Sie sind auf Seite 1von 45

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 1

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la


raffinerie marocaine de pétrole

Sommaire
Introduction
1ère partie : L’évolution historique et l’épilogue de la liquidation judiciaire
 La création de la raffinerie et les objectifs originels
 L’élargissement de l’activité et le développement de l’entreprise
 L’échec de la privatisation
 Les raisons de l’arrêt de la production
 Les multiples responsabilités dans la chute de la société
 Le jugement définitif de la liquidation judiciaire et ses conséquences

2ème Partie : La situation actuelle et les difficultés pour réussir la sauvegarde


de la raffinerie
 Les tentatives de transfert de la société pour assurer la poursuite de la
production
 Les difficultés et les entraves
 La situation actuelle des personnels, des infrastructures et des
équipements
 Les pertes induites par l’arrêt de la production

3ème Partie : La responsabilité de l’Etat marocain et les propositions de sortie


de crise
 Le marché national et les capacités de production de la raffinerie
 La sécurisation des besoins nationaux en produits pétroliers
 La régulation du secteur des hydrocarbures et la refonte des lois
correspondantes
 Le soutien et la protection de l’industrie du raffinage pétrolier
 Les scénarii de reprise de la production de la raffinerie marocaine de
pétrole :
 Le 1er choix : La gestion libre
 Le 2ème choix : La cession aux tiers
 Le 3ème choix : La transformation des dettes en participations au
capital
 Le 4ème choix : La cession à une société mixte
 Le 5ème choix : La récupération et la nationalisation
Conclusion

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 2


Introduction :

Après l’arrêt de la production de la raffinerie marocaine de pétrole en août


2015, suite à l’annonce par la direction de la société d’une procédure de
saisie conservatoire de ses avoirs auprès des banques et des sociétés
débitrices lancée par l’Administration de la douane et des impôts indirects.
Après que le dossier soit entré dans les arcanes du tribunal de commerce qui
statua en première instance le 21 mars 2016 et en appel le 1er juin 2016 en
prononçant la liquidation judiciaire avec une autorisation de continuité
d’activité ; cette décision de justice étant motivée par l’existence de
déséquilibres financiers irréversibles et par l’incapacité de l’entreprise à
honorer ses règlements à cause de dettes excédant très largement les actifs.
Si l’arrêt du raffinage pétrolier à Sidi Kacem en 2008 et Mohammedia en 2015
est dû pour l’essentiel à une responsabilité partagée entre d’une part, l’Etat
marocain, du fait des conditions de réalisation de la privatisation, de ses
négligences au niveau du contrôle et de son défaut d’intervention au
moment opportun et, d’autre part, l’investisseur qui a renié ses engagements,
fait preuve de mauvaise gestion, contribué à la dévalorisation des actifs de la
société et transféré illégalement des profits avant même de les réaliser. La fin
des subventions sur les produits pétroliers et la libéralisation des prix au terme
de l’année 2015, avec un effet d’aubaine pour les distributeurs qui ont profité
de la situation avec grossièreté, ont aggravé les dysfonctionnements occultes
dans l’approvisionnement du marché national et ont ouvert le champ aux
opérateurs qui contrôlent le marché et appliquent des prix sans aucune
mesure avec ceux observés sur le marché international. Cet effet d’aubaine
a permis aux distributeurs de tripler pratiquement leurs profits. Le bénéfice net
moyen par litre de gasoil a atteint plus de 2 DH, alors qu’il ne dépassait pas
les 0.60 DH avant la libéralisation. Une simple estimation des profits réalisés
sans juste cause qui sont prélevés aux consommateurs sans aucune
justification légitime, dépasse les 10 milliards de dirhams annuellement depuis
l’exercice 2016.
La sécurisation des besoins pétroliers du Maroc étant directement liée aux
industries de raffinage, et en raison des dommages considérables causés par
l’arrêt de la production de la raffinerie de Mohammedia, tant au niveau de
la sécurité énergétique de la nation que celui de l’industrialisation, l’emploi, le
développement local, les finances publiques et autres aspects, le Front
national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole a vu le
jour. Ce Front, dont les membres comptent un grand nombre de partis

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 3


politiques, organisations syndicales, associations de la société civile,
personnalités nationales, experts, avocats, parlementaires et salariés de la
raffinerie, s’est constitué pour conduire une plaidoirie sur ce dossier auprès de
toutes les autorités et entités concernées, ainsi que pour présenter les
solutions et les propositions permettant de conserver les plus importants
acquis de cette industrie au profit du Maroc et des marocains, de la
perfectionner et de garantir son développement.
En nous reposant sur les conclusions et les recommandations de l’Assemblée
générale constitutive du 14 juillet 2018, de la réunion du Secrétariat national
du 20 juillet 2018 et de la réunion du Conseil national du Front du 15
septembre 2018, nous mettons entre vos mains ce dossier dans lequel nous
traitons des thèmes suivants :
- Le premier thème : l’historique, le développement et la liquidation
judiciaire ;
- Le deuxième thème : la situation actuelle et les difficultés rencontrées
dans la sauvegarde de la raffinerie ;
- Le troisième thème : la responsabilité de l’Etat marocain et les
propositions de sortie de crise.
Autant nous sommes habités par l’espoir et la conviction que l’intérêt du pays
requiert un redoublement d’effort et une entraide renforcée pour parvenir
rapidement à la reprise de l’activité de la raffinerie marocaine de pétrole,
éviter le stade du non retour et empêcher la chute et la destruction de ce qui
reste des bases matérielles et humaines de l’entreprise. Autant nous espérons,
nous membres du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie
marocaine de pétrole, qu’une attitude positive à l’égard de cette initiative
puisse se manifester et que les bonnes volontés soient en mesure de se
fédérer. Nous espérons provoquer une rupture avec le discours ambiant de
fuite face aux responsabilités et créer une prise de conscience relative au
danger et aux énormes dommages qui s’aggraveraient en cas d’échec des
tentatives de sauvetage. Des initiatives qui visent le retour de la raffinerie
marocaine sur le marché national. Des solutions qui cherchent à immuniser
l’entreprise contre toutes sortes de domination ou de chantage, à soutenir
l’indépendance de la décision nationale en termes d’approvisionnement du
marché national en hydrocarbures, à sauvegarder le pouvoir d’achat des
citoyens et à protéger les consommateurs face à la cupidité des opérateurs
qui dominent le marché.

