravastatin limitation of atherosclerosis in the coronary artery study ; REGRESS : Regression growth evaluation statin study.

5
19-0110 Dyslipidémies Angéiologie

population féminine, la relation inverse entre le HDL-cholestérol la population non diabétique. Nous attendons avec intérêt les
et le risque cardiovasculaire est particulièrement forte, alors que résultats d’études prospectives en cours, visant à déterminer si le
l’association positive entre le LDL-cholestérol et le risque traitement des anomalies lipidiques propres au diabète
d’accident coronaire est plus faible, bien que significative. Par (hypertriglycéridémie, hypo-HDL-émie) est susceptible de réduire
ailleurs, les triglycérides sont chez la femme un facteur de risque le risque cardiovasculaire du patient diabétique [15].
indépendant [2]. Les résultats des études de prévention secondaire
ayant inclus des femmes, comme l’étude 4S ou l’étude CARE, PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE
montrent un bénéfice sur la réduction de la morbidité et de la
mortalité cardiovasculaires aussi importante chez la femme que ¶ Place de la diététique
chez l’homme [64, 72]. En revanche, les données sur les études de
prévention primaire, chez la femme, sont rares. L’étude de Si les résultats des grandes études d’interventions primaire et
prévention primaire de Miettinen et Turpeinen, à l’aide d’un secondaire ont nettement montré l’efficacité des hypolipidémiants
régime hypocholestérolémiant, objective une réduction significative à réduire le risque cardiovasculaire, nous ne devons pas ignorer
du risque cardiovasculaire, aussi bien chez l’homme que chez la les résultats intéressants des études d’intervention diététique.
femme [58]. Jusqu’à présent, les grandes études de prévention Plusieurs travaux ont clairement montré que les régimes riches en
primaire médicamenteuse, telles l’étude LRC-CPPT (Lipid research fruits et légumes réduisaient la mortalité coronaire de 24 % [49], et
clinics coronary primary prevention trial) et l’étude d’Helsinski ou la survenue d’accidents vasculaires cérébraux de 26 % [38]. Ces
WOSCOPS, ne comportaient pas de femmes. Cependant, la récente résultats confirment ceux de l’étude des sept pays, qui avait montré
étude de prévention primaire AFCAPS/TEXCAPS qui comprenait une mortalité coronaire plus faible dans les pays ayant une
997 femmes a mis en évidence un bénéfice clinique significatif chez alimentation riche en végétaux [50]. L’effet protecteur des fruits et
les femmes traitées par lovastatine. Ainsi, si le bénéfice d’un légumes pourrait être lié à leur richesse en vitamines antioxydantes
traitement hypolipidémiant est clairement montré en prévention et en fibres [69, 77, 80]. Il se pourrait aussi que la richesse en arginine
secondaire, chez la femme, il apparaît hautement probable en de certains aliments (noix, poissons, protéine végétale) puisse
prévention primaire. rendre compte de leur effet cardioprotecteur, en favorisant la
production locale d’oxyde nitrique (NO) [79]. L’étude de prévention
¶ Chez les sujets âgés primaire menée par Miettinen et Turpeinen a montré qu’un régime
hypocholestérolémiant réduisait le taux plasmatique de cholestérol
En ce qui concerne le traitement hypolipidémiant des sujets âgés,
de 10,5 % et la mortalité cardiovasculaire de 50 %, sur un suivi de
les études des sous-groupes de patients de plus de 60 ans des
12 années [58]. L’étude de prévention secondaire Lyon diet heart
études 4S et CARE ont nettement mis en évidence un bénéfice
[64, 72] study a mis en évidence une réduction de 70 % de la mortalité
clinique . Ainsi, il apparaît licite de traiter toute
coronaire chez les patients sous régime méditerranéen, riche en
hypercholestérolémie, même chez un sujet âgé, en prévention
acide a-linolénique, en l’absence de toute modification significative
secondaire. En revanche, en prévention primaire, les données
du taux des lipides plasmatiques [30]. Ces résultats indiquent que
d’étude sont peu nombreuses. Si l’analyse d’un sous-groupe de
l’alimentation est susceptible d’avoir des effets positifs dépassant
l’étude WOSCOPS, de patients âgés de plus de 55 ans, met en
une simple action sur les Lp plasmatiques (susceptibilité des Lp à
évidence une réduction significative des accidents
l’oxydation, fonction endothéliale, thrombose…). Ainsi, la part que
cardiovasculaires dans le groupe traité, il faut cependant
doit prendre la diététique dans la prévention des maladies
reconnaître que ces patients n’étaient pas très âgés, dans la mesure
cardiovasculaires est essentielle aussi bien en prévention
où ils avaient tous moins de 64 ans [78]. Ainsi, même si l’analyse de
secondaire que primaire. Mais il faut savoir que l’application des
Gordon et Rifkind à partir des données des études de Framingham
mesures diététiques par le patient ne sera effective que si une
et MRFIT laisse penser qu’un traitement de l’hypercholestérolémie
éducation efficace et motivante lui est proposée.
en prévention primaire, dans la population âgée, aboutirait à une
réduction des événements cardiovasculaires aigus, nous ne Des résultats similaires sont obtenus dans la Lifestyle heart
disposons pas encore de la certitude de grandes études study [62]. Les patients soumis à un régime hypocholestérolémiant
d’intervention [40]. et riche en fibres ont arrêté de fumer et pratiquent une activité
physique régulière. Ils présentent après 1 an, une régression
¶ Chez les diabétiques significative des lésions coronaires angiographiques.

En ce qui concerne la population diabétique, nous n’avons ¶ Traitements médicamenteux


actuellement à notre disposition qu’une analyse de sous-groupes
issus de grandes études d’intervention. Dans l’étude 4S, l’analyse Ils ne seront utilisés qu’en seconde intention, si les objectifs
du sous-groupe de 202 patients diabétiques suivis pendant 5,4 lipidiques de traitement ne sont pas obtenus par les seules mesures
années met en évidence, chez les patients traités par simvastatine, diététiques. Sans entrer dans la discussion de la place respective
une réduction de 55 % des accidents cardiovasculaires (p = 0,002) des statines et des fibrates, les premières trouvant plutôt leurs
[67]
. Au cours de l’étude de prévention secondaire CARE, l’analyse indications dans les hypercholestérolémies prédominantes, les
d’un sous-groupe de 586 patients diabétiques objective une seconds dans les hypertriglycéridémies nous rappellerons ici
réduction significative de 25 % du risque cardiovasculaire, chez les simplement les valeurs seuil de décisions thérapeutiques
patients traités par pravastatine [72]. Il faut cependant noter que, recommandées par le groupe de l’ANDEM (tableau II) et les
dans l’étude 4S, les patients diabétiques inclus présentaient tous recommandations de l’ALFEDIAM pour le cas particulier des
une triglycéridémie inférieure à 2,5 mmol/L (ou 2,17 g/L), et que diabétiques (tableau III) [17].
dans l’étude CARE, la réduction du risque cardiovasculaire n’a été Si la communauté médicale est actuellement unanime pour traiter
observée que chez les patients présentant des triglycérides les hyperlipidémies en préventions secondaire et primaire, et si les
inférieurs à 1,44 g/L. Ainsi, les patients diabétiques étudiés dans consensus sont de plus en plus obtenus sur les modalités
les études 4S et CARE étaient essentiellement des sujets thérapeutiques, le problème auquel nous sommes confrontés est
hypercholestérolémiques, mais ne présentaient pas, pour la celui de la compliance du patient au traitement et de l’assurance
plupart, les anomalies lipidiques habituellement rencontrées au qu’un contrôle satisfaisant des paramètres lipidiques sera
cours du diabète non insulinodépendant, c’est-à-dire l’association obtenu [87]. En effet, toutes les études indiquent que la prise en
d’une hypertriglycéridémie et d’une hypo-HDL-émie. Ces études charge de l’hyperlipidémie est peu efficace en termes de
apportent la preuve que le traitement d’une hypercholestérolémie normalisation du bilan lipidique. Ainsi, l’étude réalisée à partir du
associée au diabète, au moyen d’une statine, réduit le risque registre MONICA, en prévention primaire, fait apparaître que
cardiovasculaire au moins dans les mêmes proportions que dans seulement 47 % des patients traités pour hypercholestérolémie sont

6
Angéiologie Dyslipidémies 19-0110

Tableau II. – Valeurs seuils de décisions thérapeutiques définies par le groupe de l’ANDEM.
Valeur d’instauration Valeur d’instauration
Catégorie de patients ayant une élévation
du traitement Valeur cible du traitement Valeur cible
du LDL-cholestérol
diététique médicamenteux
Prévention primaire des hommes de moins de 45 ans
pas d’indication
ou des femmes non ménauposées n’ayant aucun ≥ 2,20 g/L (5,7 mmol/L) < 1,60 g/L (4,1 mmol/L)
en première intention
autre facteur de risque

Prévention primaire des hommes de moins de 45 ans ≥ 2,20 g/L (5,7 mmol/L)
ou des femmes non ménauposées n’ayant aucun malgré une diététique < 1,60 g/L (4,1 mmol/L)
autre facteur de risque après échec de la diététique suivie pendant 6 mois

Prévention primaire des sujets ayant un autre facteur


≥ 1,60 g/L (4,1 mmol/L) < 1,60 g/L (4,1 mmol/L) ≥ 1,90 g/L (4,9 mmol/L) < 1,60 g/L (4,1 mmol/L)
de risque

Prévention primaire des sujets ayant au moins deux


≥ 1,30 g/L (3,4 mmol/L) < 1,30 g/L (3,4 mmol/L) ≥ 1,60 g/L (4,1 mmol/L) < 1,30 g/L (3,4 mmol/L)
autres facteurs de risque

Prévention secondaire des sujets ayant une maladie


≥ 1,30 g/L (3,4 mmol/L) ≤ 1 g/L (2,6 mmol/L) ≥ 1,30 g/L (3,4 mmol/L) ≤ 1 g/L (2,6 mmol/L)
coronaire patente

Valeurs pondérales : LDL-cholestérol = cholestérol total – (HDL-cholestérol + 0,16 x Tg).


Valeurs molaires : LDL-cholestérol = cholestérol total – (HDL-cholestérol + 0,0.37 x Tg).
(Formule de Friedwald pour le calcul du LDL-cholestérol applicable que si Tg < 3,5 g/L).
HVG : hypertrophie ventriculaire gauche

Tableau III. – Objectifs lipidiques de traitement chez le diabétique (recommandations de l’ALFEDIAM).


Degré de risque vasculaire Cholestérol total LDL-cholestérol calculé Triglycérides
Sans autre facteur de risque que le diabète
HDL ≥ 0,40 g/L chez la femme (1,04 mmol/L) ≤ 2,30 g/L≤ 5,9 mmol/L ≤ 1,60 g/L≤ 4,1 mmol/L ≤ 2 g/L≤ 2,3 mmol/L
HDL ≥ 0,35 g/L chez l’homme (0,91 mmol/L)

Avec un risque ou plusieurs autres facteurs de risques


dont HDL ≤ 0,40 g/L (chez la femme) et HDL ≤ 0,35 g/L (chez l’homme)
et/ou tabagisme, hypertension artérielle, antécédents familiaux, HVG,
protéinurie ≤ 2 g/L≤ 5,2 mmol/L ≤ 1,30 g/L*≤ 3,4 mmol/L ≤ 1,5 g/L≤ 1,7 mmol/L
OU
en prévention secondaire (arthérosclérose documentée sur le plan
clinique ou paraclinique)

* Chez les sujets jeunes avec antécédents d’accident vasculaire cérébral (AVC) ou d’infarctus, cet objectif peut être abaissé à 1 g/L.
Ces objectifs peuvent, à l’inverse, être considérés avec nuance, chez les sujets âgés à espérance de vie réduite.
HVG : hypertrophie ventriculaire gauche

correctement contrôlés [56]. L’étude EUROASPIRE met en évidence, importants. De nombreuses études épidémiologiques ont montré le rôle
dans la population européenne étudiée, que 52 % des patients athérogène des LDL, en particulier sous leurs formes oxydées, telles que
hypercholestérolémiques traités en prévention secondaire n’ont pas l’on les trouve dans la plupart des hypercholestérolémies. Ces anomalies
normalisé leur bilan lipidique [35]. Une étude américaine récente lipidiques s’accompagnent souvent d’une diminution des HDL, et
montre que les prescriptions d’hypolipidémiants sont inadéquates surtout de la fraction HDL-2, dont le pouvoir protecteur vis-à-vis de
ou insuffisantes dans 38 % des cas [82]. Par ailleurs, le niveau de l’athérosclérose est bien admis. L’hypertriglycéridémie, par elle-même,
compliance des patients, déjà faible dans les études contrôlées, est mais aussi par l’hypo-HDL-émie et les anomalies qualitatives des LDL
extrêmement bas dans la population générale. Le manque qui l’accompagnent, et par les troubles de l’hémostase qu’elle induit,
d’informations données aux patients et la quasi-absence est un facteur de risque vasculaire qu’il faut également prendre en
d’éducation sur la diététique et les facteurs de risque sont compte. D’autres marqueurs de risque tels que la présence en excès de
vraisemblablement une des explications à cette faible compliance. la Lp(a) et l’hyperlipidémie postprandiale peuvent jouer un rôle dans
L’éducation du patient sur les facteurs de risque apparaît l’athérothrombogenèse. Enfin, l’existence de facteurs de risque associés,
indispensable si l’on souhaite qu’il adhère à la prise en charge tels que le tabagisme, l’hypertension artérielle ou le diabète, aggravent
thérapeutique. Des conseils antitabac donnés de « façon intensive » considérablement le risque cardiovasculaire. Les grandes études de
permettent d’obtenir l’arrêt de l’intoxication tabagique chez 60 % préventions primaire et secondaire ont bien montré qu’un traitement
des patients, contre 28 % dans un groupe recevant des conseils adapté des dyslipidémies réduit la morbimortalité cardiovasculaire, en
« classiques » [21].
particulier coronarienne, et la mortalité globale. Les modalités de prise
en charge thérapeutique des patients hyperlipidémiques doivent tenir
Conclusion compte du type d’anomalie lipidique observé, mais aussi des autres
facteurs de risque associés. La prévention du risque vasculaire global
Les facteurs de risque de l’athérosclérose sont de mieux en mieux implique une collaboration pluridisciplinaire entre cardiologues,
identifiés. Parmi ceux-ci, les dyslipidémies jouent l’un des rôles les plus angiologues, hypertensiologues et endocrinologues.

Références ➤

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19-0110 Dyslipidémies Angéiologie

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9
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0020

19-0020

Embryologie vasculaire
L Houyel

Résumé.– Les angioblastes, précurseurs des cellules endothéliales vasculaires, apparaissent dès le 17e
jour de vie intra-utérine à partir du mésoderme de la splanchnopleure, au niveau des îlots sanguins.
Ceux-ci fusionnent pour former les vaisseaux embryonnaires (vasculogenèse). L’angiogenèse, formation
de cellules endothéliales à partir de vaisseaux déjà existants, participe ensuite au développement
vasculaire. Ces deux mécanismes sont régulés par des facteurs de croissance présents au niveau des
cellules endothéliales elles-mêmes. Le système vasculaire se développe de façon centrifuge. Les premiers
arcs aortiques apparaissent dès le 23e jour de vie intra-utérine. Les veines se développent à partir du 26e
jour de vie intra-utérine. Les lymphatiques apparaissent un peu plus tard, à la cinquième semaine du
développement embryonnaire. Le système vasculaire embryonnaire est achevé vers le deuxième mois de
vie intra-utérine.
© Elsevier, Paris.

Introduction des vaisseaux sanguins, et des cellules hématopoïétiques. Le récepteur


R3 possède la même structure que R1 et R2, est exprimé comme les
L’ensemble du système circulatoire, cœur et vaisseaux, se forme à précédents par les cellules endothéliales au stade précoce du
partir des angioblastes, dérivés des cellules mésenchymateuses de la développement, mais se restreint ensuite au domaine lymphatique [3].
splanchnopleure (mésoderme), dès le 17e jour de vie intra-utérine. Durant le développement embryonnaire, il se produit un remodelage
Les premiers précurseurs des cellules endothéliales apparaissent en considérable des capillaires déjà existants avec formation de
même temps que les cellules sanguines primitives (hémangioblastes) bifurcations et régression de certains vaisseaux. Les vaisseaux
dans des zones localisées appelées îlots sanguins. Ces îlots fusionnent embryonnaires n’ont initialement pas de lumière et sont constitués
pour former les premiers vaisseaux sanguins embryonnaires. Ce uniquement de cellules endothéliales [7]. Les gros vaisseaux acquièrent
phénomène, formation de novo des cellules endothéliales à partir du ensuite une couche musculaire lisse dérivée des cellules de la crête
mésoderme, est nommé vasculogenèse et n’existe que chez neurale cardiaque.
l’embryon [3]. L’angiogenèse, en revanche, formation de cellules Le système vasculaire, veineux et artériel, de l’organisme se constitue
endothéliales à partir de cellules endothéliales déjà existantes, existe d’abord aux extrémités des membres par les mécanismes déjà décrits.
à la fois chez l’embryon et après la naissance, pouvant être à l’origine La croissance vasculaire se poursuit de façon centripète, alors que les
de phénomènes de cicatrisation mais aussi de néovaisseaux gros vaisseaux apparaissent au niveau de l’ébauche cardiaque. Les
pathologiques (dans les tumeurs solides par exemple). Ce mécanisme artères des membres supérieurs rejoignent ainsi la septième artère
comprend la migration de cellules endothéliales à partir de vaisseaux intersegmentaire cervicale, les artères des membres inférieurs
déjà existants, par rupture de la membrane basale, vers le site de rejoignent la cinquième artère intersegmentaire lombaire.
formation de nouveaux vaisseaux, déterminée par les facteurs
angiogéniques [3]. Ces facteurs sont générés localement, dans les
myocytes et la matrice extracellulaire, tels les facteurs de croissance
se liant avec une haute affinité à l’héparine : aFGF et bFGF
Développement des arcs aortiques
(fibroblast growth factor acide et basique). Le aFGF stimule à la fois
la prolifération des cardiomyocytes (croissance ventriculaire) et FORMATION DES ARCS AORTIQUES
l’angiogenèse capillaire qui lui fait suite [4] . Sont également
Les arcs branchiaux, qui vont contribuer à la formation du cou et
importants les TGF (transforming growth factor) [7] et plus
de la face, apparaissent à la quatrième et à la cinquième semaines
récemment le VEGF (vascular endothelial growth factor), polypeptide
de vie intra-embryonnaire. Chaque arc branchial est constitué d’un
sécrété par les cellules endothéliales, et qui possède trois récepteurs
axe mésenchymateux, d’origine à la fois locale et provenant des
R1, R2 et R3. Les récepteurs R1 et R2 sont essentiels : l’absence de
cellules de la crête neurale par migration. Chaque arc branchial
R1 entraîne un défaut d’organisation des cellules endothéliales en
reçoit son nerf crânien et son artère. Ces artères, qui constituent les
vaisseaux normaux, l’absence de R2 conduit à l’absence de formation
arcs aortiques, proviennent du sac aortique et traversent le
mésenchyme des arcs branchiaux pour se terminer dans les aortes
dorsales. Ces arcs apparaissent successivement dans un ordre
© Elsevier, Paris

Lucile Houyel : Cardiopédiatre, service de chirurgie des cardiopathies congénitales (Professeur Claude
Planché), hôpital Marie-Lannelongue, 133, avenue de la Résistance, 92350 Le Plessis-Robinson, France. craniocaudal mais ne sont jamais tous présents simultanément. Il

Toute référence à cet article doit porter la mention : L Houyel. Embryologie vasculaire. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0020, 1997, 7 p.
19-0020 Embryologie vasculaire Angéiologie

apparaît ainsi six paires d’artères branchiales, correspondant aux


six arcs branchiaux. Au cours du développement ultérieur, leur 1
disposition se modifiera et certaines régresseront [6].
2
L’article de référence dans ce domaine reste celui de Congdon en
1922, qui a étudié la formation des arcs aortiques à partir
d’embryons humains [2].
Les éléments principaux à partir desquels vont se développer les
arcs aortiques sont : le sac aortique, qui fait suite au conotruncus ;
les arcs artériels, et les deux aortes dorsales. Celles-ci, sous forme
de deux structures paires, sont les premiers vaisseaux
embryonnaires, apparaissant dès la quatrième semaine de vie intra-
utérine (horizon XI). À l’horizon XIV les deux aortes dorsales se
rapprochent en raison de la croissance luminale et fusionnent sur
la ligne médiane pour former un vaisseau unique, l’aorte dorsale.
Cette fusion progresse à la fois dans le sens crânial et dans le sens 3
11
caudal, à partir du point d’origine.
Au stade du tube cardiaque, l’extrémité distale (céphalique) de
4
l’ébauche cardiaque se bifurque en deux vaisseaux symétriques, 10
les premiers arcs artériels droit et gauche, appelés aussi aortes 5
ventrales, qui sont situées en avant et de chaque côté de l’intestin
primitif et se continuent par les aortes dorsales. Les premiers arcs
artériels sont enfouis dans les arcs branchiaux, et se forment, 6 9
comme toutes les structures vasculaires de l’organisme, à partir 8
d’îlots sanguins arrangés en un réseau plexiforme, qui s’agrègent 7
pour former de petits vaisseaux sanguins dont la coalescence
forme des vaisseaux plus gros tels les arcs artériels. Le sac
aortique, situé donc entre le truncus et les premiers arcs artériels,
ne contient pas de gelée cardiaque ni de crêtes endocardiques, à
la différence du conotruncus. C’est une structure évolutive [1] qui
apparaît initialement comme un léger renflement à la jonction des
premiers arcs et du truncus. Il atteint son plus grand 1 Formation des arcs aortiques (modifié d’après [6]. 1. Artères carotides externes ;
2. artères carotide interne ; 3. artère carotide primitive ; 4. artère sous-clavière droite ;
développement lorsqu’il donne naissance aux troisième, 5. tronc artériel brachiocéphalique ; 6. septième artère segmentaire ; 7. aorte dorsale
quatrième puis sixième arcs aortiques, juste avant de se diviser oblitérée ; 8. artère pulmonaire ; 9. canal artériel ; 10. crosse aortique ; 11. canal
en aorte et artère pulmonaire. La séparation du sac aortique en carotidien.
deux parties (aortique et pulmonaire) se fait avant la fin du
« stade branchial », et commence immédiatement après
segment proximal ou antérieur deviendra la partie proximale de
l’apparition du sixième arc.
l’artère pulmonaire droite, alors que le segment postérieur ou distal
Vers le 27e jour, peu de temps après la formation du troisième arc disparaît. À gauche, la portion antérieure involue, alors que la
aortique, le premier arc aortique a involué, ne persistant que sous portion postérieure devient le canal artériel.
la forme d’une petite artère, l’artère maxillaire interne. Le
D’autres modifications vont survenir ensuite, résultant à la fois des
deuxième arc disparaît peu après, alors que le troisième arc est
changements de direction des flux sanguins dans les arcs aortiques,
bien développé et que le quatrième et le sixième arcs sont en
aboutissant à des interruptions ou à des changements de position
formation. Seules en persistent deux petites artères, les artères de
de certains segments artériels, et de la descente du cœur dans le
l’os hyoïde et de l’étrier, perdues dans les plexus de la région sous-
thorax. Ces modifications aboutiront à la disposition définitive des
pharyngée. Entre les 29e et 31e jours, les deux premiers arcs ont
gros vaisseaux et des vaisseaux du cou.
disparu, alors que les quatrième et sixième arcs sont bien
développés. Le troisième arc aortique participe à la formation des Quatre segments artériels sont le siège d’interruptions (fig 1). La
carotides primitives et de la portion proximale des carotides partie distale du sixième arc droit disparaît la première (« arc
internes. La portion distale des carotides internes dérive de la pulmonaire droit »), laissant la place aux vaisseaux pulmonaires.
partie crâniale des aortes dorsales. Le quatrième arc a des destinées De chaque côté de la ligne médiane, l’aorte dorsale s’oblitère entre
différentes à droite et à gauche. À droite, la portion distale de le troisième et le quatrième arcs. Le flux sanguin dans le troisième
l’aorte dorsale disparaît, mais le quatrième arc persiste en arc est donc dirigé exclusivement vers la région céphalique, alors
continuité avec la septième artère intersegmentaire, donnant que celui dans le quatrième arc se distribue au reste du corps [5].
naissance à la partie proximale de l’artère sous-clavière droite. À L’aorte dorsale droite s’oblitère et disparaît à sa partie caudale
gauche, le quatrième arc donne naissance à la partie de la crosse après l’origine de la septième artère intersegmentaire droite, qui
aortique définitive entre l’origine de la carotide primitive gauche deviendra l’artère sous-clavière droite. Enfin, les six premières
et le canal artériel, restant en continuité avec l’aorte dorsale gauche, artères intersegmentaires sont interrompues, et les vaisseaux
qui devient l’aorte descendante. Le cinquième arc est inconstant collatéraux qui les reliaient entre elles selon un trajet parallèle à ce
(un peu plus de 50 % des embryons selon Congdon [2]), et quand il lui de l’aorte deviennent les artères vertébrales (fig 2). Le flux dans
existe, régresse de toute façon très rapidement. Le sixième arc les artères vertébrales est maintenu à partir de la septième artère
aortique, encore appelé « arc pulmonaire », apparaît vers le milieu intersegmentaire, qui forme la partie distale de l’artère sous-
de la quatrième semaine. La portion antérieure, ou proximale, de clavière à droite, et sa totalité à gauche.
ces arcs fusionne sur la ligne médiane pour donner naissance, avec Les troisièmes arcs se repositionnent de façon à naître au niveau
le sac aortique, au tronc de l’artère pulmonaire. À droite, son de la jonction entre les quatrièmes arcs et le sac aortique.

2
Angéiologie Embryologie vasculaire 19-0020

– le troisième, entre l’origine du canal artériel et l’artère sous-


14 clavière gauche, dérivée des segments somitiques 3 à 7 de l’aorte
dorsale gauche ;

1 – la quatrième, au-dessous de l’artère sous-clavière gauche,


provenant de la fusion des deux aortes dorsales.
13 L’artère sous-clavière droite dérive de la septième artère
intersegmentaire droite, d’une portion de l’aorte dorsale droite, et
2 du quatrième arc droit. L’artère sous-clavière gauche provient de
la septième artère intersegmentaire gauche. Les carotides
12 primitives gauche et droite dérivent du troisième arc, et le tronc
artériel brachiocéphalique de l’origine des troisième et quatrième
11
3 arcs aortiques droits [1].

4 10
Développement du système veineux
5
9 L’embryon de 4 mm (horizon XII) possède trois paires de veines
6 principales (fig 3) : deux systèmes veineux à l’origine extra-
embryonnaires, les veines vitellines ou omphalomésentériques, qui
8 drainent le sang du yolk sac (vésicule vitelline ou sac vitellin) vers
le sinus venosus, et les veines ombilicales, qui prennent naissance
dans les villosités choriales et ramènent à l’embryon le sang
7 oxygéné à travers le placenta, et le système de drainage veineux
principal, les veines cardinales, qui drainent le corps de l’embryon
proprement dit [6].
2 Système des arcs aortiques embryonnaires [1]. Les arcs destinés à disparaître sont
indiqués en gris clair. 1. Deuxième arc aortique ; 2. aorte ventrale ; 3. artère pulmo-
naire droite ; 4. artère vertébrale ; 5. artère sous-clavière droite ; 6. artère mammaire VEINES VITELLINES
interne ; 7. première artère intercostale ; 8. artère intercostale supérieure ; 9. septième
artère intercostale intersegmentaire ; 10. aorte dorsale ; 11. sixième arc aortique ; 12. Ce sont les premières veines à apparaître. Elles prennent naissance
quatrième arc aortique ; 13. troisième arc aortique ; 14. premier arc aortique. dans le mésoderme de la splanchnopleure, dans la paroi de la
vésicule vitelline. Elle forment un plexus veineux autour de l’anse
intestinale primitive ou futur duodénum, puis entrent dans le
DESCENTE DU CŒUR DANS LE THORAX septum transversum avant de former, avec les veines ombilicales,
le sinus veineux primitif (fig 4, A). Les veines vitellines, structures
À un stade très précoce de l’embryogenèse, le truncus se trouve à paires à l’origine, se développent en dedans des veines ombilicales.
une distance d’environ deux segments (équivalents de deux Au niveau du septum transversum, leur trajet est interrompu par
vertèbres) en amont du premier somite. Dans le cœur définitif, les la prolifération des cordons hépatiques, conduisant à la formation
dérivés du truncus se trouvent au niveau de la cinquième vertèbre d’un important réseau veineux, les sinusoïdes intra-hépatiques (fig
thoracique, ce qui correspond à une distance de 13 vertèbres. Cette 4, B). La portion proximale de ces veines est aussi appelée canaux
migration se produit en deux phases : une phase lente (embryon hépatocardiaques. Avec l’involution de la corne gauche du sinus
2-14 mm) et une phase rapide (embryon 14-17 mm). Durant cette veineux, la veine vitelline gauche disparaît, et la circulation de la
dernière phase, le quatrième arc migre du niveau de la première moitié gauche du foie est reprise par la veine vitelline droite, qui
vertèbre cervicale au niveau des quatrième ou cinquième vertèbres
thoraciques [ 1 , 5 ] . Cette descente du cœur dans le thorax
s’accompagne de changements dans la forme des artères, 1
aboutissant à la disposition définitive des vaisseaux cervicaux.
2
L’aorte dorsale gauche est raccourcie de la longueur de quatre 12
corps vertébraux entre le sixième arc et l’artère sous-clavière, 3 11
amenant le canal artériel (résidu du sixième arc gauche) au même 10
niveau que cette dernière. L’aorte dorsale droite se retrouve étirée
et dégénère. Enfin, la portion initiale des troisième et quatrième
4
arcs droits s’allonge pour devenir le tronc artériel
brachiocéphalique et migre vers la carotide primitive gauche, se 9
situant donc au sommet de la crosse aortique. La portion ventrale 5
du quatrième arc, interposée entre le tronc artériel 8
brachiocéphalique et la jonction avec le sixième arc est largement 6
7
résorbée.
L’aorte définitive est donc formée à partir de quatre segments 3 Circulation veineuse intra- et extra-embryonnaire à la fin de la quatrième se-
embryonnaires : maine de vie intra-utérine (modifié d’après Clark EB, Van Mierop LHS. Development
of the cardiovascular system. In Moss’ Heart disease in infants, children and adoles-
– le premier, entre la valve aortique et la carotide primitive gauche, cents. Édité par Addams FH, Emmanouilides GC, Riemenschneider TA. Baltimore :
Williams and Wilkins, 1989). 1. Veine cardinale commune ; 2. veine cardinale anté-
dérivé du sac aortique ;
rieure ; 3. arcs aortiques ; 4. artère carotide interne ; 5. cœur ; 6. veine vitelline ; 7. ar-
– le second, entre la carotide primitive gauche et l’origine du canal tère vitelline ; 8. veine et artère ombilicale ; 9. chorion ; 10. villosité choriale ; 11. veine
cardinale postérieure ; 12. aorte dorsale.
artériel, dérivée du quatrième arc aortique gauche ;

3
19-0020 Embryologie vasculaire Angéiologie

6
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3 13

4 Développement des veines vitellines et ombilicales (modifié d’après [6]. 1. Sinus veineux ; 2. bourgeon hépatique ; 3. duodénum ; 4. veine ombilicale ; 5. veine vitelline ; 6.
veine cardinale ; 7. sinusoïde hépatique ; 8. canal hépatocardiaque ; 9. canal veineux d’Arantius ; 10. portion hépatique de la veine cave inférieure ; 11. veines sus-hépatiques
(vitellines) ; 12. veine porte ; 13. veine mésentérique supérieure ; 14. veine splénique.
A. Quatrième semaine.
B. Cinquième semaine.
C. Deuxième mois.
D. Troisième mois.

s’élargit progressivement pour devenir la portion sus-hépatique de VEINES OMBILICALES


la veine cave inférieure (fig 4, C) . Le plexus entourant le
duodénum fusionne pour donner naissance à la veine porte. La Les veines ombilicales, initialement paires dans les villosités
portion distale de la veine vitelline droite devient la veine choriales, fusionnent pour ne former qu’une seule veine dans le
mésentérique supérieure. La portion distale de la veine vitelline cordon ombilical, puis se dédoublent à nouveau à l’entrée dans
gauche involue (fig 4, D). l’embryon. Au début, les veines ombilicales passent de chaque côté

4
Angéiologie Embryologie vasculaire 19-0020

du foie, mais rapidement des connexions se forment avec les Initialement, l’extrémité caudale de l’embryon est drainée par deux
sinusoïdes intra-hépatiques (fig 4, B). Dès l’horizon XIII (5 mm) veines cardinales postérieures longitudinales et symétriques, en
tout le sang veineux ombilical passe à travers le foie, et les portions dehors et en arrière du mésonéphros ou corps de Wolff (deuxième
proximales des veines ombilicales, situées entre le sinus veineux et ébauche rénale). Entre la cinquième et la septième semaine du
le foie, ont disparu. Le reste de la veine ombilicale droite disparaît développement, apparaissent trois groupes de veines
également, et la majorité du sang du placenta arrive aux sinusoïdes supplémentaires : les veines sous-cardinales, les veines
hépatiques par la veine ombilicale gauche. Lorsque la corne droite sacrocardinales, et les veines supracardinales.
du sinus veineux devient dominante, une communication directe, Les veines sous-cardinales apparaissent en dedans du
créée par un élargissement des sinusoïdes hépatiques, se crée entre mésonéphros, en position paramédiane. Des anastomoses se
la veine ombilicale gauche et le canal hépatocardiaque droit (future forment alors de chaque côté entre la veine cardinale postérieure
portion sus-hépatique de la veine cave inférieure) : le ductus et la veine sous-cardinale correspondante. Avec la croissance du
venosus, ou canal veineux d’Arantius, qui permet au sang veineux mésonéphros, les veines sous-cardinales droite et gauche se
placentaire de court-circuiter le foie (fig 4 C, D) . Ce canal rapprochent et une anastomose se forme entre elles, en avant de
s’oblitérera à la naissance pour former le ligament veineux l’aorte (fig 6). Cette dernière donne naissance à la veine rénale
hépatique, et la veine ombilicale gauche s’oblitérera également gauche. La veine sous-cardinale gauche involue, à l’exception de
pour former le ligament rond. sa partie distale qui devient la veine gonadique gauche. Le sang
VEINES CARDINALES
veineux du côté gauche est donc dérivé vers la veine sous-
cardinale droite qui devient le segment pararénal de la veine cave
Principal système de drainage veineux de l’embryon, les veines inférieure, situé entre l’abouchement de la veine rénale gauche et
cardinales sont constituées par les veines cardinales antérieures ou le foie. Dans le même temps, une nouvelle anastomose veineuse,
précardinales, drainant la partie céphalique de l’embryon, et les née de la confluence des sinusoïdes intra-hépatiques, permet la
veines cardinales postérieures drainant la partie caudale de continuité du segment pararénal de la veine cave inférieure avec
l’embryon et apparaissant un peu plus tard. De chaque côté, les son segment sus-hépatique, dérivé de la veine vitelline droite, en
veines antérieure et postérieure se rejoignent pour former la veine formant le segment intra-hépatique de la veine cave inférieure. Si
cardinale commune ou canal de Cuvier, avant de pénétrer dans le l’anastomose entre les deux veines sous-cardinales ne se développe
sinus veineux juste en dehors des veines ombilicales. pas normalement, le retour veineux de la partie inférieure du corps
¶ Développement des veines cardinales antérieures ne se dirigera pas vers la portion intra-hépatique de la veine cave
inférieure mais d’autres chenaux veineux se développeront,
La partie distale des veines cardinales antérieures (droite et aboutissant à une « continuité azygos de la veine cave inférieure ».
gauche) se développe en même temps que le cerveau, donnant
Les veines sacrocardinales vont drainer le sang veineux des
naissance aux sinus veineux intracrâniens (sagittal, sigmoïde et
membres inférieurs. L’anastomose entre la veine sous-cardinale
caverneux) et aux veines jugulaires internes. Les veines jugulaires
droite et ces veines va former le segment distal de la veine cave
externes se développent beaucoup plus tardivement, à partir du
inférieure (fig 5, A). L’anastomose entre les veines sacrocardinales
plexus veineux facial. Les veines des membres supérieurs se
elles-mêmes donnera naissance à l’artère iliaque primitive gauche.
drainent initialement par l’intermédiaire d’une veine
La veine sacrocardinale gauche, en aval de cette anastomose, et
intersegmentaire dans la veine cardinale postérieure. Avec la
l’anastomose entre la veine sacrocardinale gauche et la veine sous-
descente du cœur dans le thorax, les membres supérieurs sont plus
cardinale gauche disparaissent.
haut situés et la veine intersegmentaire se draine dans la veine
cardinale antérieure ; elle persistera sous le nom de veine Après l’involution des veines cardinales postérieures (chez
sous-clavière. l’embryon de 6 semaines), les veines supracardinales se développent
Relativement tard dans la formation de l’embryon, lorsque celui-ci et reprennent leur fonction, en drainant le sang veineux des parois
mesure 20 à 22 mm de long (7 semaines de vie intra-utérine), une thoracique et lombaire du corps par l’intermédiaire des veines
anastomose se développe entre les veines cardinales antérieures, intercostales. Dans la région thoracique, les veines intersegmentaires
qui donnera naissance au tronc veineux innominé ou tronc veineux qui se drainaient dans les veines cardinales postérieures se drainent
brachiocéphalique (fig 5). La plupart du sang provenant du côté dans les veines supracardinales, et des anastomoses se développent
entre les veines supracardinales droite et gauche, passant en arrière
gauche de la tête et du cou est ainsi déviée vers la droite,
de l’aorte et en avant de la colonne vertébrale. Dans la région
conduisant à l’involution de la partie distale de la veine cardinale
lombaire, les veines supracardinales s’anastomosent avec les veines
commune gauche (sa persistance : veine cave supérieure gauche).
sous-cardinales, en amont de l’anastomose inter-sous-cardinale, et
La partie proximale de la veine cardinale commune gauche et la
avec les veines sous-cardinales.
partie proximale de la corne gauche du sinus veineux deviennent
le sinus coronaire. Entre les deux ne subsiste qu’un cordon fibreux, Du côté gauche, la veine supra-cardinale est interrompue entre les
le ligament de Marshall. La partie terminale de la veine cardinale troisième et quatrième artères intersegmentaires (fig 5, B) . Les
postérieure gauche, et une petite partie de la veine cardinale seconde et troisième veines intersegmentaires se drainent donc dans
antérieure gauche qui se jette dans le tronc veineux innominé, la veine intercostale supérieure gauche, cette dernière provenant à la
subsistent sous la forme d’un petit vaisseau, la veine intercostale fois de la veine supra-cardinale gauche, de la partie proximale de la
supérieure gauche. La veine intercostale supérieure droite se draine veine cardinale postérieure gauche, et de la partie de la veine
dans la veine azygos. La veine cave supérieure définitive est cardinale antérieure gauche située entre l’abouchement de la veine
formée par la partie proximale de la veine cardinale antérieure cardinale postérieure et du tronc veineux innominé. Les quatrième à
droite et la veine cardinale commune droite. La division entre ces septième ou huitième veines intercostales se drainent dans la veine
deux segments originels est marquée par l’abouchement de la supra-cardinale gauche, qui se draine par une anastomose
veine azygos, dont la partie proximale dérive de la partie transversale dans la veine azygos. Les huitième à onzième veines
proximale de la veine cardinale postérieure droite. intercostales se drainent dans la veine supracardinale gauche pour
former la veine hémiazygos, qui se draine aussi dans la veine azygos.
¶ Développement des veines cardinales postérieures À droite, les deuxième et troisième veines intercostales se drainent
Il est beaucoup plus complexe. dans la veine azygos par l’intermédiaire d’une veine similaire,

5
19-0020 Embryologie vasculaire Angéiologie

1
2
1

3 11

2 10

11
3
4

10

9 9
6

4
8

8
7

5 Développement de la veine cave inférieure (VCI), de la veine azygos et de la veine cave supérieure (modifié d’après [6]).
A. À la septième semaine. 1. Anastomose des veines cardinales antérieures ; 2. veine cardinale antérieure ; 3. veine cardinale commune ; 4. veine cardinale postérieure ;
5. veine sous-cardinale ; 6. segment pararénal de la veine cave inférieure ; 7. veine sacrocardinale ; 8. veine gonadique gauche ; 9. veine rénale gauche ; 10. segment hé-
patique de la veine cave inférieure ; 11. veine supracardinale.
B. À terme 1. Tronc brachiocéphalique veineux gauche ; 2. veine cave supérieure ; 3. veine azygos ; 4. segment hépatique de la VCI ; 5. segment pararénal de la VCI ; 6.
segment sacrocardinal de la VCI ; 7. veine iliaque primitive gauche ; 8. veine spermatique gauche ; 9. veine hémiazygos ; 10. sinus coronaire ; 11. veine intercostale su-
périeure gauche.

intercostale supérieure droite. Les quatrième à onzième veines de développement [6]. L’origine des vaisseaux lymphatiques est
intercostales droites se drainent dans la veine supracardinale droite encore controversée : naissance à partir du mésenchyme
qui, avec la partie proximale de la veine cardinale postérieure, périveineux, ou à partir d’évaginations sacculaires de
forme la veine azygos. l’endothélium veineux [1, 6] . Ils forment initialement six sacs
lymphatiques, deux jugulaires à la jonction des veines sous-
Développement clavière et cardinale antérieure, deux iliaques à la jonction des
veines iliaque et cardinale postérieure, et deux à la racine du
du système lymphatique mésentère (sac rétropéritonéal ou mésentérique, et citerne
Le système lymphatique se développe en relation étroite avec le lymphatique). Les vaisseaux lymphatiques se développent et
système veineux [1], mais plus tardivement, à la cinquième semaine drainent la lymphe des membres, de la paroi thoracoabdominale,

6
Angéiologie Embryologie vasculaire 19-0020

1 2 8

12

3 9

4
10 17
5

6
16
11

15
13
7

14

6 Développement de la veine cave inférieure, de la veine azygos et de la veine cave supérieure (modifié d’après Dupuis C, Kachaner J, Freedom RM, Payot M, Davignon A.
Cardiologie pédiatrique. Paris : Flammarion Médecine Sciences (2e édition), 1991 : 124-136). 1. Veine cardinale commune ; 2. veines cardinales antérieures ; 3. veine ombi-
licale ; 4. veine vitelline ; 5. veine sous-cardinale ; 6. veine cardinale postérieure ; 7. mésonéphros ; 8. sinus veineux ; 9. veines supracardinales ; 10. anastomose de la veine
sous-cardinale et vitelline ; 11. anastomose de la veine sous-cardinale ; 12. anastomose entre les veines cardinales antérieures ; 13. segment rénal de la veine cave inférieure ;
14. veines sacrocardinales ; 15. veine gonadique gauche ; 16. veine rénale gauche ; 17. segment hépatique de la veine cave inférieure.
A. À la quatrième semaine.
B. À la sixième semaine.

de la tête et du cou, à travers les canaux lymphatiques thoraciques Les veines pulmonaires se développent en même temps que les
droit et gauche, jusque dans les lacs et la grande citerne. Le canal artères, au contact de la paroi de l’oreillette gauche à laquelle elles
thoracique définitif se développe ensuite. seront plus tard incorporées.

Développement Références
des la circulation pulmonaire
[1] Colvin EV. Cardiac embryology. In : Garson A, Bricker JT, McNamara DG eds. The science
and practice of pediatric cardiology. Philadelphia : Lea and Febiger, 1990
De la même façon que les autres vaisseaux de l’organisme, le [2] Congdon. Transformation of the aortic arch system during the development of the human
plexus capillaire pulmonaire apparaît chez l’embryon de 6 mm embryo. Contrib Embryol 1922 ; 14 : 47-110
[3] Eichmann A. Développement des arcs aortiques et du cono-truncus. Le rôle de la crête
sous forme d’angioblastes et d’îlots sanguins confluents en avant neurale et du mésoderme. In : Séminaire sur le développement normal et pathologique du
de l’aorte, autour du pharynx et de la trachée, en deux chaînes cœur. Association française de tératologie. Fondation Royaumont, Asnières-sur-Oise,
17-18 octobre 1996
angioblastiques. Ces vaisseaux primitifs se canalisent ensuite [4] Engelmann GL, Dionne CA, Jaye MC. Acidic fibroblast growth factor and heart develop-
(embryon de 7 mm) pour former le composant post-branchial des ment. Role in myocyte proliferation and capillary angiogenesis. Circ Res 1993 ; 72 : 7-19
artères pulmonaires [1], qui se connectera ensuite au sixième arc [5] Goor DA, Lillehei CW. Congenital malformations of the heart. Embryology, anatomy, and
operative considerations. New York : Grune and Stratton, 1975
aortique, formant les artères pulmonaires définitives. Les vaisseaux [6] Langman J, Sadler TW. Embryologie médicale. Paris : Pradel, 1996
bronchiques se développent plus tardivement (20 à 32 semaines). [7] Zetter BR. Angiogenesis: state of the art. Chest 1988 ; 93 (suppl) : 159S-166S

7
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0640

19-0640

Stratégie de la conduite des examens


chez le patient polyvasculaire
JN Fabiani
É Chemla

Résumé.– L’athérosclérose est une maladie ubiquitaire, et il est assez fréquent, lorsque l’on consulte
pour un symptôme provenant d’un territoire artériel, que d’autres soient touchés de façon
asymptomatique. On estime ainsi que 50 à 70 % des décès tardifs après une chirurgie carotidienne sont
dus à une atteinte coronarienne peut-être passée inaperçue au moment de la consultation. On sait, par
ailleurs, que ces mêmes patients sont porteurs, dans 11 % des cas, d’un anévrisme de l’aorte
abdominale, dont la fréquence est estimée à environ 2 % des cas dans la population générale, lorsque
celle-ci est sélectionnée sans critère particulier. Il est donc important de bien connaître la fréquence des
associations lésionnelles de la pathologie vasculaire, afin de déterminer au mieux le choix des différents
examens utiles au diagnostic.
© Elsevier, Paris.

Introduction a une corrélation directe entre le taux de cholestérol sanguin total,


les pressions artérielles systolique et diastolique, ainsi que le fait
La motivation d’une consultation en chirurgie vasculaire est dans la d’être un individu de sexe masculin et le risque d’atteinte
plupart des cas un symptôme dont l’origine est un ou plusieurs coronarienne [23, 32, 33, 35, 37, 42, 43, 44, 46]. Dans un cas, on a pu montrer
territoires artériels. Quelle que soit la cause de ce symptôme : la relation entre athérosclérose coronarienne et acide urique [43]. Les
athérosclérose ou maladie inflammatoire, il n’est pas rare que d’autres autres facteurs de risques restent sujets à controverse quant à leurs
territoires artériels soient intéressés de façon asymptomatique et le corrélation avec l’atteinte coronarienne. Cacoub et Godeau [7]
rôle du chirurgien sera de faire le bilan d’extension exacte de la rapportent, dans une revue de la littérature traitant des facteurs de
maladie afin de ne pas passer à côté d’une lésion sévère mais risque d’oblitération aorto-iliaque, le nombre d’études trouvant une
cliniquement muette. Il est donc important de bien connaître les différence significative sur le nombre total d’études réalisées sur la
différentes localisations de la maladie sous-jacente, afin de prescrire corrélation des facteurs de risque et des localisations de la maladie
de façon judicieuse tant sur la plan clinique qu’économique les athéroscléreuse. Ces auteurs déclarent comme étant les principaux
différent examens complémentaires permettant un « état des lieux facteurs de risque d’atteinte coronarienne : les dyslipidémies,
vasculaire » du patient. l’hypertension artérielle (HTA), le tabac et le diabète. Fabiani [13],
Nous nous appliquerons ici à traiter l’épidémiologie des différentes quant à lui, ajoute à cette liste : le stress, l’hérédité, le sexe
atteintes vasculaires liées à l’athérosclérose, ainsi que le rôle des masculin, le niveau d’exercice physique. Chacun s’accorde
différents facteurs de risque sur la localisation des lésions. Enfin nous cependant à dire que la chance de mourir d’atteinte coronarienne
tenterons de proposer une conduite à tenir simple, en fonction du est plus liée au nombre d’artères atteintes qu’au nombre de
motif de consultation, afin de proposer le bilan d’extension le plus facteurs de risque, et que les autres localisations de la maladie
logique sur le plan clinique, épidémiologique et donc économique. athéroscléreuse sont plus fréquentes chez un patient ayant des
coronaires atteintes [44].

Facteurs de risque AORTE THORACIQUE ET ABDOMINALE

L’athérosclérose touche plus fréquemment l’aorte abdominale que


LÉSIONS CORONARIENNES l’aorte thoracique [46], et plus l’âge augmente plus les lésions sont
Les nombreuses études autopsiques réalisées sur le sujet dans les graves. Les facteurs de risque corrélés avec l’atteinte aortique sont
années 1970 ont permis de montrer que : le taux de HDL (high superposables à ceux corrélés avec l’atteinte des coronaires, à cela
density lipoprotein) cholestérol est inversement proportionnel au près que le ratio hommes / femmes dans les atteintes aortiques est
risque de sténose coronarienne alors que le taux de LDL (low inférieur à celui des atteintes coronariennes.
density lipoprotein) cholestérol est directement proportionnel. Il y
CAROTIDES

Jean-Noël Fabiani : Professeur des Universités, chirurgien des Hôpitaux. En cas d’atteinte carotidienne, le danger est de développer un
Éric Chemla : Interne des hôpitaux de Paris. accident vasculaire cérébral (AVC) dont le risque est strictement
© Elsevier, Paris

Service de chirurgie cardiovasculaire, unité de chirurgie vasculaire, hôpital Broussais, 96, rue Didot,
75014 Paris, France. proportionnel à la pression artérielle [25]. Les facteurs de risque

Toute référence à cet article doit porter la mention : JN Fabiani et É Chemla. Stratégie de la conduite des examens chez le patient polyvasculaire. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0640, 1998, 7 p.
19-0640 Stratégie de la conduite des examens chez le patient polyvasculaire Angéiologie

corrélés à l’atteinte carotidienne (surtout la carotide interne) ont Quelle est l’attitude à prôner devant une atteinte coronarienne, en
été étudiés, et la différence a été faite entre sténose et occlusion vue de dépister une éventuelle localisation carotidienne ? Il faut
carotidienne. Le tabac, les antécédents familiaux d’AVC, l’obésité, savoir si le chirurgien doit uniquement évaluer le risque
l’HTA, le diabète ainsi que le cholestérol sanguin total et la préopératoire chez un malade nécessitant un geste sur les artères
triglycéridémie sont les plus corrélés au risque de sténose de la coronaires, ou s’il se doit de rechercher à tout prix une autre
carotide interne. Le risque d’occlusion, quant à lui, est plus corrélé localisation de l’athérosclérose. Becker rapporte huit études
au tabac et au diabète [12]. Les degrés de liaisons épidémiologiques totalisant 10 421 malades ayant eu une circulation extracorporelle
entre les différents facteurs de risque et la localisation de (CEC) pour chirurgie coronarienne où les taux d’accident
l’athérosclérose ont été comparés [5], et l’on remarque que le diabète ischémique transitoire (AIT) ou d’AVC variaient de 0,51 à 5,61 % [2].
est le facteur dont le risque est le mieux corrélé avec l’atteinte Une chirurgie combinée carotide-coronaire est envisageable sans
carotidienne, alors que l’HTA est plus corrélée avec l’atteinte que la morbidité ou la mortalité soit considérablement
coronarienne. augmentée [50]. Il semble qu’il faille donc, du fait des contraintes
économiques de la médecine moderne, sélectionner au mieux les
ARTÈRES DES MEMBRES INFÉRIEURS
patients coronariens à qui il faudra effectuer une exploration
carotidienne. Ainsi Hertzer et son équipe définissent les critères de
Cacoub et Godeau rapportent que le tabac, l’âge et l’HTA sont les sélection suivants : âge supérieur à 50 ans, existence de souffle
plus corrélés au risque d’oblitération aorto-iliaque chronique cervical, et / ou antécédent(s) neurologique(s) focaux [22]. Salasidis
d’origine athéromateuse [7]. L’étude de Framingham a évalué, de a étudié, sur une population de 387 patients devant avoir une
façon prospective en suivant 5 209 patients, la liaison revascularisation coronarienne non urgente, la fréquence d’une
épidémiologique du diabète, de l’HTA, du cholestérol sanguin total atteinte carotidienne sévère. Une échographie doppler
et du tabagisme sur l’incidence de l’angor, de l’artérite des systématique a montré que 8,5 % de ces patients présentaient une
membres inférieurs et des AVC. Cette étude a conclu que ces quatre sténose de la carotide interne supérieure à 80 %. Cette étude
facteurs de risque étaient très fortement corrélés aux trois maladies, sélectionne une population à haut risque chez qui il faut proposer
avec une nette prédominance pour les AVC et l’artérite des une échographie doppler des troncs supra-aortiques avant une
membres inférieurs, alors que pour l’atteinte coronarienne l’HTA revascularisation coronarienne : âge supérieur à 60 ans, présence
et le cholestérol sanguin total présentaient une corrélation plus d’une artériopathie oblitérante des membres inférieurs, antécédent
forte [19]. d’endartériectomie carotidienne [38]. Les critères de ces deux études
sont concordants et montrent que : l’âge, le symptôme ou les
antécédents neurologiques, ainsi qu’une autre localisation de
Associations lésionnelles l’athérosclérose constituent des facteurs de forte probabilité
d’atteinte carotidienne associée à l’atteinte coronarienne. L’examen
L’athérosclérose touche tous les territoires artériels, et lorsqu’un à prescrire sera, alors, une échographie doppler des troncs supra-
territoire est atteint de façon symptomatique d’autres peuvent l’être aortiques, suivie d’une artériographie si l’on envisage un geste sur
de façon asymptomatique. les carotides.

¶ Association aux lésions aortiques


EN CAS DE LÉSIONS CORONARIENNES Dans une étude portant sur 1 735 patients ayant bénéficié d’un
L’athérosclérose des autres gros troncs artériels est pontage coronarien, 8,8 % étaient atteints d’athérosclérose de
significativement augmentée par rapport à une population témoin l’aorte ascendante, mais seulement 2 % d’entre eux présentaient
indemne d’atteinte coronarienne [17]. Il est cependant nécessaire de une atteinte sévère [31]. L’association de lésions coronariennes à un
passer en revue, un à un, les différents territoires artériels. anévrisme de l’aorte abdominale semble plus fréquente puisque
Gallimard [17] rapporte, dans sa série de malades coronariens, que
20 % d’entre eux présentaient une dilatation de l’aorte abdominale
¶ Association avec les carotides
alors que 7,5 % seulement des sujets témoins en étaient atteints, ce
Les travaux réalisés sur l’association « carotides-coronaires » dernier chiffre se rapprochant de celui du risque d’anévrisme de
montrent que les deux sites d’athérosclérose évoluent de façon l’aorte abdominale dans la population générale estimé entre 1,8 et
différentes. Il semble que l’athérosclérose coronarienne apparaisse 6,6 %.
en moyenne 20 ans avant l’athérosclérose cervicocéphalique. Ainsi, La fréquence des anévrismes de l’aorte abdominale chez le
de nombreux travaux ont conclu [18, 30] que s’il était normal de coronarien est plus élevée que dans la population générale.
trouver des lésions coronariennes chez un patient ayant des lésions Cependant, il n’est pas licite d’effectuer une échographie
carotidiennes, l’inverse n’était pas forcément vrai. Cependant abdominale chez tous les patients coronariens. Il faut sélectionner
Becker rapporte dans la revue d’une vingtaine d’études totalisant une population à haut risque. Il a été prouvé, dans une population
plus de 36 000 patients [2] qu’en cas d’atteinte coronarienne, des de sujets masculins tabagiques d’âge supérieur à 60 ans, ayant un
lésions carotidiennes supérieures à 50 % étaient retrouvées (par des antécédent d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs ou
tests non invasifs) dans une fréquence variant de 2 à 39 % des cas. une atteinte carotidienne, que le surcoût entraîné par une
Des lésions carotidiennes inférieures à 70 % étaient retrouvées dans échographie abdominale à la recherche d’un anévrisme de l’aorte
2,8 à 8,7 % des cas, les chiffres extrêmes étant les résultats rapportés abdominale était négligeable en comparaison du bénéfice obtenu
par Hertzer et Faggioli [14, 22]. Gallimard, quant à lui, rapporte des en terme de santé publique [52]. C’est à cette population, lorsqu’elle
résultats beaucoup plus importants mais sur une série plus petite viendra consulter pour un problème coronarien, qu’il faudra
(50 malades coronariens comparés à 40 malades témoins). Il montre proposer une échographie abdominale à la recherche d’un
en effet que 70 % des malades présentaient des lésions anévrisme de l’aorte.
carotidiennes, dont 10 % étaient sévères [17]. Il semble cependant
que la lecture de toutes ces études montre que plus la série compte ¶ Association à l’artérite des membres inférieurs
un grand nombre de malades, plus le pourcentage de patients On a vu (cf supra) que les facteurs de risque d’artérite des
présentant une atteinte carotidienne diminue. membres inférieurs ne sont pas forcément les mêmes que ceux qui

2
Angéiologie Stratégie de la conduite des examens chez le patient polyvasculaire 19-0640

prédisposent aux atteintes coronariennes, cependant il semble que


le malade coronarien ait plus de risque que le malade témoin d’être Suivie
(%)
atteint d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs.
Gallimard rapporte, dans sa série comparant des malades 100

coronariens à des malades témoins, que 58 % des coronariens


90
présentaient une atteinte des membre inférieurs dont 16 % sévère,
alors que 12,5 % des témoins étaient touchés sans aucune atteinte 80
sévère [17].
Ces résultats permettent de mieux appréhender le fait que la 70

maladie coronarienne n’est qu’un manifestation locale d’une


60
maladie générale. Le médecin et / ou le chirurgien vasculaire ne
doivent pas ignorer les différentes associations, afin de faire le 50
diagnostic le plus complet possible. Enfin, il semble, à la lecture de
ces différentes études, qu’outre l’interrogatoire et l’examen 40

clinique, l’échographie doppler soit l’examen le mieux adapté au


30
bilan d’extension vasculaire de la maladie coronarienne.
30 J 3 M 6 M 1 A 2 A 3 A 4 A 5 A 6 A 8 A 10 A 12 A 15 A

1 Comparaison des courbes d’indemnité d’accident vasculaire cérébral (AVC) et de


EN CAS DE LÉSIONS CAROTIDIENNES survie sans AVC dans une population ayant eu une endartériectomie. La zone hachu-
rée représente la mortalité non liée aux AVC ; J : jours ; M : mois ; A : ans ; en poin-
L’association lésions carotidienne-autres territoires artériels a été tillés, indemnité d’AVC ; en trait plein, survie sans AVC.
très largement étudiée sur le plan épidémiologique, notamment
l’association carotides-coronaires.
L’atteinte carotidienne ne représente pas un risque chirurgical
Antécédent coronarien Pas d'antécédent
majeur. Les interventions sur la carotide, que certaines équipes coronarien
réalisent sous anesthésie locorégionale, sont souvent des
procédures courtes sans grand retentissement sur les grandes
fonctions du patient. Ainsi, en cas d’atteinte carotidienne, de
Présence de Pas de facteur
nombreuses équipes réalisent un bilan d’extension minimal surtout facteurs de risque de risque
à la recherche de lésions coronariennes qui peuvent venir grever le
pronostic. Le groupe ARCHIV, au cours d’une étude ayant porté
sur 648 malades et 710 interventions sur les carotides, a montré
que : l’âge, le sexe, les antécédents cardiaques ou le diabète n’ont
Évaluation périopératoire
pas augmenté de façon significative la morbidité ou la mortalité Suivi et exploration
préopératoire si le risque Pas d'évaluation
précoce. Pour ce groupe, seul des facteurs locaux ou l’HTA est extrême cardiaque à distance cardiaque
interviennent dans le risque opératoire [24].
2 Algorithme de l’évaluation cardiaque chez le patient ayant une sténose
¶ Association à une atteinte coronarienne carotidienne.

On sait que l’incidence de l’atteinte coronarienne chez les malades sous-groupe IIb. Cette étude a, par ailleurs, montré que chez les
adressés pour le traitement chirurgical d’une atteinte carotidienne patients ayant une maladie coronarienne avérée, en plus d’une
est très élevée [9]. L’espérance de vie à long terme de ces malades atteinte carotidienne, le traitement interventionniste des lésions
est fortement grevée en cas d’atteinte coronarienne, puisque coronariennes (chirurgie ou angioplastie) ramenait l’espérance de
l’infarctus du myocarde est responsable de 50 à 70 % des décès vie de cette population à haut risque à celle des patient atteints
tardifs [9, 16, 28]. Par ailleurs, si l’endartériectomie carotidienne d’une sténose carotidienne sans atteinte coronarienne et sans
diminue considérablement le risque de survenue d’AVC, la facteur de risque. Mackey a donc proposé un algorithme
mortalité à long terme de ces patients demeure élevée et est d’évaluation de l’atteinte coronarienne chez les patients devant être
principalement due à des événements sans rapport avec l’atteinte opérés d’une lésion carotidienne (fig 2). L’évaluation se fera par
carotidienne (fig 1). Newman [34], en 1988, relevait au cours d’une un test d’effort qui, s’il est positif, sera complété par une
revue de la littérature 41 études ayant portées sur le sujet. Il montre coronarographie.
qu’environ 50 % des malades ayant des lésions carotidiennes à
opérer présentaient des lésions coronariennes symptomatiques.
¶ Association à un anévrisme de l’aorte abdominale
Dans une récente étude, Mackey [29] a identifié la population à
risque coronarien dans une cohorte de 614 patients devant être L’incidence des anévrismes de l’aorte abdominale, chez les patients
opéré d’une sténose carotidienne. La population a été divisée en présentant une sténose significative d’une ou des carotides, semble
deux groupes et la survie a été étudiée à 30 jours, 5 ans, 10 ans et être supérieure à celle retrouvée dans la population générale
15 ans. Le groupe I regroupait les patients avec des antécédents lorsque celle-ci n’est pas sélectionnée selon des critères particuliers.
coronariens et le groupe II celui sans antécédent, on distinguait On estime la fréquence des anévrismes de l’aorte abdominale, chez
dans ce dernier groupe : le sous-groupe IIa, patients avec des les patients ayant une atteinte carotidienne à 11 %, alors qu’elle
facteurs de risque et le sous-groupe IIb, patients sans facteur de serait de 1 à 2 % dans la population générale tout-venant [6, 8]. Les
risque. La survie à 30 jours était identique dans les deux groupes. études réalisées sur l’association carotides-anévrisme de l’aorte
Ce n’est qu’au bout de 3 ans d’évolution que les différences abdominale montrent qu’il est intéressant, tant sur le plan
apparaissaient : La survie dans le groupe I était inférieure à celle épidémiologique que sur le plan économique (faible surcoût), de
du groupe II et la principale cause de surmortalité était d’origine rechercher un anévrisme de l’aorte abdominale dans le bilan d’une
cardiaque. La différence de mortalité dans les sous-groupes IIa et sténose carotidienne, soit au cours de l’échographie soit au cours
IIb n’apparaissait qu’au bout de 5 ans d’évolution, en faveur du de l’artériographie préopératoire [8, 41]. Par ailleurs, les analyses

3
19-0640 Stratégie de la conduite des examens chez le patient polyvasculaire Angéiologie

La stratégie de quantification du risque cardiaque avant chirurgie


Suivie de l’aorte a trois intérêts :
(%)
100 – identifier les patients chez qui le risque cardiaque est trop élevé
pour envisager une chirurgie aortique ;
80
Survie attendue
– identifier et traiter une atteinte coronarienne avant une chirurgie
de l’aorte afin de faire diminuer le risque de cette dernière ;
60 – identifier les patients chez qui un monitorage cardiaque intensif
Survie
observée sera bénéfique en peropératoire de la chirurgie aortique.
40 La prescription d’examens à visée diagnostique ne se discute donc
pas, cependant il faut choisir l’examen avec les meilleures valeurs
20
prédictives et de spécificité, tout en restant économiquement
crédible. Baron et al [1], dans leur étude portant sur 457 patients
chez qui on effectuait préalablement à la chirurgie aortique une
0
0 2 4 6 8 10 12 14 scintigraphie thalium-persantine, concluent à la non-justification de
Années après le diagnostic
d'anévrisme de l'aorte abdominale.
cet examen, du fait de mauvaises spécificités et valeurs prédictives
positives. Notre attitude, pendant 10 ans à Broussais, a été
3 Courbe de survie de 296 patients porteurs d’un anévrisme de l’aorte abdominale d’adopter le schéma suivant :
(en noir), comparée à la courbe de survie d’une cohorte équivalente de la population
générale (en bleu). – le patient a des antécédents d’angor avéré ou a des stigmates
d’une nécrose ancienne sur son électrocardiogramme (ECG),
mettent en évidence une corrélation étroite entre la sévérité du
parfois passée inaperçue, la coronarographie est alors toujours
degré de la sténose carotidienne et le risque d’anévrisme de l’aorte
demandée ;
abdominale. La sélection des patients, chez qui il faudra rechercher
un anévrisme de l’aorte, se fait alors d’autant plus facilement que – le patient est totalement asymptomatique, le but est d’éliminer
les risques épidémiologiques propres aux anévrismes sont connus : une lésion coronaire dont la décompensation périopératoire fait
population masculine d’âge supérieur à 60 ans atteinte des facteurs courir un danger d’infarctus ou de mort (tronc commun, sténose
de risque classiques de l’athérosclérose. de l’artère interventriculaire antérieure (IVA) proximale, atteinte
tritronculaire). On se dirige alors vers les examens non invasifs,
EN CAS D’ANÉVRISME DE L’AORTE ABDOMINALE couplés si possible, à des manœuvres d’efforts. Ce n’est qu’en cas
de positivité de ces derniers que l’on demandera une
¶ Association à une atteinte coronarienne
coronarographie (fig 4A).
Il est maintenant clairement établit que la fréquence des Malheureusement les épreuves d’efforts ne sont pas à la hauteur
anévrismes de l’aorte abdominale est en nette augmentation dans de la fiabilité nécessaire :
la population générale. Elle est estimée entre 1 et 2 %, et peut aller
jusqu’à 5 % lorsque la population est sélectionnée en fonction des – l’ECG d’effort est sans doute le plus fiable de ces examens, mais
facteurs de risque ou des autres localisations de l’athérome [4, 40]. est souvent non contributif, voire impossible chez un malade
Chez les patients atteints d’un anévrisme de l’aorte abdominale, claudicant ;
l’espérance de vie est diminuée par rapport à une cohorte – la scintigraphie ne s’est pas révélée valable pour les atteintes
comparable de la population générale [4] (fig 3). Le traitement de coronaires latentes [1] ;
référence est la mise à plat greffe pour les anévrismes dont le
– l’échographie de stress à la dobutamine n’est pas encore
diamètre est supérieur ou égal à 5 cm. La mortalité de cette
complètement validée, et n’est pas un examen totalement anodin.
intervention, en dehors de l’urgence, varie entre 2 et 5 %. Le
problème majeur est la morbi-mortalité cardiaque qui est Cette attitude n’étant pas parfaite, nous avons été conduits a
responsable de 70 % des décès périopératoire et de 40 à 50 % des réviser notre position et à proposer une nouvelle stratégie chez les
décès tardifs [15, 20, 45]. La fréquence de l’atteinte coronarienne en cas patients atteints d’anévrismes de l’aorte abdominale et
d’anévrisme de l’aorte abdominale est diversement apprécié par d’artériopathie oblitérante des membres inférieurs nécessitant un
les auteurs. Hertzer, dans une étude où était réalisée geste de revascularisation. La coronarographie est proposée dans
systématiquement une coronarographie préalable à une chirurgie le même temps que l’opacification de l’aorte et / ou des membres
vasculaire, rapportait que 36 % des patients ayant un anévrisme inférieurs :
de l’aorte abdominale avait une atteinte coronarienne sévère, et que – il n’y pas d’atteinte coronaire significative : le problème est alors
seul 17 % de ces patients avait une symptomatologie résolu ;
coronarienne [21]. Tomatis [48], dans le même genre d’étude, mais sur – l’atteinte est tritronculaire, touche le tronc commun ou l’origine
une série de 100 patients, rapportait le chiffre de 47 %. Récemment, de l’IVA : la revascularisation s’impose et sera souvent le premier
Valentine [49] a mis en évidence le risque d’atteinte coronarienne, temps du programme de traitement ;
lorsque la sténose d’une ou des deux artères rénales était
méconnue chez des patients atteints d’un anévrisme de l’aorte – Il existe une atteinte mono- ou bitronculaire : il faudra, alors,
abdominale. Trois cent quarante-six aortographies ont été revues, faire la preuve de l’ischémie et les épreuves d’efforts évaluant l’état
et l’on a retrouvé 28 % de sténoses supérieures à 50 % d’une ou de la réserve myocardique prennent toute leur place
des deux artères rénales qui étaient passées inaperçues. Chez ces (scintigraphie). Au terme de ce bilan, soit un traitement médical,
patients, on comptait 58 % d’atteintes coronariennes sévères, alors soit une revascularisation (chirurgicale ou par angioplastie) sera
que seul 39 % des patients indemnes de sténose de l’artère rénale indiqué (fig 4B).
avaient des lésions coronariennes. L’analyse de régression
¶ Association avec une artérite des membres inférieurs
logistique a permis de corréler, à une forte probabilité d’atteinte
coronarienne, trois variables : l’anévrisme de l’aorte abdominale, Cette association est extrêmement fréquente (surtout si l’anévrisme
la sténose de l’artère rénale et l’HTA. est aorto-iliaque), environ 85 % des cas [10, 11, 47] , et justifie

4
Angéiologie Stratégie de la conduite des examens chez le patient polyvasculaire 19-0640

Population > à 55 ans


Clinique + Clinique +
ECG + ECG -
Asymptomatique Ischémie
IPS < 0,9 critique
10 % 1%
Claudication intermittente
Coronarographie Scintigraphie Épreuve d'effort

5%

Autre événement
vasculaire Morbité cardiovasculaire
Mortalité totale
Si + : coronarographie si - Stop
A Amputation Majoration de
majeure la claudication IDM, AVC Mortalité
4% 16 % 20 % à 5 ans
Coronarographie = lésions 30 %

Pontage distal
7%
Origine cardiovasculaire Autre
Angioplastie Lésions intermédiaires Pas de lésion 75 % 25 %
ou chirurgie
Amputation majeure Revascularisation
20 % répétée
26 %

Épreuves recherchant l'ischémie 5 Épidémiologie et devenir d’un échantillon de la population générale âgée de plus
de 55 ans.
IPS : index de pression systolique. IDM : infarctus du myocarde. AVC : accident vas-
culaire cérébral.

Épreuves appréciant la viabilité myocardique EN CAS D’ARTÉRITE DES MEMBRES INFÉRIEURS (fig 6)

L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs a récemment fait


l’objet d’une conférence de consensus de l’American Heart
Association (AHA) [51]. Ce travail, reposant sur l’analyse critique
Angioplastie ou chirurgie Traitement médical de 294 références de la littérature, insiste sur le fait que l’artérite
B n’est qu’une manifestation locale d’une maladie générale. Ainsi,
l’épidémiologie et le devenir d’une population âgée de plus de 55
4 A. Stratégie de l’évaluation cardiaque d’un patient porteur d’un anévrisme de
l’aorte abdominale (ECG : électrocardiogramme). ans a été précisée dans cette étude (fig 5).
B. Stratégie diagnostique après la coronarographie, dans le bilan préopératoire
d’un anévrysme de l’aorte abdominale ou d’une artériopathie oblitérante des ¶ Association avec une atteinte coronarienne (fig 6A)
membres inférieurs.
C’est, encore une fois, la relation la plus importante à rechercher,
car elle représente le risque le plus élevé de mortalité précoce et
tardive en cas de chirurgie de l’artérite [36]. Les études qui ont
cherché systématiquement une atteinte coronarienne chez les
systématiquement un doppler des axes vasculaires des membres patients artéritiques tout-venant, symptomatique ou
inférieurs. En cas de positivité de celui-ci, une opacification des asymptomatique sur le plan coronarien, montrent qu’entre 10 et
membres inférieurs se fera dans le même temps que l’aortographie. 34 % de ces patients présentent une atteinte significative d’une ou
En effet, il n’est pas rare de trouver des anévrismes aorto-iliaques, plusieurs artères coronaires. Ces résultats sont assez épars, car les
à très haut potentiel emboligène et nécessitant, en association avec méthodes de dépistage des atteintes coronariennes sont différentes
la cure de l’anévrisme, un geste sur les artères iliaques. à chaque fois : épreuve d’effort ou scintigraphie au thallium-
persantine. Dans une autre étude on a effectué des
¶ Association avec une atteinte carotidienne coronarographies systématiques à tous les patients entrant pour
une artérite des membres inférieurs. Cette étude a montré que 28 %
Une atteinte carotidienne sera systématiquement recherchée par un des artéritiques présentaient une ou plusieurs atteintes
doppler des troncs supra-aortiques dans le bilan préopératoire des coronarienne [ 3 ] . Ces auteurs ont montré que, lorsque la
anévrismes de l’aorte abdominale. coronarographie était demandée alors qu’il n’y avait aucune
L’anévrisme de l’aorte abdominale est une atteinte assez tardive suspicion clinique d’atteinte coronarienne, seuls 14 % de ces
dans la pathogénie de l’athérosclérose. Il s’associe donc très coronarographies étaient normales, alors que 4 % de ces
fréquemment avec l’atteinte des autres territoires ; de plus, la coronarographies étaient normales lorsque les patients étaient
chirurgie des anévrismes de l’aorte abdominale comporte des symptomatiques [3]. Plusieurs auteurs ont, par ailleurs, démontré
risques assez importants nécessitant la recherche systématique que la morbidité et la mortalité cardiaque dans le suivi des patients
d’autres localisations de l’athérosclérose. L’association anévrisme- opérés de chirurgie infra-inguinale pour ischémie critique, était très
autres localisations ne pose donc que peu de problème sur le plan supérieure à celle observée en cas de chirurgie aortique ou
épidémiologique. carotidienne. Cela étant dû au fait que, chez les patients atteints

5
19-0640 Stratégie de la conduite des examens chez le patient polyvasculaire Angéiologie

4 1

3 3
1

3 1 2

2 2

A B C
6 Associations lésionnelles.
A. Risques d’atteintes périphériques chez un patient consultant pour une pathologie coronaire. 1. Lésions coronaires ; 2. artérite (16 %) ; 3. dilatation aortoabdominale
(20 %) ; carotides (4 à 8 %).
B. Risque d’associations lésionnelles chez un patient consultant pour un anévrisme aortoabdominal. 1. Anévrisme aortoabdominal ; 2. artérite (85 %) ; 3. coronaires (36-
58 %).
C. Risque de lésions associées chez un patient consultant pour une pathologie carotidienne. 1. Lésions carotidiennes ; 2. anévrisme aortoabdominal (11 %) ; 3. coronaires
(50 %).

d’ischémie critique, la moyenne d’âge et l’incidence des facteurs à 10 % d’intervention carotidienne dans une étude portant sur des
de risque (surtout le diabète) sont supérieures à celles observées malades ayant les lésions obstructives aorto-iliaques chroniques [26].
dans les autres atteintes vasculaires [27, 28]. L’attitude en vigueur à Cependant, il faut noter que dans la plupart des cas les malades
l’hôpital Broussais a été déjà décrite (cf supra). avaient des antécédents d’AIT ou d’AVC. Il semble, encore une
fois, qu’il faille privilégier le dépistage clinique et le recueil des
¶ Association à un anévrisme de l’aorte abdominale antécédents carotidiens avant de proposer un doppler des troncs
(fig 6B) supra-aortiques.
Si l’association anévrisme-artérite est très fréquente (85 % des cas),
l’association artérite-anévrisme l’est bien moins, puisqu’elle est
estimée à environ 6 % des cas [39]. Il ne semble donc pas licite de
proposer une échographie abdominale chez tous les patients
atteints d’une artérite des membres inférieurs ; certains auteurs ont Conclusion
donc proposé de définir une population à haut risque d’association
artérite-anévrisme mais sans grand succès [39]. Il semble donc que
La connaissance de l’épidémiologie des lésions polyartérielles est
l’aortoartériographie proposée à tous ces malades dans le bilan
importante à connaître, afin de proposer les investigations les
préopératoire soit suffisante, et qu’il ne faille l’associer avec une
plus appropriées à chaque localisation, cela afin d’éviter des
échographie ou un scanner abdominal qu’en cas de suspicion
examens inutiles dont certains peuvent entraîner des
d’anévrisme.
complications non négligeables. La fréquence de certaines
associations lésionnelles doit être connue par le médecin
¶ Association à une atteinte carotidienne (fig 6C)
prescripteur. Certaines prises en charge peuvent, en effet, être
Il semble que cette association soit plus fréquente que la radicalement bouleversées du fait de la découverte d’une
précédente, puisque Kieffer l’a estimée à environ 15 % conduisant localisation asymptomatique de l’athérome.

6
Angéiologie Stratégie de la conduite des examens chez le patient polyvasculaire 19-0640

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7
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0070

19-0070

Hémorrhéologie
MR Boisseau Principes, physiopathologie et applications
Résumé.– L’hémorrhéologie est l’étude du flux sanguin. Normalement, le sang, sous l’impulsion
cardiaque, s’écoule dans les macrovaisseaux sous l’aspect du flux laminaire organisé en lames
télescopiques. Les contraintes ou shear stress, provoquent une vélocité plus grande des lames centrales
qu’en périphérie. Les cisaillements des lames entre elles, forts à la paroi, diminuent vers le centre. Il y a
donc un gradient des taux ou vitesses de cisaillements, shear rate, définissant un profil de vitesses
caractéristique d’un flux donné et du cisaillement infligé à la paroi et à l’endothélium, ainsi activé. Les
hématies se disposent et se déforment dans les lames. Les pulsations du flux, l’écoulement aux
embranchements perturbent le profil, créant des zones stagnantes où les shears très diminués
permettent l’adhésion des leucocytes et le développement de plaques athéroscléreuses.
L’hyperfibrinogénémie et l’hyperagrégation érythrocytaire font apparaître des rouleaux et agrégats dans
les lames à bas shear rate (axiales), changeant le profil des vitesses et perturbant les sécrétions
endothéliales (premier site d’action des agrégats). Dans la microcirculation, les veinules postcapillaires,
à débit ralenti et hématocrite élevé, sont perturbées par l’hyperagrégation des hématies (deuxième site
d’action), alors que l’endothélium y est très actif. L’action des amas d’hématies sur ces deux sites se
retrouve au cours des polyglobulies et des dysglobulinémies, dans l’hypertension, les maladies
vasculaires, où l’hémoconcentration et l’inflammation expliquent l’hyperviscosité. Les plasmaphérèses,
l’hémodilution, les médications correctrices de l’hyperfibrinogénémie, de l’hyperagrégation des
hématies, de l’inflammation, s’adaptent à ces états. Sont aussi concernées l’occlusion veineuse de la
rétine, l’ischémie et l’insuffisance veineuse chronique. La drépanocytose, où les hématies sont peu
déformables et adhésives, représente le type cellulaire des maladies rhéologiques. Le diabète offre
l’ensemble de désordres du flux et cellulaires.
© Elsevier, Paris.

Introduction Il convient d’aborder ces problèmes sous un aspect didactique, non


pas réducteur, mais élaborant un choix au sein d’une démarche
Depuis la description de Poiseuille, montrant l’organisation mais conduisant au patient. Nous analyserons les données physiologiques
aussi le rôle du sang circulant, développant plusieurs jeux de et d’exploration, puis pathologiques en indiquant les applications
pression sur la paroi vasculaire, les données de l’étude thérapeutiques.
hémorrhéologique (rheos = vaisseau) ont abouti à des concepts
physiopathologiques et à des applications thérapeutiques,
particulièrement en hématologie et dans la pathologie vasculaire.
Un mot d’histoire
Le sang conditionne la vie des macro- et des microvaisseaux en
assurant leur remplissage et la résistance périphérique à
Harvey fut le génial inventeur, en 1616, de la boucle complète de
l’écoulement, mais de plus il est maintenant admis que les fonctions
la circulation sanguine, ce qui fut confirmé par Malpighi, le
de la paroi, soit au niveau de la vasomotricité, soit au niveau
découvreur des capillaires en 1686. À la même époque, Newton
cellulaire, sont effectivement sous la dépendance des frottements du
découvrit la relation directe entre la pression (shear stress) et les
sang. Ces fonctions dépendant des cisaillements, ou shear
vitesses d’écoulement (shear rate) dans un canal vasculaire et
dépendantes, sont en fait nombreuses, fondamentales et dues à la
définissait ainsi l’écoulement de type newtonien. Poiseuille, vers
réactivité, à ce propos, des cellules endothéliales.
1840, apparaît comme le vrai premier hémorrhéologiste, définissant
Ainsi l’hémorrhéologie n’est pas seulement une étude des conditions la viscosité à travers sa fameuse loi. Fahraeus établit en 1920 une
d’écoulement, mais de la physiologie de la paroi, qui en est tributaire. série de données et de lois concernant la microcirculation, ouvrant
La tension artérielle, l’activation des plaquettes et pour une large la voie à une connaissance approfondie de l’hémorrhéologie. La
part de l’hémostase, sont liées aux conditions hémorrhéologiques. première société de « rhéologie » fut américaine, vers 1930, avec
l’adoption du terme rhéologie, définissant la science liée à l’étude
Michel R Boisseau : Université Victor Segalen, 146, rue Léo-Saignat, 33076 Bordeaux cedex, France. de la déformation et du flux des matières. Copley (1910, 1992),
© Elsevier, Paris

Toute référence à cet article doit porter la mention : MR Boisseau. Hémorrhéologie. Principes, physiopathologie et applications. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0070, 1997, 8 p.
19-0070 Hémorrhéologie Angéiologie

grand ami de la France où il travailla longtemps, a isolé la utilisation en lieu et place de la vitesse de sédimentation, en tant
biorrhéologie pour l’étude du vivant et le sang principalement. On que mesure plus précise, car prenant en compte l’ensemble de la
doit terminer cette liste, non exhaustive, en citant Merlen (1912, réactivité associée des macromolécules responsables de la densité
1986), qui développa en France l’étude de l’unité fonctionnelle du plasma.
microcirculatoire, en insistant sur les aspects rhéologiques. Dans le tube vasculaire la viscosité prend sa place pour le calcul
Aujourd’hui, l’hémorrhéologie fait partie des structures de base de du débit d’écoulement, selon la loi de Poiseuille-Hagen (loi dont
la connaissance dans les champs de la physiologie circulatoire, de on peut extraire les valeurs du shear stress et du shear rate) :
l’angéiologie et de la biologie de la thrombose.
Dp ⋅ pr
4
1
Q= ×
8L g
∆p est le gradient de pression motrice le long du tube, L la
Physiologie : le flux sanguin longueur, r le rayon et η la viscosité. On voit que le diamètre et la
viscosité sont en position inverse, ainsi la vasomotricité est le
VISCOSITÉ PLASMATIQUE paramètre qui s’adapte à la viscosité pour la compenser ; ceci est
une régulation fondamentale.
¶ Notions générales Par des principes antérieurs, Isaac Newton, en 1686... démontra
que le shear rate est proportionnel au shear stress et que la viscosité
Intuitivement, on comprend que le plasma est plus « visqueux »
était une constante, d’où la notion de liquide newtonien, comme
que l’eau. Sa charge liquidienne est supérieure du fait des
l’eau et le plasma. Mais ceci ne se vérifie pas pour le sang total...
macromolécules qu’il contient, provoquant une résistance
qui n’est pas newtonien !
intrinsèque à l’écoulement, ou flux, par le phénomène de
frottements ou cisaillements. En effet, si l’on considère un tube
rigide, l’écoulement s’organise en couches plasmatiques
concentriques (fig 1), glissant les unes sur les autres, sous l’effet de VISCOSITÉ DU SANG TOTAL
la pression cardiaque, comme les cylindres d’un télescope,
caractérisant le flux laminaire. La lame liquidienne proche de la Le sang comporte certes le plasma, mais aussi les cellules
paroi est quasi immobile, alors que les lames centrales, ou axiales, circulantes, qui ont un rôle, bien évidemment, dans l’équilibre du
ont un maximum de vélocité. Chaque lame développe un profil des vitesses, car elles se lient, dans certaines conditions aux
frottement ou cisaillement (shear stress) sur la lame adjacente, qui facteurs plasmatiques (thyxotropie) et, par ailleurs leurs qualités
est d’autant plus élevé que l’on est proche de la paroi. La différence spécifiques varient, en particulier dans les conditions
de shear entre les lames, ou gradient des taux de cisaillement ou pathologiques (déformabilité).
encore appelée gradient des vitesses de cisaillement ou shear rate,
est plus marquée à la paroi qu’au centre du vaisseau, définissant ¶ Phénomène de thyxotropie
un profil des taux ou vitesses de cisaillement, qui représente la et anomalies du profil de vitesses de cisaillement
globalité du frottement du sang sur la paroi, soit l’impact
Éthymologiquement ce terme, thyxos, signifie propriétés de tissu
d’activation par les contraintes (Ct), par exemple sur les cellules
élastique. Le sang entre dans cette catégorie, c’est-à-dire qu’il se
endothéliales.
déforme sous une pression appliquée (ici tendant vers la fluidité,
La résistance frictionnelle du flux est la viscosité qui est le quotient une viscosité basse), mais il retourne à son aspect initial de
du shear stress (contraintes de cisaillement) sur le shear rate « solide » si la pression se relâche.
(gradient des taux ou vitesses de cisaillement). La viscosité est le
À pression normale, élevée dans les macrovaisseaux, soit shear rate
paramètre de référence en hémorrhéologie.
élevé ou encore à hautes vitesses de cisaillement (> 50 s-1), les
Shear stress ~ mPa ! cellules, rouges essentiellement, se disposent dans le flux laminaire,
Viscosité ~ mPa ⋅ s ! = − 1
Shear rate ~ s ! épousant les lames cylindriques (fig 1, 2, 3). Donc le caractère
Un millipascal-seconde est égal à une centipoise, soit 0,1 dyne·s·cm-2. newtonien persiste. En revanche, si le shear rate diminue, pour des
Les unités du shear rate sont en secondes réciproques (s-1). L’eau a vitesses de cisaillement inférieures à 20 s-1, les hématies subissent
une viscosité égale à 1 à 20 °C et de 0,69 à 37 °C : l’abaissement de le phénomène d’agrégation en se liant au fibrinogène et les
la température augmente la viscosité. La viscosité du plasma est, agrégats dissocient l’harmonie des lames. Cela se produit d’abord
en moyenne, de 1,30 à 37 °C et de 1,70 à 20 °C. Cette grande pour les lames les plus axiales. Le profil des vitesses perd son
sensibilité explique l’expression des phénomènes rhéologiques à harmonie, ce qui est important car les frottements à la paroi sont
basse température et sur les parties découvertes du corps et aux modifiés, en réalité diminués et la viscosité augmente, faisant
extrémités. perdre au sang son caractère newtonien. Ainsi le sang est un tissu
élastique, fluide à hautes vitesses de cisaillement, tendant à
La viscosité plasmatique dépend donc de la concentration des
l’opposé, du fait de l’accumulation d’agrégats d’hématies, à être
macromolécules, soit avant tout le fibrinogène. L’hyper-
immobile et visqueux pour les pressions très basses, comme au
fibrinogénémie conditionne l’hyperviscosité, mais d’autres
cours de la stase. Ceci pour des hématocrites systémiques aux
molécules peuvent agir : les α2-macroglobulines et les
alentours de 45 %, ce qui n’est pas le cas des microvaisseaux où
gammaglobulines. Parmi elles, l’augmentation des immuno-
l’agrégation des globules rouges prend une autre signification.
globulines M (IgM) élève rapidement la viscosité du plasma.
Le fait le plus important dans les macrovaisseaux est la
modification du profil des vitesses, qui diminue ou modifie
¶ Mesures au laboratoire
malencontreusement le cisaillement à la paroi, donc qui altère
La mesure de la viscosité plasmatique est facile et rapide, à l’activation des cellules endothéliales (shear dependence). Le tableau
condition que la température de l’échantillon soit bien maîtrisée I montre le nombre et l’importance de ces activations.
par l’appareil. Ses variations étant parallèles à celles du fibrinogène L’hyperviscosité, l’hyperfibrinogénémie jouent sur ces sécrétions
et d’autres molécules inflammatoires, on a pu proposer son en modifiant le profil de vitesses.

2
Angéiologie Hémorrhéologie 19-0070

v'

Ct

Vélocité v = v' > V


C

T'<T C t'
C t' < C t

T T'
B D
1 Flux laminaire.
A. En l’absence de flux pulsé, pour une pression motrice normale, les couches plasmatiques se disposent en lames concentriques (aspect de télescope).
B. Les taux de cisaillement (ou vitesses de cisaillement) sont plus élevés sur les lames à la paroi (shear rate) que dans la région axiale (τ’, d’où τ’< τ). D’où la notion de
gradient de taux ou vitesses de cisaillement. Ainsi est défini un profil de taux de cisaillement, caractéristique d’un flux donné dans une artère ou une veine.
C. Viscosité normale, fibrinogène normal. En sang total, les hématies se disposent dans les lames, se déforment et contribuent à la fluidité du sang.
D. Anomalies du profil de taux de cisaillement : la viscosité élevée ou le fibrinogène élevé permettent la constitution d’agrégats au niveau des lames à faible taux de ci-
saillement. L’endothélium est moins « cisaillé », subit moins les frottements du sang.
1. Agrégation érythrocytaire.