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 4


1ère partie : L’évolution historique et l’épilogue de la liquidation judiciaire

 La création de la raffinerie et les objectifs originels

La société La Samir, « Société Anonyme Marocaine et Italienne de


Raffinage », a été créée au lendemain de l’indépendance du Maroc en vue
d’assurer la maîtrise des besoins du pays en produits énergétiques. Pays non
producteur de pétrole, le Royaume décidait d’importer du pétrole brut et
d’établir une industrie nationale publique de raffinage à l’intérieur du
territoire. En 1958, Abderrahim Bouabid, alors ministre de l'Économie nationale
et de l'Agriculture au gouvernement Ahmed Balafrej, portait avec force et
enthousiasme le projet de créer une raffinerie marocaine pour contribuer à
l’indépendance économique et industrielle du pays. La Samir fut ainsi fondée
consécutivement à la signature en 1959 d’une convention entre l’Etat
marocain, représenté par le Bureau des Etudes et des Participations
Industrielles (BEPI) et l’Office italien des hydrocarbures dénommé Ente
Nazionale Idrocarbur (ENI), lui-même représenté par sa filiale la société
Azienda Nazionale Idrogenazione Combustibili (ANIC), entreprise spécialisée
dans la pétrochimie et l'hydrogénation de combustibles. La première unité de
distillation de pétrole brut voyait ainsi le jour à Mohammedia et affichait une
capacité de production annuelle de 1.25 millions de tonnes. Le démarrage
effectif de la production fut constaté en 1961. En 1972, la capacité de
raffinage de l’unité était augmentée de 1 million de tonnes par an.
Après plus d’une décennie d’activité durant laquelle l’encadrement
marocain a pu profiter des transferts technologiques et des expertises métiers
émanant de la maison mère italienne et dans le contexte du premier choc
pétrolier, l’Etat marocain décida en 1973 de nationaliser le capital de cette
unité de raffinage dans le cadre de la politique de marocanisation,
notamment pour mieux contrôler les fluctuations à la hausse des prix
internationaux. La dénomination sociale de l’entreprise devenait La Samir,
pour « Société Anonyme Marocaine de l’Industrie du Raffinage ».

 L’élargissement de l’activité et le développement de l’entreprise

Contrôlée en totalité par l’Etat et pilotée par un encadrement marocain, La


Samir connut ses heures de gloire pendant prés de quatre décennies, durant
lesquelles la direction de l’entreprise était assurée par Abderrafie Menjour.

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 5


Celui-ci fût, en effet, nommé par le Roi Hassan II à la fonction de Directeur
Général en 1974, après avoir assuré celle de Directeur technique adjoint et
Directeur de la raffinerie. En 1978, une seconde expansion de la raffinerie est
réalisée afin de la doter d’une capacité additionnelle de 4 millions de tonnes
par an. Une unité de raffinage d’huiles de base est, par ailleurs, construite en
1984 pour une capacité de production annuelle de 125.000 tonnes. Il s’agit
d’un complexe d’huiles lubrifiantes permettant à La Samir de développer son
activité de raffinage, en diversifiant sa gamme de produits qui couvre le
propane, le butane, l’essence super et ordinaire, le pétrole lampant, le
carburéacteur, le gasoil, le fuel-oil, les huiles de base, les bitumes, les
paraffines ainsi que d’autres sous-produits industriels. Parallèlement à son
activité principale, La Samir a participé depuis 1968 au capital de plusieurs
filiales ayant pour la plupart un lien étroit avec les activités de raffinage.
Pour porter sa stratégie de développement, le management de La Samir a
mené une politique basée sur quatre axes :
- Amélioration des performances techniques et économiques des
installations, notamment par le réaménagement des unités et leur
« dégoulettage » ;
- Conversion des produits lourds en distillats moyens afin de répondre à
l’évolution de la structure du marché ;
- Amélioration de la qualité des produits destinés au marché marocain
et à l’exportation ;
- Renforcement des infrastructures de la raffinerie pour assurer la sécurité
des installations et la protection de l’environnement.
Le développement de l’entreprise était assuré à un rythme assez satisfaisant.
La Samir faisait partie des joyaux du portefeuille public national et comptait
parmi les entreprises publiques les plus florissantes. Au cours de la première
moitié des années quatre vingt dix, les produits d’exploitation de la société
variaient entre 7 et 7.5 milliards de dirhams, tandis que le résultat net annuel
oscillait autour de 600 millions de dirhams.

 L’échec de la privatisation

La privatisation de La Samir en 1996 fût incontestablement un moment fort


pour l’entreprise, qui allait conditionner la suite des évènements et
hypothéquer son avenir proche. Pensé pour être un facteur d’accélération
de croissance et de modernisation de l’outil industriel, le processus de

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 6


privatisation de cette entreprise publique renfermait, en réalité, les germes de
son échec à venir.
Les meilleures intentions furent invoquées pour justifier le transfert de l’unique
raffinerie nationale au secteur privé, de surcroît étranger. Le gouvernement
marocain souhaitait donner une puissante impulsion au programme de
privatisation et procéder à la plus grande introduction de l’histoire de la
Bourse de Casablanca. Outre la cotation de la société et l’ouverture de son
capital au grand public et aux investisseurs institutionnels à travers une offre
publique de vente menée en mars 1996, il s’agissait d’élargir l’actionnariat de
La Samir et de la doter d’un groupe d’actionnaires homogène et capable de
soutenir son développement. Les déclarations des ministres membres du
gouvernement de l’époque dirigé par feu Abdellatif Filali, dont celles du
ministre délégué chargé de la Privatisation et des Etablissements de l’Etat,
Abderrahman Saaidi, ainsi que les commentaires de la presse nationale,
étaient dithyrambiques à l’égard du groupe saoudien qui allait racheter en
1997 la raffinerie, le groupe Corral dont le propriétaire est le désormais
célèbre cheikh Al Amoudi.
L’avenir montrera que la privatisation de La Samit fût une grande fumisterie et
probablement la plus grande arnaque à laquelle l’Etat marocain post
indépendance dut faire face. Aucun des engagements contractuels du
groupe Corral ne fut respecté, entrainant l’unique raffinerie nationale dans
une spirale infernale de manœuvres frauduleuses et de fautes lourdes de
gestion qui allaient précipiter la chute définitive de l’entreprise et inscrire dans
le marbre l’échec de sa privatisation.