À titre d’exemple le schéma suivant doit être admis comme


Tableau I. – Régulation des sécrétions endothéliales par le shear.
fondamental :
Augmentées Diminuées
Pressions (shear) Endothélium vasculaire
Hémostase Facteur Willebrand Fibronectine
t-PA

Agents vasoactifs Oxyde nitrique (NO) Endothéline Sous-régulation Sécrétion


Prostacycline (PGI2) des pressions
Histamine
Rénine

Cytokines TGF-β1 Erythropoïétine


Vasodilatation NO, autres vasoactifs
PDGF
¶ Aspects qualitatifs des cellules sanguines
Molécules d’adhésion Sélectines
des leucocytes ICAM Le globule rouge se déforme dans le flux sanguin. La déformabilité
VCAM
sanguine est nécessaire car 50 % des capillaires qu’il doit franchir
t-PA : tissue plasminogen activator ; TGF-β1 : transforming growth factor ; PDGF : platelet derived growth factor ;
ont un diamètre inférieur à 5 µm, inférieur à celui des hématies
ICAM : intercellular adhesion molecule ; VCAM : vascular cell adhesion molecule (7,2 µm). La déformabilité est liée à trois paramètres des globules

3
19-0070 Hémorrhéologie Angéiologie

2
B

C D
2 Modifications du flux sanguin au niveau des bifurcations (A et B). Des zones de recirculation ou stagnantes se créent en certains points de la paroi, proches des bifur-
cations, qui sont électifs pour l’athérogenèse, car de faible cisaillement et permettant que des cellules blanches adhèrent à l’endothélium et pénètrent dans la paroi. Ce phéno-
mène s’accentue au fur et à mesure de la croissance de la plaque. Des zones stagnantes et des vortex sont aussi présents dans les valvules veineuses (C et D).
A. Plasma skimming.
B. Différents courants aux bifurcations. 1 : plaque ; 2 : trajet des monocytes.
C. Sténose artérielle. 1 : plaque.
D. Valvules. 1 : vortex.

rouges : leur forme (géométrie), leur viscosité interne (densité, La déformabilité des hématies permet leur étirement à forte
concentration de l’hémoglobine) et leur vie enzymatique (n’ayant pression, au sein des lames concentriques, ce qui contribue à rendre
pas de noyau, la vie de la cellule dépend uniquement de son stock le sang plus fluide. Cette action est donc liée à la qualité de la
d’enzymes, vie de 120 jours). Une altération sur chacun de ces cellule.
groupes de paramètres entraînera une perte de la déformabilité et Les leucocytes sont très rigides et passent rarement dans les
une difficulté à passer dans les capillaires. capillaires, mais plutôt dans les shunts et conduits un peu plus

4
Angéiologie Hémorrhéologie 19-0070

GR agrégés cisaillement faible


Ht

Capillaires

A 0,1s-1
GR dispersés désorientés non déformés cisaillement modéré

VPC
Ht

1s-1
GR dispersés orientés non déformés cisaillement élevé
B
3 Circulation dans l’unité microcirculatoire. L’hématocrite s’effondre à l’entrée ar-
tériolaire (phénomène de Fahraeus). Les hématies se regroupent en fins agrégats au
centre de l’artériole. Les veinules postcapillaires ont un débit très ralenti, les héma-
ties s’y accumulent, des agrégats plus volumineux s’y forment et l’hématocrite rejoint
les valeurs systémiques. Ce secteur est particulièrement sensible aux désordres rhéo-
logiques.
A. Versant artériolaire. Effet Fahraeus.
B. Versant veinulaire. Effet des pressions basses. 100s-1
GR dispersés orientés déformés cisaillement très élevé
gros où, de toute façon, ils ralentissent l’écoulement des hématies
disposées en longues files d’attente derrière eux. Cette rigidité,
1 000 fois supérieure à celle des hématies, augmentée par leur
activation par des agonistes et les cytokines, a été retenue comme
pouvant altérer l’irrigation microcirculatoire des tissus en ischémie,
en particulier le myocarde. Les plaquettes ont un rôle négligeable
pour la régulation du flux, du fait de leur taille réduite. En
revanche, elles sont très sensibles à la dysrégulation endothéliale ; 4 Illustration de la formation des agrégats érythrocytaires en fonction des taux de
elle-même liée au shear. cisaillement. À bas taux ou basses vitesses de cisaillement, les « rouleaux » ou « piles
d’assiettes » des hématies se forment, grâce à la présence du fibrinogène. La viscosité
¶ Mesures au laboratoire augmente, le sang redevient « solide », il n’est plus newtonien (d’après le professeur
Lelièvre, CNRS).
La viscosité du sang est établie par l’utilisation de viscosimètres de
type Couette, rotatifs, où un cylindre, plan ou en cône, tourne dans
une cuve, reproduisant les cisaillements du sang circulant. Lorsque La déformabilité peut être mesurée directement en mesurant le
les rotations sont lentes, les gradients de cisaillement sont faibles temps de passage des hématies à travers des filtres de porosité
et inversement. La viscosité est mesurée pour des valeurs de shear connue, mais ces mesures sont difficiles à réaliser et à interpréter.
rate de 1 à 10 s-1, de 10 à 50 et supérieur à 100. Elle s’élève pour les De ce fait, on calcule la déformabilité des érythrocytes en utilisant
taux de cisaillement bas, surtout pour les valeurs d’hématocrite et les valeurs de viscosité du sang total à haute vitesse de
de fibrinogène élevées, montrant le rôle de la formation d’agrégats cisaillement, par les formules de Dientenfas et de Quemada.
et la perte de l’aspect newtonien de l’écoulement.
Ces notions générales rhéologiques sont à replacer dans les deux
L’agrégation des hématies fait l’objet, du fait de son importance, systèmes circulatoires. Au niveau de la microcirculation, des
d’une mesure identifiée, depuis quelques années. C’est en fait elle, notions nouvelles liées à la capacité d’adhésion des cellules
qui représente le facteur important de la thyxotropie, qui joue dans circulantes sont aussi à prendre en compte.
le viscosimètre à bas gradient de cisaillement. Les hématies non ou
faiblement cisaillées (fig 4) se disposent en pile d’assiettes, grâce
DEUX GRANDS SYSTÈMES CIRCULATOIRES
au fibrinogène qui s’allie à elles dans une relation biophysique, de
type osmotique, sans mettre en jeu de récepteurs, effectivement
absents à la surface des hématies. De ce fait, la liaison se dissocie ¶ Circulation systémique : macrorrhéologie
sous l’effet des shears plus élevés. Les globules vont et viennent
dans ce système, formant des réticuli de rouleaux d’hématies La rhéologie conditionne la pression artérielle, la résistance
(phénomène de « rouleaux ») ou d’agrégats plus compacts. Le périphérique et l’activité plaquettaire
point qui fait le lien avec la pathologie est qu’il y aura d’autant Dans les vaisseaux artériels et veineux de gros calibre, la pression
plus d’agrégats, qu’ils seront d’autant plus rapides à se constituer, sanguine est élevée et le flux laminaire prédomine. Les globules
plus compacts et difficiles à dissocier, que le fibrinogène et rouges sont alignés et déformés. Les leucocytes et les plaquettes
l’hématocrite sont plus élevés. Les appareils permettent de mesurer sont évacués. Ce système prédomine jusque dans les vaisseaux de
le temps d’agrégation, l’intensité et le shear stress nécessaire à 100 µm et caractérise la circulation artériolaire. En fait, le système
dissocier les agrégats et les rouleaux (seuils de dissociation). est, dans une certaine mesure et surtout dans certaines

5
19-0070 Hémorrhéologie Angéiologie

localisations, pulsatile. Les pulsations provoquent des phases où une « vie » de la plaque, cellulaire, inflammatoire et endothéliale,
les lames se dissocient et des agrégats se forment. C’est le cas en conduisant à la formation de la « glue » (gruel), labile au-dessous
particulier de la crosse de la saphène externe, où l’imagerie de la coque fibreuse. Dans ces zones, les plaquettes s’activent et ne
moderne discerne la formation d’agrégats. sont plus maîtrisées.
Le profil des taux ou vitesses de cisaillement conditionne Les valvules veineuses (fig 2D) sont naturellement des zones de
l’activation constante de l’endothélium, qui sécrète des produits recirculation avec plusieurs séries de vortex. À leur niveau et
vasoactifs (NO [oxyde nitrique], PGI2, endothéline), modulant en surtout lorsqu’elles sont ectasiées, les agrégats se forment,
permanence le diamètre des vaisseaux et régulant, de ce fait, à la l’endothélium est actif et un « nidus » fibrinoplaquettaire est
fois la tension artérielle et la viscosité. présent. Le rôle des valvules, en regard de ces conditions
La résistance périphérique est donc dépendante du rapport circulatoires, est primordial pour la genèse des thromboses
suivant, dérivé des lois de Poiseuille-Hagen : veineuses. Il existe d’autres zones à risque sur l’arbre veineux,
telles que les veines borgnes du mollet. De manière générale la
Q = ~ Pa − Pv ! × 1
R stase veineuse produit les mêmes effets.
où R = g 4 S D
L
r N
Au total, si les « frottements » du sang assurent une protection
constante de l’arbre artériel, a contrario, de nombreuses conditions
Q : débit ; Pa - Pv : gradient de pression entre artères et veines ; R : existent où cette protection disparaît, favorisant le développement
résistance ; L : longueur ; r : rayon ; N : nombre de conduits ; η : des plaques athéromateuses et la genèse des thromboses.
viscosité.
Si r diminue (vasoconstriction), la résistance augmente ¶ Microcirculation : microrrhéologie
intensément. Si la pression motrice diminue (à cause du cœur ou
dans des secteurs à basse pression) la viscosité immuable η, doit Le domaine microcirculatoire se situe au-dessous de 100 µm et
être maîtrisée par une élévation de r (vasodilatation). comporte un ensemble considérable de microvaisseaux,
développant une surface très étendue d’interaction avec le sang.
Ces produits de l’endothélium vasculaire, shear dépendants, sont
Le lit endothélial, appliqué au sang circulant, est estimé à 3 kg, ce
aussi actifs sur les plaquettes sanguines. C’est avant tout le NO et
qui représente un « organe », voire une glande exoendocrine
la PGI2, ou prostacycline, qui ont la propriété de sous-réguler les
importante.
récepteurs plaquettaires tels que le GPIIbIIIa. Il a été démontré que
l’apport de NO diminue la potentialité d’agrégation plaquettaire C’est à Merlen que l’on doit d’avoir intégré la microcirculation,
ex vivo et de même l’altération du profil de vitesse. Il faut admettre quel que soit le domaine considéré, comme une unité fonctionnelle
que les plaquettes sont constamment « désactivées » par microcirculatoire (tableau II). On doit considérer deux versants et
l’endothélium lui-même soumis à une qualité de cisaillement. Le le lit capillaire. Le versant artériel est dévolu à la vasomotricité, à
schéma suivant doit être admis : la perfusion de l’unité par les artérioles précapillaires. Le versant
veineux a une activité endothéliale très riche, surtout au niveau de
(I) Profil correct du shear rate endothélium cisaillé la veinule postcapillaire (VPC) et a une action plus
« parenchymateuse ».
agrégation des hématies normale
fibrinogène normal Caractères circulatoires proprement dits
hématocrite normal
Deux faits caractérisent la circulation dans les microvaisseaux : le
plaquettes non activées NO, PGI2 débit très ralenti et la perte du flux laminaire. Le débit est à l’entrée
de 0,5 cm/s mais chute considérablement dans les capillaires. De
(II) Profil anormal du shear rate
ce fait, le débit est de 0,01 cm/s dans les VPC, ce qui est le record
endothélium mal
cisaillé de lenteur d’écoulement pour l’organisme. Ce fait primordial
explique la relation intime possible entre l’endothélium de ce
hyperagrégation des hématies secteur et les cellules circulantes.
hyperfibrinogénémie
hauts hématocrites À l’entrée de la microcirculation sur le versant artériel,
vicosité plasmatique élevée l’organisation en flux laminaire disparaît et est remplacée par le
système à couche plasmatique (fig 3) . En fait, l’hématocrite
plaquettes activées moins de NO s’effondre à l’entrée des artérioles, abaissant la viscosité sanguine
(mais pas la plasmatique), ce qui permet de mieux faire pénétrer
En de nombreux points de l’arbre des macrovaisseaux les hématies (phénomène de Fahraeus). Celles-ci s’agrègent au
la circulation laminaire est dysrégulée centre du vaisseau et les rouleaux, ainsi formés, sont entourés
Au niveau des bifurcations artérielles (fig 2A) la répartition des d’une couche de plasma. Ici l’agrégation, pour des hématocrites
hématies est irrégulière, des agrégats se forment, entraînant plus aux alentours de 10 %, est salutaire et sa disparition (par des
de globules ou de plasma dans une artère fille (plasma skimming). solutés hypoagrégants perfusés trop en abondance) est cause
Surtout des courants se dissocient et certaines parties des d’hypoxie. À l’opposé, un flux d’aval fait d’agrégats trop cohérents
embranchements sont moins cisaillées, du fait de flux rétrogrades perturbe la perfusion de l’unité, ces amas ayant tendance à passer
et de zones stagnantes. À ce niveau, où le flux est ralenti, par des shunts (vol circulatoire). En fait, la vasomotricité permet
l’endothélium sensibilisé, les leucocytes sont capables d’adhérer à d’adapter le vaisseau aux conditions rhéologiques. Malgré cette
la paroi et de la pénétrer. C’est en particulier le cas des monocytes, adaptation, la pression et les cisaillements restent élevés sur le
d’où le développement électif des plaques d’athérosclérose dans secteur artériel, ce qui permet la sécrétion shear dépendante et le
ces endroits, le facteur rhéologique étant un des facteurs passage des hématies dans les capillaires.
importants de l’athérogenèse. Sur le versant veineux, les VPC « attendent » d’être remplies par
Cela est encore plus vrai au niveau des sténoses artérielles où des des capillaires dits nourriciers. Le débit étant très lent, ce
zones de recirculation, ou vortex, se mettent en place permettant remplissage permet une remontée de l’hématocrite vers les valeurs
des contacts endothélium-cellules circulantes (fig 2B, C). Il exite de la circulation systémique (40 %). Ceci favorise les agrégats

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Angéiologie Hémorrhéologie 19-0070

Tableau II. – L’unité fonctionnelle microcirculatoire.


Diamètre du vaisseau Nature Débit en cm/s Fonctions
100-->50 à 30 µm artérioles précapillaires 0,5 perfusion, tension artérielle

10 à 15 µm capillaires 0,005 échanges gaz, métabolisme

20 à 30 µm veinules postcapillaires 0,01 transit leucocytaire, perméabilité, hémostase, adhésion

100<--40 µm veinules 0,5 pression des veines, réservoir

toutes les thérapeutiques allant dans le sens de la correction des


Tableau III. – Actions de l’endothélium : deux groupes d’effets
troubles microcirculatoires : mobilisation, massages, socking ,
opposés.
drogues à effet sur les microvaisseaux.
Endothélium non activé, action Endothélium activé, action
protectrice adhésive et coagulante
Hémostase
Investigation rhéologique
Thrombomoduline sous-régulée microcirculatoire
récepteur de la thrombine
formation de PCA On admet que l’étude du sang prélevé au bras correspond à la
t-PA PAI-1 en excès, inhibiteur de la fibri- rhéologie des VPC et que l’hyperagrégation joue à ce niveau. Cela
Héparinoïdes nolyse
est prouvé par les corrélations obtenues entre ce test et les œdèmes,
Adhésion
ICAM uniquement P-sélectine la TC-PO2, le doppler laser. Une autre approche consiste dans la
E-sélectine mesure, chez les patients, de marqueurs d’activation et de lésion
ICAM, VCAM des cellules endothéliales, thrombonoduline soluble et Willebrand,
Agonistes PAF-acéther
sélectines, ICAM (intercellular adhesion molecule), qui corrèlent
Cytokines IL6, IL1, TNFα
Facteurs de croissance TGFβ, PDGF, autres aussi avec la rhéologie.

L’activation des cellules endothéliales se fait par la chute du shear, l’arrivée de cytokines, d’agonistes
inflammatoires (histamine, bradykinine) et de produits bactériens (LPS, fMLP, endotoxine). Applications en pathologie
PCA : protéine activée ; t-PA : tissue plasminogen activator ; PAI-1 : plasminogène antérieure inhibiteur n° 1 ;
ICAM : intercellular adhesion molecule ; VCAM : vascular cell adhesion molecule ; PAF : platelet activating factor ; IL :
interleukine ; TGF : transforming growth factor ; PDGF : platelet derived growth factor. DÉSORDRES RHÉOLOGIQUES ET MACROVAISSEAUX
En dehors du fait que les désordres rhéologiques accentuent
érythrocytaires, nombreux et importants dans les VPC, repoussant l’athérogenèse, les macrovaisseaux artériels et veineux sont
les globules blancs et les plaquettes vers l’endothélium. Les VPC sensibles à l’hyperagrégation érythrocytaire (premier secteur
sont très sensibles à l’hyperagrégation, assimilée à celle du sang d’action de l’hyperagrégation érythrocytaire) qui perturbe les
systémique veineux brachial du fait de la similitude de sécrétions pariétales et la vasomotricité. Au cours de l’hypertension
l’hématocrite. À l’opposé, si les hématies se désagrègent, comme artérielle, le trouble est présent ainsi que l’augmentation constante
elles peuvent le faire sous l’effet de l’inflammation et en particulier du fibrinogène. La viscosité sanguine est d’ailleurs diminuée, chez
des radicaux libres oxygénés, les hématies éparpillées encombrent ces patients, par les inhibiteurs calciques et de l’ECA (enzyme de
les capillaires et adhèrent à l’endothélium. Il s’agit donc d’un conversion de l’angiotensine), médications de l’hypertendu.
secteur sensible sur le plan rhéologique où un équilibre doit être Le rapport entre la viscosité plasmatique élevée et les thromboses
trouvé entre l’agrégation assurant le transit des hématies vers les artérielles a fait l’objet de nombreuses études épidémiologiques,
veines en aval et des gros agrégats pouvant bloquer la circulation particulièrement pour l’accident vasculaire cérébral (AVC). Des
et contribuant à l’hypoxie et à l’activation de l’endothélium. résultats ont été obtenus par l’étude de l’hyperfibrinogénémie, en
général associée et cause principale de l’hyperviscosité.
Néanmoins, les phénomènes appréhendés par la mesure de la
Fonctions endothéliales viscosité sont plus larges.
Normalement sur l’ensemble du lit vasculaire et sur les VPC, Le désordre rhéologique est un facteur important d’aggravation de
l’endothélium développe une action protectrice (tableau III), du fait l’ischémie artérielle, particulièrement au niveau des membres
des cisaillements et de l’absence d’agonistes ou de cytokines dans inférieurs, aggravant la faible diffusion de l’oxygène et favorisant
le milieu ambiant. Le NO et la prostacyline sont les agents l’amputation.
principaux, ainsi que l’expression de la thrombomoduline, L’hyperviscosité est une cause favorisante de la thrombose
récepteur de la thrombine, dont l’association permet l’activation veineuse profonde, du fait de la formation d’agrégats et d’amas
de la protéine C. La chute des pressions défait le shear et l’action fibrinoplaquettaires dans les valvules et certains secteurs veineux
protectrice des cellules endothéliales commence à disparaître. en stase.
L’hypoxie et des cytokines telles qu’IL1 (interleukine 1) et TNFα Au total, la prise en compte, chez le patient, de l’hématocrite et du
(tumour necrosis factor), des agonistes tels que le PAF (platelet taux du fibrinogène, représente une démarche d’exploration
activating factor), l’histamine, des produits endotoxiniques, font rhéologique dont il ne faut jamais se priver au lit des malades.
apparaître des fonctions adhésives et coagulantes de l’endothélium.
Deux faits dominent cet état : l’adhésion des leucocytes et la DÉSORDRES RHÉOLOGIQUES ET MICROCIRCULATION
perméabilité augmentée, avec fuite de liquide et de petites
¶ Désordres rhéologiques en hématologie
molécules (albumine).
On conçoit le role important, mais non exclusif du flux sanguin et Troubles volémiques
des cisaillements pour le lit endothélial. Au cours de l’ischémie, la Deux situations existent, soit l’augmentation de la masse sanguine
perte des cisaillements et l’expression de l’agrégation par une production cellulaire augmentée, soit une hémo-
érythrocytaire accentuent ces phénomènes, d’où l’importance de concentration par perméabilité augmentée, associée à une

7
19-0070 Hémorrhéologie Angéiologie

production accentuée de fibrinogène d’origine inflammatoire. hématies), favorisent les lésions des microvaisseaux, en particulier
L’augmentation de la masse sanguine rouge, polyglobulie de par vol circulatoire, c’est-à-dire en favorisant le passage des
Vaquez, entraîne des manifestations liées aux microvaisseaux : agrégats par les shunts sous-jacents aux anses capillaires.
troubles visuels, vertiges, surdité brusque. Ces manifestations sont
primordiales pour juger de l’évolution de la maladie de ¶ Désordres rhéologiques et ischémie par l’aval
Waldenström, où la viscosité plasmatique augmente sous l’effet des
Existe-t-il des maladies rhéologiques pures directement liées à
IgM et fait indiquer les plasmaphérèses. Des états voisins sont
l’hyperagrégation érythrocytaire ? C’est vraisemblable, par
observés au cours des myélomes, des inflammations chroniques,
exemple des surdités brusques sont souvent accompagnées de ces
des fortes hyperfibrinogénémies, ainsi qu’au cours des
désordres. De même l’occlusion de la veine centrale de la rétine ou
hyperlipidémies. Les plasmaphérèses, la démarche d’hémodilution
certains vertiges. Dans ces cas, l’hématocrite et le fibrinogène élevé,
trouvent leur place au cours de ces évolutions. Souvent, les
la viscosité plasmatique et l’agrégation érythrocytaire accentuées
médications actives dans ces états diminuent le taux du fibrinogène
sont à prendre en compte pour indiquer l’hémodilution ou la
et réduisent la perméabilité (ticlopidine, hypolipémiants).
plasmaphérèse.
Troubles cellulaires Il existe un tableau, le syndrome polycythémique, survenant plutôt
chez l’homme après 40 ans, où la masse sanguine montre une
La déformabilité très perturbée des globules rouges au cours de la réduction du volume plasmatique (contraction du volume
drépanocytose fait de cette maladie une affection rhéologique. La plasmatique) et non pas une vraie polyglobulie, au cours duquel
perfusion capillaire s’effectue mal, des agrégats indissociables sont les accidents thrombotiques artériels sont plus fréquents, tels les
présents dans les secteurs osseux et les aires endothéliales sont AVC ou les accidents coronariens. Curieusement, les organes
activées. De plus, les drépanocytes sont hyperadhésifs et s’accolent nobles, tels que le rein, sont protégés au cours de ces états. Le
aux cellules endothéliales. Ces troubles, décrits récemment, tabagisme accentue ces troubles.
apparaissent importants pour expliquer les récidives des crises
d’occlusion et d’hémolyse. Ces phénomènes, moins caricaturaux,
sont observés dans le diabète mal équilibré, le syndrome de Zieve Conclusion
et au cours de l’ischémie, de l’anoxie en présence de radicaux
libres. Un concept peut être évoqué : les hématies moins Les maladies rhéologiques sont rarement très apparentes (overt
déformables s’agrègent moins ou de manière désordonnée et ont syndromes) comme au cours de la maladie de Vaquez, mais plutôt
tendance à bloquer les capillaires et à adhérer à l’endothélium des voilées (covert syndromes), facteurs de réelle aggravation, surtout au
VPC. cours des maladies vasculaires dégénératives. Il faut y penser car
déjà l’observation simultanée de l’hématocrite et du fibrinogène élevés
¶ Désordres rhéologiques et ischémie par l’amont est une démarche rhéologique. De plus, si l’on y prend garde, on
La plaque athéroscléreuse, provoquant la sténose, provoque dans constate que beaucoup de traitements ont une visée rhéologique :
le lit microcirculatoire d’aval des périodes d’ischémie-hypoxie puis hémodilution, plasmaphérèse, médications anti-inflammatoires,
de reperfusion, du fait de spasmes transitoires. Les shear sont donc vasoactives, hypolipémiantes, hypofibrinogénémiante, correctrices de
perturbés et l’endothélium activé par l’hypoxie, des agonistes la perméabilité ou de l’hypertension.
plaquettaires (TXA2, 5HT) et leucocytaires (PAF) et les radicaux
oxygénés produits au moment de la reperfusion. Les désordres
rhéologiques aggravent considérablement ces états. Cela est valable Références
pour les trois secteurs : cœur (angor instable, infarctus), AVC et
artériopathies dégénératives des membres inférieurs. [1] Boisseau MR. Microcirculation. Paris : John Libbey Eurotext, 1992
Au cours de l’insuffisance veineuse chronique des membres [2] Chien S, Dormandy J, Ernst E, Matrai A. Clinical hemorheology. Amsterdam : Martinus
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inférieurs (IVC), la microcirculation cutanée réagit à la lésion [3] Ehrly AM. Therapeutic hemorheology. Berlin : Springer-Verlag, 1991
d’amont, essentiellement l’hyperpression veineuse. Les troubles [4] Lowe GD. Blood rheology in vitro and in vivo. Baillieres Clin Haematol vol 1, n° 3 : 597-636
rhéologiques, associés quasi constamment (hyperagrégation des [5] Vayssairat M, Carpentier P. Microcirculation clinique. Paris : Masson, 1996

8
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0600

19-0600

Hormones et risque vasculaire


F Rollot
A Gompel

Résumé.– Les différentes thérapeutiques hormonales utilisées chez la femme dans les indications de
contraception ou de traitements substitutifs de ménopause (THS) ont des effets vasculaires tout à fait
différents qu’il importe de connaître pour poser les indications thérapeutiques. Les estroprogestatifs
employés en contraception sont contre-indiqués chez les femmes à risque métabolique ou vasculaire. Les
progestatifs pregnanes sont intéressants dans ces indications et mieux supportés que les
microprogestatifs. Le THS confère un effet favorable vraisemblable vis-à-vis du risque de maladie
coronarienne. Cet effet peut être expliqué par des actions de l’estradiol sur des marqueurs du risque
vasculaire (fractions lipidiques, protéines de coagulation). Des actions directes sur la paroi artérielle sont
maintenant décrites impliquant des mécanismes d’action au niveau de l’endothélium et des fibres
musculaires lisses. Les différentes voies d’administration de E2 et les différents progestatifs utilisés dans le
THS ne sont pas équivalents à ces différents niveaux.
© Elsevier, Paris.

Introduction Tableau I. – Pilule et risque vasculaire.


La compréhension de l’action vasculaire des stéroïdes naturels et de
Facteurs de risque Effets favorables
synthèse s’est enrichie ces dernières années d’informations tout à fait
Insulinorésistance VD
nouvelles sur leurs effets directs au niveau de la paroi vasculaire. Ces
mécanismes contribuent à expliquer les effets bénéfiques attribués au Hypercoagulabilité Oxydation LDL ?
traitement estrogénique de ménopause vis-à-vis des maladies Hyperviscosité sanguine & plaque athérome
cardiovasculaires. À l’opposé de cette diminution du risque protecteur,
Augmentation TA HDL - LDL (dépend de la composition)
une augmentation du risque cardiovasculaire a été rapportée sous
contraception orale estroprogestative. L’action vasculaire des stéroïdes Élévation TG

dépend donc de leur nature, de la composition des produits employés et Élévation angiotensinogène
du mode d’administration. Prise de poids

TA : tension artérielle ; TG : triglycérides ; VD : vasodilatation ; LDL : low density lipoproteins ; HDL : high density
lipoproteins.
Résultats des principales études
épidémiologiques faire diminuer l’incidence de ces accidents : dans la cohorte des
infirmières de Boston, le taux d’accident coronarien (publié en
1990) a un risque relatif de 1,7 [0,4-7,6] dans la tranche 30 à 34 ans
CONTRACEPTIONS ORALES (tableau I)
des femmes sous pilule et de l’ordre de 1 dans les tranches d’âge
Les études de cohorte des praticiens anglais ont montré une au-delà de 35 ans. La fréquence des maladies artérielles et de
augmentation du risque relatif (RR) de maladies vasculaires l’hypertension est proportionnelle au contenu progestatif de la
artérielles d’environ quatre fois pour la mortalité par infarctus du pilule et la fréquence des accidents d’origine veineuse est surtout
myocarde et par hémorragie méningée et de deux fois pour les proportionnelle à la dose d’éthinylestradiol (EE) [10]. La diminution
accidents vasculaires cérébraux d’origine thrombotique [24]. Pour les progressive des posologies d’EE et de progestatif des pilules,
pathologies thromboemboliques veineuses, ce risque relatif associée à l’exclusion des femmes ayant des contre-indications
s’échelonnait entre deux et huit fois dans les études cas-contrôles [6]. vasculaires et métaboliques à ce type de contraception explique
L’exclusion progressive des femmes ayant des contre-indications à très vraisemblablement la diminution du nombre d’accidents. Des
ce type de contraception, c’est-à-dire un facteur de risque articles récents ont cependant souligné l’importance du respect des
métabolique (hyperlipémie, diabète) ou vasculaire (hypertension contre-indications en montrant une exagération du RR de
artérielle, risque thromboembolique, cardiopathie), a permis de thrombose veineuse avec les pilules comportant des progestatifs
de troisième génération [28]. Ces progestatifs ont été réputés moins
androgéniques et de ce fait ont amené à prescrire ces pilules sans
tenir compte des contre-indications classiques et en particulier des
© Elsevier, Paris

Florence Rollot, Anne Gompel : Service de gynécologie obstétrique, hôpital de l’Hôtel-Dieu, 1, place du
Parvis-Notre-Dame, 75181 Paris cedex 04, France. antécédents familiaux de thromboses veineuses non explorés. C’est

Toute référence à cet article doit porter la mention : F Rollot et A Gompel. Hormones et risque vasculaire. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0600, 1997, 5 p.
19-0600 Hormones et risque vasculaire Angéiologie

en effet dans ce cadre qu’une recherche de déficit congénital en norstéroïdes à faibles doses ou microprogestatifs sont considérés
facteurs de coagulation (antithrombine III, protéine C, protéine S, comme dénués de retentissement vasculaire. Leur mauvaise
résistance à la protéine C activée) est justifiée [27]. La présence d’une tolérance gynécologique en limite cependant l’emploi [12].
telle anomalie contre-indique définitivement l’utilisation Les dérivés pregnanes, acétate de chlormadinone ou de
d’estroprogestatifs en contraception. cyprotérone et les dérivés norpregnanes, acétate de nomégestrol et
promégestone, sont neutres vis-à-vis des marqueurs du risque
TRAITEMENT HORMONAL SUBSTITUTIF
DE MÉNOPAUSE vasculaire chez les femmes normales [5, 7] . Nous n’avons pas
l’expérience de l’utilisation des deux derniers produits chez les
Chez la femme, la fréquence de maladies cardiovasculaires
femmes à haut risque thromboembolique mais un recul important
augmente avec l’âge et s’accélère avec la ménopause par rapport à
avec les premiers dans une série de femmes lupiques (dont 30 %
l’homme, la femme restant très protégée des maladies
avec antiphospholipides) et /ou avec antécédent de phlébite.
cardiovasculaires avant l’âge de 50 ans. Un nombre assez
D’autres équipes ont ce recul chez les femmes avec déficits
important d’études de cohorte et cas-contrôles ont montré une
congénitaux en protéines de coagulation [2, 12].
diminution de moitié environ du risque de maladies coronariennes
chez les femmes recevant un THS [26] mais il s’agit toujours
ESTROGÈNES ET PROGESTATIFS UTILISÉS
d’études d’observation (et non randomisées). La plupart de ces EN TRAITEMENT SUBSTITUTIF DE MÉNOPAUSE
études sont d’origine américaine et portent sur des populations de
femmes ayant un risque cardiovasculaire plus important que celui
¶ Estrogènes
des femmes françaises et ayant utilisé un traitement estrogénique
par estrogènes conjugués d’origine équine. Aucune étude n’est Les estrogènes conjugués d’origine équine sont largement utilisés
actuellement disponible avec l’estradiol 17β par voie hors de France. Ces molécules, extraites de la jument, comportent
extradigestive, majoritairement employé en France [19]. De plus, la différents dérivés estrogéniques dont certains sont physiologiques
durée d’administration, la composition, la posologie de progestatif chez la femme, estradiol, estrone, mais également des molécules
utilisé varient par rapport aux habitudes françaises, les progestatifs d’origine purement équines comme l’équiline et l’équiniline et des
les plus utilisés étant soit des dérivés norstéroïdes comme la dérivés hydroxylés de ces produits. L’association ainsi générée est
noréthistérone, soit un dérivé pregnane, l’acétate de assez puissamment estrogénique. L’estradiol 17β, qui est l’hormone
médroxyprogestérone. Parmi les études épidémiologiques naturelle active chez la femme, est largement utilisé en France, soit
disponibles, aucune n’a porté encore sur l’utilisation de sous forme orale micronisée, soit sous forme d’ester, le valérate
progestérone naturelle ou d’autres dérivés pregnanes. Par ailleurs, d’estradiol, également d’administration orale, soit par
des publications récentes ont aussi rapporté une aggravation du administration extradigestive percutanée (Estrogelt, Oestrodoset,
risque thromboembolique veineux sous estrogènes conjugués. Estrevat) ou par voie transcutanée c’est-à-dire à l’aide de patchs.
Ces produits sont associés de manière séquentielle, cyclique ou
Nature des molécules utilisées dans continue à un progestatif. Les progestatifs utilisés en traitement
substitutif de ménopause sont des dérivés de la
le traitement hormonal chez la femme norméthyltestostérone peu utilisés en France sauf dans des
CONTRACEPTIFS associations comme Trisequenst ou Kliogestt. D’autres dérivés
sont plus utilisés en France : soit la progestérone naturelle
¶ Estroprogestatif micronisée (Utrogestant) soit des dérivés de la 17
L’estrogène de synthèse est toujours l’éthinylestradiol. Il s’agit d’un hydroxyprogestérone ou pregnanes, Lutéran 5t, Colprone 5t,
estrogène puissant dont la substitution par un groupement éthinyl Duphastont (rétroprogestérone). Les norpregnanes (Lutionext,
en 17α ralentit considérablement le métabolisme. Son accumulation Luténylt ou Surgestonet) sont également utilisés [19].
au niveau du tissu hépatique et son métabolisme ralenti rendent
compte d’un effet estrogénique très puissant. C’est ainsi que l’on
explique les modifications secondaires à la prise orale d’EE sur un Hormones et marqueurs
certain nombre de marqueurs du risque vasculaire dont la synthèse du risque vasculaire
est hépatique. Il existe donc une activation de la coagulation et de
la fibrinolyse qui conduisent à une hypercoagulabilité qui peuvent FRACTIONS LIPIDIQUES
expliquer les accidents aigus observés sous pilule d’origine
veineuse mais aussi d’origine artérielle. Les progestatifs associés à L’inhibition de la lipase hépatique par les estrogènes pris per os,
l’EE sont des dérivés de la norméthyltestostérone encore appelés quelle que soit leur nature, est d’autant plus marquée qu’il s’agit
norstéroïdes. Ces progestatifs ont également une action sur les d’un produit plus estrogénique et donc de l’EE. Cet impact se
fractions lipidiques et les protéines de coagulation dans le sens manifeste par une diminution de l’épuration hépatique du HDL2-
d’une hypercoagulabilité. Il apparaît cependant que le mécanisme cholestérol (high density lipoproteins) et donc d’une élévation de
des accidents cardiovasculaires observés sous contraception orale cette fraction dans le plasma, d’une augmentation des VLDL (very
n’est pas de type athéromateux, mais essentiellement low density lipoproteins) et donc des triglycérides. Le cholestérol
thrombotique, peut-être avec une atteinte pariétale avec des zones total et le LDL-cholestérol s’abaissent sous traitement. Les
de prolifération endothéliales associées à des thrombi [17]. Les progestatifs de type androgénique ont un effet inverse sur la lipase
études plus récentes portant sur les examens nécropsiques des hépatique. Ces progestatifs androgéniques sont les norstéroïdes et
femmes décédées par accident vasculaire sous pilule montrent qu’il l’acétate de médroxyprogestérone (MPA) avec un effet dose
n’y a pas d’athérome galopant mais, au contraire, une relative dépendant qui apparaît plutôt à 10 mg par jour qu’à des doses
protection par rapport aux femmes n’ayant pas pris la pilule. plus faibles pour le MPA. Les autres progestatifs pregnanes ou la
progestérone naturelle semblent neutres vis-à-vis de la lipase
¶ Contraceptions progestatives hépatique comme l’étude PEPI (Postmenopausal Estrogen/Progestin
Les norstéroïdes à fortes doses ont un effet procoagulant et ont Interventions) l’a montré [29]. D’autres effets des estrogènes sur le
donc les mêmes contre-indications que les estroprogestatifs. Les métabolisme hépatique des LDL ont été décrits, avec une

2
Angéiologie Hormones et risque vasculaire 19-0600

augmentation des récepteurs apoB-E qui permettrait une meilleure


Tableau II. – Oxydation des LDL (low density lipoproteins).
élimination du LDL-cholestérol. Plus récemment on a rapporté une
modification de la répartition des sous-fractions des LDL, des — Cytotoxique pour les cellules endothéliales
formes de gros volume riches en cholestérol (LDL1) vers des — prolifération des fibres musculaires lisses
formes de plus petite taille et de densité plus élevée mais
— Accumulation dans les macrophages
appauvries en cholestérol (LDL2, LDL3) ; modifications analogues
à celles observées sous traitement par statines et donc — Chimiotactisme des leucocytes
vraisemblablement antiathérogènes. L’administration d’estradiol — Augmente l’adhésion des macrophages et des cellules endothéliales
par voie extradigestive modifie de manière beaucoup moins nette — Favorise l’agrégation plaquettaire
les fractions lipidiques, l’élévation des HDL est inconstamment
— Modification de la production locale de facteurs de croissance, de médiateurs
retrouvée, la persistance de la baisse du cholestérol total et du LDL de l’inflammation, de prostaglandines
est également observée mais à un degré moindre qu’avec la voie
— Inhibition de l’action de l’EDRF
orale. En revanche, il existe une baisse constante des triglycérides
à l’inverse de ce qui est observé sous estrogénothérapie per os. — # production de collagène et d’élastine

Des marqueurs plus récents sont encore peu étudiés. L’élévation EDRF : endothelium derived relaxation factor.
de la Lp(a) (lipoprotéine[a]) à la ménopause semble liée à
l’augmentation du risque d’athérome. Les estrogènes par voie orale sur le plan du risque vasculaire. Quelques essais randomisés
ou extradigestive l’abaissent [18]. Il semble que les progestatifs aient montrent une modification atténuée de la prise de poids sous
également un effet dans ce sens mais très peu d’études existent à traitement substitutif. En ce qui concerne l’action sur le
l’heure actuelle. métabolisme glucidique, l’estradiol extradigestif améliore la
Cependant, la plupart des auteurs s’accordent pour penser que les sensibilité à l’insuline, la réponse pancréatique à une charge
modifications des fractions lipidiques sous traitement ne rendent glucosée. Les estrogènes conjugués ont un effet dose dépendant,
compte que d’une partie minoritaire de l’effet protecteur du THS stimulant l’insulinorésistance à forte dose mais semblant
de ménopause (25 % ?). l’améliorer à plus faible dose. Le progestatif associé est important
dans cet effet, la progestérone naturelle et les progestatifs
pregnanes utilisés en France n’auraient pas d’effet significatif sur
COAGULATION
l’insulinorésistance. En revanche, les norstéroïdes annulent ou
L’EE et les norstéroïdes sont susceptibles de modifier les facteurs inversent l’effet bénéfique de l’estradiol.
de coagulation d’origine hépatique en augmentant leur synthèse, Dans les études contrôlées, il n’y a pas de modification de la
et en particulier le fibrinogène et le facteur VII particulièrement pression artérielle moyenne. Cependant, on note des réactions
impliqués dans le risque athérogène. Ils diminuent aussi idiosyncrasiques, c’est-à-dire qu’environ 30 % des femmes
l’antithrombine III et la protéine S. deviennent hypertendues sous traitement substitutif,
Les estrogènes utilisés dans le traitement substitutif de ménopause essentiellement par voie orale [3, 14].
ont des effets différents : la plupart des auteurs retrouvent une
ACTIONS EXPÉRIMENTALES
baisse du fibrinogène quel que soit le traitement substitutif utilisé
aux doses actuellement préconisées (estrogènes conjugués
¶ Action antiathérogène
0,625 mg/j, estradiol 17β 2 mg). Les autres marqueurs ont été
moins étudiés. La résultante après administration d’estrogène par Un certain nombre de modèles animaux ont été utilisés. Il s’agit
voie orale serait donc un effet favorable sur les marqueurs du d’études chez le rat, le porc ou chez la guenon Macaque Rhésus.
risque artériel, en particulier le fibrinogène, des résultats L’ensemble de ces études, que nous ne pouvons détailler ici, a
inconstants sur l’élévation du facteur VII qui reste un marqueur de permis de montrer que l’estradiol était protecteur vis-à-vis de la
risque artériel et un effet d’activation de la fibrinolyse. Mais strie lipidique, lésion de référence en terme de maladie
parallèlement aussi les modifications vont dans le sens d’une athéromateuse. Tous les types d’estrogènes semblent protecteurs et
activation de la coagulation (baisse modérée de l’antithrombine III, l’équipe de Clarkson a même montré, chez le macaque, que
de la protéine S). Par voie extradigestive, l’estradiol entraîne très l’administration de produits de synthèse (EE et norgestrel) baisse
peu de modifications. Une seule étude rapporte à long terme (1 le HDL-cholestérol mais est capable de diminuer significativement
an) une baisse modérée de l’antithrombine III [19]. Il est difficile à la surface des plaques d’athérome. Cet effet est également retrouvé
l’heure actuelle de conclure sur les effets cliniques de l’ensemble avec l’estradiol 17β [1].
de ces modifications biologiques d’autant qu’elles s’associent à des Les progestatifs sont susceptibles d’atténuer cet effet bénéfique, que
effets directs sur la paroi vasculaire qui commencent seulement à ce soit dans le modèle de singe ou de lapin [13]. Très récemment, on
être décrits. a rapporté que l’administration continue de MPA (actuellement
préconisée pour éviter la survenue de règles sous traitement
substitutif de préférence à l’administration séquentielle) pourrait
AUTRES ÉLÉMENTS DU RISQUE VASCULAIRE
faire disparaître l’effet protecteur des estrogènes [2].
Il faut aussi rajouter dans l’évaluation du risque ou du bénéfice Quelques études in vivo, de résultats d’ailleurs éventuellement
vasculaire des hormones leur action sur le métabolisme glucidique, contradictoires, évoquent une action antioxydante des estrogènes
le poids, la pression artérielle. Les estroprogestatifs de synthèse sur le métabolisme LDL [4, 25]. La plupart des données à ce niveau
ont un effet favorisant sur la prise de poids, l’insulinorésistance et sont obtenues d’expériences in vitro. La baisse de l’oxydation des
la néoglucogenèse au niveau hépatique, l’augmentation de LDL serait une action puissamment antiathérogène compte tenu
synthèse de l’angiotensinogène et l’augmentation moyenne des des effets délétères attribués aux LDL oxydés (tableau II).
chiffres de pression artérielle.
L’administration d’estradiol s’opposerait à la redistribution des ¶ Action de vasodilatation (tableau III)
graisses de type androïde observée en l’absence de traitement Un certain nombre de modèles expérimentaux d’études in vitro
substitutif à la ménopause, ce qui est un résultat a priori favorable sont actuellement développés permettant d’étudier l’action des

3
19-0600 Hormones et risque vasculaire Angéiologie

¶ Récepteurs des hormones stéroïdes


Tableau III. – Action de l’estradiol sur les vaisseaux.
Les actions des stéroïdes sur les vaisseaux passent en partie par
— & LDL - # VLDL - TG - # HDL2 (estrogènes per os essentiellement)
des mécanismes classiques de liaison à leur récepteur spécifique.
— Action VD :
La présence de récepteurs à l’estradiol (ER) et à la progestérone
* restaure l’action EDRF-NO (acétycholine) (vrai aussi pour EE)
* diminue l’oxydation LDL (PR) a été confirmée dans la paroi vasculaire. Elle est plus difficile
* augmente la prostacycline à affirmer pour l’ER dans la veine (plus riche en PR) que dans
* diminue la production d’endothéline 1 l’artère, ce qui est peut-être en rapport avec une concentration
* bloque la VC dépendant du calcium - antagoniste calcique
inférieure au niveau veineux. Ceci explique les effets d’aggravation
* action VD aussi directe sur myocytes
* inhibe l’agrégation plaquettaire (EE + norstéroïde : effet inverse) de la stase veineuse avec tous les progestatifs (effets myorelaxants
* & production de collagène et d’élastine sur les fibres musculaires lisses). Le siège de récepteurs in situ est
* modulation ad et nad au niveau présynaptique dans les cellules musculaires lisses. En revanche dans les cellules
* & réponse du VC à l’angiotensine II. Inhibition de l’ACE
en cultures, les cellules endothéliales expriment aussi les
— Action sur la coagulation : dépend de la molécule, de la dose, de la voie récepteurs. Des actions ne passant pas par le mécanisme
d’administration
traditionnel de récepteur de l’estradiol sont également évoquées
LDL : low density lipoproteins ; VLDL : very low density lipoproteins ; HDL : high density lipoproteins ; TG :
(extragénomiques), en particulier sur les flux calciques.
thyroglobuline ; EDRF : endothelium derived relaxation factor ; EE : éthinylestradiol ; VC : vasoconstriction ; VD :
vasodilatation ; ACE : enzyme de conversion.

Comment indiquer les différentes


hormones sur la paroi vasculaire : modèle d’anneaux artériels
molécules en pratique clinique ?
(aortes de rats, coronaires de porc), système de cultures
d’endothélium à partir de cordons ombilicaux, études à partir
d’endothéliums lésés pour étudier la réponse de prolifération des CONTRACEPTION
fibres musculaires lisses. L’ensemble de ces modèles a permis de
montrer que l’estradiol avait un effet de vasodilatation artérielle, Les pilules estroprogestatives sont formellement contre-indiquées
ceci confirmant des données obtenues in vivo chez la femme dans chez les femmes à risque vasculaire et métabolique. D’autres
des artères saines (carotides, aorte, artères cérébrales ou utérines) molécules sont utilisables dans ce cadre thérapeutique. Les
ou athéromateuses : l’estradiol permet de restaurer la réponse progestatifs de type pregnane (Lutérant et Androcurt) semblent
vasodilatatrice à l’acétylcholine chez des femmes ayant des lésions tout à fait intéressants. Les norpregnanes ne modifient pas les
athéromateuses au niveau coronarien [11, 22]. Cet effet vasodilatateur marqueurs du risque vasculaire chez les femmes normales mais on
a été d’ailleurs retrouvé in vivo avec l’EE [23]. Il s’agit d’un effet manque d’utilisation et de recul chez les femmes à risque.
aigu habituellement obtenu à des doses élevées d’estrogènes. Ceci Les norstéroïdes utilisés à faible dose sous forme de
évoque un mécanisme passant par des effets plutôt microprogestatifs sont possibles, mais leur efficacité est incomplète,
extragénomiques de l’estradiol (flux calciques ou potassiques) [21]. leur tolérance gynécologique médiocre.
Cependant, les études in vitro ont permis d’évoquer le mécanisme
intime de cette vasodilatation. Il s’agirait d’un effet dépendant de
TRAITEMENT SUBSTITUTIF DE MÉNOPAUSE
l’endothélium passant par la stimulation de production de nitrite
oxyde (NO) [15]. L’estradiol est capable de stimuler cette production Il n’existe à l’heure actuelle aucun consensus sur les indications
à partir à la fois des nitrites oxydes synthétases constitutive et thérapeutiques chez les femmes à risque métabolique et vasculaire.
inductible. Il aurait aussi un effet sur la synthèse des Ceci est expliqué par le fait que les grandes études
prostaglandines en augmentant la production de prostacycline épidémiologiques viennent des États-Unis et les molécules utilisées
(puissant vasodilatateur) et en diminuant la production de en France sont différentes. Le choix en France est habituellement
thromboxane A2 et d’endothéline I, facteurs de vasoconstriction. d’utiliser, dans ce contexte, l’estradiol par voie extradigestive qui
Ces effets endothéliaux semblent impliquer le récepteur de ne confère pas de risque procoagulant biologique, associé à la
l’estradiol. progestérone naturelle ou les dérivés pregnanes proches qui restent
En ce qui concerne les effets des progestatifs, les études sont neutres vis-à-vis des effets engendrés par l’estradiol. En cas
beaucoup moins nombreuses. Des études in vivo chez la femme d’hypercholestérolémie isolée, on préconise actuellement plutôt la
ont dans l’ensemble montré que les progestatifs ne s’opposaient voie orale en raison de la baisse du cholestérol total et du LDL. Il
pas à cette action de vasodilatation, en particulier lorsqu’il est difficile de dire à l’heure actuelle si la baisse du fibrinogène
s’agissait de progestatifs pregnanes et de progestérone naturelle à essentiellement observée avec les estrogènes per os est un
l’inverse du MPA [20]. argument suffisant pour prescrire des molécules estrogéniques per
os en prévention primaire ou surtout en prévention secondaire de
Quelques études ont mesuré la production de nitrite oxyde in vivo.
la maladie coronarienne compte tenu de l’hypercoagulabilité
L’estradiol augmente cette production. Les progestatifs
associée. En revanche, il est clair que la présence d’un facteur de
norstéroïdes s’opposent à cette augmentation contrairement aux
risque veineux est une contre-indication formelle à la prescription
pregnanes [16]. Ces résultats restent préliminaires et doivent être
d’estrogènes per os.
confirmés.
L’estradiol est aussi capable de s’opposer à la prolifération des
cellules musculaires lisses de fragments d’artères ou en cultures
stimulées par des facteurs de croissance [8]. Ceci est en accord avec Conclusion
les observations hormonales in vivo où l’estradiol est capable de
diminuer l’épaisseur de l’intima et de la média dans des modèles Les stéroïdes sont susceptibles d’exercer des effets directs et indirects
expérimentaux d’arthérosclérose. Cependant, il pourrait avoir un sur les vaisseaux. Selon le type de molécules, les effets peuvent être
effet favorable dans l’angiogenèse permettant ainsi de favoriser les différents, ce qui implique de bien connaître les molécules à employer
circulations collatérales. en fonction des différents cadres cliniques.

4
Angéiologie Hormones et risque vasculaire 19-0600

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5
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0605

19-0605

Hyperhomocystéinémie
P Cacoub
P Hausfater
N Jacob
Résumé. – Depuis une quinzaine d’années, les données s’accumulent sur des modèles cellulaires in
vitro, des modèles expérimentaux, et à partir d’études cliniques, suggérant qu’une augmentation
modérée de l’homocystéinémie est un facteur de risque vasculaire indépendant. Dans ce chapitre sont
abordés les différents arguments expérimentaux, biochimiques, cliniques et thérapeutiques impliquant
l’hyperhomocystéinémie dans le développement d’une athérosclérose précoce, et de thromboses
artérielles ou veineuses.
© 1999, Elsevier, Paris.

Introduction Reméthylation Transsulfuration


Protéines
L’homocystéine (HCY) est un acide aminé soufré situé sur la voie
métabolique d’un acide aminé indispensable, la méthionine.
L’existence d’une relation possible entre les acides aminés soufrés, Tétrahydrofolate Méthionine
l’athérosclérose, et les maladies thromboemboliques, évoquée dès les
années 1920, resurgira dans les années 1960. L’homocystinurie relève B6 S-adénosylméthionine
d’un déficit congénital héréditaire en cystathionine-β-synthase Diméthylglycine
(CBS), enzyme intervenant sur la voie métabolique de la méthionine.
5-10 méthylène-THF 3 B12 4
L’homocystinurie se caractérise par une dislocation du cristallin, des
malformations squelettiques, mais surtout des accidents Bétaïne
thromboemboliques et une athérosclérose précoce, cause de la mort de 2
S-adénosylhomocystéine
ces jeunes patients. Mudd et McCully [13, 19] identifièrent deux déficits
enzymatiques majeurs responsables d’homocystinurie, portant sur la 5-méthyl-THF
CBS, et sur la 5-10-méthylène-tétrahydrofolate réductase (MTHFR).
En 1975, à partir des données cliniques et autopsiques, mais aussi Homocystéine
expérimentales, McCully émet l’hypothèse d’un rôle de l’HCY dans
le développement des lésions d’athérosclérose et des thromboses. Il 1 B6
faudra attendre la fin des années 1970, après les travaux de Wilken
et al [31] sur l’athérosclérose coronarienne, pour que de très Cystathionine
nombreuses équipes s’intéressent aux liens entre l’HCY,
l’athérosclérose et les thromboses artérielles et veineuses.
B6

Cystéine Cystéine
Métabolisme de l’homocystéine 1 Métabolisme simplifié de la méthionine.
1. Cystathionine bêta-syntase ; 2. 5-10-méthylène-THF-réductase ; 3. 5-méthyl-
L’HCY est synthétisée au cours du métabolisme de la méthionine, THF-homocystéine-méthyl-transférase ; 4. bétaïne-homocystéine-méthyl-trans-
au carrefour des voies de la transsulfuration et de la reméthylation férase.
(fig 1) . Les principaux facteurs limitants sont les activités
enzymatiques de la CBS et la MTHFR et de leurs cofacteurs plus élevée chez l’homme. Les normales d’HCY totale sont de 10 à
vitaminiques (folates, vitamine B6, vitamine B12). Une ou plusieurs 15 µmol/L, mais varient d’un laboratoire à l’autre (technique de
anomalies enzymatiques conduiront à une augmentation de l’HCY dosage, choix des populations témoins), imposant pour chaque
totale plasmatique [3, 22]. L’HCY plasmatique augmente avec l’âge, étude une population témoin appariée pour l’âge et le sexe [3, 6]. Le
les médicaments interférant avec le métabolisme des folates, le taux dosage d’HCY, après test de charge à la L-méthionine, a été
de créatininémie, la dégradation de la fonction hépatique, et est proposé pour dépister les formes hétérozygotes au cours
desquelles les taux d’HCY basale peuvent être modérément élevés,
voire normaux [6] . Toutefois ce test pose certaines difficultés
Patrice Cacoub : Professeur des Universités, praticien hospitalier service de médecine interne d’interprétation (définition des valeurs normales et pathologiques,
Pierre Hausfater : Chef de clinique-assistant, service de médecine interne
délai séparant l’ingestion de la méthionine et le dosage de l’HCY
© Elsevier, Paris

Nelly Jacob : Praticien hospitalier, laboratoire de biochimie.


Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, 43-87, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. postcharge), aboutissant à une absence de standardisation.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Cacoub P, Hausfater P et Jacob N. Hyperhomocystéinémie. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0605, 1999, 4 p.
19-0605 Hyperhomocystéinémie Angéiologie

Au cours de l’homocystinurie homozygote par déficit enzymatique rapidement l’apparition de lésions endothéliales myo-intimales
total, le diagnostic pose peu de problèmes (taux plasmatique avec cellules musculaires lisses dans l’intima.
d’HCY supérieur à 300 µmol/L et activité enzymatique Dans les premières études cliniques [21] , chez des patients
indétectable). Les conséquences pathologiques sont caricaturales sélectionnés (athérosclérose symptomatique, avant l’âge de 55 ans,
avec une athérosclérose extensive avant l’âge de 20 ans et des sans facteur de risque vasculaire associé), l’HCY était élevée chez
thromboses artérielles et veineuses multiples conduisant au décès 23 à 47 % des patients présentant des lésions des troncs supra-
précoce des patients. Cette pathologie est exceptionnelle dans la aortiques ou une artériopathie oblitérante des membres inférieurs,
population générale et n’a que peu d’impact en termes de santé et 10 à 24 % des patients avec atteinte coronaire, contre 7 % dans
publique. Les déficits hétérozygotes posent une problématique très les populations témoins. La plupart de ces études avaient des
différente. L’HCY basale peut être normale ou peu augmentée et limites méthodologiques, notamment leur caractère rétrospectif ou
alors le test de charge en méthionine prend toute sa valeur. La transversal, avec mesure de l’HCY après la survenue d’un accident
mesure directe de l’activité de la CBS in vitro dans des fibroblastes vasculaire (coronarien, cérébral ou des membres inférieurs), ce qui
en culture ou dans les lymphocytes est possible [6, 18] mais ne peut, ne permettait pas de faire la part entre une hyperhomocystéinémie
dans l’état actuel des choses, être proposée comme test de routine. primitive favorisant le développement de l’athérosclérose et des
Théoriquement, l’activité de la CBS est nulle chez le sujet thromboses artérielles, ou une hyperhomocystéinémie secondaire
homozygote et est de 50 % chez le sujet hétérozygote. En fait, les survenant après les accidents artériels eux-mêmes liés à d’autres
mesures pratiquées chez les patients montrent des taux d’environ facteurs.
30 % chez l’hétérozygote, suggérant une hétérogénéité allélique Les données récemment publiées de plusieurs études prospectives
s’exprimant au niveau phénotypique. L’activité enzymatique de la [10, 27]
permettent de répondre à ces légitimes objections et de
CBS est mesurée en quantifiant la cystathionine radioactive confirmer que l’hyperhomocystéinémie modérée est un facteur de
produite par les fibroblastes dermiques en culture ou les risque vasculaire indépendant. La Physician’s Health Study [27] est
lymphocytes activés des malades à partir d’une quantité de sérine une étude cas-témoin appariée, réalisée au sein d’une cohorte de
radioactive connue. McGuil et al [16] ont fait une analyse des 15 000 hommes, médecins américains, initialement exempts d’atteinte
résultats du dosage de l’HCY de base et après test de charge en coronaire, avec un suivi prospectif de 5 ans. L’HCY plasmatique
méthionine et de la mesure de l’activité de la CBS, dans plusieurs basale mesurée à l’entrée dans l’étude était significativement plus
études comportant une population de témoins et une population élevée dans le groupe des 271 sujets qui présenteront un infarctus
d’hétérozygotes obligatoires. Ces auteurs ont montré qu’aucune aigu du myocarde durant le suivi, que dans un groupe témoin
méthode employée seule ne peut différencier les hétérozygotes apparié. En raisonnant sur les valeurs moyennes d’HCY, le risque
obligatoires des témoins du fait du recouvrement des valeurs relatif d’infarctus était de 1,18, équivalent à une augmentation du
individuelles, suggérant l’utilisation de plusieurs méthodes en risque de 18,2 % pour chaque dépassement de l’HCY d’une déviation
parallèle pour définir ces sujets. Des études récentes ont permis de standard. Si l’on analyse les résultats en termes de cas exposés, c’est-
cloner le gène codant pour la CBS. Il a été ensuite possible de à-dire de sujets présentant à l’entrée dans l’étude une augmentation
détecter des anomalies moléculaires au niveau de ce gène chez des de l’HCY au-dessus de 15,8 µmol/L (moyenne plus deux écart-
sujets homozygotes, mais aussi chez des hétérozygotes à risque de types), l’hyperhomocystéinémie était retrouvée chez 11 % des
complications thromboemboliques. Plus d’une quinzaine de malades contre 2 % des témoins (risque relatif = 3,1). Il n’y avait pas
mutations du gène de la CBS ont été identifiées [ 2 4 ] . Ces de corrélation entre l’hyperhomocystéinémie et les autres facteurs de
descriptions ont, non seulement un intérêt diagnostique, mais aussi risque vasculaire.
thérapeutique, car certaines mutations sont associées à la bonne
réponse à une surcharge en vitamine B6. On peut ainsi espérer que Dans l’étude de Selhub et al [25], émanation de la cohorte de
les progrès de la génétique et de la biologie moléculaire Framingham, portant sur 1 041 sujets (418 hommes, 623 femmes,
permettront, dans un futur proche, un dépistage « direct » des âgés de 67 à 96 ans), le pourcentage de sujets avec une sténose
sujets à risque par recherche de l’anomalie moléculaire du gène de carotidienne en échographie doppler augmentait de façon linéaire
la CBS, avec des conséquences thérapeutiques préventives ciblées. avec les taux d’HCY, passant de 25 % pour une HCY à 8 µmol/L à
plus de 50 % pour une HCY dépassant 18 µmol/L. Ces différences
Depuis une quinzaine d’années, les données s’accumulent sur des restaient hautement significatives après ajustement de l’âge, du
modèles cellulaires in vitro, des modèles expérimentaux, et à partir sexe, du taux d’high density lipoprotein (HDL cholestérol), de la
d’études cliniques, suggérant qu’une augmentation modérée de pression artérielle systolique et du tabagisme. L’augmentation du
l’HCY est un facteur de risque indépendant pour le développement risque de sténose carotidienne apparaissait même chez les sujets
d’une athérosclérose précoce, et un facteur de risque de thrombose avec une HCY « normale » par rapport aux témoins, suggérant
artérielle ou veineuse. que les critères habituellement utilisés pour définir
l’hyperhomocystéinémie (taux supérieur à la moyenne plus deux
écarts-types des sujets témoins) pourraient être reconsidérés.
Hyperhomocystéinémie, D’autant que des résultats proches ont été retrouvés dans d’autres
athérosclérose et thromboses études pour le risque d’infarctus du myocarde, d’épaississement
artérielles de la paroi carotidienne, de sténose carotidienne déterminée par
angiographie, et d’accident vasculaire cérébral transitoire ou
Les modèles expérimentaux, présentant des lésions vasculaires constitué [7, 20].
proches de celles que l’on voit chez l’homme dans les cas de déficit Une étude prospective et contrôlée au Royaume-Uni, à partir d’une
homozygote en CBS, reposent sur l’administration par voie cohorte de plus de 5 000 hommes âgés de 40 à 59 ans suivis depuis
parentérale aux animaux (lapins, babouins, rats) d’HCY thiolactone 1980 [20], a également trouvé une augmentation significative des
qui s’hydrolyse spontanément en HCY. Les animaux développent taux d’HCY plasmatique chez les sujets ayant fait un accident
des plaques fibreuses, différentes des habituelles plaques vasculaire cérébral ischémique par rapport aux témoins appariés
fibrolipidiques, associant une hyperplasie des cellules musculaires (13,7 versus 11,9 µmol/L, p = 0,004). Le risque relatif augmentait
lisses, des dépôts et épaississements des matrices extracellulaires, parallèlement aux taux d’HCY. L’HCY était un facteur de risque
et une fragmentation de la limitante élastique interne qui se indépendant des autres facteurs de risque vasculaire.
dissèque longitudinalement. L’administration concomitante de Une seule étude contrôlée finlandaise trouve des résultats
doses importantes de cholestérol et d’HCY thiolactone entraîne une divergents [1], à partir d’une cohorte de 7 424 hommes et femmes,
amplification marquée des lésions et une modification des âgés de 40 à 64 ans, suivis depuis 1977, en ne trouvant pas de
altérations fibrosclérotiques vers des lésions fibrolipidiques. différence significative d’HCY chez les sujets faisant un infarctus
L’administration intraveineuse chronique d’HCY provoque myocardique ou un accident vasculaire cérébral ischémique.

2
Angéiologie Hyperhomocystéinémie 19-0605

Les données concernant l’artériopathie des membres inférieurs sont modifications prothrombogènes des facteurs de la coagulation [14].
comparables, bien que moins nombreuses. Plusieurs travaux [10, 17] Les cellules endothéliales présentent des vacuolisations, des
ont montré que les patients présentant une artériopathie oblitérante fragmentations nucléiques et de la nécrose fibrinoïde. L’HCY induit
des membres inférieurs, avaient des taux d’HCY plus élevés que une apoptose des cellules endothéliales, une prolifération des
les témoins. Les patients avec une hyperhomocystéinémie avaient cellules musculaires lisses, associée à des perturbations des
une évolutivité plus importante de leur artériopathie [28]. synthèses du collagène et des matrices glycoprotéiques
extracellulaires, aboutissant à une fragmentation des fibres
élastiques et des calcifications pariétales [30]. L’HCY, par le biais des
Hyperhomocystéinémie et espèces oxygénées réactives, provoque l’oxydation des
thromboses veineuses lipoprotéines low density lipoprotein (LDL), favorisant leur
captation par les macrophages et les cellules musculaires lisses.
Au cours de la maladie veineuse thromboembolique, le nombre L’exposition prolongée de culture de cellules endothéliales à l’HCY
d’études est beaucoup plus faible mais les liens avec une entraîne une diminution de la production de monoxyde d’azote [26].
hyperhomocystéinémie modérée semblent étroits. Dans les L’HCY inhibe l’expression à la surface endothéliale de la
premières études [3], la prévalence d’une hyperhomocystéinémie thrombomoduline, active la protéine C et le facteur V, inhibe la
basale ou après charge en méthionine était significativement plus production du facteur de Willebrand et augmente l’activité
élevée chez les patients avec maladie thromboembolique veineuse procoagulante du facteur tissulaire [23].
que chez les témoins appariés pour l’âge et le sexe. L’interprétation
n’était pas simple car de nombreux patients avaient d’autres
facteurs de risque de thrombose (traitement œstroprogestatif,
tabagisme, syndrome myéloprolifératif, thrombocytémie
essentielle, anticoagulant circulant, etc). Conséquences thérapeutiques
Plus récemment, Den Heijer et al [8] ont étudié 185 patients ayant possibles
présenté des thromboses veineuses récidivantes et 220 témoins. Une
hyperhomocystéinémie basale ou après test de charge en méthionine,
était retrouvée chez 25 % des patients contre 9 % des témoins (risque La surcharge vitaminique (acide folique, vitamine B6), à doses
relatif = 3,1, risque ajusté = 2,0). Le risque de thrombose veineuse modérées et donc sans risque métabolique, permet de normaliser
augmentait progressivement avec l’augmentation des taux d’HCY : de les taux HCY plasmatiques, même en l’absence de carence. Il est
2,7 pour une HCY à 16,2 µmol/L (80e percentile), à 3,1 pour une HCY probable que l’apport en excès de ces différentes vitamines,
à 22 µmol/L (95e percentile). Comme pour le développement de cofacteurs des enzymes clés du métabolisme de l’HCY, permette
l’athérosclérose, il n’y a donc pas forcément un seuil d’HCY chez les sujets hétérozygotes d’augmenter l’activité déficiente de
plasmatique net au-delà duquel le risque augmente. Comme pour ces enzymes, et donc de normaliser les taux d’HCY. Il est déjà
d’autre facteurs de risque de thromboses veineuses profondes, deux démontré que la supplémentation alimentaire en folates et
des études publiées retrouvaient fréquemment (40 à 54 %) chez les thiamine permet de diminuer significativement les taux d’HCY [11].
patients hyperhomocystéinémiques un autre facteur de risque Une méta-analyse récente suggère un rôle bénéfique d’une
prothrombotique. Dautres travaux portant sur les thromboses supplémentation en folates, à des posolgies quotidiennes de 1 à
veineuses ou artérielles ont souligné la grande prévalence d’une 2 mg [5]. Le véritable problème, non encore résolu, est de savoir si
hyperhomocystéinémie dans ces contextes [3, 29].
la normalisation ou l’abaissement des taux d’HCY pendant une
période prolongée peut diminuer le risque vasculaire, en termes
d’événement clinique (accident vasculaire cérébral, coronarien ou
Physiopathologie des atteintes des membres inférieurs), ou en termes de modification objective
vasculaires associées (échodoppler des carotides). Plusieurs études prospectives de
à l’hyperhomocystéinémie prévention secondaire sur ce thème ont (ou vont) démarrer
prochainement [9] et devraient apporter des réponses claires à ces
L’élévation prolongée des taux d’HCY plasmatique entraîne des questions aux conséquences potentiellement majeures pour la santé
lésions des cellules pariétales vasculaires, du tissu conjonctif, et des publique.

Références ➤

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19-0605 Hyperhomocystéinémie Angéiologie

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4
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0530

19-0530

Ischémie aiguë des membres


Y Castier
C Saliou
P Julia
Résumé.– L’ischémie aiguë des membres, conséquence de l’interruption brutale du courant sanguin et
JN Fabiani
de l’irrigation tissulaire par une oblitération artérielle aiguë, est une urgence médicochirurgicale. Le
diagnostic est clinique. Les interventions pour ischémie aiguë des membres sont actuellement les
premières interventions de chirurgie vasculaire d’urgence. Les embolies représentent la première cause
d’ischémie aiguë des membres.
La prise en charge optimale d’une ischémie aiguë des membres nécessite une unité de chirurgie
vasculaire disponible 24 heures sur 24, avec une coopération radio-médico-chirurgicale effective, afin
d’envisager la revascularisation dans les meilleures conditions.
L’utilisation de la sonde de Fogarty a révolutionné, depuis plus de 30 ans, le pronostic fonctionnel des
embolies. Néanmoins, la mortalité globale, d’environ 25 %, reste très élevée, essentiellement du fait des
complications générales qu’elles entraînent, et de l’âge de plus en plus élevé des patients.
© Elsevier, Paris.

Introduction (adénosine triphosphate [ATP], glycogène). La peau résiste à une


ischémie sévère pendant environ 24 heures [13] . L’évolution
L’ischémie aiguë des membres, conséquence de l’interruption brutale naturelle de cette ischémie est évidemment la mort cellulaire.
du courant sanguin et de l’irrigation tissulaire par une oblitération La reperfusion d’une extrémité ischémique est une phase
artérielle aiguë, est une véritable urgence médicochirurgicale. Elle extrêmement critique qui menace non seulement le membre
doit être rapidement diagnostiquée et rapidement traitée. ischémié, mais aussi le reste de l’organisme. Une aggravation des
Le diagnostic clinique est en règle aisé, les examens complémentaires dommages cellulaires au moment de la reperfusion est en rapport
ont une place précise et limitée, et ne doivent pas retarder la mise en avec une production excessive de radicaux libres [8]. La libération
œuvre du traitement. Les interventions pour ischémie aiguë des de potassium en excès dans la circulation peut entraîner de graves
membres sont actuellement les premières interventions de chirurgie troubles de la fonction cardiaque. La myoglobine libérée peut être
vasculaire d’urgence. responsable d’insuffisance rénale aiguë (nécrose tubulaire aiguë).
D’autres facteurs sont libérés dans la circulation : aggrégats
plaquettaires, facteurs procoagulants, cytokines inflammatoires
Physiopathologie causes des complications pulmonaires et cérébrales [12].
La gravité de l’ischémie dépend de plusieurs facteurs : l’existence
L’ischémie se définit comme une insuffisance d’apport sanguin d’une circulation collatérale fonctionnelle, la qualité du lit d’aval,
tissulaire. L’occlusion brutale d’une branche artérielle entraîne l’extension du thrombus, la pression artérielle systémique,
rapidement des perturbations du métabolisme cellulaire dans les l’association à une thrombose veineuse, la viscosité sanguine, le
territoires qui en dépendent. Deux phénomènes se produisent : taux d’hémoglobine plasmatique [2]. L’existence ou non d’une
tout d’abord une chute de la production énergétique par blocage circulation collatérale fonctionnelle est à l’origine de la diversité
de la phosphorylation oxydative, et une suppression de la fonction des tableaux cliniques observés. Les embolies sur artères saines
de détersion entraînant l’accumulation de déchets métaboliques et donnent des ischémies brutales et sévères car elles interrompent
l’acidification des tissus. Les conséquences au niveau cellulaire de totalement la circulation dans tous les segments du membre sous-
cette ischémie sont : une fuite de potassium, un œdème et une jacent. Lors des thromboses, si la lésion préexistante originelle est
augmentation de la concentration de calcium intracytoplasmique modérée, la circulation collatérale ne s’est pas développée et la
en partie responsable de l’activation des enzymes protéolytiques [8]. situation est comparable. En revanche, il existe des circonstances
où la circulation collatérale assure, pendant quelques heures ou
Les muscles squelettiques et les nerfs périphériques résistent
jours, une survie cellulaire car elle s’est développée avant la
environ 6 heures à l’ischémie. Cette tolérance relative du muscle
thrombose ou l’accident embolique. La présence de cette circulation
strié semble liée à deux phénomènes, d’une part sa faible demande
collatérale détermine un état d’ischémie subaiguë. C’est une des
d’énergie au repos et ses importantes réserves métaboliques
situations ou l’artériographie a une place importante dans la
stratégie thérapeutique [6].
Yves Castier : Interne des hôpitaux de Paris. Enfin, il ne faut pas négliger les lésions pariétales artérielles
Christophe Saliou : Ancien chef de clinique, assistant des hôpitaux de Paris. provoquées par le thrombus qui surviennent en quelques heures
Pierre Julia : Chirurgien des Hôpitaux.
et peuvent être à l’origine de rethrombose après une
© Elsevier, Paris

Jean-Noël Fabiani : Professeur des Universités, chirurgien des Hôpitaux.


Service de chirurgie cardiovasculaire, hôpital Broussais, 96, rue Didot, 75014 Paris, France. désoblitération réussie. Ces lésions pariétales sont : une

Toute référence à cet article doit porter la mention : Y Castier, C Saliou, P Julia et JN Fabiani. Ischémie aiguë des membres. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0530, 1997, 5 p.
19-0530 Ischémie aiguë des membres Angéiologie

désendothélialisation avec mise à nu de la couche sous- ¶ Thromboses des pontages


endothéliale qui est très thrombogène, l’apparition de foyer
ischémique de la média et l’inflammation de l’adventice par Elles sont en règle faciles à reconnaître puisqu’elles surviennent
congestion des vasa vasorum [6]. dans un contexte évocateur.

¶ Causes médicamenteuses
Étiologie Elles ne sont pas négligeables. Il s’agit de l’ergotisme, de la prise
au long cours d’estroprogestatifs, d’injection intra-artérielle de
certains médicaments (drogue vasoconstrictive, produits
EMBOLIE
sclérosants veineux, barbituriques). L’allergie à l’héparine tient une
Les embolies représentent la première cause d’ischémie aiguë des place à part, elle doit être recherchée dans tous les cas
membres [18]. Le membre inférieur est cinq fois plus souvent atteint, d’oblitération vasculaire aiguë survenant chez un patient traité par
en général au niveau des bifurcations du fait du changement brutal héparine.
du calibre artériel. Les territoires les plus touchés sont dans l’ordre :
la bifurcation fémorale, l’artère poplitée, l’étage aorto-iliaque. Au ¶ Compression extrinsèque
niveau du membre supérieur l’artère humérale est le siège
On peut citer : artère poplitée piégée, kyste adventiciel poplité,
préférentiel des embolies.
syndrome des loges, syndrome du défilé thoracobrachial, tumeur
L’origine est cardiaque dans 90 % des cas [5] : au voisinage d’un axe artériel.
– arythmie complète par fibrillation auriculaire (60 à 70 %),
survenant le plus souvent dans le cadre d’une cardiopathie ¶ Autres cas
d’origine ischémique (l’incidence du rhumatisme articulaire aigu
ayant nettement diminué) ; – Artériopathie non athéromateuse des gros troncs (maladie de
Takayashu, périartérite noueuse) et des artères de petits calibres
– infarctus du myocarde (20 %), le thrombus est le plus souvent (maladie de Buerger, sclérodermie).
situé à l’apex du ventricule gauche (VG) et survient après un
infarctus transmural antérieur. L’embolie artérielle se produit en – États d’hypercoagubilité sanguine : syndrome myéloprolifératif,
général dans le premier mois après l’infarctus (14 jours, en néoplasie, lupus érythémateux aigu disséminé, déficit en facteurs
moyenne) ; de l’hémostase (antithrombine III, protéine C ou S).
– d’autres causes moins fréquentes : anévrysme cardiaque,
CAS PARTICULIERS
endocardite bactérienne, tumeur cardiaque (myxome), thrombose
des valves cardiaques mécaniques, cardioversion.
¶ Traumatisme vasculaire [19]
L’origine est extracardiaque dans 5 à 10 % des cas ;
La plaie artérielle peut être franche, la solution de continuité
– anévrysmes (aorte abdominale, iliaque, poplité, sous-clavier,
intéressant les trois tuniques (intima, média, adventice). Elle peut
axillaire) ;
être contuse, il s’agit alors d’une rupture sous-aventicielle de la
– lésions d’athérosclérose ulcérées ou végétantes ; média ou de l’intima. Les ruptures intimales isolées sont très
– embolie à partir d’un site d’implantation d’une prothèse importantes à connaître car elles respectent souvent la perméabilité
thrombosée ; immédiate, la thrombose aiguë pouvant survenir dans un
deuxième temps par dissection ou décollement du lambeau
– embolie paradoxale ; intimal.
– embolie septique ;
¶ Dissection aortique [22]
– complications d’un cathétérisme artériel ;
À partir de la rupture (porte d’entrée), la dissection se propage
– tumeur de l’aorte (exceptionnel).
vers l’aval et vers l’amont. Toutes les artères naissant de l’aorte
Dans 5 à 10 % des cas, la cause reste inconnue dans la plupart des peuvent être intéressées, déterminant autant de territoires
séries [5]. ischémiés. Le mécanisme habituel de ces complications vasculaires
périphériques est une compression extrinsèque de l’orifice artériel
THROMBOSE (lumière) par le faux chenal ou par le décollement intimal. C’est
l’oblitération de la lumière d’une ou des artères iliaques qui est à
l’origine des ischémies des membres inférieurs au cours de la
¶ Occlusions d’artères athéromateuses
dissection aortique.
C’est la première cause de thrombose artérielle in situ, survenant
le plus souvent au niveau des segments les plus sténosés de
l’artère. Plusieurs facteurs favorisants sont à connaître : hémorragie Diagnostic
intraplaque, hypovolémie, polyglobulie, bas débit cardiaque,
traumatisme [13] . En général, ces patients ont développé une Le diagnostic d’ischémie aiguë des membres est clinique.
circulation collatérale et l’ischémie est moins sévère, néanmoins
Les cinq signes essentiels sont : la douleur, l’abolition des pouls, la
celle-ci peut être grave et révélatrice de la maladie sous-jacente.
pâleur, les paresthésies et la paralysie. L’abolition des pouls distaux
est la règle. Les pulsations juste en amont de l’obstruction peuvent
¶ Thromboses d’anévrysmes être anormalement fortes. Dans le cas d’une embolie, les pouls
Elles représentent la deuxième cause de thrombose artérielle in d’aval sont parfois normaux au début de l’évolution, transmis par
situ. L’accident le plus fréquent étant la thrombose d’un anévrysme un embole frais. La douleur est en général intense, de début brutal,
poplité qui est un accident grave, de traitement difficile (la lésion localisée, englobant le groupe de muscles au-dessous du niveau de
anévrysmale ayant de façon presque constante embolisé à bas bruit l’occlusion. Le membre est pâle, froid et les veines sont vides et
au cours de son évolution) [15]. La thrombose d’un anévrysme collabées.
fémoral, iliaque ou aortique peut également être à l’origine d’une Les signes neurologiques sont inconstants, lorsqu’ils sont présents,
oblitération artérielle aiguë. ils témoignent de la gravité de l’ischémie. Les paresthésies avec

2
Angéiologie Ischémie aiguë des membres 19-0530

diminution de la sensibilité au tact fin et de la sensibilité


proprioceptive sont les premiers signes neurologiques qui
apparaissent (fibres les plus sensibles à l’ischémie). La perte de la
sensibilité à la douleur est un signe tardif (fibres nociceptives plus
résistantes). Il faut rechercher une certaine faiblesse des muscles
les plus distaux ainsi qu’une abolition des réflexes ostéotendineux.
La paralysie complète est un signe tardif. La palpation des muscles
est nécessaire, de consistance élastique au début, ils deviennent
fermes puis durs à un stade tardif.
Dans la plupart des cas, un interrogatoire précis et un examen
clinique complet permettent :
– d’estimer le niveau d’obstruction, ce qui est en règle facile par la
disparition des pouls à partir du niveau supérieur de l’oblitération,
par la réapparition d’une coloration, d’une chaleur cutanée, d’une
sensibilité immédiatement au-dessus de la zone d’oblitération ;
– de déterminer la cause probable de l’occlusion artérielle :
embolie ou thrombose (importance de l’interrogatoire qui précise
les antécédents cardiaques et vasculaires, et de l’examen clinique à
la recherche d’une cardiopathie méconnue, d’un anévrysme) ;
– d’évaluer le degré d’ischémie.

Examens complémentaires,
prise en charge
1 Artériographie montrant un aspect typique d’occlusion par embolie de la fémo-
La prise en charge optimale d’une ischémie aiguë des membres rale superficielle.
nécessite une structure disponible 24 heures sur 24 avec une
coopération radiomédicochirurgicale effective afin d’envisager la
chirurgical des vaisseaux à désobstruer. En présence d’un pouls
revascularisation dans les meilleures conditions.
fémoral, l’artériographie doit être systématique et pourra être
Certains examens sont systématiques et doivent être réalisés en réalisé dans le même temps qu’un acte thérapeutique endoluminal.
urgence : numération-formule sanguine, glycémie, ionogramme Il faut retenir que, dans tous les cas, une opacification des
sanguin, créatinine et urée plasmatique, recherche de vaisseaux d’un membre peut être facilement obtenue au bloc
myoglobinémie et de myoglobinurie, dosage des créatinine-kinases opératoire.
(CPK), groupe, Rhésus, recherche d’agglutinines irrégulières [RAI],
Quant aux examens à visée étiologique comme l’échographie
bilan d’hémostase complet (international normalised ratio [INR],
cardiaque transœsophagienne qui recherche une cardiopathie ou
taux de céphaline activée, fibrinogène, plaquettes),
un thrombus intracardiaque, ils seront réalisés après la
électrocardiogramme (ECG). L’échographie doppler fait également
revascularisation effectuée.
partie de cette liste, car elle est rapide à réaliser et apporte des
renseignements précieux [4]. L’examen doppler contribue à la
quantification du degré d’ischémie, permettant la mesure des
pressions distales en doppler continu ainsi que l’enregistrement du Traitement
flux veineux. Il apporte une aide au diagnostic topographique de
l’ischémie en précisant le siège de l’occlusion et la qualité de la Il s’agit d’une urgence médicochirurgicale dont la prise en charge
réentrée. L’échographie permettra, dans le bilan étiologique, de optimale sera réalisée en unité de chirurgie vasculaire. Le
rechercher une source de thrombose (anévrysme ou piège localisé), traitement médical comporte l’anticoagulation par héparine à dose
de même qu’une source potentielle d’emboles comme un efficace par voie intraveineuse qui sera débutée dès le diagnostic
anévrysme de l’aorte abdominale. Elle évaluera également la posé. Son but est de limiter l’extension de l’occlusion artérielle afin
qualité de la paroi artérielle au site occlus, l’existence ou non d’une de préserver la collatéralité et le réseau distal, et de favoriser la
sténose calcifiée, par exemple. fibrinolyse physiologique. Il est de règle d’y adjoindre des drogues
L’artériographie lorsqu’elle est pratiquée, offre cinq pôles d’intérêt : vasodilatatrices, surtout chez les patients artéritiques. La
elle montre l’aspect de l’occlusion (fig 1) , visualise l’état des réanimation comporte la correction des troubles hydro-
vaisseaux d’amont, apprécie la qualité du réseau collatéral, établit électrolytiques et de l’acidose métabolique, elle sera guidée par
un pronostic sur la possibilité de restauration artérielle et peut l’état clinique et le résultat des examens biologiques. L’emploi
mettre en évidence, en cas d’origine embolique, un certain nombre d’antalgiques puissants est nécessaire au confort du malade.
d’emboles (homo- ou controlatéraux) cliniquement latents [3].
L’artériographie ne doit entraîner aucun retard thérapeutique qui DIFFÉRENTES MÉTHODES THÉRAPEUTIQUES
pourrait être fatal, notamment lorsque le patient présente des
Le chirurgien vasculaire dispose de nombreux moyens
signes sensitivomoteurs à son arrivée, et que l’opacification ne peut
thérapeutiques. Son choix dépend de la sévérité de l’ischémie, de
être obtenue immédiatement. Le cas le plus typique étant celui de
l’état du réseau artériel, de l’origine probable de l’oblitération
la paralysie ischémique par embolie du carrefour aortique venant
(thrombose in situ ou embolie) et de l’état général du patient.
compliquer une cardiopathie. En effet, le diagnostic est évident, et
le geste chirurgical d’embolectomie en urgence est le seul à même
de préserver le risque vital. ¶ Embolectomie chirurgicale
En général, devant une histoire embolique typique sur artères L’embolectomie par cathéter de Fogarty [9], introduite en 1963, a
saines et l’absence de pouls fémoral, l’artériographie conven- transformé le pronostic des embolies artérielles. Cette technique
tionnelle ne présente que peu d’intérêt. De plus, elle pourra être est simple, rapide, efficace et peut être réalisée sous anesthésie
supplée au bloc opératoire par une angiographie après abord locale. Elle permet une désoblitération rétrograde et antérograde

3
19-0530 Ischémie aiguë des membres Angéiologie

aussi étendue que nécessaire. La voie d’abord est dictée par la situ localisée, la thromboaspiration associée à une angioplastie,
clinique [23]. Pour les membres inférieurs, on aborde en général le précédée si besoin d’une courte fibrinolyse in situ est une
trépied fémoral au niveau de l’aine, ou bien l’artère poplitée technique de remplacement intéressante chez des patients à haut
distale. Pour le membre supérieur c’est l’artère humérale au niveau risque chirurgical [4].
de la gouttière bicipitale interne, ou au pli du coude qui est le plus Cette technique présente l’avantage d’un moindre traumatisme de
souvent abordée. l’endothélium par rapport à l’utilisation de la sonde de Fogarty.
Le cathéter de Fogarty (dont le diamètre est adapté au calibre du Elle est plus rapide, moins dangereuse, moins coûteuse et présente
vaisseau) est introduit par l’artériotomie, après contrôle proximal beaucoup moins de contre-indications que la fibrinolyse in situ [4].
et distal du vaisseau. Après avoir traversé le caillot, le ballonnet
est gonflé doucement et le cathéter retiré avec prudence, le ¶ Chirurgie restauratrice
gonflage étant interrompu dès qu’apparaît une résistance au retrait. Les pontages artériels en urgence sont indiqués, en première
La réapparition du flux artériel et des pouls distaux ne dispensent intention, dans certains cas de thrombose sur artères
en aucun cas d’un contrôle artériographique sur table. Cette pathologiques, ou, en seconde intention, après réalisation des
technique est utilisée en première intention par la plupart des techniques endovasculaires.
équipes, dans les cas d’embolies récentes aorto-iliaques, fémorales,
humérales et axillaires sur artères saines. La réalisation de ces pontages nécessite de trouver un axe donneur
et un axe receveur, avec un lit d’aval satisfaisant. Le trajet du
¶ Fibrinolyse in situ pontage peut être physiologique ou extra-anatomique. Le choix des
matériaux à utiliser (veines, polytétrafluoéthylène [PTFE],
Le traitement fibrinolytique a bénéficié, ces dernières années, des Dacront) est fonction de la localisation de l’oblitération. Pour les
progrès de la radiologie interventionnelle. Dotter et al [7] ont décrit, occlusions iliaques le pontage pourra être aortofémoral, croisé
pour la première fois en 1974, la technique de fibrinolyse locale fémorofémoral ou axillofémoral. Pour les occlusions poplitées, ils
intra-artérielle au contact du thrombus, la voie veineuse seront réalisés au mieux à l’aide de la veine saphène interne en
périphérique ayant été abandonnée en raison de ses complications. position fémoropoplité ou fémorojambiers.
La thrombolyse intra-artérielle est réalisée après ponction de Dans le cas particuliers de la dissection aortique, lorsque l’ischémie
l’artère fémorale, selon la technique de Seldinger. Un système de est unilatérale, le traitement consiste à effectuer un pontage
cathéters coaxiaux permet la délivrance du fibrinolytique (en fémorofémoral ; en cas d’ischémie bilatérale, la revascularisation
général l’urokinase) à des doses variables, selon les divers est alors assurée par un pontage axillobifémoral.
protocoles [16], au contact du thrombus. Cette technique impose le
respect strict de ses contre-indications à savoir : celles de la ¶ Gestes associés
fibrinolyse elle-même, l’ischémie sensitivomotrice (délai d’action
trop long) et les occlusions huméroaxillaires (en raison du risque Aponévrotomies
réel d’embolie dans le territoire vertébrobasilaire, à partir de Un œdème important après le geste de revascularisation est
thrombus se formant le long du cathéter dans une artère sous- responsable d’une augmentation de pression dans les loges
clavière avec un flux ralenti). musculaires (surtout dans la loge antérieure). Cela empêche le
Les indications principales sont : les occlusions aiguës récentes retour veineux, et une circulation distale adéquate au niveau du
(inférieures à 15 jours) des pontages fémoropoplités, certains membre menacé membre ischémié. Les aponévrotomies de
sauvetages de membres chez des patients porteurs d’occlusions décharge permettent de diminuer la pression dans le compartiment
fémoropoplitées longues sur artères pathologiques, en musculaire, et donc d’améliorer la circulation distale en ouvrant
préopératoire dans les thromboses des anévrysmes poplités [21]. On les loges ostéofibreuses. La principale complication de
peut associer à la fibrinolyse une thromboaspiration en cas de l’aponévrotomie est le sepsis qui risque de compromettre le
thrombus résiduel, ou une angioplastie en cas de sténose membre ischémié, mais aussi la vie du patient.
athéromateuse préexistante. La fibrinolyse intra-artérielle peut Ses indications varient selon les équipes chirurgicales, quasi
aussi être associée à la chirurgie pour pallier à une embolectomie systématiques pour certains [6], plus rares pour d’autres [13]. Un
incomplète [10, 17]. Récemment Armon et al [1] ont rapporté de bons enregistrement des pressions intramusculaires peut aider à la
résultats après utilisation de fibrinolyse avec pulse-spray chez décision, une valeur supérieure à 30 mmHg impose la
100 malades. La technique de pulse-spray permet d’accélérer la décompression de manière urgente. En cas d’interventions
thrombolyse par administration de l’agent fibrinolytique sous précoces, elles seront faites à ciel ouvert à l’approche de la sixième
haute pression dans le thrombus. heure d’ischémie. Ces aponévrotomies doivent être larges et
intéresser les quatre loges musculaires (antérieure, externe,
¶ Thromboaspiration postérieures, profondes et superficielles) ; on réalise deux incisions
antéroexterne et postéro-interne qui s’étendent du genou à la
La thromboaspiration par voie percutanée est une technique qui a
malléole.
été utilisée pour la première fois par Greenfield et al en 1960 [11]
pour l’aspiration d’un caillot de l’artère pulmonaire. En 1978, Lavage de membre
Horvath et al [14], puis Sniderman en 1984 [20], l’ont utilisée avec
succès dans le traitement d’embolies distales survenant après Le lavage de membre a des indications précises : ischémie grave
angioplastie. Cette technique nécessite pour être employée une (sensitivomotrice) vue tardivement et/ou ischémie de territoire très
bonne connaissance des procédures endovasculaires. Le principe important (carrefour aortique). Il est réalisé, après canulation
consiste à aspirer le thrombus par l’intermédiaire d’un cathéter artérielle, avec du sérum physiologique ou bicarbonaté ou des
introduit par voie percutanée (Désilett) présentant un orifice solutés de reperfusion (solution de Fabiani). L’axe veineux étant
unique. L’orifice distal est mis au contact du thrombus, une ouvert pour évacuer le retour du liquide de lavage, on perfuse 1 L
seringue de 50 mL permet de récupérer le thrombus fragmenter de sérum par membre inférieur.
par effet ventouse. L’ensemble de la procédure est réalisée sous
anticoagulation à dose efficace. Amputation
Les indications sont les occlusions à l’étage fémoropoplité (partie L’amputation doit parfois être réalisée d’emblée lorsqu’il existe des
terminale de la fémorale superficielle et trépied jambier) récentes signes d’ischémie dépassée, en particulier lorsque le pronostic vital
(moins de 10 jours), courtes (inférieures à15 cm), sur artères saines du patient est mis en jeu.
ou pathologiques. Elle est parfaitement adaptée au traitement des Insistons sur le fait qu’une artériographie est indispensable après
occlusions emboliques du trépied jambier. En cas de thrombose in tout geste de revascularisation quelle que soit la technique

4
Angéiologie Ischémie aiguë des membres 19-0530

employée. Une angioscopie peut remplacer ou compléter cette COMPLICATIONS


artériographie peropératoire.
– Récidive de l’oblitération artérielle.
PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE – Complications liées à l’ischémie aiguë et à la revascularisation :
syndrome des loges, insuffisance rénale, complications
¶ Surveillance du membre opéré pulmonaires et cardiaques.
La surveillance est indispensable, un bon résultat initial pouvant – Complications liées au traitement : traumatismes artériels lors
se dégrader brutalement. Il faut palper les pouls distaux toutes les des manœuvres endoartérielles (perforation, déchirure intimale,
demi-heures dans les premières heures, noter la coloration et la dissection), embolisation distale, complications hémorragiques
chaleur de la peau, ainsi que la qualité du remplissage veineux. Il secondaires à l’héparinothérapie et/ou à la fibrinolyse, sepsis
est important que les pouls les plus distaux obtenus en fin notamment après aponévrotomie.
d’intervention soient notés au bloc opératoire, sur la peau du – Décompensation de tares et complications de décubitus, très
malade, grâce à un crayon dermographique. On peut s’aider dans importantes à considérer chez ces patients souvent âgés et fragiles.
les cas d’examens cliniques difficiles (obèse, revascularisation
poplitée) d’un examen doppler. RÉSULTATS
L’utilisation de la sonde de Fogarty a révolutionné depuis plus de
¶ Réanimation postopératoire
30 ans le pronostic fonctionnel des embolies. La grande diffusion
Elle s’attache essentiellement à corriger les troubles métaboliques de cette technique ayant permis de descendre le taux d’amputation
(hypoxémie, acidose, hyperkaliémie), surveiller la fonction rénale au-dessous de 10 %. La thrombose aiguë sur artère pathologique
et l’état hémodynamique. L’hémodialyse est parfois nécessaire. garde, pour sa part, un pronostic assez sombre, avec un taux
d’amputation avoisinant les 30 %.
¶ Traitement anticoagulant Malgré les progrès réalisés, la mortalité globale d’environ 25 %
reste très élevée [15], essentiellement du fait des complications
Il doit être poursuivi et surveillé après l’intervention pour une
générales qu’elles entraînent et de l’âge de plus en plus élevé des
période à définir en fonction de chaque patient et de chaque
patients.
pathologie.
Au total, l’ischémie aiguë des membres est une affection grave
TRAITEMENT DE LA CAUSE
nécessitant, de la part du chirurgien, une bonne connaissance de
son éthiopathogénie et de sa physiopathologie, afin de mettre en
Il est primordial, car lui seul permettra d’éviter les récidives. route le traitement optimal dans un délai le plus court possible.