 Les raisons de l’arrêt de la production

S’il fallait expliquer en quelques mots les raisons de l’arrêt de la production de


La Samir et, in fine, sa mise en faillite, ce serait la combinaison d’un ensemble
de complicités, de connivences et de duplicités. Ces comportements
coupables, dont un grand nombre ont une qualification pénale, se trouvent
bien entendu à l’intérieur de l’entreprise et au sommet de sa hiérarchie, mais
pas seulement. Les responsabilités sont aussi à l’extérieur de l’entreprise, au
niveau de ses interlocuteurs au ministère de l’Economie et des Finances, à la
Direction de la Douane, au ministère de l’Energie et des Mines, au niveau des
banques, de l’AMMC (ex CDVM), de la Bourse de Casablanca, des auditeurs,
etc. Au mieux, il s’agirait d’incompétences notoires et de fautes

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 7


professionnelles lourdes. Au pire, et ce n’est pas à exclure, il s’agirait de
complicités, de fraudes, de détournements et de délits pénaux.
Dans ces conditions et au regard du préjudice incommensurable causé à
l’Etat du Maroc, aux finances publiques, aux citoyens, au personnel et aux
sous-traitants de la raffinerie, ainsi qu’à l’ensemble de l’écosystème de la ville
de Mohammedia, le présent rapport entend identifier clairement et sans
fioriture l’ensemble de ces manquements pour permettre des recherches de
responsabilités, y compris au niveau judiciaire au civil et au pénal.

 Les multiples responsabilités dans la chute de la société

 La genèse : Une privatisation opaque et déloyale

 Violation de la règle de la transparence


Alors que la Commission des transferts, seule compétente pour déterminer les
modalités de cession d’une entreprise publique au secteur privé, avait fixé la
procédure de l’appel d’offres pour la privatisation de La Samir, le ministre en
exercice en décida autrement. La raffinerie nationale fut transférée au
groupe Corral dans le cadre d’une cession de gré à gré dans l’opacité la
plus totale.
 Non respect du schéma de transfert
Le programme de privatisation de La Samir prévoyait de procéder en quatre
temps : une introduction en Bourse par voie d’offre publique de vente
portant sur 25% (5.160.375 actions) du capital social au prix de 243 DH par
action, une cession de 3% du capital aux salariés de la raffinerie, une cession
de 35% à 51% du capital par voie d’appel d’offres à un consortium
d’actionnaires et, enfin, dans une quatrième phase, une seconde offre
publique de vente portant sur le reliquat du capital soit 21% à 37% du total
actions. L’Etat marocain devait donc conserver une part significative du
capital social après la cession de la raffinerie à un repreneur industriel. Cette
participation devait lui permettre de conserver un siège au conseil
d’administration de la société et de vérifier la pertinence des choix
stratégiques du nouvel actionnaire de référence, la qualité de sa gestion et le
respect de ses engagements contractuels, notamment en termes
d’investissements de mise à niveau de l’outil industriel. Malheureusement, il en
fût autrement. La quatrième phase du processus de privatisation n’eut jamais

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 8


lieu puisque l’Etat a cédé en mai 2017 l’intégralité de sa participation au
groupe Corral Petroleum Holdings, qui procéda à l’acquisition de 67.7% du
capital de La Samir et 73.9% de la SCP. Le prix de cession décaissé en 2 ans a
représenté 380 millions d’euros soit 4 milliards DH environ. Lors de la fusion des
deux structures en 1999, le groupe Corral s’engage sur un programme
d’investissements de 4.6 milliards DH qu’il ne réalisera pas. La sortie de l’Etat
du capital de la raffinerie et son absence du conseil d’administration, facilita
le travail au groupe Corral qui n’eut aucun mal à violer ses engagements
contractuels et à se défausser par rapport à ses obligations d’investissements.

 Cession abusive d’un patrimoine foncier et financier


La privatisation de La Samir a dépassé le cadre de la cession d’un outil
industriel. Le transfert de la raffinerie nationale au groupe du cheikh Al
Amoudi a porté également sur la cession d’un patrimoine foncier et financier
important qui n’avait rien à voir avec l’exploitation de l’entreprise. La
sauvegarde des intérêts de l’Etat aurait commandé d’exclure ce patrimoine
de la privatisation de la raffinerie.

 Violation du cahier des charges


Le contrat de cession de gré à gré de La Samir n’a pas été une reproduction
fidèle du cahier des charges de la privatisation, tel que défini par la
Commission des transferts et les services du ministère de la Privatisation et des
entreprises de l’Etat. Il est légitime de s’interroger sur le rôle effectif du
ministère de l’Energie et des Mines dans la définition de ce cahier des
charges. Comme il semble qu’il y a eu des libertés qui ont été prises dans la
discrétion. Le contrat de cession a repris partiellement les contraintes qui
figuraient dans le cahier des charges, donnant ainsi un privilège indu au
repreneur industriel.

 Manipulations boursières
Il est à rappeler que l’introduction en Bourse de La Samir a eu lieu en mars
1996 et la cession de gré à gré au groupe Al Amoudi en mai 1997, soit quasi
concomitamment avec l’instauration du système de cotation électronique
en mars 1997 par la Bourse de Casablanca. Le Conseil d’administration de la
Bourse décida que seuls les titres les plus liquides devaient être traités par le
nouveau système de cotation électronique ; les autres titres, les moins
liquides, demeurant sous l’égide de la cotation à la criée. L’opération de
marché La Samir était à l’époque la plus importante introduction en Bourse

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 9


(1.25 milliard DH) de l’histoire de la Bourse de Casablanca et l’action La Samir
était le titre le plus liquide. L’algorithme du système de cotation électronique
a fixé des cours du titre La Samir à la baisse compte tenu de l’état des
carnets d’ordres, ce qui n’arrangeait pas les affaires du ministre de la
Privatisation en exercice. Le titre La Samir a été sur décision politique et de
façon administrative, avec la connivence de la Direction générale de la
Bourse de Casablanca, retiré du système de cotation électronique et a été
maintenu de nombreux mois en cotation « administrée » le temps que la
transaction de gré à gré se fasse.

 Echec de la régulation publique

 Le Ministère de l’Economie et des Finances & le


Ministère de la Privatisation et des Entreprises de l’Etat
(aujourd’hui Direction des Entreprises Publiques et de la
Privatisation -DEPP-)
Ces deux ministères étaient les cosignataires du contrat de cession au groupe
Corral et, à ce titre, avaient l’obligation politique, juridique et morale de
veiller au respect des dispositions dudit contrat. Or justement, ces dispositions
n’ont pas été respectées par le repreneur de La Samir, en particulier celles
relatives aux obligations d’investissements qui portaient sur programme de 4.6
milliards DH en échange d’une protection douanière de cinq années
supplémentaires. Les manquements aux obligations d’investissements ont été
découverts en novembre 2002 à l’occasion des pluies diluviennes à
Mohammedia, ayant causé des inondations et un incendie dans les
installations de la raffinerie La Samir. Le Maroc est alors privé de toute
capacité de raffinage durant plusieurs mois. Les distributeurs obtiennent
l’amorçage de la baisse graduelle des droits de douane et l’autorisation
d’investir dans des unités de stockage. Une convention de mise à niveau de
la raffinerie est signée avec l’Etat en 2004 et mise en œuvre à partir de 2006,
pour un investissement de 6 milliards DH dont 4.8 milliards DH financés par des
crédits bancaires.

 Le Ministère de l’Energie et des Mines


La responsabilité directe de ce ministère est engagée, dans la mesure où il a
failli à son devoir de vigilance et d’alerte. Ce département gouvernemental
est, en effet, responsable de la sécurité des sites industriels du secteur
pétrolier et du respect des normes environnementales. De 1997 à 2002,

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 10


aucune mise en garde n’a été adressée à l’actionnariat et au management
de La Samir, ni aucune alerte ou sanction n’a été déclenchée.

 La Direction de l’Administration de la Douane et des


Impôts Indirects (échec de la régulation publique
financière)
La dette globale de la société La Samir est estimée à plus de 44 milliards DH,
dont 13.5 milliards DH de crédit d’enlèvement auprès de l’Administration des
Douanes et des Impôts Indirects. Ce montant exorbitant représente prés de
20% du chiffre d’affaires de l’Etat au titre de la TVA à l’importation, des TIC sur
les produits énergétiques et des droits de douane (68.8 milliards DH en 2015 et
75.7 milliards DH en 2017). Une telle concentration du risque sur un seul
contribuable constitue une faute lourde de l’administration fiscale, qui doit se
justifier sur les raisons qui l’ont conduit à autoriser ce niveau de risque et
indiquer l’identité des décideurs qui ont délivré cette autorisation, tant au
niveau de la Direction de l’Administration des Douanes et des Impôts Indirects
qu’au niveau du ministère de l’Economie et des Finances.

 Echec de la gouvernance privée

 L’actionnaire de référence de La Samir : Le Cheikh Al


Amoudi
L’Etat marocain prenait en 1997 une décision lourde de conséquences en
confiant un joyau de l’industrie nationale à un petit groupe privé saoudien
naissant. Il ne s’agissait pas du groupe Al Amoudi d’aujourd’hui avec ses 8
milliards de dollars de patrimoine, faisant de lui la 2ème fortune d’Arabie
Saoudite et la 80ème fortune mondiale (données 2014), après avoir été la
43ème plus grande fortune mondiale en 2009 selon le classement Forbes. Au
lieu de céder l’unique raffinerie marocaine à un des grands majors, tels que
le néerlandais Royal Dutch Shell, les américains ExxonMobil ou Chevron, le
britannique BP ou le français Total, l’Etat a mis l’avenir de l’industrie pétrolière
marocaine entre les mains d’un petit groupe privé saoudien inconnu de tous
à l’époque. L’image du cheikh Al Amoudi fut ensuite entachée par une
réputation sulfureuse en Arabie Saoudite et en Ethiopie, où il entretient des
relations douteuses avec certains milieux. Il est détenu en Arabie Saoudite
depuis novembre 2017 pour une accusation de corruption. La responsabilité
du cheikh Al Amoudi dans la faillite de La Samir est incontestable. Il n’a pas

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 11


respecté ses engagements d’investissements et d’augmentation de capital.
En 2011, la phase d’investissement de La Samir est achevée mais les difficultés
financières de l’entreprise sont très lourdes. L’endettement bancaire et les
dettes fournisseurs atteignent un niveau incontrôlable. Les banques exigent
un plan de restructuration de la dette. Une augmentation de capital de 1.75
milliard DH est validée en assemblée générale en mai 2012 mais elle ne sera
jamais réalisée ; le cheikh Al Amoudi manquant systématiquement et
régulièrement à ses engagements. Comme il a manqué à ses obligations de
contrôle de la gestion de l’entreprise. Il n’a pas honoré ses dettes vis à vis des
créanciers de l’entreprise. Et, last but not least, il a bafoué les droits des
salariés et des sous-traitants.

 Le directeur général : Jamal Ba-amer


Jamal Ba-amer était à la fois le directeur général de La Samir et en même
temps un homme d’affaires prospère au Maroc avec des entreprises lui
appartenant qui opèrent dans le tourisme, le transport, le luxe et
l’enseignement de l’anglais. Selon la presse nationale, il détenait une société
holding domiciliée à Tanger dénommée « Global finance holding » et il
contrôlait plusieurs sociétés : « Majestic Lux Product », « Assala Estate »,
« Interfaces Immobilières », « Britannic Hotels », « Majestic Limousines »,
« Majestic Easy Cars », «Wall Street Institute », « Best Language », « Editions Les
Lilas »… Certaines de ces entreprises avaient des contrats commerciaux
avec La Samir, faisant de lui à la fois le juge et une partie dans ces
transactions, à la fois le top manager de La Samir et le fournisseur de cette
entreprise. Cette situation pose incontestablement des problématiques
d’éthique et de déontologie, et bien au delà, des problématiques pénales
d’abus de biens sociaux et de fraudes. A l’heure actuelle, Jamal Ba-amer fait
l’objet d’une procédure judiciaire à son encontre pour abus de biens
sociaux, irrégularités dans la tenue des livres comptables, diffusion
d’informations inexactes, poursuite abusive d’une exploitation déficitaire et
distribution de dividendes fictifs. Comme sa responsabilité doit être
recherchée sur d’autres manquements, parmi lesquels figurent des erreurs de
choix de stratégie industrielle, des financements de programmes
d’investissements avec des crédits bancaires à court terme et des éléments
du fonds de roulement, ce qui a condamné mécaniquement l’entreprise à la
cessation de paiement.