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5
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0520

19-0520

Œdèmes des membres inférieurs


JM Kerleau
H Lévesque

Résumé.– Définis comme une inflation du liquide interstitiel, les œdèmes prédominent souvent aux
membres inférieurs et peuvent être localisés ou diffus. Les œdèmes généralisés relèvent d’une cause
systémique à l’origine d’une élévation de la pression hydrostatique capillaire, d’une diminution de la
pression oncotique des protéines ou d’une augmentation de la perméabilité capillaire. Ils
s’accompagnent toujours d’une réduction de la natriurèse. Les causes cardiaques, hépatiques et rénales
sont les plus fréquentes, mais il existe également des œdèmes généralisés relevant de cause digestives,
médicamenteuses, endocriniennes. Le traitement symptomatique repose avant tout sur la restriction
sodée, mais le recours aux diurétiques est souvent nécessaire. Les œdèmes localisés témoignent d’une
anomalie locorégionale à l’origine d’une diminution du drainage lymphatique ou d’une augmentation
de la pression capillaire. Il s’agit essentiellement d’œdèmes d’origine veineuse ou lymphatique dont la
contention et le drainage déclive constituent un traitement symptomatique toujours nécessaire.
© Elsevier, Paris.

Introduction Leur approche physiopathologique doit prendre en compte deux


phénomènes principaux, d’une part un mécanisme capillaire
La présence d’œdème est la conséquence d’une augmentation de faisant intervenir les mouvements liquidiens transcapillaires, et
volume des liquides interstitiels réalisant une hyperhydratation d’autre part le rôle du rein.
extracellulaire. L’inflation liquidienne peut être localisée ou diffuse,
mais elle touche prioritairement les territoires les plus déclives. ¶ Mouvements liquidiens transcapillaires
L’œdème des membres inférieurs (OMI) constitue donc la situation L’œdème est une augmentation du volume du liquide interstitiel.
clinique le plus fréquemment rencontrée. Si le syndrome œdémateux Le compartiment extracellulaire de l’organisme comprend deux
s’accentue, il peut concerner d’autres parties du tissu sous-cutané fractions plasmatique et interstitielle. Des échanges entre elles sont
(paroi abdominale, lombes) ou atteindre les séreuses (plèvre, péritoine, possibles grâce à des mouvements liquidiens transcapillaires
péricarde), aboutissant alors au tableau d’anasarque. dépendant des différences de pression de part et d’autre de la
Sur les plans physiopathologique et étiologique, il est très important membrane selon la loi de Starling. À l’état basal, il existe un
de distinguer les œdèmes généralisés qui relèveront d’une cause équilibre entre les pressions hydrostatique et oncotique
générale, des œdèmes localisés qui orienteront vers une étiologie intravasculaires d’une part, et interstitielle d’autre part (fig 1).
locorégionale. Devant des OMI, la même distinction clinique, Toute modification d’un ou de plusieurs de ces éléments peut
théoriquement aisée mais souvent beaucoup plus délicate, devra être entraîner une accumulation d’eau et de sel dans le secteur
opérée entre œdèmes prédominant aux membres inférieurs à interstitiel. Ces modifications peuvent consister en une diminution
rapprocher des œdèmes systémiques, et œdèmes localisés à un de la pression oncotique vasculaire (hypoprotidémie), en une
segment du membre inférieur évoquant une étiologie locorégionale. augmentation de la pression hydrostatique au pôle veineux du
capillaire (insuffisance cardiaque) ou encore en une augmentation
de la perméabilité de la paroi capillaire (œdèmes cycliques
Œdèmes généralisés prédominant idiopathiques). Quel que soit le mécanisme de l’œdème, cette
aux membres inférieurs modification de la répartition des liquides de l’organisme engendre
une hypovolémie efficace et une cascade de réactions visant à
rétablir l’équilibre initial où le rôle du rein est prépondérant.
APPROCHE PHYSIOPATHOLOGIQUE

C’est l’hypertrophie du secteur extracellulaire et l’augmentation du ¶ Rôle du rein


pool sodé de l’organisme qui sont à l’origine des œdèmes
Le rein a un rôle primordial car il s’agit du seul site régulant le
généralisés. Une prise de poids de 1 kg correspond à
bilan du sodium de l’organisme. La positivité du bilan sodique
l’augmentation du secteur extracellulaire et à une rétention de 9 g
rénal est la conséquence d’une réabsorption sodée inappropriée.
(NaCl) soit à 154 mEq de sodium.
Celle-ci peut résulter d’une anomalie primitivement néphrologique
lors de laquelle le rein ne réagit plus à l’expansion extracellulaire
(œdème rénal primitif) ou d’une stimulation des barorécepteurs
Jean-Marc Kerleau : Praticien hospitalier.
rénaux, parce qu’une hyperhydratation extracellulaire n’est pas
© Elsevier, Paris

Hervé Lévesque : Professeur, département de médecine interne.


Centre hospitalier universitaire (CHU), hôpital de Bois-Guillaume, 76031 Rouen cedex, France. perçue par les mécanismes régulateurs (insuffisance rénale

Toute référence à cet article doit porter la mention : JM Kerleau et H Lévesque. Œdèmes des membres inférieurs. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0520, 1997, 6 p.
19-0520 Œdèmes des membres inférieurs Angéiologie

digitale laisse persister une dépression cupuliforme qui disparaît


mmHg mmHg progressivement). Ce signe peut disparaître si l’intensité du
26 Pression oncotique plasmatique 26 syndrome œdémateux est majeure, ou si celui-ci est très ancien.
5 Pression hydrostatique interstitielle 5 Les téguments pourront alors prendre un aspect et une consistance
Artériole

Ve i n u l e
cartonnée, voire inflammatoire.

Vaisseau lymphatique
35 Pression hydrostatique plasmatique 25 Le retentissement fonctionnel de ces œdèmes est variable. Il peut
1 Pression oncotique interstitielle 1 aller de la simple plainte d’ordre esthétique jusqu’à la gêne à la
marche, voire la perte d’autonomie chez le sujet âgé. Une
20 L / 24h Capillaire 18 L / 24h
impression de lourdeur des membres inférieurs et de tension de la
peau des extrémités sont ses expressions les plus courantes.
Une rétention hydrosodée majeure peut s’accompagner
d’épanchements des séreuses : cavité péritonéale, plèvre et
Capillaire lymphatique
péricarde. Il s’agit toujours d’un liquide stérile, pauvre en protides
2 L / 24h et en nombre de cellules. L’association d’œdèmes diffus,
d’épanchements des séreuses et d’œdèmes viscéraux (pulmonaire)
réalise le tableau clinique d’anasarque.
1 Mouvements d’eau et de substances dissoutes à travers la membrane capillaire
et leurs déterminants. Un certain nombre de signes cliniques et biologiques
accompagnent les œdèmes généralisés. Quand le secteur interstitiel
fonctionnelle) qui majore la rétention de sodium alors que le rein a s’expand, une oligurie avec réduction de la natriurèse (<
un fonctionnement normal (œdème secondaire). 10 mmol/j) apparaît. Lorsque l’hyperhydratation concerne
Les mécanismes régulateurs sont complexes ; ils font intervenir l’ensemble du secteur extracellulaire (plasmatique et interstitiel),
l’angiotensine II et l’aldostérone sous l’influence de la rénine, mais la baisse de l’hématocrite et de la protidémie traduit
également la baisse des prostaglandines (PGI2, F2, G2). La mise en l’hémodilution. La baisse de l’osmolalité extracellulaire peut
jeu de l’hormone antidiurétique et du facteur atrial natriurétique favoriser une hyperhydratation globale avec ses manifestations
est également importante mais plus tardive. cliniques (céphalée, asthénie, troubles de la vigilance, nausée,
vomissement) et biologiques habituels (hyponatrémie,
APPROCHE CLINIQUE hypo-osmolarité).

Le retentissement clinique de la rétention hydrosodée dépend de


APPROCHE ÉTIOLOGIQUE (fig 2)
son intensité. Schématiquement elle se manifeste cliniquement
lorsqu’elle atteint ou dépasse 5 % du poids du corps. En deçà,
l’anomalie n’est perceptible que sous la forme d’une prise de poids. ¶ Œdèmes généralisés cardiaques
L’œdème apparaît initialement dans les régions déclives, au niveau
des doigts, des mains et du visage le matin, il migre aux membres Insuffisance cardiaque congestive
inférieurs, aux chevilles le soir ; cette mobilité selon la position de Dans l’insuffisance cardiaque à bas débit, il existe une
l’individu et suivant la gravitation est une caractéristique des augmentation de la pression de remplissage ventriculaire et une
œdèmes généralisés, qui persiste quelle que soit l’intensité du augmentation de la pression dans tout le secteur plasmatique
syndrome œdémateux. À un stade de plus, les œdèmes des d’amont. Celle-ci décroît au fur et à mesure que l’on s’éloigne à
membres inférieurs seront permanents, s’accentuant toujours le contre-courant de la pompe cardiaque. La réduction du gradient
soir. En décubitus, des œdèmes des lombes apparaissent. de pression hydrostatique entre le capillaire et le système veineux
L’aspect de ces œdèmes généralisés est celui d’une infiltration entraîne l’inflation hydrosodée interstitielle. D’autre part, la
blanche, pâle, en règle symétrique, prenant le godet (la pression diminution du débit cardiaque génère une hypoperfusion rénale

Œdèmes généralisés

Débit cardiaque
élevé
Thyrotoxicose Insuffisance cardiaque
Anémie
Béribéri Protéinurie HTP + insuffisance hépatique
FAV Cœur
Foie
Cirrhose
Débit cardiaque HTP non cirrhotique
bas
insuffisance cardiaque globale Rein
insuffisance cardiaque droite isolée Syndrome néphrotique
- péricardite Syndrome néphritique
- embolie et maladie artère pulmonaire Insuffisance rénale
- bronchopathies

Gynécologie Endocrinologie Médicaments Capillaire Digestif


Grossesse Hypertyroïdie Perméabilité capillaire Œdème cyclique idiopathique Malnutrition
Toxémie gravidique (hypotyroïdie) Rétention sodée Choc cyclique Malabsorption
Syndrome prémenstuel Hypercorticisme Apports sodés Exsudation

2 Œdèmes généralisés : arbre décisionnel. HTP : hypertension portale ; FAR : fistule artériovéineuse.

2
Angéiologie Œdèmes des membres inférieurs 19-0520

efficace favorisant la rétention rénale de sodium. On retiendra que Autres hypertensions portales
c’est l’insuffisance ventriculaire droite qui constitue le déterminant
Beaucoup plus rarement peuvent s’observer des œdèmes des
essentiel des œdèmes d’origine cardiaque. Les premiers signes de
membres inférieurs lors d’hypertension portale globale
la surcharge hydrosodée sont, avant les œdèmes, la prise de poids
(thrombose des veines sus-hépatique ; syndrome de Budd -
et l’oligurie. Les œdèmes vont épargner classiquement le thorax,
Chiari, maladie veino-occlusive du foie, bilharziose hépatique) ou
les membres supérieurs et la face. Ils s’associent aux autres signes
segmentaire (tumeur pancréatique, pseudokyste comprimant ou
d’insuffisance cardiaque droite, hépatalgie, tachycardie,
obstruant le tronc porte sous-hépatique) sans cirrhose du foie
turgescence des veines jugulaires, hépatomégalie sensible à bord
associée.
inférieur mousse, reflux hépatojugulaire. En fonction de l’étiologie,
on rencontrera également des signes d’insuffisance ventriculaire
gauche. ¶ Œdèmes généralisés uronéphrologiques
Ces œdèmes cardiaques sont en rapport : soit avec une insuffisance
Syndrome néphrotique
ventriculaire droite compliquant une insuffisance cardiaque gauche
(d’origine ischémique, hypertensive, valvulaire, cardiomyo- Défini par une protéinurie (> 3 g/24 h), une hypoalbuminémie
pathique, etc), soit avec une insuffisance cardiaque droite sans (< 30 g/L) et une hypoprotidémie (< 60 g/L), le syndrome
insuffisance cardiaque gauche lors de l’existence de maladie néphrotique ou syndrome de néphropathie glomérulaire est l’une
péricardique, de complications de maladie de l’artère pulmonaire des causes cardinales de syndrome œdémateux généralisée.
(embolie, fibrose, etc) ou de l’appareil pulmonaire proprement dit L’inflation hydrosodée dans le secteur interstitiel est classiquement
(bronchopathie chronique obstructive, etc). mise sur le compte de l’hypoalbuminémie consécutive à la
protéinurie et à l’hypercatabolisme protidique, dépassant les
Insuffisance cardiaque à débit conservé capacités de synthèse protéique du foie. La diminution de la
pression oncotique vasculaire engendre une accentuation des
Les grosses fistules artérioveineuses, le béribéri, les anémies
mouvements liquidiens transcapillaires, au détriment du secteur
sévères, la thyrotoxicose, certains états infectieux, la maladie de
plasmatique, et une hypovolémie réelle ; cette dernière activant les
Paget et la grossesse normale peuvent être à l’origine d’un
mécanismes de la rétention rénale de sodium. Mais des éléments
syndrome œdémateux par insuffisance cardiaque à débit élevé.
récents, réninémie et aldostéronémie basses avec un volume
Dans ces situations cliniques, le volume sanguin artériel efficace
plasmatique normal, amènent à s’interroger sur la réalité de cette
est diminué du fait de la baisse primitive de la résistance
approche classique. Lors de certaines glomérulopathies membrano-
périphérique totale. L’hypotension artérielle active les systèmes
prolifératives ou extramembraneuses s’accompagnant d’un
sympathique et rénine-angiotensine-aldostérone, et favorise la
syndrome néphrotique, l’initiateur de la rétention sodée rénale
rétention hydrosodée rénale. Le volume sanguin total, tout comme
serait une augmentation de la réabsorbtion tubulaire de sodium,
le débit cardiaque, sont augmentés créant un syndrome
comme dans la glomérulonéphrite aiguë.
hypercinétique (insuffisance cardiaque à débit élevé). Le débit
sanguin rénal et la filtration glomérulaire sont préservés, voire Ces œdèmes néphrotiques touchent l’ensemble de l’organisme, en
augmentés ce qui tend à limiter l’importance des œdèmes. Un tel particulier les membres supérieurs et la face.
syndrome hypercinétique peut également être constaté au cours La recherche d’une protéinurie d’abord à la bandelette urinaire,
de la cirrhose hépatique. puis au dosage pondéral urinaire du nycthémère, les anomalies du
contenu protéique plasmatique (électrophorèse des protéines)
¶ Œdèmes généralisés hépatiques viendront affirmer le diagnostic de syndrome néphrotique.
L’absence ou l’existence d’une hypertension artérielle, d’une
Cirrhose hépatique hématurie et d’une insuffisance rénale en précisera le caractère pur
Lors de la cirrhose du foie, quelle qu’en soit la cause, la survenue ou impur. La ponction-biopsie rénale permettra un diagnostic
d’œdèmes des membres inférieurs et d’une ascite est l’une des nosologique précis (glomérulopathies primitives) et sera
modalités de décompensation de l’affection et constitue un facteur déterminante dans l’attitude thérapeutique.
de mauvais pronostic.
Syndrome néphritique
Le mécanisme des œdèmes de la cirrhose est plurifactoriel.
L’insuffisance hépatocellulaire est à l’origine d’un défaut de L’œdème fait partie des symptômes observés à la phase initiale
synthèse protéique, d’une hypoalbuminémie et d’une baisse de la des glomérulonéphrites dont le prototype est la glomérulonéphrite
pression oncotique des protéines essentiellement plasmatique. aiguë postinfectieuse. Dans ce type d’affection, il existe une
L’hypertension portale associée, peut s’accompagner d’une ascite anomalie du néphron, encore mal connue, à l’origine d’une
importante, elle-même à l’origine d’une hyperpression abdominale rétention sodée primitivement rénale. Du fait que l’expansion
et d’une diminution du retour par la veine cave inférieure. réalisée n’a plus d’effet sur la réabsorption tubulaire de sodium, il
Un syndrome hypercinétique où la baisse de la résistance existe une augmentation progressive du volume extracellulaire et
périphérique totale est due aux diverses anastomoses l’œdème sera surtout secondaire à l’hyperpression hydrostatique
artérioveineuses, aux angiomes stellaires et à l’érythrose palmaire, intravasculaire. La baisse de la pression oncotique des protéines
s’observe également dans la cirrhose et contribuerait à la rétention plasmatiques secondaire à une protéinurie modérée n’a qu’un rôle
hydrosodée. L’existence d’une néphropathie avec rétention rénale adjuvant. Le rétention hydrosodée explique la fréquence de
de sodium surviendrait très précocement dans l’évolution de la l’hypertension artérielle observée.
maladie ; son existence est démontrée chez le chien mais sa Les œdèmes néphritiques sont en tout point semblables à ceux du
pathogénie reste à élucider. syndrome néphrotique. Il s’y associe une hématurie le plus souvent
Les caractéristiques cliniques des œdèmes de la cirrhose hépatique macroscopique, une protéinurie souvent modérée, une
sont superposables à celles des œdèmes cardiaques ; la hypertension artérielle (HTA) et une insuffisance rénale organique.
prédominance aux membres inférieurs pour des raisons L’oligurie est fréquente et la natriurèse faible. Des signes
« hydrostatiques » est encore cependant plus nette. Il n’existe pas extrarénaux (articulaires, cutanées, etc) peuvent être observés selon
de reflux hépatojugulaire ou d’atteinte faciale. La palpation du foie la nature de la maladie.
retrouve souvent une hépatomégalie indolore ferme, à bord La brutalité de l’inflation hydrosodée engendre parfois un œdème
inférieur tranchant. Il s’y associe des signes cliniques et pulmonaire. Le recours à la biopsie rénale, qui constitue un
paracliniques d’insuffisance hépatocellulaire et d’hypertension élément diagnostique, pronostique et préthérapeutique
portale. déterminant, est presque toujours nécessaire.

3
19-0520 Œdèmes des membres inférieurs Angéiologie

Insuffisance rénale l’hypoalbuminémie et de l’hypovolémie. L’élévation de la clairance


Seule l’insuffisance rénale chronique est susceptible de digestive de l’α-1-antitrypsine signe le diagnostic. Les étiologies
s’accompagner du type d’œdème dont il est question dans cet sont nombreuses et ont en commun une hyperpression
article. Les mécanismes présidant à leur formation sont les mêmes veinolymphatique au sein de la paroi du tube digestif. On
que ceux décrits dans le syndrome néphritique. Leurs retiendra des causes gastriques (maladie de Ménétrier, lymphome,
caractéristiques sont également superposables. Ils peuvent cancer), intestinales (maladie de Waldman, de Whipple, de Crohn,
s’observer quel que soit le type de la néphropathie initiale, mais ils des chaînes lourdes, lymphomes, certains cancers, rectocolite
apparaissent tardivement dans l’évolution de celle-ci, car la hémorragique, malformations lymphatiques) et d’exceptionnelles
fonction tubulaire de dilution est longtemps préservée. Ils reflètent causes générales (insuffisance cardiaque droite, péricardite
des apports hydrosodés supérieurs aux pertes rénales et extra- constrictive). L’exploration morphologique ou histologique du tube
rénales. Ils s’accompagnent des signes cliniques et paracliniques digestif permet habituellement le diagnostic étiologique.
habituels de l’insuffisance rénale chronique. ¶ Œdèmes généralisés par hyperperméabilité
Chez l’hémodialysé, ils sont très fréquents et nécessitent capillaire
l’ajustement du poids sec et des consignes diététiques.
Œdème cyclique idiopathique
Rétention chronique d’urines
L’œdème cyclique idiopathique (ou syndrome de Mach) est une
Essentiellement chez le sujet âgé ou chez le diabétique, une affection relativement fréquente touchant électivement la femme
rétention chronique d’urine avec dilatation des cavités excrétrices en période d’activité génitale. Classiquement, il réalise un œdème
du rein est susceptible de se constituer insidieusement. Elle non inflammatoire, prenant peu le godet, apparaissant le matin à
entraîne une baisse de la filtration glomérulaire avec rétention la face et aux extrémités des membres supérieurs et s’aggravant
hydrosodée, insuffisance rénale modérée et HTA secondaires. La dans la journée (prise de poids) en même temps qu’il se déplace
constitution d’œdèmes des membres inférieurs (de mécanismes vers les membres inférieurs. En fait, sa périodicité peut être moins
plurifactoriels) y est relativement fréquente (30 % des cas) dans ce marquée et il est parfois permanent bien que son caractère
contexte. L’examen clinique soigneux (recherche d’un globe fluctuant persiste presque toujours. Une hypotension orthostatique,
vésical), complété par une échographie du petit bassin permet le une hypokaliémie et des troubles psychiques allant parfois jusqu’à
diagnostic. la prise cachée de diurétiques, de laxatifs sont fréquemment
observés. La pathogénie de l’affection reste incertaine, divers
¶ Œdèmes généralisés d’origine digestive
hypothèses ont été évoquées : l’altération de la perméabilité
Certaines anomalies nutritionnelles ou affections de l’appareil capillaire semble certaine, des troubles du métabolisme des
digestif, regroupées dans ce chapitre, sont susceptibles d’entraîner œstrogènes et des catécholamines seraient possibles. La contraction
l’apparition d’œdèmes généralisés. Ceux-ci relèvent d’un volémique entretenue par la prise de diurétiques entretiendrait la
mécanisme commun : l’existence d’une hypoalbuminémie rétention sodée. Aucune investigation complémentaire n’est
(responsable d’une baisse de la pression oncotique plasmatique) à réellement susceptible de confirmer ce diagnostic purement
laquelle s’ajoute une contraction du volume vasculaire engendrant clinique, dont la prise en charge thérapeutique est souvent difficile.
une rétention rénale de sodium.
Hyperperméabilité capillaire paroxystique (choc cyclique)
Malnutrition Décrit comme un état de choc associé à des œdèmes diffus, ce
Rare en Europe, la carence d’apport quantitative en protéines, syndrome est rare. La pression veineuse centrale est basse et
touche de nombreux individus, surtout des enfants dans les pays s’accompagne d’une hémoconcentration, avec une hyper-
en voie de développement. Ses formes cliniques les plus graves protidémie contenant parfois un composant monoclonal. Un
sont constituées par le Kwashiorkor et le marasme. trouble paroxystique de la perméabilité capillaire responsable du
L’hypoalbuminémie et les œdèmes y sont constants. Des infections syndrome œdémateux à été démontré. La physiopathologie exacte,
multiples, des carences vitaminiques (B1), des troubles digestifs notamment le fait que le complément total et certaines de ces
d’origine diverse ainsi que des comportements socioculturels fractions (C3, C4) soient abaissés à distance des accès, est inconnue.
particuliers ont un rôle adjuvant. Il s’agit d’une affection grave (50 % de décès) dont le traitement
Plus près de nous, chez des sujets âgés, dans l’anorexie mentale ou relève de la réanimation médicale.
encore lors d’affections s’accompagnant d’un hypercatabolisme
protidique, une carence d’apport (parfois relative) peut Œdèmes récurrents hyperéosinophiliques
s’accompagner d’œdèmes nutritionnels. Leur coexistence avec des Probablement à rattacher au syndrome hyperéosinophilique
signes cliniques de dénutrition contribue au diagnostic. (hyperéosinophilie > 1,5 giga/L persistant durant plus de 1 an sans
étiologie retrouvée), ce tableau clinique, qui associe œdèmes
Malabsorption généralisés, fièvre, urticaire et hyperéosinophilie, régresse
L’atteinte inflammatoire, infectieuse (parasitose, pullulation, etc) de spontanément ou après corticothérapie.
l’intestin grêle, des résections chirurgicales, l’insuffisance
Myopathies
pancréatique exocrine, à l’origine d’une malabsorption intestinale
peuvent conduire à la formation d’œdèmes par hypoalbuminémie. Des œdèmes aigus généralisés ont été rapportées lors de
L’altération de l’état général et une diarrhée de type malabsorption rhabdomyolyse et de polymyosite. Leur pathogénie est inconnue.
orientent le clinicien. D’autres signes biologiques de malabsorption
(carence martiale, calcique, vitaminique B12, D, K), ainsi que des ¶ Œdèmes d’origine médicamenteuse
perturbations des tests qui l’étudient (mesure de la stéatorrhée, Diverses thérapeutiques peuvent être à l’origine d’un syndrome
épreuve au D-xylose, test de Schilling) le conforteront. Le transit œdémateux. Celui-ci reste le plus souvent modéré, ne s’observant
du grêle, les examens parasitologiques et surtout l’endoscopie avec que dans les territoires déclives. Les mécanismes de ces œdèmes
biopsies duodénales et/ou jéjunales aideront parfois à porter un médicamenteux permettent de distinguer trois classes de produits
diagnostic étiologique précis. responsables (tableau I).
Gastroentéropathies exsudatives Intervention sur le tonus et/ou la perméabilité capillaire
Elles comportent fréquemment des œdèmes et une ascite au sein Les anticalciques sont des vasodilatateurs qui peuvent induire des
d’un tableau clinique intégrant presque toujours une diarrhée. La œdèmes douloureux des mollets, des chevilles et des pieds. Ces
fuite digestive de protéines et de lymphe est la cause de œdèmes sont volontiers discrètement inflammatoires, prenant peu

4
Angéiologie Œdèmes des membres inférieurs 19-0520

Tableau I. – Œdèmes systémiques et médicaments.


Mécanisme Produits
Produits modifiant la perméabilité capillaire - anticalciques
- dérivés nitrés
- sympatholytiques

Produits entraînant une rétention hydrosodée rénale - anti-inflammatoires non stéroïdiens


- corticoïdes
- œstroprogestatifs
- autres : insuline, minoxidil, diazoxide, ciclosporine

Produits réalisant un apport sodé direct - pénicillines intraveineuses


- perfusions de solutés salés
- alcalinisants oraux
- pansements gastriques
- lithium

le godet, dont la recherche est douloureuse. Leur fréquence varie ¶ Œdèmes généralisés et gynécologie
selon les produits, mais cet effet indésirable concerne toutes les
molécules. Il apparaît au début du traitement et régresse lors de – La grossesse normale s’accompagne fréquemment (1 fois/3)
son arrêt. Il est plus fréquent en cas d’association à un dérivé nitré d’œdèmes qui sont multifactoriels. La rétention hydrosodée est
ou un autre vasodilatateur. À l’inverse, un diurétique ou un consécutive à l’augmentation des taux d’œstrogènes, de
inhibiteur de l’enzyme de conversion en diminuera l’importance. minéralocorticoïdes et d’angiotensinogène. Elle est accentuée par
Les dérivés nitrés et les sympatholytiques peuvent également l’hypoprotidémie physiologique et par la gêne mécanique au
induire des œdèmes modérés, surtout en cas d’insuffisance retour veineux de la partie inférieure du corps.
veineuse et d’insuffisance cardiaque congestive associée. – Lors du syndrome prémenstruel, un syndrome œdémateux
fugace, secondaire à l’hyperœstrogénie relative, peut s’observer.
Modification de la réabsorption rénale de sodium
– Dans la toxémie gravidique, des œdèmes des membres
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont des inhibiteurs des
inférieurs s’associent à l’hypertension artérielle. Ils accompagnent
prostaglandines qui peuvent favoriser la rétention sodée. La
la protéinurie et doivent faire craindre une complication
survenue d’œdème est plus fréquente avec la phénylbutazone. Les
éclamptique.
gluco- et minéralocorticoïdes, le minoxidil et le diazoxide
augmentent la rétention hydrosodée.
Les œstroprogestatifs entraînent un hyperréninisme. L’insuline à APPROCHE THÉRAPEUTIQUE
forte dose par voie veineuse peut exceptionnellement entraîner la Compte tenu de la multiplicité des situations cliniques que nous
formation d’œdèmes. venons d’énumérer, il n’est pas possible de détailler le traitement
La toxicité rénale de la ciclosporine peut se traduire par un étiologique de tous les œdèmes généralisés. Il doit cependant
syndrome œdémateux. constituer l’objectif essentiel de la démarche thérapeutique. Il est
conditionné par la qualité et la rigueur de la démarche
Apport direct de sodium diagnostique observée.
Les pénicillines à fortes doses par voie veineuse, les alcalinisants et Dans l’attente de sa mise œuvre, il sera nécessaire de mettre en
les pansements gastriques à base de sodium constituent des place des mesures symptomatiques. La composante commune de
apports sodés importants qui peuvent être, tout comme la plupart de ces situations cliniques étant une augmentation de la
l’administration rapide de perfusion de solutés salés, la cause rétention rénale de sodium, tenter de la limiter sera le but du
d’œdèmes. Le lithium favorise la rétention sodée par compétition traitement symptomatique. Un repos au lit relatif (afin de tenter de
tubulaire. réduire l’hyperaldostéronisme secondaire), une restriction sodée,
puis le traitement diurétique pourront être proposés. Rappelons
¶ Œdèmes généralisés et endocrinologie que tant qu’il n’existe pas d’hyperhydratation intracellulaire et
d’hyponatrémie la restriction hydrique n’a pas de justification.
– L’œdème de l’hypothyroïdie n’est pas un œdème mais un
myxœdème. Il s’agit d’une infiltration diffuse du derme profond
de la face et de la racine des membres par des glycosaminoglycanes Œdèmes localisés
hydrophiles. Cependant, il s’y associe parfois des œdèmes par
surcharge sodée secondaire à la baisse de la filtration glomérulaire, des membres inférieurs
elle-même favorisée par l’hypersécrétion d’hormone antidiurétique
à l’origine d’une hyponatrémie de dilution. APPROCHE PHYSIOPATHOLOGIQUE
– L’hyperthyroïdie peut s’accompagner d’œdèmes transitoires à L’œdème localisé est la conséquence de la présence en excès de
sa phase initiale qui pourront perdurer en cas de survenue d’une liquide dans un territoire du secteur interstitiel. La perturbation
insuffisance cardiaque. Au cours de la maladie de Basedow, le myx- localisée des mouvements liquidiens transcapillaires et d’un ou de
œdème prétibial réalise une infiltration localisée des mollets, plusieurs de leurs déterminants sont les seuls mécanismes
nodulaires ou en placard, qui ne doit pas être confondu avec un physiopathologiques impliqués.
œdème.
En effet, dans la plupart des cas, l’importance de la rétention
– L’hypercorticisme peut s’accompagner, du fait de l’hyper- hydrosodée n’est que très modérée, et insuffisante pour avoir un
minéralocorticisme, d’un syndrome œdémateux toujours modéré. retentissement volémique nécessitant l’intervention des
Lors d’une hypersécrétion d’hormone antidiurétique isolée, mécanismes régulateurs notamment rénaux. L’origine de ces
rappelons qu’il est inhabituel d’observer des œdèmes. En effet, s’il perturbations peut être une obstruction veineuse responsable d’une
existe une rétention d’eau libre, la rétention sodée est généralement hyperpression hydrostatique capillaire d’amont (thrombose
absente d’où la persistance d’une natriurèse. veineuse), une gêne à la circulation lymphatique (lymphœdème

5
19-0520 Œdèmes des membres inférieurs Angéiologie

biologique particulière. Tout autre constatation clinique ou


Tableau II. – Œdèmes locorégionaux des membres inférieurs. biologique devra être considérée comme un argument du
Mécanisme Étiologie diagnostic étiologique.
Œdèmes veineux - thrombose veineuse profonde des membres
inférieurs APPROCHE ÉTIOLOGIQUE
- compression extrinsèque Les étiologies des œdèmes locorégionaux sont reprises en détail
- insuffisance veineuse primitive
- syndrome post-thrombotique
dans les divers chapitres de cet ouvrage. Elles sont rassemblées
- syndrome de Klippel-Trenaunay dans le tableau II
- angiodysplasie à forme veineuse
- fistule artérioveineuse APPROCHE THÉRAPEUTIQUE
Lymphœdème Primitif Dans l’attente d’un éventuel traitement étiologique, la contention
- congénital : syndrome de Milroy et le drainage déclive constituent un traitement symptomatique
- précoce : syndrome de Meige
simple adapté à presque toutes les étiologies des œdèmes localisés
- tardif
- syndrome malformatif : (syndrome de
aux membres inférieurs
Turner, syndrome de Noonay, syndrome des
ongles jaunes)
Secondaire Conclusion
- iatrogène : radiothérapie
- infectieux : érysipèle, adénite, lymphangite, En dépit de la multiplicité des causes et des formes cliniques d’OMI,
etc
- post-thrombotique
l’interrogatoire, l’examen clinique bien conduit et un minimum
- néoplasique d’examens complémentaires amènent souvent à un diagnostic rapide.
- inflammatoire : sarcoïdose, fibrose rétropéri- La distinction entre expression d’un syndrome œdémateux
tonéale systémique et phénomène locorégional est la pierre angulaire de cette
- parasitaire : filariose démarche diagnostique. Dans le premier cas, l’instauration de
Agression capillaire - œdème de Quincke mesures thérapeutiques simples, régime désodé et alitement, est
- œdème angioneurotique héréditaire toujours adaptée et permet la réflexion et la réalisation du bilan
- œdème angioneurotique acquis (hémopa- paraclinique nécessaire au diagnostic étiologique précis. Dans le
thie, cryogloguline, lupus)
second cas, la crainte d’une thrombose veineuse profonde et son
Mécanique - vibration (profession), risque embolique doivent faire envisager rapidement les examens
- traumatisme (marche) complémentaires adaptés.
Origine vasomotrice - érythrocyanose
- érythromélalgie
- algoneurodystrophie Références
Divers - polyarthrite œdémateuse du sujet âgé
- œdèmes factices (garrots) [1] Bichara M, Paillard M. Bilan de sodium et volume du liquide extracellulaire. In : Paillard M
ed. Physiologie rénale. Paris : Hermann, 1992
[2] Gonthier R. Les œdèmes. In : Rousset H, Vital-Durand D eds. Diagnostics difficiles en
médecine interne. Paris : Maloine, 1991
secondaire à une radiothérapie, à une chirurgie ou à une [3] Laville M. Œdèmes. In : Hillon P, Lejeune C, Aubert P eds. Thérapeutique, de la physiologie
compression par une adénopathie métastatique) ou une altération aux traitements. Paris : Frison-Roche, 1994
permanente ou transitoire de la perméabilité de la paroi capillaire [4] Moe GW, Legault L, Skorechki KI. Control of extracellular fluid volume and physiology of
edema formation. In : Brenner BM, Rector FC eds. Kidney. Philadelphia : WB Saunders,
(œdème allergique). 1991.
[5] Paller MS, Schrier RW. Pathogenesis of sodium and water retention in edematous disorder.
Am J Kidney Dis 1982 ; 2 : 241-254
APPROCHE CLINIQUE [6] Rose BD. Edematous states. In : Clinical physiology of acide-base and electrolyte disor-
ders. New York : MacGraw-Hill, 1989
Un certain nombre de caractéristiques permettent d’opposer [7] Schrier RW. Pathogenesis of sodium and water retention in high-output and low output
l’œdème localisé à l’œdème généralisé ; il est limité, asymétrique, cardiac failure, nephrotic syndrom, cirrhosis, and pregnancy. N Engl J Med 1988 ; 319 :
1065-1072, 1127-1134
non mobile, ne prend habituellement pas le godet. Il ne [8] Schrier RW. Body fluid volume regulation in health and disease: a unifying hypothesis. Ann
s’accompagne pas d’oligurie, d’anomalie hémodynamique ou Intern Med 1990 ; 113 : 155-159

6
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0590

19-0590

Pathologie vasculaire du sujet âgé


JM Cormier

Résumé.– Les maladies cardiovasculaires représentent la pathologie la plus fréquente du sujet âgé
(défini au-delà de 80 ans) et ces affections ne peuvent que s’accroître en raison de l’augmentation de
l’espérance de vie et du développement parallèle de lésions athéroscléreuses symptomatiques.
La pathologie carotidienne en est une facette essentielle ; les maladies cérébrales représentent 12 % des
décès et si l’atteinte polypédiculaire est d’une fréquence inhabituelle chez le sujet âgé, une
revascularisation carotidienne cependant, selon les normes retenues des consensus européens et
américains, ne comporte pas plus de risque que chez les sujets de moins de 80 ans.
L’ischémie critique est le stade habituel qui justifie une revascularisation chez le sujet âgé. À l’échelon
proximal, les indications de procédure endovasculaire aorto-iliaque ont réduit les indications
conventionnelles de pontage extra-anatomique ; à l’échelon distal, la dilatation, et de nouvelles
techniques chirurgicales avec prothèse annelée, chambre anastomotique distale veineuse pour améliorer
la compliance, transfert libre vasculaire de recouvrement et de lambeau nourricier ont transformé le
pronostic fonctionnel, conservant l’appui dans la majorité des cas.
Dans les anévrismes de l’aorte, une mortalité de 12 % en chirurgie élective conventionnelle faisait
rechercher d’autres voies de traitement : les prothèses endovasculaires, quoique manquant de recul,
représentent sûrement la solution présente et future, en particulier lorsque le terrain cardiovasculaire
rend rédhibitoire une mise à plat-prothèse.
Les lésions occlusives du carrefour viscéral sont particulièrement fréquentes chez le sujet âgé ; déjà les
procédures endovasculaires permettent de traiter sans les risques d’une chirurgie directe, des lésions
occlusives symptomatiques. Reste à définir leur place, en prévention d’une ischémie digestive
rédhibitoire, ou de conservation néphronique.
© Elsevier, Paris.

Introduction thérapeutique chirurgicale sera adaptée en fonction des marqueurs de


risque dont un bilan exhaustif systématique sera fait (tableau I).
L’athérosclérose génère des lésions pariétales artérielles, responsables
de sténoses et d’occlusions dont le mécanisme est, certes,
plurifactoriel, mais qui s’extériorisent électivement lors du
vieillissement ; c’est dire que chez le sujet âgé, cette pathologie est
banale, voire constante, ayant de plus, comme particularité,
d’intéresser le plus souvent plusieurs territoires [3]. Tableau I. – Éléments décisionnels en pathologie vasculaire.
Les maladies cardiovasculaires représentent ainsi la pathologie la plus
- Au-delà de 80 ans, les complications cardiovasculaires représentent 39 % des
fréquente du sujet âgé. Cette pathologie s’accroît parallèlement au causes de décès chez l’homme, 45, 03 % chez la femme et les maladies vasculaires
vieillissement de la population ; deux données statistiques illustrent cérébrales représentent 11 % et 13,7 % des décès respectivement chez l’homme et la
l’importance du problème : aux États-Unis, en 1995, 25 millions femme.
d’individus ont entre 65 et 85 ans, 5 millions sont dans leur 9e - Au-delà de 80 ans, l’espérance de vie en France sur la période 1988-1992 est pour
décade. En 1990, en France, 2 347 610 ont plus de 80 ans (4 %) soit les hommes de 7,39 ans, pour les femmes de 9,16 ans.
1 611 304 femmes (5,5 % de la population féminine) et 736 000 - La chirurgie carotidienne au-delà de 80 ans ne comporte pas de mortalité et de
hommes (2,67 % de la population masculine). morbidité neurologique augmentées.
Nous prendrons arbitrairement comme définition du sujet âgé la - Dans l’ischémie critique, la dilatation angioplastique avec endoprothèse pour les
population de plus de 80 ans ; les limites de la chirurgie vasculaire lésions occlusives aorto-iliaques, et les revascularisations distales représentent
reculent en effet d’année en année ; mais en dehors de la chirurgie l’approche la plus fréquente pour éviter une amputation.
carotidienne, où l’âge n’intervient pas comme facteur de risque - La cure conventionnelle d’un anévrisme de l’aorte sous-rénale a une mortalité
essentiel, dans les autres localisations de la maladie athéromateuse supérieure à 10 %, l’endoprothèse couverte la réduit à moins de 5 % mais le profil
les indications thérapeutiques seront nuancées et la stratégie lésionnel doit permettre son ancrage.

- La dilatation avec endoprothèse des sténoses des artères rénales et digestives


élargit les possibilités thérapeutiques, mais au prix de dilatations itératives évolu-
tives, et il manque le recul.
© Elsevier, Paris

Jean-Michel Cormier : Professeur UER, Broussais, clinique de la Défense, 16, boulevard Emile-Zola,
92000 Nanterre, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : JM Cormier. Pathologie vasculaire du sujet âgé. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0590, 1998, 5 p.
19-0590 Pathologie vasculaire du sujet âgé Angéiologie

Pathologie carotidienne carotidienne est, a priori, récusée par le contexte pathologique


cardiaque ou carcinologique, ou si l’inventaire d’opérabilité
n’autorise pas une intervention chirurgicale, dont le risque doit être
Les circonstances de découverte d’une sténose carotidienne n’ont inférieur à 3 % ; il en est de même si l’espérance de vie est très
pas de particularité : symptomatique, elle est reconnue à l’occasion limitée.
d’un accident transitoire oculaire ou déficitaire ou constitué ; ou
Avec ces restrictions, l’âge n’interfère pas, en soi, dans l’approche
bien asymptomatique, elle est dépistée lors d’un bilan
diagnostique et thérapeutique.
ultrasonographique des troncs supra-aortiques : celui-ci est
demandé soit systématiquement chez un patient ayant d’autres Les résultats de la chirurgie carotidienne au-delà de 80 ans (tableau
localisations de la maladie athéroscléreuse, soit en préopératoire, II), sont en effet identiques à ceux d’une population plus jeune et
ce qui doit être une règle de conduite chez le sujet âgé avant toute une revascularisation carotidienne, qui est faite sous bloc plexique
intervention chirurgicale, orthopédique, viscérale, voire locorégional, représente une agression mineure ; mais cependant
ophtalmologique (pour une cataracte). Mais si l’auscultation de la la sélection des malades est plus sévère que dans une population
gouttière cervicale fait partie de tout examen clinique, la plus jeune, en raison de la fréquence des pathologies associées et
découverte d’un souffle ne conduit à poursuivre le bilan vasculaire des caractéristiques lésionnelles.
que si celui-ci est susceptible d’aboutir à des conclusions pratiques. Le profil lésionnel est caractérisé par une atteinte polypédiculaire
Aussi ne sera-t-il pas demandé si une intervention préventive encéphalique : banale est une atteinte des quatre axes à destinée
encéphalique, mais les lésions carotidiennes peuvent, ce qui est
Tableau II. – Taux de complications précoces et tardives chez les inhabituel, s’étendre au-delà du bulbe, s’accompagner de lésions
malades de plus de 80 ans opérés d’une lésion carotidienne. ostiales des troncs supra-aortiques, de lésions endocrâniennes, des
siphons en particulier [23] (fig 1).
Référence Nombre de Accident Décès Accident
malades vasculaire vasculaire
Le parenchyme cérébral présente volontiers une atrophie corticale,
(interventions) cérébral cérébral + décès parfois avec dilatation ventriculaire, et si la leucoaraïose constante
n’interfère pas dans une décision thérapeutique éventuelle, il n’en
Rosenthal et al 90 (90) 5 2 5 (6 %)
est pas de même en cas de lacunes isolées et surtout multiples sus-
Schults et al 90 (105) 2 2 3 (3,3 %) et sous-tentorielles.
Treiman et al 146 (183) 4 3 7 (4,8 %) Parallèlement, le bilan neurologique comportera une étude des
fonctions supérieures, une évaluation psychomotrice.
Coyle et al 79 (79) 0 1 1 (1,3 %)
Les atteintes dégénératives valvulaires (rétrécissement aortique
Favre et al 52 (56) 4 1 4 (7,7 %)
calcifié), ou coronaires sont banales ; leur degré et leur importance
Meyer et al 56 (56) 3 0 3 (5,4 %) pèsent lourdement dans la décision thérapeutique.
Cormier et al 155 (172) 4 1 5 (3,2 %) Ainsi, si une sténose asymptomatique égale ou supérieure à 75 %
représente une indication chirurgicale lésionnelle éventuelle,

A B

D
1 Atteintes cervicoencéphalique : patient de 83 ans.
A. Sténose intrapétreuse et hyperserrée du siphon gauche.
B. Sténose à 80 % du bulbe carotidien droit et sténose intrapétreuse.
C. Sténose vertébrale droite (occlusion gauche).
D. Sténose du tronc basilaire.

2
Angéiologie Pathologie vasculaire du sujet âgé 19-0590

celle-ci ne pourra être décidée que sur un bilan exhaustif visant à cervicoencéphaliques est retrouvée dans 20 % des cas, une atteinte
apprécier un risque neurologique et vital qui doit être inférieur à cardiaque dans 50 % des cas, dont 25 % avec antécédent d’infarctus
3 % [2]. du myocarde en cas d’artériopathie symptomatique [4].
La première étape du bilan est donc cardiaque : recherche par La stratégie thérapeutique est adaptée au terrain.
l’interrogatoire, l’examen clinique et l’électrocardiogramme (ECG) Dans les atteintes proximales , les pontages extra-anatomiques
d’une valvulopathie, d’une cardiopathie ischémique patente, stable axillofémoral ou fémorofémoral étaient la proposition retenue pour
ou évolutive, complétée par une échographie et une scintigraphie réduire l’agression chirurgicale par rapport à l’intervention
myocardique. « anatomique » que représente une prothèse aorto-uni- ou
Un audit neurologique, une angio-IRM (imagerie par résonance bifémorale. De plus en plus, les dilatations angioplastiques iliaques
magnétique) cérébrale (ou une TDM [tomodensitométrie] ou ilioaortiques deviennent un choix préférentiel [17, 26, 35], les contre-
cérébrale) seront complétés par une scintigraphie isotopique indications lésionnelles reculant avec les progrès du matériel ; en
cérébrale avec et sans Diamoxt pour juger des zones particulier, l’utilisation d’endoprothèse supprime le risque de
d’hypoperfusion et des réserves cérébrales. complication (dissection, thrombose aiguë), ou de résultat
Ce n’est qu’au terme de ce bilan, et si le risque opératoire est jugé incomplet fréquent sur ces artères très calcifiées.
inférieur à 3 %, que sera poursuivi le bilan par une artériographie Une revascularisation de la fémorale profonde par un pontage entre
des troncs supra-aortiques ; de plus en plus, et a fortiori en cas la terminaison de l’iliaque externe et la fémorale profonde est le
d’insuffisance rénale, on peut se limiter à une angio-IRM cervicale plus souvent possible pour traiter une occlusion de la fémorale
ou un scanner tridimensionnel carotidien cervical ; ceux-ci commune : une endartérite calcaire d’amont, une endartérite
autorisent, si leur résultat coïncide avec ceux du doppler et de calcaire proximale de la fémorale profonde n’empêchent pas la
l’échographie, à se dispenser d’une opacification vasculaire dont le réalisation du pontage.
risque lié au cathétérisme est certes mineur, mais à cet âge, majoré Pour une atteinte fémoropoplitée, un pontage iliopoplité [16] reste
par les sinuosités de la crosse aortique et l’existence fréquente, de l’indication thérapeutique conventionnelle pour traiter les
lésions athéromateuses, notamment de la crosse aortique. occlusions longues de la fémorale superficielle ou de la poplitée
En revanche, l’âge change peu la stratégie chirurgicale : haute associées à une sténose de la fémorale commune, association
– l’état polypédiculaire cependant rend compte de l’intolérance habituelle, mais là également, les thérapeutiques
plus fréquente du clampage carotidien, nécessitant l’insertion d’un endovasculaires [1, 6] sont électivement choisies pour traiter une
shunt ; sténose isolée ou des sténoses étagées, voire même une occlusion
courte fémoropoplitée.
– les artères, de diamètre souvent large, se prêtent volontiers à une
Les revascularisations distales autorisent un sauvetage de membre
endartériectomie par éversion, lorsque les lésions sont limitées au
à 2 ans dans plus de 80 % des ischémies critiques [24], la place de
bulbe ;
l’endovasculaire étant réduite par rapport aux revascularisations
– à l’opposé, des lésions calcifiées et étendues plaident pour une par pontage prothétique se terminant sur une chambre veineuse
revascularisation par pontage, plus fréquemment prothétique de compliance : cuff de Miller ou patch de Taylor. La pérennisation
(PTFE [polytétrafluoroéthylène]) que veineux, en raison de des pontages veineux fait toujours retenir la saphène comme
l’épaississement pariétal de la carotide primitive et de la matériau de pontage électif, mais les veines du sujet âgé sont
détériorisation des veines saphènes, siège d’endophlébite ou de souvent inutilisables (endophlébite, ectasie) ; la prothèse réduit
dilatations variqueuses contre-indiquant donc leur utilisation. l’agression chirurgicale [ 2 8 ] et diminue le risque de
La dilatation angioplastique avec endoprothèse [12, 25] des troncs cytostéatonécrose liée au prélèvement saphénien, en particulier
supra-aortiques représente un progrès majeur chez des patients chez le diabétique.
ayant en particulier une atteinte ostiale des trois axes La perméabilité secondaire des prothèses est certes aléatoire au-
cervicoencéphaliques excluant la possibilité d’un pontage extra- delà de la 4e année (66 %), mais le membre peut être conservé dans
anatomique ; l’approche endovasculaire évite une sternotomie 80 % des cas, en cas de thrombose tardive [24].
médiane avec le danger de clampage de la crosse aortique souvent
calcifiée qui risquait d’être rédhibitoire, les contre-indications à un
tel abord, de plus, étant fréquentes tant pour des raisons Anévrisme de l’aorte
cardiaques que respiratoires.
Une mortalité, après mise à plat-prothèse d’un anévrisme de l’aorte
sous-rénale, de 10 à 12 % chez les sujets de plus de 80 ans (contre
Ischémie critique 2 % avant cet âge en chirurgie élective) [9], rendait réticent pour une
intervention préventive, et l’indication opératoire était réservée aux
Chez l’octogénaire, l’artériopathie des membres ne pose problème
anévrismes volumineux, évolutifs, ou compliqués. L’avènement de
qu’au stade d’ischémie critique, encore qu’une claudication
l’endovasculaire modifie cette attitude : une endoprothèse aortique
intermittente, invalidante, puisse rendre l’inconfort de vie tel, qu’il
(fig 2) représente une agression mineure quels que soient l’âge et
justifie une revascularisation, les possibilités thérapeutiques liées
le terrain, exposant à un risque opératoire inférieur à 3 - 5 %, à
aux procédures endovasculaires élargissant les indications dans ce
condition d’en respecter scrupuleusement les limites et les écueils.
contexte.
Ces limites sont représentées par les possibilités de l’implantation :
Chez un sujet âgé, le bilan vasculaire est donc suscité par une il est nécessaire qu’il y ait un collet supérieur, juxtarénal,
claudication serrée invalidante, des douleurs de décubitus, un suffisament long et étroit pour permettre l’ancrage de
ulcère ischémique, une gangrène. Le profil lésionnel est caractérisé l’endoprothèse ; chez le sujet âgé, il existe volontiers une
par la fréquence des lésions étagées, l’atteinte occlusive aortopathie ectasiante remontant aux rénales, ou un collet très
prédominant au-dessous du genou ; mais il est rare qu’un axe large, calcifié, contre-indiquant cette procédure. L’introduction de
artériel de jambe ne soit pas respecté, ce qui rend compte de la la prothèse nécessite un axe iliaque sans plicature, non calcifié,
rareté d’une impossibilité de revascularisation en sauvetage de ayant un diamètre de plus de 7 mm, conditions inconstamment
membre. retrouvées, chez les femmes en particulier ; à l’opposé, les iliaques
Le bilan ne présente pas de particularité : il sera locorégional et primitives peuvent être le siège d’une ectasie ou d’une méga-
systémique, l’atteinte des autres territoires pouvant devenir artère descendant jusqu’au carrefour iliaque externe hypogastrique,
prioritaire ou interférer dans la décision et la stratégie et de telles conditions lésionnelles contre-indiquent également la
thérapeutique : une sténose significative des artères procédure prévue.

3
19-0590 Pathologie vasculaire du sujet âgé Angéiologie

2 Anévrisme de l’aorte. Cure par endoprothèse cou-


verte.
A. Anévrisme volumineux de l’aorte sous-rénale.
B. Mensurations radiologiques avec guide marqué,
définissant en particulier les collets.
C. Cure par endoprothèse couverte aortique.

B C

C’est souligner l’importance d’un bilan, parfaitement réalisé par – une sténose très serrée d’une artère rénale, notament de l’artère
un scanner hélicoïdal tridimensionnel, avec coupes tous les 3 mm rénale droite, d’abord chirurgical plus délicat, ou une sténose de la
au niveau du carrefour viscéral, du carrefour aortique, et une mésentérique supérieure à retentissement hémodynamique,
artériographie réalisée avec un cathéter gradué permettant les peuvent être traitées préalablement, ou simultanément par
mensurations précises des diamètres des collets et des iliaques. dilatation angioplastique.
En revanche, les écueils évolutifs d’une endoprothèse [27, 7]
interfèrent peu dans la décision opératoire : le risque de fuite est
minime, laquelle peut être contrôlée ultérieurement par un geste Lésions occlusives du carrefour
complémentaire ; les risques d’évolutivité anévrismale du collet, et viscéral
de désinsertion ou de migration de l’endoprothèse, jouent d’autant
moins que le patient est plus âgé.
ARTÈRES RÉNALES
Le manque de recul de cette procédure rend cependant compte
des réserves encore soulevées, dans l’attente des résultats des Une meilleure connaissance de l’histoire naturelle des sténoses de
études multicentriques entreprises. l’artère rénale permet de prévoir le risque néphronique [18, 34] : au-
Lorsque le bilan lésionnel n’autorise pas l’implantation d’une delà de 75 ans, 42 % des patients autopsiés ont une sténose de plus
endoprothèse, l’indication opératoire repose sur la comparaison de 50 %. Par ailleurs une occlusion évolutive de l’artère rénale pour
entre le risque évolutif et le risque opératoire, en tenant compte de une sténose à 80 % est à redouter dans 5 % des cas à 1 an, dans
l’espérance de vie. Dans cette discussion, des arguments 11 % à 2 ans, et une sténose serrée à 80 % des deux artères rénales
statistiques sont fondamentaux [33, 5] : un anévrisme de 50 mm de risque d’aboutir dans les 2 ans à l’insuffisance rénale et à la dialyse.
diamètre ne comporte un risque annuel de rupture que de 5 %, Or, celle-ci a un pronostic catastrophique chez les gens âgés, la
mais il est de 20 % si l’anévrisme mesure plus de 70 mm ; ce risque faisant récuser au-delà de 80 ans. Le pontage iliorénal dans cette
est cependant cumulatif d’année en année et est inéluctable en cas indication très précise de sauvetage néphronique était l’indication
d’anévrisme évolutif [22]. Une indication de mise à plat-prothèse conventionnelle retenue [ 1 5 ] ; actuellement, la dilatation
chez un sujet de plus de 80 ans n’est donc retenue qu’en tenant angioplastique avec endoprothèse tend à devenir un choix
compte de ces différents paramètres, qui influencent d’autant plus préférentiel [30], sa gravité étant moindre, et ses contres indications
la décision qu’existe un contexte cardiaque ou polyartériel, lésionnelles rares, appréciées par un bilan comportant échographie,
augmentant le risque opératoire. scanner hélicoïdal tridimensionnel et artériographie.
En dehors du risque de complication cardiorespiratoire, les
complications digestives sont plus particulièrement à redouter chez ARTÈRES DIGESTIVES
le sujet âgé opéré d’un anévrisme de l’aorte abdominale sous-
rénale : les tissus sont plus sensibles à l’ischémie d’un bas débit, la L’opacification systématique du carrefour viscéral, lors du bilan
paroi colique est fragilisée par le vieillissement [3] qui diminue la d’une artériopathie des membres inférieurs ou des troncs supra-
trame musculaire et élastique. Les risques d’ischémie colique et de aortiques, a montré qu’une atteinte tritronculaire sévère des artères
translocation bactérienne sont donc augmentés chez le sujet âgé, digestives (sténose supérieure à 80 % ou occlusion) était retrouvée
justifiant, au décours de la mise à plat-prothèse, la recherche chez 7,8 % des patients [21]. Il a été prouvé, que chez ces patients
systématique de cette complication. asymptomatiques, le risque évolutif d’un infarctus du grêle
inaugural rédhibitoire était majeur [ 1 9 , 11 ] , justifiant une
Pour diminuer le risque opératoire, différentes propositions sont à
revascularisation préventive lorsque le terrain et l’espérance de vie
retenir :
autorisaient une telle agression sans risque, la revascularisation
– la mise à plat-prothèse peut être remplacée par une exclusion préventive ayant une mortalité périopératoire de 1 %. Dans le
polaire supérieure de l’anévrisme, associée à un rétablissement de même contexte lésionnel, le risque d’une ischémie du grêle et
la continuité par prothèse aortobifémorale [32]. Une embolisation surtout d’une ischémie colique a été particulièrement étudié au
iliohypogastrique peut secondairement être effectuée quand décours d’une intervention chirurgicale sur l’aorte sous-rénale avec
l’anévrisme iliaque, revascularisé à contre-courant, reste circulant ; une mortalité de 50 à 100 % [8, 20, 13, 14], ce même risque est à redouter

4
Angéiologie Pathologie vasculaire du sujet âgé 19-0590

au décours d’une intervention chirurgicale lourde exposant aux de membre, pour les atteintes proximales et périphériques,
variations hémodynamiques (il en est de même chez les dialysés), respectivement les pontages extra-anatomiques et les
ce contexte constitue également une indication licite à une revascularisations distales sont réalisés depuis plus de 30 ans, et
revascularisation préventive [8, 10, 31]. leurs résultats peuvent être appréciés avec suffisamment de recul ;
Aucune étude n’a été faite pour étendre ces indications au-delà de les progrès techniques ont encore perfectionné les techniques pour
80 ans. En revanche, chez un patient symptomatique (angor améliorer leur perméabilité à distance. Mais actuellement, les
digestif, amaigrissement) l’indication ne souffre pas de discussion, revascularisations conventionnelles entrent en compétition avec
les modalités de revascularisation étant soit un pontage l’alternative endovasculaire : les résultats à distance de celle-ci sont
iliomésentérique, soit une dilatation angioplastique avec maintenant suffisamment précis pour être proposés à l’échelon
endoprothèse, la dilatation angioplastique isolée donnant une proximal, mais il manque le recul à l’échelon distal, d’autant que de
proportion de récidive précoce majeure en particulier lorsque existe nouvelles endoprothèses là également doivent améliorer les résultats.
une courbure juxtaostiale à angle droit de la mésentérique Pour la chirurgie carotidienne ou pour la chirurgie des anévrismes
supérieure. Là également le manque de recul pour la dilatation de l’aorte abdominale sous-rénale, les données statistiques avec recul
avec endoprothèse [29] ne permet pas de poser des indications sont suffisantes pour faire des propositions thérapeutiques et des
préventives par cette procédure sur des données statistiques. choix de technique chirurgicale. En revanche, pour le carrefour
viscéral, les seuls éléments nouveaux apportés sont une meilleure
connaissance de l’histoire naturelle de ces lésions par le doppler et
Conclusion l’échographie, mais un recul sera nécessaire pour confirmer les
indications éventuelles en précisant surtout le contexte qui justifie
La pathologie vasculaire du sujet âgé pose des problèmes d’indication un geste thérapeutique et permet de choisir le mode de
et de stratégie thérapeutique de plus en plus fréquents. En sauvetage revascularisation.

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5
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0580

19-0580

Pathologie veineuse et grossesse


P Priollet

Résumé.– La grossesse est souvent la circonstance qui contribue au développement ou à l’accentuation


d’une insuffisance veineuse superficielle, quelles qu’en soient les manifestations : troubles purement
fonctionnels, varices ou varicosités. L’insuffisance veineuse superficielle est banale pendant la grossesse
et généralement sans gravité. Son traitement est dominé par la contention élastique et les médicaments
veinotoniques. Les accidents veineux thromboemboliques, en revanche, sont rares mais graves pendant
la grossesse. Leur diagnostic est généralement possible sur le mode non invasif grâce aux explorations
ultrasoniques. Leur traitement fait appel à l’héparine non fractionnée dans la mesure où les héparines de
bas poids moléculaire (HBPM) ne sont pas encore validées pendant la grossesse. La survenue d’une
phlébite pendant la grossesse impose une enquête étiologique dominée par la recherche d’un facteur
mécanique (décompensation d’un syndrome de Cockett) ou d’une anomalie acquise ou constitutionnelle
de la coagulation. Les mesures préventives lors des grossesses ultérieures sont fonction de l’histoire
individuelle des patientes, de l’existence ou non d’un syndrome veineux post-thrombotique, du degré de
continence et de perméabilité des troncs veineux profonds en échographie-doppler, et des résultats de
l’enquête biologique.
© Elsevier, Paris.

Introduction secondaires à une insuffisance veineuse superficielle concernent


environ une femme enceinte sur deux. Ils sont très variables dans
La pathologie veineuse de la grossesse regroupe des troubles très leur degré comme dans leur expression clinique. La grossesse
différents dans leurs implications diagnostiques, pronostiques et apparaît tantôt comme le facteur révélateur de l’insuffisance
thérapeutiques. Les pathologies secondaires à une insuffisance veineuse superficielle, tantôt comme une cause aggravante.
veineuse superficielle provoquée ou seulement aggravée par la
grossesse sont d’une grand banalité ; le handicap fonctionnel qu’elles SIGNES CLINIQUES
engendrent peut être sensible, mais ces troubles ne compromettent
généralement pas le déroulement de la grossesse et bénéficient d’une ¶ Manifestations fonctionnelles
capacité importante de régression après la délivrance. Leur traitement
Les manifestations fonctionnelles avec sensation de tiraillements
est donc avant tout palliatif avec, pour objectif principal, de prévenir
dans les mollets, de jambes lourdes, les crampes et l’œdème
la survenue de complications et d’attendre, dans les meilleures
vespéral sont d’une grande fréquence. Ils peuvent être isolés, sans
conditions de confort, la fin de la grossesse après laquelle il sera
varices importantes. Ils ont tendance à s’aggraver au fil de la
possible de traiter l’insuffisance veineuse résiduelle selon les
grossesse mais peuvent totalement régresser après la délivrance.
modalités habituelles. Les accidents veineux thromboemboliques, en
revanche, sont rares mais graves et considérés comme la première ¶ Varices des membres inférieurs
cause de mortalité maternelle.
Elles apparaissent ou s’aggravent précocement au cours de la
grossesse, généralement avant la fin du premier trimestre. Leur
Insuffisance veineuse superficielle, survenue, beaucoup moins fréquente en fin de grossesse, fait
évoquer la responsabilité prépondérante du facteur compressif lié
varices et varicosités au développement du fœtus.
Les modifications de l’hémodynamique veineuse qui Les varices de la grossesse ne posent aucun problème diagnostique.
accompagnent la grossesse sont attribuées à la sommation d’un Les dilatations veineuses sont souvent diffuses. Elles
facteur hormonal qui intervient précocement, et d’un facteur s’accompagnent fréquemment de télangiectasies. Elles peuvent
mécanique par compression de la veine cave inférieure et des intéresser, à tous les étages, les troncs veineux superficiels. Elles
vaisseaux iliaques par l’utérus gravide. Ces deux éléments régressent de façon spectaculaire mais souvent non totalement
conjugués augmentent la distensibilité et la pression veineuse, et après l’accouchement. Elles sont plus ou moins symptomatiques et
diminuent la vitesse de l’écoulement veineux. Les troubles exposent aux mêmes complications que les varices observées en
dehors de la grossesse : phlébites superficielles, hémorragies
variqueuses, hypodermite, tandis qu’atrophie blanche et ulcères de
jambes témoignent habituellement d’une incontinence associée des
© Elsevier, Paris

Pascal Priollet : Chef de service, service de médecine vasculaire, hôpital Saint-Joseph, 185, rue Raymond-
Losserand, 75674 Paris cedex 14, France. troncs veineux profonds. La localisation des varices à la région

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Priollet. Pathologie veineuse et grossesse. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0580, 1998, 6 p.
19-0580 Pathologie veineuse et grossesse Angéiologie

vulvaire est fréquente et caractéristique chez la femme enceinte. sclérose soit préférée à la chirurgie si une nouvelle grossesse est
Ces varices vulvaires sont parfois douloureuses mais leurs souhaitée, en réalité une intervention peut être conseillée avant la
complications rares. fin des maternités, en particulier lorsque la grossesse antérieure
s’est accompagnée d’importants problèmes veineux.
¶ Varicosités
Indolores ou sensibles, elles peuvent prendre une extension
impressionnante. Elles siègent préférentiellement dans les Thromboses veineuses superficielles
territoires péri- ou sous-malléolaires et au niveau du dos du pied.
Elles régressent après la fin de la grossesse mais dans des Aisément reconnues devant un cordon rouge, chaud et
proportions imprévisibles. douloureux, intéressant un segment d’une veine superficielle des
membres inférieurs, les phlébites superficielles de la grossesse
BILAN LÉSIONNEL compliquent des varices souvent volumineuses. Un doppler et une
échographie sont nécessaires car la coexistence d’une thrombose
Les manifestations liées à une insuffisance veineuse superficielle, veineuse profonde segmentaire n’est pas exceptionnelle (20 à 30 %
quelle qu’en soit la nature, ne requièrent pas de bilan lésionnel des cas en dehors de la grossesse). Ces phlébites superficielles
autre que clinique, puisque la marge thérapeutique est limitée et relèvent classiquement de l’association d’un traitement anti-
se résume à des mesures exclusivement médicales depuis que la inflammatoire local et d’une contention élastique. Une autre option
chirurgie des veines superficielles est abandonnée au cours de la serait la prescription d’une HBPM pour une durée limitée (1 à
grossesse. L’indication des scléroses, tout à fait exceptionnelle, est 3 semaines), mais le fait que l’utilisation des HBPM ne soit pas
généralement réservée aux menaces de ruptures variqueuses ou validée pendant la grossesse est un obstacle à cette prescription.
d’hémorragie variqueuse. Quant à l’indication d’un geste chirurgical, en urgence, sous la
forme d’une ligature de crosse ou d’une crossectomie, sous
TRAITEMENT DE L’INSUFFISANCE VEINEUSE anesthésie locale, en cas de thrombose veineuse superficielle
SUPERFICIELLE ascendante avec menace d’extension aux troncs veineux profonds,
elle n’est plus que rarement portée.
Il est purement symptomatique et vise à faire passer sans incident
le cap de l’accouchement.
Les conseils d’hygiène de vie sont d’autant plus efficaces qu’ils sont
appliqués tôt, dès l’apparition des premiers troubles, voire dès le Phlébites pelviennes
début de la grossesse si l’on a l’expérience d’une grossesse
antérieure mal supportée d’un point de vue veineux. Elles sont rares mais d’autant plus graves qu’il s’agit de
La régression souvent spectaculaire des symptômes après thromboses septiques. Dans un tiers des cas, elles
l’accouchement, et le très faible risque de complications graves s’accompagneraient de signes cliniques ou paracliniques d’embolie
permettent de rassurer les patientes quant au devenir de leur état septique. Le taux de mortalité associé avec les phlébites pelviennes
veineux et de faire plus aisément accepter des mesures a été estimé par Derrick et al à 18 par million de grossesses.
contraignantes mais transitoires : La prévalence des phlébites pelviennes est faible et diversement
appréciée selon les auteurs : dix cas dans une série de 5 693
– la station debout ou assise jambes pendantes prolongée doit être accouchements pour Brown et Munsick, un cas seulement chez
évitée au profit de la position assise, jambes surélevées, et du repos 2 372 patientes suivies prospectivement durant la grossesse et le
au lit ; post-partum pour Derrick et al. En revanche, si l’on isole le groupe
– la surélévation des pieds du lit de 15 à 20 cm est une mesure des femmes qui après la grossesse ont souffert de complications
efficace ; infectieuses, la prévalence des phlébites pelviennes est plus élevée,
atteignant 1 à 2 % selon les séries.
– le repos systématique en décubitus latéral gauche en fin de
grossesse peut y être associé ; Le diagnostic est généralement évoqué devant une fièvre du post-
partum résistant aux antibiotiques, associée à des douleurs
– la marche, la gymnastique au sol, la flexion des chevilles sont abdominales sous-ombilicales, tandis que l’utérus est gros et peu
autant d’exercices physiques qui améliorent le fonctionnement de mobilisable et les veines pelviennes douloureuses au palper le long
la pompe veineuse des mollets ; de la paroi du petit bassin, lors du toucher vaginal. Différentes
– le contrôle optimal de la courbe pondérale est également méthodes ont été proposées pour réaliser l’opacification sélective
important ; des veines génitales, mais la fiabilité diagnostique de ce type
d’examen est très discutée. En revanche, les performances actuelles
– la contention élastique est la mesure la plus efficace et aussi la
du doppler et de l’échographie justifient la réalisation systématique
plus anodine. Elle doit s’exercer précocement. En revanche, le type
de ces examens en cas de phlébite pelvienne. L’efficacité de
et la force de la contention doivent être adaptés à chaque cas
l’héparine est par ailleurs un test diagnostique.
particulier. Les collants de grossesse à ceinture extensible, les bas
autofixants et les chaussettes de contention sont aujourd’hui
acceptables d’un point de vue esthétique tout en étant efficaces ;
– les traitements veinotoniques prescrits par voie orale ou
Thromboses veineuses profondes
appliqués localement sont un appoint souvent utile vis-à-vis des (TVP)
manifestations fonctionnelles, mais ils ne sauraient prendre le pas
sur les conseils d’hygiène de vie et la contention qui demeurent les DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES ET PATHOGÉNIE
deux éléments principaux du traitement.
Les TVP sont rares mais graves au cours de la grossesse, tant pour
BILAN ET TRAITEMENT APRÈS LA GROSSESSE
la mère que pour le fœtus. L’incidence exacte des embolies
pulmonaires au cours de la grossesse, et plus encore des TVP, est
À distance de la grossesse, généralement 3 mois après difficile à formuler car le diagnostic de ces accidents est loin d’être
l’accouchement, un nouveau bilan lésionnel est nécessaire afin toujours porté avec certitude. Une incidence comprise entre 0,07 et
d’assurer le traitement des varices qui n’auraient pas régressé. Les 0,09 % a été avancée. Globalement, ces accidents veineux
indications du traitement sclérosant ou de la chirurgie seront surviennent pour un tiers au cours de la grossesse et pour les deux
portées selon les critères habituels. Bien que traditionnellement la tiers dans le post-partum [18].

2
Angéiologie Pathologie veineuse et grossesse 19-0580

évoqué devant l’apparition brutale d’une symptomatologie


Tableau I. – Soixante thromboses veineuses profondes consécuti- strictement unilatérale, qu’il s’agisse d’une sensation de lourdeur,
ves de la grossesse (d’après JS Ginsberg et al [7]).
d’une douleur évoquant une cruralgie ou une lombosciatalgie,
Terme Topographie d’un œdème de la jambe et de la cuisse ou d’une érythrocyanose
de déclivité remarquée dès le lever. Le recours aux examens
n % gauche droite bilatérale
complémentaires est, dans tous les cas, indispensable, en évitant
1er trimestre 13 21,7 58 0 2 les explorations invasives. La pléthysmographie d’impédance et
e
2 trimestre 28 46,7 surtout l’échographie doppler sont les examens proposés au cours
de la grossesse. Le doppler couplé à l’échographie a, dans le
3e trimestre 19 31,7
diagnostic des TVP de la grossesse, une fiabilité qui atteint 100 %
dans les localisations jambières, poplitées et fémorales entre les
mains d’un observateur expérimenté [10]. Le diagnostic est plus
Indépendamment des facteurs de risque qui ne sont pas propres à difficile si la localisation de la TVP est iliocave. Si le doppler et
la grossesse mais favorisent néanmoins la survenue de TVP, qu’il l’échographie sont normaux, il est raisonnable d’éliminer le
s’agisse de l’alitement prolongé ou de l’obésité d’une part, des diagnostic de TVP [10, 16] . Lorsque le tableau clinique et les
anomalies constitutionnelles ou acquises de l’hémostase d’autre explorations non invasives sont en faveur d’une TVP iliocave, une
part, la grossesse est en soi considérée comme un facteur de risque phlébocavographie est nécessaire malgré le risque d’irradiation
de TVP. Le ralentissement de la circulation et la diminution du prénatale, les doses distribuées restant minimes [ 9 ] . Cette
tonus veineux, la gêne au retour veineux due à l’utérus gravide et opacification recherche un thrombus iliaque étendu à la veine cave,
les modifications de l’hémostase sont les causes présumées de ce peu adhérent, qui représenterait un risque important d’embolie
risque accru. Ces dernières vont dans le sens d’une pulmonaire grave et pourrait conduire à discuter l’indication d’une
hypercoagulabilité [ 1 8 ] . Le taux de certains facteurs de la thrombectomie chirurgicale et d’une interruption partielle de la
coagulation augmente de façon significative : facteurs VII, X, VIII, veine cave inférieure. En cas de suspicion d’embolie pulmonaire
fibrinogène. Les taux d’inhibiteurs physiologiques diminuent : non formellement confirmée ou infirmée par la clinique,
antithrombine III (AT III), protéine S. L’activité fibrinolytique l’électrocardiogramme (ECG), le cliché thoracique, les gaz du sang
diminue également. Il semble exister aussi un certain degré et les dosages enzymatiques, une scintigraphie est indiquée, de
d’activation des plaquettes. Après l’accouchement, ces anomalies ventilation et de perfusion, la très courte durée de vie des isotopes
se corrigent en 6 semaines environ, à l’exception de l’activité utilisés assurant une irradiation très faible.
fibrinolytique dont le retour à la normale est beaucoup plus rapide.
Les TVP survenant pendant la grossesse seraient localisées plus de
TRAITEMENT
neuf fois sur dix au niveau du membre inférieur gauche (tableau I).
Cette topographie souligne l’importance des facteurs mécaniques Les TVP survenant au cours de la grossesse sont l’indication d’un
par le biais de la décompensation d’un syndrome de Cockett traitement anticoagulant, hormis les rares cas où une embolie
préexistant (compression de la veine iliaque gauche par la pulmonaire grave, n’évoluant pas favorablement sous traitement
bifurcation artérielle). Dans cette hypothèse toutefois, la majorité médical, fait discuter une embolectomie chirurgicale.
des TVP devrait se développer au troisième trimestre de la En raison de leurs risques abortifs et tératogènes, maximaux entre
grossesse. Or, si certains auteurs ont cette expérience [12], d’autres la 6e et la 10e semaine, les antivitamines K (AVK) sont déconseillées
en revanche rapportent des phlébites plus fréquentes au deuxième au cours de la grossesse. Nous les considérons comme contre-
qu’au troisième trimestre [7]. indiquées tout au long de la grossesse [18] . Dans une étude
Le risque d’accident veineux thromboembolique paraît six fois plus bibliographique, Ginsberg a colligé 186 publications regroupant 1
élevé au cours de la grossesse que chez la femme du même âge 325 grossesses faisant état des complications des traitements
n’utilisant pas de pilule estroprogestative. Le risque d’embolie anticoagulants, qu’il s’agisse des AVK ou de l’héparine chez le
pulmonaire mortelle augmente avec l’âge de la patiente et la fœtus et le nouveau-né (tableau II) [8] . Toutes les grossesses
multiparité ainsi qu’avec la suppression de la lactation par les confondues, l’incidence de complications fœtales atteint 21 % pour
estrogènes après l’accouchement. Le recours à une césarienne l’héparine et 27 % pour les AVK. En revanche, lorsque sont exclues
multiplie environ par 20 l’incidence des accidents veineux les grossesses pathologiques et les prématurités qui peuvent n’être
thromboemboliques et élève le risque d’embolie pulmonaire pas liées au traitement anticoagulant, l’incidence des complications
mortelle. Le risque de TVP ou d’embolie pulmonaire au cours de fœtales n’est plus que de 3,6 % pour l’héparine mais s’élève encore
la grossesse est chiffré entre 5 et 13 % selon les auteurs chez une à 26 % pour les AVK. Quant aux décès, qu’il s’agisse de mort in
patiente ayant déjà souffert d’un épisode analogue, et ce utero ou de décès néonataux, ils ne sont que de 2,5 % avec
indépendamment des circonstances de survenue de ce dernier. l’héparine mais de 16 % avec les AVK.
Enfin, les méthodes de fécondation in vitro augmentent également
l’incidence des thromboses vasculaires, TVP mais également
thromboses artérielles [3]. Tableau II. – Risques comparés de complications fœtales liées à
l’héparine non fractionnée et aux antivitamines K (AVK) (d’après
JS Ginsberg et al [8]).
DIAGNOSTIC
Complications fœtales Héparine non AVK Héparine
Le diagnostic de TVP est déjà cliniquement difficile en dehors de fractionnée et AVK
la grossesse. Il rencontre théoriquement, chez la femme enceinte, Toutes grossesses 77/355 161/578 76/392
un maximum d’obstacles car œdème, crampes, dilatation des confondues
veines superficielles et douleurs des mollets peuvent n’être que
Exclusion des grossesses 29/278 150/567 70/383
l’expression d’une stase veineuse isolée sans phlébite. Par ailleurs, associées à une
les fréquents syndromes de compression de la veine iliaque gauche pathologie maternelle 10,4 % 26,5 % 18,3 %
par la bifurcation artérielle (syndrome de Cockett) et les rares Exclusion des grossesses 10/278 148/567 70/383
malformations congénitales de la veine cave inférieure pathologiques et des
3,6 % 26,1 % 18,3 %
(diaphragme, synéchies), peuvent se décompenser au cours de la prématurés
grossesse, notamment sous l’effet de la compression exercée par le Décès après exclusion 7/278 95/567 44/383
fœtus, et faire évoquer à tort une TVP iliaque. En réalité, le des pathologies
maternelles 2,5 % 16,8 % 11,5 %
diagnostic de TVP iliofémorale gauche (l’une des topographies les
plus fréquentes de TVP au cours de la grossesse) est aisément

3
19-0580 Pathologie veineuse et grossesse Angéiologie

L’héparine non fractionnée est classiquement le traitement des TVP ENQUÊTE BIOLOGIQUE
de la grossesse [18]. Elle ne franchit pas la barrière placentaire. Elle
La grossesse et la période de l’accouchement et du post-partum
est administrée initialement par voie intraveineuse à la seringue peuvent donner à une anomalie constitutionnelle ou acquise de
électrique. Une dose de charge de 50 U/kg est recommandée. La l’hémostase l’occasion de s’exprimer, éventuellement pour la
dose quotidienne est ensuite calculée sur la base de 15 à 20 U/kg/h première fois (tableau III). Il est donc logique de proposer une
puis adaptée selon les résultats des tests biologiques : TCA (temps enquête biologique systématique aux patientes souffrant ou ayant
de céphaline activateur) qui doit être compris entre deux et trois souffert d’une TVP au cours de la grossesse ou du post-partum,
fois le temps du témoin ou héparinémie qui évalue l’activité non seulement lorsqu’il existe des antécédents familiaux de
anticoagulante de l’héparine vis-à-vis de la thrombine ou du maladie thromboembolique, lorsque les épisodes thrombotiques se
facteur Xa, la zone thérapeutique se situant entre 0,2 et 0,5 UI/mL. répètent ou que les territoires veineux atteints sont inhabituels
La femme enceinte peut opposer une résistance relative à l’action (mésentérique, par exemple) mais également lorsque l’accident
de l’héparine et requérir une dose plus élevée qu’en dehors de la veineux paraît isolé.
grossesse. Après une durée arbitraire de 5 à 10 jours, l’héparine Une anomalie acquise de l’hémostase sous la forme d’un
par voie sous-cutanée peut prendre le relais de la perfusion anticoagulant circulant de type antiprothrombinase peut être
continue. Elle est répartie en deux ou trois injections par jour et sa facilement mise en évidence par l’allongement du TCA. Cet
posologie adaptée pour que l’héparinémie se situe entre 0,2 et anticoagulant circulant se rencontre dans certaines formes de lupus
0,3 UI/mL. L’héparinothérapie doit être poursuivie jusqu’à la fin dont la symptomatologie clinique est souvent réduite mais au
de la grossesse. La dose d’héparine est habituellement fortement cours desquelles, en revanche, d’autres anomalies hématologiques
réduite ou son administration interrompue environ 6 heures avant sont souvent présentes : thrombopénie, anémie hémolytique avec
l’accouchement pour la reprendre 6 heures plus tard. Il a été test de Coombs positif, réaction syphilitique faussement positive
proposé que l’accouchement des patientes qui reçoivent de et présence d’anticorps anticardiolipines.
l’héparine sous-cutanée durant la grossesse soit électivement La recherche d’une anomalie constitutionnelle de l’hémostase est
déclenché 24 heures après l’arrêt de l’anticoagulant [1]. Lorsque le également nécessaire [4]. La grossesse est, avec la prise d’une
risque thromboembolique paraît très élevé, il a été recommandé de contraception estroprogestative, souvent la circonstance qui donne
convertir l’héparine sous-cutanée en héparine intraveineuse, et l’occasion à un déficit en AT III de s’exprimer. Environ 75 % des
d’interrompre cette dernière 6 heures avant l’accouchement [1]. accidents veineux surviennent avant l’accouchement,
L’analgésie péridurale est contre-indiquée si l’héparine n’a pas été contrairement à ce qui est observé chez les patientes indemnes de
arrêtée 12 heures auparavant. Après l’accouchement, déficit en AT III où la majorité des phlébites intervient dans le
post-partum.
l’héparinothérapie est poursuivie (héparinémie entre 0,2 et
0,3 UI/mL), soit pour une durée qui ne doit pas être inférieure à Les déficits en protéine C et en protéine S peuvent également
6 semaines, soit jusqu’au relais par les AVK, une fois réduits les donner lieu à des accidents veineux thromboemboliques durant la
risques d’hémorragie du post-partum, c’est-à-dire 1 semaine après grossesse ou plus volontiers, en ce qui concerne les déficits en
protéine S, dans le post-partum. Le déficit en protéine C découvert
l’accouchement. Toutefois, les AVK contre-indiquent l’allaitement
chez la femme enceinte rend nécessaire le dosage de la protéine C
à l’exception de la warfarine (Coumadinet) qui n’est pas sécrétée
chez le conjoint. Si le conjoint est porteur du même déficit (ce qui
dans le lait maternel.
est possible en raison de la fréquence génétique du déficit), l’enfant
Outre les inconvénients locaux (douleurs, hématomes) des est exposé au risque de déficit homozygote en protéine C
injections répétées et les risques hémorragiques inhérents à tout responsable d’un tableau gravissime de purpura fulminans
traitement anticoagulant, l’héparine au cours de la grossesse peut néonatal. Un dépistage anténatal peut être proposé dans ce cas
avoir d’autres inconvénients. Elle peut être cause d’ostéoporose qui précis. Le diagnostic de déficit en protéine S est difficile, car le taux
n’a été rapportée comme cliniquement symptomatique que chez de cette protéine diminue de façon physiologique durant la
les patientes traitées par une dose d’au moins 20 000 U/j pendant grossesse. Le dosage doit donc être contrôlé 1 mois après
plus de 6 mois [11]. Elle pourrait également être à l’origine de l’accouchement. En revanche, le diagnostic de déficit en AT III ne
thrombopénie immunoallergique détectable par la surveillance pose pas de problème durant la grossesse. Néanmoins, les dosages
hebdomadaire de la numération des plaquettes. d’AT III, de protéine C et de protéine S sont influencés par les
traitements anticoagulants et il est souhaitable de réaliser les
Les HBPM sont au moins aussi efficaces, en dehors de la grossesse, prélèvements sanguins avant toute thérapeutique. Sinon, le taux
que l’héparine standard, sans risques hémorragiques plasmatique d’AT III peut diminuer de 15 à 20 % sous
supplémentaires. Cela est notamment vrai dans le traitement des héparinothérapie efficace. Les protéines C et S sont, pour leur part,
phlébites proximales où les HBPM ont été utilisées en une seule abaissées sous un traitement anticoagulant par voie orale, car elles
injection par jour (Logiparine) [13] ou en deux injections par jour sont vitamines K dépendantes. Une nouvelle anomalie héréditaire
(Fraxiparinet) [17]. Les HBPM ont aussi des avantages potentiels sur de la coagulation, la résistance à la protéine C activée, a été mise
l’héparine standard dans le traitement des phlébites de la femme
enceinte. La première observation rapportée de thrombose Tableau III. – Facteurs déclenchants lors du premier épisode de
veineuse de la grossesse traitée par une HBPM date de 1986 [19]. thrombose (d’après J Conard, Hôtel-Dieu, Paris, 1994).
Ces héparines ont une activité antithrombotique équivalente et,
Déficits Antithrombine III Protéine C Protéine S
comme l’héparine standard, ne franchissent pas la barrière n = 48 n = 56 n = 49
placentaire. De plus, leur biodisponibilité est plus élevée avec une 28 F, 20 H 32 F, 24 H 24 F, 25 H
durée de vie plus longue autorisant parfois une seule injection par
Estroprogestatifs 12 % 7% 8%
jour. Elles pourraient s’accompagner d’une réduction du risque
d’ostéoporose et d’une réduction du risque de thrombopénie. En Grossesse 23 % 28 % 18 %
revanche, la surveillance de ce traitement fait appel à la mesure de Chirurgie 17 % 18 % 4%
l’activité anti-Xa. L’évaluation des HBPM se poursuit au cours de
Alitement 13 % 11 % 10 %
la grossesse et leur indication n’est pas encore validée en cas de
TVP développée chez la femme enceinte. Traumatisme, effort 14 % 16 % 34 %

Quelle que soit la nature de l’héparine utilisée, une contention Non retrouvé 21 % 20 % 26 %
élastique adaptée est indispensable en cas de TVP avant comme
F : femmes ; H : hommes.
après l’accouchement.