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 12


 Le ministre et directeur général : Abderrahmane Saaidi
Abderrahmane Saidi eut une double casquette dans sa relation avec la
société La Samir : il fût Ministre de la Privatisation et des Entreprises de l’Etat
de 1993 à 1998 puis directeur général de La Samir de 2001 à 2004. Il s’agit
d’un cas flagrant de conflit d’intérêt, d’incompatibilité et de délit d’initié. A
vrai dire, sa situation est encore plus délicate puisqu’il avait une troisième
fonction dans cette entreprise qu’il exerçait en même temps que les deux
précédentes : il était prestataire de conseil juridique, fiscal et de montages
financiers pour le compte de la société La Samir, à travers le cabinet Saaidi et
Hdid. Qui dit mieux !

 Les commissaires aux comptes : KPMG & Price


Waterhouse Coopers
Les rapports d’audit des commissaires aux comptes sont restés muets jusqu’en
2013. Avant cette date, aucune mention ne figurait sur leurs rapports pour
alerter les actionnaires sur les manquements dans la gestion de l’entreprise ou
sur les manipulations comptables. Il aura fallu attendre le rapport de
l’exercice 2013 pour que les premières réserves apparaissent. Le mal était
déjà fait et les petits porteurs avaient déjà eu tout le loisir de perdre la quasi
totalité de leur épargne. La responsabilité des commissaires aux comptes est
donc totalement engagée dans ce scandale d’Etat.
Les commissaires aux comptes ont notamment signalé que des charges
comptabilisées en immobilisations en 2013 ont eu un impact positif de +1.3
milliard DH sur les résultats et qu’un écart de réévaluation de +4 milliards DH
avait été constaté en 2014. En dépit de ces manipulations comptables, le
résultat net consolidé publié était de -327 millions DH en 2013 et -2.523 millions
DH en 2014.

 Echec de la supervision financière

 La cession opaque des actions La Samir


A l’origine, au moment de la privatisation, la participation du groupe Corral
dans le capital de La Samir était portée par une structure juridique
dénommée Corral Morocco Gaz & Oil. Cette structure jouait le rôle de
maison mère et était, elle même, reliée à la holding principale de
participations du groupe Al Amoudi. Elle détenait des raffineries prospères
dans certains pays scandinaves et en Suède plus particulièrement. En février
2006, la société Corral Morocco Gas & Oil est transférée de Corral Petroleum

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 13


Holdings, la holding principale du groupe, vers la société Moroncha Holdings,
qui est en réalité une coquille juridique vide domiciliée à Chypre et
appartenant directement à Al Amoudi. Ce reclassement juridique de la
participation du cheikh dans La Samir est intervenu au début de la mise en
œuvre en 2006 de la convention signée en 2004 par la raffinerie avec l’Etat
marocain.
Dans ces conditions, une question centrale s’impose : Pourquoi n’y-a-t il pas
eu de nantissement des titres La Samir détenus par Corral Morocco Gaz & Oil
et des titres Corral Morocco Gaz & Oil détenus par Corral Petroleum Holdings,
pour empêcher ce reclassement de participation ? La question mérite d’être
posée à la fois aux représentants de l’Etat au sein des ministères concernés et
aux dirigeants des établissements bancaires qui ont accordé des crédits très
importants sans prendre la peine d’exiger cette garantie. Et la réponse à la
question doit être exigée.

 Un appel public à l’épargne réalisé dans des conditions


déloyales, voire frauduleuses
A la fin de l’exercice 2008, donc plusieurs années avant l’aggravation de la
situation de La Samir et l’arrêt de son activité, le top management de
l’entreprise a décidé de lancer une émission obligataire avec deux tranches
distinctes, l’une cotée et l’autre non cotée. La tranche cotée n’a pas eu de
succès, puisqu’elle n’a enregistré que deux souscripteurs institutionnels pour
une enveloppe demandée de 120 millions DH pour un total de 800 millions
DH. S’agissant d’un appel public à l’épargne, la société a diffusé une note
d’information établie sous la responsabilité de trois des plus grandes banques
d’affaires marocaines à savoir Attijariwafa bank, Crédit Populaire du Maroc
et CDG Capital. Bien évidemment, cette note d’information a été visée par
le CDVM. Dans cette note d’information, il est annoncé à quelques jours de
la clôture de l’exercice 2008 un profit net de 526 millions DH. Sauf que trois
mois plus tard, à la date limite de publication des comptes de l’exercice
écoulé, la société déclare une perte de 1.2 milliard DH. Un écart de prés de
1.8 milliards DH. Excusez du peu !
Une question légitime se pose donc : S’agit-il d’une incompétence ou d’une
complicité de l’actionnariat et du management de La Samir, des banques
d’affaires, des commissaires aux comptes et du CDVM ? Ces intervenants
ont-ils été dans l’incapacité de découvrir à quelques jours prés la perte
certaine de l’exercice 2008 par leur ignorance de l’entreprise et du secteur
du raffinage pétrolier ou ont-ils sciemment permis de masquer cette

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 14


information capitale, au grand dam des petits porteurs et des investisseurs ?
Toute la lumière doit donc être faite sur les conditions de réalisation de cette
opération de marché, dont le caractère frauduleux paraît quasi certain.

 Une distribution de dividendes fictifs


Les attendus du jugement en 1ère instance prononçant la liquidation judiciaire
de la société La Samir dénoncent une distribution de dividendes fictifs. Il est,
en effet, établi que la société a distribué des dividendes fictifs aux
actionnaires au cours de la période 2007 à 2014, grâce à des facilités
bancaires, ce qui est un facteur aggravant qui appelle une recherche de
responsabilité au niveau des dirigeants des banques qui ont autorisé ces
facilités, en plus de celle du top manager Ba-amer. Loi marocaine punit
l’auteur d’une distribution de dividendes fictifs d’une peine
d’emprisonnement d’un à six mois et d'une amende de 100 000 à 1 000 000
de dirhams ou de l'une de ces deux peines seulement. Ces sanctions sont
encourues par les membres des organes d'administration, de direction ou de
gestion d'une société anonyme. La distribution de dividendes fictifs est un
délit pénal sanctionné plus sévèrement sous d’autres cieux. La loi française,
par exemple, prévoit un emprisonnement de cinq ans et une amende de 375
000 euros ; ces deux peines étant encourues par le président, les
administrateurs, les directeurs généraux, les directeurs généraux délégués ou
les membres du directoire d'une société anonyme.