4
Angéiologie Pathologie veineuse et grossesse 19-0580

en évidence en 1993 [5, 6]. Très vite, la mutation responsable de cette également 75 mg/j d’aspirine jusqu’à la 36e semaine de grossesse.
anomalie biologique a été découverte [2]. Il s’agit d’une mutation Au terme de ces 34 grossesses chez 32 femmes, 29 enfants vivants
sur l’arginine en position 506 au site de clivage du facteur V par la devaient naître ; cinq fausses couches étaient à déplorer, trois
protéine C activée. Désormais, un test simple de biologie d’entre elles en cas de syndrome des antiphospholipides avec ou
moléculaire permet de rechercher l’anomalie sans qu’il soit sans lupus associé et deux chez des patientes porteuses d’un déficit
indispensable de passer par l’étape du test biologique [6]. Surtout, en protéine S. Aucune complication thromboembolique n’était
la résistance à la protéine C activée paraît très fréquente puisqu’elle enregistrée au cours de cette étude. Aucune thrombopénie ou
concerne environ 20 % des patientes ayant souffert de thrombose hémorragie grave n’était à déplorer. En revanche, une patiente
veineuse et 3 à 5 % de la population générale dans une étude souffrait d’un tassement vertébral d’origine ostéoporotique alors
hollandaise [20]. Dans une étude suédoise, cette même anomalie qu’elle n’avait pas d’autres facteurs de risque d’ostéoporose. Enfin,
était présente chez 33 % des patients aux antécédents de thrombose sept césariennes étaient faites sans complication hémorragique,
et 5 % des témoins [20]. Il s’agit donc d’une anomalie beaucoup plus tandis que six femmes accouchaient sous analgésie péridurale, là
fréquente que les déficits congénitaux, désormais traditionnels, en encore sans complication. Cette étude souligne l’intérêt des HBPM
protéine C, protéine S et AT III. L’implication au cours de la durant la grossesse et leur efficacité, y compris en cas de troubles
grossesse de la résistance à la protéine C activée n’est pas encore de l’hémostase, à l’exception peut-être du syndrome des
bien documentée, mais paraît relativement modeste. antiphospholipides. Un point reste toutefois en discussion : c’est
celui de savoir si une dose fixe peut être ou non utilisée pendant la
TRAITEMENT PRÉVENTIF grossesse. Les auteurs n’ont pas eux-mêmes tranché puisque après
avoir suggéré l’adaptation des doses, ils notent la possibilité de ne
Le traitement préventif des patientes enceintes ayant des
pas dépasser une dose quotidienne de deux fois 5 000 UI/j de
antécédents de TVP n’est pas encore parfaitement standardisé [18].
Fragminet.
La contention élastique est obligatoire. Sinon, le traitement
habituellement recommandé, en l’absence d’anomalies En cas de déficit en AT III, le traitement curatif des TVP de la
constitutionnelles de l’hémostase, est une héparine non fractionnée grossesse associe héparine par voie intraveineuse à doses efficaces
sous-cutanée à petites doses (5 000 UI) à raison de 2 injections/j et concentré d’AT III afin d’obtenir un taux d’AT III supérieur à
jusqu’au milieu du troisième trimestre, puis une héparine sous- 80 % ; le relais est pris ensuite par l’héparine sous-cutanée jusqu’à
cutanée à doses efficaces jusqu’à la fin de la grossesse. Une l’accouchement. Après l’accouchement, l’héparine sous-cutanée est
alternative pourrait être, soit une contention élastique seule en associée à des concentrés d’AT III durant la première semaine puis
l’absence d’anomalie de l’hémostase, surtout si les antécédents ne le relais est pris par les AVK.
comportent qu’un seul accident thromboembolique, soit une Le traitement préventif lors d’une grossesse chez une patiente
contention élastique associée à partir du 3e trimestre à une HBPM ayant une anomalie de l’hémostase est adapté à chaque cas. Si la
en une seule injection par jour mais cette dernière formule n’a pas patiente n’a pas d’antécédent de thrombose veineuse, les
été validée [15] . Une publication récente, en provenance du principaux paramètres à déterminer sont la date de début de
Royaume-Uni, a testé une HBPM (la Fragminet) comme traitement traitement, le type de traitement (héparine standard ou HBPM) et
préventif chez 32 femmes enceintes totalisant 34 grossesses à haut la dose (« préventive » ou « curative »). Le début du traitement
risque d’accident thrombotique [14]. Des facteurs de risque de peut être envisagé soit avant la conception, soit dès le diagnostic
thrombose étaient deux fois d’un déficit en protéine C. Des de grossesse, soit lors du troisième trimestre seulement, ou bien
antécédents thrombotiques veineux étaient reconnus 26 fois. Dans encore uniquement s’il existe un facteur de risque surajouté tel que
six cas, il s’agissait d’antécédents artériels. Seize fois il existait des l’alitement. En cas d’utilisation d’une HBPM, il a été proposé
antécédents de fausses couches. Les patientes ayant souffert d’un d’adapter la dose d’HBPM afin de maintenir l’activité anti-Xa entre
épisode de thrombose durant la grossesse sans anomalie de 0,1 et 0,25 U/mL [15].
l’hémostase étaient traitées par héparine non fractionnée pendant
5 à 7 jours, puis par HBPM. Les patientes ayant un antécédent de L’incidence sur les grossesses ultérieures et la contraception d’un
thrombose coïncidant avec une contraception orale ou une passé de TVP doit être précisée. La grossesse peut être autorisée
grossesse sans anomalie de l’hémostase étaient traitées par HBPM malgré des antécédents de TVP, y compris en cas d’interruption
débutée 4 à 6 semaines avant le terme où s’était produite la partielle de la veine cave inférieure, sous réserve d’une enquête
thrombose durant la dernière grossesse. Quant aux femmes ayant biologique complète, d’un traitement préventif et d’une
des antécédents thromboemboliques associés à des anomalies de surveillance clinique et ultrasonique rigoureuse.
l’hémostase ou des antécédents thrombotiques récidivants, elles Les TVP de la grossesse sont une contre-indication définitive à la
étaient traitées par HBPM avant même la conception ou contraception estroprogestative. Les dispositifs intra-utérins sont
immédiatement après un test positif de grossesse. La Fragminet classiquement contre-indiqués si les patientes sont sous
était administrée à la dose de 5 000 UI, 1 fois/j chez les femmes anticoagulants, mais il ne s’agit là que d’une contre-indication
pesant moins de 100 kg et 2 fois/j dans le cas contraire. Les relative. Les méthodes locales (diaphragmes, spermicides,
patientes faisaient elles-mêmes leurs injections. La mesure de préservatifs) doivent être utilisées en association sinon elles sont
l’activité anti-Xa et des plaquettes était réalisée une fois par mois insuffisamment efficaces. Une contraception par microprogestatifs
durant la grossesse. Les femmes enceintes ayant un syndrome des se discute si le risque thrombotique est faible chez les femmes
antiphospholipides et un antécédent de fausse couche recevaient n’acceptant pas les méthodes locales.

Références ➤

5
19-0580 Pathologie veineuse et grossesse Angéiologie

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6
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0030

19-0030

Physiologie de la circulation artérielle


H Boccalon
P Léger

Résumé. – Le rôle de l’appareil circulatoire est le transport du sang d’un secteur de l’organisme à
l’autre. La circulation artérielle est un système à haute pression. La physiologie artérielle repose sur
l’étude de nombreux paramètres, tels que la vitesse d’écoulement du sang dans les artères, le débit
artériel, la pression artérielle, les résistances vasculaires, l’énergie d’un fluide, l’hémorhéologie et
l’endothélium vasculaire. Ce système complexe est régulé par des mécanismes locaux et généraux.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : circulation, physiologie, artérielle, pression, débit, endothélium, régulation.

Principes de la physiologie artérielle Tableau I. – Caractéristiques comparatives des artères et des veines.
Artères Veines
INTRODUCTION
Compliance Faible Forte
C’est sous l’aspect global qu’il faut envisager les objectifs de Élastance Forte Faible
l’appareil circulatoire. Il a pour but de transporter rapidement du Pression dynamique Forte Faible
sang d’un secteur de l’organisme à un autre afin d’échanger des Résistance à l’écoulement Forte Faible
éléments indispensables ou utiles à la vie contre des éléments à
éliminer ou à transformer. Le moteur essentiel de cette dynamique
est représenté par le cœur. La grande circulation ou circulation – régulation statique pour le système veineux = vaisseaux
systémique prend en charge l’irrigation des tissus périphériques ; capacitifs :
la circulation artérielle y transporte le sang et c’est elle que nous volume = pression/élastance (résistance à la distension des
étudierons ; la microcirculation est le secteur des échanges ; le parois) ; DQ = DP/E.
retour veineux s’effectue vers le cœur droit. La petite circulation
ou circulation pulmonaire permet au cœur d’organiser les échanges La compliance DQ/DP est l’importance de l’augmentation du
sanguins avec l’air ambiant. volume DQ qui entraîne une augmentation de pression DP ; elle
est plus faible pour les artères que pour les veines. L’élastance est
Le système à haute pression s’étend du ventricule gauche en l’inverse de la compliance (E = DP/DQ) et se trouve plus élevée
systole aux artérioles ; il comprend donc essentiellement le système pour les artères.
artériel. Le maintien d’une pression élevée permet d’assurer une
perfusion sanguine, quelles que soient les conditions
hémodynamiques et physiologiques en général. RAPPELS ANATOMOPHYSIOLOGIQUES
La physiologie artérielle est caractérisée par :
¶ Répartition de la volémie
– une pression sanguine élevée : 120-80 mmHg ;
– un contenu faible : 10 à 15 % du volume total sanguin de La figure 1 montre l’exemple de la répartition volémique pour un
l’organisme, et ce contenu est relativement stable ; homme de 75 kg. Le volume total de sang contenu chez le sujet
normal représente environ 7 % de son poids total (5 L pour un
– du sang saturé en oxygène. homme de 75 kg) ; de cette façon, le volume total peut circuler
La régulation vasculaire est dynamique pour le système artériel et approximativement une fois par minute. Malgré leur section totale
statique pour le système veineux (tableau I) : importante, les capillaires sont courts et ne contiennent que 4 à
6 % de la volémie ; les artères en contiennent 12 à 14 % ; les veines,
– régulation dynamique pour le système artériel = vaisseaux et surtout les veines de petit diamètre, en contiennent les deux
résistifs : tiers (64 %). La circulation pulmonaire contient 9 à 10 % de la
débit Q = pression/résistance à l’écoulement ; Q = DP/R ; volémie ; le cœur en diastole en contient 6 à 7 % (tableau II) [37].

¶ Surfaces de sections vasculaires


Henri Boccalon : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service de médecine vasculaire.
Philippe Léger : Chef de clinique universitaire, praticien hospitalier.
Centre hospitalier universitaire, hôpital de Rangueil, 1, avenue Jean-Poulhès, 31304 Toulouse cedex 4,
Le calibre du vaisseau efférent est inférieur à celui du vaisseau
France. avant la survenue d’une division vasculaire. La surface totale des

Toute référence à cet article doit porter la mention : Boccalon H et Léger P. Physiologie de la circulation artérielle. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Angéiologie,
19-0030, 2000, 15 p.
19-0030 Physiologie de la circulation artérielle Angéiologie

jouent un rôle physiologique considérable ; elles reposent sur une


couche sous-endothéliale de soutien qui est en contact avec la
limitante élastique interne. Les cellules endothéliales sont disposées
en mosaïque, orientées selon le sens de l’écoulement sanguin et en
fonction des contraintes de cisaillement.
L’intima possède trois fonctions principales :
– son intégrité empêche le développement de réactions
d’hémostase entre le sang circulant et les constituants pariétaux
sous-jacents ; il représente une surface thromborésistante ;
– filtration et transport actif des constituants sanguins qui
nourrissent la média ;
1 La répartition de la volémie systémique est nettement en faveur du système vei- – production de substances contribuant à la vasomotricité.
neux ; le contenu artériel ne représente que 14 % de la volémie totale (reproduit
d’après RF Rushmer). La média est épaisse. Elle comprend des fibres musculaires lisses
particulièrement riches dans les petites artères et les artérioles,
vaisseaux résistifs précapillaires ; elles y assurent la vasomotricité.
Tableau II. – Répartition théorique de la volémie chez un homme de Elle comprend aussi des fibres élastiques qui permettent à l’artère
40 ans, d’un poids de 75 kg, d’une surface corporelle de 1,85 m2 de se déformer, comme cela est le cas pour les grosses artères (aorte
(d’après W Milnor, 1968). et branches) qui ont un rôle de réservoir à haute pression. La média
Volémie comprend aussi des fibres de collagène qui s’opposent à des
Secteur vasculaire augmentations importantes de volume.
mL %
La paroi artérielle comprend 70 % d’eau. Le poids sec de l’aorte
Cardiaque (diastole) 360 7,2 ascendante contient beaucoup d’élastine (40 %) et peu de collagène
Pulmonaire
(20 %). L’aorte abdominale contient 30 à 45 % de collagène et 20 à
artères 130 2,6 40 % d’élastine. Le rapport élastine/collagène est de 2 pour l’aorte
capillaires 110 à 440 2,2 à 8,8 abdominale, entre 0,7 et 1,5 ailleurs. Plus le rapport est élevé, plus
veines 200 4,0 l’artère est distensible.
Systémique L’adventice reçoit les éléments fonctionnels de l’artère : les
aorte et grosses artères 300 6,0 terminaisons nerveuses à l’origine de la vasomotricité et les petits
petites artères 400 8,0 vaisseaux ou vasa vasorum qui irriguent la paroi. Constituée d’un
capillaires 300 à 4 200 6,0 à 84,0 tissu conjonctif fibrocellulaire, elle jouerait un rôle mécanique de
petites veines 2 300 46,0
soutien architectural de la paroi, dans le cas d’une média affaiblie
grosses veines 900 18,0
5 000 100
ou absente.
DÉBIT DANS LES DIFFÉRENTS SEGMENTS
CIRCULATOIRES
Sur le modèle physique qui est représenté par la figure 3, nous
constatons que la quantité de liquide qui pénètre dans le tube est
identique à celle qui en sort. Ceci est vrai pour toutes les parties
du système circulatoire ; le débit de chacune des colonnes verticales
est identique ; ceci n’est plus vrai s’il existe une accumulation
liquidienne dans un secteur donné, du fait d’une redistribution ; le
débit peut être plus important dans un canal circulatoire horizontal
par rapport à celui d’un autre canal horizontal, mais le débit total
de la colonne verticale est identique : c’est le principe de la
0,5mm / s redistribution. Ce principe physiologique est simple mais capital
au plan de la physiologie vasculaire.
La figure 4 illustre la répartition du débit sanguin dans les
différents territoires de l’organisme. La répartition des différents
débits s’effectue en parallèle.
2 Le tracé en pointillé représente les changements de surfaces relatives totales
– À l’état de repos :
du lit vasculaire (échelle logarithmique). Le tracé en trait plein représente la vitesse
moyenne dans les différents types de vaisseaux (reproduit d’après AC Burton). – 15 % du débit cardiaque se dirige vers le cerveau ;
– 15 % vers les muscles ;
sections capillaires est énorme du fait du nombre de ses capillaires :
625 cm2 de section capillaire totale chez le chien de 13 kg pour une – 30 % vers le système digestif ;
section aortique de 0,8 cm2 [45]. – 20 % vers les reins ;
Sur la figure 2, nous constatons que la vitesse d’écoulement est – 5 % sont destinés aux coronaires ;
inversement proportionnelle à la surface de section des vaisseaux. – 10 % à la peau et aux os.
Cette surface de section vasculaire augmente depuis le secteur – Lors de l’exercice, le débit sanguin correspondant aux muscles
artériel vers le secteur capillaire ; elle diminue à nouveau du squelettiques et au myocarde augmente. Il convient de noter que
secteur capillaire vers le secteur veineux, mais en restant le débit artériel des bronches et des poumons, différent du débit
supérieure à ce qu’elle est au niveau artériel. de l’artère pulmonaire, recircule vers l’oreillette gauche et le
¶ Histologie de la paroi artérielle ventricule gauche ; de ce fait, le ventricule gauche éjecte davantage
de sang que le ventricule droit (moins de 3 % du débit cardiaque).
La répartition en intima, média et adventice est le cas de la paroi
artérielle comme de tout autre vaisseau, mais avec des rapports VITESSE DU SANG DANS LES ARTÈRES
relatifs qui sont spécifiques de la fonction que doit jouer l’artère [47]. La vitesse du sang (v) est la distance parcourue par le sang dans
L’intima est la plus interne ; l’endothélium délimite la lumière un vaisseau par unité de temps :
artérielle de par la juxtaposition des cellules endothéliales qui v = Q/S

2
Angéiologie Physiologie de la circulation artérielle 19-0030

A B C D E Tableau III. – Diamètre vasculaire, vélocité sanguine et nombre de


Reynolds pour la circulation systémique chez l’homme (d’après R
Whitmore, 1968).
Secteur Vélocité Nombre de
Diamètre
vasculaire sanguine (cm/s) Reynolds
Aorte ascendante 2,0-3,2 63(1) 3 600-5 800
(1)
Aorte descendante 1,6-2,0 27 1 200-1 500

Artères 0,2-0,6 20-50(1) 110-850


Artères (2)
Veines Capillaires 0,0005-0,001 0,05-0,1 0,0007-0,003

Veines 0,5-1,0 15-20(2) 210-570


(2)
Veine cave 2,0 11-16 630-900

(1) Vélocité systolique moyenne ; (2) vélocité moyenne.

– la vitesse sanguine veineuse augmente à nouveau mais reste


inférieure à la vitesse sanguine artérielle, car la surface de section
Des débits liquidiens égaux traversent chaque ligne verticale demeure supérieure dans la veine par rapport à ce qu’elle est dans
3 La distribution divergente du système artériel, les ramifications capillaires puis l’artère (15 à 20 cm/s) (tableau III).
les convergences veineuses sont représentées schématiquement ; une disposition ver-
ticale regroupe les vaisseaux de même calibre. Le volume de liquide qui traverse cha-
que colonne verticale par unité de temps est égal au volume qui y pénètre et qui en PRESSION ARTÉRIELLE
sort ; c’est ce qui se passe dans le tube unique (reproduit d’après RF Rushmer).
Le débit est maintenu au-dessus de 0 après l’éjection ventriculaire
du fait de l’effet Windkessel. L’onde de pression (fig 5) est
(Q : débit ; S : surface de section).
représentée par la différence entre le pic systolique et le minimum
La figure 2 montre que la vitesse de l’écoulement sanguin diminue diastolique de la courbe de pression artérielle.
lorsque la section totale des vaisseaux augmente et inversement. À
La pression artérielle moyenne, ou pression motrice (Pm), peut être
titre d’exemple :
calculée par un procédé électronique ou bien par une planimétrie
– la vitesse sanguine aortique est comprise entre 40 et 50 cm/s ; de surface, ou encore par la formule :
– la vitesse dans les capillaires est de 0,07 cm/s, ce ralentissement Pm = P diast + un tiers (P syst − P diast)
étant favorable aux échanges entre sang et tissus interstitiels ; (P dyast : pression diastolique ; P syst : pression systolique).

4 Répartition du débit sanguin selon les différents territoires de l’organisme. Ce


schéma représente les cavités cardiaques, les artères, la microcirculation et les vei-
nes. Les traits pleins représentent les artères et les veines ; les flèches indiquent
le sens circulatoire ; les encadrés schématisent la microcirculation. Le pourcentage
de débit cardiaque destiné à chacun des secteurs vasculaires est indiqué près du trait
plein (reproduit d’après JB West). OD : oreillette droite ; OG : oreillette gauche ;
VD : ventricule droit ; VG : ventricule gauche.

t g

3
19-0030 Physiologie de la circulation artérielle Angéiologie

appliquée sur une longueur L (T = F·L–1). La tension exercée par la


Psytolique paroi artérielle intervient dans la régulation de la pression
artérielle.
La pression artérielle varie constamment au cours du cycle
cardiaque (fig 6, 7). Elle augmente de façon abrupte dès l’ouverture
des valves sigmoïdes aortiques pour atteindre un maximum ; c’est
la pression systolique, qui est identique à la pression systolique
maximale du ventricule gauche. Ensuite, elle chute rapidement ;
s après la fermeture des sigmoïdes, elle diminue plus lentement. La
pression diastolique est sa valeur minimale ; elle reste supérieure à
la pression diastolique ventriculaire gauche.
La pression artérielle différentielle est la différence de pression
5 Onde de pression artérielle et utilisation de trois procédés différents pour calculer systolodiastolique dans l’artère. C’est son amplitude qui détermine
la pression artérielle moyenne (Pm). P syst : pression systolique ; P diast : pression
diastolique (reproduit d’après JB West). une sensation tactile lors de la palpation artérielle : le pouls artériel.

¶ Valeurs normales de la pression artérielle


La pression P est le rapport d’une force appliquée sur une surface :
p = F/S. Elle s’exerce contre la paroi interne de l’artère. Elle a deux Chez l’adulte jeune, au repos, couché, les valeurs normales de la
composantes : la pression dynamique exercée par le ventricule pression artérielle aortique ou humérale sont de :
gauche et la pression hydrostatique qui est fonction du poids du – 110 à 140 mmHg pour la systolique (17kPa) ;
sang et du niveau considéré. La pression artérielle est
classiquement exprimée en mmHg ou en cmH2O (1 mmHg = – 60 à 80 mmHg pour la diastolique (9kPa) ;
0,133kPa ; 1 cmH 2O = 0,1kPa). La tension T est une force F – 70 à 95 mmHg pour la moyenne (11kPa).

6 Évolution des pressions au cours du cycle cardiaque, au niveau de l’aorte,


de l’oreillette et du ventricule gauches. Les pressions sont indiquées en mmHg et kPa
(1 mmHg = 0,133kPa) (reproduit d’après H Guénard). ECG : électrocardiogramme ;
VG : ventricule gauche ; FM : fermeture mitrale ; FS : fermeture sigmoïde ; OS :
ouverture sigmoïde ; OM : ouverture mitrale.

4
Angéiologie Physiologie de la circulation artérielle 19-0030

7 Enregistrements si-
multanés d’un électro-
cardiogramme et de
courbes de pressions
intra-artérielles ; les
pressions moyennes sont
représentées sur la droite
du tracé des pressions
instantanées (reproduit
d’après H Guénard). 1.
Aorte initiale ; 2. artère
fémorale ; ddp : diffé-
rence de potentiel.

8 Relation pression-volume (DP/DQ : élastance) pour le système artériel


de l’adulte. La courbe la plus abrupte correspond à la tranche d’âge la plus élevée :
la variation de pression y est la plus importante, pour une même variation de volume
(reproduit d’après H Guénard).

9 Relation pression-volume de
l’aorte d’un adulte (trait plein) et d’un
sujet âgé (trait pointillé) ; la compliance
¶ Facteurs de variations de la pression artérielle est diminuée avec l’âge. La compliance
veineuse est importante (reproduit
Elle s’abaisse légèrement en position debout ; elle est plus basse d’après JB West).
chez la femme. Elle s’élève avec l’âge : avant 10 ans, la systolique
est inférieure à 100 mmHg ; à 50 ans, la systolique est à 150 et la
diastolique inférieure à 95 ; une systolique supérieure à 160 mmHg
et une diastolique supérieure à 100 mmHg définissent une
hypertension artérielle.
La pression artérielle moyenne s’abaisse de l’aorte vers la
périphérie, ce qui permet un gradient de pression et donc un débit.
La pression différentielle augmente du fait d’une augmentation de
la systolique et, à un moindre degré, de l’abaissement de la
diastolique.
La vitesse de propagation de l’onde pulsatile de pression artérielle
est une onde de choc correspondant à un transfert d’énergie Les vaisseaux n’obéissent pas à cette loi ; ils résistent à l’élongation
(plusieurs m·s–1) ; elle est beaucoup plus rapide que la vitesse d’autant plus qu’ils sont étirés ; ils deviennent de moins en moins
d’écoulement artériel, qui correspond à un transfert de matière, le compliants. La courbe pression-volume de l’aorte est représentée
sang. par la figure 9. L’augmentation du volume s’accompagne d’une
La transmission de l’onde de pression est d’autant plus rapide que élévation rapide de la pression, ce qui aboutit à une relation quasi
la compliance artérielle est faible ; ceci est amplifié depuis l’aorte exponentielle. Au début de la courbe, la loi de Hooke paraît être
vers les petits vaisseaux, de même que par la présence d’athérome. respectée par les fibres élastiques. Puis l’artère atteint la limite de
Relation pression et débit artériel : à l’origine de l’aorte, l’onde de son élasticité car les fibres collagènes entrent en jeu ; leur tension
débit précède l’onde de pression ; le sang circule jusqu’à ce que la est importante pour une faible augmentation de longueur [8, 53]. La
différence de pression hydrostatique existe, tant que la résistance courbe pression-volume tend à être plus rapide avec l’âge. Les
périphérique ne s’y oppose pas ; en distalité, l’onde de pression veines, à l’inverse, acceptent les variations de pression sans
précède l’onde de débit. augmentation importante de volume.
Impédance vasculaire : dans le cas de débit continu, la résistance des
parois vasculaires est la seule force qui s’oppose au débit ; dans le ¶ Réservoir de pression
cas d’un débit pulsatile, la résistance est représentée par Les artères systémiques se comportent comme des réservoirs de
l’association du frottement contre la paroi vasculaire, de l’élastance pression du fait de leur fonction élastique (fig 10). Le ventricule
de la paroi et de l’inertie sanguine. gauche chasse le sang dans l’aorte qui se distend. Puis le ventricule
gauche se relâche pendant la diastole. La tension pariétale aortique
RELATION VOLUME/PRESSION OU COMPLIANCE chasse alors le sang vers les capillaires. Cet effet physiologique a
été décrit par Windkessel. Il permet à la pression artérielle
¶ Compliance des parois artérielles d’osciller autour d’une pression artérielle moyenne de 90 mmHg
sans jamais atteindre 0 [36].
Dans les conditions physiologiques, la compliance artérielle est
Si le système artériel était rigide, les pressions seraient très élevées
faible et donc l’élastance élevée. Cette propriété, couplée à la
au moment de la systole et la pression serait égale à 0 en diastole.
résistance artérielle, explique l’amortissement progressif
La crosse aortique se comporte comme un réservoir de pression, ce
systolodiastolique et la transformation du débit périodique
qui est utilisé pour amortir les surpressions des coups de piston
ventriculaire gauche en débit artériolaire permanent.
ventriculaires. La pression dans un tube élastique traduit la tension
Avec l’âge, la compliance artérielle diminue, du fait du exercée par les parois de ce tube sur le contenu liquidien. La
remplacement des fibres élastiques par du tissu collagène ; ainsi la pression interne peut augmenter du fait :
pression systolique s’élève (fig 8).
Selon la loi d’élasticité de Hooke, lorsqu’un corps homogène est – d’une augmentation du volume liquidien ;
étiré, la tension élastique est proportionnelle au degré d’élongation. – d’une contraction majorée des parois vasculaires ;

5
19-0030 Physiologie de la circulation artérielle Angéiologie

10 Effet Windkessel.
A. Lors de l’éjection ventriculaire, la paroi élastique de l’aorte se distend
pour emmagasiner puis restituer une quantité d’énergie de pression.
B. L’air d’un réservoir de pression est comprimé à l’éjection, puis décom-
primé au remplissage, amortissant ainsi les oscillations de pression et du
débit (reproduit d’après RF Rushmer).

– d’une compression externe ;


– des effets hydrostatiques des colonnes de sang.
Toute augmentation, même faible, du volume du système artériel,
peut entraîner une augmentation importante de pression artérielle ;
c’est ainsi que 80 mL de sang éjectés par le ventricule gauche
entraînent des variations importantes de la pression artérielle. En
revanche, au niveau du système veineux, l’éjection d’une quantité
identique de sang n’entraîne que quelques millimètres de mercure
de variation de la pression veineuse.
Donc, le système artériel n’est qu’un réservoir à pression élevée et
à capacité fixe, alors que le système veineux est un réservoir à
capacité variable et à faible pression.

¶ Force de tension des parois vasculaires


Le calcul de la tension des parois vasculaires dépend de la loi de
Laplace, utilisée pour mesurer la tension des membranes de bulles
de savon. Cette loi établit qu’en tout point de la membrane, si l’on 11 Relation entre la pression, la ten-
crée une déchirure, la force T (dynes) écarte chaque berge de cette sion de la paroi et le rayon vasculaire.
fente. Cette force est directement proportionnelle à la pression de A. La pression (P) dans le ballon
part et d’autre de la membrane (pression interne moins pression est transmise de façon identique à
externe) et au rayon principal (r) de la courbe de la bulle à ce toutes les parties de l’air qu’il
niveau. contient (loi de Pascal) et la ten-
sion (T) de la paroi du ballon varie
T = P·r avec le rayon (r) de la partie consi-
Selon cette loi, plus le rayon vasculaire est petit, plus le vaisseau dérée (loi de Laplace).
tire un avantage mécanique en termes de tension pariétale. B. Du fait des différences énormes
L’épaisseur des parois des artères et des veines leur permet de de rayon, la tension pariétale est
10 000 fois plus importante dans
résister à de très fortes pressions. Les capillaires ne sont constitués
l’aorte par rapport en capillaire,
que par une couche de cellules endothéliales ; pourtant, ils résistent bien que les pressions y soient voi-
à des pressions de 100 mmHg en position debout au niveau des sines (reproduit d’après RF Rush-
pieds, parfois 300 mmHg dans des conditions extrêmes. C’est leur mer).
très faible diamètre qui permet cela.
La figure 11 nous montre une expérience qui permet de
comprendre la relation entre la pression vasculaire, la tension de la
paroi vasculaire et le diamètre vasculaire. Lorsqu’un ballon est
gonflé de façon incomplète, la partie moyenne se dilate alors que Dans le cas de vaisseaux à parois épaisses, telles les artères, la loi
la partie distale ne se distend pas. de Laplace devient : T = P·r/h, où h représente l’épaisseur
En application de cette loi de Laplace, nous pouvons citer pariétale.
l’expérience de Burton [8, 9] . Une aorte d’un rayon de 1,3 cm Lorsque la paroi est relativement épaisse (artérioles), la tension est
supporte une pression p = 100 mmHg avec T = 170 000 dynes/cm. relativement basse et les muscles lisses supportent une charge
Des capillaires de rayon 4 µ supportent une pression p = 30 mmHg faible, malgré une pression intravasculaire relativement élevée.
avec T = 16 dynes/cm ; donc la pression aortique est supérieure à Dans le cas d’un anévrisme artériel, le rayon augmente en même
la pression capillaire d’au moins trois fois, alors que son rayon est temps que l’épaisseur de la paroi artérielle diminue ; de ce fait, la
3 000 fois plus grand et que la tension aortique est 10 000 fois tension pariétale augmente et majore le risque de rupture
supérieure à la tension capillaire. Ceci montre que, dans les tubes anévrismale.
de petit diamètre, il n’est pas nécessaire de disposer d’une force
importante pour résister à la pression interne élevée. Donc, les
¶ Pression critique de fermeture des artères
parois capillaires peuvent être minces mais à la fois résister à la La figure 12 montre qu’il existe une relation dynamique entre le
pression et favoriser les échanges. débit artériel et la pression artérielle dans un vaisseau ; cependant,

6
Angéiologie Physiologie de la circulation artérielle 19-0030

stimulation
12 Relation pression- 13 Enregistrements effectués au
débit au niveau des artè- niveau d’une artère fémorale de chien :
res d’une oreille de lapin, création d’un gradient de pression de
lors des différents ni- par la progression de l’onde de pres-
veaux de stimulation sion et du débit pulsatile ; il existe un
sympathique. Lorsque la reflux négatif de l’onde de débit (re-
stimulation augmente, produit d’après DA McDonald).
la courbe se déplace vers
la droite, sa pente dimi-
nue et la pression est
plus élevée (pression cri-
tique de fermeture) (re-
produit d’après JB
West).

cette relation est fonction de la résistance vasculaire. Normalement,


la pression intravasculaire équilibre la pression tissulaire, sauf dans
le cas où la pression intravasculaire diminue : la fermeture critique
intervient [9]. La pression critique de fermeture d’un vaisseau
dépend du tonus vasomoteur ; plus le tonus est élevé, plus la
pression d’interruption du débit est élevée. Dans le cas d’une
stimulation nerveuse sympathique élevée, la pression critique de
fermeture est de 30 mmHg ; si le tonus sympathique est faible, le
débit artériel persiste à 30 mmHg [20].

RELATIONS DÉBIT ET PRESSION PULSATILES


Lorsque le débit augmente, si le nombre de Reynolds est dépassé,
¶ Débit pulsatile la perte d’énergie du fait des turbulences engendre une baisse du
débit. Au niveau de vaisseaux pathologiques, la turbulence du
Après l’onde de pression, suivent le débit pulsatile et l’onde de débit et les forces engendrées sur les parois sont des facteurs
vélocité. La fréquence des ondes, la viscosité du sang, les propriétés importants du développement des lésions d’athérosclérose en
des parois artérielles peuvent influencer les relations entre la certains endroits [18].
pression et le débit [1, 33].
Dès lors que le sang est éjecté du ventricule gauche, le débit RÉSISTANCES VASCULAIRES
précède l’onde de pression à l’origine de l’aorte ; l’onde
conductrice de pression fait avancer le sang vers les artères tant
qu’il existe un gradient de pression hydrostatique. Le sang va ¶ Notion de résistance
s’immobiliser dès lors que la pression et la force d’inertie sont La loi d’Ohm appliquée aux circuits électriques est la suivante :
contrebalancées par les résistances vasculaires. L’onde de pression
I = E/R
précède l’onde de débit au niveau des artères périphériques. Si
l’onde de pression est enregistrée à deux niveaux différents du (I : débit des courants ; E : voltages ; R : résistance du circuit)
système artériel (fig 13), la différence de pression est positive Au niveau des vaisseaux sanguins, le débit :
pendant l’augmentation de l’onde de pression proximale, puis Q = Pa − Pv/R
devient négative au signal d’aval. Cette différence de pression
(R : résistance locale ou une résistance d’organe).
positive engendre un débit [50, 53].
Si l’on se place au plan global :
¶ Débit sanguin turbulent Pa − Pv = Q × R
PAS (pression artérielle systémique) = DC × RVPT
Lorsque le débit n’est plus laminaire, si le diamètre du vaisseau
diminue, si la vélocité dépasse un certain seuil, des turbulences (DC : débit cardiaque ; RVPT : résistance vasculaire périphérique
apparaissent. Ceci est le cas des sténoses artérielles. Le nombre de totale)
Reynolds (R) est atteint : Dans le cas où les résistances sont en série, elles s’ajoutent : il s’agit
des lésions artérielles étagées ; si les résistances sont en parallèle, il
R = V D q/Vi
s’agit du cas du débit préférentiel.
(V : vélocité moyenne ; D : diamètre du tube ; q : densité du fluide ;
La conductance est une réciproque de la résistance. C’est la
Vi : viscosité du fluide)
possibilité d’un vaisseau d’accepter un débit à un gradient de
Des turbulences apparaissent si R est supérieur à 3 000. La viscosité pression donné.
du sang étant élevée, R n’est pas atteint dans les parties habituelles
C = 1/R
de la circulation. L’apparition de turbulences provoque la
perception d’un souffle. Si la viscosité diminue (cas d’une anémie) l’unité en est le mL/s/mmHg.
dans le cas de vaisseaux de gros diamètre, R augmente et le souffle Les variations de résistance régionale permettent l’adaptation du
vasculaire apparaît. débit local par rapport au débit cardiaque total (fig 14).

7
19-0030 Physiologie de la circulation artérielle Angéiologie

15 Relations entre dé-


bit, pression et résistance
dans des tubes non dis-
tensibles, soit avec un li-
quide newtonien (poin-
tillés), à température
constante (loi de Poi-
seuille), soit avec du
sang dans les vaisseaux
(traits continus) (repro-
duit d’après JB West).
PRUs : peripheral resis-
tance unit standard : P
(mmHg)/débit
(mL/min).

*
A

La résistance vasculaire est le rapport entre la différence de


pression entre deux points du circuit (DP ou P) et le débit du
liquide (Q) dans le circuit :
D P = R·Q
ou
R = DP/Q
Selon la loi de Hayen-Poiseuille [40], cette résistance dépend des
propriétés du liquide (µ = viscosité) et des caractéristiques du
conduit (l = longueur ; r = rayon) :
R = 8 µl/r4 = DP/Q.
*
B
Cette loi de Poiseuille est valable pour les écoulements laminaires
14 Variations des résistances vasculaires régionales. des liquides visqueux dans des tubes rigides de diamètre constant.
A. Colonnes représentant la valeur du débit dans plusieurs organes, soit lors
d’une vasodilatation maximale (colonne totale), soit au repos (colonne poin-
L’une des conséquences majeures de cette loi est de constater que
tillée), en mL/mm × 100 g tissus lors d’une pression de perfusion de si le rayon artériel diminue de moitié, cela entraîne une chute de
100 mmHg. SNC : système nerveux central. pression 16 fois plus importante. Cependant, la loi de Poiseuille
B. Volume des débits d’organes pour un homme de 70 kg, exprimés d’après n’est pas applicable de façon quantitative au système circulatoire
le poids des organes (reproduit d’après JB West). car :
– pour les vaisseaux où les parois ne sont pas rigides, le diamètre
Si tous les organes et tissus étaient en vasodilatation, le débit serait et la longueur varient sous l’effet des variations de pression ;
de 38 L/min ; il existe donc une adaptation et une vasoconstriction – le sang total n’est pas un vrai liquide visqueux comme l’est le
de compensation. plasma ; la transfusion de sang dans une patte d’animal exige un
La figure 15 illustre le cas de la résistance dans les tubes gradient de pression artérioveineux d’au moins 10 mmHg, alors
distensibles. Lorsqu’un tube n’est pas distensible et que le liquide que le plasma s’écoule facilement ;
est newtonien (ligne discontinue), si la pression intravasculaire – le sang n’est pas un liquide homogène du fait des éléments
augmente, le débit liquidien augmente et la résistance reste figurés.
constante. Dans le cas d’un tube distensible, ce qui est l’exemple
du réseau vasculaire, si la pression augmente, le débit augmente ¶ Gradient de pression du système circulatoire
de façon exponentielle et la résistance vasculaire diminue. Lorsque
le tonus vasomoteur se manifeste, les courbes sont alors déplacées La loi de Poiseuille peut tout de même s’appliquer qualitativement
vers la droite. Il faut noter ici l’intervention de la pression critique au système circulatoire car la pression artérielle et la longueur des
de fermeture. artères sont relativement stables, la viscosité sanguine variant peu.
Le rayon artériel joue en revanche un rôle important pour ce qui
¶ Résistance hémodynamique. Impédance. Application concerne les gradients de pression et le débit artériel.
de la loi de Poiseuille La figure 16 montre en particulier que 80 % de chute de pression
artérielle se produisent au niveau des artères terminales et des
Dans le cas d’un circuit électrique, la résistance s’applique à un artérioles. Au niveau veineux, le sang s’écoule rapidement sous
courant continu et l’impédance à un courant alternatif. Le terme l’effet de gradients de pression faibles. Les artérioles constituent
d’impédance artérielle est donc appliqué du fait du caractère donc la ligne de démarcation pour ce qui concerne les gradients de
cyclique de l’écoulement artériel [49]. pression du système circulatoire.

8
Angéiologie Physiologie de la circulation artérielle 19-0030

vitesse sanguine car la surface totale de section vasculaire a


Pression augmenté ; la résistance vasculaire augmente, ainsi que la chute de
(mmHg) Pression moyenne pression, car les forces de frottement au niveau des parois
vasculaires augmentent.
100
ÉNERGIES D’UN FLUIDE

50 L’énergie totale d’un fluide (ETF) est égale à la somme de l’énergie


de pression (Ep), de l’énergie de gravité (Eg) et de l’énergie
cinétique (Ec) :
0 ETF = Ep + Eg + Ec
L’énergie de pression est liée à la variation de pression entre deux
points ; elle est fournie par la fonction cardiaque. L’énergie de
Artères Veines gravité ou énergie potentielle est accentuée par le fait que le sujet
est en position debout (qg h). L’énergie cinétique est fonction de la
vitesse du sang (½ q V2) ; si le débit cardiaque est normal, l’énergie
cinétique représente 5 % de l’énergie totale du fluide ; si le débit
cardiaque augmente, elle peut en représenter 15 %. Lorsque le sujet
est en position horizontale, l’énergie de gravité est nulle [49].
Principe de Bernoulli : c’est celui de la conservation de l’énergie
(fig 18). La mesure de la pression latérale dans un tube où circule
un fluide montre que cette pression est inférieure lorsque le fluide
circule à grande vitesse, car il existe une dissipation d’énergie,
16 Gradients de pression dans le système circulatoire. Dans le système artériel, la surtout par le biais de l’énergie cinétique. Si le diamètre augmente
pression est élevée et pulsatile. La pression moyenne va diminuer vers les artères les et que la vitesse diminue, l’énergie cinétique diminue et la pression
plus petites. Au niveau des artérioles, la pression systolique diminue rapidement et
latérale augmente. C’est par ce biais qu’il peut y avoir création
la pulsatilité est amortie du fait des résistances (reproduit d’après RF Rushmer).
d’anévrismes dans les régions où les artères sont plus élargies. La
figure 19 montre les résultats d’une expérience où un cathéter de
¶ Relations surface de section/vitesse mesure de pression est introduit dans un tube :
de l’écoulement/résistances vasculaires
– lorsque le cathéter est perpendiculaire au vaisseau, il enregistre
La réduction du diamètre d’un seul vaisseau a des effets différents une pression P ;
de ceux de la réduction du diamètre de nombreux canaux de
ramification (fig 17). – lorsque le cathéter est dirigé vers l’amont du tube, il enregistre
Lorsqu’il s’agit de la réduction du diamètre d’un tube unique une pression P majorée de l’énergie cinétique ;
(fig 17A), les conséquences en sont une augmentation de la – lorsque le cathéter est dirigé vers l’aval du vaisseau, il enregistre
résistance, une chute de la pression et une augmentation de la une pression P diminuée de l’énergie cinétique.
vitesse sanguine
Lorsqu’il s’agit d’une augmentation de la surface de la section
HÉMORRHÉOLOGIE
vasculaire (fig 17B), les conséquences en sont une diminution des
trois paramètres : résistance, vitesse et gradient de pression. Le débit sanguin vers les membres est sous le contrôle de la
Lorsque le nombre de capillaires augmente, leur section respective pression artérielle engendrée par le cœur et des résistances
diminue (fig 17C) ; les conséquences sont une diminution de la périphériques provenant des vaisseaux et du sang. Le débit

17 Résistance hydraulique dans des canaux ramifiés de divers calibres.


A. Canal rétréci. Un seul rétrécissement d’un tube unique entraîne une
augmentation de la vitesse d’écoulement et de la résistance, ainsi qu’une
chute des pressions.
B. Canal dilaté. L’augmentation de calibre d’un tube entraîne une diminu-
tion de la vitesse, de la résistance et de la chute de pression.
A C. Canal rétréci avec grande surface de section. L’augmentation de calibre
d’un tube rempli de nombreux petits canaux capillaires entraîne une vitesse
ralentie, une résistance élevée et une importante chute de pression (d’après
RF Rushmer).

9
19-0030 Physiologie de la circulation artérielle Angéiologie

18 Schéma illustrant le principe des variations de pression le long d’un tube AB


au travers duquel circule un fluide, créant une différence de pressions P1−P2.
La pression est mesurée grâce à des tubes a-g (niveaux liquidiens). Le diamètre est
modifié à deux niveaux, d et f. Le trait pointillé schématise l’abaissement théorique
de pression qui existerait si le tube conservait un calibre uniforme. Le principe 20 Le débit sanguin dans un vaisseau peut être considéré comme une série
de Bernoulli est illustré par des niveaux de pression en d, par rapport à c et e, ainsi de couches parallèles se déplaçant les unes par rapport aux autres à différentes vites-
qu’en f, par rapport à e et g (reproduit d’après JB West). ses. Les forces de friction entre les couches adjacentes sont responsables d’une résis-
tance intrinsèque du débit, ce qui détermine la viscosité du sang (reproduit d’après
DL Clement et JT Sheperd). F : force de cisaillement ; dv : vélocité relative ; A : sur-
microcirculatoire dépend de facteurs locaux déterminant le tonus face contact entre les couches adjacentes ; dr : distance entre les couches.
artériolaire, ainsi que de facteurs rhéologiques. Les derniers
paramètres incluent le fait que le sang se comporte comme un
fluide non newtonien, qu’il existe une distribution non homogène dV ou F = dV
des hématies et du plasma, et des variations morphologiques des F=A
dr A dr
éléments figurés du sang qui sont largement responsables de la
viscosité du sang dans les capillaires. La force par unité de surface (F/A est exprimée par le terme de
shear stress [dyne·cm–2] et le rapport dV/dr par celui de shear rate
¶ Viscosité sanguine [cm·s–1/cm ou bien s–1]). Le coefficient de proportionnalité entre
shear stress et shear rate représente le coefficient de viscosité. Depuis
Principes Poiseuille, l’unité de viscosité est la poise (P). La viscosité de l’eau
à 20 °C est de 0,01 P ou 1 cP. Pour des raisons de facilité, la
Au repos, les molécules d’un fluide sont à l’équilibre. Tout viscosité des différents fluides est comparée à celle de l’eau et
mouvement d’une partie du fluide perturbe cet équilibre. Des exprimée en termes de viscosité relative. Pour le sang à hématocrite
forces lourdes s’opposent à de tels mouvements et tendent à normal, la viscosité relative est de 3 à 4. Selon l’équation ci-dessus,
restaurer l’équilibre initial. Cette résistance peut être considérée la viscosité est indépendante de la vélocité absolue du fluide. Les
comme une force de friction ; elle est exprimée en termes de liquides qui modifient leur débit en conservant une viscosité
viscosité du fluide. constante et indépendante du shear rate sont dits « newtoniens »
Pour exprimer la définition quantitative de la viscosité, le débit du (fig 21).
fluide est considéré comme étant constitué d’une série de couches Pour certains liquides, le débit provoque des interactions entre
laminaires parallèles de fluide se déplaçant les unes par rapport constituants, dépendant du shear rate, ce qui modifie les forces de
aux autres, à différentes vélocités (fig 20). Les forces de friction friction entre les couches. Ceci peut être le cas de particules en
entre couches adjacentes sont responsables de la résistance suspension dans un fluide. Ces fluides pour lesquels le rapport
intrinsèque au débit, ce qui détermine la viscosité du fluide. shear stress/shear rate est modifié sont dits « non newtoniens » ; le
Newton avait décrit cette propriété comme étant un défaut de coefficient de viscosité n’est pas uniforme. Le sang en est un
glissement des couches les unes par rapport aux autres. exemple. Le comportement non newtonien du sang peut
La force de cisaillement (shearing force) F nécessaire pour vaincre s’expliquer par la formation d’agrégats de globules rouges à shear
la force de friction est proportionnelle à la vélocité relative (dV) et rate bas et par une déformabilité des globules à shear rate élevé. La
à la surface de contact (A) entre les couches adjacentes ; elle est relation entre la viscosité et la vélocité sanguine (fig 22) montre que
inversement proportionnelle à la distance (dr) entre ces couches : la viscosité augmente lorsque la vélocité diminue. Les agrégats sont

19 Selon le mode d’introduction d’un cathéter dans un tube, la mesure de la


pression dans le vaisseau peut être perturbée par l’artefact énergie cinétique (Ec).

10
Angéiologie Physiologie de la circulation artérielle 19-0030

shear stress 22 Relations entre le logarithme de la


viscosité et le « shear rate » (relié à la
vélocité du fluide). Noter la relation non
linéaire dans le cas du sang total
et l’aspect horizontal et plat de la courbe
dans le cas du plasma et de l’eau (newto-
nien) (reproduit d’après JB West).

Shear rate

shear rate (s -1)


B
21 A. Relation entre « shear stress » et « shear rate » pour le sang et le plasma.
B. Influence du « shear rate » sur la viscosité sanguine. Une augmentation
de la viscosité lors de « shear rate » bas est caractéristique des fluides non new-
toniens (sang). La viscosité d’un fluide newtonien (plasma) est indépendante
du « shear rate » (reproduit d’après DL Clement et JT Sheperd).

expliqués par des ponts de protéines entre hématies adjacentes [6]. 24 Relations entre la viscosité relative et l’hématocrite du sang total. Pour une va-
leur normale d’hématocrite, le sang est trois à quatre fois plus visqueux par rapport
Cela dépend du type de protéines : fibrinogène, a_-macroglobuline, à l’eau ; pour des valeurs supérieures d’hématocrite, la viscosité augmente de façon
immunoglobuline M (IgM) [34]. La viscosité du sang et du plasma importante (d’après JB West).
dépend de la température [35] ; elle augmente de 2 à 3 % lorsque la
température diminue de 1 °C. – une modification de la déformabilité des globules rouges.
L’hématie est constituée d’une membrane flexible de lipoprotéine Lorsque le diamètre vasculaire est faible, on observe l’effet
encerclant un fluide riche en hémoglobine, visqueux [6]. Fahraeus-Lindquist [17] (fig 25). Dans ce cas anatomique, une
La déformabilité du globule rouge implique la tension de la colonne de globules rouges se forme au centre du vaisseau ; le
membrane et un déplacement de fluide interne (fig 23). Elle plasma se trouve au bord, afin de faciliter le glissement des
suppose donc des propriétés viscoélastiques de la membrane et hématies par rapport aux parois. C’est ainsi que les capillaires
une viscosité intracellulaire [10, 30]. musculaires ont un hématocrite abaissé à 20 %.
Une augmentation de la viscosité sanguine peut être engendrée
Techniques de mesure
par :
– une augmentation de l’hématocrite (fig 24) ; • Viscosimètre à tube capillaire [32]
– une augmentation ou des variations des composants Il détermine le débit au travers d’un tube fin et n’est applicable
macromoléculaires du plasma ; que dans le cas de fluides newtoniens.

23 A. Le passage d’une hématie au travers d’un capillaire suppose


la déformabilité de sa forme initiale discoïde, car le calibre d’un capillaire est
inférieur à celui de l’hématie non déformée.
B. La déformabilité de l’hématie peut être affectée par des altérations
de l’hémoglobine ainsi que par une acidose ou une hypoxie locale (reproduit
d’après DL Clément et JT Sheperd).

11
19-0030 Physiologie de la circulation artérielle Angéiologie

étudiée par l’agrégamètre Myrenne ou Affibio. En pratique


25 Effet Fahraeus-Lindquist. Rela-
médicale courante, le statut rhéologique peut être approché par la
tion entre la viscosité relative et le rayon
d’un tube dans lequel circule un fluide. connaissance de l’hématocrite, du taux de fibrinogène, du taux des
Noter la chute importante de la viscosité protides, du rapport albumine/fibrinogène.
pour un rayon supérieur à 1 mm (repro- Le syndrome d’hyperviscosité sanguine peut être observé dans
duit d’après JB West). diverses pathologies. Cela est actuellement admis pour
l’athérosclérose lorsque les signes ischémiques sont plus sévères
que ne le laisseraient supposer les lésions artérielles [16, 27, 46, 51]. Il est
aussi décrit dans les cas d’ischémie digitale, de polyglobulies, de
maladies de système, de diabète, de tabagisme.

ENDOTHÉLIUM VASCULAIRE

L’endothélium, constitué d’une monocouche de cellules, a


longtemps été considéré comme une surface inerte ayant un rôle
limité à la perméabilité. En fait, l’endothélium est l’interface entre
le sang et les tissus. Il est impliqué dans de nombreuses fonctions :
perméabilité vasculaire, tonus vasculaire, coagulation, angiogenèse.
L’endothélium normal assure un rôle protecteur contre la
vasoconstriction [19], la thrombose et la prolifération des cellules
musculaires lisses de la paroi artérielle [29, 56].
Le rôle de l’endothélium dans la vasomotricité est médié par
plusieurs substances ; certaines sont synthétisées par l’endothélium
lui-même, d’autres sont le résultat de la transformation de
molécules circulantes. Parmi ces substances, il existe : la
prostacycline, le monoxyde d’azote (NO), l’endothéline,
l’angiotensine I, la bradykinine.

¶ Substances vasoactives synthétisées


par l’endothélium (fig 26)

Substances vasorelaxantes

• Prostacycline PGI2
26 Endothélium et vasomotricité : substances vasorelaxantes et vasoconstrictives. Elle est synthétisée à partir de l’oxyde arachidonique par une
Ach : acéthylcholine ; BK : bradykinine : His : histamine ; Nor : noradrénaline ; Ser : prostacycline synthétase. La prostacycline provoque une
sérotonine ; ADP : adénosine diphosphate. vasorelaxation par une augmentation d’acide adénosine
monophosphorique cyclique (AMPc) intracellulaire [38].
• Viscosimètre à rotation [32]
• Monoxyde d’azote
C’est l’instrument de choix pour déterminer la rhéologie d’un
élément non newtonien tel que le sang. Il a l’avantage de cisailler Anciennement dénommé EDRF (endothelium derived relaxing
la plus grande proportion de fluide étudié à une force de factor), puissant vasodilatateur synthétisé à partir de L arginine par
cisaillement presque uniforme. Le prototype en est le viscosimètre l’intermédiaire de la NO synthétase constitutive (type III) [23, 39], le
de Couette, constitué de deux cylindres concentriques ; l’un NO active la guanylate cyclase du muscle lisse, ce qui augmente la
entraîne l’autre par le biais du fluide étudié. concentration de l’acide guanosique monophosphorique cyclique
(GMPc) et entraîne une relaxation en diminuant la quantité de
• Tests de déformabilité globulaire [6, 10, 14] calcium cytosolique libre.
Ils consistent à faire passer les hématies au travers de pores plus
fins. La relation avec la condition in vivo est à résoudre.
• EDHF (endothélium dérivé d’« hyperpolarising factor »)
Molécule non encore déterminée mais provoquant une
¶ Hyperviscosité plasmatique et sanguine hyperpolarisation du muscle lisse vasculaire en agissant sur les
canaux potassiques calcium-dépendants [52].
Elle est liée à l’augmentation de la densité plasmatique par
concentration élevée en macroglobulines (augmentation du Substances vasoconstrictives
fibrinogène en particulier). Les causes peuvent en être
l’inflammation et la contraction du volume plasmatique. Au niveau
• Endothéline
artériel, la plaque d’athérome est le siège d’inflammation, de
génération d’interleukine 6 (IL6), d’activation de macrophages et Peptide endogène vasoconstricteur synthétisé, à partir d’une
de monocytes circulants. Le fibrinogène est davantage synthétisé. « big » endothéline, par une endotheline converting enzyme (ECE) [55].
Les facteurs de risque cardiovasculaires favorisent cette L’endothéline peut activer un récepteur ETA (couplé à une protéine
inflammation, ainsi que la perméabilité des parois vasculaires (d’où G) au niveau des cellules musculaires lisses qui provoque alors
fuite des liquides vers les tissus). une vasoconstriction, ceci survenant lorsque la concentration
L’hyperviscosité plasmatique augmente les résistances d’endothéline est élevée. Lorsque la concentration d’endothéline
périphériques et provoque des agrégats érythrocytaires. Ceci peut est plus faible, elle se lie au récepteur ETB qui stimule la
être à l’origine d’occlusions veinulaires plus ou moins étendues production de NO et de prostaglandine.
dans les muscles et la peau.
Le viscosimètre capillaire peut s’adresser à l’étude du • Anions superoxydes
comportement plasmatique. L’agrégation des hématies peut être Ils inactivent le NO [44].

12
Angéiologie Physiologie de la circulation artérielle 19-0030

• Autres agents vasoconstricteurs Hyperhémie réactionnelle


Ce sont ces anions superoxydes, les endoperoxydes, les Au décours d’une interruption de l’apport sanguin d’un tissu, on
prostanoïdes vasoconstricteurs (thromboxane A2). note une augmentation importante du débit avec retour progressif
L’endothélium est soumis à différents stimuli humoraux ou des au débit de perfusion de base. Ce phénomène compensateur est
contraintes mécaniques. De nombreux médiateurs provoquent la appelé hyperhémie réactionnelle.
libération de NO par activation de récepteurs spécifiques. Ces
substances sont l’acétylcholine (récepteurs muscariniques), ¶ Régulation extrinsèque
l’histamine, la bradykinine, la sérotonine, l’adénosine, les
diphosphates (ADP), la thrombine. Système sympathique
La production de NO est également sous la dépendance de La stimulation sympathique entraîne des effets cardiaques
contraintes mécaniques générées par un écoulement du sang (accélération de la fréquence cardiaque, augmentation de la
appelé « forces de cisaillement ». Ces dernières provoquent un contractilité) et des effets vasculaires (vasoconstriction).
étirement des cellules endothéliales qui entraîne l’activation des La distribution des fibres est variable selon les vaisseaux. Les
canaux potassiques induisant une entrée de calcium dans la cellule petites artères et artérioles sont très richement innervées alors que
endothéliale et donc la synthèse de NO [11, 13]. Le vaisseau est alors les artères élastiques le sont peu. Ces neurones libèrent de la
dilaté et les forces de cisaillement diminuent [25, 26]. noradrénaline qui stimule des récepteurs alpha-adrénergiques de
la cellule musculaire du vaisseau et entraîne une vasoconstriction.
RÉGULATION DE LA PHYSIOLOGIE ARTÉRIELLE Cette stimulation étant permanente, sa réduction provoque une
vasodilatation par diminution du tonus vasoconstricteur [15, 22, 48].
La circulation artérielle est régulée par deux systèmes : un système
central et un système local. Système parasympathique
L’importance relative de ces deux systèmes est fonction du type
d’organe. La régulation s’effectue essentiellement par la Effet vasodilatateur médié par l’acétylcholine par l’intermédiaire
modification des résistances vasculaires périphériques. Ces d’un récepteur muscarinique. La distribution de ses fibres n’est pas
dernières sont sous la dépendance des artérioles et de leur ubiquitaire. Les artères et artérioles cervicales, les coronaires, ainsi
vasomotricité. La paroi des artérioles contient des muscles lisses que les organes génitaux et les viscères, les glandes salivaires sont
qui peuvent se relaxer (créant une vasodilatation) ou se contracter innervés, alors que la peau et les muscles striés ne le sont pas [48].
(créant une vasoconstriction).
Régulation hormonale
¶ Régulation locale
• Adrénaline
Régulation endothélium dépendant Hormone sécrétée essentiellement par la médullosurrénale (80 %) :
effet vasoconstricteur par stimulation des récepteurs alpha-
Furchgott et Zavadzki [19] ont démontré le rôle physiologique de
adrénergiques du muscle lisse artériolaire, mais pouvant aussi
l’endothélium en mettant en évidence que la relaxation d’anneaux
entraîner un effet vasodilatateur par stimulation de récepteur bêta-
isolés d’aorte de lapin par l’acétylcholine nécessite la présence de
adrénergique des mêmes muscles lisses artériolaires. À forte
cellules endothéliales. En l’absence de cellules endothéliales,
concentration d’adrénaline, l’effet alphaconstricteur prédomine.
l’acétylcholine provoque une vasoconstriction par action directe sur
le muscle lisse. Plus récemment, la notion de débit-dépendance a
été décrite. • Vasopressine
Effet vasoconstricteur dans la plupart des territoires vasculaires,
Régulation métabolique : hyperhémie active sauf au niveau myocardique et cérébral où elle peut provoquer
une vasodilatation par libération de NO.
Le débit sanguin d’un organe augmente quand l’activité
métabolique de cet organe augmente. L’augmentation d’activité
provoque des modifications des métabolites locaux qui engendrent • Angiotensine II
une relaxation musculaire lisse et donc une vasodilatation. Ce Induit une vasoconstriction.
phénomène est nommé hyperhémie active. De nombreuses
substances sont responsables de cette vasodilatation : une • Facteur atrial natriurétique
diminution de l’O2, une augmentation du CO2, de l’acide lactique,
Sécrété par l’oreillette, son rôle est discuté dans la régulation à long
des ions H+, du potassium, des métabolites de l’adénosine, de
terme [12].
l’osmolarité, de la bradykinine.
Réflexe vasculaire
Autorégulation et réponse myogénique
La régulation du débit sanguin est sous la dépendance de l’activité • Barorécepteurs artériels
métabolique (hyperhémie active), mais aussi sous la dépendance
Situés au niveau de la crosse aortique et du sinus carotidien, les
de la pression de perfusion des tissus. Une modification des
récepteurs sont sensibles à l’étirement provoqué par une
pressions de perfusion à activité métabolique constante provoque
augmentation de tension artérielle. Leur stimulation inhibe la
une modification des résistances vasculaires qui permet de
décharge tonique des nerfs sympathiques vasoconstricteurs et
conserver un débit constant.
stimule le centre cardio-inhibiteur. Ceci produit une vasodilatation
Cette autorégulation est sous la dépendance de facteurs chimiques et une bradycardie.
et d’une réponse myogène. Les facteurs chimiques sont les mêmes
Les effets d’un barorécepteur du sinus carotidien et de l’arc
que dans l’hyperhémie active, bien qu’il n’existe pas de
aortique ne sont pas les mêmes. À stimulus identique, le
modification métabolique. La réponse myogène est due à la
barorécepteur du sinus carotidien a plus d’effet [7, 21].
modification de l’étirement du muscle lisse lors des changements
de pression (une augmentation de pression entraîne une
augmentation de l’étirement, elle-même entraînant une • Barorécepteurs cardiaque et pulmonaire
augmentation de la contraction du muscle lisse, ce qui provoque Activés par des variations de pression, ils sont localisés au niveau
une vasoconstriction et inversement). des oreillettes, des ventricules et des vaisseaux pulmonaires.

13
19-0030 Physiologie de la circulation artérielle Angéiologie

Les récepteurs auriculaires sont de deux types (A et B). Les • Chémorécepteurs centraux
récepteurs A sont sensibles aux variations de pression et les
récepteurs B aux variations d’étirement. La stimulation de ces Une hypercapnie provoque une stimulation de ces récepteurs qui
récepteurs induit une bradycardie et une vasodilatation, et conduit engendre une vasoconstriction. Ces récepteurs sont aussi sensibles
à une chute tensionnelle et à une chute du débit cardiaque. aux variations de pH sanguin, une chute du pH provoquant une
Les récepteurs ventriculaires sont des récepteurs à l’étirement. Leur vasoconstriction.
stimulation a un effet inotrope négatif réflexe par voie vagale :
La dualité du contrôle de la circulation périphérique par le système
réflexe de Bezold-Jarish (bradycardie importante, vasodilatation).
intrinsèque et extrinsèque permet d’ajuster, en fonction des
nécessités, les débits des perfusions régionales et locales.
• Chémorécepteurs périphériques [31]
Situés au niveau de l’arc aortique et du sinus carotidien, ils sont
sensibles à des variations de PO2, PCO2 et pH. Une hypoxie
stimule ces chémorécepteurs et provoque une vasoconstriction. Conclusion
• Hypothalamus
La circulation artérielle n’occupe que le dixième de la volémie, mais
L’intégrité de l’hypothalamus est nécessaire au bon fonctionnement assure de façon efficace et harmonieuse la transmission motrice de
des réflexes cardiovasculaires. l’éjection ventriculaire gauche vers la microcirculation. Pour assurer
L’hypothalamus peut être séparé en deux zones : une zone ce transport rapide vers les tissus, la pression est élevée et le débit est
antérieure qui, stimulée, provoque une chute tensionnelle et une pulsatile. Les propriétés élastiques des parois artérielles normales
bradycardie, et une zone postérieure qui provoque une tachycardie permettent d’amortir cette pulsatilité et d’assurer une composante
et une hypertension. continue au débit pulsatile. Les différentes propriétés physiologiques
Au niveau de l’hypothalamus, il existe aussi un centre de des parois artérielles, rhéologiques, du sang, parviennent à assurer un
régulation de la température. La stimulation par le froid entraîne équilibre hémodynamique à ce système vasculaire. La régulation de ce
une vasoconstriction cutanée et, inversement, le chaud provoque fonctionnement obéit à plusieurs facteurs parmi lesquels le rôle fixé
une vasodilatation. par l’endothélium artériel n’est pas le moindre. Il est actuellement
possible de mesurer les paramètres physiologiques artériels en ayant
• Cortex cérébral recours à des procédés non vulnérants ; il est possible de les appliquer
Il exerce un effet dans la régulation du débit sanguin. Une émotion à l’homme et, dans les cas pathologiques, aux malades. De ce fait,
provoque une vasodilatation cutanée et muqueuse alors que la l’étude de la physiologie artérielle s’est très largement ouverte aux
peur, par exemple, va engendrer une vasoconstriction. cliniciens.

14
Angéiologie Physiologie de la circulation artérielle 19-0030

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15
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0050

19-0050

Physiologie de la circulation lymphatique*


C Janbon
I Quere
V Soulier-Sotto
Résumé.– La connaissance de la physiologie du système lymphatique est relativement incomplète. Elle
peut s’envisager sous trois aspects fondamentaux. La fonction de défense de l’organisme contre les
agents microbiens qui est le fait de la cellule lymphocytaire B ou T dans sa maturation ganglionnaire. La
fonction de nutrition principalement représentée par le système lymphatique intestinal dont le rôle est
d’absorber puis de conduire les éléments graisseux des villosités intestinales jusqu’au confluent veineux
cervical, sous forme de chylomicrons. La troisième fonction est microcirculatoire. Le lymphatique initial,
en effet, fait partie de l’unité microcirculatoire avec l’artériole, la veinule et le capillaire, l’ensemble
baignant dans le tissu interstitiel. Le remplissage du lymphatique initial, par un phénomène physique
explique la composition de la lymphe initiale qui va subir une concentration qualitative et quantitative
dans le ganglion et se charger, peu à peu, des éléments spécifiques tout au long de l’arbre lymphatique.
Le rôle est ici de l’homéostasie de l’équilibre hydrique, grâce au drainage des macromolécules protéiques
et des cellules macrophagiques. De par son caractère quasi ubiquitaire, le système lymphatique, souvent
méconnu joue un rôle essentiel dans l’équilibre physiologique du corps humain.
© Elsevier, Paris.

Introduction L’ensemble des systèmes veineux lymphatique et capillaire


artériolaire s’unissent dans l’unité microcirculatoire, encore appelée
Il est paradoxal de constater l’écart entre l’importance du système espace microcirculatoire. Il n’est pas possible de dissocier ni dans
lymphatique dans l’économie du corps humain et la pauvreté relative sa structure, ni dans sa fonction, l’étude de l’unité microcirculatoire
des connaissances qui s’y rattachent. La physiologie peut s’envisager si judicieusement nommée « unité histoangéique » par Merlen [12].
sous deux aspects : la fonction circulatoire des lymphatiques, d’une part,
la fonction du système lymphatique dans la défense de l’organisme,
ESPACE MICROCIRCULATOIRE :
d’autre part. Nous n’envisagerons que la fonction circulatoire.
STRUCTURE ET FONCTION

La majorité des échanges entre les espaces tissulaires et le secteur


Réseau lymphatique vasculaire se font par l’intermédiaire du capillaire. Ceux-ci sont
largement répandus dans l’ensemble du corps, mais ont des
Il est constitué des lymphatiques initiaux, des canaux structures différentes en fonction des tissus dans lesquels ils se
lymphatiques précollecteurs, des ganglions et des grandes voies trouvent. Il existe, cependant, des ressemblances qui permettent
de drainage, notamment du canal thoracique. d’établir un schéma de leur fonctionnement. Cette unité
microcirculatoire est composée de l’artériole afférente, de la veinule
EMBRYOLOGIE efférente, du réseau maillé capillaire, du lymphatique initial et du
tissu interstitiel (fig 1).
La connaissance de son origine embryologique permet de penser
qu’il s’agit d’une origine mésodermique, et que les bourgeons du – Les capillaires artériolaires et veinulaires sont court-circuités par
système lymphatique s’ébauchent à partir du système veineux. le canal préférentiel, pont établi entre l’artériole et la veinule qui
Certains auteurs affirment que les collecteurs lymphatiques se est équipé de sphincters précapillaires destinés à réguler le flux
formeraient à partir de la confluence d’espaces mésenchymateux microcirculatoire. Le capillaire a un endothélium de type continu
avec une direction centripète. L’hypothèse d’une origine veineuse fenêtré ou discontinu sur une seule couche de cellules
paraît toujours aujourd’hui la mieux reconnue [ 1 7 ] . La endothéliales, recouverte à l’intérieur d’une mince couche de
reconnaissance de l’expression de Flt4 dans les précurseurs fibrine en formation. La membrane basale est doublée par un
endothéliaux paraît aujourd’hui limitée aux vaisseaux manchon de protéoglyganes, l’isolant du tissu avoisinant. Le
lymphatiques confirmant donc leur origine mésodermique [10]. Les capillaire vrai est totalement dépourvu de cellules musculaires
premières structures lymphatiques apparaissent dans la région lisses. Les variations de volume de la cellule endothéliale assurent
cervicale et au niveau de la future bifurcation aortique [14]. l’essentiel des variations de calibre. L’artériole, elle, comporte un

Charles Janbon : Professeur à la faculté de médecine Montpellier.


Isabelle Quere : Chef de clinique assistant.
© Elsevier, Paris

Virginie Soulier-Sotto : Médecin attaché.


Service de médecine interne B, Hôpital Saint-Éloi, avenue Bertin-Sans, 34295 Montpellier cedex 5, France. * En hommage à RV Cluzan

Toute référence à cet article doit porter la mention : C Janbon, I Quere et V Soulier-Sotto. Physiologie de la circulation lymphatique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0050, 1997, 5 p.
19-0050 Physiologie de la circulation lymphatique Angéiologie

2 Lymphatique initial.

LYMPHATIQUE INITIAL

Sa répartition est quasiment ubiquitaire dans le corps humain, sauf


pour le système nerveux central, les nerfs périphériques, l’os et
1 Unité microcirculatoire.
l’œil. Le lymphatique initial a une forme de sac, comme dans les
villosités intestinales ou apparaît sous forme de tube, en réseau
contingent de cellules musculaires lisses responsables de tonicité anastomotique de 10 à 50 µm de diamètre. Le diamètre peut varier
et, en outre, capables de relarguer des médiateurs susceptibles de de façon considérable et être multiplié par 4 ou 5 en fonction des
modifier les conditions circulatoires. Le capillaire veineux est conditions métaboliques locales. Leur paroi fine est constituée
surtout capable de distensibilité. Les jonctions intercellulaires sont d’une simple couche de cellules endothéliales reposant sur une
plus lâches, assurant une meilleure perméabilité. membrane basale incomplète. Les jonctions intercellulaires sont
larges, quelquefois supérieures à 14 µm. Ainsi le lymphatique
– Le tissu interstitiel est un système physique à deux phases, sol initial est-il très perméable aux protéines plasmatiques de gros
et gel. La structure gel est riche en colloïde, la partie sol, riche en poids moléculaire. Il n’y a pas de péricyte ni de cellule contractile
eau. L’ensemble est structuré par les travées conjonctives : fibres sur le capillaire lymphatique initial. Les cellules constitutives de la
collagènes et fibres élastiques [2]. paroi du capillaire lymphatique initial sont reliées aux structures
conjonctives de voisinage par des filaments d’ancrage (fig 2) [10].
– Les fibres collagènes sont des sécrétions des cellules
L’intérieur du tissu interstitiel, le capillaire lymphatique est entouré
fibroblastiques. Elles sont les éléments de structure de la matrice
de ce que Casley-Smith a appelé « les canaux tissulaires » [4]. Il
extracellulaire. Il y a un grand nombre de types. Le type IV est le
s’agit de modifications structurales de la phase sol/gel notamment
constituant principal des membranes basales vasculaires [15]. Il y a
par la polymérisation des protéoglycanes. Ces modifications
également des composants non fibrillaires représentés par les
entraînent des passages d’environ 100 µm, qui sont des voies
protéoglycanes. Ce sont des macromolécules complexes associées
préférentielles de circulation liquide, particulièrement abondantes
à une protéine centrale entourée de glycosaminoglycanes
autour des capillaires lymphatiques. Ces canaux sont assez courts,
(kératane, héparane). Leur rôle dans la pression oncotique est
sauf dans les tissus naturellement dépourvus de capillaires
capital. C’est le degré de polymérisation des protéoglycanes qui
lymphatiques (cerveau, œil). Ils peuvent alors être de l’ordre du
règle le passage de la phase sol à la phase gel. L’élastine est
centimètre. Cette notion de canaux lymphatiques ou précapillaires
relativement peu répandue dans le tissu interstitiel lâche.
est particulièrement importante dans la gestion de la circulation
L’espace interstitiel est également occupé par des cellules. La hydrique extravasculaire, où la lymphe joue un grand rôle.
principale est le fibroblaste, facteur d’élaboration des molécules de On note la présence de nombreuses terminaisons nerveuses. La
structure. D’autres cellules sont plus spécialisées : myocytes, libération locale de neuropeptides serait un élément de régulation
adipocytes, péricytes. Il y a enfin des cellules venant d’ailleurs : du métabolisme des liquides interstitiels.
lymphocytes, histiocytes, mastocytes et cellules macrophages.
Le réseau des lymphatiques initiaux se poursuit par les canaux
L’ensemble de l’unité microcirculatoire a donné lieu à de multiples précollecteurs chez lesquels apparaît une membrane basale plus
schémas. Il semble bien, aujourd’hui, qu’il faille la considérer structurée, et quelques replis endothéliaux, ébauches de valvules.
comme en perpétuel remaniement, sous la forme d’une Ces capillaires précollecteurs sont, au niveau des membres situés
angiogenèse continue, très plastique et adaptée à chaque condition immédiatement sous la peau, sous la forme d’un réseau maillé,
physiologique ou pathologique locale. L’organisation de la reliés entre eux d’une façon horizontale, mais également verticale,
microcirculation varie d’un tissu à l’autre, en fonction de la vers le réseau lymphatique profond (fig 3) [4].
structure de ce dernier. L’importance des plexus veinulaires et des
anastomoses artérioveineuse est dominante dans la peau, COLLECTEURS
permettant de moduler la thermorégulation. La vasomotricité de
l’unité microcirculatoire est soumise au système nerveux central La paroi des collecteurs s’épaissit peu à peu, l’endothélium est ici
par le sympathique postganglionnaire qui modifie les petites continu, apparaissent également quelques cellules musculaires
artères et quelques artérioles. Il existe également une régulation lisses, contractiles, porteuses de récepteurs adrénergiques. La
myogénique, c’est-à-dire une réaction de la paroi vasculaire à la structure se complique également peu à peu, apparaissent des
pression intraluminale, tout particulièrement au niveau des fibres élastiques, une médiafibromusculaire et des valvules anti-
artérioles précapillaires. C’est le même mécanisme qui génère le reflux. On réserve le terme de « lymphangions » aux segments de
réflexe veinuloartériel. Enfin, une grande partie de la régulation collecteur compris entre deux valvules [1]. On distingue deux
microcirculatoire est le fait des conditions physicochimiques locales grands types de collecteurs : les collecteurs superficiels drainant le
(pH, oxygénation, déchets métaboliques, etc) [5]. derme superficiel et satellites du réseau veineux superficiel, et les

2
Angéiologie Physiologie de la circulation lymphatique 19-0050

3 Structure générale du lymphatique cutané.


1. Épiderme ; 2. derme ; 3. aponévrose superficielle ; 4. lymphatiques initiaux ;
5. collecteurs superficiels ; 6. collecteurs profonds.

collecteurs profonds qui drainent les viscères, les séreuses, les


muscles en général, satellites du paquet vasculaire artérioveineux
profond. La confluence conduit à la formation du canal thoracique
qui débute dans l’abdomen et se jette dans la veine jugulaire, au
niveau du confluent jugulo-sous-clavier de Pirogoff à gauche. Il
existe un deuxième tronc veineux moins développé à droite, qui
est la grande veine lymphatique. Cependant, de nombreuses
anastomoses lymphoveineuses ont été décrites, non seulement
entre les branches du canal thoracique et les systèmes caves
inférieur ou supérieur mais également lors de la jonction entre les
canaux lymphatiques profonds et les veines satellites, au niveau
des membres (fig 4).

RÉSEAU GANGLIONNAIRE OU LYMPHO CENTRE

Sur l’ensemble du réseau lymphatique, des ganglions sont placés 4 Schéma général du système lymphatique.
en forme de relais. La lymphe pénètre dans le ganglion, par le 1. Veine sous-clavière ; 2. canal thoracique ; 3. efférent ; 4. afférent ; 5. capillaire ;
collecteur afférent à la convexité de ce dernier, et ressort par le hile 6. collecteur ; 7. veine ; 8. capillaire ; 9. artère ; a. foie ; b. intestin ; c. lymphocyte ;
du ganglion, siège du départ du collecteur efférent. L’ensemble de d. ganglion ; e. valves ; f. lymphatique initial.
ces collecteurs, tant à la convexité que sur le hile, sont équipés de
valvules anti-reflux [7]. À l’intérieur du ganglion, le tissu lymphoïde liquide interstitiel dans le capillaire lymphatique où la pression est
est organisé en follicules périphériques qui sont la zone de sensiblement plus haute, la plupart du temps, que dans le secteur
différenciation des lymphocytes B. Le paracortex est le lieu de interstitiel ? Dans le cas des capillaires sanguins, les échanges se
différenciation des lymphocytes T. La lymphe circule dans les sinus font par un jeu de pression intra- extravasculaire selon la deuxième
périphériques et radiaires qui sont munis d’un endothélium dont loi de Starling qui fait intervenir l’équilibre des forces entre la
les parois associent des cellules macrophagiques. Le rôle du pression hydrostatique intravasculaire et tissulaire et la pression
ganglion lymphatique est majeur : oncotique sanguine et tissulaire. Ce mécanisme est parfaitement
– dans la filtration et l’épuration de la lymphe avec présentation reconnu pour les capillaires à paroi continue, il l’est moins pour
antigénique par les cellules macrophagiques des sinus ; les capillaires fenêtrés, d’autant moins que les fenêtres sont plus
larges.
– dans l’activation des cellules folliculaires et la production de
Le lymphatique initial est caractérisé par le manque d’adhérence
cellules B mémoire ;
entre les cellules endothéliales et l’attache des fibrilles au tissu
– dans l’activation des lymphocytes T paracorticaux. interstitiel. Les jonctions sont ouvertes pendant le remplissage des
lymphatiques initiaux par l’afflux de liquide repoussant les
cellules [13]. La fréquence de ces ouvertures varie avec l’activité du
Formation de la lymphe tissu environnant. De façon plus occasionnelle, le remplissage peut
se faire par mécanisme vacuolaire, notamment pour les
FORMATION
chylomicrons. Les jonctions interendothéliales s’ouvrent lorsque la
pression tissulaire est basse et permettent le remplissage. Elles se
La composition de la lymphe préganglionnaire indique que la ferment dès que la pression vasculaire est élevée, permettant la
lymphe est un simple liquide interstitiel, résorbé au voisinage du vidange. Lorsque la pression tissulaire hydrostatique augmente,
capillaire lymphatique [9]. Quel est le mécanisme qui dirige le l’écoulement de la lymphe augmente jusqu’à ce que la pression

3
19-0050 Physiologie de la circulation lymphatique Angéiologie

tissulaire hydrostatique atteigne le niveau de la pression


atmosphérique. Au-delà, survient l’œdème [8]. Ce phénomène
Espace interstitiel
paraît être dû au fait, qu’à partir d’un certain niveau de pression, (12 L20-30 g/L protéine)
les lymphatiques précollecteurs n’ont pas la possibilité de se vider
Plasma
complètement et engorgent ainsi le secteur d’amont. Le capillaire (3L - 70 g/L protéines)
(8 L/j ultrafiltrant)
lymphatique est comprimé par les tissus environnants lors des
mouvements, ou par la contraction de la paroi des vaisseaux. Ainsi,
comme le vaisseau se dilate de façon élastique, grâce aux filaments Lymphe efférente
d’ancrage, la pression interne diminue transitoirement au-dessous (4L/j - 60 g/L protéines) Lymphe afférente
(8 L/j
de la pression du tissu interstitiel, établissant un gradient de 20-30 g/L)
pression favorable au remplissage du lymphatique initial [3]. La
présence de valvules empêche le courant lymphatique de revenir
(4 L/j)
en arrière [13]. réabsorbés par
microcirculation ganglion
CIRCULATION ganglions
A
Lorsqu’elle est formée, la lymphe se mobilise grâce à deux
mécanismes [6] . Tout d’abord des contractions intrinsèques
rythmées des vaisseaux lymphatiques, avec de nombreuses cellules
musculaires lisses. La vitesse de contraction est d’environ de 10 à
15/min, ces lymphatiques porteurs de cellules musculaires lisses
sont tout particulièrement présents dans les vaisseaux
lymphatiques des membres inférieurs. Les études sur l’animal
montrent que chaque segment intervalvulaire ou lymphangion
fonctionne comme une pompe rythmique et que ce lymphangion a
beaucoup de similitude avec la pompe cardiaque : en effet, chacun
a une innervation autonome, une phase de remplissage et
d’éjection, un volume critique, une contractilité qui dépend du
calcium extracellulaire et une innervation sympathique pour les
gros vaisseaux. La fréquence et la valeur éjectionnelle du
lymphangion augmentent avec le volume de la lymphe, ce qui
rend le système lymphatique capable de répondre à une
augmentation de fluide par une augmentation de sa vitesse de
transport. B
Le principal mécanisme extrinsèque de propulsion de la lymphe 5 A. Échange liquidien dans la cirulation lymphatique, l’espace interstitiel et le
est la compression intermittente durant le mouvement. Le flux du ganglion.
B. Méchanisme des échanges en fonction des différences de pressions hydrosta-
lymphatique d’un membre d’un chien anesthésié est largement
tiques et onchotiques.
augmenté par la mobilisation passive et active de ce membre, et le
flux de la lymphe mésentérique est accéléré par le péristaltisme
intestinal. Le mécanisme extrinsèque est notamment capital pour Tableau I.
les vaisseaux non contractiles, c’est-à-dire très périphériques. Les
valves lymphatiques permettent au bolus de lymphe de progresser, Débit Concentration lymphe/plasma
segment par segment, de telle sorte que, finalement, la lymphe se Canal thoracique 1-3 L/j 0,66 - 0,69
draine dans le système veineux quelques millimètres au-dessous Foie 30-49 % 0,66 - 0,89
de la pression atmosphérique.
Tube digestif 37 % 0,50 - 0,62
RÔLE DU LYMPHO CENTRE Rein 6% 0,47

¶ Échanges liquidiens dans le ganglion lymphatique Poumon 3-15 % 0,66 - 0,69

Le ganglion lymphatique, modifie le volume et la concentration Membres 10 % 0,23 - 0,56


protéique de la lymphe [11]. La lymphe postganglionnaire chez le
chien et le mouton a une concentration protéique double de celle substantielle, le flux lymphatique des membres inférieurs varie
de la lymphe préganglionnaire. Cela est dû principalement à la considérablement en fonction de l’exercice physique. La
résorption d’eau dans le capillaire du ganglion lymphatique. La concentration protéique de la lymphe varie avec chaque région, et
lymphe postganglionnaire n’est pas représentative de la dépend de la perméabilité et du coefficient de résorption des veines
composition du tissu interstitiel ou de la vitesse de formation. La du tissu considéré, de la taille des molécules de protéines et de la
proportion de lymphe préganglionnaire qui va être absorbée est vitesse de filtration.
variable (fig 5).
Le cerveau et l’œil, qui n’ont pas de système lymphatique organisé,
ont un système de drainage des flux unique par les granulations
DIFFÉRENCES RÉGIONALES DANS LE FLUX
ET LA COMPOSITION DE LA LYMPHE arachnoïdes, la lame criblée de l’ethmoïde et le canal de Schlemm
pour l’humeur aqueuse.
Le débit lymphatique postganglionnaire dans le canal thoracique
est d’environ de 1 à 3 L/j. Le foie est le principal fournisseur de la
lymphe du canal thoracique puisque sa participation est d’environ Implications des notions
30 à 50 %. En raison d’importantes discontinuités dans la paroi du
capillaire lymphatique hépatique, la lymphe hépatique est physiologiques dans l’exploration et
particulièrement riche en protéines (tableau I) [16]. le traitement du système lymphatique
La lymphe intestinale est abondante après un repas et forme la
deuxième plus forte contribution au débit lymphatique du canal En expérimentation animale, le système lymphatique est le plus
thoracique. Le rein et le poumon ont cependant une contribution souvent exploré sur son versant morphologique. Il s’agit, soit de

4
Angéiologie Physiologie de la circulation lymphatique 19-0050

l’analyse histologique des canaux lymphatiques notamment membres. De plus, la contraction rythmique du lymphangion,
initiaux, soit de la visualisation par cathétérisme des voies grâce aux fibres musculaires lisses, est accentuée par l’étirement de
lymphatiques principales chez le chien ou chez le rat, après celui-ci sous l’effet du drainage lymphatique superficiel, réalisant
création d’œdèmes inflammatoires. une véritable contraction réflexe lympholymphatique. Le drainage
L’exploration lymphatique clinique, à l’état normal, est peu lymphatique manuel réalise donc, d’une part une dérivation du
développée. La visualisation des canaux lymphatiques initiaux flux lymphatique par des voies anastomotiques, mais d’autre part
peut se faire par cathétérisme percutané des canaux lymphatiques une activation du réseau lymphatique sous-cutané.
et opacification par le Iotrulant. Les renseignements sont ici Par ailleurs, un des temps essentiel du drainage lymphatique
purement morphologiques et n’ont aucune prétention manuel est la vidange dans les ganglions proximaux. L’étude de la
fonctionnelle. La lymphoscintigraphie utilise, en revanche, les physiologie circulatoire lymphatique confirme le rôle de réservoir
capacités du système lymphatique à drainer les macromolécules. et de concentration de la lymphe joué par le ganglion dont
Cet examen consiste, en effet, à injecter, par voie sous-cutanée, un l’absence retentit très fâcheusement sur l’évacuation du liquide
colloïde (macromolécule) marqué au technétium, et à étudier le lymphatique.
transit de la radioactivité le long du membre. Le renseignement L’action produite par la contention élastique est du même ordre.
apporté est ici vaguement morphologique, mais surtout La contraction musculaire provoque la compression des canaux
fonctionnel, donnant des renseignements sur le temps de transit lymphatiques surtout superficiels, et donc leur contraction et
du produit radioactif entre l’extrémité et la racine du membre. l’évacuation de la lymphe. Cela explique pourquoi il est
L’écueil principal auquel se heurte l’exploration physiologique de particulièrement important de réaliser des exercices musculaires
la circulation lymphatique est que l’introduction d’un marqueur avec la contention en place, et pourquoi elle est peu utile au repos,
dans la circulation lymphatique génère, de façon à peu près notamment la nuit. Il paraît donc utile de garder à l’esprit ces
obligatoire, des phénomènes inflammatoires perturbant la fonction notions physiologiques pour mieux comprendre, et mieux
lymphatique, qui est justement d’évacuer les cellules et les indiquer, non seulement les explorations mais également la
macromolécules générées par le phénomène inflammatoire. Le test thérapeutique du lymphœdème.
de Landis qui mesure la perméabilité capillaire non seulement
veineuse, mais également lymphatique, est troublé dans son
interprétation par le fait que l’albumine injectée est par elle-même
susceptible d’engendrer des phénomènes d’inflammation locale Conclusion
pour les raisons déjà exposées (cf supra).
Les notions physiologiques utiles pour comprendre l’exploration La circulation lymphatique et la lymphe assurent donc une triple
sont, d’une part, les phénomènes de résorption et d’évacuation des fonction. Tout d’abord la préservation de l’équilibre hydrique de
macromolécules protéiques, d’autre part, la concentration de la l’organisme en relation étroite avec les autres éléments de l’unité
lymphe dans les ganglions. microcirculatoire. Cependant, on l’a vu, les capacités de drainage sont
Le traitement du lymphœdème est essentiellement réalisé par le limitées. Au-delà de ces limites apparaît l’œdème riche en protéines.
drainage lymphatique manuel et la contention. Les médicaments Ensuite s’installe une fonction de drainage soit des produits du
dits « lymphagogues » ne jouent qu’une part très minime dans la métabolisme cellulaire, soit des graisses absorbées par la villosité
fonction lymphatique. Le drainage lymphatique est actif grâce à intestinale. Enfin, le rôle du système lymphatique est la défense
deux notions anatomophysiologiques. La morphologie du système contre les agressions microbiennes par l’intermédiaire des
lymphatique associe un réseau superficiel et profond ainsi que de lymphocytes B et T et la génération d’anticorps antimicrobiens.
multiples anastomoses, lymphaticolymphatiques et lymphati-
coveineuses qui permettent de comprendre que la lymphe peut
s’écouler par des voies anastomotiques entre les deux réseaux et Remerciements.– Je suis très reconnaissant au Docteur Largier pour son aide précieuse dans
par des voies controlatérales anastomotiques notamment pour les les schémas de cet article.

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5
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0040

19-0040

Physiologie de la circulation veineuse


L Belhassen
S Adnot

Résumé. – Les veines permettent le retour du sang des capillaires vers le cœur droit. Le volume du sang
veineux, qui correspond à environ deux tiers de la volémie totale, constitue une réserve constamment
disponible pour s’adapter aux conditions hémodynamiques. La distensibilité veineuse et les propriétés
vasomotrices font des veines un système capacitif capable de stocker et de restituer du sang à la
demande. Ce volume représente également un stimulus essentiel pour la régulation de la volémie
sanguine totale, par le biais des volorécepteurs du système à basse pression.
Le réseau veineux appartient au système à basse pression de la circulation sanguine. Le gradient de
pression linéaire dans les veines étant faible, plusieurs mécanismes physiologiques aident le retour
veineux. Une force motrice est générée en permanence par la différence de pression entre les veinules
(pression générée par le ventricule gauche) et la pression veineuse centrale (qui est maintenue basse par
la pompe ventriculaire droite). Les mécanismes accessoires (pompe musculaire, respiration, valvules)
prennent toute leur importance dans certaines situations physiologiques, comme le passage en
orthostatisme, la marche, la polypnée.
Les régulations de la vasomotricité veineuse et de la vasomotricité artérielle sont régies par des
mécanismes similaires, mais peuvent intervenir de façon dissociée, régulant ainsi la filtration capillaire,
essentielle au fonctionnement de certains organes.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : veines, volémie, système à basse pression, système capacitif, retour veineux, pompe
musculaire, vasomotricité.

Introduction INTIMA

C’est la paroi la plus interne du vaisseau. Elle est formée par un


Les veines assurent le retour du sang vers le cœur. Loin d’être de endothélium et une membrane basale, dont la particularité est de
simples conduits, elles assurent une fonction de stockage sanguin former des invaginations dans la lumière des vaisseaux pour
et de régulation de la volémie. Les paramètres hémodynamiques constituer des valves bicuspides. Ces valves permettent d’orienter
caractérisant le système veineux à un moment donné sont des vers le cœur la circulation du sang dans les veines.
éléments déterminants pour le fonctionnement de la pompe
cardiaque. L’ensemble du réseau veineux appartient au système à
basse pression, par opposition au système à haute pression MÉDIA
constitué par le réseau artériel. Une place à part est à réserver à la
La composition de la média varie en fonction des territoires
circulation pulmonaire, qui fait partie du système à basse pression,
veineux concernés. Elle détermine les propriétés mécaniques des
aussi bien au niveau artériel que veineux, et dont les veines
veines :
transportent vers l’oreillette gauche un sang oxygéné.
– les veines de petit et moyen calibre sont riches en élastine et en
cellules musculaires lisses, ce qui leur permet d’être distendues ou
Structure de la paroi des veines de se contracter, leur conférant ainsi cette fonction capacitive
essentielle de réservoir sanguin dynamique ;

Les veines ont une structure générale similaire à celle des artères – les veines de gros calibre sont riches en collagène, ce qui les rend
et sont composées de trois tuniques : l’intima, la média et peu déformables, mais plus résistantes.
l’adventice.
ADVENTICE

Laurent Belhassen : Assistant hospitalier universitaire. L’adventice a une structure fibreuse lâche. Elle reçoit les
Serge Adnot : Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Département de physiologie, service d’explorations fonctionnelles, hôpital Henri-Mondor, 51, avenue du
terminaisons nerveuses sympathiques et parasympathiques qui
Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil cedex, France. contrôlent la veinomotricité.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Belhassen L et Adnot S. Physiologie de la circulation veineuse. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Angéiologie,
19-0040, 2000, 5 p.
19-0040 Physiologie de la circulation veineuse Angéiologie

VIC

-22 mmHg
TSP
500 mL

TSC 300 mL
500 mL
-10 mmHg
CD

TPHS
800 mL 1800 mL

VMI

2 Répartition du volume sanguin entre les différents secteurs du système à basse


0 mmHg pression. Ce système contient la quasi-totalité du sang, soit environ 4 700 mL. Les por-
tions en pointillé correspondent aux variations de volume pouvant être observées dans
les territoires concernés, soit le territoire sanguin pulmonaire (TSP), le territoire porto-
hépato-splanchnique (TPHS), les veines des membres inférieurs (VMI), le territoire
sanguin cutané (TSC). Les portions en trait plein correspondent à des volumes cons-
tants en situation physiologique. Les veines intracrâniennes (VIC) et le cœur droit
+22 mmHg (CD) ne participent pas aux régulations de volume sanguin veineux.

de la volémie totale), le volume de certains compartiments de ce


système peut varier dans des proportions considérables dans
+40 mmHg diverses conditions physiopathologiques grâce à une grande
distensibilité et aux capacités de veinoconstriction des veines de
petit et moyen calibre (fig 2). Il s’agit :
– des veines sous-cutanées, dont le volume peut varier
approximativement entre 300 et 800 mL. Ces variations de volume
participent essentiellement à la thermorégulation. Ainsi, le volume
sanguin contenu dans une main plongée dans une eau à 16 °C ou
à 40 °C est respectivement de 3 mL/100 g et de 8 mL/100 g. Mais
+90 mmHg les veines cutanées peuvent également permettre les ajustements
du volume circulant nécessaires à l’exercice musculaire, la phase
initiale d’une fièvre importante, d’une hypoxie sévère et d’un choc
hypovolémique ;
1 Pressions veineuses chez un sujet en orthostatisme, illustrant l’influence de la – du territoire porto-hépato-splanchnique, qui peut contenir de 800
gravité sur les pressions veineuses. à 1 800 mL selon les circonstances. Ce territoire sert de réserve de
volume au cœur droit, tout comme la circulation pulmonaire au
cœur gauche, de façon à pouvoir permettre très rapidement de
Hémodynamique veineuse s’adapter aux modifications de débit cardiaque ;
– du territoire pulmonaire, dont le volume sanguin total est
PRESSIONS VEINEUSES d’environ 500 mL, dont environ 140 mL se situent dans les artères
Un régime de basses pressions règne du lit capillaire jusqu’à et 300 mL dans les veines, la différence composant le lit capillaire.
l’oreillette droite. La pression dynamique en un point quelconque Ce réservoir volumique constitue une réserve immédiatement
du système veineux correspond à la somme des pressions disponible pour le fonctionnement du ventricule gauche ;
cardiogénique, hydrostatique et transpariétale. Sa valeur est – des veines musculaires, dont le volume varie en fonction de l’état
d’environ 20 mmHg à la sortie des capillaires. Par ailleurs, le d’activité des muscles. Ce secteur ne participe donc pas aux
gradient de pression linéaire est faible, avec une moyenne de adaptations du volume sanguin total mais impose plutôt des
l’ordre d’une dizaine de mmHg par mètre. Chez un sujet allongé, modifications volumiques des autres secteurs ;
la pression dans les veines périphériques est de l’ordre de
8 mmHg, mais elle peut atteindre jusqu’à 100 mmHg à la cheville – des autres territoires, peu ou pas déformables. La structure
chez un sujet en position debout [5] (fig 1). Cette élévation est due à histologique des grosses veines thoracoabdominales les rend peu
la colonne sanguine sous l’oreillette droite, qui est compensée, en distensibles, et les veines intracrâniennes sont enfermées dans une
termes de travail ventriculaire gauche, par la colonne sanguine enceinte inextensible.
artérielle sous le ventricule gauche. En l’absence de pathologie
cardiopulmonaire, la pression dans les veines pulmonaires est DÉBITS VEINEUX
égale à la pression dans l’oreillette gauche. En effet, les poumons
et le cœur se situant dans le même plan, la pression hydrostatique Le débit total dans la circulation veineuse générale est bien sûr
est égale dans les deux compartiments. égal au débit artériel (soit environ 100 mL/s). Cependant, la section
totale du lit veineux étant supérieure à celle du lit artériel, la vitesse
moyenne de l’écoulement sanguin y est moindre. Les débits
VOLUMES VEINEUX
instantanés varient en fonction de nombreux éléments, comme la
Le secteur capacitif est le seul compartiment sanguin où le sang tension musculaire et le cycle respiratoire, et peuvent parfois être
joue un rôle en tant que volume. En effet, si le volume moyen négatifs sur des intervalles de temps très courts (phénomène limité
contenu dans les veines systémiques est d’environ 3,5 L (soit 60 % par les valves antireflux).

2
Angéiologie Physiologie de la circulation veineuse 19-0040

Pompe
Pression musculaire
dynamique Battements
artériels

Pression Retour
veineuse veineux
centrale Valvules 2

Respiration Gravité
4 3
3 Facteurs contribuant au retour veineux.
A B
RETOUR VEINEUX

¶ Facteurs déterminant le retour veineux


Le retour veineux a un déterminisme multifactoriel [8] . Les
différents mécanismes intervenant dans le retour veineux sont
résumés par la figure 3.

Pompe cardiaque
Elle est le déterminant majeur du retour veineux. La contribution
cardiaque intervient à la fois lors de sa contraction et lors de sa
relaxation. Lors de chaque systole, le cœur permet le maintien du
gradient de pression dynamique qui permet la progression de la
colonne sanguine. Cependant, la pression dynamique à la sortie
des capillaires n’est pas suffisante pour assurer le retour veineux,
notamment en orthostatisme. Le ventricule droit, en pompant le
sang vers les poumons, abaisse constamment la pression veineuse C
centrale. En fin de systole, la pression dans le ventricule droit est
inférieure à la pression dans l’oreillette droite (pression veineuse 4 Schéma du fonctionnement de la pompe musculaire.
centrale). Le sang est donc aspiré vers le ventricule droit lorsque la A. Repos : au repos, le sang circule dans les réseaux veineux profond et superficiel
tricuspide s’ouvre. Ainsi, une dysfonction ventriculaire droite et communique entre les deux réseaux par les perforantes. 1. Veine perforante ; 2.
muscle ; 3. veine profonde ; 4. veine superficielle.
isolée (infarctus ou tamponnade) peut entraîner très rapidement B. Contraction musculaire : lors de l’exercice, le sang est chassé du réseau profond
une stase veineuse par augmentation de la pression veineuse par la contraction musculaire, et le retour veineux se fait uniquement par le réseau
centrale et diminution des gradients de pression. superficiel (flèches).
C. Relaxation : lors de la relaxation, les perforantes s’ouvrent et le réseau profond
Dépression intrathoracique se remplit. À tout moment, le reflux sanguin est empêché par les valvules veineu-
ses (flèches).
La dépression intrathoracique (variant de − 4 mmHg à − 8 mmHg)
est également essentielle et agit constamment pour augmenter le
gradient de pression veineux. La respiration module la pression Accessoirement, le battement d’une artère d’un pédicule vasculaire
intrathoracique et la pression intra-abdominale, rôle qui devient aide à faire progresser le sang contenu dans les veines adjacentes
majeur en cas d’hyperventilation. À chaque inspiration, la contenues dans la même gaine que l’artère, alors que les valves en
diminution de la pression intrathoracique aspire le sang vers évitent le reflux.
l’oreillette droite, tandis que l’augmentation de la pression intra-
abdominale évacue le sang veineux vers le thorax, alors le système
Pesanteur
valvulaire empêche un reflux vers les membres inférieurs.
Inversement, la manœuvre de Valsalva peut interrompre Elle ne joue d’effet positif sur le retour veineux qu’en ce qui
complètement le retour veineux en augmentant de façon concerne les veines cervicoencéphaliques (et les veines des
importante les pressions intracavitaires. membres supérieurs quand ceux-ci sont surélevés). La pesanteur
empêche donc le reflux dans les veines cervicales en position
Muscles orthostatique, et leur système valvulaire est peu développé.
Les muscles ont une action dynamique importante sur le retour
veineux pendant l’exercice (fig 4). Leur participation peut atteindre ¶ Retour veineux et fonction cardiaque
30 % de l’énergie nécessaire au retour lors d’un exercice intense [9].
En se contractant, ils expriment les veines intramusculaires et, pour Comme nous l’avons vu, la pompe cardiaque est un déterminant
une moindre part, les veines juxtamusculaires (en exerçant une majeur du retour veineux grâce à un double mécanisme propulsif
compression latérale). Ils sont aidés dans cette tâche par le système et aspiratif. Le gradient de pression entre les veinules et l’oreillette
valvulaire qui empêche presque tout reflux vers l’amont ou vers droite permet la progression de la colonne sanguine. Quand la
les veines superficielles. À l’inverse, pendant la relaxation pression dans l’oreillette droite augmente, le retour veineux
musculaire, les veines profondes se remplissent à partir des veines diminue, puis s’annule (fig 5). Quand la pression dans l’oreillette
superficielles ou directement à partir des capillaires. C’est cette droite diminue, le retour veineux augmente pour atteindre un
action qui a permis de qualifier les muscles des membres inférieurs plateau quand la pression auriculaire droite (POD) devient
de pompe sanguine périphérique. inférieure à la pression intrathoracique, les veines intrathoraciques

3
19-0040 Physiologie de la circulation veineuse Angéiologie

Retour 100
veineux
L.min-1 90
2 80
70
60
50

1 40
30
20
10
POD (mm Hg) 0
vfs vtp vdp
-4 0 4 8
Repos Marche
5 Relation reliant pression auriculaire droite (POD) et retour veineux. Le retour vei- 6 Évolution de la pression veineuse dans les membres inférieurs lors de la marche.
neux croît avec la diminution de la POD pour atteindre un plateau correspondant Vfs : veine fémorale superficielle ; vtp : veine tibiale postérieure ; vdp : veine dorsale du
à une limitation du débit par un collapsus des veines intrathoraciques. pied.

ayant tendance à se collaber [3]. Ceci explique que la régulation de


la pression dans la circulation veineuse ne soit pas un élément alors que la communication avec les veines superficielles est
physiologique déterminant, la marge de variation étant interrompue par la fermeture des valves des perforantes. Lorsque
relativement faible. Le volume est donc la seule variable le pied se relève, les muscles se relâchent et les veines profondes
déterminante dans le mécanisme de fonctionnement de la se remplissent à partir des capillaires et des veines superficielles
circulation veineuse (ceci est vrai pour la pression dans la (ouverture des valves des perforantes). La baisse des pressions
circulation artérielle). veineuses distales qui en résulte est illustrée sur la figure 5. La
pression minimale à la cheville passe de 90 à 20 mmHg au bout de
Le retour veineux détermine la précharge ventriculaire, c’est-à-dire quelques pas et est significative dès le premier pas (fig 6). Cet effet
l’état d’étirement des fibres musculaires myocardiques avant leur est d’autant moins important que l’on s’éloigne de la cheville en
contraction. Ainsi, fonction ventriculaire et retour veineux sont remontant vers l’oreillette droite. L’ensemble de ce mécanisme n’est
étroitement liés et réciproquement régulés. bien sûr performant qu’à condition que les veines superficielles et
profondes soient continentes.
¶ Retour veineux en orthostatisme
Le passage de la position couchée à la position debout se traduit ¶ Régulation de la vasomotricité veineuse
par une nouvelle répartition du volume sanguin total vers les
veines des membres inférieurs (veines profondes et surtout Le volume veineux est un élément essentiel de la régulation de la
superficielles) et vers les veines abdominales. Près de 700 mL sont volémie totale. Les volorécepteurs intrathoraciques commandent
déplacés vers les membres inférieurs, dont 500 mL proviennent des la production d’hormone antidiurétique. Cependant, ce mécanisme
veines intrathoraciques (veine cave, oreillette droite, lit est efficace pour les régulations fines du volume, avec des
pulmonaire) [6]. La diminution du volume sanguin pulmonaire lors variations n’excédant pas 10 à 15 % du volume total. Pour des
du passage à l’orthostatisme explique l’amélioration de la variations plus importantes, d’autres mécanismes sont mis en jeu,
symptomatologie respiratoire dans l’insuffisance ventriculaire tout d’abord la régulation de la perfusion rénale, puis la
gauche ou le rétrécissement mitral. Le déplacement d’un tel vasomotricité veineuse.
volume s’accompagne immédiatement d’une baisse de la pression La fonction de régulation du volume sanguin veineux est l’une des
aortique qui peut, dans certaines conditions pathologiques, s’avérer fonctions importantes de la vasomotricité veineuse. Celle-ci existe
significative et s’accompagner de vertiges ou de pertes de principalement dans les territoires cutanés et hépatosplanchnique,
connaissance (hypotension orthostatique). Les veines situées dans mais également dans l’ensemble des veines musculaires de petit et
un plan au-dessus du cœur tendent vers une forme elliptique, car moyen calibre de la circulation veineuse. Le contrôle de la
la pression tissulaire devient supérieure à la pression hydrostatique vasomotricité est assuré d’une part par une régulation
dans ces veines. La diminution de la pression hydrostatique dans neurohormonale, et d’autre part par une régulation paracrine
les veines intracrâniennes est cependant compensée par une baisse d’origine endothéliale. Dans la plupart des situations physiologiques,
équivalente de la pression dans le liquide céphalorachidien [7]. Dans ces mécanismes n’ont que des effets mineurs sur la circulation
des conditions physiologiques, la chute modérée de la pression générale et n’exercent de contrôle que sur les débits locaux. Dans les
aortique est corrigée dans les 30 secondes par la mise en jeu d’arcs situations « extrêmes » comme les hypovolémies sévères et brutales
réflexes, dont le point de départ se situe au niveau des (hémorragies), les chocs septiques, ou même l’exercice musculaire
barorécepteurs carotidiens et aortiques, qui entraîne une intense (qui s’accompagne d’un déplacement de volume sanguin
vasoconstriction artérielle. Celle-ci entraîne une diminution de la veineux important par mise en tension des muscles), le contrôle de
pression dynamique à la sortie des capillaires et gêne le retour la vasomotricité veineuse devient essentiel au maintien de conditions
veineux. Cependant, la vasoconstriction intervient également dans hémodynamiques satisfaisantes. Il faut mettre à part la régulation
le territoire cutané et permet donc de recruter un volume sanguin du volume veineux cutané qui peut bien sûr participer aux
conséquent. D’autres mécanismes favorisent le retour veineux dans mécanismes énoncés ci-dessus, mais qui contribue le plus souvent à
ces conditions, comme la contraction des muscles permettant le la thermorégulation. Par ailleurs, motricités artérielle et veineuse font
maintient de la position debout et la constriction des veinules. Ces l’objet d’une régulation distincte. Une constriction des veinules en
deux derniers mécanismes ne participent que peu au retour aval de la jonction capillaire, associée ou non à une dilatation
veineux en orthostatisme. En revanche, la contraction des muscles artériolaire, s’accompagne d’une augmentation de la filtration, et
des membres inférieurs devient le mécanisme prépondérant lors inversement. Ce type de régulation intervient dans de nombreux
de la marche. La pression du pied sur le sol et la contraction des processus physiologiques, notamment la filtration glomérulaire et
[2, 7]
muscles de la jambe permettent la vidange des veines profondes, l’érection .

4
Angéiologie Physiologie de la circulation veineuse 19-0040

Les mécanismes détaillés de la régulation de la vasomotricité fait l’objet La synthèse de NO par les cellules endothéliales est également
d’un autre article. Nous ne faisons donc ici qu’énumérer les principaux stimulée par les forces de cisaillement (shear stress) qui résultent
facteurs intervenant dans cette régulation, en insistant sur les du frottement du sang contre l’endothélium. Le shear stress est
particularités propres aux veines. Paradoxalement, si peu d’équipes proportionnel à la viscosité et au débit sanguin, et inversement
scientifiques se consacrent spécifiquement à l’étude des mécanismes proportionnel au cube du rayon de la veine. Or, les vitesses sont
cellulaires de régulation du tonus veineux, la majeure partie des études peu élevées dans les veines, et la viscosité y est plus élevée que
ayant pour thématique l’athérome sont réalisées sur les cellules dans les artères. La résultante en termes de shear stress n’a pas été
endothéliales issues de veines ombilicales humaines (qui sont étudiée jusqu’à présent, mais il est probable que la régulation flux-
relativement faciles à obtenir). Ainsi, la plupart des résultats publiés dépendante du diamètre des veines soit moins essentielle que celle
sur des expériences réalisées in vitro sur des cellules endothéliales des artères [8].
seraient applicables à la circulation veineuse également.
Les autres facteurs intervenant dans la régulation de la
La balance des actions sympathiques et parasympathiques est
vasomotricité veineuse sont potentiellement nombreux, mais n’ont
essentielle à la régulation de la vasomotricité veineuse. L’effet du
pas fait, à ce jour, l’objet d’études spécifiques. Il s’agit
sympathique est globalement vasoconstricteur, et résulte de la
somme des effets a-adrénergique (constricteur) et b-adrénergique essentiellement des prostaglandines (vasodilatatrice comme la
(relaxant) de la noradrénaline sur les cellules musculaires lisses prostacycline ou vasoconstrictrice comme le thromboxane A2), de
vasculaires. Le parasympathique, qui agit par l’intermédiaire de l’angiotensine, de l’endothéline, de la sérotonine et de l’histamine,
l’acétylcholine, a un effet biphasique, relaxant puis constricteur, qui des kinines (comme la bradykinine), de la dopamine [5] . De
a récemment été élucidé. La relaxation est due à la stimulation des nombreux facteurs extrinsèques sont également capables de
cellules endothéliales sur leurs récepteurs muscariniques M3 qui moduler le tonus des veines et donc le débit dans certains
induit la production de monoxyde d’azote (NO) qui relaxe le territoires. Le plus connu et le mieux étudié est le tabac, qui peut
muscle lisse [1] . L’effet constricteur est dû à l’effet direct de entraîner une vasoconstriction rapide et réversible des veines du
l’acétylcholine sur la cellule musculaire lisse. dos de la main [3], et potentiellement d’autres territoires.

Références
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Raffestin B. Nitric oxide, from vascular physiology to AK, Hoffman BB et al. Endothelial dysfunction in human The human cardiovascular system. New York : Raven
therapeutics. Arch Mal Cœur Vaiss 1994 ; 87 : 41-51 hand veins is rapidly reversible after smoking cessa- Press, 1979 : 86-90
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5
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0100

19-0100

Physiologie de l’hémostase
I Elalamy
MM Samama

Résumé. – L’hémostase fait intervenir un ensemble de mécanismes qui assure la prévention des
saignements spontanés, l’arrêt des hémorragies en cas de rupture de la continuité de la paroi du
vaisseau et la réparation de la brèche vasculaire. Ce processus physiologique comprend l’hémostase
primaire avec le temps vasculaire et le temps plaquettaire, et la coagulation plasmatique proprement
dite. Toutes ces étapes sont intimement intriquées et sont suivies de la fibrinolyse qui complète le
rétablissement de la continuité de la paroi vasculaire lésée. Un équilibre harmonieux de cette balance
hémostatique entre facteurs procoagulants et anticoagulants est nécessaire pour éviter la survenue de
thromboses ou d’hémorragies.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : plaquettes, facteur tissulaire, thrombus, hémostase, cellule endothéliale,


thromboxane A2, facteurs de la coagulation.

Physiologie de l’hémostase primaire médiateurs et la nature des mécanismes mis en jeu ne sont pas
tous élucidés. L’activation plaquettaire et la libération de
substances vasoactives (thromboxane A2 [TxA2], sérotonine) au
L’hémostase primaire fait intervenir quatre acteurs principaux : la
contact de lésions athéroscléreuses, par exemple, contribue à la
paroi vasculaire, les plaquettes, le facteur von Willebrand (FvW) et
formation de microthrombi et au dysfonctionnement de la
le fibrinogène.
microcirculation. Les prostaglandines (PG) telles que la PGE1 et la
PGI2 sont vasodilatatrices et antiagrégantes.
TEMPS VASCULAIRE
Le temps vasculaire correspond à la vasoconstriction réflexe
L’endothélium vasculaire, avec ses capacités de synthèse de immédiate, mais transitoire, des vaisseaux lésés. L’interaction
multiples médiateurs, constitue une interface dynamique plaquettes-endothélium vasculaire est ici essentielle. Les plaquettes
répondant localement à divers stimuli, cellulaires ou solubles, du assurent en effet l’intégrité des parois vasculaires par colmatage
compartiment vasculaire. De nombreux agents physiques tels que des brèches spontanées ou provoquées et permettent une
les forces de cisaillement, ou humoraux comme les cytokines, vasoconstriction efficace grâce à l’apport, au niveau de la lésion,
contribuent activement à la participation endothéliale aux de sérotonine et de TxA2 douées de propriétés vasoconstrictrices.
différents processus physiopathogéniques [4] . L’endothélium,
occupant une position frontière, est particulièrement soumis aux TEMPS PLAQUETTAIRE
influences répétées provenant du compartiment sanguin et de ses
constituants. Il joue un rôle déterminant dans le maintien de Les plaquettes jouent un rôle primordial dans l’hémostase
l’homéostasie et participe de façon active à la régulation de primaire. Leur participation requiert l’intégralité de leurs diverses
nombreux processus physiopathologiques dont l’angiogenèse, fonctions que nous détaillerons après un bref rappel
l’inflammation et l’invasion tumorale. Il module aussi l’hémostase morphologique.
grâce au FvW, au facteur tissulaire, à l’activateur tissulaire du
plasminogène (t-PA) et à son inhibiteur, le plasminogen activator ¶ Anatomie plaquettaire
inhibitor (PAI). La rupture d’une plaque athéroscléreuse entraîne la En 1882, Bizzozero et Hayem ont identifié les plaquettes à de petits
mise à nu des surfaces thrombogènes, activant alors de multiples éléments circulant dans le flux sanguin, issus de la fragmentation
partenaires du compartiment vasculaire tels que les plaquettes, les d’érythrocytes et de leucocytes. Elles furent longtemps considérées
monocytes-macrophages et les cellules musculaires lisses. Leurs comme des artefacts puis comme de simples éponges, tout juste
interactions complexes conditionnent l’évolution de cette lésion : capables de transporter les facteurs de la coagulation [1]. Les
progression de l’athérome, thrombose murale réparatrice, recherches au cours de ces dernières décennies ont permis de leur
thrombose occlusive responsable d’ischémie aiguë. L’ensemble des attribuer un rôle central dans la constitution du thrombus. Les
plaquettes sanguines participent à divers processus
physiopathologiques tels que l’hémostase, la thrombose,
Ismaël Elalamy : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier. l’inflammation ou la dissémination métastasique de certains
Meyer-Michel Samama : Professeur Émérite d’hématologie.
Service d’hématologie biologique, Hôtel-Dieu, 1, place du Parvis-Notre-Dame, 75181 Paris cedex 04,
cancers [14]. Leur réponse est modulée par de nombreuses enzymes
France. assurant la transduction du signal. Les plus importantes sont les

Toute référence à cet article doit porter la mention : Elalamy I et Samama MM. Physiologie de l’hémostase. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Angéiologie,
19-0100, 2001, 6 p.
19-0100 Physiologie de l’hémostase Angéiologie

phospholipase A2. La phospholipase C hydrolyse les PI présents


1 en grande partie dans le feuillet interne. La membrane contient
2 environ 20 % de lipides neutres dont 80 % de cholestérol. Elle
3 représente la source majeure d’acide arachidonique et de
4
phospholipides (facteur III plaquettaire).
5 La partie externe, riche en récepteurs glycoprotéiques (GP), joue
6 aussi un rôle essentiel dans l’hémostase. Ces récepteurs sont
7 spécifiques de différents ligands tels que le FvW pour le complexe
GPIbIX, la thrombine pour la GPV, le collagène pour l’intégrine
8
a2b1 et le fibrinogène pour l’a2bb3. Ces récepteurs sont donc
9 multiples et reconnaissent, de façon spécifique, différents
activateurs et inhibiteurs de la réponse cellulaire. Ils sont les
Coupe équatoriale Coupe longitudinale premiers relais, « déclencheurs », responsables du comportement
1 Représentation schématique d’une plaquette sanguine. fonctionnel de la plaquette.
1. Microtubule ; 2. système tubulaire dense ; 3. système canaliculaire ouvert ; 4. gly-
cogène ; 5. lysosome ; 6. mitochondrie ; 7. granule dense ; 8. granule a ; 9. membrane – Le système canaliculaire ouvert est formé d’invaginations
plasmique. membranaires reliant l’intérieur de la plaquette à l’extérieur. C’est
par son intermédiaire que les substances granulaires sont libérées
dans le milieu extracellulaire au cours du processus sécrétoire.
Tableau I. – Différents constituants de la plaquette et leurs princi-
pales fonctions. – Le cytoplasme contient un cytosquelette formant un système
fibrillaire composé de protéines contractiles, essentiellement
Structure Fonctions d’actine et de myosine, qui assure le maintien de la forme discoïde
Phospholipides membranaires Organisation de la membrane caractéristique de la plaquette au repos. Il joue un rôle important
Source d’AA dans le changement de forme lors de l’activation plaquettaire et
Protéines membranaires Récepteurs enzymes dans la rétraction du caillot.
GPIbIX Adhésion-agrégation – Le système tubulaire dense est dérivé du réticulum
GPIIbIIIa endoplasmique lisse mégacaryocytaire. Il est le siège de formation
du TxA2, un puissant agent agrégant, et le lieu de stockage du
Système canaliculaire ouvert Sécrétion, contact milieu extracellulaire
Système tubulaire dense Séquestration du calcium calcium (Ca 2 + ) indispensable à toute forme de réponse
Synthèse du TxA2 plaquettaire.
Cytosquelette Morphologie Le cytoplasme renferme aussi différents types d’organelles. On
Microtubules Contraction, rétraction du caillot distingue essentiellement :
Microfilaments (actine, myosine) Sécrétion
– les granules denses (d) qui contiennent du calcium, de
Granules denses (d) (ADP, ATP, sérotonine)
l’adénosine diphosphate (ADP), de l’adénosine triphosphate (ATP)
Granules alpha (a) (Adhésines, Fg, FvW...)
Agrégation secondaire
et de la sérotonine ;

Mitochondries, glycogène Source énergétique – les granules alpha (a), plus gros et plus nombreux que les granu-
les d, qui renferment des protéines adhésives telles que le FvW, le
AA : acide arachidonique ; ADP : adénosine diphosphate ; ATP : adénosine triphosphate ; Fg : fibrinogène ; fibrinogène, la thrombospondine (TSP) et la P-sélectine (GMP-140
TxA2 : thromboxane A2.
ou CD62). Ils renferment aussi des facteurs de croissance comme
phospholipases (PL) A2 et C, la cyclo-oxygénase (Cox), l’ade- le platelet derived growth factor (PDGF), le facteur V (proaccélérine)
nylcyclase, les protéines kinases et les protéines tyrosines kinases. et le facteur VIII (antihémophilique A) de la coagulation, des
Les plaquettes sont de petites cellules anucléées de 2 à 3 µm de chemoattractants tels que le facteur IV plaquettaire (F 4P), la
diamètre ayant, au repos, la forme d’un disque biconvexe. Elles b-thromboglobuline (b-TG) ou le neutrophil activating peptide 2
proviennent de la fragmentation de leurs précurseurs médullaires, (NAP-2). Leur membrane contient des sites a 2b b 3 et de la
les mégacaryocytes [8]. Leur nombre, chez l’homme, varie de 150 à GMP-140 ;
400 x 109 cellules/L de sang et leur durée de vie est de 8 à – les lysosomes qui renferment des enzymes hydrolytiques :
10 jours [14]. La figure 1 illustre l’ultrastructure d’une plaquette essentiellement des protéases et des glycosidases acides. La
sanguine. Les plaquettes comportent différentes structures protéine CD63 est exprimée lors de l’activation plaquettaire et elle
permettant d’assurer leurs multiples fonctions (tableau I) : serait d’origine lysosomiale [11] ;
– à la périphérie, le glycocalix, constitué de mucopolysaccharides – les mitochondries et les grains de glycogène qui constituent la
(MPS), est le premier site d’interaction des plaquettes avec source d’énergie principale de la plaquette via la phosphorylation
l’environnement extérieur. Face aux MPS endothéliaux, les oxydative et la glycolyse (tableau I).
plaquettes sont donc repoussées de la face endoluminale de la
paroi vasculaire par opposition des charges négatives ; ¶ Réponse plaquettaire
– la membrane plasmique, comme celle des autres cellules, obéit
au modèle général de mosaïque fluide [15]. Elle est constituée Après la blessure vasculaire, la mise en jeu des plaquettes est
essentiellement d’une matrice de phospholipides disposés en multifactorielle et les mécanismes restent encore mal connus.
bicouche et distribués de façon asymétrique. L’activation plaquettaire est un processus complexe qui est mieux
compris sur le plan macroscopique que sur le plan moléculaire. La
Ainsi, les sphingomyélines sont essentiellement situées sur le réponse plaquettaire se déroule en plusieurs étapes intimement
feuillet externe, tandis que les phosphatidyléthanolamines (PE), les intriquées.
phosphatidylsérines (PS) et les phosphatidylinositols (PI) sont
situés sur le feuillet interne, les phosphatidylcholines (PC) étant – La brèche vasculaire, mettant à nu le sous-endothélium non
réparties entre les deux feuillets de la membrane. Le maintien de mouillable, expose les fibres de collagène qui représentent le
cette asymétrie est assuré par une protéine particulière, déclencheur physiologique essentiel de l’hémostase primaire [14].
l’« aminophospholipide translocase ». Les PE, particulièrement L’adhésion des plaquettes au collagène est possible grâce aux ponts
riches en acide arachidonique (AA) sont hydrolysées par la formés d’une part, par le FvW contenu dans le plasma, les corps

2
Angéiologie Physiologie de l’hémostase 19-0100

de Weibel-Palade endothéliaux et les grains a plaquettaires et


d’autre part, les sites de liaison membranaires plaquettaires : les Lésion vasculaire
complexes GPIbIX [13].
– Les plaquettes changent alors de forme grâce au cytosquelette Sous-endothélium
lié aux récepteurs membranaires via l’actin binding protein (ABP).
Le passage de la forme discoïde à la forme sphérique et l’émission
de pseudopodes associés à la centralisation des granules sont les
Facteur Willebrand
éléments remarquables de cette étape. Les séquences de cette étape,
étroitement dépendantes du Ca 2+, ne sont pas encore toutes
élucidées, mais elles aboutissent à la polymérisation des filaments
Adhésion
d’actine autorisant un plus grand contact intercellulaire et une
bonne rétraction du caillot.
– La sécrétion granulaire correspond au relargage du contenu Libération Activation
Changement de forme
granulaire après centralisation des granules et à l’amplification du facteur tissulaire du système contact
potentielle de la réponse plaquettaire après la libération des
nombreuses substances activatrices ou ligands. La sécrétion Réaction sécrétoire
granulaire est importante car elle permet de recruter davantage de
plaquettes et de consolider le clou plaquettaire. Il y a véritablement
fusion de la membrane plasmique avec celle des granules et
Agrégation réversible
extrusion du contenu granulaire dans le milieu périplaquettaire.
L’amplification de la réponse cellulaire est essentiellement assurée
par le TxA2 généré à partir de l’acide arachidonique endogène. In Thrombine
vitro, l’aspect classique en double vague du profil agrégométrique
matérialise cette étape. Activité procoagulante

– L’agrégation des plaquettes correspond à l’établissement de Agrégation irréversible


ponts interplaquettaires grâce au fibrinogène et à sa liaison aux 2 Étapes de la réponse plaquettaire.
complexes glycoprotéiques GPIIbIIIa (a2bb3) devenus fonctionnels
à la surface plaquettaire. Les sites a2bb3 sont liés aux différentes
protéines du cytosquelette telles que la taline et la vinculine. Les Acide arachidonique
sites a2bb3 après modification conformationnelle peuvent alors
12-Lipoxygénase Cyclo-oxygénase 1
fixer le fibrinogène plasmatique et permettre la constitution des
ponts interplaquettaires (agrégation réversible). La GPIV (CD36)
liant la TSP, relarguée à partir du sous-endothélium et des granules 12-HPETE PGG2 PGHS-1
a plaquettaires, accroît le contact interplaquettaire et consolide
l’agrégat.
Glutathion Hydroperoxydase
– La cinquième étape de la réponse plaquettaire est l’expression peroxydase
d’une activité procoagulante via l’émission de microparticules
riches en phospholipides anioniques et capables de fixer les PGH2
facteurs Va (accélérine) et Xa (Stuart). La cascade d’activations par 12-HETE
Tx synthétase
protéolyses successives génère la thrombine, enzyme-clé de la
coagulation plasmatique, aboutissant à la transformation du TxA2
fibrinogène soluble en fibrine insoluble. Le clou plaquettaire est
alors transformé en caillot rouge enserrant les érythrocytes dans Endoperoxyde Endoperoxyde Endoperoxyde Clivage non TxB2
les mailles du filet de fibrine ainsi généré. La focalisation de la F-réductase D-isomérase E-isomérase enzymatique
coagulation plasmatique sur l’agrégat plaquettaire riche en
phospholipides (F3P) est la dernière mais pas la moindre étape de
PGF2α PGD2 PGE2 HHT
cette réponse plaquettaire assurant le colmatage définitif de la MDA
brèche vasculaire (fig 2). 3 Métabolisme plaquettaire de l’acide arachidonique.
PG : prostaglandine ; HHT : acide 12 hydroxyheptadecaenoïque ; MDA : malone
¶ Métabolisme de l’acide arachidonique et synthèse dialdéhyde.
de thromboxane A2
La Cox-1, particulièrement abondante dans les plaquettes et les
L’acide arachidonique, un acide gras polyinsaturé de 20 atomes de cellules endothéliales, est une enzyme constitutive, ubiquitaire, de
carbone, est le plus abondant acide gras composant les 72 kDa, composée de 576 acides aminés. Le gène responsable de sa
phospholipides membranaires. Il est à l’origine de la synthèse de synthèse est de 22 kb et il est situé sur le chromosome 9. La Cox-1
nombreux prostanoïdes dont le TxA2 et la prostacycline. La est essentiellement localisée dans le réticulum endoplasmique [2]. Il
prostaglandine H synthétase (PGHS) est une enzyme s’agit d’une véritable enzyme de régulation qui contribue au
bifonctionnelle avec une activité Cox aboutissant à l’endoperoxyde maintien de l’intégrité de nombreuses muqueuses et à
cyclique PGG2 et une activité peroxydase donnant naissance à la l’homéostasie.
PGH2. Ces endoperoxydes cycliques instables sont très rapidement La Cox-2, une protéine de 74 kDa ayant une homologie de
transformés selon le type cellulaire en PG dites de la série 2 (PGE2, séquence d’environ 60 % avec la Cox-1, contient 587 acides aminés.
D2, F2a et I2) et en TxA2 [16] (fig 3, 4). Elle est essentiellement localisée dans l’enveloppe nucléaire à l’état
Vane [17], en 1971, a découvert le mécanisme d’action de l’aspirine de traces dans les cellules au repos. Son gène de 8 kb est situé sur
et des autres anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en le chromosome 1 et il appartient à la famille des gènes de réponse
révélant la Cox plaquettaire comme étant leur cible privilégiée. Il a rapide. La Cox-2 est une enzyme dite d’adaptation, à expression
été établi que les AINS avaient une efficacité variable selon l’origine inductible.
tissulaire de la Cox. Ce n’est qu’en 1991 que Kujubu et al [7] ont Les principales caractéristiques de ces Cox sont résumées dans le
identifié une autre isoforme de la Cox, la Cox-2. tableau II. Leur régulation semble indépendante l’une de l’autre.

3
19-0100 Physiologie de l’hémostase Angéiologie

Les tests d’agrégation sont utiles dans l’étude du fonctionnement


plaquettaire, surtout pour le diagnostic des thrombopathies.
L’étude de l’agrégation plaquettaire reste réservée à des
laboratoires spécialisés (tableau III).

Plaquette Cellule Physiologie de la coagulation


endothéliale
PLA2 PLA2 plasmatique
12-Lox Acide Loxs La coagulation plasmatique est le processus permettant la
Hydroperoxydes Arachidonique Hydroperoxydes génération de thrombine, enzyme responsable de la transformation
Cox-1 du fibrinogène soluble en fibrine insoluble. La coagulation doit
PGHS-2-2

Cox-1 Cox-2 aussi être appréhendée sous forme dynamique. Elle comporte
PGHS-1

PGHS-2
PGHS-1

Leucotriènes différentes phases et une vingtaine de protagonistes sont


Prostaglandine G2
impliqués. Ces facteurs synthétisés dans le foie sont des zymogènes
HPO HPO inactifs qui doivent subir une protéolyse pour devenir des sérines
Prostaglandine H2 protéases fonctionnelles. Il faut souligner également le rôle
singulier de la vitamine K qui participe à la synthèse de quatre
A2"
Thromboxane A2 Prostacycline
activateurs (facteurs II, VII, IX, X) et au moins deux inhibiteurs
physiologiques de la coagulation, la protéine C et la protéine S.
Les facteurs V (proaccélérine) et VIII (antihémophilique A) sont les
AC + deux catalyseurs de cette cascade enzymatique dont le substrat est
le fibrinogène (tableaux IV, V).
AMPc Historiquement, deux voies ont été identifiées. La voie extrinsèque
ATP
ou exogène, explorée par le temps de Quick (TQ ou taux d’activité
4 Cyclo-oxygénases plaquettaires et endothéliales.
AMPc : adénosine monophosphate cyclique ; ATP : adénosine triphosphate ; AC :
prothrombinique vraie [TP]) et la voie intrinsèque ou endogène,
adenyhylcyclose ; PLA2 : phospholipase A2 ; LOX : lypo-oxygénase ; Cox : cyclo- explorée par le temps de céphaline plus activateur (TCA). Cette
oxygénase ; HPO : hydroperoxydase. approche simple (fig 5) est parfaitement représentée par le schéma
classique de la coagulation et conserve une place essentielle en
biologie, dans le diagnostic des allongements des temps de
Alors que les taux de Cox-1 restent relativement constants, ceux de coagulation globaux.
Cox-2 sont singulièrement élevés après stimulation par des Les données plus récentes des études de la coagulation
cytokines pro-inflammatoires ou des facteurs de croissance. Les plasmatique montrent que la voie tissulaire est essentielle in vivo
voies de transduction engagées dans ces processus sont encore mal et que la voie dite endogène serait plus accessoire. La coagulation
connues. Cependant, la mise en jeu des voies des tyrosines kinases, est initiée par la libération du facteur tissulaire (thromboplastine
de la protéine kinase C et des protéines kinases A est certaine [6]. tissulaire) en cas de lésion endothéliale. En fait, ces deux voies ne
Différents tests permettent ainsi d’explorer les acteurs de sont pas indépendantes, mais reliées par le biais de l’activation du
l’hémostase primaire. facteur IX en facteur IXa et de la formation du facteur Xa (fig 6).

Tableau II. – Principales caractéristiques des deux isoformes de PGHS.


PGHS-1/Cox-1 PGHS-2/Cox-2
Gène 22 kb (chromosome 9) 8 kb (chromosome 1)

Protéine 576 aa (72 kDa) 587 aa (74 kDa)

Site d’action de l’aspirine Sérine 529 Sérine 516

Effets des glucocorticoïdes Limités ou nuls Inhibiteurs

Expression Constitutive Inductible

Localisation subcellulaire Réticulum endoplasmique, peu dans l’enveloppe nucléaire Enveloppe nucléaire, peu dans le réticulum endoplasmique
ubiquitaire Cellules nucléées

Rôle Régulation Adaptation


Protection des muqueuses Pro-inflammatoire

aa : acides aminés ; Cox : cyclo-oxygénase ; PGHS : prostaglandine H synthétase.

Tableau III. – Principales étapes de l’hémostase et tests d’exploration.


Tests de dépistage
Temps vasculaire Vaisseau Numération plaquettaire
Temps de saignement
Temps d’occlusion (PFA-100)
Hémostase primaire
Temps plaquettaire Plaquettes
Facteur Willebrand
Traces de fibrinogène

Coagulation Temps plasmatique Activateurs/inhibiteurs TQ


Facteur tissulaire TCA
Monocytes activés TT

TQ : temps de Quick ; TCA : temps de céphaline plus activateur ; TT : temps de thrombine.

4
Angéiologie Physiologie de l’hémostase 19-0100

Tableau IV. – Facteurs de la coagulation plasmatique.


Taux minimal nécessaire
Facteur Nom Lieu de synthèse Demi-vie plasmatique Vitamine K dépendant
à l’hémostase
I Fibrinogène Foie 4-6 jours 0,5 à 1 g/L Non
II Prothrombine Foie 3-4 jours 40 % Oui
V Proaccélérine Foie-SRH 15-24 heures 10 à 15 % Non
VII Proconvertine Foie 4-6 heures 5 à 10 % Oui
VIII Facteur antihémophilique A Foie 10-14 heures 30 à 50 % Non
IX Facteur antihémophilique B Foie 20-28 heures 30 à 50 % Oui
X Facteur Stuart Foie 48-60 heures 10 à 20 % Oui
XI Facteur Rosenthal Foie 48 heures Environ 30 % (1) Non
XII Facteur Hageman Foie 50-70 heures Traces Non
XIII Facteur stabilisant de la Foie 3-7 jours 2à3% Non
fibrine

(1) Valeur insuffisamment documentée.


III : thromboplastine tissulaire ; IV : calcium ; VI : accelérine ou Va (ces trois chiffres romains ne sont pas utilisés). La forme activée pour chaque facteur est indiquée par « a » (par exemple : facteur Va).
SRH : système réticuloendothélial.

Tableau V. – Caractéristiques des différents facteurs de la coagula-


tion [9, 14].
Lésion
Concentration vasculaire VIIa VII
Nom PM (kDa) Chromosome
plasmatique
XI
I 340 4 2 à 4 g/L XIa
FT
II 72 11 1 400 nM FT VIIa VIIa
V 330 1 5 à 10 mg/L FT FT
VIII
VII 50 13 10 nM IX
IXa
VIIIa
VIII 330 X 0,1 mg/L
PL
IX 57 X 4 mg/L
V
X 59 13 170 nM X Xa
Va
XI 160 4 30 nM
PL II
XII 80 5 30 à 40 mg/L IIa Boucle de
Josso
XIII 320 6 25 mg/L Fg Fibrine
AT 65 1 200 à 300 mg/L 6 Représentation schématique de la coagulation plasmatique.
FT : facteur tissulaire ; PL : phospholipides ; Fg : fibrinogène.
PC 62 2 3 à 6 mg/L

PS 70 3 25 mg/L
(antihémophilique B) en IXa. Le FXa est nécessaire à la formation
TFPI 42 2 0,1 mg/L de prothrombinase qui transforme la prothrombine en thrombine
Deuxième CFH 65 22 60 à 110 mg/L (IIa).
Le FIXa, en présence de FVIIIa (antihémophilique A), de
AT : antithrombine ; CFH : cofacteur de l’héparine ; PS : protéine S ; PC : protéine C ; TFPI : tissue factor pathway
inhibitor. phospholipides et de calcium, constitue un premier complexe
enzymatique (complexe antihémophilique) qui est l’activateur
intrinsèque du FX ou la tenase des Anglo-Saxons, qui amplifie
Facteur tissulaire-Vlla Système contact
l’activation du FX en FXa.
Puis, le FXa permet la formation d’un second complexe
Xa enzymatique, la prothrombinase, constituée par le FXa, des
Prothrombinase phospholipides, du calcium et du FVa. Ce dernier est issu de
Voie extrinsèque Voie intrinsèque
l’activation du FV par le FXa et surtout par les premières traces de
thrombine formée.
Activation de la prothrombine Différents tests sont alors proposés pour explorer ces facteurs et
les étapes diverses de ces cascades enzymatiques (tableaux VI
et VII).
Voie commune
Thrombine

Inhibiteurs de la coagulation (fig 7)

Activation de Fibrinoformation Activation L’antithrombine, cofacteur de l’héparine, capable d’inhiber les


la protéine C plaquettaire
nombreuses sérines protéases, est l’inhibiteur majeur
5 Principales étapes de la coagulation. physiologique de la coagulation.
Dès que les premières traces de facteur Xa apparaissent, elles se
Le facteur tissulaire est le véritable détonateur : c’est sa rencontre trouvent en opposition avec le tissue factor pathway inhibitor (TFPI),
avec des traces de facteur VIIa qui déclenche la cascade de la inhibiteur plasmatique synthétisé par la cellule endothéliale,
coagulation in vivo. capable de bloquer la voie extrinsèque de la coagulation à son site
Le complexe facteur tissulaire-VIIa est en effet capable d’activer en d’initiation en constituant un complexe quaternaire inactif avec le
priorité le facteur X (Stuart) en Xa puis le facteur IX facteur tissulaire, le FVIIa et le FXa.

5
19-0100 Physiologie de l’hémostase Angéiologie

Tableau VI. – Valeurs normales des principaux tests d’hémostase.


IXa AT
Temps de saignement Duke : 2 à 4 minutes
Ivy incision horizontale : 4 à 8 minutes
Ivy trois points : 3 à 5 minutes Xa AT
TFPI VIIa AT
Numération plaquettaire 150 à 400 Giga/L FT IIa AT
FT PL
Temps de céphaline plus activateur Témoin : 30 à 40 secondes PL
VIIa VIIIa PS
Écart temps du malade/temps du Xa Va PS
témoin :
- fonction du réactif : < 5 à 8 secondes
PCa IVa
PCa Xa
(ration M/T < 1,20) X
- fonction de l’âge : < 6 à 10 secondes II
chez le jeune enfant

Temps de Quick ou taux d’activité exprimé en pourcentage : ≥ 75 %


prothrombinique : pentasaccharide
Temps de thrombine Témoin : 20 secondes : 8 monosaccharides
Écart temps du malade/temps du 7 Inhibiteurs de la coagulation.
témoin < 3 secondes
AT : antithrombine ; PCa : protéine C activée ; PS : protéine S ; TFPI : « tissue factor
Fibrinogène 2 à 4 g/L pathway inhibitor » ; PL : phospholipides ; FT : facteur tissulaire.

Tableau VII. – Facteurs explorés par les principaux tests de la protéine C en protéine C activée (PCa) qui est alors capable
d’hémostase. d’inhiber les catalyseurs de la cascade de la coagulation, les
facteurs Va et VIIIa. Dans l’inactivation du facteur VIIIa, le
Temps de saignement Plaquettes, facteur Willebrand, paroi facteur V joue un rôle de cofacteur qui est déficient dans le cas du
vasculaire
facteur V muté (facteur V Leiden).
Temps de céphaline plus activateur PK, KHPM, XII,
V, X, II, I Cette boucle de rétroaction démontre la complexité du phénomène
XI, IX, VIII et son caractère dynamique, en parfait équilibre. La thrombine
coagulante génère elle-même un anticoagulant, la PCa.
Temps de Quick VII, V, X, II, I
Le système réticuloendothélial hépatique, avec les macrophages,
Temps de thrombine I
joue aussi un rôle important dans la phagocytose des molécules
activées et dans la limitation du processus de la coagulation.
Le système de la protéine C est représenté par la protéine C, son La fibrinolyse complète le rétablissement de la continuité de la
cofacteur la protéine S et la thrombomoduline endothéliale. La paroi vasculaire et son étude a fait l’objet d’un article dans cette
thrombine, en présence de thrombomoduline, permet l’activation revue.

Références
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6
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0550

19-0550

Le pied diabétique
J Martini
H Boccalon
JP Tauber
Résumé.– Le pied diabétique est une complication particulièrement fréquente et grave du diabète avec
D Lefebvre
une prévalence comprise entre 4 et 10 % et dont l’évolution reste marquée par le risque d’amputation.
Sur un plan physiopathologique, la neuropathie, responsable d’une perte de la sensibilité, favorise les
lésions traumatiques et, associée à des déformations, favorise l’apparition du mal perforant plantaire.
L’ischémie secondaire à l’artériopathie est source de lésions nécrotiques, dont l’exploration fait appel à
des examens non invasifs (doppler, TcPO2) et complétée éventuellement par une artériographie dans
l’optique d’un geste de revascularisation. L’infection joue un rôle aggravant dans le processus évolutif de
la lésion.
La prise en charge des plaies est basée sur l’association de moyens thérapeutiques complémentaires,
incluant entre autres les soins locaux, l’antibiothérapie, l’appareillage, la chirurgie conservatrice. Les
substituts de greffe sont des atouts supplémentaires dans la réduction du nombre d’amputation. Le
traitement spécifique de l’artériopathie passe par des techniques de revascularisation de plus en plus
performantes. La recherche d’un contrôle métabolique strict du diabète doit être systématique. La
stratégie de prise en charge est définie en fonction du grade de la plaie, du niveau d’ischémie et de la
présence d’une infection. L’organisation de la prise en charge au sein de structures spécialisées, par une
équipe multidisciplinaire, permet d’optimiser la qualité des soins et de réduire l’incidence des
amputations lourdes. Enfin, la prévention reste une étape essentielle dans la réduction de l’incidence des
lésions et du nombre des amputations. Elle passe par une formation des patients aux mesures de
prévention et un programme de suivi régulier, incluant l’examen systématique des pieds.
© Elsevier, Paris.

Introduction 60 000 patients par an, dont la moitié serait hospitalisée [25]. La
gravité est liée principalement aux amputations, dont le taux est
Les ulcérations du pied chez le diabétique constituent encore un
multiplié par 15 dans certaines populations [2, 19]. En Finlande,
véritable problème de Santé publique. Cette pathologie est responsable
Siitonen retrouve un risque 10 à 13 fois plus élevé dans la
d’une morbidité et d’une mortalité importantes associées à un coût
population diabétique [52]. Classiquement, 15 % des diabétiques
élevé. Bien que les mécanismes physiopathologiques (neuropathie,
vont subir une amputation au cours de leur vie et 50 à 70 % des
artériopathie et infection) impliqués dans l’apparition et l’aggravation
amputations non traumatiques sont réalisées chez des
de la plaie soient mieux connus, le retard diagnostique et l’absence de
diabétiques [56], ce qui correspond en France à 15 000 amputations
prise en charge globale expliquent encore, trop souvent, la gravité des
par an. Le taux de réamputation est considérable et estimé à 56 %
lésions. L’amélioration du pronostic passe surtout par une démarche de
à 5 ans, avec un taux de survie à 5 ans entre 40 et 50 % [2, 36]. Les
prévention basée sur le dépistage des pieds à risque, l’éducation des
facteurs de risque d’amputation sont le sexe masculin, l’ancienneté
patients diabétiques et la surveillance de l’état vasculaire. Le traitement
du diabète, la présence d’une médiacalcose, la notion d’une
doit faire appel à une approche multidisciplinaire médicochirurgicale où
microangiopathie, le degré d’hyperglycémie à jeun et post-
le patient doit jouer un rôle actif.
prandiale [36, 44, 51]. Le coût de cette pathologie représente 20 % des
dépenses de santé liées au diabète [60]. Il est dû pour une grande
Épidémiologie part au nombre et à la durée des hospitalisations estimées entre 14
et 45 jours [25]. Récemment, Van Houtum, aux Pays-Bas, a évalué ce
La prévalence des lésions du pied chez le diabétique se situe entre coût à 10 531 livres sterling par patient pour une durée moyenne
4 et 10 % dans les pays anglo-saxons [5, 46]. Elle atteint 15 % après d’hospitalisation de 41,8 jours [55].
l’âge de 80 ans [45]. En France, cette pathologie toucherait 50 à

Plaie d’origine neuropathique


Jacques Martini : Endocrinologue.
Jean-Pierre Tauber : Professeur PHYSIOPATHOLOGIE, DIAGNOSTIC
Service d’endocrinologie - diabétologie.
Henri Boccalon : Professeur des Universités, praticien hospitalier. La neuropathie sensitivomotrice est de loin la plus commune des
Daniel Lefebvre : Maître de Conférences
complications chroniques du diabète et toucherait en moyenne 30 %
© Elsevier, Paris

Service de médecine interne - angéiologie.


Centre de cicatrisation, centre hospitalier universitaire Toulouse-Rangueil, 31054 Toulouse cedex, France. des patients [61]. Son rôle dans l’apparition des lésions du pied est

Toute référence à cet article doit porter la mention : J Martini, H Boccalon, JP Taubert et D Lefebvre. Le pied diabétique. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0550, 1997, 6 p.
19-0550 Le pied diabétique Angéiologie

bien établi puisqu’elle est présente chez plus de 80 % des patients La macroangiopathie est caractérisée par un athérome qui est plus
porteurs d’ulcères et rendue responsable de 60 à 80 % de ces fréquent chez le diabétique. La présence d’une claudication
lésions [5, 8] . Les composantes sensitivomotrices et végétatives artérielle est multipliée par quatre dans la population diabétique [43]
participent au développement de l’ulcère neuropathique, bien que la neuropathie réduise la symptomatologie. Le risque
classiquement appelé « mal perforant plantaire ». La perte de la d’ulcères vasculaires chez le diabétique est d’autant plus important
sensibilité thermoalgique est responsable de lésions traumatiques que d’autres facteurs de risque sont souvent associés : tabac,
indolores et du retard diagnostique par perte du signal d’alarme hypertension artérielle (HTA), hypercholestérolémie. Les artères le
qu’est la douleur. L’atteinte proprioceptive associée à l’atteinte plus souvent concernées par les atteintes d’athérome chez le
motrice avec amyotrophie des muscles interosseux et le déséquilibre diabétique sont la fémorale profonde et les tibiales antérieures et
entre les muscles fléchisseurs et extenseurs entraînent des postérieures. La paroi artérielle est le siège d’une médiacalcose,
déformations du pied et la création de nouveaux points d’appui. responsable d’une diminution de la compliance artérielle et de la
Ces zones d’hyperpression sont localisées préférentiellement au présence de calcifications.
niveau plantaire (proéminence des têtes métatarsiennes, pulpe des La microangiopathie est caractérisée par un épaississement de la
orteils déformés en marteau) ou en regard des articulations membrane basale capillaire aboutissant à l’occlusion. Aucune étude
interphalangiennes. L’hyperpression localisée, accentuée par la n’a pu établir de relation entre microangiopathie et ulcération ou
perte de la mobilité articulaire, et le défaut de sudation secondaire gangrène, bien qu’il existe une hypertension capillaire [53].
à la neuropathie végétative vont favoriser l’apparition d’une En présence d’un ulcère, l’artériopathie et la neuropathie sont
hyperkératose réactionnelle ou callosité. Cette dernière est souvent associées. Bien que le lien entre la neuropathie et les
responsable de microtraumatismes tissulaires (érosion, cisaillement) complications macrovasculaires reste inexpliqué, il semble que la
qui, associés à une ischémie tissulaire distale, favorisent la médiacalcose, l’épaississement de la paroi vasculaire ainsi que la
constitution progressive d’une ulcération. L’ischémie tissulaire peut dénervation sympathique facilitent la survenue des complications
être en partie rattachée à l’ouverture des shunts artérioveineux et à vasculaires [53].
la perte de la régulation posturale du flux capillaire, conséquences
Au plan hémorrhéologique, il existe une augmentation de la
directes de l’atteinte végétative [22]. Ces anomalies microcirculatoires
viscosité sanguine que l’on peut prendre en compte au plan
s’accompagnent de lésions histologiques à type d’épaississement de
thérapeutique [28].
la paroi des capillaires par prolifération des cellules endothéliales
responsables d’une occlusion de la lumière des vaisseaux [17, 53]. DIAGNOSTIC ET DESCRIPTION DE LA PLAIE
Cliniquement, la plaie d’origine neuropathique, qui siège
préférentiellement au niveau plantaire, est une ulcération indolore, Les troubles trophiques ischémiques peuvent être représentés, soit
atone, de couleur grisâtre, sans dépôt fibrineux ni nécrose et par une gangrène sèche limitée, soit par une gangrène humide avec
entourée d’un halo d’hyperkératose. Son évolution naturelle se fait surinfection et diffusion vers les tendons, soit par une angiodermite
vers l’extension en profondeur avec apparition de pertuis et de nécrotique, évoluant vers une ulcération cutanée douloureuse. La
caverne, puis vers une surinfection des tissus profonds (gaine zone de nécrose est entourée d’érythème ; elle peut siéger au
tendineuse, os et articulation) [16]. niveau du gros orteil, à la face interne du 1er métatarse, au bord
externe du 5e orteil, au talon. Le pied peut être chaud en raison de
PIED DE CHARCOT la neuropathie associée.
Le pied de Charcot est la conséquence clinique ultime de la Les particularités de l’examen clinique artériel chez le diabétique
neuroarthropathie diabétique. Sa prévalence est estimée de manière sont les suivantes :
très variable entre 0,1 % et 7,5 % [48]. Il est caractérisé par des – si la claudication précède le trouble trophique ischémique, elle
déformations majeures avec une perte de l’architecture classique peut se manifester sous forme d’une métatarsalgie qui peut en
du pied, dont le développement se fait en deux phases. La imposer pour une affection rhumatismale. Sa prévalence chez le
première, ou phase aiguë, est marquée par une destruction osseuse diabétique est comprise entre 0,2 % et 10,9 % [40]. Associée à une
avec fractures spontanées et luxations du tarse et du métatarse. La neuropathie, elle peut s’exprimer par un engourdissement, une
fragilité osseuse responsable de ces fractures est la conséquence de sensation d’anesthésie, un besoin de stopper la marche, plutôt que
la neuropathie végétative ; le flux sanguin, accéléré par l’ouverture par une douleur ;
des shunts artérioveineux, stimulant l’activité ostéoclastique. À la
– les pouls distaux sont absents chez 15 et 19 % des diabétiques,
suite de stimuli mineurs mais répétés, le pied prend un aspect
alors que le pouls pédieux n’est pas retrouvé dans 10 % des cas
pseudo-inflammatoire et douloureux qui fait évoquer à tort le
dans la population générale [40] ;
diagnostic d’ostéomyélite ou d’infection des tissus profonds. La
seconde phase est la phase de reconstruction et de consolidation –en raison d’une médiacalcose, détectée chez 15 à 34 % des
des déformations (cals hypertrophiques). Il existe le plus souvent sujets [40], la rigidité des artères rend la mesure de la pression
un affaissement de la voûte plantaire et une rétraction des orteils. artérielle à la cheville impossible ou donne des valeurs surestimées
Le pied prend un aspect cubique. La radiographie retrouve une dans un tiers des cas. Cette mesure n’est pas fiable dans 50 % des
structure osseuse anarchique avec perte des repères anatomiques. cas [4]. Cependant, l’indice systolique de pression artérielle de
Le pied de Charcot, à risque majeur d’ulcération, pose un problème cheville est pathologique (≤ 0,80) chez 9 à 12 % d’une population
de prise en charge difficile [48], d’autant que l’atteinte bilatérale est de diabétiques, confirmant la forte prévalence de l’artériopathie
présente chez environ 10 % de ces patients [31]. malgré la surestimation de la pression artérielle [41, 43]. La mesure
de la pression à l’orteil et la mesure de l’indice 1er orteil/ cheville
Plaie ischémique reflètent mieux la présence d’une artériopathie distale [11].

PATHOGÉNIE EXPLORATION DE L’ATTEINTE ARTÉRIELLE


Les altérations vasculaires liées au diabète siègent à différents Les explorations sont envisagées en fonction de l’objectif à
niveaux de la macrocirculation artérielle, ainsi qu’au niveau atteindre ; il s’agit en général de répondre à un problème de
microcirculatoire. Les complications vasculaires sont responsables diagnostic ou de décision thérapeutique lorsque l’examen clinique
d’une part importante de la mortalité des diabétiques. n’y a pas réussi en totalité ou en partie [3].

2
Angéiologie Le pied diabétique 19-0550

Devant un tableau d’ischémie permanente, (douleur de décubitus augmentation de la TcPO2 (70 % des cas) et du flux superficiel
de l’avant-pied ou, plus souvent troubles trophiques ischémiques (30 % des cas). Dans le cas d’artériopathie survenant chez le
des orteils), la mesure de la pression d’oxygène par voie diabétique, la TcPO2 n’est pas modifiée par la verticalisation
transcutanée (TcPO2) est actuellement l’examen de choix ; les (réponse myogénique locale) ; le flux superficiel ne varie pas ou
paramètres hémodynamiques sont effondrés à ce stade et ne sont peut augmenter, ce qui témoigne d’une disparition du réflexe
plus discriminatifs. Les valeurs habituellement citées sont : veinoartériolaire lors de la verticalisation.
normale > 50 mmHg, sévère < 30 mmHg (avec discussion d’une De fait, les explorations de la microcirculation des membres
revascularisation) ; dès qu’elle est < 10 mmHg, il s’agit d’une inférieurs chez le diabétique artériopathe doivent encore être
ischémie critique dont le pronostic est sévère à court terme. S’il considérées comme appartenant à la recherche clinique.
existe une infection, il convient de répéter la mesure après
disparition de l’infection car les valeurs sont faussées. Des tests de Infection
stimulation peuvent être utilisés tels que la verticalisation du
membre inférieur [4]. L’infection est rarement un facteur causal dans l’apparition des
La valeur prédictive de la TcPO2 quant au pronostic d’une ischémie lésions. Elle joue en revanche un rôle aggravant, favorisé par la
permanente du pied chez le diabétique a été étudiée [1]. Lorsque la brèche cutanée et le déséquilibre glycémique qui provoque des
TcPO2 est ≥ 30 mm Hg, le traitement médical, les soins locaux et si altérations de la fonction leucocytaire et de l’immunité cellulaire [20].
nécessaire une amputation mineure assurent de bons résultats dans Son caractère torpide puis rapidement extensif explique à la fois le
plus de 80 % des cas. Lorsque la valeur de la TcPO2 est < 30 caractère tardif du diagnostic et la gravité des lésions. La
mmHg, la revascularisation est discutée avec amélioration dans surinfection est ainsi à l’origine de la plupart des hospitalisations.
plus de 80 % des cas. Le risque de survenue d’ulcères chez le Sur le plan bactériologique, la flore est souvent polymicrobienne
diabétique défini par l’étude de la neuropathie et de la où l’on retrouve de façon plus fréquente le staphylocoque doré, les
macroangiopathie est corrélé au test du monofilament d’une part, bacilles à Gram négatif, et les germes anaérobies [39]. Le type de
et à la TcPO2 < 30 mmHg d’autre part [41]. germe dépend de la profondeur de la plaie, de l’extension de la
cellulite et son identification impose un prélèvement de qualité par
L’artériographie doit avoir pour but d’étudier les possibilités de
curetage du fond de l’ulcère, la ponction à l’aiguille d’une
revascularisation, en montrant les zones d’intérêt avec, en
collection purulente ou la biopsie osseuse qui reste le prélèvement
particulier, la fémorale profonde et la distalité jusqu’aux orteils.
de référence [59].
Les particularités des lésions artérielles détectées à l’artériographie
chez le diabétique sont : OSTÉITE
– occlusions multisegmentaires ; Si le diagnostic d’une ostéite est primordial pour la prise en charge
– atteinte de la collatéralité ; ultérieure de la plaie, il reste encore difficile. Il est communément
– fémorale profonde fréquemment atteinte, multisténosée ; posé sur la découverte d’un contact osseux à l’examen clinique en
raison des limites de la radiographie standard [23]. Si certains
– oblitération des artères de jambe, puis des artères du pied ;
examens isotopiques spécialisés ont une bonne sensibilité dans le
l’artère péronière est celle qui reste le plus longtemps perméable.
dépistage de l’ostéomyélite, l’imagerie par résonance magnétique
En raison du risque rénal chez le diabétique, l’artériographie doit (IRM) nucléaire semble être un progrès dans le diagnostic
être précédée d’une réhydratation et d’une alcalinisation. Il topographique et l’extension de l’infection [14, 50].
convient d’éviter une chirurgie vasculaire majeure immédiatement
après l’artériographie. La technique d’angiographie numérisée ou
bien l’occlusion par ballonnet permet de diminuer la quantité
Axes thérapeutiques
d’iode injectée. Chez les malades présentant une insuffisance TRAITEMENT LOCAL
rénale, l’angio-IRM et le doppler couleur devront trouver leur
Les soins locaux doivent suivre les étapes physiologiques de la
place.
cicatrisation (détersion, bourgeonnement, épidermisation). Lors de
Lorsque l’opacification des artères du pied n’est pas convenable, la phase initiale de détersion, le débridement joue un rôle essentiel.
l’audition d’un signal doppler au niveau d’une artère distale doit Il consiste à réaliser un parage de la plaie, en éliminant
faire insister quant à l’obtention d’une meilleure image. l’hyperkératose et les tissus remaniés, à drainer les collections
liquidiennes et les pertuis [49]. En général réalisable au lit du malade
ÉTUDE DE LA MICROCIRCULATION ou en consultation, il peut être chirurgical si l’atteinte tissulaire est
trop extensive. Les étapes ultérieures visent à maintenir les plaies
Lors de la pratique clinique, les tests utilisés sont la mesure de la
propres et humides par l’utilisation d’antiseptiques incolores ou
TcPO2 et la mesure du flux superficiel par débimétrie doppler laser.
de sérum physiologique privilégié par certaines équipes devant le
L’enregistrement simultané de ces deux paramètres a été pratiqué risque cytotoxique des antiseptiques [38]. Dans tous les cas, une
au niveau des pieds des diabétiques présentant des troubles hygiène parfaite s’impose [56], rendant indispensable la participation
neurotrophiques plantaires [7]. Après une ischémie provoquée, le active du patient et le plus souvent l’aide d’une infirmière. La
débit superficiel augmente alors que la TcPO2 diminue ; ceci peut protection de la plaie fait appel à des compresses absorbantes non
correspondre à une dérivation du débit nutritionnel vers les adhérentes ou aux pansements gras. Les pansements adhésifs sont
anastomoses artérioveineuses ; la neuropathie supprime la proscrits en cas d’ischémie, devant l’extrême fragilité cutanée et le
vasoconstriction des anastomoses et peut être responsable d’une risque de lésions iatrogènes, pour privilégier les bandes extensibles.
hyperémie (microcirculatoire superficielle) avec hypoxie (par vol La surveillance rapprochée de la plaie impose un changement de
anastomotique). Cette hypoxie réactionnelle à l’ischémie peut pansement quotidien.
favoriser l’apparition de troubles trophiques.
Le réflexe d’adaptation vasculaire lors de la verticalisation des ANTIBIOTHÉRAPIE
membres inférieurs est caractérisé par une diminution du flux L’atteinte polymicrobienne impose une antibiothérapie à large
superficiel et de la TcPO2 au niveau de l’avant-pied. Il n’en est pas spectre couvrant les anaérobies. Puis son adaptation tient compte
de même pour certains cas d’artériopathie [9] ; il existe une du type de germe identifié, de l’antibiogramme, de la sévérité de

3
19-0550 Le pied diabétique Angéiologie

l’infection et du grade de la plaie [ 5 4 ] . Les antibiotiques PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE SPÉCIFIQUE


néphrotoxiques doivent être évités en raison du risque rénal. Les DE L’ARTÉRIOPATHIE
schémas les plus courants associent, en fonction de la sévérité de
l’infection, l’amoxicilline - acide clavulanique, les fluoroquinolones ¶ Notions générales
et la clindamycine [29]. La durée du traitement ne doit pas être
L’amputation est la hantise du diabétique et de son médecin. Parmi
inférieure à 10 jours pour atteindre plusieurs mois en cas d’ostéite.
les diabétiques amputés, 30 à 50 % d’entre eux développent un
Dans cette situation, aucun consensus n’est établi et la décision
trouble trophique controlatéral durant les années qui suivent. Il
d’arrêt ou de poursuite du traitement peut être orientée par les
faut envisager de réduire les amputations majeures de 50 %.
paramètres cliniques (aspect et évolution de la plaie, signes
inflammatoires locaux et régionaux), les paramètres biologiques Parmi les diabétiques présentant une gangrène, 40 % d’entre eux
( C reactive protein , CRP), vitesse de sédimentation, (VS) et conservent un pouls poplité palpable ; malgré la présence d’une
radiologiques [ 5 9 ] . Face au coût élevé des explorations artériopathie distale, les artères du pied peuvent être
(scintigraphie, IRM), certains auteurs préconisent d’emblée un fonctionnelles. Les lésions microcirculatoires sont actuellement
protocole thérapeutique comprenant une antibiothérapie adaptée considérées comme étant consécutives à la macroangiopathie et
au germe pendant 10 semaines, associée à un débridement doivent encourager à revasculariser ; jusqu’aux années 1980, la
chirurgical préalable [15]. présence d’une atteinte microcirculatoire distale réfutait une
proposition de revascularisation [21].
PLACE DE LA CHIRURGIE CONSERVATRICE La forte prévalence et la gravité de l’atteinte coronarienne chez le
diabétique justifient un bilan cardiologique avant toute chirurgie
Autrefois limité aux gestes de débridement large et d’amputation, vasculaire.
le rôle de la chirurgie conservatrice est croissant. Outre les gestes
de revascularisation artérielle, les principaux progrès ont eu lieu ¶ Moyens thérapeutiques
dans la lutte contre l’infection (débridement) et dans le traitement
de l’ostéite et de l’ostéoarthrite pour devenir une alternative aux Techniques de revascularisation
amputations classiques. Les gestes réalisés doivent limiter les
déformations, conserver au maximum l’anatomie interne ou – Dans le cas de lésions aorto-iliaques. Ces lésions sont davantage
externe du pied et réduire les récidives lésionnelles. En prévention observées chez le diabétique tabagique. Elles doivent être corrigées
primaire, la chirurgie permet de supprimer les déformations à avant qu’un geste éventuel ne soit pratiqué en aval. L’angioplastie
risque (orteils en griffe, hallux valgus, protrusion des têtes transluminale par ballonnet est envisagée en premier, même si les
métatarsiennes) [25]. Ce type de chirurgie n’a pas lieu d’être réalisé calcifications rendent ce geste plus délicat. Le pontage ou
en urgence à l’exception de la gangrène gazeuse. L’anesthésie l’endartériectomie sont discutés secondairement.
locale ou locorégionale limite les complications et réduit la
mortalité périopératoire [30]. – Dans le cas de lésions fémorales, poplitées, distales. Le pontage
par veine saphène, sinon par prothèse, est envisagé dans le cas
d’ulcères ischémiques. Le traitement de la nécrose est effectué
APPAREILLAGE
ensuite sauf en cas de surinfection, dans ce cas, le débridement de
L’appareillage a pour objectifs la protection de la plaie et la la plaie doit précéder le pontage, en associant une antibiothérapie.
suppression des appuis pathologiques tout en autorisant une prise – Résultats des pontages distaux. Ils sont anastomosés au niveau
en charge en ambulatoire des patients. Les chaussures de décharge de l’artère pédieuse ou à la distalité de la tibiale postérieure dans
limitées au talon ou à l’avant-pied sont assez largement utilisées à plus de 25 % des cas. Une étude portant sur 150 pontages de la
la phase initiale, relayées par des orthèses plantaires. La principale pédieuse avec un suivi moyen de 18 mois [21] retrouve un taux de
limite d’utilisation est liée à la mauvaise compliance des patients ; survie de 79 %, un sauvetage du membre de 92 % et une
ainsi, dans une étude anglaise récente, seuls 20 % des patients perméabilité du pontage de 87 %. La mortalité à 30 jours est de
appareillés portaient régulièrement leurs chaussures [34]. Si le plâtre 2,6 % grâce à une prise en charge multidisciplinaire. Les résultats
de décharge est très efficace, il impose une bonne maîtrise dans sa sont moins favorables chez le sujet jeune. Des lambeaux
réalisation et une surveillance stricte, car il peut être source de musculaires d’assistance vasculaire peuvent être mis en place dans
lésions iatrogènes [10, 42]. Dans tous les cas, la collaboration active le cas d’atteinte artérielle isolée du pied [13].
du patient est indispensable pour une efficacité optimale de
l’appareillage. Amputation
L’ischémie isolée n’est responsable que de moins de 5 % des
SUBSTITUTS DE GREFFE
amputations [46]. Le risque d’amputation est plus important chez
Basés sur l’utilisation de facteurs de croissance [27, 33] ou de culture l’insuffisant rénal hémodialysé.
cellulaire (fibroblastes), ces substituts de greffe stimulent la Dans tous les cas, si cela est possible, une amputation fonctionnelle
cicatrisation par une action purement locale. Certains de ces doit être préférée, permettant de conserver un appui talonnier.
produits ont fait la preuve de leur efficacité sur la capacité et la L’amputation transarticulaire permet de réduire le risque d’ostéite
vitesse de cicatrisation et permettent de réduire le nombre des par rapport à l’amputation transosseuse. Les amputations majeures
amputations et le taux de récidives. sont associées à un taux de survie de 50 % à 1 an chez le
diabétique.
CONTRÔLE MÉTABOLIQUE
Sympathectomie
L’obtention d’un contrôle strict de la glycémie a pour but
d’améliorer les défenses immunitaires [ 2 0 ] . Il impose une Elle ne repose sur aucune logique chez le diabétique du fait de
intensification du traitement et de la prise en charge l’existence d’une atteinte du système nerveux autonome et oblige
diabétologiques (insulinothérapie transitoire, pompe à insuline, à être très critique quant à l’intérêt de la sympathectomie chez le
autosurveillance glycémique). diabétique artériopathe [26].

4
Angéiologie Le pied diabétique 19-0550

Oxygénation hyperbare
Tableau I. – Estimation de la gravité des lésions du pied
L’oxygène hyperbare est un appoint au traitement médical et diabétique [57].
chirurgical avec des effets bénéfiques dans des cas sélectionnés.
Grade 0 Pas de lésion ouverte, mais présence possible d’une déformation osseuse
L’action se manifeste au niveau de la prolifération des fibroblastes, ou d’hyperkératose
de la stimulation de l’angiogenèse, du dépôt de collagène, de la
Grade 1 Ulcère superficiel sans pénétration dans les tissus profonds
diminution des globules blancs, de l’épithélialisation, favorisant
ainsi la cicatrisation [12]. Grade 2 Extension profonde vers le tendon ou l’os, les articulations

La pression d’oxygène idéale pour bien cicatriser n’est pas Grade 3 Tendinite, ostéomyélite, abcès ou cellulite profonde
déterminée [6] . Cependant, la TcPO 2 ≥ 40 mmHg est la plus Grade 4 Gangrène d’un orteil. Gangrène massive ou de l’avant-pied le plus
généralement utilisée et la cartographie de la TcPO2 reste la souvent associée à une infection plantaire

meilleure méthode d’évaluation de l’hypoxie tissulaire et de ses Grade 5 Gangrène massive du pied associée à des lésions nécrotiques et à une
possibilités de correction par l’oxygénothérapie hyperbare. infection des tissus mous

L’oxygénothérapie hyperbare n’est qu’une thérapie intermittente


et ne représente qu’une partie du traitement. Il convient encore de Le grade de la plaie, le niveau d’ischémie, l’infection sont les
mieux préciser les critères de sélection des patients, les protocoles principaux paramètres qui entrent dans l’arbre décisionnel pour
thérapeutiques, le bénéfice thérapeutique réel. définir les choix et l’ordre chronologique des axes thérapeutiques
et la nécessité d’une hospitalisation (revascularisation, chirurgie
Autres procédés conservatrice ou traitement médical).
Les traitements vasoactifs indiqués pour la claudication artérielle
ORGANISATION DE LA PRISE EN CHARGE DES PLAIES
intermittente n’ont pas démontré d’efficacité dans le cas de troubles
trophiques ischémiques. La stimulation médullaire peut être Cette organisation, basée sur la mise en place de structures
envisagée dans le cas de troubles trophiques ischémiques algiques, spécialisées multidisciplinaires, permet par une harmonisation et
à la condition qu’ils ne soient pas surinfectés [4]. une coordination des soins, d’obtenir une réduction de l’incidence
des amputations lourdes [35]. Ces structures font appel à des
¶ Conduite à tenir compétences multiples et complémentaires, représentées par des
médecins (diabétologues, angiologues, radiologues), des
La conduite à tenir devant une lésion ischémique est ainsi orientée
chirurgiens (vasculaires, orthopédistes, plasticiens), des infirmières,
en fonction de l’état clinique (ischémie et infection) et de la
des pédicures podologues et des podo-orthésistes. La collaboration
TcPO2 [1].
étroite avec les médecins traitants et les infirmières libérales
– TcPO2 avant-pied ≥ 30 mmHg avec ou sans présence des pouls conditionne la qualité du suivi ambulatoire et la prise en charge
distaux : précoce des lésions qui doivent toujours être considérées comme
une urgence médicale. Cette organisation permet de réduire le
– soins locaux en ambulatoire ;
nombre, la durée et le coût des hospitalisations.
– parage de la plaie ou ;
– amputation mineure du pied (amputation en aval de
l’articulation de la cheville, au niveau du pied). Prévention
– TcPO2 avant-pied < 30 mm Hg ou traitement conservateur, sans Étape essentielle dans la réduction du nombre des amputations, la
résultat depuis 4 à 6 semaines : prévention est axée sur le dépistage des patients à risque lésionnel
– artériographie ; et leur formation aux mesures de prévention et d’hygiène. Les
patients à haut risque sont définis par la présence :
– discussion de revascularisation.
– TcPO2 < 30 mmHg avec œdème ou cellulite du pied : renouveler – d’antécédents d’ulcérations ou de chirurgie du pied ;
le test TcPO2 après régression de ce tableau clinique avant de – d’une neuropathie authentifiée en dehors des signes habituels
pratiquer une artériographie. par le monofilament pour la sensibilité tactile [32] et le diapason
– Si gangrène calcanéenne ou ulcère non cicatrisé : gradué ou le biothésomètre pour la sensibilité vibratoire [47] ;
– exiger un seuil de TcPO2 à 40 mm Hg ; – d’une artériopathie des membres inférieurs ;
– ou bien TcPO 2 sélective de l’avant-pied et de la partie – de déformations qu’elles soient constitutionnelles ou acquises,
postérieure ; dépistées lors d’un examen podologique. Les autres facteurs de
– artériographie après 4 à 6 semaines d’échec du traitement risque sont l’existence d’une microangiopathie, l’âge avancé,
conservateur l’ancienneté et l’équilibre du diabète, une hygiène insuffisante et
une absence d’implication du patient vis-à-vis de sa maladie [37, 47].
Chez les patients à haut risque, le dépistage des ulcérations passe
STRATÉGIE DE PRISE EN CHARGE
par un examen systématique des pieds lors de chaque consultation
La prise en charge impose un bilan initial pour définir le type de par le médecin ou quotidiennement par le malade et son
lésions, évaluer le pronostic de cicatrisation et orienter l’attitude entourage. Il sera suivi de la mise en place de mesures préventives
thérapeutique. Il s’appuie sur l’analyse clinique et paraclinique individuelles adaptées à chaque patient (soins de pédicurie,
pour obtenir un diagnostic de gravité sur la base de la classification appareillage...) [58].
de Wagner qui est la plus communément utilisée (tableau I). À ce niveau, l’éducation et surtout la formation du patient sont
Ce bilan doit rapidement évaluer l’état vasculaire et le degré primordiales grâce à l’acquisition de gestes ou d’attitudes de
d’ischémie et rechercher une infection profonde, en particulier une protection des pieds et à la reconnaissance de situations à risque
ostéite. Il intègre une évaluation du diabète (contrôle métabolique (chaussures neuves, soins de pédicurie,...) [16]. Le suivi régulier et
et retentissement). le renforcement de l’éducation des patients incombent en grande

5
19-0550 Le pied diabétique Angéiologie

partie aux structures spécialisées, mais aussi à l’ensemble des handicap). L’organisation des soins basée sur une approche
professionnels de santé intervenant dans le cadre du suivi [47]. multidisciplinaire au sein de centres spécialisés a fait la preuve de
son efficacité. Le dépistage précoce des lésions et leur prise en charge
en urgence permettent une amélioration du pronostic. Mais ce
résultat implique une sensibilisation des patients et des
Conclusion professionnels de santé à la notion de risque lésionnel, qui impose
des mesures de prévention spécifiques et un programme de suivi à
La gravité du pied diabétique est liée à la fréquence des amputations long terme. La formation du patient et l’examen systématique des
et des conséquences qui en découlent (hospitalisations prolongées, pieds permettent de répondre à cet objectif.

Références
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6
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0650

19-0650

Stratégie de prise en charge


des accidents ischémiques cérébraux
A Elbaz
P Amarenco

Résumé.– Les accidents ischémiques cérébraux (AIC) représentent une cause importante de morbidité,
de mortalité et de handicap et sont à l’origine d’un coût socioéconomique important. Or cette pathologie
souffre encore d’une considérable méconnaissance et d’une attitude souvent fataliste de la part de
l’ensemble des métiers de santé. Les progrès importants, en particulier thérapeutiques, réalisés dans ce
domaine doivent nous conduire à adopter une stratégie globale efficace et résolument active que nous
résumerons en trois points. Éducation et information à l’échelle du grand public et des métiers de santé,
afin de permettre une reconnaissance rapide des AIC, préalable indispensable aux étapes suivantes :
prise en charge spécialisée urgente afin d’obtenir une fiabilité diagnostique satisfaisante, de réaliser les
examens indispensables avant la mise en route du traitement adapté à leurs résultats, et de permettre la
prise en charge par une équipe multidisciplinaire expérimentée ; traitement et prévention secondaire en
fonction des résultats des nombreux essais thérapeutiques randomisés publiés. Il est probable que les
modalités du traitement curatif des AIC évoluent considérablement dans les années à venir avec
l’avènement de la thrombolyse. De nombreux arguments permettent d’espérer que ces
recommandations aboutiront à une réduction de la morbidité et de la mortalité associées aux AIC, et par
conséquent du coût socioéconomique de cette pathologie.
© Elsevier, Paris.

Introduction Compte tenu de l’étendue du sujet, l’objet de cet exposé sera de tracer
les grandes lignes d’une conduite générale face aux AVC de nature
Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) représentent la deuxième ischémique (AIC).
cause de mortalité dans le monde, après les affections cardiaques [19].
En France le nombre de décès par AVC est évalué à 50 000/an [6]. Aux
États-Unis, en 1991, 500 000 personnes ont eu un AVC ; dans 80 % Éducation et reconnaissance des AVC
des cas, il s’agissait d’un accident ischémique cérébral (AIC) [1]. Bien
que la mortalité par AVC soit en diminution dans de nombreux pays,
Les AVC sont définis par l’« installation d’un déficit neurologique
les AVC représentent toujours une cause importante de morbidité, et
d’origine vasculaire présumé » [6]. Lorsque le déficit est en rapport
de handicap secondaire, moteur, cognitif et/ou psychologique. Si en
avec l’occlusion transitoire ou prolongée d’un vaisseau, on parle
termes de pathologie cardiovasculaire au sens large, il est maintenant
d’AIC. Le diagnostic d’AVC reste un diagnostic de présomption
prouvé que les mesures de prévention primaire représentent une étape
jusqu’à la réalisation des examens d’imagerie cérébrale. Toutefois, le
essentielle permettant d’obtenir des bénéfices considérables, la prise en
caractère brutal du mode d’installation doit faire évoquer, en premier
charge des AVC et la prévention secondaire ont été longtemps négligées
lieu et avant toute autre étiologie, le diagnostic d’AVC. L’existence
du fait d’un certain fatalisme [5] . Les progrès diagnostiques et
de certains syndromes bien définis sémiologiquement et de
thérapeutiques récents, l’amélioration de la compréhension des
caractéristiques, dont l’identification nécessite souvent un certain
différents facteurs de risque et des mécanismes pouvant favoriser la
degré d’expérience, fournit des arguments supplémentaires, mais en
survenue d’un AVC, doivent conduire, de nos jours, à la définition et
aucun cas formel.
la mise en place d’une stratégie globale de prise en charge des AVC,
intégrant les résultats les plus récents, en particulier ceux des essais La reconnaissance de l’accident doit être rapide afin de permettre
thérapeutiques randomisés. L’American heart association (AHA) [1] et d’instaurer les mesures urgentes adéquates ; elle implique un effort
le groupe européen de consensus ad hoc [11] ont récemment proposé des d’éducation et de formation qui doit se faire à deux niveaux
recommandations pour les grandes lignes de cette stratégie ; elles complémentaires.
peuvent être résumées en trois points : éducation, prise en charge,
traitement et prévention. Il est probable que le développement de À L’ÉCHELLE DU GRAND PUBLIC
nouvelles thérapeutiques, au premier rang desquelles se trouve la
La prise en charge efficace d’un AIC implique que celui-ci soit
thrombolyse dont les indications sont actuellement en cours
identifié et signalé rapidement, et probablement dans le plus bref
d’évaluation, contribueront à modifier considérablement le panorama
délai possible dans un avenir proche (condition indispensable à la
dans les années à venir [3, 21].
thrombolyse), par le patient, son entourage ou toute autre personne
présente lors de la survenue de l’accident. Des campagnes
Alexis Elbaz : Neurologue, Inserm unité 360, hôpital de la Salpêtrière, 75651 Paris cedex 13, France.
d’information devraient permettre de divulguer des messages
© Elsevier, Paris

Pierre Amarenco : Professeur des Universités, praticien hospitalier, service de neurologie, hôpital
Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré, 75475 Paris cedex 10, France. basiques tels les suivants : « Qu’est-ce qu’un AVC ? Quand le

Toute référence à cet article doit porter la mention : A Elbaz et P Amarenco. Stratégie de prise en charge des accidents ischémiques cérébraux. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0650, 1997, 4 p.
19-0650 Stratégie de prise en charge des accidents ischémiques cérébraux Angéiologie

suspecter ? Qui avertir même en cas de symptômes transitoires ? n’apparaîtra que plus tardivement et pourra être mise en évidence
Pourquoi une prise en charge urgente ? » [11]. Les bénéfices de telles par la réalisation d’un deuxième scanner non injecté de surveillance
campagnes ont été étudiés [2]. dans un délai de 48 à 72 heures. Le scanner permet également
d’éliminer une autre cause de déficit neurologique, en particulier une
À L’ÉCHELLE DES MÉTIERS DE SANTÉ tumeur cérébrale.
Les mêmes messages doivent être divulgués parmi les différents La réalisation d’un scanner cérébral sans injection est impérative
métiers de santé (corps médical et paramédical). Les professionnels avant la mise en route de tout traitement : il s’agit d’un dogme, qui
pouvant être confrontés à la prise en charge de patients présentant aujourd’hui, plus que jamais, à l’époque de l’introduction de
un AVC doivent être capables d’en reconnaître les signes majeurs et nouvelles molécules agressives, ne doit en aucun cas être oublié.
de réaliser rapidement une évaluation de base. Dans un contexte
idéal, cette évaluation et les premiers gestes pourraient être faits ¶ Électrocardiogramme
tandis que le patient est transporté au centre hospitalier, qui pourra Systématique, il permet d’identifier un trouble du rythme cardiaque ;
d’ailleurs être averti de l’arrivée du patient, afin de programmer les il est important de savoir le répéter, ou de le remplacer par une
examens nécessaires et de réunir le personnel spécialisé si possible [1]. surveillance cardioscopique continue, car il peut s’agir d’un trouble
du rythme paroxystique. Il peut également montrer des signes en
faveur d’un d’infarctus du myocarde (IDM) ancien ou en évolution,
Prise en charge d’un patient d’insuffisance cardiaque ou de certaines cardiopathies. La
présentant un accident radiographie thoracique permet également d’obtenir des
renseignements importants.
ischémique cérébral
¶ Échodoppler des vaisseaux du cou
Tout patient présentant un tableau compatible avec le diagnostic et doppler transcrânien
d’AVC doit être adressé en urgence en milieu hospitalier équipé d’un
plateau technique adéquat. Également systématique, il apporte dans de nombreux cas des
renseignements intéressants quant au mécanisme impliqué
UNITÉS CÉRÉBROVASCULAIRES (athérome, mise en évidence d’une occlusion intracrânienne,
dissection) et aux perturbations hémodynamiques résultantes. De
La prise en charge des patients présentant un AVC dans des plus, ses résultats pouvant avoir des conséquences directes sur la
structures spécialisées cérébrovasculaires a été spécifiquement prise en charge thérapeutique, il doit pouvoir être réalisé en urgence :
recommandée par l’AHA et le groupe européen de consensus ad il peut objectiver une sténose serrée ou une occlusion artérielle pour
hoc [1, 11] ; elles représentent un environnement idéal pour de lesquelles une baisse de la tension artérielle induite par un traitement
multiples raisons. Elles permettent la réalisation rapide et efficace pourrait aggraver l’accident, il peut orienter vers le diagnostic de
des examens nécessaires grâce à l’infrastructure existante, dissection et justifier la pratique d’une angiographie pour la
l’instauration des thérapeutiques adaptées dans des délais brefs, la confirmer.
surveillance des patients dans une structure de type soins intensifs,
l’orientation rapide vers des services de neurochirurgie ou des
¶ Échographie cardiaque
services de chirurgie vasculaire lorsqu’elle est nécessaire. De plus,
grâce à la présence de neurologues expérimentés, elles permettent Elle ne doit pas être systématique. L’existence d’un trouble du
d’aboutir à une plus grande fiabilité diagnostique ; la présence de rythme paroxystique, d’une anomalie à l’auscultation cardiaque
personnel paramédical spécialisé (infirmières, kinésithérapeutes, (souffle valvulaire), ou un antécédent d’IDM récent faisant suspecter
orthophonistes, psychologues, assistantes sociales) est un atout un thrombus intracardiaque, ainsi que la suspicion d’endocardite
considérable de ce type de structure. Une étude récente a montré infectieuse ou la survenue d’AIC récidivants, doivent conduire à la
que la mortalité à 4 mois après l’accident était réduite de 28 % chez réalisation de l’échographie cardiaque en urgence. La voie
les patients ayant été hospitalisés en unité cérébrovasculaire par transœsophagienne permet la visualisation de l’oreillette et de
rapport aux patients hospitalisés en service médical non l’auricule gauches, du septum interauriculaire et de l’aorte
spécialisé [17]. De même, elles permettent d’obtenir une réduction du ascendante avec une plus grande sensibilité que la voie
temps d’hospitalisation et de la sévérité du handicap à moyen transthoracique. Dans les cas où l’examen cardiologique et
terme [22], d’où des conséquences importantes en termes de coût [4, 8]. l’électrocardiogramme sont normaux, l’échocardiographie doit être
Lorsque le patient peut être adressé dans ce type de structure, cette discutée au cas par cas, et ne doit être faite systématiquement que
solution doit être envisagée en priorité. Malheureusement, en France dans le cadre de protocoles de recherche, car les conséquences
et en Europe, le nombre de ces unités reste encore trop limité, et leur thérapeutiques des anomalies éventuellement dépistées ne sont
développement doit être favorisé ; une solution alternative est actuellement pas définies.
d’adresser ces patients à des équipes neurologiques spécialisées [11].
¶ Biologie
EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
Un bilan biologique de base incluant numération formule sanguine
Un certain nombre d’examens sont indispensables et doivent être (NFS), plaquettes, vitesse de sédimentation (VS), hémostase,
réalisés le plus rapidement possible car la prise en charge ultérieure permettra de dépister une hémopathie ou un état
dépend étroitement de leurs résultats [1, 11]. Leur objectif est de : d’hypercoagulabilité ayant pu favoriser l’accident. Il faudra toujours
penser à chercher une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD)
– reconnaître la nature ischémique et non hémorragique de
en cas de cancer connu.
l’accident ;
– de rechercher des facteurs étiologiques ; ¶ Autres examens
– d’éliminer d’autres cause de déficit neurologique. Ils sont à discuter au cas par cas.