 Des manipulations comptables


Nous avons déjà traité de la responsabilité des commissaires aux comptes,
qui ont participé de l’échec de la gouvernance privée en restant totalement
muets jusqu’à l’établissement du rapport d’audit de l’exercice 2013. Ils
signalent dans leur rapport que des charges comptabilisées en
immobilisations en 2013 ont eu un impact positif de +1.3 milliard DH sur les
résultats de l’exercice de comptabilisation et qu’au titre de l’exercice 2014,
c’est à la fois un retraitement comptable de +400 millions DH et un écart de
réévaluation de +4 milliards DH qui ont été constatés. En dépit de ces
manipulations comptables, le résultat net consolidé publié par La Samir était
de -327 millions DH en 2013 et -2.523 millions DH en 2014 (perte sociale de -
3.424 millions DH). Ces manipulations comptables sont dénoncées par les
magistrats dans les attendus du jugement de 1ère instance. Il est à signaler
que la société n’a pas alerté le marché sur les résultats 2013, tandis que le
profit warning relatif à l’exercice 2014 n’a été émis que très tardivement,

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 15


courant décembre 2014, à quelques jours seulement de la clôture de
l’exercice comptable. Ces agissements ont fait l’objet d’un rappel à l’ordre
de pure forme de la part du CDVM, dont on peut légitimement s’interroger
sur la volonté réelle de sanctionner les contrevenants.

 Echec des contrepouvoirs

 Les actionnaires minoritaires


Les actionnaires minoritaires ont une responsabilité indirecte dans la chute de
la raffinerie nationale. Certains d’entre eux étaient présents aux délibérations
du conseil d’administration en qualité d’administrateurs. Ils ont participé aux
décisions stratégiques et validé des plans de développement. Ils ont
approuvé les comptes lors des assemblées générales et ont délivré des quitus
de gestion. Ces actionnaires administrateurs ne peuvent aujourd’hui se
défausser de leurs responsabilités et doivent rendre compte des
conséquences de leur participation, fût-elle indirecte, à cette retentissante
faillite. C’est le cas du groupe Holmarcom, qui est détenu et dirigé par
Mohamed Hassan Bensalah. Ce groupe possède 5.8% du capital de La Samir,
s’agissant d’une participation historique héritée par Holmarcom lors du
rachat de la compagnie d’assurance Sanad en 1999. Mohamed Hassan
Bensalah a été désigné administrateur de La Samir en mai 2002, pour ne
démissionner du conseil d’administration que le 17 novembre 2015, soit
quelques mois seulement avant le prononcé du jugement de 1 ère instance
plaçant la raffinerie en liquidation judiciaire. A l’initiative des banques
créancières (Société Générale, Banque Centrale Populaire, BMCI et BNP
Paribas) et sur requête d’extension déposée par le syndic judiciaire, la
procédure de liquidation judiciaire a été étendue aux dirigeants de La Samir,
dont l’ensemble des administrateurs, mais cette procédure avance très
lentement en raison de prétendus « problèmes de notification ». La procédure
a été déclenchée il y a de cela huit mois sur décision du tribunal de
commerce de Casablanca du 18 décembre 2017, soit 18 mois après la
décision de mise en liquidation judiciaire. Plusieurs audiences ont eu lieu sans
aucun résultat tangible : les 12 mars 2018, 2 avril, 16 avril, 7 mai, 28 mai … La
liste des noms concernés par l’extension de la liquidation judiciaire a été
rendue publique. Elle comprend des personnalités étrangères et marocaines
ainsi que des personnes morales dont le groupe Corral. Il s’agit du cheikh Al
Amoudi, Jamal Ba-amer, Bassam Abourdina, Jason T.Milazzo, Lars Nelson,
John Ozold, Bassam Aburdene, George Salem, Ghazi Mohamed Habib et …

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 16


Mohamed Hassan Bensalah & Mustapha Amhal. Il s’agit également de la
société hôtelière Samir, la société TSPP, la SDCC et la société Salam Gaz en la
personne de leurs représentants juridiques, ainsi que du groupe Corral en la
personne de son représentant juridique.

 Les autres contrepouvoirs


Force est de reconnaître que les autres contrepouvoirs ont une part de
responsabilité dans la chute de La Samir. Cette responsabilité, de nature
morale, réside dans leur manque de vigilance. Ce sont les salariés, cadres et
employés, syndicats, ONG, medias, partis politiques, économistes,
intellectuels et leaders d’opinion, qui auraient dû faire preuve de plus de
vigilance et intervenir plus précocement et plus énergiquement en matière
d’alerte de l’opinion publique, de pression sur les pouvoirs publics et de
dénonciation de l’ensemble des responsabilités qui ont concouru à la
survenance de ce gigantesque scandale d’Etat.

 Le jugement définitif de la liquidation judiciaire et ses conséquences

 Une incapacité à sauver la raffinerie


L’arrêt de la production de La Samir est intervenu en août 2015 à la suite de
difficultés financières devenues insurmontables. Le tribunal de commerce de
Casablanca a refusé d’approuver le redressement judiciaire de la société,
prononçant une décision de liquidation judiciaire en mars 2016 dans le cadre
d’un jugement de 1ère instance. Dans une tentative inespérée de dernière
minute, le cheikh Al Amoudi a adressé une lettre au tribunal par
l’intermédiaire de ses avocats, par laquelle il s’engageait à verser
immédiatement 680 millions de dollars dans les comptes de la raffinerie, si la
liquidation prononcée dans un premier temps était infirmée. Cette ènième
promesse de recapitalisation de la société n’était accompagnée d’aucun
acte de garantie bancaire, ni d’aucun document bancaire attestant de la
disponibilité des fonds et de leur réservation pour le compte de La Samir.
L’annonce de la liquidation de La Samir devient effective par décision de la
Cour d’appel de commerce de Casablanca prononcée en juin 2016.