¶ Scanner cérébral : éliminer une hémorragie Imagerie par résonance magnétique (IRM)
avant tout traitement
Elle peut objectiver des accidents de petite taille et explorer le
Le scanner cérébral sans injection est l’examen clé. Il permet territoire vertébrobasilaire ; elles est également intéressante dans le
d’éliminer, avant tout, un accident hémorragique. En cas d’AIC, le diagnostic des dissections artérielles. Il est malheureusement
scanner sera le plus souvent normal dans les premières heures ; exceptionnel que cet examen soit réalisé en première intention. On
l’hypodensité parenchymateuse dans le territoire artériel ischémié, peut prévoir que, dans quelques années, l’examen de première

2
Angéiologie Stratégie de prise en charge des accidents ischémiques cérébraux 19-0650

thérapeutique dans le domaine du traitement de l’infarctus cérébral


1 Sténose athéroscléreuse de l’origine à la phase aiguë et porte un formidable espoir. On peut prévoir
de la carotide interne, mise en évidence par cependant que ce traitement ne sera pas facilement généralisable, en
l’angiographie par résonance magnétique
raison d’indications thérapeutiques particulièrement délicates à
(ARM).
poser, et sera réservé à des centres de neurologie vasculaire
spécialisés comme le recommande l’AHA. D’autre part, la prise en
charge médicale non spécifique a pour objectif de prévenir ou de
traiter les complications de AIC : pneumopathies ou encombrement
bronchique pour lesquels la kinésithérapie et l’aspiration bronchique
peuvent être nécessaires, comitialité, complications ostéoarticulaires
et escarres prévenues par la mobilisation, complications
métaboliques, infections urinaires, etc.
Le traitement spécifique des AIC doit être discuté, au cas par cas, en
fonction de divers paramètres :
– terrain de survenue (âge, facteurs de risque vasculaires, en
particulier hypertension artérielle [HTA]) ;
– mécanisme suspecté (athérome, cardiopathie emboligène,
dissection, vascularite, etc) ;
– profil évolutif (accident ischémique ou constitué, répétition
rapprochée d’accidents transitoires) ;
– étendue de l’accident (accident limité ou étendu) ;
– délai entre le début de l’accident et le début du traitement.
intention face aux AIC, aux urgences, ne sera plus le scanner mais Les résultats des essais thérapeutiques randomisés permettent de
l’IRM de diffusion et de perfusion. Elle peut être facilement mieux définir les indications respectives des différents traitements à
complétée par l’angiographie par résonance magnétique (ARM) notre disposition. Si ces traitements sont d’efficacité démontrée sous
(fig 1) qui donne désormais une évaluation non invasive certaines conditions, ils peuvent également être dangereux lorsqu’ils
remarquable de la circulation extra- et intracrânienne incluant le sont utilisés de manière non adaptée, donnant lieu à des hémorragies
polygone de Willis, les artères sylviennes, cérébrales postérieures et massives et accroissant considérablement le nombre de décès.
le tronc basilaire. En raison de ces remarques, il apparaît que les conditions
indispensables à une prise en charge thérapeutique correcte des AIC
Angiographie cérébrale par résonance magnétique
sont :
Elle sera non invasive (fig 1) chaque fois que possible, ou invasive
(conventionnelle) lorsque l’ARM n’apporte pas toutes les – d’une part, la classification étiologique facilitée par le
informations nécessaires au traitement du patient. L’indication de développement d’outils diagnostiques ;
cet examen doit être large chez le sujet jeune. En dehors de ce cas, – d’autre part, la prise en charge de ces patients dans des structures
elle peut être discutée en cas de sténose athéroscléreuse dépistée par spécialisées par des équipes expérimentées.
l’examen ultrasonore des vaisseaux du cou et pouvant bénéficier Ces préalables seront d’autant plus stricts à l’avenir, que des
d’un geste chirurgical (c’est-à-dire pour les sténoses supérieures à molécules nouvelles d’utilisation plus complexe (thrombolytiques)
70), ou également devant des accidents transitoires répétés pouvant seront prochainement disponibles.
faire suspecter une thrombose en cours de constitution.
Le détail des résultats des essais thérapeutiques dépasse l’objet de
L’angiographie est également indiquée lorsque l’on suspecte le
cet exposé, et le lecteur souhaitant avoir de plus amples informations
diagnostic de dissection.
pourra se référer aux références suivantes [1, 3, 11, 18, 21].
Ponction lombaire Un certain nombre de traitements ne doivent pas être utilisés en
raison de leur inefficacité, de leur effet non démontré, voire de leurs
Son intérêt est pour le diagnostic différentiel, notamment chez le effets négatifs ; nous citerons : corticostéroïdes, gangliosides,
sujet jeune. antagonistes calciques par voie veineuse, glycérol.
Électroencéphalogramme
PRÉVENTION SECONDAIRE
Cet examen est nécessaire en cas de comitialité secondaire à l’AIC.
L’objectif de la prévention secondaire est de diminuer le risque de
Débit sanguin cérébral récidive d’AIC. Il s’agit d’une étape capitale, dont l’impact
(évaluation de l’hémodynamique cérébrale) socioéconomique est majeur, et pourtant encore bien souvent
négligée. De nombreux essais thérapeutiques randomisés ont permis
Cet examen perd de son intérêt avec l’avènement de l’évaluation de de mieux en préciser les moyens. Ici encore, les mesures de
l’hémodynamique par le doppler transcrânien, et de façon prévention sont fonction de la nature de l’accident ; compte tenu de
imminente, par l’imagerie de perfusion couplée à la diffusion. l’étendue du sujet, nous ne ferons qu’en tracer les grandes lignes
concernant les AIC liés à l’athérosclérose (AICLA), les AIC d’origine
cardiaque et les lacunes.
Traitement
¶ Prévention secondaire des AICLA
À LA PHASE AIGUË
Traitement des facteurs de risque
Son objectif est double. D’une part le traitement spécifique a pour
objectif de limiter l’étendue des lésions neuronales en luttant contre Ce sont essentiellement : HTA, diabète, tabac, hypercholestérolémie.
l’occlusion vasculaire. Les thérapeutiques curatives à la phase aiguë
Traitement antiagrégant plaquettaire
restent actuellement peu nombreuses, mais leurs indications sont
maintenant mieux définies et le développement de la thrombolyse Ils ont fait la preuve de leur efficacité. Quatre molécules principales
ouvre des perspectives encourageantes [3, 21] . La thrombolyse, sont actuellement disponibles. L’aspirine est la plus largement
traitement encore expérimental, est la première grande avancée prescrite, réduisant le risque d’AVC, d’IDM ou de mort vasculaire

3
19-0650 Stratégie de prise en charge des accidents ischémiques cérébraux Angéiologie

de 25 %. La dose à utiliser (variant de 30 mg, dose non disponible en emboligène responsable d’AIC, en l’absence de contre-indication.
France, à plus de 1 g) est encore l’objet de discussions [15], mais il L’indication est formelle dans le cas de la fibrillation auriculaire
semble qu’une dose intermédiaire (300 mg), mieux tolérée sur le plan secondaire à une valvulopathie [7]. Dans le cas de la fibrillation
gastrique que les doses plus importantes, ait de nombreux auriculaire idiopathique, la prescription d’un traitement par AVK,
partisans [7], sans qu’il n’y ait de véritable consensus. Une étude a longtemps controversée, semble maintenant justifiée en cas
démontré une efficacité supérieure de la ticlopidine par rapport au d’antécédent d’AIC, du fait d’un risque important de récidive, et
placebo [14], avec une réduction d’AVC, d’IDM et de mort vasculaire cela d’autant plus qu’il existe d’autres facteurs de risque de
de 30 % ; le risque de neutropénie, parfois très sévère, conduit de récidive (facteurs de risque vasculaires, insuffisance cardiaque,
nombreux auteurs à ne l’utiliser qu’en deuxième intention après âge) [23]. L’anticoagulation doit rester modérée (Coumadinet ou
l’aspirine, en cas d’échec, d’effets secondaires ou de contre- Previscant, visant un international normalized ratio [INR] entre 2 et
indication [7]. En tout état de cause, une surveillance de la numération 3). En cas de contre-indication, un traitement antiplaquettaire
formule sanguine tous les 10 jours pendant les 3 premiers mois du représente la solution alternative.
traitement par ticlopidine est absolument nécessaire. La persantine a
également été montrée supérieure au placebo dans une étude [10], ¶ Prévention secondaire des lacunes
avec une réduction du risque d’AVC et de décès de 15 %. La place
du clopidogrel [9], reste à définir. Le principal facteur de risque des lacunes est l’HTA ; leur prévention
repose donc sur le traitement antihypertenseur, auquel est
Chirurgie carotidienne (sténose carotidienne symptomatique) généralement associé un traitement antiagrégant plaquettaire [7](les
grands essais thérapeutiques ayant de toute façon toujours inclus
Deux études, ECST et NASCET [12, 20], ont montré le bénéfice de des lacunes).
l’endartériectomie pour les sténoses carotidiennes évaluées
angiographiquement à plus de 70 %, chez des patients satisfaisant à
des critères bien définis (AIC homolatéral à la sténose, non
invalidant, survenu de 4 à 6 mois avant, en l’absence de cardiopathie Conclusion
emboligène ou de sténose intracrânienne, ou de réduction de
l’espérance de vie à moins de 5 ans), avec une réduction relative de Malgré la fréquence des AIC, leur létalité élevée, la sévérité et la
risque d’environ 50 % lorsque la morbidité postchirurgicale est prise fréquence du handicap qui peut en résulter et la charge
en compte. ECST a montré que la chirurgie n’apporte pas de bénéfice socioéconomique qu’ils représentent, les AIC souffrent encore d’une
pour les sténoses inférieures à 30 % [12]. Concernant les sténoses ignorance importante de la part du public et d’une attitude défaitiste,
modérées (30-69 %), les résultats préliminaires d’ECST ne montrent sceptique, voire nihiliste, de la part des métiers de santé. Ces obstacles
pas de bénéfice statistiquement significatif de la chirurgie [13]. Il est à doivent être surmontés par la divulgation de messages d’information
souligner que ces résultats sont valables uniquement pour les simples, en particulier auprès des sujets à risque cardiovasculaire
patients présentant une sténose carotidienne symptomatique, (antécédents personnels, HTA, etc), de leur entourage, mais aussi à
conformes aux critères d’inclusion relativement stricts appliqués l’échelle de l’ensemble de la population ; les modalités de ces mesures
dans ces études et lorsque l’endartériectomie est réalisée par des doivent être discutées dans le cadre d’une véritable stratégie de Santé
équipes ayant une morbidité postchirurgicale inférieure ou égale à publique qu’il est nécessaire de mettre en place dans les pays
celles des deux études (5 à 6 %). industrialisés. L’éducation est le préalable aux étapes suivantes de cette
stratégie globale (modalités de prise en charge, traitement à la phase
¶ Prévention secondaire des AIC d’origine cardiaque aiguë et prévention secondaire) pour lesquelles des recommandations
peuvent être faites à partir des résultats d’études scientifiques. Ces
– Traitement de la cardiopathie emboligène. mesures, associées à la prévention primaire, devraient permettre
– Traitement anticoagulant : le traitement oral (antivitamine K, d’obtenir des bénéfices directs aussi bien à l’échelle individuelle, qu’au
AVK) est indiqué chez les patients porteurs de cardiopathie niveau de la société dans son ensemble.

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4
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0130

19-0130

Tabagisme et maladies vasculaires


G Lagrue
A Maurel

Résumé.– Le tabagisme, principalement la cigarette, est une des causes majeures de la survenue des
accidents vasculaires. Les mécanismes de cette nocivité sont multiples. Avec l’hypercholestérolémie et
l’hypertension artérielle, il est responsable des lésions d’athérosclérose des gros troncs artériels, dans
toutes leurs localisations. Il exerce également des actions vasoconstrictives, thrombogènes et il peut être
à l’origine de troubles du rythme ventriculaire. L’arrêt du tabac est donc impératif en cas d’accidents
vasculaires de tous les types et de toutes les localisations. Le bénéfice est toujours présent et souvent
rapide, tant en prévention primaire que secondaire. Malgré la présence du risque et la connaissance de
sa gravité, plus de 50 % de ces sujets continuent paradoxalement à fumer ; la raison en est maintenant
connue : le tabagisme est une dépendance qui doit être prise en charge et traitée comme telle.
© Elsevier, Paris.

Introduction
Le rôle du tabac, avant tout de la cigarette, dans la genèse des accidents nicotine
vasculaires d’origine artérielle est très important ; il a été
scientifiquement établi depuis les années 1960. Le tabagisme est un des
trois principaux facteurs de risque vasculaire, en association avec ganglions sympathiques
l’hypertension artérielle (HTA) et les troubles du métabolisme des médullosurrénale
lipides ; au deuxième rang viennent la surcharge pondérale, la
terminaisons sympathiques
sédentarité, les différentes formes de diabète. Lorsque plusieurs de ces
éléments sont présents, ils multiplient leurs effets nocifs.

sécrétion adrénaline-noradrénaline augmentée


Mécanisme de la nocivité vasculaire
de la fumée du tabac
modifications cardiaques :
Tous les constituants de la fumée du tabac jouent un rôle dans la tachycardie
survenue des accidents.
modifications vasculaires :
L’absorption de nicotine est suivie d’une activation du système
hypertension artérielle
sympathique avec augmentation des catécholamines circulantes,
accélération du pouls, augmentation des besoins en oxygène, vasoconstriction périphérique
vasoconstriction périphérique et risque de troubles du rythme modifications métaboliques :
ventriculaire [2] (fig 1) . La nicotine est la principale substance lipides (cholestérol, LDL,)
responsable de la dépendance.
plaquettes-coagulation
Si la fumée est inhalée, il y a absorption de l’oxyde de carbone
(CO), formation de carboxyhémoglobine (COHb) pouvant
atteindre des taux de 5 à 20 %, facteur majeur d’hypoxie et donc 1 Schéma des actions pharmacologiques de la nicotine (d’après Benowitz [2]).
LDL : low density lipoprotein
de lésions de la cellule endothéliale, stade initial de
l’athérosclérose. Les multiples hydrocarbures polycycliques, carcinogènes, peuvent
Les « irritants » (acroléine, phénols...) sont une source d’infection également intervenir en favorisant la prolifération des cellules
bronchique chronique et une des causes possibles de musculaires lisses : le benzopyrène accélère le développement de
l’augmentation du fibrinogène plasmatique. l’athérosclérose expérimentale.
Enfin, la présence de multiples substances à action oxydante
Gilbert Lagrue : Professeur émérite à l’université de Paris XII. intervient en favorisant la peroxydation des LDL ( low density
Alain Maurel : Attaché de consultation.
lipoprotein), dont le rôle athérogène est considéré actuellement
© Elsevier, Paris

Centre de tabacologie, policlinique, hôpital Henri-Mondor, 51, avenue du maréchal de Lattre de Tassigny,
94010 Créteil cedex, France. comme primordial.

Toute référence à cet article doit porter la mention : G Lagrue et A Maurel. Tabagisme et maladies vasculaires. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0130, 1997, 6 p.
19-0130 Tabagisme et maladies vasculaires Angéiologie

sel, facteurs génétiques stress tabac glycémie


obésité
tabac
nicotine
COHb Hb A1C

HTA catécholamines
cholestérol
hypoxie tabac
tabac microangiopathie

facteurs génétiques
lésions endothéliales hypersensibilité des plaquettes
insulinorésistance/
adhésivité
hyperinsulinisme
adhésion plaquettes agrégabilité

troubles lipidiques
tabac trouble de la perméabilité
LDH
(goudrons, carcinogènes) capillaire
HDL
facteurs génétiques

prolifération
des cellules des muscles accumulation de lipides
lisses accumulation de macromolécules élastase tabac
de conjonctif (collagène)
destruction des fibres élastiques

troubles hémorhéologiques
fibrose de la paroi
plaque athérosclérose déformabilité GR Ht leucocytes fibrinogène

tabac
adhésion plaquettes
emboles plaquettaires hyperviscosité
nicotine

troubles accidents accidents


cathécholamines ischémique thrombotiques aigus
du rythme

2 Schéma général de la nocivité vasculaire du tabagisme.


GR : globules rouges ; Hb A1C : hémoglobine glycosylée A1C ; COHb : carboxyhémoglobine ; HDL : high density lipoprotein ; Ht : hématocrite ; HTA : hypertension arté-
rielle ; LDL : low density lipoprotein.

Par des mécanismes encore mal connus et divers, il se produit chez vitamine E, qui sont significativement réduits chez les fumeurs [5].
les fumeurs des perturbations plasmatiques et globulaires, facteurs Ainsi, les mécanismes par lesquels le tabac est responsable d’une
d’athérosclérose et d’accidents thrombotiques [6]. Ce sont : atteinte vasculaire sont-ils multiples ; il agit sur les différents
processus responsables de l’athérogenèse, des accidents
– des modifications plaquettaires avec hyperagrégabilité,
thrombotiques et des troubles du rythme cardiaque (fig 2).
hyperadhésivité et augmentation du facteur IV plaquettaire ; il faut
en rapprocher l’augmentation du taux de thromboxane urinaire ; Ces diverses anomalies sont en corrélation avec l’intensité du
tabagisme. Elles disparaissent rapidement après l’arrêt de
– une élévation du taux de fibrinogène plasmatique, un des
l’intoxication.
principaux marqueurs du risque athérogène ;
– un trouble de l’équilibre lipidique, avec baisse du cholestérol
HDL (high density lipoprotein) et élévation des LDL oxydés ;
– une polynucléose et une polyglobulie, une diminution de la
Complications vasculaires
déformabilité érythrocytaire, qui sont tous des facteurs du tabagisme
d’hyperviscosité sanguine et d’accidents ischémiques.
Les fumeurs à forte consommation ont une altération du goût et L’athérosclérose tabagique atteint surtout les artères de gros et
de l’odorat ; il en résulte une modification du type de leur moyen calibres.
alimentation : en général, ils consomment plus de viandes cuisinées
grasses et en sauce, mangent plus salé et plus sucré et boivent plus ARTÉRIOPATHIE DES MEMBRES INFÉRIEURS
d’alcool que les non-fumeurs ; leurs apports en fruits et légumes et
donc en vitamines E et C sont moindres ; dans l’ensemble, se Le rôle du tabagisme est majeur dans l’artériopathie des membres
retrouvent toutes les caractéristiques d’une alimentation inférieurs : 90 % des sujets atteints sont de gros fumeurs ; le risque
athérogène ; ceci est confirmé par les taux plasmatiques des croît proportionnellement avec l’ancienneté et l’importance du
substances oxydantes, de la vitamine C, du bêtacarotène, de la tabagisme. Une consommation de 20 cigarettes par jour multiplie

2
Angéiologie Tabagisme et maladies vasculaires 19-0130

est tout particulièrement important à prendre en considération


29,9 chez les sujets de plus de 40 ans, qui pratiquent ou se remettent à
30 pratiquer une activité sportive et chez lesquels le tabagisme est
22,7 alors particulièrement dangereux [14].
PAS 200 mmHg
20 16,8 17,5
ACCIDENTS VASCULAIRES CÉRÉBRAUX
12,5 13,4
9,3 9,7 10,3 Le poids du tabagisme dans la survenue des accidents vasculaires
10 7,4
7 5,7 cérébraux (AVC) est moindre et cet effet nocif a été longtemps
5,4
3,2 4,2 méconnu. Le tabagisme intervient cependant dans les AVC
principalement d’origine ischémique ; chez l’homme, dans une
0
cig 0 10 20 30 40 0 10 20 30 40 0 10 20 30 40 étude cas-contrôle, le risque relatif est multiplié par 5,5 par la
présence d’un tabagisme à dix cigarettes par jour et plus ; le risque
180 300 240
CT (mg/100 mL) ne régresse que lentement et demande 10 ans pour s’annuler. Chez
3 Risque relatif (RR) de survenue d’une cardiopathie ischémique en 4 ans en fonc- la femme, dans une étude prospective sur 8 ans, dans un milieu
tion du cholestérol (CT), de la consommation de cigarettes (cig) pour une pression ar- d’infirmières, le risque relatif est de 2,5 pour une à 14 cigarettes
térielle systolique (PAS) à 200 mmHg. Le RR est multiplié par deux en présence d’un par jour, de 3,8 pour plus de 25 et de 4,7 pour plus de 40 cigarettes
diabète. Le RR est de 3,2 pour une hypertension artérielle isolée à 200. Il augmente ex-
par jour. Néanmoins, pour ces accidents, le principal facteur reste
ponentiellement en fonction du nombre de cigarettes et du taux de cholestérol (d’après
Richard JL. Particularités épidémiologiques de la maladie coronarienne en France. l’élévation de la pression artérielle [13].
Presse Med 1981 ; 10 : 1111-1114). Pour les accidents coronariens et les AVC, il faut souligner la
nocivité de l’association tabagisme-contraception par
par cinq le risque lié à la présence des autres facteurs, œstroprogestatifs, responsable d’accidents aigus particulièrement
principalement la cholestérolémie et le diabète [12]. Son influence graves. Chez la femme jeune, avant la ménopause, les accidents
est également très importante dans l’athérosclérose du carrefour coronariens sont très rares ; la présence d’un tabagisme à plus de
aortique et de l’aorte abdominale comme l’ont bien établi les dix cigarettes par jour multiplie le risque par cinq et l’association
études anatomiques et radiologiques systématiques. La principale tabagisme à 20 cigarettes par jour et œstroprogestatifs par 23. La
traduction clinique de cette localisation peut être une impuissance nocivité importante de cette redoutable association s’explique, au
chez l’homme. L’athérosclérose aortique peut maintenant être moins en partie, par une action voisine des œstrogènes et du
dépistée précocement grâce à l’échographie abdominale, qui tabagisme sur divers facteurs de l’hémostase et sur les
détecte les plaques et les ectasies débutantes. Elle peut également perturbations lipidiques. Cette association, en plus des accidents
être un facteur d’hypertension artérielle secondaire, lorsque les vasculaires, peut également être à l’origine d’HTA maligne, de
lésions diffusent vers les artères rénales. Un tabagisme important microangiopathie thrombotique avec insuffisance rénale aiguë et
est présent dans près de 90 % des cas d’HTA par sténose de l’artère aussi d’une augmentation du risque de thrombose veineuse [11].
rénale. Ainsi, chez un hypertendu fumeur, devant une HTA
devenue résistante au traitement ou brusquement aggravée ou HYPERTENSION ET MICROCIRCULATION
devant une HTA ancienne avec survenue de signes rénaux comme
une protéinurie, une augmentation de la créatininémie, l’hypothèse Le tabagisme a une influence directe sur l’HTA elle-même. Chaque
d’une sténose de l’artère rénale doit être envisagée et l’intervention cigarette fumée s’accompagne de modifications vasomotrices
décidée pour abaisser la pression artérielle et pour préserver la aiguës, liées à l’action de la nicotine. Celle-ci stimule la sécrétion
fonction rénale. de vasopressine et de catécholamines, avec pour conséquence des
modifications cardiovasculaires et métaboliques bloquées par les
inhibiteurs adrénergiques (tableau I). Le fait de fumer une cigarette
ACCIDENTS CORONARIENS
entraîne une élévation tensionnelle, avec augmentation moyenne
Pour l’athérosclérose coronarienne, le tabagisme intervient surtout de 11 mmHg pour la pression artérielle systolique (PAS) et de
en liaison avec l’hypercholestérolémie et l’HTA ; sa présence 9 mmHg pour la pression artérielle diastolique (PAD). Cette
multiplie par deux l’influence des autres facteurs de risque, dont élévation se prolonge pendant 20 à 40 minutes, avec parallèlement
l’association aboutit à une multiplication exponentielle des une accélération du pouls de l’ordre de plus de 40 % en moyenne
accidents [ 1 ] . Par exemple, chez un sujet qui associe une (fig 4). Des modifications de la microcirculation sont également
cholestérolémie supérieure à 2,6 g/L, une pression artérielle présentes, bien évaluées par le laser-doppler ; le flux
systolique supérieure à 160 mmHg et un tabagisme à plus de microcirculatoire cutané est réduit de façon rapide et le spasme
20 cigarettes par jour, le risque coronarien sur 10 ans est multiplié artériolaire se maintient pendant toute la durée où la cigarette est
par dix par rapport aux sujets indemnes de ces différents risques fumée.
(fig 3). Outre son rôle athérogène, la responsabilité du tabagisme
est majeure dans les accidents aigus, en raison de son action CONSÉQUENCES THÉRAPEUTIQUES
thrombogène et vasoconstrictive. La fréquence des infarctus du
myocarde et des accidents d’ischémie coronarienne est très Le tabac interfère avec l’action de certaines médications : chez des
significativement augmentée chez le fumeur. Sur un enregistrement sujets atteints d’insuffisance coronarienne, traités par les dérivés
holter systématique pratiqué chez des coronariens, pour les nitrés ou le propranolol, les périodes avec cigarettes
fumeurs à plus de 10 cigarettes par jour, les épisodes d’ischémie s’accompagnent d’une pression artérielle plus élevée, même en cas
myocardique caractérisés par un accès de sous-décalage de ST sont d’administration de ce dernier traitement. Dans l’essai
à la fois plus importants et plus durables que chez les non- thérapeutique du Medical research council, les fumeurs traités par
fumeurs. Il faut rapprocher de ce fait le risque de mort subite par propranolol n’ont pas eu de réduction du risque vasculaire cérébral
trouble du rythme ventriculaire, dont la fréquence est multipliée malgré une baisse des chiffres de pression artérielle comparable à
par dix chez le fumeur à partir de 15 cigarettes par jour. Ce risque celle des non-fumeurs ; ils ont eu en revanche 2,4 fois plus

3
19-0130 Tabagisme et maladies vasculaires Angéiologie

Tableau I. – Effets du tabac chez l’homme (cigarettes avec inhalation) (d’après Benowitz [2]).
Modifications durant la consommation Suppression par blocage adrénergique Reproduction par injection de nicotine
de cigarettes (avec inhalation)
tachycardie oui (α + β) oui
débit cardiaque ↑ ? oui
Actions hémodynamiques
contractilité ventriculaire ↑ ? oui
vasoconstriction cutanée oui (α) oui

acides gras ↑ oui oui


lactate/pyruvate ↑ oui (α + β) ?
vasopressine ↑ non parfois
Actions métaboliques hormone de croissance ↑ non ?
cortisol ↑ non oui
ACTH ↑ ? ?
endorphines ↑ ? ?

ACTH : adrenocorticotrophic hormone.

Cigarettes Gomme-nicotine Étude sur 343 AOMI fumeurs


Pouls
30 10 ans avec conseils d'arrêt

20 mortalité infractus intervention

10 Poursuite du
tabagisme 54 % 53 % 31 %
0 arrêt 10 % 11 % 8%

- Après pontage, récidives à 1 an :


PAS 35 % chez fumeurs
15 % si arrêt
20 - Nécessité de marqueurs
Au 6e mois : arrêts allégués = 78 %
10 arrêts réels = 48 %
récidives « masquées » = 40 %
0
5 Étude sur 343 sujets fumeurs atteints d’artériopathie du membre inférieur
(d’après Powell [12]).

PAD
Effets positifs de l’arrêt du tabac
20
L’arrêt du tabac est toujours bénéfique, tant en prévention primaire
10
que secondaire, même s’il y a déjà eu un accident [14]. Le bénéfice
0
est évident chez les sujets atteints d’artériopathie des membres
inférieurs : tous les traitements restent inefficaces tant que le
tabagisme n’a pas pu être interrompu. Il en est de même
-10 0 30 60 90 120 -10 0 30 60 90 120
lorsqu’une intervention, soit un pontage, soit une angioplastie, a
Temps en minutes été nécessaire. Les chiffres de l’étude de Powell [12] illustrent de
4 Variations aiguës du pouls, de la pression artérielle systolique (PAS) et de la façon très éclatante l’importance de l’arrêt de la cigarettte pour le
pression artérielle diastolique (PAD) après que le sujet ait fumé une cigarette (d’après pronostic ultérieur ; ceci concerne l’artériopathie des membres
Benowitz [2]). inférieurs, mais aussi la survenue d’accidents coronariens et la
mortalité, qui, sur 10 ans, est multipliée par cinq si le sujet a
d’accidents cardiaques que ces derniers et leur mortalité par continué à fumer (fig 5).
d’autres affections est deux fois plus importante : l’absence de Pour les accidents coronariens, les faits sont aussi évidents. Dans
tabagisme aurait représenté un gain supérieur à celui apporté par l’étude en cours Euraspire, chez des sujets hospitalisés pour un
le traitement de l’HTA. Le tabac est un inducteur enzymatique évènement coronarien, il y a 42 % de fumeurs et 36 % d’ex-
puissant, il peut ainsi diminuer les taux sériques de certains fumeurs. Les conseils d’arrêt du tabac ayant été donnés, 6 mois
bêtabloquants. Cependant, il n’en est pas de même avec un plus tard 25 % de ces sujets sont encore fumeurs, l’arrêt ayant été
bêtabloquant cardiosélectif, le métoprolol ; dans ce cas, les validé par mesure du CO dans l’air expiré ; 60 % de ces patients,
hypertendus fumeurs ont une moindre morbidité cardiovasculaire malgré le risque expliqué et connu, ont donc poursuivi ou repris
que ceux traités par diurétiques. Mais chez les non-fumeurs, la leur tabagisme.
morbidité est dans l’ensemble trois fois moins élevée. Enfin, le fait L’étude Procam [1] a évalué la part du tabagisme dans le risque
de fumer constitue un élément négatif vis-à-vis de l’observance du cardiovasculaire absolu (RCVA), qui prend en compte l’ensemble
traitement de l’HTA et des règles hygiénodiététiques : c’est là une des facteurs de risque présents. Sur 8 ans d’évolution, chez
des caractéristiques habituelles du comportement tabagique. l’homme de 40 à 60 ans, le risque d’infarctus du myocarde passe
Ces effets nocifs peuvent même être observés en cas de tabagisme de 3,9 % à 9,1 % en cas de tabagisme, soit un risque relatif (RR)
passif, si l’exposition à la fumée des autres est importante et multiplié par 2,4. L’excédent de mortalité des fumeurs est dû dans
prolongée. 60 % des cas à un accident cardiovasculaire.

4
Angéiologie Tabagisme et maladies vasculaires 19-0130

Hasdai [4] dans une publication récente de la Mayo clinic confirme


l’importance d’une action sur le tabagisme en cas d’atteinte

grammes ou cigarettes/adulte/jour
coronarienne et de revascularisation percutanée. Le suivi moyen a
tabac total
été de 4 ans et demi (au maximum 16 ans) sur 5 450 sujets. Lors de 6
l’intervention, 22 % des sujets étaient fumeurs et la découverte cigarettes
clinique de leur affection coronarienne est survenue en moyenne
4
10 ans plus tôt que chez les non-fumeurs : 63 % d’entre eux ont
continué à fumer ou rechuté après l’intervention ! La poursuite du
tabagisme augmente le risque de survenue d’un infarctus (RR x 2
2,1) et la mortalité générale (RR x 1,76). Les auteurs ont calculé le
bénéfice de l’arrêt du tabac en termes d’augmentation de survie :
elle est de 3 % à 5 ans et de 6 % à 10 ans. Après pontage coronarien, 0
les faits observés par Voors [15] sur 415 patients suivis pendant 1875 1900 1925 1950 1975 2000 2025 2050
15 ans sont très comparables. Pour l’infarctus du myocarde, chez
les sujets ayant continué à fumer, le RR est de 2,5 alors que pour
6 Évolution de la vente de cigarettes sur 100 ans (sources SEITA - Hill C, Epidé-
miologie du tabagisme en France. Press Med 1996 ; 25 : 959-962).
ceux qui ont cessé, le RR est peu différent des non-fumeurs. Pour
la récidive de la sténose chez les fumeurs, le RR est de 2,5 à 1 an et
de 5 à 5 ans ! Le tabagisme, lorsqu’il est important, doit donc être considéré
comme une maladie chronique, une véritable toxicomanie ; comme
pour toute toxicomanie, il a une évolution naturelle qui en règle
générale porte sur plusieurs décennies. Aucun arrêt n’est possible
Attitude pratique si le fumeur n’a pas une motivation personnelle forte et profonde.
« Jamais la connaissance d’un risque n’a suffi à elle seule à modifier
Les faits sont clairs et la conclusion paraît simple. L’arrêt du tabac un comportement ».
est impératif chez tout fumeur ayant une complication vasculaire Pour les affections vasculaires, les échecs sont nombreux (cf
ou cardiovasculaire, quelle que soit sa localisation. Le risque ayant supra) : plus de 50 % des patients, malgré leur atteinte vasculaire,
été longuement expliqué et commenté et les incitations avant l’arrêt continuent à fumer. En ce domaine, les incitations brutales, voire
ayant été faites avec toute la fermeté nécessaire, le résultat actuel les menaces, sont toujours inefficaces, inadaptées, voire
est incompréhensible ; toutes les études concordent : plus de la dangereuses, pouvant avoir l’effet inverse du but recherché [8].
moitié de ces sujets continuent à fumer. La raison de cette situation
apparemment paradoxale est maintenant connue depuis une Les difficultés rencontrées ont trois causes principales.
dizaine d’années. En 1988, le volume annuel du Surgeon general – La motivation de ces sujets, qui n’ont pas réussi à arrêter malgré
« nicotine addiction » a bien établi les faits suivants, confirmés par les risques évidents, est curieusement faible, comme le révèle la
tous les travaux de ces dernières années : pratique des autoquestionnaires usuels. Elle est inférieure à celle
– le tabac, et tout particulièrement la cigarette, induit une des fumeurs sains, venant spontanément dans les consultations
dépendance ; spécialisées : les moyens de renforcer cette motivation sont encore
très mal connus.
– la nicotine est la principale substance responsable de cette
dépendance ; – Un état dépressif ou des troubles de la série anxieuse, telles
paniques, phobies, anxiété généralisée sont souvent associés à la
– cette dépendance est liée à des mécanismes comportementaux et maladie vasculaire, parfois préexistants et secondairement
pharmacologiques, qui sont identiques à ceux de toutes les drogues aggravés. Les liens entre dépendance tabagique et états dépressifs
illicites dites « dures » (héroïne, cocaïne, amphétamines...). sont bien établis. Chez les sujets avec antécédents de dépression
Ainsi, le tabagisme est un comportement renforcé par une ou état dépressif actuel, le tabagisme est plus fréquent et la
dépendance dont la nicotine est responsable. dépendance tabagique plus importante : les chances de succès sont
La cigarette industrielle, en favorisant l’inhalation de la fumée, réduites de plus de 50 %. Au décours du sevrage, une aggravation
permet l’absorption très rapide de la nicotine et sa fixation en de la dépression est souvent observée, ce qui est alors un facteur
moins de 10 secondes sur des récepteurs nicotiniques cérébraux, de récidive. Dans cette situation, l’association d’un traitement
avec survenue de toutes les sensations psychologiques antidépresseur est indispensable [7].
responsables du renforcement positif du comportement, c’est-à- – Chez ces fumeurs à forte consommation, la dépendance
dire de la dépendance psychologique. La dépendance physique est physique est toujours importante : elle nécessite le recours au
plus tardive et ne survient que chez les fumeurs à forte traitement de substitution nicotinique, seul moyen réel de réduire
consommation ; elle est caractérisée par une sensation pénible de l’intensité du syndrome de manque ; celui-ci constitue toujours la
manque, de besoin irrrésistible de reprendre une cigarette, chaque principale crainte à l’arrêt et est la cause des échecs à court terme.
fois que le sujet est privé fût-ce, que quelques heures de son apport Il est encore trop souvent dit que la nicotine est contre-indiquée
de nicotine ; elle doit être évaluée cliniquement par le questionnaire chez les sujets à risque vasculaire, mais lorsqu’ils fument, ils
de Fagerström, le nombre de cigarettes étant un indice infidèle [3]. continuent non seulement à absorber la nicotine de leurs cigarettes,
À mesure que la dépendance physique augmente, le plaisir n’est mais encore tous les toxiques associés. Chez ces sujets à haut
plus retrouvé que pour de rares bouffées. Ainsi la cigarette, par ses risque, un arrêt sans recours au traitement de substitution
effets psychoactifs puissants et rapides, est-elle devenue en moins nicotinique serait évidemment préférable ; mais s’ils ont échoué ou
d’un siècle le mode quasi exclusif de consommation du tabac, soit rechuté, un apport de nicotine est indispensable. En raison de ses
plus de 95 % des fumeurs (fig 6). Hélas, c’est également le type le effets cardiovasculaires, son utilisation doit se faire avec beaucoup
plus dangereux de consommation, car les toxiques de la fumée de de précautions : les doses doivent rester inférieures à celles fournies
tabac sont très rapidement absorbés et diffusent dans tout par la cigarette ; il est donc indispensable de doser la cotinine
l’organisme [6]. sérique ou urinaire, marqueur spécifique de la quantité de nicotine

5
19-0130 Tabagisme et maladies vasculaires Angéiologie

absorbée durant les 2 ou 3 jours précédents. Il est ainsi possible de Mais l’arrêt n’est qu’une première étape : il faut prévenir les
suivre l’évolution du sevrage par traitement nicotinique avec des rechutes qui, en l’absence d’un soutien et d’un accompagnement
dosages successifs de cotinine et d’ajuster les doses de nicotine prolongé, sont fréquentes. En ce domaine, les stratégies
nécessaire pour atténuer le syndrome de manque et rendre le comportementales et cognitives devraient avoir une place
sevrage aigu plus confortable [10]. L’arrêt de la cigarette doit importante : la gestion du stress, l’affirmation de soi, les stratégies
impérativement être total ; toute cigarette fumée comporterait un de résistance, la prévention des états dépressifs peuvent être
risque de surdosage en nicotine et diminuerait les chances de réalisées grâce à ces psychothérapies dont l’efficacité a été
succès. Le bénéfice est alors évident : d’une part la quantité de maintenant parfaitement démontrée. Tous les médecins doivent
nicotine fournie par le traitement est inférieure à celle des donc maintenant apprendre à évaluer et à prendre en charge le
cigarettes, d’autre part il n’y a plus d’absorption de goudrons, ni tabagisme de ces malades, comme ils ont appris à le faire
de CO, facteur d’hypoxie et donc responsable d’accident antérieurement pour l’HTA et l’hypercholestérolémie, en liaison
ischémique. Avec ces précautions, la nicotine peut être utilisée chez avec les spécialistes de ces troubles. De la même façon, pour les
ces patients, en leur permettant de se libérer de leur intoxication cas difficiles, ils doivent recourir à ces nouveaux spécialistes que
tabagique et ainsi d’améliorer le pronostic de leur maladie [9]. sont les tabacologues.

Références
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235-241 [9] Lagrue G, Maurel A, Cormier S. Les difficultés de l’arrêt 298 : 789-794
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6
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 19-0540

19-0540

Ulcères de jambe
P Agache

Résumé.– Cet article traite de l’aspect clinique et des signes d’accompagnement, de la physiopathologie
et du traitement des ulcères de jambe, définis comme des ulcérations chroniques sans tendance à la
guérison et distinctes des gangrènes et des maux perforants plantaires. La plupart des ulcères de jambe
sont liés à une incontinence veineuse dont le syndrome postphlébitique n’est pas l’unique cause.
D’autres sont le résultat d’une thrombose extensive des microvaisseaux cutanés en relation avec une
artériosclérose généralisée ou une hypertension artérielle. Plus rares sont les ulcères liés à une artérite
oblitérante au stade d’ischémie critique ; ceux que l’on appelle souvent « ulcères mixtes » étant des
ulcères veineux sur membre artéritique. Les ulcères ci-dessus mentionnés sont les seuls étudiés. Une liste
détaillée des autres étiologies est fournie, comprenant notamment les causes infectieuses, les
vascularites et les maladies de système, avec quelques suggestions indicatrices pour le diagnostic
clinique.
© Elsevier, Paris.

Introduction pyodermites phagédéniques, mycoses profondes, mycobactérioses


atypiques...). Il en est de même lorsque les bords sont sous-minés
Un ulcère est une perte de substance cutanée sans tendance à la (gommes tuberculeuses, érythème induré de Bazin, pathomimie...).
cicatrisation. Cette définition exclut les pertes de substance aiguës Enfin, chez le sujet jeune, un ulcère de jambe évoque une maladie
transitoires, traumatiques ou autres. La localisation élective à la jambe congénitale : homocystinurie, syndromes d’Ehlers-Danlos, déficit
s’explique en partie par les conditions circulatoires locales. La peau de en prolidase [15].
la jambe est la moins vascularisée de toute la surface corporelle [30] et,
de plus, subit la pression hydrostatique dont l’effet est de freiner le
LISTE DES ÉTIOLOGIES
retour veineux et donc de faciliter une stase sanguine génératrice de (INDICATIVE, ET PAR FRÉQUENCE DÉCROISSANTE)
stase globulaire et éventuellement de thrombose.
– Origine veineuse (cf infra).
Étiologies des ulcères de jambe – Origine artériolaire ou artérielle (cf infra).
– Origine traumatique :
QUELQUES CLEFS POUR LE CLINICIEN
– ulcère prétibial traumatique du sujet normal (guérison très
Les causes circulatoires représentent 99 % des cas en Allemagne, et lente) ;
en Suède 54 % sont d’origine veineuse. C’est donc la première – ulcère en peau saine atrophique (vieillard, corticothérapie
étiologie à évoquer dans nos régions. Les ulcères d’origine générale prolongée, syndromes de vieillissement précoce) ;
veineuse ont une topographie caractéristique et appartiennent à
un tableau clinique spécial (lipodermatosclérose [LDS]) qui, bien – ulcère après hématome chez le sujet âgé ;
que rarement, peut être aussi engendré par une pathologie – ulcère pathomimique (sujet jeune, bords géométriques, aucune
globulaire. L’existence d’une nécrose (c’est-à-dire une lésion autre étiologie apparente).
noirâtre, à ne pas confondre avec le sphacèle, qui est gris ou
– Autres causes circulatoires locales :
jaunâtre) même sur une zone limitée de l’ulcère, est typique d’une
origine artériolaire ou d’un ulcère faisant suite à une nécrose – embolie de cholestérol (l’ulcère, nécrotique, est accompagné
(embolie de cholestérol, nécrose des anticoagulants, purpura d’un livedo cyanotique) ;
nécrotique, infection nécrosante...). Un ulcère rond évoque une
– hypodermites nodulaires et érythème induré de Bazin ;
origine infectieuse. Une localisation prétibiale isolée se rencontre
électivement dans les ulcères traumatiques purs, les ulcères sur – nécrobiose lipoïdique et granulomatose de Miescher ;
artérite athéromateuse et les ulcères de Martorell. La surélévation – érythrocyanose sus-malléolaire ;
des bords est rare dans les ulcères d’origine vasculaire, elle évoque
plutôt des affections « dermatologiques » (tumeurs malignes, – anastomoses artérioveineuses congénitales ou acquises.
– Infections chroniques :
– ecthymas ulcéreux pyococciques (fréquents chez les
© Elsevier, Paris

Pierre Agache : Professeur émérite de dermatologie, faculté de médecine et de pharmacie de Besançon,


service de dermatologie fonctionnelle, hôpital Saint-Jacques, 25030 Besançon , France. diabétiques ou sur des œdèmes de cause générale) (fig 1) ;

Toute référence à cet article doit porter la mention : P Agache. Ulcères de jambe. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Angéiologie, 19-0540, 1997, 6 p.
19-0540 Ulcères de jambe Angéiologie

3 Ulcère par drépanocytose.

1 Ulcères par ecthyma.

– L’allergie de contact survient très facilement sur un terrain de


stase veineuse. Elle se manifeste par l’apparition d’un prurit, d’une
desquamation et parfois des érosions ponctuées caractéristiques
des vésicules eczémateuses rompues.
– La présence de germes bactériens divers sur l’ulcère est
habituelle. Seule l’infection par Pseudomonas aeruginosa se traduit
par un abondant suintement et, plus tard, par la suppuration bleu-
vert caractéristique.
– L’ulcère et la dermite microbienne constituent une porte d’entrée
possible pour des infections à pronostic vital : dermite érysipèloïde,
fasciite nécrosante, lymphangite aigüe, tétanos.
2 Ulcère du Burundi. – La cancérisation des bords de l’ulcère est exceptionnelle [3] et doit
– gommes au stade d’ulcération (tuberculose, mycoses être suspectée lorsqu’ils deviennent bourgeonnants. Il peut s’agir
profondes, syphilis) ; d’un épithélioma basocellulaire ou plus fréquemment d’un
carcinome spinocellulaire. Dans ce dernier cas, l’histopathologiste
– pyodermites phagédéniques (pyoderma gangrenosum) doit éliminer une hyperplasie pseudoépithéliomateuse.
souvent associées à une dysglobulinémie ;
– leishmanioses ;
– ulcère du Burundi (fig 2), et autres mycobactérioses atypiques ; Traitement symptomatique
– surinfection d’une dracunculose (filaire de Médine) : siège des ulcères
électif près de la cheville.
– Maladies systémiques à manifestations ulcéreuses localisées aux La guérison de l’ulcère procède en deux phases : apparition de
membres inférieurs [5] : bourgeons charnus (rouges) sur le fond, puis épidermisation.
L’ulcère, en détruisant le derme superficiel, détruit aussi la partie
– dysglobulinémies, lupus erythémateux disséminé, distale des follicules pilosébacés et des conduits sudoraux,
granulomatoses de Wegener, de Liebow, de Churg et Strauss, structures qui auraient pu rapidement régénérer un nouvel
purpuras nécrotiques immuno-infectieux, syndrome de Sjögren, épiderme. L’épidermisation de l’ulcère ne peut donc procéder qu’à
syndrome des anticorps antiphospholipides, maladie de Crohn ; partir des bords de la plaie, ce qui demande du temps. La vitesse
– hypersplénisme et anomalies globulaires (fig 3) et autres de progression maximale est proche de 1 mm par jour.
affections hématologiques [25].
– Tumeurs malignes primitives. TRAITEMENT LOCAL
Le mélanome malin est, de loin, la tumeur maligne le plus Le traitement local est essentiel. Son objectif est double : stimuler
fréquemment rencontrée sur la jambe, principalement au mollet la formation de bourgeons charnus, qui sont la condition de
chez la femme. Toute ulcération isolée à cet endroit doit faire l’épidermisation, et favoriser celle-ci, tout en évitant l’infection ou
suspecter ce diagnostic même en l’absence de pigmentation. la macération de la peau voisine.
Cependant son évolution rapide lui donne rarement l’aspect d’un
La détersion constitue la première partie du traitement. Après
ulcère chronique. Cet aspect est plus habituel dans les épithéliomas
désinfection et nettoyage de la plaie pour enlever les sécrétions,
basocellulaires. Les autres tumeurs sont exceptionnelles.
les tissus morts sont ôtés, au bistouri ou aux ciseaux (attention à
ne pas blesser l’épiderme en voie de régénération !), de préférence
Complications aux enzymes protéolytiques. Il est souhaitable que ces soins soient
quotidiens. Le pansement doit maintenir un environnement
– Le phagédénisme, rare aujourd’hui, est caractérisé par une humide : solution de Dakin diluée, pâte grasse à l’oxyde de zinc
extension très rapide en surface, parfois en profondeur. Il est dû ou à l’ichtyol, pommade, ou simple vaseline, doivent être
au manque d’hygiène, à la macération du tégument au voisinage recouverts d’une couverture imperméable à l’eau pour éviter
de l’ulcère, ou au terrain débilité. l’évaporation. Les pansements synthétiques (films, mousses,

2
Angéiologie Ulcères de jambe 19-0540

4 Greffe en pastille sur un ulcère recouvert de bourgeons charnus (photo Van 5 Ulcère d’origine veineuse, postphlébitique, au sein d’une lipodermatosclérose de
Landuyt). morphologie et de topographie caractérisiques. L’ulcère prétibial est probablement se-
condaire à la dermoépidermitz microbienne (photo P Amblard)

hydrocolloïdes, hydrogels, alginates) assurent cette occlusion pour


la plupart d’entre eux. L’occlusion doit être limitée à la surface mais ne comporte pas de nécrose : ulcère érosif superficiel en début
non épidermisée. Un badigeon de la peau saine périphérique sur 1 d’évolution, peu douloureux, à fond souvent grisâtre, sphacélique ;
ou 2 cm avec de l’éosine à 2 % en solution alcoolique à 60 %, suivi ulcère profond à bords à pic et à fond jaunâtre, indolore, dit
de l’application d’une fine pellicule de pâte à l’oxyde de zinc, « ulcère calleux », des évolutions longues ; ulcère de petite taille,
contribue à éviter sa macération et son infection. L’oxyde de zinc arrondi, inflammatoire et très douloureux, des formes rapidement
serait un stimulant du tissu de granulation, comme le peroxyde de évolutives.
benzoyle [1]. Les pansements non tissés et non adhérents respectent L’environnement de l’ulcère comporte un certain nombre de
la mince frange d’avancée épithéliale. Si le fond de l’ulcère est symptômes spécifiques décrits successivement sous les
rouge, un pansement occlusif renouvelé seulement tous les 3 à 7 dénominations de ankle blow-out syndrome [8], d’hypodermite
jours peut accélérer beaucoup la guérison. sclérodermiforme [11], aujourd’hui de LDS. Leur analyse a une
Dans les ulcères étendus, la durée d’épidermisation peut être importance diagnostique fondamentale.
raccourcie par une autogreffe de peau totale en pastilles (fig 4)
La localisation initiale est limitée à trois régions anatomiques : les
(peau totale ou dermatomée) ou en résille, ou de kératinocytes
zones paramalléolaires, la gouttière tibioachilléenne interne, le dos
isolés et cultivés à partir d’explants biopsiques. Des allogreffes de
du pied. Ultérieurement le processus peut s’étendre au tiers moyen
culture ont été prônées récemment [27].
de la jambe, à sa face externe, à la racine des orteils. Fait important,
Une contention préventive peut empêcher un décollement bulleux le tiers supérieur de la jambe et la plante des pieds sont toujours
sérohémorragique de l’épiderme néoformé apparaissant au lever respectés.
du malade. L’excès de bourgeonnement gênant l’épidermisation
est corrigé par des attouchements au crayon de nitrate d’argent La symptomatologie est typique. Au début, c’est un œdème blanc
ou, mieux, par application 1 jour ou 2 d’une crème aux corticoïdes. et mou à peine sensible. Il va progresser sur la jambe de façon
La douleur peut être calmée par une autogreffe, même partielle, ascendante, tandis que sa partie inférieure devient rosée et
ou par l’autohémothérapie locale : application sur l’ulcère du sang douloureuse. Si l’ulcère apparaît à ce moment, il est hyperalgique
hépariné du patient puis d’un pansement hydrocolloïde [29]. et se situe sur la zone inflammatoire. Plus tard on reconnaît de bas
en haut la zone initiale devenue scléreuse, une zone d’œdème
inflammatoire et une zone d’œdème blanc représentant le front de
progression. L’ulcère apparaît au niveau des lésions les plus
TRAITEMENT GÉNÉRAL
anciennes. L’hypodermite scléreuse est hypertrophique ou
Le traitement général consiste surtout à maintenir une rétractée pseudosclérodermique (guêtre au-dessus de la cheville,
albuminémie normale. Le sulfate de zinc per os (0,2 g trois fois par rétraction dorsale des orteils). La palpation y décèle des veines « en
jour) serait efficace. Un rappel de vaccination antitétanique doit canyon » (Gerson). Une ostéopériostite, voire un blocage de
être systématique dans les régions endémiques. L’antibiothérapie l’articulation tibiotarsienne, une altération de la fonction de
générale est inutile. drainage lymphatique avec œdème lymphatique, témoignent de
l’extension et de la sévérité du processus.
L’extension au derme se manifeste par des signes d’insuffisance
Ulcères d’origine veineuse veineuse non spécifiques (fig 5) : dermite ocre, dermite purpurique,
(ulcère variqueux, ulcère veineux, atrophie blanche. La sclérose respecte le derme qui est seulement
œdématié, comme le montre l’échographie ultrasonore à 20 MHz
ulcère de stase) (fig 6) . L’apparition d’une desquamation signe l’atteinte
épidermique : dermoépidermite microbienne ou eczéma microbien
Ils représentent de 0,15 % à 1 % de la population en Écosse et de s’il y a prurit.
0,63 % à 2 % en Suède si on inclut les antécédents ulcéreux. Leur Le syndrome pseudokaposien de Mali [17] est une forme clinique
impact négatif sur la qualité de vie et leur coût social élevé sont rare, où l’existence de plaques infiltrées et de lésions
fréquemment soulignés. pseudotumorales rouge violacé simule de près l’angiosarcomatose.
L’histologie n’est pas toujours concluante. Mais, à la différence de
la maladie de Kaposi, il n’y a jamais de lésions plantaires.
SIGNES CLINIQUES
Pour nous, il n’y a pas d’ulcère veineux sans LDS. Celle-ci peut
L’ulcère a souvent un début furtif : simple érosion, parfois être considérée comme une maladie autonome du tissu
traumatique, ou petite zone de macération suivie du sphacèle de hypodermique et de ses veines, dont l’ulcère n’est que le
l’épiderme. L’aspect est variable selon l’ancienneté et l’évolutivité, symptôme ultime.

3
19-0540 Ulcères de jambe Angéiologie

TRAITEMENT DE LA LIPODERMATOSCLÉROSE

¶ Bandage compressif ambulatoire


La correction des reflux veineux ambulatoires est obtenue par un
bandage inextensible (botte de Unna) ou élastique (bande à varices
ou bas de classe 4). Le bandage inextensible a l’avantage de
relâcher la compression pendant la diastole musculaire de la jambe
et de pouvoir ainsi être conservé la nuit. Dans les gouttières
périmalléolaires, l’adjonction d’un matériau est nécessaire pour
assurer la transmission de la pression de contention (coussinets en
mousse ou, mieux, dispositifs plus fermes utilisés en chirurgie pour
les sutures compressives). À la cheville, une pression de 40 mmHg
(54 cm d’eau), donc bien inférieure à la pression hydrostatique,
A suffit. Si elle est mal supportée d’emblée (ulcère hyperalgique), une
progression en 1 à 2 semaines la rend tolérable.
Un bandage élastique doit toujours être enlevé pour la nuit car en
décubitus une compression externe diminue la pression de
perfusion, ce qui peut entraîner des douleurs et une ischémie. La
surélévation du pied a le même effet et doit donc être utilisée avec
circonspection. Une surélévation du pied de 6°, le tronc étant
surélevé de 35°, est la position qui accroît le plus le flux sanguin et
le diamètre de la veine fémorale [2]. Les sujets présentant une
artérite peuvent supporter une contention à condition qu’ils ne
soient pas en ischémie critique et que la contention ne diminue
pas l’index de pression systolique mesuré au gros orteil.
L’effet d’une contention bien adaptée est spectaculaire, à condition
toutefois que le malade marche correctement (grands pas). L’ulcère
B
est le premier symptôme à régresser. Même l’ostéopériostite et
l’ankylose articulaire peuvent disparaître. Cependant, la graisse
6 Échographie (25 Mhz).
hypodermique ne se reconstitue pas. À défaut d’un traitement de
A. Lipodermatosclérose : l’hypoderme (à droite sur l’image) est envahi par une
sclérose échogène et le derme (à gauche) est œdématié (non échogène). la cause des reflux, la contention doit être maintenue toute la vie,
B. Peau normale symétrique controlatérale. sous peine de rechute. L’objectif des traitements sclérosants et des
interventions chirurgicales est précisément de permettre au patient
de pouvoir se passer de contention. Il semble cependant
ÉTIOLOGIE - ÉTIOPATHOGÉNIE exceptionnellement atteint.
L’étiologie postphlébitique de la LDS est la plus fréquente. Une ¶ Sclérose des veines
association a été montrée avec le syndrome de Klinefelter [23], un
taux sanguin élevé de plasminogen-activator-inhibitor-1 (PAI-1), La sclérose des veines dilatées au sein de la LDS a pour objectif
une résistance à la protéine C activée [20]. La varicose de la saphène d’obturer, sinon la totalité, du moins une proportion suffisante des
interne, lorsqu’elle est monstrueuse, engendre rarement une LDS. communicantes directes ou indirectes responsables des reflux. On
Mais une insuffisance modérée de la saphène interne, avec ou sans commence par les veines en canyon, les autres veines devenant
incontinence des veines perforantes jambières, est une cause plus accessibles ensuite avec la régression de la LDS. La
fréquente. compression totale et immédiate de la veine injectée est
indispensable pour obtenir son oblitération et éviter un caillot,
La LDS est engendrée par des reflux veineux à contre-courant lors source possible de varicophlébite ou de suppuration.
de la marche [28]. La diminution de pression veineuse associée à la
contraction des muscles jambiers est insuffisante ou de trop brève ¶ Stripping
durée, et le volume du membre ne diminue pas ou se reconstitue
trop vite. Bref, la pompe du mollet est inefficace, comme le Le stripping crural de la saphène interne est indiqué si le
montrent la mesure de la pression dans les veines du pied, les remplissage sanguin cutané après contraction du mollet est ralenti
pléthysmographies (à eau, à air, à jauge de contrainte) et la par la compression de la veine (fig 7). Le traitement des autres
photopléthysmographie. Le reflux lui-même peut être constaté par varices n’a pas d’intérêt.
phlébographie ascendante et par doppler ou échodoppler. On
¶ Suppression des perforantes
l’observe dans la saphène interne, les veines perforantes, les veines
profondes ; le plus souvent plusieurs points de reflux sont La suppression chirurgicale des perforantes incontinentes
associés [21]. Mais parfois il n’y a pas de reflux visible bien que la comprend leur exérèse ou leur ligature par abord externe [4] ou
pompe du mollet soit insuffisante [13] : est-ce un reflux dans des endoscopique, éventuellement associées à l’excision totale de
veines réticulaires (1mm de diamètre) indétectables en l’ulcère avec greffe immédiate ; 80 % de guérisons ont pu être
échodoppler ? observées dans un suivi de 10 à 38 mois, les rares récidives ne
Quels sont les facteurs qui déterminent l’ulcération ? L’anoxie survenant qu’en périphérie, pas sur la greffe [10]. Mais pour d’autres
habituellement invoquée est peu compatible avec une auteurs aucune de ces interventions ne semble supérieure à la
microcirculation localement augmentée (laser doppler et tcPO2 sur simple contention [31].
peau non chauffée). En revanche, la capacité maximale de
¶ Reconstitution valvulaire
vasodilatation (mêmes examens sur peau chauffée à 44 °C) est
diminuée probablement par sclérose des parois vasculaires (visible La reconstitution valvulaire des veines profondes par
sur les biopsies [12]). On invoque plutôt aujourd’hui une mort valvuloplastie, prothèse en manchon ou tranfert de la veine
cellulaire par production d’espèces radicalaires d’oxygène, par la axillaire [7, 24] a ouvert des espoirs. Il convient de rappeler que c’est
stase de leucocytes activés [6] et par l’artériolisation du sang la veine poplitée qui est responsable des reflux profonds les plus
veineux [16]. sévères.

4
Angéiologie Ulcères de jambe 19-0540

8 Angiodermite nécrotique.

Après compression de la SI
Temps de remplissage : 9 s Temps de remplissage 30s

Rhéographie à réflexion de lumière chez un malade


Atteinte d'une incontinence de la saphène interne

Après compression de la SI
Temps de remplissage : 7 s Temps de remplissage 7 s

RRL chez un malade avec IVP - Ulcère


7 Tracés photopléthysmographiques de la région sus-malléolaire interne. En haut :
incontinence de la saphène interne ; en bas : incontinence des veines perforantes.
IVP : insuffisance veineuse profonde.

¶ Choix des traitements et stratégie des examens L’ulcère est le résultat d’une thrombose récente et extensive de la
paracliniques microcirculation cutanée (capillaires distendus gorgés de sang
coagulé et noyés dans une nappe nécroticohémorragique) survenue
Le traitement commence toujours par une contention avec au sein de vaisseaux altérés par un athérome diffus : sclérose sous-
rééducation de la marche. À lui seul, il permet la cicatrisation de endothéliale et de la média refoulant l’intima et rétrécissant la
l’ulcère et la régression significative de la LDS en quelques lumière. Des thromboses anciennes localisées sont observées ça et
semaines ou mois. Si l’on veut éviter le port d’une contention à là. Il est possible qu’une angiodermite nécrotique complique un
vie, il importe de corriger les troubles hémodynamiques. En cas de ulcère de jambe d’origine veineuse. Cela se manifeste par
thrombose des troncs profonds objectivée par le doppler, on ne l’apparition d’une nécrose (noirâtre) sur les bords ou le fond de
peut rien faire. Lorsque les troncs profonds sont perméables mais l’ulcère, et d’une douleur spontanée.
dévalvulés, une reconstruction valvulaire peut être envisagée. La
Le traitement comporte le repos au lit. Les pansements quotidiens
localisation des perforantes incontinentes par l’échodoppler est
tentent prudemment d’enlever la nécrose au bistouri après
souhaitable si l’on veut tenter de les supprimer par la chirurgie ou
application d’un anesthésique local. Puis l’ulcération est
la sclérose. Enfin, le stripping crural de la saphène interne n’est
soigneusement recouverte afin de garder son humidité.
indiqué que si sa participation au remplissage trop rapide de la
L’autohémothérapie locale serait curative en plus de son effet
peau a été démontré par la photopléthysmographie.
antalgique [29]. On a également préconisé l’exérèse en bloc des
Comme traitement médicamenteux adjuvant, on cite actuellement lésions suivie de greffe [19]. Le traitement général comporte des
les thérapeutiques antiradicalaires locales ou générales [26], les antalgiques et des médications tentant de limiter l’extension du
phlébotoniques, l’aspirine. Le stanozolol (fibrinolytique) semble processus : aspirine, médications anti-sludge, hémodilution surtout.
inutile [14]. Les vasodilatateurs peuvent aggraver la lésion par détournement
du sang vers des vaisseaux plus perméables. L’oxygènothérapie
hyperbare serait bénéfique.
Ulcères d’origine artériolaire
ou artérielle ULCÈRE DE MARTORELL [18]
(ULCÈRE DES HYPERTENDUS)
Les gangrènes ont un aspect bien particulier et sont exclues de cet
article. Cependant, il est des ulcères liés à l’insuffisance d’apport Survenant chez des sujets d’âge moyen ou mûr et hypertendus,
sanguin. La circulation cutanée n’étant pas terminale mais ces ulcères siègent électivement sur les régions prétibiales et
anastomotique, la carence d’apport est liée à une thrombose antéro-internes du tiers inférieur de jambe. Ils sont volontiers
extensive, une thrombose localisée étant immédiatement suppléée bilatéraux. Leur aspect est variable, nécrotique ou atone (fig 9). Ils
et l’infarctus cutané étant impossible. sont très douloureux. L’hypertension est ancienne et en général
compliquée de lésions rétiniennes. L’histologie montrerait des
ANGIODERMITE NÉCROTIQUE
(ULCÈRE ARTÉRIOLOSCLÉREUX) [9]

Cette affection survient chez des sujets âgés, de préférence de sexe


féminin, présentant un athérome généralisé mais habituellement
sans artérite des membres inférieurs.
La lésion siège électivement à la face externe de la jambe, sur la
crête tibiale, ou à la partie inférieure du mollet (fig 8). Elle débute
par une brève phlyctène. La plaie, jaune grisâtre, est parsemée de
points nécrotiques ou hémorragiques. Ses contours sont irréguliers,
géographiques, avec souvent de petits ulcères satellites. Les bords,
abrupts, sont cyanotiques ou inflammatoires dans les zones
d’extension et reposent sur un œdème rosé. La douleur est vive et
permanente, parallèle à la sévérité de la nécrose. On note une fièvre
modérée avec accélération de la vitesse de sédimentation, élévation
de la protéine C réactive et hyper-α1-globulinémie. 9 Ulcère de Martorell.

5
19-0540 Ulcères de jambe Angéiologie

lésions artériolaires : paroi épaissie par une prolifération intermittente, un index de pression systolique distale inférieur à 1.
endothéliale, hyalinose sous-intimale et épaississement de la Pour engendrer ou aggraver des lésions, il doit être inférieur à 0,4 ;
média. Des thromboses organisées seraient parfois observées. il est alors classiquement associé à des douleurs de décubitus et à
Aucune autre étiologie ne doit être retrouvée pour pouvoir porter une érythrose de déclivité. Le traitement de l’artérite doit bien
ce diagnostic ; en particulier il ne doit pas y avoir d’athérome entendu être alors mis en œuvre.
généralisé. Un critère diagnostique important est la suppression
de la douleur et la cicatrisation par correction de l’hypertension.

Conclusion
Ulcères artéritiques
Deux types d’ulcères sont concernés sous cette dénomination : des Les ulcères de jambe posent encore aujourd’hui des problèmes de
ulcères d’origine veineuse ou autre, aggravés ou rendus incurables diagnostic et de thérapeutique. Si l’origine veineuse reste
par le processus artéritique, et des ulcères de jambe apparus sans prédominante dans nos régions, il est important de ne pas
autre facteur étiologique que l’artérite. méconnaître une autre étiologie ; une photopléthysmographie normale
doit conforter ce doute [22]. Cet examen paraît le plus apte à dénouer
La participation artérielle peut être invoquée lorsque l’ulcère l’écheveau des divers reflux, car il s’adresse directement au tissu
stagne alors que le facteur causal est supprimé. Cette éventualité malade. Il permet en outre de décider de l’utilité ou non d’un
est fréquente chez des personnes âgées présentant un ulcère stripping saphénien. Les examens par sonde doppler et échodoppler
d’origine veineuse. On parle alors d’ulcères mixtes. L’aspect ne trouvent leur utilité que pour des décisions thérapeutiques
clinique est celui de l’affection initiale, le terrain artéritique chirurgicales plus complexes. Les examens fonctionnels de la pompe
contribuant seulement à la chronicité et à l’incurabilité. Bien du mollet ont surtout un intérêt pronostique. La thérapeutique de
entendu le pronostic dépend des deux facteurs étiologiques. première intention reste la contention associée à la rééducation de la
Les ulcères artériels ont une localisation sélective sur la région marche. Dans tout ulcère, la recherche d’une artérite associée est de
achilléenne et la crête tibiale, probablement par facteur déclenclant rigueur. Dans tous les cas également, la qualité du traitement local
traumatique. Ils sont volontiers creusants, sphacéliques, à bords à est essentielle. Elle dépend en grande partie de l’infirmier qui doit
pic et très douloureux. L’existence d’une nécrose serait indicatrice être éduqué par le médecin après que ce dernier se soit familiarisé
d’une artériolite athéromateuse associée. avec les problèmes courants des soins locaux d’ulcères. Enfin, il est
Le diagnostic d’artérite est confirmé par la palpation des pouls, une exigence médicale à ne pas oublier : le rappel de vaccination
l’auscultation vasculaire, l’existence d’une claudication antitétanique.

Références
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6
¶ 43-004

Techniques de base en chirurgie


vasculaire
P. Lermusiaux, A. Millon, N. Della Schiava

Les techniques de base en chirurgie vasculaire concernent les chirurgiens vasculaires en formation, mais
aussi tous les chirurgiens qui, dans leur spécialité, doivent disséquer à proximité des vaisseaux (curage
ganglionnaire) ou anastomoser des vaisseaux (greffe d’organe, lambeaux). Le chirurgien peut aussi être
confronté à une plaie vasculaire lors de la dissection, ou à une compression vasculaire. Le but de cet article
est de présenter les techniques de base dont la connaissance est nécessaire pour opérer les vaisseaux.
Nous décrirons en particulier l’instrumentation spécifique, les techniques de dissection, de ligatures et
d’anastomoses des vaisseaux. Cependant, la chirurgie ne se résume pas à l’intervention. Être bon
techniquement ne suffit pas. Il est essentiel d’avoir défini auparavant la stratégie opératoire grâce à une
bonne connaissance de la pathologie et en s’appuyant sur des examens d’imagerie. Cela permet
d’anticiper les temps difficiles et de choisir parmi plusieurs tactiques possibles en fonction de l’état général
du malade. La connaissance de l’anatomie chirurgicale guide l’exposition. Enfin, les gestes techniques ne
s’apprennent plus uniquement au bloc opératoire, mais en s’entraînant sur des modèles.
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Mots clés : Chirurgie vasculaire ; Techniques de base ; Artère ; Prothèse ; Anastomose ; Fil polypropylène

Plan ¶ Intervention 18
Préparation du chirurgien 18
¶ Introduction 1 « Self-control » 18
Installation 18
¶ Matériel 1 Incision 18
Pinces à disséquer 2 Dissection 18
Ciseaux 2 Principes du pontage 19
Porte-aiguilles 2 Contrôle 19
Clamps 2 Fermeture et drainage 19
Spatule de Robb et anneaux de Vollmar 5
¶ Entraînement 19
Écarteurs 5
¶ Conclusion 19
Fils et aiguilles 6
Teflon feutre et pledgets 6
Colles 7
Lunettes grossissantes et éclairage 7 ■ Introduction
¶ Techniques de base 7
Il y a sans doute autant de techniques de dissections, d’anas-
Passer un fil 7
tomoses, qu’il y a de chirurgiens. Il existe une multitude de
Couper le fil 7
clamps et d’écarteurs et chaque chirurgien a ses secrets pour
Position de l’aiguille sur le porte-aiguille 8 s’exposer au mieux.
Faire un nœud 8 Le but de cet article est de décrire des techniques reproducti-
Ligature-section des vaisseaux 8 bles. Il est certain que le lecteur peut utiliser dans son service
Prélèvement de la veine grande saphène 9 des techniques très différentes, mais tout aussi efficaces. Nous
Artériotomie 11 donnons ici des notions générales et il faut se reporter aux
Anastomoses 12 chapitres spécifiques de l’EMC pour trouver une technique
Thromboendartériectomie 16 opératoire en particulier.
Réintervention au triangle de Scarpa 17
Embolectomie à la sonde de Fogarty 17
■ Matériel
Certains chirurgiens réalisent l’ensemble des interventions
avec une pince de De Bakey et une paire de ciseaux de Mayo. Il

Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire 1

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43-004 ¶ Techniques de base en chirurgie vasculaire

A A

B
B
C
Figure 1. Mors des différentes pinces à disséquer utilisées de façon
courante.
A. Pince de De Bakey.
B. Pince de Resano.
C. Pince de Cushing. C
Figure 2. Ciseaux.
A. Metzenbaum.
B. Potts.
est cependant utile d’avoir des instruments adaptés à la chirur- C. Potts coudés sur le plat.
gie réalisée. Il est donc important de feuilleter les catalogues des
différentes firmes d’instruments pour se familiariser avec ceux-ci
et appréhender leur immense diversité. Ciseaux de Metzenbaum (Fig. 2A)
La pince à disséquer et les ciseaux doivent avoir la même Les ciseaux de Metzenbaum ont une pointe arrondie et
longueur. La longueur d’instruments est adaptée à la profondeur atraumatique. Ils sont fins et permettent une dissection précise.
du champ opératoire. Le chirurgien demande à l’instrumentiste Ils ne sont pas très puissants et donc mal adaptés en cas de
un instrument pour sa main droite. L’instrumentiste doit sclérose importante.
« armer la main gauche » avec un instrument adapté. Les
ciseaux de Metzenbaum appellent une pince type De Bakey ou Merveilleux
Resano, un porte-aiguille appelle une pince type Cushing Il s’agit d’un ciseau équivalent aux ciseaux de Metzenbaum
destinée à reprendre les aiguilles. mais plus fin et un peu plus pointu. Il est particulièrement
adapté à la dissection des vaisseaux de petit diamètre comme les
Pinces à disséquer (Fig. 1) artères de jambe.

Ciseaux de microchirurgie
Pince de De Bakey (Fig. 1A)
Les ciseaux de microchirurgie sont assez peu utilisés en
C’est la pince de base et la plus utilisée. Elle permet d’attraper vasculaire, car l’absence d’anneau les rend peu adaptés à la
les tissus de manière efficace avec peu de glissement grâce à ses dissection. Ils peuvent se substituer aux ciseaux de Potts sur les
mors en rangées intercalées. Cependant, cette pince est trauma- petites artères. Ils permettent aussi de dénuder la paroi d’un
tisante (elle laisse son empreinte sur les vaisseaux) et assez greffon saphène avant l’anastomose.
pointue (d’où un risque de perforer un vaisseau fragile). Utilisée
lors de la suture, elle permet de bien présenter l’artère, car elle Ciseaux de Potts (Fig. 2B)
ne glisse pas. En revanche, l’aiguille a tendance à tourner entre Il ne s’agit pas de ciseaux de dissection. Ils permettent de
les mors. compléter l’artériotomie qui a été initiée au bistouri lame 11. Ils
sont coudés et leur extrémité est pointue. Ils existent en
Pince de Resano (Fig. 1B) différentes tailles et angulations, en particulier contre-coudés et
coudés sur le plat (Fig. 2C) pour s’adapter aux différentes
La pince de Resano peut sembler « rustique » avec sa large
angulations.
extrémité. Elle repose sur le principe du matelas à clous. La
pression est répartie sur de multiples points. Elle permet de
prendre le vaisseau en « masse », c’est-à-dire dans son ensemble,
Porte-aiguilles
sans glissement mais sans traumatisme, comme en témoigne Les porte-aiguilles existent en différentes longueurs avec des
l’absence d’empreinte sur le vaisseau. Elle peut être utilisée lors mors plus ou moins larges et épais. Des plaquettes en carbure
de la suture pour des fils de diamètre supérieur ou égal au 4/0 de tungstène peuvent être fixées sur les mors et contribuent à
(fermeture des aponévroses et des tissus sous-cutanés). un meilleur maintien de l’aiguille. Le porte-aiguille type Mayo-
Hegar est large et solide et convient pour des aiguilles de 1/0 à
Pince de Cushing ou Adson (Fig. 1C) 4/0. Le porte-aiguille type Crile-Wood, plus fin, est utilisé pour
des aiguilles de 4/0 à 6/0. Le porte-aiguille Ryder, à extrémité
Souvent appelée « bout doré », car ornementée d’un placage très fine est adapté pour des aiguilles allant du 4/0 à 6/0 et
doré, ses mors sont presque plats et ressemblent à ceux du jusqu’au 8/0 pour le micro-Ryder. Il est important de s’entraîner
porte-aiguille. C’est la pince pour coudre. Elle permet de saisir à décliqueter le porte-aiguille en restant immobile pour ne pas
l’aiguille avec précision, sans rotation. Elle permet de pincer agrandir les trous d’aiguille. Le pouce et le quatrième doigt sont
doucement la paroi artérielle sans la traumatiser. Elle ne permet passés dans les anneaux et l’index est positionné sur le corps.
pas une prise ferme car les tissus glissent entre les mors. Elle est Pour débloquer la crémaillère, le pouce peut éventuellement
idéale pour les fils de 4/0 à 7/0. sortir de l’anneau pour pousser légèrement sur la branche. Le
quatrième doigt reste toujours dans l’autre anneau. Le porte-
aiguille de microchirurgie à branches rondes permet des
Ciseaux (Fig. 2) mouvements de rotation entre les doigts. Celui de Castroviejo
à crémaillère est très utilisé pour les aiguilles de 7/0 et 8/0.
Ciseaux de Mayo
Les ciseaux de Mayo sont arrondis à leurs extrémités, et donc Clamps
atraumatiques. Il s’agit de ciseaux puissants qui permettent Il existe une grande variété de formes et de tailles et il existe
difficilement la dissection de vaisseaux de petit diamètre. pratiquement un clamp pour chaque situation. Cela pourrait

2 Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire

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Techniques de base en chirurgie vasculaire ¶ 43-004

essentiellement utilisé sur l’aorte, mais il existe des risques : soit


la prise est insuffisante et le clamp risque de déraper, soit la
prise est trop importante, et c’est alors l’équivalent d’un
clampage total avec l’ischémie d’aval. Parfois le clamp est mal
positionné et les berges de l’artériotomie ne s’écartent que très
partiellement, rendant l’anastomose difficile. Enfin, des calcifi-
cations contre-indiquent un clampage latéral, qui risque d’être
partiel. L’étude tomodensitométrique permet de le prévoir. Une
fois le clamp positionné, il est préférable de ponctionner le
segment aortique exclu avec une aiguille pour s’assurer de
l’absence de flux, confirmant la bonne qualité du clampage. On
Figure 3. Exposition du mur postérieur de l’artère par un clampage
utilise pour le clampage aortique latéral des clamps type
antéropostérieur facilitant une suture terminoterminale.
Satinsky ou Lambert-Kay (utilisés pour le clampage latéral de
l’aorte ascendante pour l’implantation proximale des pontages
pousser à avoir un grand nombre de clamps dans chaque boîte coronariens).
pour faire face à toutes situations particulières. En fait, il est
possible de pratiquement tout faire avec quelques clamps. Un Bulldog (Fig. 4D)
clamp idéal est un clamp atraumatique, qui ne glisse pas, et qui Il s’agit de clamps autostatiques, qui jouent par l’élasticité du
procure une bonne occlusion du vaisseau. métal. La force de serrage n’est donc pas réglable et doit être
évaluée avant de positionner le bulldog sur une artère fragile.
Clamps usuels Ces clamps sont peu encombrants, peuvent être positionnés
Les clamps classiques ont des mors de De Bakey. Ceux-ci sont lorsque l’artère est profonde à l’aide d’une pince de Kelly. Ils
traumatisants et le clamp doit être serré au minimum (en constituent cependant un piège agaçant pour les boucles des fils
général « trois cliquetis ») [1, 2]. En revanche, ces clamps n’ont de suture.
pas tendance à glisser lors d’un clampage total. Si l’artère en
aval du clamp est sectionnée, il est prudent de passer un lacs « Vessel loop »
dans les anneaux, puis de le nouer pour éviter toute ouverture
Il s’agit d’un lacs en Silastic® qui est enroulé deux fois autour
intempestive du clamp lors d’un choc. Si l’artère est souple, la
du vaisseau. Il est utilisé essentiellement pour les collatérales ou
forme et la position du clamp permettent de créer un collapsus
la partie distale du vaisseau. Il s’agit d’un clampage peu
antéropostérieur ou transversal, ce qui peut faciliter la suture
traumatique [1] qui permet le passage de guides, d’introducteurs
(un clampage aortique antéropostérieur expose le mur posté-
ou de sondes à ballonnet. Ils permettent de réaliser facilement
rieur de l’aorte et facilite une suture terminoterminale) (Fig. 3).
les manœuvres de flush.
Les clamps les plus utilisés (Fig. 4) sont : les clamps type
Ce lacs mis sous tension permet le positionnement d’un
Satinsky (Fig. 4A) ou Castaneda, les clamps à angle (Fig. 4B) et
clamp proximal. Ces lacs ont tendance à glisser, ce qui peut être
les clamps aortiques droits ou angulés (Fig. 4C). Le clamp
évité en positionnant la double boucle de part et d’autre d’une
aortique semi-courbe dit « cuillère » est utile pour la réalisation
collatérale, ce qui permet en outre d’éviter qu’elle ne reflue
d’un pontage aortobifémoral. Le clamp supérieur est positionné
(Fig. 5).
au ras des artères rénales et le clamp « cuillère » est utilisé
Ces lacs peuvent être fixés sur le champ à l’aide de pinces. Il
comme clamp inférieur prenant en masse les artères lombaires.
est utile de ne pas les recouper pour pouvoir les repositionner
Les clamps pédiatriques, en particulier en titane, sont très
sur un endroit plus éloigné sur le champ opératoire. Ils peuvent
légers et peu encombrants. Il faut cependant se souvenir que la
être aussi passés dans les anneaux de l’écarteur de Beckmann et
force du clamp se répartit sur la surface en contact avec le
fixés à l’aide de pinces (Fig. 6).
vaisseau et que pour des clamps très fins, la pression est très
La traction d’un lacs d’amont et d’un lacs d’aval, dans des
forte.
directions opposées, déforme l’artériotomie. Si celle-ci est
Il existe des clamps à mors plus ou moins mousse, en
transversale, cela a tendance à l’ouvrir et les points risquent de
élastomère. Ces clamps sont peu traumatiques, mais un peu
déchirer. Si elle est longitudinale, la traction tend à coller les
encombrants et peuvent déraper. Le clampage d’une prothèse
berges l’une contre l’autre.
polyester nécessite un clamp élastomère ou un clamp classique
dont les mors ont été engainés par du caoutchouc ou du
Bande d’Esmarch
Silastic® pour ne pas rompre les fibres de polyester [3].
Le clampage latéral permet de réaliser une anastomose, tout Une artériotomie peut être réalisée sur l’artère poplitée ou les
en maintenant la perfusion d’aval. Le clampage latéral est artères de jambe sans utiliser de clamp. En effet, celui-ci risque

A B C D
Figure 4. Clamps usuels.
A. Satinsky.
B. À angle.
C. Aortique semi-courbe ou « cuillère ».
D. Bulldog.

Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire 3

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A B
Figure 5. Clampage artériel par lacs Silastic® ou vessel loop (A, B). Le lacs
est passé autour d’une collatérale pour éviter qu’elle ne reflue et pour qu’il
garde sa position.

Figure 7. Clampage artériel par une bande d’Esmarch (A, B). Cette
technique permet de ne disséquer que la face antérieure de l’artère et de
limiter la blessure des veines adjacentes.

Figure 6. Vessel loop fixé sur un écarteur de type Beckmann.

de fracturer des plaques athéromateuses aboutissant à la


thrombose du vaisseau. Une bande d’Esmarch est enroulée
autour du pied, puis de la jambe, sans superposer les différents
tours de manière à pouvoir la retirer facilement. Elle est fixée au
niveau de la jambe ou de la cuisse par des pinces plates après
avoir fait se superposer quelques tours de bande (Fig. 7).
Lorsque cela est possible, il est préférable de mettre en place la
bande sur un membre hypoperfusé grâce au clampage préalable
de l’artère fémorale. La bande fait garrot et les vaisseaux sont
vides de sang. Cette technique autorise une dissection minimale
de l’artère sur une seule face et une courte longueur, évitant le
contrôle d’amont et d’aval et la dissection des veines fragiles qui
entourent habituellement l’artère.

Compression
En cas de plaie artérielle ou veineuse, alors que le contrôle
artériel d’amont et d’aval n’est pas acquis, ou lors de la cure
d’un anévrisme rompu ou d’une plaie artérielle traumatique, le
contrôle de l’hémorragie peut être réalisé en comprimant le
vaisseau au doigt ou à l’aide d’une compresse, montée sur une
pince longuette ou d’une « noisette » sur une pince de Kelly. La
dissection du vaisseau peut être poursuivie permettant de le
clamper.

Clampage endoluminal
Lors de la cure, par exemple, d’un faux anévrisme sur
l’implantation fémorale d’une prothèse, il est possible de
clamper la prothèse, puis d’ouvrir l’anévrisme et d’aveugler le Figure 8. Clampage endoluminal des artères fémorales superficielle et
reflux de l’artère fémorale superficielle et de l’artère fémorale profonde par des sondes de Fogarty munies d’un robinet à trois voies lors
profonde, à l’aide de sondes de Fogarty munies de robinets à de la cure d’un faux anévrisme fémoral.
trois voies (Fig. 8). En effet, le contrôle de l’artère fémorale
superficielle et de l’artère fémorale profonde peut être difficile
si ces vaisseaux sont masqués par le faux anévrisme. Lors de la chirurgie du trépied fémoral, le clampage iliaque
Lors de la cure d’un anévrisme aortique, le reflux par les d’amont peut être obtenu par voie endovasculaire lorsque
artères iliaques peut être supprimé par la mise en place de l’artère est très calcifiée. Il existe cependant un risque de rupture
sondes de Foley (éventuellement pédiatriques) (Fig. 9). Cela du ballonnet de la sonde de Fogarty sur des plaques calcifiées.
évite le contrôle des axes iliaques et leur clampage qui peut être Il peut être plus prudent de monter tout d’abord un guide, puis
source de complications lorsque ces vaisseaux sont très calcifiés, un introducteur à valve et enfin un ballon d’angioplastie pour
et permet de plus l’injection de sérum hépariné vers l’aval. obtenir l’occlusion.

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Figure 9. Clampage endoluminal de l’artère iliaque par une sonde de


Foley lors de la mise à plat d’un anévrisme de l’aorte abdominale.

A B

Figure 11. Écarteurs.


A. Langenbeck.
B. Bras de Martin.
C. Écarteur autostatique type Omni-Tract®.

pression de l’eau à l’aide d’une canule. Le séquestre athéroma-


C teux est sectionné puis engagé dans l’anneau de Vollmar. Il faut
choisir un anneau de même diamètre que l’artère ou très
Figure 10. Clampage artériel par le système du tourniquet (A à C). légèrement supérieur. La main droite fait progresser l’anneau en
lui imprimant des mouvements de rotation.
Le « ring Moll cutter » est un anneau qui permet, par un
Tourniquet mécanisme de coupe-cigares, de sectionner la partie distale de
Un lacs en tissu est tout d’abord passé autour du vaisseau la plaque sans avoir à aborder l’artère à ce niveau. L’arrêt de
puis glissé dans une gaine de caoutchouc permettant le serrage plaque est alors fixé par mise en place d’un stent.
du vaisseau (Fig. 10). Cette technique est particulièrement utile Ces techniques d’endartériectomie sont actuellement très peu
lors de la montée d’une endoprothèse aortique, permettant utilisées, mais méritent d’être connues. La réanimation d’une
d’obtenir l’hémostase lors de la montée de volumineux intro- artère native thrombosée peut être utile en cas d’ablation d’une
ducteurs, puis lorsque l’introducteur est en place. prothèse septique ou pour raccourcir un pontage distal en
l’absence de matériel veineux de longueur suffisante.
Spatule de Robb et anneaux de Vollmar
Écarteurs (Fig. 11)
La spatule de Robb présente un côté arrondi et un côté à bord
aplati un peu plus tranchant. Le bord aplati permet d’initier le
Écarteur de Beckmann
plan d’endartériectomie. Celle-ci est ensuite poursuivie avec le
côté arrondi. Au niveau des membres inférieurs et du cou, on utilise
Les anneaux de Vollmar sont constitués d’une tige relative- habituellement des écarteurs autostatiques type Beckmann. Ils
ment rigide et d’un anneau. Une large artériotomie transversale existent en différentes tailles. On peut positionner un grand
est réalisée en conservant un mur postérieur. Le plan d’endar- Beckmann appuyé sur les tissus sous-cutanés pour écarter les
tériectomie est initié à la spatule de Robb et poursuivi de berges de la plaie et permettre à la lumière de rentrer, puis
manière circulaire le plus loin possible en s’aidant essentielle- positionner un second Beckmann plus petit de part et d’autre
ment d’une hydrodissection réalisée en injectant sous forte du vaisseau à traiter. Il est important de retirer ces écarteurs ou

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au moins de les desserrer si l’on travaille sur un autre site


opératoire, car ils sont agressifs pour les tissus mous.
Pour l’abord des artères de jambe, le Beckmann à crochets
asymétriques est particulièrement utile.

Valves et écarteurs
Pour écarter les tissus, on utilise le plus souvent l’écarteur de
Farabeuf qui existe en différentes longueurs et largeurs.
L’écarteur de Langenbeck (Fig. 11A) est plus ergonomique et A B
accroche mieux les tissus. Figure 12. Réalisation d’une suture sur artère très calcifiée. L’artère est
Les valves de Leriche ou de Deaver existent en différentes préperforée avec une aiguille triangulaire (A) puis le surjet est poursuivi
longueurs et largeurs et sont indispensables, en particulier dans avec une aiguille ronde en repassant dans le même trou (B).
des voies d’abord rétropéritonéales.
Lors de la chirurgie aortique, une valve fine et longue est
positionnée transversalement le long de la veine rénale gauche
et une valve moins profonde et plus large permet de récliner
l’intestin grêle. 3 2 1

Bras de Martin
Ce bras que l’on fixe à travers les champs à la table est muni
de deux articulations et l’on peut y fixer un écarteur de Farabeuf
ou une valve de Leriche (Fig. 11B). Il remplace un aide.
L’utilisation de deux ou trois bras de Martin, permet, si on les
associe à un écarteur pariétal autostatique type Ricard ou
Gosset, de faire toute la chirurgie abdominale.
Contrairement à un aide, les bras de l’écarteur restent Figure 13. Suture artérielle renforcée par une bandelette de Téflon
parfaitement statiques. Cela peut constituer un inconvénient si feutre. La suture prend successivement la paroi artérielle (1), le Téflon (2)
le bras comprime un vaisseau ou l’uretère. puis la prothèse (3).