 Un syndic judiciaire inexpérimenté et décrié


Le tribunal de commerce a décidé de nommer Mohamed El Krimi comme
syndic judiciaire chargé de la liquidation de la société La Samir. Le syndic
reçut pas moins de 482 déclarations de créances représentant plus de 40

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 17


milliards de DH de dettes. Conformément aux dispositions légales régissant les
entreprises en difficulté, un délai a été accordé aux créanciers pour se
présenter et déclarer leurs créances : deux mois aux créanciers nationaux et
quatre mois aux étrangers. La procédure exige aussi de distinguer entre les
créanciers privilégiés et les créanciers chirographaires. Les premiers disposent
d’une garantie ou d’une sûreté qui leur permet d’être payés en priorité
(nantissement, hypothèque, gage…), tandis que les seconds sont de simples
créanciers qui n’ont aucune garantie particulière pour être désintéressés en
premier. Concernant l’Administration de la Douane et des Impôts Indirects,
elle est placée en tête des créanciers prioritaires puisqu’elle dispose d’une
créance publique. Le syndic judiciaire a publié en décembre 2016 un appel
à manifestation d’intérêt pour le rachat des actifs de la raffinerie. Plusieurs
offres de reprise ont été déposées, mais aucune n’a abouti. Des critiques
provenant des créanciers et des repreneurs potentiels de la raffinerie, ont été
adressés à l’encontre du syndic judiciaire. À la demande de la Banque
Centrale Populaire via le cabinet d’avocats Bassamat & Laraqui, le tribunal
de commerce de Casablanca a statué, en sa qualité de contrôleur de la
liquidation judiciaire, sur le remplacement de Mohamed El Krimi. Les motifs
avancés par la banque pour réclamer son départ ont été entendus par le
tribunal : son inexpérience à gérer des deals aussi importants et la réticence
des acheteurs potentiels le concernant. Le premier syndic judiciaire de La
Samir a ainsi été destitué le jeudi 10 mai 2018 par le tribunal de commerce de
Casablanca, pour être remplacé par Abdelkbir Safadi, nommé nouveau
syndic judiciaire de la société.

 Une épée de Damoclès sur l’Etat marocain


L’Etat marocain est exposé à un risque juridique majeur dans le dossier La
Samir. En effet, le groupe Corral a décidé en mars 2018 de déclencher une
procédure d’arbitrage auprès du CIRDI (Centre international pour le
règlement des différends relatifs aux investissements), qui est une entité
rattachée à la Banque Mondiale et basée à Washington, et de porter plainte
auprès du Tribunal de l’U.E. contre l’Etat du Maroc, qui a désigné l’avocat
Hicham Naciri pour le représenter auprès de ces juridictions internationales et
défendre ses intérêts. Très peu d’informations circulent sur l’état
d’avancement de cette procédure ou sur la stratégie de défense de
l’avocat Naciri, mais il semblerait que la partie marocaine n’ait toujours pas
répliqué à la procédure arbitrale engagée devant le CIRDI.

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 18


Plus récemment encore, le groupe américain Carlyle et ses entités ont
déposé, eux aussi, une requête d’arbitrage contre le Maroc devant le CIRDI.
La société de capital-investissement américaine, qui gère un portefeuille de
184 milliards de dollars, affirme que ses "investissements ont été directement
lésés" par "des actions fautives du gouvernement marocain", et l’accuse
d’avoir "violé les termes de l'accord de libre-échange" conclu en 2004 avec
les Etats-Unis. Carlyle reproche à l’Etat marocain de lui avoir fait perdre sa
créance sur La Samir, évaluée à plus de 400 millions de dollars, et lui réclame
le remboursement de cette somme à titre de dédommagement.

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 19


2ème Partie : La situation actuelle et les difficultés pour réussir la sauvegarde
de la raffinerie

Après l’échec des tentatives de règlement à l’amiable directement entre la


société et ses créanciers, et l'annonce de l’arrêt de la production en août
2015, le dossier de La Samir a été transféré au Tribunal de commerce de
Casablanca. Une décision de liquidation judiciaire a été prononcée avec
l'autorisation de poursuivre l’activité de l’entreprise en vue de procéder à la
cession de ses actifs, conformément aux dispositions du Code de commerce
marocain.
Un rapport d’expertise financière, économique et sociale, qui a été réalisé
par trois experts désignés par le Tribunal de commerce de Casablanca, a
conclu que les éléments de passif de la société dépassaient largement ses
actifs. Ce même rapport a établi que le déséquilibre financier était devenu
considérable et irréversible. Une telle situation, qui s’est gravement dégradée
du fait d’une mauvaise gestion, du pillage de l’entreprise et de la destruction
de ce qui restait des biens de celle-ci, a conduit le Tribunal de commerce de
Casablanca à avoir nul autre choix que de prononcer la liquidation judiciaire
de la société pour empêcher son management de la conduire à la déroute
totale et permettre ainsi la cession des actifs et la reprise de la production en
vue de protéger les emplois et de rembourser les dettes.

 Les tentatives de transfert de la société pour assurer la poursuite de la


production

Il est communément admis que la liquidation judiciaire signifie


automatiquement la mort de l'entreprise et le démantèlement de ses
éléments constitutifs. A contrario de cette croyance, qui est erronée, le droit
commercial envisage la liquidation judiciaire comme un moyen de redonner
vie à une entreprise qui a été fragilisée au point d’être confrontée à des
difficultés susceptibles de la conduire à l’extinction finale. L’objectif ultime de
cette démarche est de permettre à l‘entreprise de continuer à jouer son rôle
économique et social en produisant de la richesse, en créant des emplois et
contribuant à assurer des conditions de vie décentes aux citoyens.
Les conditions de la relance de la société La Samir sont pleinement réunies et
parfaitement réalisables. En effet, la société dispose d'une part, d’un système
de production conforme aux standards internationaux applicables à