Écarteurs autostatiques pour chirurgie


abdominale l’artère à anastomoser. Par exemple, on utilise souvent un fil de
Les écarteurs type Omni-Tract® sont composés de deux barres 4/0 pour l’aorte, de 5/0 sur les artères fémorales communes, de
latérales, en « wishbone » que l’on positionne de part et d’autre 6/0 sur l’axe fémoropoplité et de 7/0 sur les artères de jambe.
de l’incision abdominale ou thoracoabdominale (Fig. 11C). Le 7/0 peut être utilisé avec une aiguille de 9 mm de long. Le
L’écarteur est fixé sur la table et sur ses barres sont disposées des 6/0 avec une aiguille de 13 mm, le 5/0 avec une aiguille de
valves adaptées pour la paroi ou les viscères. 17 mm et le 4/0 avec une aiguille de 23 mm.
Ces écarteurs nécessitent un apprentissage pour être parfaite- Il existe des aiguilles à extrémité ronde moins traumatiques
ment utilisés. Ils sont encombrants, mais permettent d’opérer et des aiguilles à extrémité triangulaire plus traumatiques, mais
avec un seul aide en procurant une remarquable exposition. indiquées en cas de calcifications artérielles.
Lorsque l’artère est très calcifiée, il est possible d’utiliser une
aiguille triangulaire pour perforer l’artère, puis de repasser dans
Fils et aiguilles le même trou avec l’aiguille ronde utilisée pour le surjet
(Fig. 12). Les fils vasculaires sont montés avec une ou deux
Le diamètre du fil est défini en décimal. La décimale équivaut aiguilles. Ces derniers permettent de réaliser les anastomoses.
à 1/10e de mm. Un fil décimal 1 a pour calibre 1/10e de mm, Certains chirurgiens préfèrent des aiguilles faisant 3/8e de cercle
un fil décimal 4 a pour calibre 4/10e de mm. et d’autres ayant la forme d’un demi-cercle. Les sutures mono-
La taille du fil peut se présenter sous forme numérique. Plus filaments se nouent facilement, mais risquent de se dénouer. Il
le nombre de 0 dans la taille de suture augmente, plus le est donc souhaitable de réaliser au moins six demi-clés en
diamètre du fil diminue. Par exemple, la taille de suture de intervertissant les chefs [5]. La suture entre une prothèse et une
5/0 indique un diamètre plus petit que la taille de 4/0. Cela artère ne cicatrise pas et c’est donc le fil qui va maintenir la
correspond à une mesure de solidité du fil. Il existe des tableaux prothèse sur l’artère durant toute la vie du patient. La rupture
d’équivalence entre diamètre réel et résistance. Un fil 5/0 résiste du fil aboutit à la constitution d’un faux anévrisme. Il est donc
à 1,5 kg, un fil 3/0 à 2 kg. essentiel de ne pas fragiliser le fil. Tout pincement de ce type de
Le fil le plus utilisé est un fil non résorbable, monofilament suture endommage et affaiblit le fil, pouvant provoquer sa
(donc non tressé), de polypropylène (Prolène®, Surgipro®). Le fil rupture secondaire. L’existence d’un nœud sur l’un des chefs du
de Gore-Tex® a pour avantage de ne pas avoir de mémoire de surjet le fragilise aussi de manière importante et ce chef doit
forme [4]. Il n’a donc pas tendance à boucler. Il est de plus gros être abandonné, l’anastomose étant poursuivie avec l’autre
diamètre que les fils de polypropylène. Un 4/0 Gore-Tex® a le chef [6].
diamètre d’un 3/0 Prolène®. Le fil tend à avoir un diamètre
supérieur à l’aiguille et réduirait le saignement par les trous
d’aiguille, en particulier sur les prothèses en polytétrafluoroé- Teflon feutre et pledgets
thylène (PTFE). L’inconvénient de ce fil, qui en réduit son Pour renforcer une paroi artérielle fragile, en particulier
utilisation, est son prix. l’aorte, une bandelette de Téflon feutre est glissée autour de
La suture entre une artère et une veine autologue cicatrise et l’aorte. La suture prend donc successivement la paroi artérielle,
il est possible, dans ce cas seulement, d’utiliser un fil résorbable le Téflon feutre, puis la prothèse (Fig. 13). L’inconvénient est
monofilament (type Monocryl®). Le risque d’interversion des qu’il est parfois difficile, en cas d’hémorragie au déclampage, de
fils explique que la plupart des chirurgiens n’utilisent que du situer le siège de celle-ci. Lorsque le vaisseau déchire au passage
polypropylène. du fil, ou lorsqu’il faut rajouter des points sur une anastomose
Le diamètre du fil doit être corrélé à celui de l’aiguille. Il ne portant sur une artère fragile, il faut appuyer la suture sur un
serait pas logique d’utiliser un fil de gros diamètre monté sur carré de Téflon feutre (pledget) ou un carré découpé dans un
une aiguille très fine. Fils et aiguilles sont choisis en fonction de segment de prothèse ou de veine (Fig. 14).

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Figure 14. Point d’hémostase en U appuyé sur un pledget.

Colles
L’utilisation de colle peut être une partie inhérente de la
technique chirurgicale comme dans les dissections aortiques.
Elle peut aussi rendre de grands services en prévention des
hématomes ou pour contrôler une hémorragie active. Les colles
seront probablement de plus en plus utilisées, mais leur coût est Figure 15. Technique de passage d’un fil ou d’un lacs autour d’un
un frein à ce développement. Par exemple, dans une thoraco- vaisseau à l’aide du dissecteur. Le fil doit être tendu comme la corde d’un
lombotomie, il est possible de pulvériser de la colle (Tissucol®, arc et présenté au dissecteur à l’aide d’une pince.
Evicel®) dans le décollement rétropéritonéal, pour limiter le
risque d’hématome postopératoire. On peut aussi coller préven-
tivement les anastomoses (surfaces sèches), en particulier sur
une aorte fragile pour la renforcer, ou sur une anastomose
utilisant une prothèse en PTFE pour éviter le saignement par les
trous d’aiguille au déclampage (Coseal®).
“ Points forts
Enfin, la colle peut permettre de régler certaines situations
• Le geste chirurgical doit être anticipé afin de prévoir le
difficiles d’hémorragie au déclampage par déchirure de l’artère.
On peut alors reclamper et encoller l’anastomose (Bioglue®,
matériel adéquat.
Coseal®, Evicel®) ou utiliser directement la colle (Flowseal®) en • Un clamp idéal est atraumatique, ne glisse pas, est
s’aidant éventuellement de compresses utilisant une combinai- adapté à la taille du vaisseau et à la fragilité de la paroi et il
son de collagène et de colle biologique (Tachosil®). procure une bonne occlusion du vaisseau.
• L’installation du patient et du chirurgien conditionne le
Lunettes grossissantes et éclairage bon déroulement de l’intervention.
• Du temps doit être accordé à l’exposition qui permet
L’utilisation de lunettes grossissantes améliore le confort
une chirurgie de reconstruction plus aisée.
opératoire du chirurgien. Elles sont indispensables pour la
réalisation d’anastomoses sur des artères de petit diamètre,
• Le fil vasculaire de choix est un monofilament non
comme les artères de jambe. L’utilisation de lunettes nécessite résorbable de polypropylène.
un apprentissage. Il faut donc les utiliser régulièrement même • La colle est un élément d’avenir qui peut permettre de
si l’on n’est pas l’opérateur principal. Le choix de ses lunettes renforcer les anastomoses sur parois fragiles ou de
est primordial. L’image est nette à une certaine distance focale. compléter une hémostase difficile.
Il faut donc choisir cette distance pour ne pas se trouver à
opérer trop près du malade et pouvoir utiliser les lunettes dans
un champ opératoire profond. Un grossissement élevé réduit la
luminosité et l’étendue du champ opératoire. Un grossissement pas au bout du fil. Le fil est tendu comme la corde d’un arc, et
de 2,5 préserve une bonne luminosité et un champ opératoire c’est cette partie qui est passée dans le dissecteur (Fig. 15). Une
étendu. Ce grossissement peut cependant s’avérer insuffisant sur traction sur le fil permet de s’assurer que la prise est correcte.
des artères de 1,5 mm. Le prix des lunettes est très variable. On Le dissecteur peut alors être retiré. Une astuce pour contrôler
trouve actuellement sur Internet des lunettes de qualité à des une collatérale postérieure, comme par exemple l’artère hypo-
prix raisonnables. gastrique ou la fémorale profonde, consiste à faire le tour de
La qualité de l’éclairage est évidemment primordiale. Le l’artère en amont et en aval de cette collatérale (par exemple de
scialytique (étymologiquement « qui coupe les ombres ») doit l’iliaque primitive et de l’iliaque externe). Le dissecteur est
être habituellement placé derrière l’épaule gauche de l’opérateur. positionné autour de l’artère d’amont et l’une des extrémités du
Le scialytique à éclairage par light-emitting diode (LED) constitue vessel loop est passée de l’aide vers soi. Puis le dissecteur est
un réel progrès. Les nouveaux casques utilisant des LED alimen- positionné autour de l’artère d’aval et l’autre extrémité du vessel
tées par piles ou batteries sont très puissants et surtout légers. loop est passée de l’aide vers soi encerclant ainsi la collatérale
Certaines LED peuvent même se fixer directement sur les postérieure (Fig. 16) pour permettre de positionner un clamp.
lunettes grossissantes.
Couper le fil
■ Techniques de base Ce geste revient habituellement à l’aide ou à la panseuse. Le
principal risque est que les ciseaux ne coupent pas bien. Il est
donc essentiel que les ciseaux soient parfaitement immobiles
Passer un fil lors de la section. En effet, si l’on coupe le fil avec un mouve-
Le tour du vaisseau est réalisé à l’aide des ciseaux, puis on ment de retrait des ciseaux, le vaisseau est arraché dans le cas
passe un dissecteur. Le dissecteur ne sert donc pas à disséquer. où les ciseaux ne couperaient pas. Cela est particulièrement vrai
La préhension du fil ou du lacs se fait au bout de la pince, mais pour une suture sur une veine. Il n’est pas nécessaire d’incliner

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A B C D
Figure 16. Contrôle a minima d’une collatérale artérielle postérieure (A à D).

A B C D E
Figure 17. Positions de l’aiguille sur le porte-aiguille en fonction du geste à réaliser.
A. Position « digestive » à deux tiers/un tiers au bout du porte-aiguille.
B. Position « vasculaire » à un demi/un demi au bout du porte-aiguille.
C. Position un tiers/deux tiers pour une plus grande précision.
D. Aiguille à la partie moyenne du porte-aiguille pour passer une plaque calcifiée.
E. Position de l’aiguille en revers. Celle-ci est dans l’axe du porte-aiguille permettant un mouvement de translation.

les ciseaux. Au total, les ciseaux sont à l’horizontale, parfaite- brins sont croisés au départ, le geste aboutit à la formation d’un
ment immobiles et sectionnent le fil de polypropylène à nœud plat (Fig. 18A, B). Il est recommandé de faire des nœuds
environ 10 mm du nœud. Il n’y a enfin aucun intérêt à couper plats pour lier les vaisseaux. Pour l’arrêt d’un surjet au niveau
très court les brins du nœud d’un surjet de fil résorbable d’une anastomose, il est préférable de faire des demi-clés [7] en
puisque celui-ci disparaîtra. alternant le sens des demi-clés et éventuellement le fil tracteur.
Un nœud classique consiste à croiser les brins, à réaliser un
Position de l’aiguille sur le porte-aiguille premier nœud qui sera plat par un mouvement de pronation
puis une demi-clé par un mouvement de supination, ces deux
(Fig. 17)
nœuds étant réalisés avec le même fil tracteur puis à réaliser un
L’aiguille comporte une pointe et un talon et l’on apprend troisième nœud en changeant de fil tracteur (Fig. 18C). Pour les
souvent en chirurgie digestive à tenir l’aiguille à sa jonction anastomoses en polypropylène, il est conseillé de faire six
deux tiers-un tiers, la pointe orientée vers l’avant du porte- nœuds (les nœuds supplémentaires n’améliorant pas la sécurité)
aiguille. En chirurgie vasculaire, il n’y a pas de position type. La et de sectionner le fil entre 7 mm et 10 mm après le dernier
position de l’aiguille dépend de la situation (Fig. 17A). Plus on nœud.
prend l’aiguille près de la pointe et plus on est précis, mais cela Lors de la réalisation du nœud, l’index ou le médius descen-
empêche de faire une prise large. Cette prise de l’aiguille près de dent le nœud au contact du vaisseau. À aucun moment il ne
la pointe est indiquée pour une suture fine. À l’inverse, une doit y avoir de traction sur le vaisseau qui risque de se rompre
prise près du talon permet des prises larges au prix d’une perte s’il est de petit diamètre. Le vaisseau doit donc rester parfaite-
de précision. Cela est indiqué lors de la fermeture pour suturer ment immobile.
des tissus mous.
L’aiguille est positionnée à l’extrémité du porte-aiguille, sauf Ligature-section des vaisseaux
si l’artère est très calcifiée. L’aiguille est alors positionnée à la Nous irons de la technique la moins sécurisée vers la techni-
partie moyenne du porte-aiguille (comme lors de l’utilisation de que la plus sécurisée (Fig. 19).
fil d’acier pour fermer le sternum) (Fig. 17B).
L’anastomose comporte des points en coup droit et en revers. Non sécurisée (Fig. 19A)
Le revers n’est pas la position miroir du coup droit. En revers,
l’aiguille se situe presque dans l’axe du porte-aiguille (Fig. 17C). Deux pinces sont positionnées sur le vaisseau puis celui-ci est
Dans cette position, le passage de l’aiguille dans l’artère ou la sectionné. Le fil est passé autour de la pince de manière à faire
prothèse peut se faire par un mouvement de translation d’avant le nœud au-dessus de la pince. Il n’est pas nécessaire, en cas de
en arrière et non pas de rotation comme en coup droit. prise élective du vaisseau, de desserrer la pince lorsque l’on fait
le nœud, tel que l’on a l’habitude de le faire en cas de prise large
(exemple : épiploon ou mésocôlon). Cette technique peut être
Faire un nœud (Fig. 18) dangereuse, car si la pince est retirée précocement et si le nœud
Ce geste est considéré comme un geste de base et pourtant il casse, il peut y avoir hémorragie par rétraction du vaisseau.
n’existe pas de preuves scientifiques en faveur d’un nœud
parfait [5]. Chaque chirurgien a ses habitudes. Il faut distinguer Sécurisée d’un côté (Fig. 19B)
les demi-clés et le nœud plat, le même geste permettant de Souvent, l’un des deux côtés du vaisseau qui est sectionné est
réaliser ces deux nœuds. Si les brins ne sont pas croisés au plus difficile à rattraper en cas de lâchage de la suture. Le côté
départ, le geste aboutit à la formation d’une demi-clé. Si les dangereux est lié de manière sécurisée. Ainsi, un côté est

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A B

1 3 5

2 4 6 7 C
Figure 18. Les différents nœuds.
A. Nœud plat.
B. Demi-clé.
C. Blocage des nœuds en alternant le fil tracteur.

d’abord ligaturé éventuellement avec une boucle passée, puis moyenne, un nœud est fait sur une face, puis une boucle, puis
une pince est positionnée en face et le vaisseau sectionné. Dans un nœud sur l’autre face. La mise en place d’un clip en amont
ce cas, le risque hémorragique existe lors du positionnement du peut sécuriser cette suture.
nœud sur le côté déjà sectionné. Les gros vaisseaux, tels que l’aorte et les artères iliaques,
peuvent être liés avec un lacs en PTFE, qui a l’avantage de
Sécurisée pouvoir être laissé en place (Fig. 19F). Un surjet de polypropy-
lène peut venir renforcer l’extrémité libre. On peut également
Les nœuds sont faits alors que le vaisseau n’est pas coupé. Si
placer une rangée d’agrafes vasculaires en amont d’un surjet de
l’on casse le fil, il ne se passe rien. Le vaisseau est sectionné
polypropylène en particulier en milieu septique, connaissant le
entre deux fils tracteurs, puis les fils sont sectionnés (« les
risque de rupture d’une simple ligature du moignon artériel. Les
vaisseaux d’abord »). Les nœuds peuvent être remplacés par des
pinces sont habituellement des pinces TA ou GIA avec agrafes
clips, éventuellement doublés. Il faut positionner le clip, comme
rouges et blanches. En revanche, les agrafes ne sont pas
le nœud, sur une partie du vaisseau bien disséquée. Le clip qui
indiquées sur les artères calcifiées en raison du risque de
est poussé dans une zone non disséquée risque de glisser, mais
déchirure du vaisseau.
aussi de « clipper » une branche nerveuse qui n’aurait pas été
Les clips autobloquants de type Hemolock® permettent une
visualisée.
ligature efficace des vaisseaux non calcifiés, en particulier en
Sécurité maximale (Fig. 19C) laparoscopie.

Une pince fine est d’abord positionnée sur le vaisseau, puis Prélèvement de la veine grande saphène
les nœuds sont réalisés comme dans le cas précédent. L’intérêt
de cette pince est d’aider au positionnement des fils. Une fois Il est très souvent nécessaire de prélever la veine grande
retirée, on est certain d’avoir suffisamment de place pour saphène pour réaliser un pontage. Il est essentiel de réaliser la
sectionner le vaisseau. veille de l’intervention un échomarquage. Il est important de
préciser si celui-ci est réalisé en position debout, couché, couché
Suture artérielle dangereuse (Fig. 19D) avec garrot. Un diamètre de 2,5 mm à 3 mm est nécessaire (en
position debout ou avec garrot). Si la veine saphène est de trop
La suture de l’artère sous-clavière dans le thorax par voie
petit diamètre, un autre matériel de pontage est recherché.
cervicale est dangereuse. L’artère est clampée à l’aide d’un clamp
L’autre intérêt de l’échomarquage est de pouvoir inciser la peau
type Satinsky. Un surjet aller en U est d’abord positionné, puis
juste en regard de la saphène, évitant ainsi des décollements,
le retour se fait par un surjet classique. Les fils sont noués, mais
source d’hématome et de nécrose cutanée, et de marquer les
gardés longs, le clamp est retiré. S’il n’y a pas d’hémorragie, les
principales collatérales pour réaliser les incisions à ce niveau. La
fils peuvent être sectionnés.
veine saphène est habituellement abordée, selon un trajet
interne, au niveau du triangle de scarpa, ou au niveau de
Ligature appuyée (Fig. 19E)
l’abord poplité ou jambier. Il est possible de réaliser une incision
Une ligature doit être appuyée si l’on craint un dérapage continue, mais il est préférable de préserver des ponts cutanés
possible du nœud. L’artère est d’abord aiguillée à sa partie qui aident à la fermeture. Ces ponts peuvent être de petite taille

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Figure 20. Technique de prélèvement saphène avec des ponts cutanés.


La graisse est incisée au bistouri électrique en protégeant la veine par le
doigt du chirurgien (A). Puis la face antérieure de la veine est disséquée
(B). Les collatérales sont liées au fil côté veine et par des clips côté distal
(C).

Figure 19. Techniques de ligature-section des vaisseaux de la plus fil, résorbable ou non, est positionné sur la partie proximale des
dangereuse à la plus sécurisée. collatérales, car des clips pourraient s’arracher lors de la
A. Non sécurisée. tunnellisation ultérieure de la veine. Le fil ne doit pas être
B. Sécurisée d’un côté. positionné trop près de l’ostium de la collatérale, car il faut
C. Sécurité maximale. Une pince est mise en place sur le vaisseau non prévoir la dilatation ultérieure du greffon veineux. Un clip peut
sectionné puis les nœuds sont faits de part et d’autre à distance de la pince être positionné sur le côté distal et les collatérales sectionnées
et le vaisseau est coupé en dernier à la place de la pince. (si la veine est laissée in situ, il n’est pas nécessaire de section-
D. Suture artérielle dangereuse. L’artère est clampée par un clamp de ner les collatérales, et seul un clip peut être positionné). Le tour
Satinsky et on réalise un surjet en U et un surjet classique au retour. de la veine est fait au ciseau, puis un lacs Silastic® est passé
E. Ligature appuyée. L’artère est aiguillée à sa partie moyenne puis un autour d’elle de manière à pouvoir la mobiliser. Elle peut aussi
nœud est fait sur chaque face. être mobilisée avec les doigts. Il ne faut pas pincer la veine elle-
F. Ligature par un lacs, renforcée par un surjet. même avec une pince pour ne pas endommager l’endothélium
(no touch technic) et il faut la disséquer en préservant le tissu
graisseux adjacent [8, 9]. Il est aussi possible de prélever la veine
.
(environ 1 cm). Par l’incision, la veine saphène est libérée sur par technique vidéoassistée.
sa face antérieure sous le pont cutané, puis le doigt est passé Du bleu de méthylène est mis en place sur l’une des faces de
sous ce pont cutané (Fig. 20). la veine (on peut aussi utiliser un crayon dermographique) pour
Une nouvelle incision cutanée est réalisée. La sous-peau est limiter le risque de twist de la veine lors des manœuvres de
sectionnée au bistouri électrique, la veine sous-jacente étant tunnellisation. Dès que la veine est sectionnée, il faut inciser
protégée par le doigt glissé dans l’incision (les deux paires de l’extrémité d’aval avec un ciseau de Potts pour marquer le sens
gants nécessaires en chirurgie vasculaire évitent ici de se brûler). de circulation du sang. Du sérum hépariné est injecté dans la
Cette technique permet de retrouver rapidement la veine veine. Il est préférable de ne pas dilater la veine avant son
saphène par la nouvelle incision. Les collatérales sont liées. Le utilisation [8]. Une pression douce, veine clampée, permet de

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Techniques de base en chirurgie vasculaire ¶ 43-004

45°

A B
Figure 22. Techniques d’artériotomie longitudinale.
A. Perforation directe de l’artère par la lame tranchant en avant et inclinée
à 45°.
B. Ouverture couche par couche à la lame 11, tenue à l’endroit.

B
Figure 21. Fermeture d’une artériotomie transversale (A, B). Elle est
faite entre deux clamps à angle plutôt qu’entre deux lacs, ce qui permet
de rapprocher les deux berges.

repérer d’éventuelles brèches veineuses qui sont réparées par un


fil de polypropylène 7/0. Si la veine est utilisée non inversée, il
faut réséquer les premières valvules ostiales après éversion de la
veine, au ciseau de Potts. Il faut en outre savoir que la dernière
valvule risque d’être difficile à détruire si elle est située très près A
de l’extrémité distale. Il faut donc toujours prélever un peu plus
de veine que nécessaire. Une fois la veine prélevée, elle est
immergée dans du sérum ou du sang [8] hépariné à 4° pour
bloquer les métabolismes cellulaires. Si la veine est laissée in situ,
il faut prendre soin de la recouvrir de compresses humides pour
éviter la dessiccation.

“ Point fort B
Le prélèvement saphène Figure 23. Élargissement de l’artériotomie à l’aide d’un aortic punch
• Importance de l’échodoppler préopératoire pour (A, B).
vérifier la perméabilité de la veine, son diamètre, marquer
son trajet pour éviter les décollements source
d’hématome et de nécrose cutanée et marquer les de mettre en place des clamps de manière à éviter une tension
principales collatérales pour guider les incisions cutanées. excessive sur les berges de la plaie (Fig. 21).
• La veine doit être manipulée de façon atraumatique
pour éviter de léser l’endothélium, ce qui compromettrait Artériotomie longitudinale (Fig. 22)
la perméabilité du pontage. Chaque fois qu’il existe un doute sur la nécessité de réaliser
• La veine saphène doit être marquée sur sa face un pontage, ou un geste plus complexe qu’une désobstruction
antérieure pour éviter les twists lors de la tunnellisation. à la sonde à ballonnet, il convient de réaliser une artériotomie
longitudinale. L’artère peut être perforée par la lame 11 tenue
avec le tranchant en avant et inclinée à 45° (Fig. 22A). L’artère
peut aussi être ouverte couche par couche avec la lame 11 tenue
Artériotomie cette fois à l’endroit (Fig. 22B). Sur les artères de petit diamètre,
comme les artères de jambe ou du pied, il est préférable
Artériotomie transversale d’utiliser un bistouri ophtalmique qui est beaucoup plus fin.
L’artériotomie est essentiellement utilisée pour la réalisation Pour réaliser une anastomose et après avoir agrandi l’artérioto-
d’une désobstruction artérielle d’origine embolique, à la sonde mie aux ciseaux de Potts, il est habituel de réséquer une pastille
de Fogarty. Il s’agit d’une artériotomie transversale réalisée sur artérielle pour augmenter la largeur de l’anastomose à l’aide des
une artère sensiblement normale. Le risque de sténose lors de la mêmes ciseaux. Il est cependant plus simple d’utiliser un
fermeture de l’artériotomie transversale est négligeable, il n’y a emporte-pièce type aortic punch de diamètre 4 mm ou 5 mm
donc pas lieu de mettre en place un patch. L’artériotomie peut (Fig. 23). Ces punchs sont utilisés pour réséquer une pastille
être fermée par des points séparés en débutant par les deux artérielle sur l’aorte ascendante pour l’implantation proximale
extrémités ou par deux hémisurjets en débutant, là aussi, par les des pontages aortocoronariens. Ces punchs peuvent être utilisés
extrémités et en terminant à la partie médiane de l’artère. Si le sur des prothèses pour réaliser un trou de diamètre précis pour
clampage était réalisé à l’aide de lacs Silastic®, il est préférable réimplanter une branche collatérale.

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43-004 ¶ Techniques de base en chirurgie vasculaire

B
Figure 24. Fermeture d’une artériotomie longitudinale sur patch par
B
4/4 de surjets (A, B).

Si une anastomose n’est pas envisagée, il existe un risque de


sténose en cas de fermeture par un surjet direct sauf parfois si
l’artère a été endartériectomisée. Il faut donc fermer cette
artériotomie longitudinale sur un patch autologue ou prothéti-
que. Le surjet du patch est habituellement débuté à l’une des
extrémités (Fig. 24). Lorsque les premiers points d’angle ont été
mis en place, il est possible de sectionner le patch à la bonne C
longueur et de poursuivre à l’aide d’un deuxième surjet (« suture
par 4/4 de surjet »). Si l’artériotomie est de courte longueur, il
est aussi simple de réaliser la fermeture avec le même fil (« deux
hémi-surjets »).

“ Points forts
• Ne pas disséquer au dissecteur. D
• Importance de la position de l’aiguille sur le porte-
aiguille qui doit être adaptée à la profondeur du champ et Figure 25. Principes généraux d’une anastomose vasculaire.
à la souplesse de l’artère. A. L’artère doit être piquée de dedans en dehors pour plaquer la plaque
• La position de l’aiguille en revers n’est pas la symétrique d’athérome.
B. La position de l’aiguille sur le porte-aiguille varie en fonction de la
du coup droit.
profondeur du champ opératoire.
• En cas de chirurgie en urgence, si un pontage peut être
C. Utilisation successive des deux mains nécessaire au passage des points.
envisagé, l’artériotomie doit être longitudinale. La main droite effectue une rotation puis la main gauche vient récupérer
• Si on pratique une artériotomie longitudinale, il est l’aiguille et termine la rotation.
habituellement préférable de la fermer sur patch pour D. Geste de talonnage à proscrire. La main droite ne doit pas présenter
éviter une sténose. l’aiguille à la main gauche en faisant une rotation sur place.
• Ne pas oublier l’héparinisation générale avant le
clampage.
passer est très faible. La réalisation d’une endartériectomie au
• Privilégier un clampage antéropostérieur en cas d’artère niveau du site d’anastomose fragilise l’artère et favorise la
calcifiée sur sa face postérieure. survenue de faux anévrismes [10].
• Lors d’un clampage latéral, il faut vérifier l’absence de Seront décrits les principaux types d’anastomose : termino-
flux avant de faire l’artériotomie. Ce clampage est contre- terminale, terminolatérale.
indiqué en cas de calcifications artérielles importantes.
Principes généraux (Fig. 25)
L’artère doit être piquée de dedans en dehors pour plaquer la
plaque d’athérome contre la paroi, alors que piquer de dehors
Anastomoses en dedans expose au risque de décoller une plaque (Fig. 25A).
Les anastomoses sont pratiquement toujours réalisées par des Cette règle n’est évidemment pas absolue, en particulier si
surjets. Elles peuvent être réalisées par des points séparés, chez l’artère est peu athéromateuse. Il faut éviter de mobiliser la
l’enfant, pour permettre la croissance du vaisseau et lors de la paroi de l’artère en la pinçant avec la pince Cushing. Il faut la
réalisation de microanastomoses, car le nombre de points à repousser pince fermée pour ne pas endommager la paroi.

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Techniques de base en chirurgie vasculaire ¶ 43-004

Le bon positionnement de l’aiguille sur le porte-aiguille est


essentiel. Il faut mettre l’aiguille dans la position qu’elle prend
à la sortie de l’artère et le porte-aiguille dans la position plus ou
moins verticale qu’il aura en fonction de la profondeur du
champ opératoire. Si le porte-aiguille, du fait de la profondeur
du champ opératoire, arrive très vertical par rapport à l’artère,
l’aiguille peut être positionnée pour effectuer une rotation dans
un plan, non pas vertical comme à l’habitude, mais horizontal
que cela soit en coup droit ou en revers (Fig. 25B).
L’aiguille doit attaquer l’artère perpendiculairement. Par un
mouvement de rotation du poignet, elle perfore l’artère. Le
mouvement doit s’arrêter là. C’est ensuite la main gauche,
armée d’une pince de Cushing, qui va terminer le mouvement
rotatoire (Fig. 25C). L’étude de la forme de l’aiguille montre que A B C
ses derniers millimètres sont linéaires. Le mouvement idéal de
Figure 26. Le clampage antéropostérieur (C) est préférable à un clam-
la main gauche est donc un mouvement de rotation, puis de
page transversal (B) si l’artère est calcifiée sur sa face postérieure (A).
translation en fin de mouvement. Il ne faut pas reprendre
l’aiguille par la pointe pour ne pas l’émousser. Il peut être
nécessaire de repousser l’aiguille avec le porte-aiguille pour la
faire sortir sur une plus grande longueur. Avec l’habitude, le
Anastomose terminoterminale (Fig. 27)
mouvement est enchaîné, perforation-rotation avec la main Nous prendrons pour exemple la suture d’une prothèse sur
droite, récupération de l’aiguille et fin de rotation par la main l’aorte sous-rénale, chirurgien à gauche du malade. Il faut
gauche. Au début, le mouvement peut être décomposé en deux toujours essayer de coudre « de l’aide vers soi », de manière à ne
temps bien séparés : tout d’abord main droite, arrêt, puis main pas être gêné par les boucles du surjet. La suture débute au
gauche. Une fois l’aiguille récupérée par la pince de Cushing, il point A, aorte de dedans en dehors, puis prothèse de dehors en
faut « se poser » sur une zone propre du champ opératoire pour dedans (Fig. 27A).
la reprendre avec le porte-aiguille. L’aiguille n’est pas reprise à Le premier point peut être lié ou la suture peut être réalisée à
la main. Il faut aussi perdre l’habitude de reprendre les aiguilles distance pendant quelques points (suture « parachute »), puis
dans l’espace. En effet, en cas de stress provoqué par une plaie descendue. En cas d’anastomose simple, il est plus facile de lier
vasculaire, la décharge d’adrénaline va provoquer un tremble- le fil (trois nœuds suffisent) pour solidariser la prothèse à
ment. Il faut donc s’astreindre à toujours reprendre l’aiguille l’artère. En cas d’anastomose difficile, la suture à distance
bien immobilisée sur un plan stable. Il est important de ne pas permet de mieux s’exposer. Une fois arrivé au point B, on va
« talonner », ce qui, par un mouvement de cisaillement, déchire utiliser la seconde aiguille. Si l’on n’a pas noué le fil, on peut
l’artère ou la prothèse et aboutit donc à une hémorragie par les continuer le surjet en coup droit en piquant la prothèse de
trous d’aiguille lors du déclampage. Talonner, c’est effectuer une dedans en dehors, puis l’artère « à l’envers » c’est-à-dire de
rotation de l’aiguille sur place pour présenter l’aiguille à la main dehors en dedans. On peut aussi faire un point en U (si l’on n’a
gauche (Fig. 25D). C’est en fait à la main gauche d’aller pas fait un nœud de départ) pour piquer l’artère de dedans en
chercher l’aiguille quelle que soit sa position à la sortie de dehors, mais cela oblige à coudre en revers. En cas d’anastomose
l’artère. Le passage coup droit revers de l’aiguille se fait par un difficile, changer de côté du malade peut simplifier les choses.
léger relâchement de la pression sur la pince de Cushing tenue Quoi qu’il en soit, il faut terminer une anastomose sur une
par la main gauche en appuyant le talon ou la pointe de zone souple, car les derniers points sont passés à l’aveugle.
l’aiguille sur un plan dur. Il est aussi possible de faire une Avant de terminer l’anastomose, il faut procéder aux manœu-
rotation du poignet gauche pour présenter l’aiguille à la main vres de purge, d’abord pour éliminer les petits thrombi qui
droite dans la bonne position, mais ce geste est moins élégant. auraient pu se former en amont et en aval des clamps, mais
Le positionnement de l’aiguille peut se faire aussi lorsque surtout pour vérifier que le flux d’amont est bien pulsé, et qu’il
celle-ci est tenue par le porte-aiguille, soit en s’appuyant existe un reflux. Cela permet de vérifier qu’il n’y a pas eu de
légèrement sur la pointe, soit en la faisant tourner par une lésion artérielle par le clamp. Cela est aussi vrai en cas d’utili-
légère traction sur le fil. sation d’une bande d’Esmarch. Certains chirurgiens déclampent
Il est important d’être appuyé lors de la réalisation de l’artère avant de réaliser les nœuds pour permettre au surjet de
l’anastomose pour supprimer tout tremblement. Le jeune se détendre et éviter un effet de bourse. En fait, le fil d’un surjet
chirurgien est souvent pressé de réaliser le geste de reconstruc- qui est terminé ne glisse que très peu sur la paroi artérielle. Cela
tion, c’est-à-dire l’anastomose, et ne prend pas toujours le temps explique que beaucoup de chirurgiens font d’abord les nœuds
de se préparer. Ce temps de préparation est indispensable pour puis déclampent. Faire les nœuds nécessite de l’attention. Quoi
réaliser une anastomose de qualité dans de bonnes conditions. de plus irritant, après avoir fait une anastomose difficile, que de
L’héparine est habituellement injectée par voie intraveineuse casser le fil après deux nœuds et de devoir rajouter des points
par l’anesthésiste, mais peut aussi être injectée par voie intra- pour bloquer le surjet ? Avant de faire les nœuds, la panseuse
artérielle par le chirurgien (habituellement 50 unités internatio- doit attraper les aiguilles et les couper. Les fils de polypropylène,
nales [UI] par kg). Il faut passer un dissecteur autour de l’artère jusqu’au 3/0, peuvent être coupés avec des ciseaux de Metzen-
pour faire contre-appui de manière à la palper et choisir une baum. Les fils plus gros abîment ces ciseaux et nécessitent les
zone de clampage. Si l’artère est saine, le clampage peut être ciseaux de Mayo. La panseuse récupère les instruments des
antéropostérieur avec un clamp de type Satinsky ou transverse mains du chirurgien et arrose ses doigts avec du sérum. Si le fil
par un clamp à angle. Il faut choisir et positionner le clamp glisse mal, il risque de se rompre. Certains chirurgiens arrachent
pour qu’il soit le moins encombrant et pour présenter l’artère les aiguilles, mais cela fragilise le fil. Le premier nœud tend à se
en cas de suture terminoterminale. Un clampage antéroposté- détendre et il faut donc se concentrer sur le second qui va
rieur expose le mur postérieur de l’artère. L’artère présente réellement serrer. Relâcher le fil tracteur bloque le nœud. On
souvent « un berceau d’athérome postérieur » probablement peut ensuite changer de fil tracteur. En cas d’hémorragie au
parce que l’on passe une partie de notre vie en position déclampage, parce que l’écart entre deux points est trop
allongée. Dans ce cas, il faut choisir un clampage antéroposté- important ou parce qu’il existe une « oreille », c’est-à-dire une
rieur pour ne pas risquer de fracturer la plaque (Fig. 26). Avant inégalité de longueur entre les deux berges anastomotiques, il
de clamper, il faut aussi choisir le site d’artériotomie. L’imagerie est nécessaire de rajouter des fils. Si l’hémorragie est significa-
préopératoire permet de localiser au mieux les zones non tive, il est préférable de reclamper au moins l’amont. Il faut
calcifiées. Parfois cependant, il n’y a pas réellement de zone choisir une aiguille suffisamment longue pour un passage en
souple et il faut choisir, à la palpation de l’artère, la zone la une fois et fine pour ne pas déchirer l’artère. Il est possible de
moins défavorable. passer un point en X. Après le premier passage du fil, les brins

Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire 13

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43-004 ¶ Techniques de base en chirurgie vasculaire

réalisation d’une incision aux ciseaux de Potts sur la face


antérieure de l’artère va augmenter artificiellement son diamètre
(Fig. 27B).
Lors d’une suture terminoterminale sur des vaisseaux de petit
diamètre, la coupe oblique réduit le risque de sténose anasto-
motique (Fig. 27C). Lors de l’anastomose terminoterminale de
conduits de diamètres différents, la coupe oblique permet
d’adapter les deux diamètres (Fig. 27D). Il est aussi possible de
réaliser une anastomose de type terminolatérale que l’on
terminalise en liant l’artère réceptrice immédiatement en amont
de l’anastomose.
L’anastomose de deux conduits libres peut être réalisée par
deux hémisurjets ou 4/4 de surjet. Les points d’angle sont
positionnés et noués. Un plan est suturé. Les vaisseaux sont
alors retournés, puis le deuxième plan est réalisé (Fig. 27E).

Anastomose terminolatérale (Fig. 28)


C’est l’anastomose la plus fréquemment réalisée en chirurgie
A vasculaire.
Dans un premier temps, la prothèse est sectionnée à la bonne
longueur. Cela est facile à définir pour une prothèse inextensi-
ble comme du PTFE. En ce qui concerne le polyester, les
prothèses sont compliantes en longueur en raison du cosselage.
Certains chirurgiens tendent les prothèses de manière impor-
tante pour pratiquement supprimer ce cosselage, d’autres, au
contraire, ne les tendent pas du tout. Beaucoup de chirurgiens
enfin les tendent à environ 50 %. Cela ne repose pas sur des
études.
Sur un plan hémodynamique et théorique, il est préférable
B d’avoir un angle d’anastomose le plus faible possible, et cela
nécessite d’allonger la longueur de l’artériotomie [11] . La
prothèse peut être coupée de manière oblique avec différentes
formes, ce qui mérite une réflexion pour le jeune chirurgien
(Fig. 28A). On peut ainsi régler l’effet de patch au talon, à la
pointe, et à la partie médiane de l’anastomose en laissant plus
ou moins de prothèse lors de sa recoupe. Les prothèses en
polyester tricotées peuvent être sectionnées aux ciseaux. Les
prothèses tissées doivent être coupées avec un thermocutter
C pour ne pas s’effilocher. Cela est parfois délicat dans un champ
profond (comme une rupture de l’isthme). Les prothèses en
b Gore-Tex® qui ont une double couche de PTFE doivent être
coupées au bistouri, car il est difficile d’avoir une section nette
avec les ciseaux. Une pince de forme adaptée (type Bengolea)
2
b
est positionnée sur la prothèse et celle-ci est sectionnée au
bistouri en faisant attention de sectionner la prothèse du côté
a en amont de la pince pour éliminer la zone pincée qui est
fragilisée.
1 E Il est capital de toujours avoir une plus grande longueur de
prothèse que d’artère (presque une fois et demie). Il sera en effet
Figure 27. Principes d’une anastomose terminoterminale. toujours possible, si la berge prothétique est beaucoup plus
A. Premier point de l’anastomose. Artère piquée de dedans en dehors et longue que la berge artérielle, d’agrandir l’artériotomie ou de
prothèse de dehors en dedans, côté aide afin de coudre ensuite vers soi. recouper la prothèse (Fig. 28B). À l’inverse, si la longueur de la
B. Augmentation artificielle du diamètre de l’artère par une incision sur sa prothèse est inférieure à celle de l’artère, la tension est forte sur
face antérieure lorsqu’il existe une disparité de calibre entre artère et la pointe de l’anastomose, ce qui est potentiellement un facteur
prothèse. d’hyperplasie myo-intimale et donc de sténose anastomotique.
C. Coupes obliques de l’artère et de la prothèse lorsqu’elles sont de petit
Nous décrirons l’anastomose terminolatérale d’une prothèse
diamètre pour réduire le risque de sténose anastomotique.
sur l’aorte, le chirurgien étant à gauche. Cette anastomose se
D. Coupes obliques permettant un ajustement des diamètres des deux
caractérise par un côté coup droit (versant opérateur) et un côté
conduits.
revers (versant aide).
E. Anastomose terminoterminale par deux hémisurjets avec positionne-
La prothèse est d’abord piquée de dehors en dedans, puis
ment premier des points d’angle.
l’artère de dedans en dehors. Trois nœuds sont faits pour
solidariser la prothèse à l’artère. Un fil est passé sur le versant
opposé et il est immobilisé par une pince gainée de Silastic®. Le
sont mis en traction pour faciliter le deuxième passage. Il est but de cette gaine est d’éviter à la pince de déraper. Cette pince
aussi possible de rajouter un point en U en piquant avec une va malgré tout fragiliser le fil et elle doit donc être positionnée
aiguille l’artère de dehors en dedans pour ressortir côté prothèse à distance, sur une portion du fil qui fait fera pas partie de
puis de nouveau de dehors en dedans avec la deuxième aiguille l’anastomose. Le brin restant sur le versant opérateur est
pour ressortir aussi côté prothèse de manière à positionner le d’emblée utilisé. Les premiers points au talon sont piqués en
nœud sur la prothèse. Si les points sont passés de la prothèse deux fois. Bien qu’il s’agisse du côté coup droit, le passage de
vers l’artère, le nœud se situe sur l’artère et elle risque de la prothèse, de dehors en dedans, se fait en revers, puis le
déchirer. Il est préférable de l’appuyer sur un pledget. passage de l’artère de dedans en dehors se fait en coup droit.
Après la suture du mur postérieur, il peut s’avérer que le Cela est vrai pour les trois premiers passages, puis tous les
diamètre de la prothèse qui a été choisie est trop grand. La points sont passés en coup droit en un seul passage. Ce fil est

14 Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire

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Techniques de base en chirurgie vasculaire ¶ 43-004

droit (Fig. 28D). Il faut terminer l’anastomose dans une zone ou


l’artère est saine, car les derniers points sont aveugles. Le
passage du fil dans une artère très calcifiée nécessite en effet
plusieurs tentatives, sous contrôle visuel, pour trouver une zone
un peu moins calcifiée. Certains chirurgiens cousent systémati-
quement en deux fois.
Il est préférable de coudre en deux fois la pointe de l’anasto-
mose pour ne pas risquer un point sténosant, source de throm-
bose du pontage. Lorsqu’il reste environ 5 mm d’anastomose,
les manœuvres de purge sont réalisées, puis la chambre d’anas-
tomose est lavée au sérum hépariné. L’anastomose est terminée
par des passages en une seule prise. Lors des manœuvres de
déclampage, il faut imaginer qu’un caillot puisse se mobiliser, et
il faut déclamper en premier l’artère d’aval dans laquelle une
embolie serait potentiellement la moins grave, puis déclamper
l’amont, puis déclamper l’artère physiologiquement la plus
importante.
L’épaisseur des prises dans la prothèse et l’artère varie selon
les chirurgiens. Certains cousent toujours fin et rapproché. Il
A B nous semble logique de s’adapter aux tissus. Sur une aorte
épaisse et de gros diamètre, des prises relativement larges en
épaisseur sont possibles, car l’on vise ici la solidité. Le risque de
sténose est nul. À l’inverse, sur une artère de petit diamètre, le
risque n’est pas celui de rupture, mais celui de la sténose. Il faut
donc faire des points fins et rapprochés avec un fil fin.
Le rôle de l’aide est important. Le surjet doit être maintenu
tendu dans le sens de sortie du fil. Une traction importante vers
le haut, voire du côté opposé risque de déchirer l’artère. Le fil
est tenu entre pouce et index, en évitant de se croiser les mains.
Un surjet tendu « oblige » l’opérateur à avancer de manière
régulière. L’opérateur peut demander de relâcher le surjet, ce qui
lui permet de faire du « sur place » dans l’artère. Il peut en effet
exister une inégalité de longueur entre la berge artérielle et la
berge prothétique, obligeant à « tricher », c’est-à-dire à coudre
plus serré sur une berge par rapport à l’autre (Fig. 28E). Les fils
de polypropylène tendent à faire des boucles. L’aide, en faisant
tourner le fil entre ses doigts et en le prenant de plus loin, peut
le déboucler.

Autres types d’anastomose (Fig. 29)


Surjets à distance (Fig. 29A)
E
Certains l’emploient systématiquement, d’autres dans des
Figure 28. Principes d’une anastomose terminolatérale. conditions difficiles. Il est souhaitable de connaître toutes les
A. Découpe de la prothèse qui peut être adaptée selon l’effet patchant techniques d’anastomose. Il faut positionner la prothèse
recherché. parallèlement à l’artériotomie. Un côté est plus favorable que
B. Découpe de la prothèse toujours plus longue que l’artériotomie qui sera l’autre, car il permet de coudre en coup droit en piquant l’artère
réajustée au besoin. de dedans en dehors. Si la prothèse est positionnée du côté
C. Passage des premiers points. L’aide « talonne » la prothèse pour ouvrir défavorable, il est possible de coudre l’artère de dedans en
l’angle et l’opérateur tracte le bout de la prothèse pour la tendre. dehors, mais cela oblige soit à coudre en revers, soit à coudre
D. Poursuite de l’anastomose avec alternance de revers et coups droits en en coup droit, mais en piquant l’artère de dehors en dedans
deux fois pour les points d’angle puis poursuite avec l’aiguille dans la (Fig. 29B). Le risque des sutures « parachutes » est celui de passer
même position en une fois. le fil dans une des boucles précédentes. Lorsque le fil est mis
E. Relâchement du surjet par l’aide permettant de coudre en corrigeant sous tension, l’existence d’un nœud au sein du surjet risque de
une inégalité de longueur. Sinon le surjet doit être bien tendu dans l’axe bloquer la descente de la prothèse. En revanche, chaque point
de sortie du fil. est placé sous contrôle de la vue dans l’artère. Le talon peut être
anastomosé de façon classique, avec solidarisation de la pro-
thèse à l’artère par un nœud et la pointe (où il existe un risque
utilisé jusqu’à la moitié de l’anastomose, puis immobilisé par la de sténose) réalisée avec un second fil avec la technique
pince gainée. Pendant le passage de ces premiers points, l’aide « parachute ». Parfois, si la partie délicate est représentée par le
va « talonner » la prothèse, c’est-à-dire la tirer avec une pince de talon, il est possible de débuter l’anastomose à la pointe, avec
De Bakey ou de Resano, légèrement en arrière et vers le haut. réalisation du nœud et coudre le talon à distance avec le même
Grâce à ce contre-appui, l’opérateur peut tendre avec sa pince fil ou avec un second fil (Fig. 29C).
le bord libre de la prothèse (Fig. 28C). L’autre fil (côté aide) est
Patch des artères viscérales
utilisé en revers. Le premier passage de la prothèse se fait de
dehors en dedans, en revers. En revanche, le passage aortique se Lors de la cure d’un anévrisme thoracoabdominal, il est
fait en coup droit. Ce rythme revers-coup droit se fait sur les habituel de réimplanter le tronc cœliaque, l’artère mésentérique
premiers points, ils sont piqués en deux fois. Le reste de la supérieure et l’artère rénale droite, selon un patch. La prothèse
suture se poursuit en revers, en un seul passage, vers la pointe. est découpée en ellipse de manière à avoir à peu près la même
Arrivé près de la pointe, la prothèse va être piquée de dehors en surface. L’anastomose est débutée dans un angle le plus favora-
dedans en coup droit, puis l’artère de dedans en dehors en ble, de manière à pouvoir coudre en coup droit, de dedans en
revers. Une fois passé la pointe, la prothèse est piquée en coup dehors, le patch des artères viscérales. Habituellement le plus
droit, mais l’artère, sur ses deux premiers passages, en revers. favorable est de partir de l’artère rénale droite et d’aller en coup
L’anastomose se poursuit ensuite, en un seul passage, en coup droit vers le tronc cœliaque (Fig. 30).

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A
Figure 29. Réalisation d’un surjet en « parachute ».
A. Le surjet « parachute ».
B. La prothèse doit être positionnée parallèle à l’artériotomie. Il existe un côté plus favorable que l’autre pour coudre.
C. Suture plus délicate au talon. L’anastomose est débutée à la pointe avec réalisation du nœud et poursuite en « parachute » au talon.

relais sur l’artère poplitée, ou d’une anastomose portocave. La


suture débute par le plan postérieur qui est cousu par l’intérieur
des vaisseaux et se termine par le plan antérieur.

Thromboendartériectomie
Une fois l’artériotomie longitudinale réalisée, le plan d’endar-
tériectomie apparaît le plus souvent spontanément. Si tel n’est
pas le cas, il est possible de pincer la paroi artérielle à l’aide
d’une pince de Cushing et de débuter le plan d’endartériectomie
à l’aide d’une lame de bistouri 11 (Fig. 31), en choisissant un
plan externe. L’endartériectomie est ensuite poursuivie avec le
bout mousse d’une spatule de Robb. En amont, la plaque peut
être sectionnée au ciseau de Potts et éventuellement fixée si elle
contient des débris athéromateux susceptibles d’emboliser. En
Figure 30. Suture de la palette viscérale lors de la cure d’un anévrisme aval, suivant le vaisseau, l’arrêt d’endartériectomie peut se faire
de l’aorte thoracoabdominale en débutant par la rénale droite et en allant soit en pente douce (endartériectomie carotidienne), soit sans
en coup droit vers le tronc cœliaque. arrêt spontané de la plaque. Celle-ci doit alors être sectionnée
au ciseau de Potts, puis fixée par des points de Kunlin
(Fig. 32A). Un point est passé de part et d’autre de l’arrêt de
plaque de dedans en dehors et les nœuds sont réalisés à
Suture latérolatérale
l’extérieur de l’artère. Il est aussi possible de réaliser un surjet
Ce type d’anastomose est très peu employé. Il peut s’agir par pour fixer la plaque (Fig. 32B). L’artériotomie peut être refermée
exemple d’un pontage distal séquentiel avec une anastomose directement ou sur un patch autologue ou prothétique.

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A B

C D
Figure 33. Réintervention au scarpa (A à D). Dissection d’une prothèse
A B en polyester. Il existe une coque de sclérose qui entoure la prothèse.

Figure 31. Thromboendartériectomie à la spatule de Robb (A, B). Si le


plan de clivage n’est pas net, l’endartériectomie peut être débutée à la
lame 11.
“ Points forts
• L’artère doit, autant que possible, être piquée de
dedans en dehors pour éviter de décrocher la plaque et de
créer une dissection.
• La suture et surtout les derniers points de l’anastomose
doivent être faits en zone souple.
• Ne pas oublier les manœuvres de purge avant de
terminer l’anastomose.
• Pour une anastomose terminolatérale, la prothèse doit
toujours être coupée plus longue que l’artériotomie qui
est réajustée au besoin.
• Les points au talon et à la pointe d’une anastomose
terminolatérale sont passés en deux fois en alternant coup
droit et revers.
Figure 32. Lors d’une thromboendartériectomie, fixation de la section
• Lors du déclampage, l’artère dans laquelle une embolie
de plaque d’athérome.
A. Par des points de Kunlin.
serait la moins grave doit être déclampée en premier.
B. Par un surjet. • Lors d’une thromboendartériectomie, si l’arrêt de
plaque n’est pas net et spontané, il doit être fixé par un
surjet ou des points de Kunlin.
• Attention aux plaies veineuses lors des réinterventions.
Réintervention au triangle de Scarpa
Il faut avoir en tête que lors des réinterventions « le danger
est à la veine ». En effet, une plaie veineuse au sein d’une Embolectomie à la sonde de Fogarty
sclérose importante peut être difficile à contrôler. La dissection L’avènement des techniques endovasculaires a profondément
au sein des tissus scléreux peut se faire à l’aide des ciseaux de modifié la prise en charge des ischémies aiguës. La table doit
Metzenbaum ou de Mayo. Certains chirurgiens utilisent le être radiotransparente et l’équipe chirurgicale doit porter une
bistouri à lame froide, tenu de manière un peu oblique. Il est tenue plombée et un dosimètre. S’il s’agit d’une embolie sur
aussi possible de réaliser l’ensemble de la dissection au bistouri artères saines, l’artériotomie est transversale. Il faut tout d’abord
électrique en mode « section ». En effet, la section va couper les choisir une sonde dont le diamètre est corrélé à l’artère à
tissus, mais les artères et la prothèse sont plus résistantes. Il faut désobstruer. La préparation de la sonde nécessite trois temps. La
prendre soin de régler la section à sa valeur la plus basse seringue est remplie de sérum et le ballonnet est gonflé puis
possible. dégonflé à plusieurs reprises. La seringue est ensuite remplie
avec la quantité exacte de sérum indiquée par le fabricant
Il existe une différence entre une réintervention sur une
éventuellement mélangé avec un peu de produit de contraste.
prothèse en PTFE ou une prothèse en polyester. En ce qui La sonde est ensuite placée sur le patient et la distance entre le
concerne les prothèses en polyester, il existe une coque de point d’entrée et les points anatomiques clés est mesurée :
sclérose autour de la prothèse. Une fois cette coque incisée au distance fémorale-ombilic pour une embolectomie iliaque,
bistouri froid, il existe un plan net entre la prothèse et cette distance fémorale-interligne poplité et fémorale-pied pour les
coque, ce qui permet de décoller progressivement et largement embolectomies sous-inguinales. La sonde est descendue en aval
la prothèse de la coque et de poursuivre la section de la coque du thrombus. Elle est mobilisée (pour ne pas réaliser une
(Fig. 33). Lorsqu’il s’agit d’une prothèse en PTFE, il existe des dilatation artérielle) puis gonflée doucement pour ne pas
adhérences serrées entre les prothèses et les tissus avoisinants, endommager l’endothélium. Elle est passée jusqu’à ce qu’elle ne
il n’y a donc pas réellement de plan de dissection. ramène plus de thrombus à deux reprises. Une artériographie de

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contrôle est réalisée en positionnant un introducteur 6F dans Si une intervention est très longue, il faut savoir faire des
l’artère. L’existence de thrombus dans l’artère tibiale postérieure pauses. Il faut aussi avoir prévu de pouvoir faire appel à un
ou tibiale antérieure nécessite un abord jambier ou de position- second chirurgien.
ner un guide 0,018 dans cette artère puis d’utiliser une sonde
de Fogarty travaillant sur guide. Pour la désobstruction des
artères de jambe, il est souvent plus facile de réaliser une « Self-control »
thromboaspiration avec un cathéter-guide 6F, 90 cm. Le résultat Certains chirurgiens, parfaitement agréables lors d’une
peut être complété par une injection locale de 250 000 UI réunion, deviennent agressifs en entrant dans le bloc opératoire.
d’urokinase. L’artériotomie est refermée par deux hémisurjets ou Cela est habituellement une conséquence du stress normal qui
des points séparés de polypropylène. Les lacs en Silastic® créent envahit tout être humain lors de la préparation à l’action.
une tension sur les berges de l’artériotomie et sont donc Invectiver ses aides et son instrumentiste est une attitude non
remplacés par des clamps, une légère poussée sur ceux-ci professionnelle, qui n’améliore en aucun cas les choses. Il est
permettant de rapprocher les berges. donc essentiel que le chirurgien apprenne à se maîtriser dès son
En ce qui concerne l’embolectomie du membre supérieur, apprentissage. Certains chirurgiens sont naturellement calmes.
quatre règles doivent être respectées. Une incision de 2 cm Les autres, qui gardent leur calme et leur sang-froid dans des
médiane à l’avant-bras immédiatement sous le pli du coude est circonstances difficiles, ont travaillé sur eux-mêmes. Une bonne
suffisante, car elle permet de contrôler l’artère humérale et ses préparation de l’intervention réduit le risque de se trouver dans
branches de division. La sonde de Fogarty ne doit pas aller en une situation délicate et permet d’imaginer les difficultés
amont de l’artère vertébrale, si la position du thrombus le auxquelles on risque d’être confronté et comment les résoudre.
permet, pour limiter le risque d’embolie dans cette artère. La
sonde ne doit pas être passée dans les artères de l’avant-bras si
le reflux est correct, car ces artères sont très spastiques et Installation
peuvent se thromboser en postopératoire. Enfin, un hématome Pour les interventions réalisées régulièrement, l’installation
postopératoire est fréquent et est prévenu par la mise en place doit faire l’objet d’un protocole écrit accompagné de photos ou
d’un pansement compressif. de schémas pour les infirmières de bloc opératoire. Sinon, il est
préférable que le chirurgien soit présent dès cette phase. Cela
permet par exemple de vérifier qu’un pied de table ne viendra
pas empêcher la réalisation d’une angioplastie associée à un

“ Point fort
pontage. Le malade doit toujours être positionné sur la table de
manière à être le plus près possible du chirurgien pour que ce
dernier n’opère pas les bras en extension. Par exemple, en cas
Règles de l’embolectomie de chirurgie aortique, chirurgien à gauche, le malade doit être
• L’artériotomie est plutôt transversale. sur le bord gauche de la table. Si des décubitus latéraux
• Il faut toujours mesurer la distance entre l’artériotomie importants sont nécessaires, il faut vérifier, avant la mise en
place des champs, la bonne position des appuis. Une compres-
et le point anatomique clé avant de descendre une
sion peropératoire prolongée non dépistée engendre des com-
Fogarty.
plications neurologiques et/ou des nécroses musculaires. Il est
• La sonde de Fogarty doit être passée jusqu’à ce qu’elle utile de marquer la voie d’abord à l’aide d’un feutre en dessi-
ne ramène plus de thrombus à deux reprises. nant les repères anatomiques. La fermeture est facilitée si l’on a
• Au membre supérieur, il ne faut pas descendre la pris soin de tracer des traits perpendiculairement à la voie
Fogarty dans les artères de l’avant-bras si le reflux est d’abord, ce qui évite des décalages, source de retard de cicatri-
correct. sation ou de désunion.
• Au membre supérieur, il faut réaliser un pansement Le champ opératoire doit être large de manière à permettre,
compressif, car il y un fort risque d’hématome. en cas de difficultés inattendues, l’élargissement de la voie
d’abord vers le haut ou vers le bas, de pouvoir accéder à d’autres
sites donneurs pour un pontage (exemple : artère fémorale
controlatérale) ou de prélever une veine saphène (exemple :
deux membres dans le champ en traumatologie vasculaire).
■ Intervention
Le temps le plus important de l’intervention n’a pas lieu au Incision
bloc opératoire, mais dans le bureau du chirurgien. Il s’agit de Le chirurgien doit apprendre à opérer assis, habituellement
définir la stratégie opératoire, de la même manière qu’un pilote sur une selle chirurgicale dont la hauteur est réglable à l’aide
définit un « plan de vol ». Les examens d’imagerie préopératoire d’une pédale. Cela nécessite une certaine habitude. À l’inverse,
sont nécessaires pour essayer d’éviter la survenue d’une mau- il est difficile d’opérer debout lorsque l’on a pris l’habitude de
vaise surprise peropératoire. En particulier, l’échographie et la s’asseoir. Le dicton « grand chirurgien : grande cicatrice » devrait
tomodensitométrie permettent d’étudier les calcifications être remplacé par « grand chirurgien : cicatrice adaptée ». Il est
artérielles. Il faut définir des stratégies alternatives si l’on pense souvent possible de réduire la taille des incisions, ce qui se fait
que certains temps opératoires peuvent poser des problèmes. habituellement au détriment du confort opératoire. Il est
important, lorsque l’on décide de réaliser une petite incision, de
pouvoir s’agrandir en cas de difficultés opératoires.
Préparation du chirurgien
Si l’on compare la chirurgie au saut à la perche, certaines
interventions mettent la barre à 4 m. De la même manière que
Dissection
conduire une voiture peut se faire de façon presque « automa- Les chirurgiens en formation ont tendance à disséquer à
tique », il en sera de même pour cette intervention. En revan- vitesse constante. La connaissance de l’anatomie chirurgicale
che, lorsque la barre est à 6 m, chaque détail compte et la permet de distinguer des temps de dissection sans risque qui
concentration doit être optimale. Le chirurgien doit alors se peuvent être rapides (exemple : la face antérieure de l’artère
comporter comme un sportif de haut niveau. Il faut réfléchir à fémorale commune), et des temps où l’artère croise des élé-
l’installation du patient, planifier les différents temps opératoi- ments nobles et où il faut donc ralentir (exemple : repérage du
res et leur rythme afin d’éviter les clampages prolongés, vérifier XII lors de l’abord de la carotide interne, repérage de l’uretère
si ceux-ci ne nécessitent pas d’instruments particuliers. lors de l’abord de l’axe iliaque).

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Il existe deux grandes techniques de dissection : la section et tissulaire. Les études randomisées n’ont pas montré l’intérêt du
la discision. La section consiste à couper les tissus pour ouvrir drainage aspiratif [12, 13]. Il faut donc se concentrer sur l’hémo-
le plan. Le plan de dissection de l’artère se situe au contact de stase et la lymphostase.
celle-ci, permettant d’apercevoir les vasa-vasorum de l’adventice.
Les chirurgiens peu expérimentés ont tendance à rester à
distance du vaisseau. Or, il n’existe pas de plan de dissection à
ce niveau. Il est essentiel que le chirurgien exerce une traction
sur l’artère pendant que l’aide exerce une traction sur les tissus
“ Points forts
avoisinants, laissant pénétrer de l’air dans le plan périadventiciel
• Les quatre questions à se poser avant la réalisation d’un
(souvent appelé chemise de l’artère). Les tissus sont repoussés à
pontage :
l’aide des ciseaux fermés. La courbure du ciseau suit la courbure
de l’artère. Cette technique est reproductible. En cas de dissec- C quel est le site donneur ?
tion d’une zone dangereuse, le ciseau est tenu immobile et la C quel est le site receveur ?
section est limitée. En cas de section d’une collatérale ou de C quel sera le trajet de tunnellisation ?
plaie d’un vaisseau, celle-ci est limitée et immédiatement C quel matériel sera utilisé (veine, prothèse, etc.) ?
réparée par un fil fin. Lorsque l’on repousse les tissus, ciseaux • Le « plan de vol » doit être défini avant le temps
fermés, le geste est parfaitement contrôlé. Repousser les tissus, opératoire pour éviter les surprises.
ciseaux entrouverts est en revanche plus dangereux. • Importance des examens morphologiques et
La discision consiste à écarter les lames des ciseaux. Souvent, notamment du scanner pour évaluer les calcifications et
les chirurgiens en formation ont peur de couper, et préfèrent repérer les zones accessibles à une suture.
cette technique, qui risque d’aboutir, avec un geste encore mal • Importance de l’installation du malade sur la table
contrôlé, à de grandes déchirures sur les vaisseaux, difficiles à opératoire.
réparer. Plus on a peur, et plus il faut oser couper. • La dissection doit se faire par section plutôt que par
Le vaisseau cible du pontage est parfois difficile à localiser discision.
parce qu’il n’est pas battant, en particulier s’il est profond • Le drainage aspiratif n’a pas démontré son intérêt.
(abord médiocrural de l’artère fémorale profonde), ou de petit
diamètre (artère fibulaire), ou si les repères anatomiques sont
modifiés (réintervention). L’utilisation d’une sonde Doppler
stérile permet de découvrir rapidement le vaisseau, en évitant ■ Entraînement
des décollements inutiles.
On a longtemps appris la chirurgie par compagnonnage.
L’abord de l’artère se fait par cette technique de section et de L’heure de bloc opératoire, comme l’heure de vol sur un avion,
refoulement des tissus ciseaux fermés. Ce faisant, on atteint la coûte très cher. C’est dire que les chirurgiens, comme les pilotes,
face postérieure de l’artère que l’on dissèque en veillant à ne pas doivent apprendre leur métier sur des simulateurs. Heureuse-
désinsérer une collatérale postérieure. Lorsque le tour de l’artère ment, en chirurgie vasculaire, l’entraînement ne nécessite pas de
est fait, il est possible de la charger sur un lacs à l’aide d’un moyens sophistiqués, car il s’agit avant tout de l’entraînement
dissecteur. En aucun cas, le dissecteur n’est utilisé pour à l’anastomose. Pour se faire, il suffit de fixer avec un sparadrap
disséquer. une prothèse sur son bureau et d’anastomoser en terminotermi-
nal ou terminolatéral un autre segment de prothèse. Lorsque la
gestuelle est acquise, il faut se chronométrer pour réaliser une
Principes du pontage anastomose où les points sont fins et réguliers, sans « oreille »,
Le chirurgien doit répondre à quatre questions avant d’aller en moins de 10 minutes. Les points à travailler sont :
au bloc opératoire : localisation de l’anastomose proximale, • ne pas reprendre l’aiguille à la main ;
• ne pas effectuer le passage de l’aiguille de la pince à disséquer
localisation de l’anastomose distale, trajet de tunnellisation,
vers le porte-aiguille en l’air, mais posé sur un plan dur ;
conduit utilisé. Les explorations préopératoires permettent
• ne pas « talonner ».
d’étudier les calcifications artérielles et le diamètre d’un matériel
C’est à la main gauche qui tient la pince de Cushing de
veineux. récupérer l’aiguille qui vient de perforer l’artère et d’effectuer le
passage coup droit-revers de l’aiguille.
Contrôle Pour simuler une anastomose en profondeur, ce qui va
modifier l’angle d’attaque du porte-aiguille et par là même la
La perméabilité du pontage peut être contrôlée avec une position de l’aiguille sur le porte-aiguille, il suffit d’entourer la
sonde Doppler stérile. Un bon pouls dans le pontage ne signifie prothèse de rangées de hauteur croissante de livres.
pas qu’il est perméable. Il peut en effet s’agir d’un pouls de
butée. Une artériographie peut être réalisée avec un amplifica-
teur de brillance numérisé. Le pontage peut être ponctionné, ■ Conclusion
après la mise en place d’une bourse, avec un cathlon 18 G ou Tous les chirurgiens, quelle que soit leur spécialité risquent,
un introducteur 4 ou 5 F relié à une longue tubulure de au cours de leur carrière, d’être amenés à gérer une plaie
manière à ce que le chirurgien puisse se placer derrière un artérielle et à disséquer des vaisseaux. La connaissance des
paravent plombé. techniques de base en chirurgie vasculaire doit faire partie de la
formation initiale de tout chirurgien.
Au-delà de la connaissance de la technique, il est essentiel
Fermeture et drainage d’avoir défini auparavant une stratégie opératoire et des
La fermeture est effectuée plan par plan, par surjet avec du fil stratégies alternatives.
résorbable. Il est important de ne pas décaler les berges de la L’entraînement à la suture sur simulateurs est indispensable
plaie, ce qui est facilement évité si l’on a pris soin de marquer pour acquérir rapidement la dextérité et la rapidité chirurgicale.
l’incision avec des traits perpendiculaires. La peau peut être .

indifféremment fermée avec un surjet intradermique, ou des


agrafes. Pour la fermeture abdominale, il n’y a aucun intérêt à ■ Références
tirer violemment sur les surjets aponévrotiques. Les aponévroses [1] Manship LL, Moore WM, Bynoe R, Bunt TJ. Differential endothelial
peuvent être traitées avec la même délicatesse que la paroi injury caused by vascular clamps and vessel loops. II. Atherosclerotic
artérielle. L’utilisation d’une aiguille ronde diminue l’agression vessels. Am Surg 1985;51:401-6.

Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire 19

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43-004 ¶ Techniques de base en chirurgie vasculaire

[2] Margovsky AI, Chambers AJ, Lord RS. The effect of increasing [9] Souza DS, Johansson B, Bojö L. Harvesting the saphenous vein with
clamping forces on endothelial and arterial wall damage: an surrounding tissue for CABG provides long-term graft patency com-
experimental study in the sheep. Cardiovasc Surg 1999;7:457-63. parable to the left internal thoracic artery: results of a randomized lon-
[3] Riepe G, Meincke J, Nassutt R, Seemann D, Chakfé N, Morlock M, gitudinal trial. J Thorac Cardiovasc Surg 2006;132:373-8.
et al. Injury of polyester grafts by vascular clamps. Zentralbl Chir 2002; [10] McCabe CJ, Moncure AC, Malt RA. Host-artery weakness in the
127:89-94. etiology of femoral anastomotic false aneurysms. Surgery 1984;95:
[4] Dang MC, Thacker JG, Hwang JC, Rodeheaver GT, Melton SM, 150-3.
Edlich RF. Some biomechanical considerations of polytetra- [11] Pousset Y, Lermusiaux P, Berton G, Le Gouez JM, Leroy R. Numerical
fluoroethylene sutures. Arch Surg 1990;125:647-50. model study of flow dynamics through an end-to-side anastomosis:
[5] Fischer L, Bruckner T, Müller-Stich BP, Höer J, Knaebel HP, choice of anastomosis angle and prosthesis diameter. Ann Vasc Surg
Büchler MW, et al. Variability of surgical knot tying techniques: do we 2006;20:773-9.
need to standardize? Langenbecks Arch Surg 2010;395:445-50. [12] Youssef F, Jenkins MP, Dawson KJ, Berger L, Myint F, Hamilton G.
[6] Dobrin PB. Surgical manipulation and the tensile strength of The value of suction wound drain after carotid and femoral artery
polypropylene sutures. Arch Surg 1989;124:665-8. surgery: a randomised trial using duplex assessment of the volume of
[7] Aanning HL, Haas T, Jorgensen DR, Wulf CA. Square not a running post-operative haematoma. Eur J Vasc Endovasc Surg 2005;29:162-6.
knot. J Am Coll Surg 2007;204:422-5. [13] Karthikesalingam A, Walsh SR, Sadat U, Tang TY, Koraen L, Varty K.
[8] Tsui JC, Dashwood MR. Recent strategies to reduce vein graft Efficacy of closed suction drainage in lower limb arterial surgery: a
occlusion: a need to limit the effect of vascular damage. Eur J Vasc meta-analysis of published clinical trials. Vasc Endovasc Surg
Endovasc Surg 2002;23:202-8. 2008;42:243-8.

P. Lermusiaux, Professeur des Universités, chirurgien des Hôpitaux (patrick.lermusiaux@chu-lyon.fr).


A. Millon, Chef de clinique, assistant des Hôpitaux.
N. Della Schiava, Interne des Hôpitaux de Lyon.
Hospices civils de Lyon, 3, quai des Célestins, BP 2251, 69229 Lyon cedex 02, France.
Université Claude Bernard Lyon 1, Faculté de médecine Laennec, 7, rue Guillaume-Paradin, 69372 Lyon cedex 08, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lermusiaux P., Millon A., Della Schiava N. Techniques de base en chirurgie vasculaire. EMC (Elsevier
Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire, 43-004, 2011.

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¶ 43-008

Substituts vasculaires
N. Chakfé, F. Dieval, Y. Georg, F. Thaveau, A. Lejay, C. Bajcz, S. Rinckenbach,
J.-F. Le Magnen, J.-G. Kretz, B. Durand

Avec leur introduction dans les années 1950, les substituts vasculaires ont inauguré la chirurgie
vasculaire moderne. De nombreux concepts ont été proposés par les fabricants avec des succès variables.
À l’heure actuelle, la greffe veineuse autologue reste le substitut vasculaire de choix pour les
revascularisations des artères de petit calibre. Les substituts vasculaires synthétiques sont principalement
construits à partir de deux biomatériaux : le polytétrafluoroéthylène sous forme microporeuse et le
polyéthylène téréphtalate sous forme textile. Les substituts synthétiques sont performants pour les
revascularisations des artères de moyen et gros calibres mais offrent encore des résultats médiocres pour
les revascularisations des artères de petit calibre. La connaissance des différents concepts de substituts
vasculaires et de leurs évolutions est indispensable pour permettre un choix optimal en pratique clinique.
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Mots clés : Prothèses vasculaires ; Greffe veineuse autologue ; Substituts synthétiques ;


Polytétrafluoroéthylène ; Polyéthylène téréphtalate

Plan en réalisant un endopontage. Cette dernière technique a


complètement révolutionné les pratiques de chirurgie vasculaire
en ouvrant la porte de la chirurgie mini-invasive.
¶ Introduction 1
Malgré les développements technologiques permanents dont
¶ Substituts vasculaires 1 sont l’objet les prothèses et endoprothèses, ces substituts
Substituts biologiques 1 vasculaires n’offrent pas encore toujours des performances
Substituts synthétiques 3 cliniques idéales dans certaines applications. Nous décrivons les
¶ Choix d’un substitut vasculaire 8 différents types de prothèses vasculaires qui ont été ou qui sont
Critères de choix d’une prothèse vasculaire 8 encore actuellement disponibles sur le marché en analysant
Critères de choix d’une prothèse vasculaire en fonction leurs performances et en précisant leurs principales indications.
de son indication 9
¶ Perspectives d’avenir 9
■ Substituts vasculaires
Substituts biologiques
■ Introduction Deux types de substituts biologiques peuvent être distingués
La première utilisation d’un substitut artériel en chirurgie selon qu’ils aient été l’objet d’un traitement ou non : les
vasculaire réalisée en 1951 par Oudot consistait en l’implanta- substituts biologiques vrais et les substituts biologiques traités.
tion d’une allogreffe artérielle chez l’homme [1] . En 1952,
Voorhees, Jaretzki et Blakemore [2] ont réalisé le premier pontage
Substituts biologiques vrais
vasculaire synthétique en implantant une prothèse textile Il s’agit de matériel vivant et viable qui n’a subit aucun
poreuse. Ces premières étapes ont ouvert la voie de la chirurgie traitement susceptible de le rendre inerte. Ces substituts incluent
vasculaire moderne basée sur la technique du pontage. De très les autogreffes artérielles ou veineuses et les homogreffes.
nombreux substituts vasculaires ont été ensuite développés à
Autogreffe veineuse
partir des années 1950 pour répondre aux besoins des chirur-
giens, principalement pour le traitement des pathologies L’autogreffe veineuse a été utilisée par Kunlin dès 1949 [4]
athéromateuses occlusives et anévrismales. Ces substituts ont pour réaliser le premier pontage en veine saphène autologue et
utilisé des matériaux et des concepts divers, avec des résultats est toujours le substitut qui présente les meilleures performances
variables. En effet, le substitut vasculaire idéal devait répondre pour la réalisation des pontages sur les artères de petit calibre. La
simultanément à trois impératifs : une faible thrombogénicité, veine grande saphène est la veine la plus utilisée, que ce soit
une bonne cicatrisation et une bonne stabilité à long terme. En sous la forme d’un greffon inversé ou d’un greffon in situ. Le
1991, Parodi et al. [3] proposaient un nouveau type de substitut greffon est prélevé dans le tissu sous-cutané après ligature et
vasculaire pour le traitement des lésions anévrismales de l’aorte section de toutes ses branches collatérales. Avant d’être anasto-
abdominale sous-rénale. Ce substitut, appelé endoprothèse, mosé, il est inversé pour supprimer le jeu des valvules. Ce
avait pour but d’exclure les anévrismes par voie endovasculaire greffon peut être ainsi utilisé dans une multiplicité de sites

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d’implantation. Le greffon veineux saphène in situ est laissé en Homogreffe artérielle


place dans le tissu sous-cutané sans être disséqué sur l’ensemble
L’homogreffe artérielle a été développée au début des années
de son trajet. La crosse de la grande veine saphène est disséquée
1950. Elle a permis la première implantation en position
et sectionnée au ras de la veine fémorale, puis anastomosée sur
aortique [1] et a suscité de nombreux travaux sur ses méthodes
une des artères du trépied fémoral. Son extrémité distale est
de conservation. Elle a été abandonnée après l’introduction des
ensuite disséquée et libérée des tissus environnants pour pouvoir
premières prothèses textiles synthétiques et la constatation de
être anastomosée sur l’artère receveuse en distalité. Le jeu des
leur évolution quasi constante vers la dégradation à long
valvules doit alors obligatoirement être supprimé par l’utilisation
terme [24]. Leur détérioration est probablement secondaire aux
d’un valvulotome qui va sectionner toutes les valvules par voie
phénomènes de rejet chronique survenant après leur implanta-
endoveineuse. Le greffon veineux in situ ne peut donc être
tion et aux techniques de conservation qui sont encore vrai-
utilisé que pour la réalisation de pontages fémoropoplités ou
semblablement perfectibles. À l’heure actuelle, la technique de
fémorojambiers, mais a pour avantage d’offrir une meilleure
conservation utilisée est la cryopréservation [25] car elle permet
congruence de calibre, ainsi qu’une meilleure trophicité pariétale
notamment de respecter un délai de quarantaine protégeant le
par le respect des adhérences tissulaires périveineuses.
receveur d’une éventuelle infection virale. Le suivi régulier des
La supériorité du greffon veineux autologue sur les autres homogreffes artérielles est encore indispensable pour dépister les
matériaux en terme de performances cliniques est principale- complications dégénératives comme en témoignent les premiers
ment attribuée à sa surface luminale endothélialisée. cas de dilatations anévrismales rapportés, certains dès 22 mois
Les échecs de ces greffons peuvent être secondaires au d’implantation [26]. À l’inverse, cette dégénérescence ne semble
développement d’une sténose hyperplasique au niveau d’une pas être un phénomène obligatoire puisqu’un cas d’une homo-
anastomose ou du corps sur des zones traumatisées par les greffe artérielle fonctionnelle après 40 ans d’implantation a été
clamps ou le dévalvuleur. La technique de prélèvement des décrit [27]. À l’heure actuelle, leur principale indication est le
greffons veineux doit être la plus atraumatique possible pour traitement des infections de prothèse avec rétablissement
réduire le risque d’ischémie pariétale et de souffrance endothé- immédiat de la continuité vasculaire in situ [28], et les revascu-
liale. Les thromboses plus tardives sont le plus souvent secon- larisations distales pour sauvetage de membre en l’absence de
daires à la progression de la maladie athéromateuse sur le matériel autologue disponible [29].
greffon ou sur le réseau artériel d’aval. La dégénérescence
anévrismale des greffes veineuses autologues est très rare en
Substituts biologiques traités
l’absence de lésion athéromateuse [5]. Ces dilatations semble-
raient survenir plus fréquemment lorsque le greffon veineux est Il s’agit de conduits sanguins traités pour garantir leur inertie
utilisé en tant que patch d’angioplastie [6]. Les greffons veineux sur le plan biologique et qui ne sont donc pas viables. Il s’agit
utilisés pour la réalisation de pontages aortorénaux ont présenté de bioprothèses.
des dilatations précoces et importantes dans près d’un tiers des
cas, avec une fréquence accrue chez l’enfant [7]. Les veines du Hétérogreffe bovine
membre supérieur ne semblent pas présenter de tendance plus Ce substitut a d’abord été préparé à partir d’artères carotides
marquée à la dilatation malgré leurs parois plus fines [8]. Des de bœuf et de veau selon une méthode décrite par Rosen-
anévrismes athéroscléreux sont décrits sur les greffons veineux berg [30] (Fig. 1). L’artère était traitée à la ficine puis le squelette
autologues après de longues périodes d’implantation avec une de collagène était réticulé. Des méthodes de préparation
incidence comprise entre 1 % et 12,5 % à 10 ans [5, 9-12] . associant des traitements tels que la réticulation au glutaraldé-
L’utilisation des veines fémoropoplitées autologues a été hyde et l’addition de charges de surface ont été proposées pour
proposée à la fois en chirurgie de revascularisation et en prévenir leurs faiblesses structurelles et ainsi leur risque de
chirurgie des infections de pontages avec des résultats superpo- dilatation [31]. Ses performances cliniques se situaient entre
sables à ceux de la veine saphène interne [13]. celles des prothèses en polytétrafluoroéthylène expansé (ePTFE)
et celles des veines autologues inversées [32] en chirurgie de
Autogreffe artérielle
revascularisation artérielle sous-inguinale. Son utilisation pour la
L’autogreffe artérielle constitue théoriquement le substitut réalisation de fistules d’hémodialyse n’a pas été non plus
artériel idéal du fait de ses capacités de cicatrisation et de ses convaincante. L’artère mammaire interne a également été
caractéristiques mécaniques. Cependant, son utilisation est utilisée, de même que le péricarde sous une forme tubulée [33]
limitée par le nombre réduit des sites de prélèvement. Ses ou sous forme de patch [34]. Plus récemment, ce matériau a été
principales indications ont longtemps été la reconstruction des réintroduit en pratique clinique sous la forme de conduit valvé
artères rénales pour hypertension rénovasculaire et pour à partir de veine jugulaire bovine pour des reconstructions des
anévrismes périphériques, et plus exceptionnellement les voies d’éjection du ventricule droit dans le cadre de malforma-
reconstructions artérielles en milieu infecté. L’artère fémorale tions cardiaques congénitales [35].
superficielle autologue a été utilisée avec de bons résultats pour
le traitement des anévrismes de l’artère poplitée [14]. Veine ombilicale humaine traitée
La veine ombilicale humaine traitée était obtenue à partir de
Homogreffe veineuse
la veine du cordon ombilical de nouveau-nés. Un mandrin était
L’homogreffe veineuse a été utilisée comme voie d’abord pour introduit dans sa lumière pour la redresser puis elle était
hémodialyse [15], pour la réalisation de pontages fémoropopli- réticulée par un traitement au glutaraldéhyde [36] ou au dialdé-
tés [16] et aortocoronariens [17] avec des résultats inconstants. hyde d’amidon. La veine ombilicale ainsi traitée était ensuite
Leurs résultats en termes de perméabilité ont été décevants dans insérée dans une mantille de polyéthylène téréphtalate (PET)
certaines séries de pontages sous-inguinaux [18, 19]. Ces taux de afin d’en augmenter la résistance mécanique intrinsèque et de
perméabilité pourraient être améliorés par la mise en œuvre de favoriser l’encapsulation fibreuse. Les meilleurs résultats cliniques
protocoles thérapeutiques associant une anticoagulation au long ont été obtenus par Dardik, le concepteur de la prothèse Dardik-
cours et des traitements antiagrégants plaquettaires [20], ou par Biograft®. Ce substitut artériel a été cependant décevant du fait
l’administration de thérapeutiques immunosuppressives [21]. Leur de son évolution fréquente vers la dilatation ou le développe-
principale complication à distance est leur évolution fréquente ment d’anévrismes. La fréquence de cette complication se situait
vers la dilatation anévrismale. En effet, l’homogreffe veineuse est entre 3 % et 65 % dans les différentes séries [37-40], même si
le plus souvent obtenue lors d’un stripping pour cure de varices Dardik, le promoteur de la prothèse, estimait que cette fréquence
ou, plus rarement, lors d’un prélèvement sur un cadavre ; la était largement surestimée, notamment en ce qui concernait les
veine étant ainsi souvent le siège d’une pathologie variqueuse au résultats de la deuxième partie de son expérience [41]. La majorité
moment du prélèvement. L’incidence des anévrismes sur les des chirurgiens a abandonné ce substitut du fait de ses résultats
homogreffes veineuses varie entre 5,2 % et 12 % [18, 22] et a pu cliniques. Les études cliniques les plus récentes [42, 43] semblent
même atteindre 58 % à 5 ans [23]. confirmer la diminution de l’incidence des complications

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Substituts vasculaires ¶ 43-008

lui permettant de résister mécaniquement au débit sanguin


pulsé. Plus tard, ce concept a été proposé de nouveau en
pratiquant une maturation chez le mouton pour réaliser la
prothèse Cordis Omniflow® [45]. Ce substitut a été proposé pour
réaliser des pontages artériels périphériques [46], des fistules
d’hémodialyse [47], ou des patchs d’angioplastie carotidiens [48].
Ce concept a totalement été abandonné mais a eu le mérite de
représenter la première tentative de création d’un néovaisseau et
peut donc être considéré comme l’ancêtre des travaux de
bio-ingénierie.

Substituts synthétiques
Depuis leur apparition au début des années 1950, peu de
matériaux ont été utilisés pour leur construction. Le PTFE et le
PET se sont largement imposés comme matériaux pour leur
construction du fait de leurs résistances à la dégradation dans
l’organisme. De nombreux concepts ont été étudiés pour
proposer un substitut artériel idéal. La multiplicité actuelle des
modèles prouve que ce but n’est pas encore atteint.
Prothèses en polytétrafluoroéthylène
Le PTFE a été développé sous forme textile et microporeuse.
PTFE textile
Il a été proposé il y a 30 ans par Edwards [49] sous forme de
prothèses tissées ou tricotées. Ces prothèses ont été abandon-
nées suite à l’observation d’effilochages sur les lignes
d’anastomose.
Polytétrafluoroéthylène microporeux
Le PTFE microporeux (ePTFE) a été commercialisé dans les
années 1970. Il a connu un succès croissant comme substitut
des artères de petit calibre, notamment pour les pontages
fémoropoplités et axillofémoraux. Ce matériau se présente sous
forme de nodules transversaux reliés entre eux par des microfi-
brilles longitudinales. Le ePTFE est fabriqué à partir de poudre
de PTFE mélangée à un solvant, le naphtalène. Ce mélange est
ensuite compacté sous de très hautes pressions puis extrudé à
travers une filière produisant un tube droit compact. La
structure microporeuse est obtenue par l’exposition du PTFE
extrudé à une température supérieure à celle du point de fusion
(au minimum 327 °C) pour que les cristallites s’organisent en
une structure microporeuse. Ce procédé, le frittage, accroît
fortement la résistance mécanique. Cette structure microporeuse
de base a pu être modifiée pour permettre de proposer différents
types de modèles. Certains modèles se caractérisent par la
présence d’une fine couche de ePTFE enroulée sur la surface
externe pour en augmenter la résistance mécanique (Fig. 2). Le
recouvrement de la surface interne de la prothèse par du
Figure 1. Hétérogreffe bovine traitée.
carbone a été proposé pour en diminuer la thrombogénicité [50]
A. Macroscopie.
(Fig. 3). Cependant, cet avantage théorique n’a jamais été
B. Microscopie électronique à balayage (grossissement original × 30) :
confirmé en pratique clinique [51]. La fixation d’héparine sur la
face externe.
surface interne a également été proposée avec des résultats
C. Microscopie électronique à balayage (grossissement original × 30) :
cliniques encourageants [52] qui ont été confirmés dans une
surface luminale.
étude comparative randomisée [53]. Ces prothèses sont disponi-
bles avec un support externe annelé ou spiralé afin d’augmenter
dégénératives qui est évaluée à 7 % à 3 ans, les taux de perméa- leur résistance à la plicature et à la compression externe. La
bilité primaire et secondaire des pontages fémoropoplités à 5 ans présence d’un support externe n’a pas fait non plus la preuve
étant respectivement de 54 % et 76 %. de son efficacité en terme de performances cliniques [54]. La
réalisation de modèles sous différentes formes géométriques
Prothèses hybrides telles que les diamètres dégressifs pour la réalisation des fistules
L’idée de leur concepteur, Sparks, était de créer une néoartère d’hémodialyse ou la réalisation d’une collerette distale générant
autogène par l’infiltration tissulaire de deux filets de PET placés un effet vortex au niveau des anastomoses a été proposée pour
autour d’un mandrin de silicone enfoui dans le tissu sous- créer des conditions hémodynamiques optimales dans des
cutané de la zone du pontage. Après un délai de maturation de indications d’utilisation particulières. Les prothèses intégrant
quelques semaines, le mandrin était retiré et le pontage était une colerette en ePTFE à leur extrémité distale ont démontré
réalisé en anastomosant les deux extrémités du néoconduit ainsi des résultats comparables à ceux des colerettes d’interposition
formé sur les artères en amont et en aval de l’obstacle arté- veineuse pour la réalisation de pontages fémoropoplités sous-
riel [44]. Ce concept a été très rapidement abandonné du fait de articulaires [55, 56] et ont également été proposées pour la
sa très mauvaise stabilité mécanique à long terme, responsable réalisation de pontages fémoropoplités supra-articulaires [57].
de dilatations et de ruptures. En effet, l’infiltration tissulaire du Ces substituts se sont imposés pour le remplacement des
PET étant constituée essentiellement de collagène en l’absence vaisseaux de petit calibre en l’absence de greffon veineux
de tissu élastique et de cellules musculaires lisses, ce néoconduit autologue, malgré leur faible compliance et leur faible infiltra-
ne possédait aucune des propriétés élastiques de l’artère normale tion cellulaire [58, 59]. En effet, chez l’homme, contrairement à

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Figure 3. Prothèse en polytétrafluoroéthylène expansé (ePTFE) ne com-


portant pas d’enrubannage externe, droite.
Figure 2. Prothèse en polytétrafluoroéthylène expansé (ePTFE) com- A. Macroscopie.
portant un enrubannage externe, bifurquée. B. Microscopie électronique à balayage (grossissement original × 250) :
A. Macroscopie. face externe.
B. Microscopie électronique à balayage (grossissement original × 250) : C. Microscopie électronique à balayage (grossissement original × 250) :
face externe. surface luminale.
C. Microscopie électronique à balayage (grossissement original × 250) :
surface luminale.
réalisés pour en diminuer l’infectabilité [63]. Ces travaux n’ont
cependant jamais débouché sur des applications cliniques.
ce qui est observé chez l’animal, l’infiltration cicatricielle Des cas de dilatations anévrismales compliquées de rupture
n’intéresse que la partie la plus externe de la paroi et la surface dans un cas ont été rencontrés sur les premiers modèles qui ont
luminale n’est recouverte que par un fin film de fibrine été commercialisés [64, 65]. Les deux fabricants de l’époque ont
organisée, même après de longues durées d’implantation. alors amélioré les caractéristiques physiques des prothèses en
Certaines équipes ont proposé d’améliorer la cicatrisation de ces augmentant l’épaisseur de leur paroi pour l’un et en ajoutant un
prothèses par leur endothélialisation. Les premières études chez enrubannage externe en ePTFE pour l’autre [66]. Nous avons
l’homme ont semblé encourageantes mais n’ont jamais permis rapporté un cas de dilatation précoce d’une telle prothèse sans
de proposer cette application à grande échelle. Cette technique que son analyse physicochimique nous ait permis de conclure
n’est employée que dans de très rares centres malgré ses bons quant à son mécanisme [67]. Des déchirures prothétiques sur des
résultats [60, 61]. Les autres voies de recherche pour permettre lignes d’anastomose, notamment sur les anastomoses proxima-
d’améliorer la cicatrisation de ces prothèses portent sur l’infil- les des pontages axillofémoraux, ont également été décrites [68].
tration peropératoire de différents types cellulaires [62]. Ces déchirures pouvaient être secondaires à des lésions créées
Des essais d’immobilisation d’antibiotiques à la surface de par la fabrication (lignes de faiblesses longitudinales créées lors
prothèses en ePTFE par l’intermédiaire de benzalkonium ont été du processus d’extrusion), ou par les manipulations (lésions de

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clamps artériels). L’analyse chimique d’explants de prothèses en


ePTFE implantées chez l’homme a conclu à la bonne biostabilité
de ce matériau [69].

Prothèses en polyéthylène téréphtalate


Les prothèses textiles en PET représentent actuellement le
substitut le plus utilisé pour les artères de gros et moyen
calibres. Les structures textiles ont été introduites par
Voorhees [2]. Cependant, ces premières structures utilisaient des
polymères peu stables jusqu’à l’utilisation du PET. Les prothèses
actuellement utilisées représentent l’évolution de différents
concepts qui se sont succédés dans le temps. Le premier concept
était d’augmenter la porosité des prothèses pour en favoriser la
cicatrisation et l’encapsulation. Ces premières prothèses étaient
construites sous forme de tricots trame et ont été abandonnées
du fait de leur mauvaise stabilité responsable de dilatations et
de ruptures. Le deuxième concept était d’incorporer des fibres
texturées à la structure pour promouvoir la cicatrisation et la
réendothélialisation de la surface luminale de la prothèse. Il
s’agit de l’effet velours. Les prothèses à velours externe présen-
taient une meilleure encapsulation externe et un meilleur
ancrage tissulaire. En revanche, les prothèses qui ont été
produites grâce à des fibres cylindriques et trilobées pour créer
un effet velours sur les faces interne et externe (structure
appelée « double velours ») étaient instables mécaniquement et
sensibles à la dégradation chimique. Le troisième concept a été
d’augmenter la résistance mécanique des prothèses par la
généralisation des tricots chaîne et des structures tissées [70]. Ces
prothèses à tricot chaîne comportant des fibres texturées ont
montré une excellente capacité de cicatrisation et une grande
stabilité mécanique (Fig. 4).
Les étapes de la fabrication des structures textiles sont les
suivantes. Le fil est formé par l’association de monofilaments de
masse linéique et de géométrie variable obtenus par passage de
polymère fondu dans une filière. Ces fils sont ensuite étirés et
éventuellement texturés par l’application d’un traitement
thermique ou chimique qui donne un effet de bouclettes aux
filaments. La structure textile est ensuite obtenue par tissage ou
tricotage (Fig. 5). Les techniques de tissage et de tricotage sont
multiples. Elles peuvent utiliser plusieurs fils et ainsi procurer
un aspect plus ou moins compact ou plus ou moins duveteux à
la prothèse. La structure est alors compactée par un traitement
chimique qui réduit la porosité de la structure en créant un
gonflement des fils. La prothèse est ensuite gaufrée par un
traitement le plus souvent thermique pour donner une com-
pliance longitudinale et radiale à la prothèse. Le résultat de ce
traitement crée le cosselage. Enfin, la prothèse est nettoyée de
tous les agents chimiques intervenant dans les différentes étapes
de la fabrication, puis stérilisée.
Figure 4. Prothèse en polyester tricotée incorporant des fibres textu-
Les prothèses en PET peuvent être construites sous forme de rées.
tubes ou sous forme bifurquée. Il est également possible de A. Macroscopie.
disposer, sur leur face externe, un support spiralé qui a pour but B. Vue en microscopie électronique à balayage de la surface externe.
de prévenir les plicatures et la compression externe (Fig. 6). C. Vue en microscopie électronique à balayage de la surface interne. La
Le développement le plus récent qui a été apporté à ces structure de tricot chaîne incorpore des fibres texturées sur la face externe
prothèses a consisté à les imprégner d’une matrice biodégrada- (effet de velours externe).
ble pour les rendre immédiatement étanches au moment de leur
implantation et ainsi éviter leur précoagulation. Des prothèses
réticences de plus en plus importantes liées au risque d’infec-
imprégnées de collagène [71], d’albumine [72] ou de gélatine [73,
74] sont actuellement commercialisées (Fig. 7). Il n’a pas été tions des produits biologiques. Les matrices d’imprégnation ont
également été proposées pour conférer un rôle anti-infectieux à
prouvé que cette imprégnation diminuait la thrombogénicité et
la prothèse en y permettant la fixation peropératoire d’antibio-
améliorait la cicatrisation des prothèses [71-74]. La vitesse de tiques, notamment de la rifampicine [79, 80] . Les résultats
dégradation des matrices protéiques n’est pas reproductible expérimentaux ont fait proposer d’utiliser ces prothèses en
entre les modèles animaux et humains, ce qui doit rendre clinique en milieu infecté [81]. Une autre alternative de traite-
prudent pour transférer à l’homme les résultats des études de ment anti-infectieux des prothèses en PET a consisté en un
cicatrisation obtenus chez l’animal [75]. Ces prothèses n’ont pas recouvrement à l’argent du PET [82] (Fig. 8). Ce traitement n’a
prouvé leur supériorité clinique sur les prothèses précoagulées pas encore prouvé son efficacité et serait expérimentalement
en termes de perméabilité, de réduction des pertes sanguines et moins efficace que l’imprégnation à la rifampicine [66]. Des
des transfusions périopératoires et d’infectibilité [76-78]. L’utilisa- auteurs proposent cependant l’utilisation de ces prothèses pour
tion de matrices résorbables pourrait représenter une voie le remplacement in situ en chirurgie d’infection de prothèse [83].
d’avenir pour le concept d’imprégnation compte tenu des La fixation d’héparine sur une matrice d’imprégnation a

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Figure 7. Prothèse en polyester tricotée imprégnée de collagène.


A. Macroscopie.
B. Vue en microscopie électronique à balayage de la surface externe.
C. Vue en microscopie électronique à balayage de la surface face interne.
Figure 5. Prothèse en polyester tissée.
A. Macroscopie.
B. Vue en microscopie électronique à balayage de la surface externe.
C. Vue en microscopie électronique à balayage de la surface face interne.
Il s’agit d’une toile uniquement constituée de filaments plats.

Figure 6. Prothèse en polyester tricotée comportant un support Figure 8. Prothèse en polyester tricotée recouverte de sels d’argent.
externe.

consisté à réaliser un traitement de surface par du carbone


également été proposée pour réduire la thrombogénicité de la (Fig. 9) ou des dérivés fluorés [84]. Une prothèse en PET recou-
surface luminale, avec des résultats encourageants [53]. Une autre verte de cyclodextrines permettant la fixation d’agents antimi-
voie de recherche pour réduire la thrombogénicité du PET a crobiens devrait être prochainement commercialisée [85].

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Figure 9. Prothèse en polyester tricotée recouverte de carbone.

Des complications dégénératives telles que des dilatations, des


ruptures ou des faux anévrismes ont été rapportées et analysées
dans la littérature avec des manifestations et des fréquences
variables selon le type de construction des prothèses. Les
prothèses tissées présentent la meilleure stabilité à long terme,
ce qui fait que leurs cas d’explantations pour dilatation ou
rupture soient rares. Cette stabilité est liée à leurs bonnes
caractéristiques observées lors de la réalisation des tests mécani-
ques. La tendance des premiers modèles à s’effilocher aux
anastomoses n’est pas retrouvée sur les nouvelles générations.
Les premiers tricots trame, qui étaient réalisés par un tricotage
ne faisant intervenir qu’une seule fibre de liage, présentaient
une mauvaise stabilité dimensionnelle qui s’est manifestée par
des élongations, des dilatations, des ruptures et des faux
anévrismes anastomotiques [86, 87]. Les tricots chaîne font appel
à une technique de tricotage faisant intervenir plusieurs fils. Ces
fils forment des boucles qui sont entrelacées les unes avec les
autres de sorte que chaque fil présente un trajet en zigzag dans
la structure textile. Les structures le plus souvent utilisées sont
les structures locknit et reverse locknit. Ces structures offrent une
très bonne stabilité dimensionnelle, n’ont pas de tendance à
l’effilochage aux anastomoses et présentent une résistance
élevée à l’arrachement des sutures. Des cas sporadiques de
ruptures de prothèses en tricot chaîné ont été rapportés dans la
littérature sous la forme d’un phénomène dégénératif global de
leur structure avec dégradation des fibres et présence de
nombreuses déchirures et ruptures [86], ou sous la forme de
ruptures longitudinales survenant sans processus dégénératif
diffus de la structure textile [88-90]. Nous avons montré que ces
ruptures longitudinales survenaient sur deux zones spécifiques
de la structure textile qui pouvaient être considérées comme des
zones de faiblesse : la ligne de remaillage et la ligne guide, et
que ces ruptures étaient prévisibles sur la base de tests in vitro
réalisés sur des prothèses vierges [91]. Cette fragilité des premiè-
res prothèses velours était également liée à la présence de
filaments trilobaires dans leur structure. Ces filaments s’étant Figure 10. Prothèse en polyuréthane.
avérés très sensibles à la dégradation, ils ont alors été remplacés A. Macroscopie de la surface externe.
par des filaments cylindriques qui présentaient une meilleure B. Vue en microscopie électronique à balayage de la surface externe.
biostabilité dans le temps [92]. Des cas de déchirures avec la C. Vue en microscopie électronique à balayage de la surface face interne.
formation de faux anévrismes ont été rapportés avec la première La structure de la prothèse est constituée d’un enroulement de fils de
génération de prothèse construite à base de tricots trame polyuréthane renforcé par une mantille externe de polyéthylène téréph-
comportant un support externe [93] . Ces ruptures étaient talate tricoté.
probablement secondaires à des irrégularités de mise en place
du support externe, générant des contraintes mécaniques
exagérées sur la structure textile. Les causes de ces échecs font
probablement intervenir des facteurs favorisants de la dégrada- plasie néo-intimale ont été contradictoires [95, 96]. Les premières
tion des structures textiles à plusieurs niveaux. Ces facteurs de prothèses en polyuréthane qui ont été réalisées sous la forme
détérioration peuvent survenir lors des différentes étapes de la d’une structure à pores fermés ont été retirées de la commercia-
fabrication de la prothèse, mais peuvent être aussi liés au lisation au vu des résultats d’études expérimentales et cliniques
concept même de la structure textile, ou à des facteurs généraux non concluantes [97]. Une prothèse composite de polyuréthane
de dégradation du polymère in vivo [94]. et de silicone, réalisée par l’enroulement de filaments de
polyuréthane sur un mandrin, avec un comblement de ces
interstices par de la gélatine et un renforcement par une
Prothèses en polyuréthane
mantille externe de PET, avait été commercialisée (Fig. 10). En
Les chercheurs ont porté un grand intérêt au polyuréthane du pratique clinique, cette prothèse utilisée comme fistule d’hémo-
fait de leur espoir de pouvoir fabriquer des prothèses présentant dialyse démontrait une meilleure facilité d’hémostase et moins
des propriétés mécaniques, et notamment une compliance, plus de formation de séromes que le ePTFE, mais en revanche un
proches de celles des artères, contrairement à ce qui était taux de perméabilité moindre [98]. D’autres types de prothèses
obtenu avec le ePTFE et le PET. Les résultats des études expéri- en polyuréthane ont été étudiés en clinique avec des résultats
mentales étudiant l’intérêt de ce matériau pour réduire l’hyper- inconstants [99-101].

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■ Choix d’un substitut vasculaire qui la cicatrisation se résume à l’incorporation de la partie


externe de la prothèse dans la capsule externe sans recolonisa-
La chirurgie de revascularisation s’applique schématiquement tion complète de la structure prothétique et de la capsule
à deux types d’artères : des artères de gros et moyen calibres interne. La surface luminale ne possède donc jamais les proprié-
pour la chirurgie de l’ensemble de l’aorte et du carrefour tés antithrombotiques de l’endothélium vasculaire [59, 75, 109,
110]. Il ne semble pas exister de différences notables en matière
aortique, et des artères de petit calibre pour la chirurgie de
revascularisation sous-inguinale, des artères viscérales et des de cicatrisation entre les différents types de prothèses synthéti-
troncs supra-aortiques. Ces deux types de chirurgie requièrent ques. Ainsi, le potentiel de cicatrisation ne nous semble pas
des substituts artériels dont nous pouvons présenter les princi- pouvoir être pris en compte comme critère de choix entre les
paux critères de choix de la façon suivante. substituts vasculaires.

Infectabilité
Critères de choix d’une prothèse vasculaire
L’infectabilité et la résistance à l’infection du biomatériau
Thrombogénicité constituant une prothèse vasculaire sont deux éléments impor-
tants dans des indications à haut risque infectieux telles que les
La thrombogénicité d’une prothèse doit être la plus faible pontages infra-inguinaux, pontages qui sont le plus souvent
possible lorsqu’elle est utilisée pour des revascularisations réalisés pour une indication de sauvetage de membre dans un
nécessitant des substituts de diamètres inférieurs ou égaux à contexte d’ulcérations ou de nécroses distales surinfectées. De
6 mm et qui présentent de surcroît un faible débit intraluminal manière générale, les principales études qui ont comparé
du fait du lit d’aval le plus souvent réduit. Fiore et al. [102] ont l’infectabilité des prothèses en PET à celle des prothèses en
comparé la perméabilité à 30 jours de différents types de ePTFE ont conclu à une meilleure résistance à la colonisation
prothèses implantées en remplacement de la veine cave supé- bactérienne des prothèses en ePTFE [111, 112]. Cependant, on
rieure ou de la veine cave inférieure chez le chien, et ont conclu observe des résultats inconstants puisque si des études expéri-
à une plus grande thrombogénicité des tubes en PET que celle mentales in vivo ont conclu à la moindre infectabilité des
des prothèses en ePTFE. Goldman et al. [103] ont comparé la prothèses en ePTFE, d’autres ont conclu à la moindre infectabi-
thrombogénicité de pontages fémoropoplités en PET, en ePTFE lité des prothèses en PET [113], voire même à une infectabilité
et en veine saphène autologue réalisés chez l’homme par la variant avec la durée d’implantation de la prothèse [114]. Il
mesure de la rétention de plaquettes marquées après 1, 3 et n’existe donc pas de consensus clair sur le choix de tel ou tel
7 jours d’implantation. L’indice moyen de thrombogénicité des type de biomatériau dans un contexte à haut risque infectieux.
prothèses en ePTFE était significativement inférieur à celui des Cependant, nous pouvons retenir qu’en cas d’implantation
prothèses en PET, ces deux indices étant significativement d’une prothèse en milieu infecté, il est recommandé d’utiliser
supérieurs à celui des veines autologues. Shoenfeld et al. [104] systématiquement une homogreffe artérielle, même si des cas
ont comparé la thrombogénicité de prothèses en PET, en ePTFE sporadiques de succès d’implantation de prothèses en PET
et en veine ombilicale humaine traitée par l’évaluation de la imgrégnées de matrices résorbables et d’antibiotiques ont été
fixation plaquettaire sur un modèle de shunt ex vivo. Ils ont rapportés. Nous pouvons également recommander d’utiliser des
conclu à une thrombogénicité du PET plus importante que celle prothèses en ePTFE pour la réalisation de pontages prothétiques
du ePTFE, ainsi qu’à une majoration de l’activation plaquettaire en milieu non infecté, mais chez des patients à haut risque
dans le circuit en présence de PET. Eldrup-Jorgensen et al. [105] infectieux du fait de lésions trophiques distales.
ont évalué la thrombogénicité de prothèses de 4 mm de
diamètre en PET, en ePTFE et en veine ombilicale humaine Biostabilité
traitée, par l’étude de l’activation plaquettaire sur des shunts ex La biostabilité du matériau constituant une prothèse vascu-
vivo de différents débits. Ils ont également montré que le PET laire est une propriété importante pour limiter les risques tardifs
activait l’agrégation plaquettaire de manière bien plus impor- de dégénérescence pouvant conduire à des complications telles
tante que le ePTFE et la veine ombilicale humaine, quel que soit que la dilatation et les ruptures prothétiques. Cette propriété est
le débit du shunt. Callow et al. [106] ont également conclu à la très importante pour les pontages soumis à de fortes contraintes
thrombogénicité du PET plus importante que celle du ePTFE sur tels que les pontages sus-inguinaux. Cette complication est
un shunt ex vivo. Cependant, une réduction de la thrombogé- beaucoup plus rare sur les pontages sous-inguinaux du fait des
nicité des prothèses en PET imprégnées peut être obtenue par la moindres sollicitations mécaniques et des taux de perméabilité
fixation directe d’agents antithrombotiques, soit directe- plus réduits dans cette localisation. La biostabilité d’une
ment [107], soit par l’intermédiaire d’une matrice d’imprégnation prothèse n’est pas seulement le fait du biomatériau en lui-
résorbable [108]. Ces techniques n’ont pas réellement encore fait même mais aussi du concept sous lequel il est utilisé. L’analyse
la preuve de leur efficacité en clinique. Il est donc clair de la littérature nous montre que la biostabilité d’un modèle de
qu’aucun substitut artériel synthétique ne présente les qualités prothèse n’est pas toujours prédictible. En effet, les tests qui
d’antithrombogénicité des substituts autologues, encore faut-il sont appliqués aux prothèses vasculaires avant leur mise sur le
que ces derniers soient traités, conservés et manipulés de marché sont essentiellement descriptifs et non prédictifs [115]. Il
manière la moins traumatisante pour en préserver l’endothé- est donc important de suivre tout nouveau modèle de prothèse
lium. En l’absence de substitut biologique autologue pour les vasculaire pour détecter précocement une tendance à la dégra-
pontages de petits calibres, il est habituel de privilégier l’utilisa- dation. Cette attitude entre dans le cadre général de la matério-
tion des substituts en ePTFE. vigilance. Nous avons pu montrer avec nos travaux qu’il est
non seulement primordial de déclarer tous les incidents ou
Cicatrisation accidents survenant sur des implants, mais également de les
La cicatrisation et l’incorporation des prothèses vasculaires analyser pour pouvoir déterminer les causes de leurs échecs.
sont un phénomène complexe et encore incomplètement Cependant, malgré l’existence de lois européennes bien définies
connu. L’un des principaux facteurs favorisants de la cicatrisa- dans le cadre de la matériovigilance, le nombre de déclarations
tion des prothèses est leur porosité, ce facteur étant déterminant rapportant des incidents ou des accidents est très largement
pour permettre la recolonisation tissulaire. L’importance de la inférieur à la réalité. La première directive européenne sur la
porosité a été rapidement mise en évidence avec les travaux de matériovigilance dans le domaine du matériel médical a été
Wesolowski [109], ce facteur étant toujours pris en compte pour prise le 20 juin 1990 (90/385/CEE, JOCE n° L189/17) et a été
la construction des nouveaux substituts vasculaires. Sur les modifiée le 14 juin 1993 (93/42/CEE, JOCE n° C172, 12 juillet
modèles expérimentaux, la cicatrisation et l’incorporation 1993). Cette directive établit clairement l’obligation de déclarer
tissulaire des prothèses vasculaires sont satisfaisantes puisqu’elles tout défaut dans les caractéristiques ou les performances d’un
génèrent une capsule interne constituée de collagène et cou- dispositif médical qui soit potentiellement susceptible de
verte d’un néoendothélium biologiquement fonctionnel. conduire à la mort ou à une altération majeure de la santé des
Cependant, ce résultat n’est jamais observé chez l’homme chez patients. Tous ces incidents doivent être déclarés à une autorité

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compétente qui devra prendre les mesures nécessaires afin du PET [122, 123] . Le PET recouvert d’un fluoropolymère ne
d’informer le fabricant du dispositif incriminé ou son représen- procure pas de meilleurs résultats cliniques que le ePTFE [124].
tant au sein de la communauté européenne. Une évaluation du L’utilisation de l’un ou l’autre de ces deux matériaux peut donc
dispositif est demandée, si possible en impliquant le fabricant, être proposée indifféremment. Devine et al. [53] ont obtenu de
afin de permettre aux autorités sanitaires d’établir les mesures meilleurs résultats avec une prothèse en PET incorporant de
de précautions nécessaires. Les chirurgiens ont par conséquent l’héparine dans sa matrice d’imprégnation qu’avec une prothèse
l’obligation de déclarer tous les incidents et de conserver les en ePTFE.
prothèses explantées afin de permettre les investigations qui Enfin, dans les indications de pontages fémorojambiers, les
doivent idéalement être réalisées par un laboratoire indépen- résultats des pontages prothétiques sont décevants, même en
dant. Il est important de diffuser l’information sur la matério- cas d’utilisation de techniques d’interpositions veineuses
vigilance à la communauté médicale pour permettre une anastomotiques telles que les collerettes de Miller [125, 126].
augmentation du nombre de cas déclarés. En effet, seule la L’utilisation d’une homogreffe artérielle représente une alterna-
collecte d’un grand nombre d’explants permettra de fournir des tive. Cependant, ses résultats sont plus proches de ceux des
données épidémiologiques interprétables permettant de diffé- prothèses que de ceux de la veine saphène autologue [29].
rencier des échecs sporadiques de comportements dégénératifs
plus endémiques. L’analyse structurelle des explants médicaux Choix d’une prothèse dans les revascularisations
doit répondre à notre sens à des impératifs stricts de qualité et sus-inguinales
de confidentialité.
Comme nous l’avons vu précédemment, l’évolution des Les prothèses textiles tissées ou tricots chaîne en PET se sont
prothèses vasculaires s’est faite par l’introduction permanente de largement imposées pour ce type de chirurgie. Actuellement, la
nouveaux concepts. Certains concepts ont fait la preuve de leur majorité des chirurgiens les utilisent sous leur forme imprégnée
efficacité, d’autres ont été abandonnés du fait de l’insuffisance avec de bons résultats cliniques [94-96]. L’utilisation de prothèses
de certaines de leurs propriétés, et tout particulièrement de leur de gros calibre en ePTFE est plus marginale avec cependant de
biostabilité. Il serait idéal de pouvoir prédire la stabilité à long bons résultats cliniques [127].
terme d’une nouvelle prothèse avant l’utilisation clinique par la
réalisation de tests mécaniques in vitro les plus représentatifs
possible des conditions physiologiques auxquelles elles seront ■ Perspectives d’avenir
soumises après leur implantation. De telles prédictions nécessi-
Les perspectives d’avenir des substituts incluront tout d’abord
teront également une meilleure connaissance des conditions
l’amélioration des produits actuellement disponibles. Ces
physicochimiques et hémodynamiques auxquelles sont soumis
améliorations devront porter sur leurs trois propriétés principa-
les différents matériaux utilisés pour la construction d’une
les que sont la biocompatibilité, l’antithrombogénicité et la
prothèse vasculaire. Chaque fois qu’un nouveau modèle ou
stabilité. L’amélioration de la biocompatibilité et de l’anti-
concept de prothèse vasculaire est utilisé en clinique humaine,
thrombogénicité des prothèses vasculaires pourrait être obtenue
celui-ci devrait être l’objet d’une surveillance répondant à une
par des traitements de surfaces tels que le greffage de polymères
organisation similaire à celle des centres de pharmacovigilance.
par plasma, le greffage de charges électriques négatives, ou de
Seule cette attitude peut permettre de dépister précocement des
carbone. Ces propriétés pourront être également modulées en
échecs et d’en évaluer l’incidence et éventuellement les causes.
incorporant à la prothèse au moment de son implantation des
En effet, toutes les complications ne sont pas rapportées dans la
produits actifs tels que des éléments cellulaires ou des facteurs
littérature et lorsqu’elles le sont, c’est avec un délai moyen de
de croissance. Les progrès de l’ingénierie tissulaire permettraient
une à deux années. De plus, l’analyse physicochimique systé-
soit de produire in vitro de véritables artères différenciées à
matique d’explants humains, quelle qu’en soit la cause
partir d’éléments cellulaires humains qui pourraient être
d’explantation, permettrait également de dépister une évolution
réimplantées chez le patient donneur, soit de développer des
marquée d’un concept vers la dégradation avant même que
nanostructures mimant l’architecture fibrillaire du vaisseau et
surviennent les premières complications cliniques.
permettant ainsi de guider sa recolonisation [128, 129].
L’amélioration de la stabilité des substituts vasculaires passera
Critères de choix d’une prothèse vasculaire par de meilleures connaissances des phénomènes de vieillisse-
en fonction de son indication ment des structures polymériques à long terme ainsi que par
une optimisation des processus de fabrication. Les programmes
Choix d’une prothèse dans les revascularisations de matériovigilance sont également très importants pour
sous-inguinales surveiller la stabilité de tout nouveau concept de substitut
vasculaire qui sera introduit sur le marché.
Le choix du type de prothèse synthétique en l’absence de .

greffon veineux utilisable est souvent discuté.


Les premières études qui ont comparé les résultats cliniques
des prothèses en ePTFE à ceux des prothèses en PET étaient
■ Références
rétrospectives. Rosenthal et al. [116] ont obtenu les mêmes [1] Oudot J. La greffe vasculaire dans les thromboses du carrefour aortique.
résultats dans une comparaison d’une série de 100 prothèses en Presse Med 1951;59:234-6.
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lité primaire pour les prothèses en PET et en ePTFE étaient [3] Parodi J, Palinaz J, Barone H. Transfemoral intraluminal graft implan-
respectivement de 57 % et 65 % à 5 ans et de 32 % et 31 % à tation for abdominal aortic aneurysm. Ann Vasc Surg 1991;5:491-9.
10 ans, et n’étaient pas statistiquement différents. Pevec et [4] Kunlin J. Le traitement de l’artérite oblitérante par la greffe veineuse.
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al. [117] ont comparé de manière rétrospective les résultats de
[5] Szilagyi DE, Eliott JP, Hageman JE, Smith RF, Dall’Olmo CA.
38 prothèses en PET à ceux de 85 prothèses en ePTFE implan-
Biologic fate of autogenous vein implants as arterial substitutes:
tées comme pontages fémoropoplités, 50 % des pontages de clinical, angiographic and histopathologic observations in
chaque groupe étant des pontages sus-articulaires. Les taux de femoropopliteal operations for atherosclerosis. Ann Surg 1973;178:
perméabilité primaire pour les prothèses en PET et en ePTFE 232-46.
étaient respectivement de 55 % et 34 % à 3 ans et de 48 % et [6] Steenaert B, Troost FA, Kuypers PJ. Aneurysms in autogenous venous
27 % à 6 ans, cette différence en faveur du PET étant statisti- patches used for arterial reconstruction: a late complication.
quement significative. Les études prospectives randomisées qui J Cardiovasc Surg (Torino) 1970;11:183-7.
ont été réalisées plus récemment n’ont pas montré de différence [7] Stanley JC, Fry WJ. Pediatric renal artery occlusive disease and
statistiquement significative entre les pontages fémoropoplités renovascular hypertension: etiology, diagnosis, and operative
en PET et en ePTFE [118-121] ; les plus récentes étaient en faveur treatment. Arch Surg 1981;116:669-76.

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Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire 11

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43-008 ¶ Substituts vasculaires

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N. Chakfé (Nabil.Chakfe@chru-strasbourg.fr).
F. Dieval.
Y. Georg.
F. Thaveau.
A. Lejay.
C. Bajcz.
S. Rinckenbach.
J.-F. Le Magnen.
J.-G. Kretz.
B. Durand.
Groupe européen de recherche sur les prothèses appliquées à la chirurgie vasculaire, Service de chirurgie vasculaire, Hôpitaux universitaires de Strasbourg,
1, place de l’Hôpital, BP 426, 67091 Strasbourg, France.
Faculté des sciences et techniques, Université de Haute-Alsace, Mulhouse, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Chakfé N., Dieval F., Georg Y., Thaveau F., Lejay A., Bajcz C., Rinckenbach S., Le Magnen J.-F., Kretz J.-G.,
Durand B. Substituts vasculaires. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire, 43-008, 2010.

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12 Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire

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¶ 43-012

Techniques de base en chirurgie


endovasculaire
J. Marzelle, F. Bellenot, A. Fallouh, A. Parot, E. Cheysson

Les techniques endoluminales de traitement de l’athérome reposent maintenant sur des procédures bien
codifiées et des matériels dont les caractéristiques sont standardisées. Elles peuvent être pratiquées en
salle d’opération aussi bien qu’en salle de radiologie interventionnelle. Introducteurs, guides et cathéters
autorisent l’accès à tous les territoires artériels. Les caractéristiques des cathéters d’angioplastie
transluminale (profil, compliance) doivent être bien connues. Différentes architectures d’endoprothèses
s’adaptent à la sinuosité des vaisseaux et à la force radiaire requise selon la lésion à traiter, alors que le
développement d’endoprothèses couvertes élargit leur champ d’application. La place et l’intérêt des
techniques endovasculaires, par rapport au traitement médical et à la chirurgie, font l’objet d’un
consensus dans la majorité des indications. Le chirurgien doit donc bien les maîtriser, d’autant qu’il peut
aussi les utiliser en complément d’une chirurgie conventionnelle ou être confronté à leurs complications
immédiates ou secondaires.
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Mots clés : Angioplastie ; Endoprothèse ; Cathétérisme ; Athérome ; Thrombose ; Chirurgie

Plan l’athérome dans les artères des membres appelle quelques


remarques.
Ces techniques sont en grande partie communes avec celles
¶ Introduction 1
de la radiologie interventionnelle. Le chirurgien peut les utiliser
¶ Principes de l’angioplastie transluminale 1 en complément d’une chirurgie « classique » ; il est parfois
¶ Environnement 2 confronté à leurs complications immédiates ou secondaires ;
Équipement de la salle d’opérations 2 elles peuvent être proposées au cours du premier temps d’une
Installation du patient 2 chirurgie de sauvetage de membre : ce sont désormais des
Traitements médicamenteux associés 3 techniques chirurgicales à part entière.
¶ Abords artériels 3 La plupart de ces techniques sont maintenant validées : la
Voies d’abord 3 place et l’intérêt de l’angioplastie transluminale par ballonnets,
Guides 7 des endoprothèses, de la thrombolyse, par rapport au traitement
Systèmes de fermeture 9 médical et à la chirurgie, font l’objet d’un consensus dans la
majorité des indications.
¶ Angioplastie transluminale par ballonnet 9
Ces techniques, dans leur majorité, ont été développées dans
Caractéristiques des cathéters d’angioplastie 9
les pays anglo-saxons et, même si on continue à utiliser certains
Choix du ballon 11
termes techniques en anglais, nous nous sommes efforcés
Modalités de l’angioplastie 12
utiliser le terme français correspondant en citant au besoin le
Complications de l’angioplastie 15
terme anglais « de référence ».
¶ Endoprothèses 16
Principes des endoprothèses 16
Architecture des endoprothèses 16 ■ Principes de l’angioplastie
Propriétés des endoprothèses 16
Mise en place des endoprothèses 17
transluminale
Endoprothèses couvertes 19 Bien que la technique d’angioplastie transluminale ait été
¶ Traitement des thromboses artérielles 19 décrite pour la première fois par Dotter [1] en 1964, celui-ci
Thrombolyse médicamenteuse 19 utilisait des dilatateurs coaxiaux en Téflon® de taille croissante
Thrombectomie mécanique 20 passés dans la sténose à dilater : ce mode de recanalisation est
¶ Conclusion 21 souvent appelé « dottérisation ». Le véritable essor de l’angio-
plastie transluminale date de la description, en 1974, par
Grüntzig [2] des cathéters à ballonnets à double lumière.
Depuis lors, un certain nombre de modifications ont permis
■ Introduction d’améliorer les résultats de cette technique, qui doit répondre à
plusieurs objectifs :
La place dans un traité de techniques chirurgicales d’un • élargir la lumière artérielle pour rétablir un flux sanguin
article sur les techniques endoluminales de traitement de suffisant ;

Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire 1

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¶ 43-020

Explorations peropératoires
en chirurgie vasculaire
J. Marzelle, P. Desgranges, E. Allaire, F. Luizy, H. Kobeiter, J.-P. Becquemin

L’amélioration des techniques d’imagerie préopératoire a permis d’obtenir de meilleurs résultats en


chirurgie vasculaire, en permettant une meilleure sélection des patients et de la technique chirurgicale.
Des moyens d’imagerie peropératoires sophistiqués sont maintenant couramment employés en salle
d’opération. L’artériographie reste l’examen de référence dans le contrôle des revascularisations
chirurgicales et endovasculaires, afin d’obtenir un bon résultat anatomique et de prévenir ainsi les
complications postopératoires. Les applications des ultrasons, doppler et échographie, fournissent des
renseignements non seulement morphologiques, mais également hémodynamiques. Angioscopie et
échographie endovasculaire ne sont plus des techniques courantes, mais restent indiquées, en particulier
en recherche. Des techniques plus particulières sont employées dans certaines indications comme la
chirurgie carotidiennne, le dépistage des complications viscérales de la chirurgie aortique ou le traitement
endovasculaire des anévrismes.
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Mots clés : Angiographie ; Angioscopie ; Échographie ; Endovasculaire ; Chirurgie vasculaire ; Angioplastie

Plan ■ Techniques d’exploration


¶ Introduction 1 Explorations morphologiques
¶ Techniques d’exploration 1
Explorations morphologiques 1 Artériographie
Explorations hémodynamiques 9 Principes de base
¶ Indications : place des différentes techniques 10
Produits de contraste. On distingue actuellement trois
Chirurgie des troncs supra-aortiques 10 catégories de produits de contraste iodés :
Chirurgie aorto-iliaque 12 • les produits ioniques hyperosmolaires ;
Chirurgie sous-inguinale 13 • les produits ioniques peu osmolaires ;
Chirurgie veineuse 13 • les produits non ioniques peu osmolaires.
Chirurgie endovasculaire 14 Les produits peu osmolaires semblent diminuer le taux de
¶ Conclusion 17 certaines complications (insuffisance rénale, surcharge volémi-
que) et la sensation de brûlure lors de l’injection. Les produits
non ioniques auraient un effet prothrombotique qui justifie des
précautions d’utilisation (risque d’embolie en cas de reflux
sanguin dans la seringue). La prévention des complications
■ Introduction rénales repose surtout sur une bonne hydratation du patient en
préopératoire et, chez les patients dont la fonction rénale est
altérée en préopératoire, l’administration de N-acétylcystéine [1].
L’amélioration des résultats de la chirurgie vasculaire au cours
Le gaz carbonique [2] a été proposé comme alternative aux
des dernières années est passée par le développement des
produits de contraste iodés : injecté pur à moins de 25 ml/s, il
explorations préopératoires, mais aussi des techniques de
ne suscite pas d’effet secondaire, mais une image de qualité
contrôle et de « monitorage » peropératoires. Celles-ci sont suffisante ne peut être obtenue qu’en utilisant la numérisation.
dominées par l’angiographie au bloc opératoire, qui est la Il faut insister sur la nécessité d’une injection initiale lente afin
méthode de référence pour juger du résultat anatomique d’une de rendre l’examen indolore. Il a plusieurs avantages : faible
revascularisation. L’échographie, le doppler et l’échographie- coût, utilisation en cas d’allergie à l’iode, absence de néphro-
doppler peropératoires apportent des renseignements complé- toxicité, injection possible par des aiguilles très fines.
mentaires à l’artériographie. Nous allons mentionner des explo- Constantes. Les radiations délivrées sont caractérisées par
rations spécifiques à certaines indications ou techniques, ainsi deux paramètres, la tension, ou voltage (kVp), et l’ampérage
que des explorations comme l’échographie endovasculaire et (mA) :
l’angioscopie, dont les contraintes et le coût expliquent qu’elles • le voltage détermine le pouvoir de pénétration du faisceau de
soient réservées à des activités de recherche en chirurgie rayons X, dont l’énergie doit suffire à traverser la portion la
vasculaire. plus dense de l’organe étudié ;

Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire 1

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43-020 ¶ Explorations peropératoires en chirurgie vasculaire

Figure 5. Angioscopie.
A. Différents moyens de limiter le flux d’irrigation : angioscopie rétrograde (1) ; blocage du flux par un ballon occlusif : angioscopie iliaque (2.1), fibre munie
d’un ballonnet occlusif (2.2) ; compression des collatérales par l’aide : clampage de la poplitée distale contre la face postérieure du tibia (3.1), clampage de
la poplitée haute contre le condyle fémoral (3.2).
B. Images d’angioscopie : plaque ulcérée (noter la solution de continuité de l’intima et le thrombus marginé) (B1) ; dissection après angioplastie : la plaque
est fracturée (à 9 h), du thrombus commence à se former et on distingue un aspect jaunâtre correspondant à la média exposée (B2).

6 Techniques chirurgicales - Chirurgie vasculaire


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Traitement endoluminal d'un anévrisme aortique par endoprothèse couverte.
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Angioplastie protégée et mise en place d'endoprothèse de la carotide droite.
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Encyclopédie Médico-Chirurgicale 43-022

43-022

Médicaments antithrombotiques
en chirurgie vasculaire
SX Racine Résumé. – La thrombose artérielle représente la première complication de la chirurgie vasculaire. Aux lésions
CM Samama préexistantes des vaisseaux sanguins pathologiques s’ajoutent celles liées à la chirurgie (mise à nu du sous-
endothélium, stase sanguine au clampage, ischémie locale) qui induisent les mécanismes d’activation
plaquettaire et la thrombinoformation. Les antithrombotiques et notamment les antiagrégeants ont
longtemps été associés à l’augmentation du risque hémorragique. Actuellement, les études montrent qu’ils
n’augmentent pas les complications hémorragiques mais diminuent la mortalité périopératoire tout en
augmentant la durée de vie de certains types de pontages (notamment prothétiques).
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : chirurgie vasculaire, chirurgie prothétique, endartérectomie carotidienne, chirurgie aortique,


pontage, antiagrégeants, héparine.

Introduction agissent principalement sur les plaquettes et les interactions


plaquette-paroi vasculaire. Les anticoagulants qui agissent sur les
La thrombose artérielle en chirurgie vasculaire conduit à l’échec du différentes étapes de la coagulation (fig 1).
pontage. Elle est due à la fois à des mécanismes d’ischémie locale Les mécanismes d’action pharmacologiques sont donc fonction des
activant l’agrégation plaquettaire et de perturbations de flux sanguin classes d’antithrombotiques.
par baisse de débit sanguin ou de turbulences intrinsèques au
pontage. La thrombose artérielle nécessite une prise en charge ¶ Aspirine
thérapeutique spécifique en fonction du geste chirurgical et du site
L’aspirine inhibe de manière irréversible la cyclo-oxygénase (COX)
anatomique de l’intervention.
alors que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ne font que
De nombreuses études contradictoires ont longtemps entretenu le bloquer celle-ci de manière réversible. Cette enzyme catalyse l’acide
doute sur le rapport bénéfice/risque des traitements anti- arachidonique en prostanoïdes comme les prostaglandines G2
thrombotiques, l’hémorragie iatrogène incontrôlable représentant la (PGG2) et H2 (PGH2). Cette PGH2 qui est habituellement labile
crainte principale. Néanmoins, depuis quelques années, les études entraîne, lorsqu’elle est activée par des médiateurs de
cliniques présentent une prise en charge consensuelle en fonction l’inflammation, une production de thromboxane A2 (TXA2) par les
du site vasculaire, de la période d’administration et du type plaquettes et de prostacycline (PGI2) par l’endothélium [46]. Le TXA2
d’antithrombotique utilisé que sont les héparines, les est inducteur de l’agrégation plaquettaire et de la vasoconstriction
antivitamines K (AVK) et les différentes classes d’antiagrégeants dans les situations d’agression tissulaire. L’aspirine diminue la
plaquettaires. synthèse de TXA2.
Nous ne présentons pas la pathologie vasculaire occlusive chronique
conduisant systématiquement à l’utilisation d’antithrombotiques, ¶ Flurbiprofène
d’autant que d’autres pathologies y sont souvent associées. Nous
détaillons les différents antithrombotiques utilisés en fonction de Le flurbiprofène est un AINS qui inhibe de manière réversible
leur mode d’action pharmacologique et leur utilisation pour chaque (24 heures) la COX plaquettaire, entraînant un défaut de synthèse
type de chirurgie vasculaire. de TXA2. C’est le seul AINS en France ayant une autorisation de
mise sur le marché (AMM) pour la prévention des thromboses
artérielles coronariennes. Dans le cadre d’une chirurgie programmée
Antithrombotiques chez un patient sous aspirine (mais aussi sous thiénopyridine), le
flurbiprofène est une alternative à un relais entre l’aspirine qui doit
être arrêtée au minimum 10 jours et l’intervention chirurgicale. Le
MODE D’ACTION DES ANTITHROMBOTIQUES ET RÈGLE flurbiprofène ne sera arrêté que 24 heures avant l’intervention.
DE PRESCRIPTION EN CHIRURGIE VASCULAIRE
Les antithrombotiques ont principalement deux sites d’action ¶ Dipyridamole
correspondant à deux classes de produits. Les antiagrégeants qui Le dipyridamole est un dérivé de la pyrimidopyrimidine possédant
des propriétés vasodilatatrices et antiplaquettaires. Le mécanisme
d’action est encore soumis à controverse mais il semblerait que le
Stéphane-Xavier Racine : Chef de clinique-assistant. dipyridamole bloque le récepteur à l’adénosine qui stimule la
Charles-Marc Samama : Praticien hospitalier.
Département d’anesthésie-réanimation, centre hospitalier universitaire Avicenne, 125, route de Stalingrad,
dégradation de l’acide adénosine monophosphorique (AMP) en
93009 Bobigny cedex, France. 5’AMP cyclique plaquettaire et réduit l’activation plaquettaire [23].

Toute référence à cet article doit porter la mention : Racine SX et Samama CM. Médicaments antithrombotiques en chirurgie vasculaire. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés),
Techniques chirurgicales – Chirurgie vasculaire, 43-022, 2001, 9 p.
43-022 Médicaments antithrombotiques en chirurgie vasculaire Techniques chirurgicales

Abciximab 1 Site d’action des thérapeutiques antithrombotiques.


SANG vWf : facteur von Willebrand ; Gp : glycoprotéine de sur-
Plaquette activée face ; ADP : adénosine diphosphate.
Ticlopidine PLASMA
Récepteur
Clopidogrel Récepteur Récepteurs Facteurs contact :
ADP
TXA2 GPIIb/IIIa XII, prékallicréine, etc
RGD-like
Facteur
vWf
ADP TXA2 Phospholipides tissulaire
fibrinogène
plaquettaires VII
THROMBINE
Granules d'ADP Récepteurs
GPIIb/IIIa
Gp Ib IIa V IX Cyclo-oxygénase

Aspirine Activation
Plaquette activée plaquettaire Héparines
vWf et AVK

Endothéline, lipoxygénase, etc

Lésion vasculaire Endothélium vasculaire

¶ Thiénopyridines (ticlopidine et clopidogrel) Les HBPM sont administrables en une ou deux injections
journalières. Outre les contre-indications liées au risque
Les thiénopyridines (ticlopidine [Ticlidt] et clopidogrel [Plavixt]) hémorragique de tout antithrombotique, l’insuffisance rénale contre-
inhibent l’agrégation plaquettaire induite par l’adénosine indique les HBPM pour une clairance de la créatinine inférieure à
diphosphate (ADP) mais aussi celle induite par le collagène et la 30 mL/min.
thrombine [28]. Chez les patients porteurs d’une artériopathie des
membres inférieurs, le clopidogrel développe une activité Elles peuvent être utilisées en mode préventif ou curatif dans le
antithrombotique supérieure à celle de l’aspirine [9]. Le clopidogrel cadre de la maladie thromboembolique veineuse et l’angor instable.
tend à présent à remplacer la ticlopidine dans la prévention de la Leur utilisation est mal définie dans le cadre de la chirurgie
thrombose des endoprothèses coronaires, en association avec vasculaire.
l’aspirine. Une seule injection par jour est nécessaire en mode préventif sans
contrôle de l’activité anti-Xa. En revanche, en mode curatif, le dosage
¶ Inhibiteurs des récepteurs glycoprotéiques IIb/IIIa de l’activité anti-Xa au pic de l’activité (4 heures) est recommandé.
(GP IIb/IIIa) Elle doit être comprise entre 0,5 et 1 UI-anti-Xa/mL pour obtenir
une anticoagulation efficace pour la majorité des molécules.
L’abciximab (Réoprot), le tirofiban (Agrastatt) et l’eptifibatide
(Integrilint) et ses dérivés, en se fixant aux récepteurs ¶ Antivitamines K
glycoprotéiques Gp IIb/IIIa des plaquettes, entrent en compétition
avec le fibrinogène et accessoirement le facteur von Willebrand [24]. Les AVK diminuent la synthèse des facteurs II, VII, IX, X et deux
Le blocage de ces sites empêche les plaquettes d’agréger. Ils n’ont inhibiteurs physiologiques que sont les protéines C et S, en
pas d’indication pour l’instant en chirurgie vasculaire, mais sont interférant avec l’activité du cofacteur de la vitamine K vis-à-vis de
utilisés dans l’angor instable réfractaire et dans le cadre d’une la gammacarboxylase hépatique. Les AVK nécessitent un délai
angioplastie coronaire en association avec l’aspirine et l’héparine [10]. d’action de quelques jours avant de développer une efficacité. Pour
cela, il ne sont jamais prescrits seuls en première intention mais
¶ Héparines toujours en relais d’une anticoagulation par héparine. La
surveillance du traitement repose sur la mesure de l’international
Les héparines sont classées en deux groupes : l’héparine non normalized ratio (INR) qui doit être compris le plus souvent entre 2
fractionnée (HNF) et les héparines de bas poids moléculaire et 3.
(HBPM). L’HNF agit par l’intermédiaire de l’antithrombine (AT).
Elle inhibe la thrombine (IIa) et dans la même proportion le facteur ¶ Thrombolytiques
Xa (rapport Xa/IIa égal à 1). Dans une moindre mesure, elle interagit
également avec les facteurs IXa, XIa et XIIa [44]. Les héparines de bas Les thrombolytiques ont pour fonction de lyser le caillot sanguin
poids moléculaire (HBPM) inhibent de manière prépondérante le récemment formé (moins de 2 semaines). Leur mode d’action
facteur Xa (rapport anti-Xa/anti-IIa entre 2 et 5 selon les molécules). commun est d’activer le système fibrinolytique physiologique en
Leur meilleure biodisponibilité par voie sous-cutanée rend compte transformant le plasminogène inactif en plasmine active, ceci
d’une efficacité et d’une tolérance supérieures à celles de l’HNF. entraînant une dégradation de la fibrine, aboutissant à une lyse du
L’HNF est administrable par voie intraveineuse à la dose de 300 à thrombus. Les trois principales molécules utilisées en chirurgie
500 UI/kg/j, après une dose de charge de 300 UI/kg afin d’obtenir vasculaire sont la streptokinase (SK) d’origine streptococcique et
une anticoagulation efficace. L’administration en continu doit faire immunogène pour l’homme, l’urokinase (UK) isolée à partir de
l’objet d’une surveillance par le temps de céphaline activée (TCA) l’urine humaine et l’altéplase (recombinant-tissue-type plasminogen
qui doit être supérieur ou égal au double du témoin. L’HNF calcique activator [rt-PA]) obtenue par génie génétique. Les doses
est injectable par voie sous-cutanée. De même efficacité que l’HNF administrées sont plus faibles que celles utilisées dans l’infarctus du
sodique, seule sa pharmacocinétique change. En effet, son pic myocarde pour la thrombolyse locorégionale artérielle.
d’efficacité est obtenu 40 minutes après l’injection sous-cutanée pour Pour la SK, il faut débuter par 250 000 UI en bolus puis
une durée moyenne de 6 heures. L’HNF sodique a son pic 100 000 UI/h pendant 24 heures. Pour l’UK, il faut débuter par
plasmatique dans les minutes qui suivent l’injection du bolus, mais 4 400 UI/kg en 10 minutes, puis relayer par une perfusion
sa demi-vie étant de 90 minutes, il est nécessaire de recourir à intraveineuse pendant 12 à 24 heures par 2 000 UI/kg/h. Dans le
l’injection intraveineuse continue si l’anticoagulation doit être cas d’une impossibilité à poursuivre le bolus local par une perfusion
maintenue. intraveineuse, il faut poursuivre par HNF à la dose de 500 UI/h,

2
Techniques chirurgicales Médicaments antithrombotiques en chirurgie vasculaire 43-022

Tableau I. – Contre-indications et précautions d’emploi des antithrombotiques.

Médicaments Principales contre-indications Recommandations d’emploi


Aspirine Absolue : allergie aux salicylés et dérivés, ulcère gastrique en évolution, En cas d’insuffisance rénale dont la clair créat < 30 mL/min, contre-indiquer
coagulopathie constitutionnelle ou acquise, risque hémorragique majeur, l’association avec les HBPM.
grossesse, association au méthotrexate à haute dose, maladies hémorragi-
ques.

Dipyridamole Identiques à celles de l’aspirine en ce qui concerne le risque hémorragique. Pour les fortes doses, fractionner les prises car vasodilatation brutale pos-
sible.

Clopidogrel Allergie, insuffisance hépatocellulaire sévère, lésion hémorragique évolutive, Ne pas utiliser dans les premiers jours d’un infarctus du myocarde, d’un
allaitement. angor instable, de la pose de stent, d’un pontage aortocoronarien et d’un
AVC ischémique de moins de 7 jours. Association à des médicaments anti-
thrombotiques et insuffisance rénale : prudence.

Ticlopidine Idem que pour l’aspirine. Arrêt 10 jours avant intervention chirurgicale, association antithrombotiques,
théophylline (surdose), pentoxifylline (hémorragie), phénitoïne (surdose).
Surveillance NFS (leucothrombopénie et PTT).

Anti-GP IIb/IIIa Allergie à la molécule ou à ses composés (exemple : la papaïne pour le Évaluation bénéfice-risque, administration simultanée d’aspirine et héparine,
Réoprot), lésion hémorragique, ATCD d’AVC hémorragique de moins de 2 surveillance en milieu de surveillance intensive.
ans, TC ou intrarachidien de moins de 2 mois, lésion cérébrale tumorale,
malformative ou anévrismale, HTA incontrôlée. Coagulopathie, thrombo-
pénie, vascularite, rétinopathie vasculaire, insuffisance hépatique ou rénale.

HNF/HBPM Absolue : allergie, thrombopénie, lésions tissulaires hémorragiques, coagulo- Risque hémorragique si association à d’autres antithrombotiques, corticothé-
pathie sauf CIVD non liée à l’héparine, endocardite infectieuse aiguë (sauf si rapie à forte dose ou supérieure à 10 jours (interaction médicamenteuse).
prothèse mécanique), postopératoire de neurochirurgie, AVC hémorragique.
Relative : association à d’autres antithrombotiques. HBPM : insuffisance
rénale avec clair créat < 30 mL/min.

AVK Absolue : allergie à la molécule ou à ses dérivés, lésion hémorragique, Si risque thrombotique, utiliser les AVK en relais avec une anticoagulation
neurochirurgie, chirurgie ophtalmologique, insuffisance hépatocellulaire ou efficace (héparine) du fait du temps de latence de l’efficacité des AVK.
rénale (clair créat < 20 mL/min), ulcère gastroduodénal récent ou évolutif,
varices œsophagiennes, HTA maligne (diastolique > 12 mmHg), AVC (sauf
embolie systémique).
Association miconazole, phénylbutazone et AINS pyrazolés, salicylés à forte
dose

ATCD : antécédent ; AVC : accident vasculaire cérébral ; TC : traumatisme crânien ; clair créat : clairance de la créatininémie ; IHC : insuffisance hépatocellulaire ; NFS : numération-formule sanguine ; PTT : purpura thrombotique
thrombopénique ; AVK : antivitamine K ; HBPM : héparine de bas poids moléculaire ; HNF : héparine non fractionnée ; AINS : anti-inflammatoire non stéroïdien ; CIVD : coagulation intravasculaire disséminée ; HTA : hypertension
artérielle.

Tableau II. – Modalités de surveillance des antithrombotiques et lieu de réalisation technique : au laboratoire ou au chevet du malade.

Antithrombotiques Modalités de surveillance Valeur sous traitement Laboratoire Malade


Aspirine Temps de saignement par méthode d’Ivy > 10 minutes (+)
PFAt épinéphrine > 160 secondes (+)

Dipyridamole Pas de dosage spécifique

Clopidogrel (Plavixt) Pas de dosage spécifique


NFS car risque de thrombopénie

Ticlopidine (Ticlidt) Pas de dosage spécifique


NFS car risque de neutropénie

Anti-GP IIb/IIIa (Réoprot) Pas de dosage spécifique


NFS car risque de thrombopénie

HNF (à dose curative) Temps de céphaline activée > 1,5 fois le témoin (+)
ACT : Hemochront, Actalyket, ACTIIt > 400 et < 600 secondes (+)
Thrombo-élastogramme (r+k) élevé, Am normale (+)
NFS car risque de thrombopénie

HBPM Activité anti-Xa > 0,5 et < 1 UI (+)


NFS car risque de thrombopénie

AVK INR INR > 2 (+)


risque hémorragique majeur si > 4

AVK : antivitamine K ; HBPM : héparine de bas poids moléculaire ; HNF : héparine non fractionnée ; NFS : numération-formule sanguine ; ACT : activated clotting time ; INR : international normalized ratio ; Am : amplitude maximale ;
(r + k) : temps de réaction + temps de coagulation.

4 heures après la thrombolyse, à condition que le fibrinogène soit perception du pouls, point de ponction, signes hémorragiques), la
supérieur à 1 g/L et le TCA inférieur à deux fois le témoin. Pour biologie (temps de prothrombine [TP], TCA, numération-formule
le rt-PA, il faut débuter par un bolus locorégional de 10 mg en sanguine [NFS], plaquettes, fibrinogène par 6 heures pendant
1 minute puis de 45 mg/h pendant 2 heures. Contrairement aux 24 heures) et éventuellement le doppler. La survenue d’un
précédentes molécules, l’HNF est démarrée à l’arrêt de l’altéplase syndrome hémorragique, d’un hématome au point de ponction
à la dose de 1 000 UI/h et adaptée en fonction du TCA. La ou un taux de fibrinogène inférieur à 1 g/L doivent faire arrêter la
fibrinolyse n’est arrêtée qu’après l’assurance de l’absence totale thrombolyse.
de thrombus, l’héparine en relais n’ayant pour but que
d’empêcher la formation de nouveaux thrombi. La surveillance Les principales indications, contre-indications et modes de
est réalisée par la clinique (chaleur et coloration cutanée, surveillance sont précisés dans les tableaux I et II.

3
43-022 Médicaments antithrombotiques en chirurgie vasculaire Techniques chirurgicales

Utilisation des antithrombotiques élevés avec les HBPM qu’avec l’HNF. Enfin Wilson et al [54], utilisant
les HBPM, ont comparé l’influence de l’anticoagulation en fonction
en fonction du type de chirurgie des sites d’injection, périphérique ou intra-aortique, et des moments
d’administration, avant ou après le clampage. Bien qu’aucun patient
Dans ce chapitre sont présentées les principales études sur n’ait développé de thrombose distale, les prélèvements sanguins ont
l’utilisation des antithrombotiques en fonction du type montré une activité anti-Xa basse en aval du clampage aortique si
d’intervention chirurgicale (tableau III). Pour chaque site opératoire l’administration est réalisée après le clampage. En revanche,
sont détaillées les pratiques thérapeutiques en fonction de la l’activité anti-Xa est plus élevée dans le groupe recevant l’héparine
classification de la conférence de consensus nord-américaine sur en intra-aortique avant le clampage par rapport au groupe recevant
l’utilisation des antithrombotiques en chirurgie vasculaire. Celle-ci a l’héparine en périphérie, aussi bien sur des prélèvements
classé, après une revue de la littérature, les recommandations systémiques qu’en aval du clampage.
thérapeutiques en trois catégories (tableau III) [26] suivant le niveau En postopératoire, l’aspirine est la molécule antiagrégeante la plus
avantage/inconvénient des agents antithrombotiques [29]. couramment utilisée. En effet, de nombreux facteurs facilitent la
formation du thrombus [8] : zone de turbulence du flux sanguin,
CHIRURGIE DE L’AORTE
absence d’endothélium d’où mise en contact du sous-endothélium
avec le sang entraînant une activation de l’hémostase. Les taux de
Le risque de thrombose après chirurgie de l’aorte est faible car le cisaillement élevés de la circulation artérielle donnent aux plaquettes
débit aortique très élevé rend difficile la fixation des composés un rôle prépondérant par rapport aux facteurs de la coagulation.
plaquettaires. Ceci n’est plus vrai pendant le clampage aortique, du Dans ce contexte, les antiagrégeants sont les molécules de choix.
fait de la stagnation du sang dans un cul-de-sac vasculaire, des
Recommandations de la conférence de consensus nord-américaine de
lésions traumatiques de l’endothélium vasculaire dues au clampage
chirurgie aortique :
et de l’ischémie locale. Toutes ces conditions favorisent la formation
locale d’un thrombus. La solution qu’apporte l’héparine au – l’aspirine administrée à la dose de 81 à 325 mg/j réduit l’incidence
phénomène de thrombose au moment du clampage de l’aorte n’est de l’infarctus du myocarde (A1) ;
peut-être que théorique. Thompson et al [50] , dans une étude – les AVK (associés ou non à l’aspirine) ne sont pas à utiliser au
multicentrique randomisée sur 284 patients, ne retrouvent pas de long cours (A1) ;
différences significatives entre le groupe recevant 5 000 UI d’HNF
avant le clampage et le groupe non anticoagulé en termes de – l’aspirine à la dose de 81 à 325 mg/j (associés ou non au
complications thrombotiques et hémorragiques périopératoires. En dipyridamole à la dose de 75 mg, trois fois par jour) est
revanche, le bénéfice de l’héparine apparaît vis-à-vis de l’infarctus recommandée dans les pontages artériels prothétiques ou pour tous
du myocarde avec une réduction de la morbidité (1,4 % versus les types de pontages fémoropoplités (B1) ;
5,7 %) et de la mortalité (2 % versus 8,5 %). – l’héparinisation doit être efficace pendant le clampage artériel
Dans la chirurgie de l’aorte, l’anticoagulant de référence est l’HNF. (B1) ;
Habituellement, l’administration par voie intraveineuse est basée sur – un pontage sur une artère d’un diamètre supérieur à 6 mm ne
un bolus avant le clampage, suivie d’un entretien en continu ou faite nécessite pas l’utilisation d’antithrombotiques en postopératoire
de bolus répétitifs, le but étant d’obtenir une anticoagulation efficace (C1). (L’association avec l’aspirine réduit la morbidité et mortalité
avec un TCA double de celui du témoin. L’obtention de ce niveau cardiovasculaires, cf première recommandation classée A1.)
d’anticoagulation nécessite un bolus initial de 100 à 150 UI/kg
d’HNF et de répéter théoriquement la dose de 50 UI/kg toutes les
45 minutes pendant toute la durée du clampage. CHIRURGIE VASCULAIRE ARTÉRIELLE PÉRIPHÉRIQUE
D’après Qhigley et al [ 4 3 ] , le monitorage de la coagulation
¶ Ischémie aiguë des membres inférieurs
peropératoire tel qu’il est pratiqué habituellement par une prise de
sang périphérique est inadapté. Dans une étude observant le temps La pathologie artérielle chronique représente certes la première
de coagulation activée (activated clotting time [ACT]) après injection cause d’ischémie artérielle aiguë, mais le traumatisme et l’occlusion
d’héparine dans une chirurgie de l’aorte, les auteurs montrent que aiguë vasculaire occupent également une place importante dans ce
le prélèvement sanguin réalisé en amont du clampage a un ACT domaine, avec une thérapeutique associée lourde car dépendante
plus long que celui prélevé en aval du clampage. Mais l’efficacité de des autres lésions liées au traumatisme ou aux tares viscérales
l’anticoagulation dépend du type de molécule utilisé et aussi du site (cardiaque, neurologique, thoracique...). En cas de traumatisme
d’injection. Kroneman et al [33], dans une étude comparative étudiant sévère, l’anticoagulation est contre-indiquée car s’associent souvent
les HBPM et les HNF au cours de pontages aortobifémoraux, ne une hémorragie, une coagulation intravasculaire disséminée et/ou
retrouvent pas de différences entre les deux groupes concernant la une fibrinolyse massive, avec un déficit qualitatif et quantitatif
perte sanguine ou le risque thrombotique. Cependant, l’avantage majeur en facteurs de la coagulation et de l’hémostase primaire. Le
revient aux HBPM (daltéparine) en ce qui concerne la traitement est orienté vers une chirurgie réparatrice en cas de
reproductibilité de la cinétique plasmatique. En effet, la section, lacération ou compression artérielle externe. Dans le cas
pharmacocinétique des HBPM dans le temps est beaucoup plus d’occlusion artérielle aiguë de type thromboembolique, le traitement
stable que celle de l’HNF. Ainsi, il semble que l’anticoagulation par consiste à réaliser une désobstruction vasculaire par sonde de
HNF dans la chirurgie de l’aorte est aléatoire en comparaison de Fogarty, ou mieux par thromboaspiration (moins traumatisante pour
l’utilisation des HBPM. Ceci est confirmé par l’étude de Melissari et l’endothélium vasculaire). Dans la situation d’un échec de la
al [38], dans laquelle le taux et la durée de l’activité anti-Xa sont plus désobstruction artérielle par sonde endovasculaire, l’utilisation de

Tableau III. – Niveaux de recommandations des études par la Société américaine de chirurgie vasculaire.

Études de niveau A Études de niveau B Études de niveau C


Méthodologie forte, résultats sûrs, étude randomisée Méthodologie forte, résultats individuels par patient dis- Méthodologie succincte, études d’observation
avec échantillon ou groupe contrôlé et homogène parates, étude randomisée avec échantillon ou groupe
contrôlé et hétérogène

1 Effets clairs, apportant un bénéfice


2 Effets équivoques, dont le bénéfice n’est pas démontré

4
Techniques chirurgicales Médicaments antithrombotiques en chirurgie vasculaire 43-022

thrombolytiques in situ a démontré son efficacité sans augmentation antiagrégeants après l’intervention. L’association aspirine-
de la morbidité. Dotter et al [19], dans une étude multicentrique, dipyridamole n’apporte pas de bénéfice en termes de thrombose
montrent que l’injection de SK in situ en amont d’une obstruction entre le groupe traité et celui non traité.
artérielle a un succès de reperfusion significativement supérieur à L’aspirine et le dipyridamole augmentent-ils le risque
une injection intraveineuse systémique. L’étude multicentrique hémorragique ? Une étude multicentrique [36] portant sur les patients
STILE comparant les bénéfices de la chirurgie vasculaire versus ayant bénéficié d’un pontage veineux, fémoropoplité montre une
l’utilisation de thrombolytiques dans les ischémies aiguës de augmentation du nombre d’hématomes en regard de la cicatrice
membres, d’origine non embolique, montre que la revascularisation opératoire. Dans cette étude, le groupe traité par antiagrégeant a
chirurgicale est supérieure à la fibrinolyse lorsque les symptômes reçu plus de transfusions que dans le groupe contrôle. Ce résultat
ischémiques durent depuis plus de 15 jours [47]. Dans la situation où s’oppose à l’étude multicentrique randomisée de Becquemin et al [5]
ces symptômes datent de moins de 2 semaines, la fibrinolyse sur le même type de pontage sous dipyridamole seul. En effet, dans
enregistre un taux plus faible d’amputations. La fibrinolyse devrait
cette étude, il n’y a pas de différence dans les deux groupes en ce
être utilisée avant qu’une restructuration endothéliale ne se
qui concerne le risque hémorragique tout en obtenant moins de
développe.
thromboses par rapport au groupe témoin.
L’utilisation de l’héparine doit être associée, en même temps que le
Une analyse rétrospective sur 2 000 patients à partir de 11 études
geste chirurgical, en l’absence de thrombolyse ou après l’utilisation
randomisées montre que les traitements antiagrégeants diminuent
de la thrombolyse. En postopératoire et en l’absence de contre-
de manière significative (p < 0,0001) le risque de thrombose avec un
indication aux antithrombotiques, il faut utiliser les mêmes
recul de 19 mois [1].
thérapeutiques antithrombotiques et aux mêmes doses que pour la
chirurgie vasculaire programmée. Les héparines préviennent la formation de la thrombose artérielle
mais la dose, le site d’administration (voie systémique ou locale) et
¶ Chirurgie de reconstruction vasculaire périphérique le moment de l’administration par rapport au clampage dépendent
de l’habitude chirurgicale. L’agrégation plaquettaire induite par les
Les prothèses vasculaires artérielles synthétiques présentent un plus HNF n’est pas retrouvée avec les HBPM [4]. Cette donnée plaide
grand risque de thrombose que les pontages veineux [52]. Veith et théoriquement en faveur des HBPM en chirurgie vasculaire. L’étude
al [51] ont comparé, dans une étude randomisée multicentrique de Samama et al [45] montre, dans le groupe traité avec l’HNF, un
pendant 6 ans, les complications des pontages artériels en matériel risque de thrombose postopératoire plus élevé qu’avec les HBPM
synthétique (polytétrafluoroéthylène [PTFE]) par rapport à des lors des pontages artériels périphériques (HNF versus enoxaparine,
greffons veineux. Il en résulte, de manière significative, moins de 22 % versus 8 %, p = 0,009) avec un risque hémorragique plus faible
complications dans le groupe greffon veineux en termes de dans le groupe HBPM.
rethrombose (p < 0,001). Ce résultat est valable pour toutes les études
comparatives similaires [20, 37]. Les AVK sont des anticoagulants puissants (fig 1). Les résultats des
études sont contradictoires en termes de mortalité et morbidité, mais
L’hyperplasie intimale est une des complications principales il semble que le risque hémorragique imputable aux AVK soit plus
aboutissant à l’échec des pontages artériels. Il se crée une zone élevé, comparativement à celui induit par d’autres médicaments
thrombogène par les turbulences liées au mauvais écoulement antithrombotiques
[2, 17]
. Néanmoins, une étude portant sur 12 ans
sanguin et par la fragilité de l’endothélium pouvant laisser à nu le montre que le pontage artériel a une durée de vie supérieure dans
sous-endothélium. Ceci induit l’adhésion plaquettaire et active les le groupe traité par rapport à celui non traité [32].
facteurs de la coagulation. Bien que quelques études animales aient
montré une diminution de l’hyperplasie intimale sous traitement L’association de faibles doses d’antiagrégeants plaquettaires et
antiagrégeant, d’autres études expérimentales chez l’animal [7, 12] et d’AVK a pour but théorique d’augmenter l’efficacité de l’action
thérapeutiques chez l’homme [25] n’ont pas retrouvé de résultats antithrombotique tout en diminuant les risques hémorragiques. Une
semblables. étude multicentrique portant sur 458 patients recevant soit 325 mg/j
d’aspirine, soit l’association aspirine et AVK (pour obtenir un INR
La thrombogénicité de la surface du matériau employé rentre
entre 1,5 et 2,8), après un pontage fémorotibial, fémoropoplité ou
également en ligne de compte. En effet, la réendothélialisation est
fémoropédieux sur un suivi de 4 ans, ne montre pas de différence
plus rapide, plus complète et de meilleure qualité sur les greffons
en termes de complications hémorragiques entre les deux groupes.
veineux que sur les prothèses en Dacront ou en PTFE. Pumphrey et
En revanche, cette étude révèle que la prise médicamenteuse au long
al [42] ont montré que des plaquettes marquées à l’indium 111 étaient
cours des anticoagulants oraux est aléatoire car des contrôles d’INR
moins nombreuses sur la surface de greffons veineux que sur les
pontages en Dacront ou en PTFE. À l’inverse, l’association ont montré fréquemment un sous-dosage [30]. Pour s’assurer de la
dipyridamole-aspirine diminue cette fixation des plaquettes de viabilité d’un pontage, il faut tenir compte de la bonne compliance
manière plus importante dans le groupe prothèses que pour les au traitement antithrombotique du patient.
pontages en greffon veineux. Recommandations de la conférence de consensus nord-américaine de
Une troisième complication est liée au débit circulant dans le chirurgie vasculaire périphérique :
pontage. Pour des diamètres supérieurs à 6 mm, il n’y a pas – l’aspirine administrée à la dose de 81 à 325 mg/j réduit l’incidence
d’indication pour une thérapeutique antiagrégeante. Les occlusions de l’infarctus du myocarde (A1) ;
des pontages aorto-iliaques, fémoraux et des artères rénales sont
beaucoup moins fréquentes que celles des pontages distaux. En – les AVK (associés ou non à l’aspirine) ne sont pas à utiliser au
revanche, les pontages artériels offrant un débit inférieur à long cours (A1), sauf (classé B2) en cas de pontage distal associé à
200 mL/min ou les pontages croisant une zone de plicature un risque de thrombose ;
(exemple, le creux poplité) sont à haut risque de thrombose et – l’aspirine à la dose de 81 à 325 mg/j (associés ou non au
doivent bénéficier d’un traitement par antiagrégeant [26]. dipyridamole à la dose de 75 mg, trois fois par jour) est
Ce traitement doit être débuté le plus tôt possible avant recommandée dans les pontages artériels prothétiques ou pour tous
l’intervention chirurgicale. Clyne et al [13] montrent, dans une étude les types de pontages fémoropoplités (B1) ;
randomisée, qu’un traitement associant dipyridamole avant et
– l’héparinisation doit être efficace pendant le clampage artériel
pendant l’intervention, et aspirine-dipyridamole après le pontage,
(B1) ;
diminue de manière significative le risque de thrombose à
6 semaines pour les prothèses artérielles alors que, pour les greffons – en cas de thrombus ou d’embole artériel après une
veineux, la différence n’est pas significative. Kohler et al [31], dans thromboembolectomie, il faut utiliser l’héparine à dose efficace puis
une étude avec une méthodologie similaire, ont administré des faire un relais par les AVK (C1).

5
43-022 Médicaments antithrombotiques en chirurgie vasculaire Techniques chirurgicales

CHIRURGIE CAROTIDIENNE Chez les patients opérés d’une endartériectomie carotidienne, il ne


La complication la plus redoutée per- et postopératoire de ce type semble pas que l’aspirine au long cours diminue le risque de
de chirurgie est l’embolisation distale de débris athéromateux resténose, comme le montrent les études rétrospectives de Clagett et
provenant de la carotide. al [11] et Cossman et al [15], confirmé par Harker et al [27] qui ne
retrouvent aucun bénéfice en termes de resténose carotidienne pour
En théorie, l’aspirine administrée avant l’intervention devrait les patients traités par l’association aspirine et dipyridamole.
prévenir la formation de ces emboles provenant de la zone opérée.
L’héparine en chirurgie carotidienne est l’antithrombotique de
En effet, des plaquettes marquées à l’indium 111 ont permis
référence. Habituellement, l’HNF est administrée à la dose de 85
d’observer, à la scintigraphie, une adhésion endothéliale juste après
UI/kg avant le clampage carotidien. Même si la durée de ce
l’intervention [48]. Cette adhésion décroissante dans le temps est
clampage est court, il est souhaitable de monitorer régulièrement au
probablement liée à la réendothélialisation vasculaire de la lumière
bloc opératoire l’anticoagulation. En ce qui concerne la chirurgie
artérielle.
carotidienne, la mesure d’un ACT supérieure à 300 secondes semble
Findlay et al [ 2 2 ] ont montré que l’association aspirine et diminuer les complications neuropsychiques emboliques
dipyridamole diminuait la fréquence des interactions adhésion- postopératoires [41]. Il s’agit d’une anticoagulation efficace et donc
agrégation entre l’endothélium et les plaquettes, tout en diminuant potentiellement hémorragique. Ce risque hémorragique doit être
l’incidence des accidents vasculaires cérébraux périopératoires. néanmoins relativisé car, en chirurgie cardiaque, l’ACT souhaité est
Fields et al [21] ont évalué le bénéfice apporté par 650 mg d’aspirine supérieur à 450 secondes. Quoi qu’il en soit, la diminution du risque
biquotidien chez des patients opérés d’endartériectomie carotidienne hémorragique passe par une consultation clinique permettant
contre un groupe traité par placebo. Après 2 ans de traitement, le d’éliminer toutes les contre-indications aux antithrombotiques.
bénéfice est statistiquement en faveur du traitement par l’aspirine,
En postopératoire, faut-il antagoniser l’héparine par le sulfate de
avec une diminution globale de la mortalité et de la morbidité liée à
protamine ? Si l’antagonisation est fréquente aux États-Unis, elle l’est
l’athérosclérose carotidienne (accident vasculaire ischémique,
beaucoup moins en France. Les études montrent qu’il n’y a pas de
infarctus cérébral, accident ischémique transitoire, amaurose, etc).
bénéfice en termes de saignement ou de complication embolique liés
Cependant, les études ne vont pas toutes dans le même sens. Findlay à la protamine [18]. En revanche, la protamine peut être responsable
et al comparant 50 à 100 mg/j d’aspirine, contre un groupe placebo, d’effets secondaires de type allergique ou hémodynamique.
administré après une endartériectomie carotidienne, n’ont pas Depuis plus d’une trentaine d’années, les anesthésistes ont mis au
détecté de différence en termes de mortalité et morbidité. Dans cette point des techniques d’anesthésie locorégionale (ALR) cervicale pour
étude, certains biais n’ont pas permis de conclure sur le bénéfice de les endartériectomies. Celles-ci consistent à injecter, par une ou
l’utilisation d’une faible dose (dose variable non adaptée au poids, plusieurs ponctions, des anesthésiques locaux le long du bord
démarrage de la première prise postopératoire allant de 1 semaine à postérieur du muscle sterno-cléido-mastoïdien, afin de bloquer la
3 mois). Plus récemment, Lindblad et al [35] ont confirmé, dans une conduction nerveuse de racines C2 à C6 (voire plus en fonction du
étude en double aveugle avec placebo, que 75 mg/j d’aspirine en volume et de la concentration administrée). Si quelques cas
préopératoire diminuaient significativement les accidents cérébraux d’intoxication aux anesthésiques locaux ont été décrits, aucune étude
per- et postopératoire sans augmentation du risque de saignement. n’a pu mettre en évidence d’accidents hémorragiques pour les
Les données de l’étude NASCET (North American symptomatic anesthésies locales cervicales comparativement à l’anesthésie
carotid endarteriectomy) ont montré que les accidents vasculaires générale. Actuellement, l’utilisation de stimulateurs nerveux et
cérébraux survenaient principalement dans le mois qui suit une l’adoption de la technique à une seule ponction limitent le risque
endartériectomie. Cette étude suggérait que ces accidents étaient d’une perforation vasculaire pouvant entraîner un saignement
plus faibles pour les patients traités par de fortes doses d’aspirine incontrôlable.
(de 325 à 650 mg deux fois par jour) contre ceux ne recevant pas Recommandations de la conférence de consensus nord-américaine de
d’aspirine ou recevant moins de 325 mg/j [3]. Ce dernier résultat, par chirurgie carotidienne :
l’analyse d’un sous-groupe, s’opposait aux études comparant
l’utilisation de faibles doses d’aspirine contre placebo. – l’aspirine à la dose de 81 à 650 mg biquotidienne doit être donnée
à vie après une endartériectomie (diminue le risque de thrombose et
Les résultats de l’étude ACE (ASA and carotid endarteriectomy) d’accident vasculaire cérébral ischémique) (A1) ;
contredisent ceux de l’étude NASCET. Cette étude multicentrique,
randomisée en double aveugle et portant sur 2 849 patients, a – l’héparinisation doit être efficace pendant le clampage artériel (B1).
observé l’effet de quatre dosages d’aspirine donnés avant une
endartériectomie carotidienne jusque 3 mois après l’intervention. Les ANGIOPLASTIE PERCUTANÉE TRANSLUMINALE
résultats montrent que le risque d’accident vasculaire cérébral,
L’angioplastie percutanée en cathétérisant une artère dans laquelle
d’infarctus du myocarde et de décès à 30 jours et à 3 mois de
le ballonnet, situé sur la partie distale, dilate la sténose, restaure le
l’opération est plus faible dans les groupes traités avec 81 et 325 mg
chenal artériel mais peut créer des lésions thrombogènes de la paroi
d’aspirine (5,4 % versus 7 % à 30 jours, 6,2 % versus 8,4 % à 3 mois)
artérielle ou, par fracture de plaques athéromateuses, peut libérer
que dans ceux traités avec 650 et 1 300 mg [49].
des emboles en aval de la dilatation [6]. Des études expérimentales
Les études confirment que l’aspirine administrée en préopératoire montrent que les plaquettes s’accumulent 30 minutes après le début
et en postopératoire diminue le risque d’accidents vasculaires de la dilatation, cette réaction est d’autant plus importante qu’il
cérébraux ischémiques pour une dose quotidienne supérieure à existe des lésions histologiques à type de dissection [53].
75 mg. Néanmoins, les complications hémorragiques ne sont pas Les études concernant l’utilisation des antithrombotiques dans
rares, pouvant s’élever jusqu’à 3 % des endartériectomies. l’angioplastie périphérique sont peu nombreuses par rapport à
L’héparinothérapie et les poussées hypertensives associées à un l’angioplastie coronarienne. Néanmoins, il existe quelques études
traitement antiagrégeant augmentent l’incidence des hémorragies randomisées pouvant orienter la thérapeutique. Dans les traitements
périopératoires [34]. au long cours après angioplastie périphérique, une étude
Chez des patients non opérés, asymptomatiques mais porteurs multicentrique [ 3 9 ] n’a pas montré de différences en termes
d’une sténose carotidienne, aucune étude ne montre de bénéfice d’inhibition de l’activité plaquettaire à 1 an entre l’association
apporté par l’aspirine administrée au long cours, en ce qui concerne aspirine-dipyridamole contre un placebo. Par ailleurs, cette étude
les complications cérébrales. Seule l’étude de Coté et al [16] a observé comparant de fortes doses d’aspirine (1 g/j) à de faibles doses
l’absence de bénéfice du traitement sur une période de 2 à 3 ans, d’aspirine (100 mg/j) n’a pas montré de différences en termes de
mais il n’existe pas d’étude randomisée sur une plus longue période bénéfice ; en revanche, les complications gastriques sont plus élevées
concernant le bénéfice de l’aspirine en termes de mortalité, comme dans le groupe à forte dose. Une autre étude randomisée étudiant
celles réalisées dans l’infarctus du myocarde. l’activité plaquettaire par agrégométrie montre, sur un suivi de

6
Techniques chirurgicales Médicaments antithrombotiques en chirurgie vasculaire 43-022

18 mois après une angioplastie, que l’utilisation de 100 mg d’aspirine gynéco-obstrétricale et carcinologique abdominopelvienne, ainsi que
ne bloque que 60 % de l’activité plaquettaire, mais qu’aucun patient la chirurgie orthopédique, notamment de la hanche, présentent un
n’a développé de complication thrombotique [40]. risque élevé de thrombose veineuse. Cependant, la chirurgie de
Plus récemment a été développée l’utilisation des inhibiteurs des l’aorte représente un risque thromboembolique qui doit être
récepteurs plaquettaires GP IIb/IIIa, comme l’abciximab, considéré au minimum comme modéré (chirurgie abdominale et du
l’eptifibatide et le tirofiban, pour les interventions coronariennes bassin) nécessitant une prévention de la MTEV. En revanche, le
percutanées. Le but de ces molécules est de prévenir les risque lié au terrain classe le plus souvent le patient de chirurgie
complications cardiaques ischémiques au cours des angioplasties vasculaire en risque modéré ou élevé.
coronariennes, des athérectomies ou lors de la pose de stent. Les Le risque modéré est représenté par l’âge supérieur à 40 ans, la
anti-GP IIb/IIIa doivent être utilisés en association avec de l’aspirine présence de varices, une contraception œstroprogestative, une
et de l’HNF. Cependant, aucune étude n’a été publiée sur leur insuffisance cardiaque, un alitement périopératoire supérieur à
utilisation en chirurgie vasculaire non cardiaque. On peut se 4 jours, une infection, le post-partum et l’obésité.
demander si le risque hémorragique ne peut pas l’emporter en Le risque élevé lié au terrain est surtout associé à une pathologie
utilisant à la fois deux antiagrégeants plaquettaires (aspirine préexistante sévère (cancer évolutif, anomalies de certains facteurs
+ inhibiteur GP IIb/IIIa) et un anticoagulant (HNF) pour une de la coagulation comme les protéines C, S, AT III, la présence
intervention vasculaire sur les gros vaisseaux artériels. d’anticoagulants circulants, hémopathie, etc), mais surtout un
Le manque de résultats en recherche clinique montre bien la antécédent de MTEV.
difficulté du choix d’une molécule et de son dosage, mais surtout de Bien qu’aucune conférence de consensus ne précise les modalités de
l’utilité des antithrombotiques dans l’angioplastie non coronarienne prise en charge de la MTEV en chirurgie vasculaire, ce type de
qui semble pourtant indispensable par le risque thrombotique chirurgie est à risque modéré (sauf en cas de risque élevé lié au
qu’engendre le matériel vasculaire synthétique. terrain). La prévention de la MTEV débute par les moyens
Recommandations de la conférence de consensus nord-américaine de mécaniques. La déambulation précoce, la surélévation des membres
chirurgie de l’angioplastie percutanée transluminale : inférieurs, les bas de contention (sauf en cas de pontage artériel des
membres inférieurs), voire la mise en place d’une compression
– l’héparinisation doit être efficace pendant le clampage artériel intermittente plantaire ou du mollet représentent des techniques peu
(B1) ; coûteuses et ayant une réelle efficacité. L’autre versant thérapeutique
– l’aspirine associée à la ticlopidine sont recommandées pour les est l’utilisation de médicaments comme les HBPM, les AVK (surtout
angioplasties fémorales et artérielles périphériques (B2) ; aux États-Unis), le danaparoïde sodique (Orgarant) qui n’a une
AMM que pour la chirurgie orthopédique, carcinologique et les
– l’aspirine doit être administrée avant et après les angioplasties thrombopénies induites par l’héparine, les autres molécules comme
aortiques et iliaques (C1). l’hirudine, les pentasaccharides et le mélagatran sont en cours
d’évaluation.
Quoi qu’il en soit, les thérapeutiques antithrombotiques artérielles
Problèmes particuliers utilisées en postopératoires d’une chirurgie vasculaire sont utilisées
à dose curative (aspirine, HBPM, HNF, etc) avec une hémostase plus
proche du versant hémorragique que du versant thrombotique.
ANTITHROMBOTIQUES ET RISQUES
Néanmoins, au-delà de cette période postopératoire précoce, le
THROMBOEMBOLIQUES VEINEUX PÉRIOPÉRATOIRES
EN CHIRURGIE VASCULAIRE risque de MTEV est lié au terrain plus qu’à la chirurgie. Si à ce stade
aucune thérapeutique antithrombotique artérielle au long cours n’est
La maladie thromboembolique veineuse repose sur l’atteinte d’au envisagée (AVK, antiagrégeants, etc), le risque de MTEV devient
moins un des éléments suivants que sont une lésion de prépondérant pour la chirurgie vasculaire intéressant les membres
l’endothélium vasculaire (étirement ou compression veineuse), la inférieurs (tableau IV).
stase veineuse (alitement, plâtre, mauvais retour veineux
postchirurgie pelvienne ou des membres inférieurs, etc), et
l’hypercoagulabilité (activation des médiateurs de l’inflammation ANESTHÉSIE LOCORÉGIONALE
post-traumatique, infection, etc). Plusieurs types de risques sont à ET TRAITEMENTS ANTITHROMBOTIQUES
prendre en compte de manière indépendante, l’association de ces Il faut distinguer deux types d’ALR. Tout d’abord, il y a les ALR
différents facteurs augmentant le risque de maladie médullaires (péridurales et rachianesthésies). La survenue d’un
thromboembolique veineuse (MTEV). Le risque chirurgical ne hématome liée à une anesthésie médullaire est de l’ordre de
semble pas être majeur en chirurgie vasculaire. En effet, la 1/150 000 en l’absence de trouble de la coagulation. Cette incidence
conférence de consensus de l’Assistance publique-hôpitaux de augmente en présence d’antiagrégeant ou d’anticoagulant. Les
Paris [14] n’a pas retenu ce type de chirurgie. La chirurgie viscérale, conséquences d’un hématome dans cette région contre-indiquent

Tableau IV. – Prévention des maladies thromboemboliques veineuses (MTEV) en chirurgie vasculaire, en l’absence de traitement antithromboti-
que artériel associé.
Risque de MTEV faible (situation peu courante en chirurgie vasculaire) Déambulation précoce

Risque de MTEV modéré : âge > 40 ans, varices, contraception œstroprogestative, HBPM à dose modérée ± bas de contention (sauf pontage des membres inférieurs) +
insuffisance cardiaque décompensée, alitement périopératoire > 4 jours, infection, post- déambulation précoce
partum, obésité

Risque de MTEV élevé : cancer évolutif, anomalies de certains facteurs de la coagula- HBPM à dose élevée + bas de contention (sauf pontage des membres inférieurs) +
tion : les protéines C, S, AT III, anticoagulants circulants, hémopathie, antécédent de déambulation précoce
MTEV

Problèmes particuliers Les bas de contention ne sont pas à utiliser pour les pontages artériels des membres
inférieurs (surtout distaux) : risque de bas débit artériel ; idem pour la surélévation des
jambes
Si des thérapeutiques antithrombotiques artérielles (HNF, aspirine, etc) sont utilisées à
dose curative en postopératoire d’une chirurgie vasculaire, les médicaments anti-MTEV
ne doivent pas être surajoutés (risque hémorragique)

HBPM : héparine de bas poids moléculaire ; HNF : héparine non fractionnée.

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43-022 Médicaments antithrombotiques en chirurgie vasculaire Techniques chirurgicales

Tableau V. – Antithrombotiques utilisables en fonction du site opératoire ou de la technique chirurgicale utilisée.

Site ou type chirurgical Phase périopératoire Thérapeutique au long cours


Aorte Héparine pendant le clampage Aspirine (diminue la morbidité cardiovasculaire)

Fogarty, thromboaspiration : ischémie aiguë, subaiguë


Symptômes (< 2 semaines) Thrombolytique seul Identique aux pontages périphériques
Symptômes (> 2 semaines) Chirurgie ± thrombolytique + héparine Identique aux pontages périphériques

Pontage périphérique :
- greffon veineux Héparine pendant le clampage AVK inutiles (sauf pontage fémoropoplité)
- prothèse synthétique Héparine pendant le clampage AVK et/ou aspirine et/ou dipyridamole

Endartériectomie carotidienne Héparine pendant le clampage + aspirine Aspirine

Angioplastie Héparine Aspirine ou aspirine + ticlopidine

AVK : antivitamine K.

Notions essentielles en dix points.


– Les antithrombotiques (sauf l’héparine) interviennent sur l’hémostase primaire en bloquant soit l’adhésion ou soit l’agrégation plaquettaire,
l’héparine agit sur la coagulation.
– Une altération de l’endothélium vasculaire est souvent à l’origine de la thrombose.
– La chirurgie est un des mécanismes inducteurs de thrombose par traumatisme (clampage vasculaire, ischémie sur la zone opératoire et
en aval du clampage) et réaction inflammatoire in situ.
– En chirurgie aortique, les HBPM ont une meilleure stabilité pharmacocinétique que les HNF.
– Dans l’ischémie aiguë des membres inférieurs, la technique de revascularisation est fonction du début d’apparition des symptômes. Moins
de 15 jours de symptômes, les résultats à long terme sont meilleurs avec la fibrinolyse alors que pour des symptômes plus anciens, seule la
revascularisation chirurgicale a une plus faible morbidité.
– Les HBPM préviennent mieux la thrombose que l’HNF pour les pontages fémoraux.
– L’échec de l’utilisation des AVK en postopératoire est souvent lié à la mauvaise compliance des patients au traitement.
– L’aspirine administrée à faible dose avant et après une endartériectomie carotidienne diminue les complications de morbidité et de
mortalité dans l’infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux. L’aspirine au long cours n’offre pas de bénéfice en termes
de resténose.
– L’aspirine n’offre pas de bénéfice en cas de sténose carotidienne asymptomatique non opérée.
– Actuellement, aucun bénéfice n’est lié à un traitement antithrombotique pour l’angioplastie percutanée transluminale non coronarienne.

formellement l’anesthésie médullaire en cas d’anomalie de Reste le cas particulier des blocs en regard du site opératoire
l’hémostase. L’aspirine doit être arrêtée 10 jours avant l’intervention, (exemple : le bloc cervical, cf supra), ceux-ci ne posent aucun
les AINS en moyenne 48 heures (si le patient ne doit pas arrêter son problème en termes d’hématome compressif, et le bloc cervical en
aspirine, un relais par flurbiprofène peut être envisagé que l’on particulier n’a jamais démontré de risque hémorragique supérieur
arrête 24 heures avant l’intervention), pour les HBPM, maintenir un par rapport à l’anesthésie générale.
délai de 24 heures entre la dernière injection et l’anesthésie, attendre
un délai de 4 heures après le retrait du cathéter de péridurale avant
de reprendre l’héparine. Pas d’ALR si un INR sous AVK est
supérieur à 2 ou dans les 24 heures d’une fibrinolyse, dans ces deux Conclusion
cas précis et en cas d’urgence chirurgicale ne permettant pas une
anesthésie générale, il faut apporter des facteurs de coagulation ou
du fibrinogène pour pouvoir effectuer une ALR médullaire. Globalement la chirurgie vasculaire peut se limiter à l’utilisation de
L’autre type d’ALR correspond aux blocs nerveux. Généralement, deux ou trois antithrombotiques pour les techniques chirurgicales les
les blocs très superficiels ne perforant pas les vaisseaux ne plus courantes (tableau V).
présentent pas de réel danger (dans l’hypothèse d’un hématome, L’héparine reste la molécule à utiliser dans la période périopératoire
celui-ci est rarement compressif). En ce qui concerne les blocs plus avec une préférence pour les HBPM plutôt que l’HNF. Dans le cas des
profonds qui traversent la masse musculaire (exemple : le bloc pontages prothétiques, l’aspirine prévient efficacement la thrombose.
sciatique), ceux-ci s’apparentent aux mêmes dangers que les Ceci n’est pas formellement démontré pour les greffons veineux. Dans
injections intramusculaires en ce qui concerne la survenue d’un tous les cas, l’aspirine utilisée en chirurgie vasculaire diminue le risque
hématome. Dans ce cas, les précautions concernant les d’accident vasculaire cérébral ischémique et les complications morbides
antithrombotiques doivent être identiques à celles concernant les et mortelles de l’infarctus du myocarde, sans que le risque
ALR médullaires. hémorragique soit plus élevé.

8
Techniques chirurgicales Médicaments antithrombotiques en chirurgie vasculaire 43-022

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