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 20


l’industrie du raffinage pétrolier et respectueux des normes
environnementales, des critères de rentabilité et des exigences de
valorisation industrielle et, d’autre part, d’un capital humain précieux
composé de compétences hautement qualifiées et de hauts cadres
techniques cumulant une soixantaine d’années d’expérience,
d’accumulation de connaissances et de perfectionnement. Dans ce cadre
et en application des dispositions du Livre 5 du Code de commerce, le
Tribunal de commerce a décidé de procéder à l’attribution globale des
actifs de l'entreprise aux tiers, conformément aux stipulations des articles 604
et 623 du Code de commerce.
Contrairement à la vente directe et libre, connue de tous, la vente judiciaire
répond à un ensemble d’exigences visant à respecter les règles de la
concurrence entre les soumissionnaires et à garantir les meilleures conditions
permettant d’atteindre d’abord l’objectif du redémarrage de l’activité de
l’entreprise et, ensuite, celui du remboursement des dettes.
C’est animé par cette volonté que le Tribunal de commerce a ordonné au
syndic judiciaire de déclarer sa prédisposition à recevoir les offres d’achat de
La Samir, à les étudier et à les comparer pour sélectionner la meilleure offre.
Depuis la publication de l’annonce officielle du syndic judiciaire, plus de 25
sociétés et groupes internationaux ont exprimé leur intérêt. La plupart d’entre
eux ont effectué des visites sur place de la raffinerie, certains accompagnés
d’experts du métier. Ils ont pu consulter le cahier des charges et obtenir des
données techniques, opérationnelles ou autres plus approfondies.
Si la plupart des candidats au rachat de l’entreprise s’accordent sur
l’évaluation de la situation générale de la raffinerie et reconnaissent la
grande expérience de ses ressources humaines, des divergences
apparaissent, toutefois, au niveau des prix d'acquisition proposés et des
conditions qui accompagnent les offres. Certains repreneurs sont, en effet,
prêts à réaliser des projets d'investissement créateurs de valeur ajoutée,
notamment à travers l’utilisation de l’excédent de production de l’essence
légère dans l’industrie pétrochimique dont la valeur ajoutée est plus élevée.
Compte tenu de la marge de manœuvre étriquée permise à la fois par les
dispositions du droit commercial marocain régissant les opérations de
transferts à grande échelle comme celle de la raffinerie de Mohammedia, et
par les méthodes et mécanismes de transactions adoptés dans le monde du
pétrole et du gaz, de nombreuses entreprises ont commencé à se retirer du
processus de cession de La Samir, dont certaines ont engagé des
investissements dans d’autres pays.

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 21


Si l’intérêt manifesté par de nombreuses sociétés pour l’acquisition des actifs
de la raffinerie marocaine depuis l’annonce de la liquidation judiciaire en
mars 2016 et la publication de l’appel à manifestation d’intérêt en février
2017, renforce l’espoir de voir cette entreprise reprendre le cours de son
activité normale, il exige dans le même temps que toutes les autorités et
toutes les parties prenantes assument pleinement leurs responsabilités pour
l’aider à surmonter les obstacles auxquels elle fait face et faciliter
l’investissement dans un secteur aussi vital et nécessaire à l’économie
nationale.

 Les difficultés et les entraves

Il eût été naturel que tout le monde considéra que le sort de la raffinerie
marocaine fût la mort définitive et le démantèlement total des actifs, si nous
n'avions pas été face à des offres financières de rachat présentées par de
nombreuses sociétés de diverses nationalités, dont la valeur a dépassé les 30
milliards de dirhams. Mais l'incapacité jusqu’à présent à réussir la vente de
l'entreprise interpelle tout le monde et pose la question des véritables raisons
à l’origine des difficultés et des entraves qui menacent le destin et l'avenir de
la raffinerie marocaine, en arrêt d’activité depuis août 2015.
Dans toutes les opérations d’achat et de vente, en particuliers celles qui
représentent une taille importante comme c’est le cas de la société La Samir,
des garanties sont exigées de l'acheteur, qu’il met à la disposition du vendeur
afin que toutes les parties puissent protéger leurs droits. C’est justement à ce
niveau qu’apparaissent les difficultés de transfert ou de cession de la société
La Samir, d’autant plus que la justice est responsable et comptable de la
protection de l’intérêt général, comme elle est garante des conditions de
transparence et de concurrence loyale entre les candidats et gardienne de
la parfaite impartialité entre tous les soumissionnaires.
Les conditions particulières du secteur de la finance et du monde des affaires
dans la filière pétrolière, viennent compliquer l’opération et la rendent de plus
en plus difficile. Celle-ci devient dépendante d’une part, des opportunités
d'investissements disponibles sous d’autres cieux et, d’autre part, des
encouragements et facilités accordés par le Maroc dans ce domaine.
Si la problématique résidait au départ dans la question des garanties
financières et des conditions encadrant l’offre, les difficultés sont désormais
liées principalement à l’absence de réponse de l’Etat marocain au sujet de

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 22


l’avenir des industries du raffinage pétrolier au Maroc et des politiques
publiques en matière de sécurisation des besoins du pays en hydrocarbures.
En refusant de répondre à ces questions ou en esquivant la réponse, les
autorités marocaines préfèrent agir en appliquant l’adage : « Combien de
problèmes avons-nous résolu en évitant de les traiter ! ». Par cette attitude de
renonciation et d’évitement, l’Etat prononce la sentence de mort de la
raffinerie de Mohammedia.
Pour lever toute ambiguïté, la seule autorité compétente pour transférer La
Samir aux tiers est le juge désigné, lequel statue conformément aux
dispositions légales en vigueur, sur la base des offres recueillies par le syndic
judiciaire et après avoir pris acte de l’avis des observateurs. Assister le juge
dans ses fonctions et lui prodiguer des conseils ne constitue en aucun cas une
ingérence dans sa mission. Il s’agit en l’occurrence d’une aide constructive
au représentant de l’appareil judiciaire, pour lui permettre d’atteindre les
objectifs de la liquidation judiciaire et de protéger les intérêts et les droits de
toutes les parties concernées par le dossier.
En termes plus clairs, il sera impossible de céder La Samir à un tiers ou de
relancer la production de quelque façon que ce soit, sans l’aide du
gouvernement marocain qui doit jouer un rôle de facilitation et assurer les
conditions nécessaires à la réalisation de cet important investissement. En
effet, l’organisation des conditions du succès des investissements,
l’industrialisation, la relance de l’activité économique et la protection des
intérêts de la nation et des citoyens, sont au cœur des missions du
gouvernement et non point de celles du pouvoir judiciaire.
Il n’est pas vain de rappeler que l'Etat marocain est l’artisan de la politique
de privatisation de La Samir et qu’il est, par conséquent, responsable des
dysfonctionnements qui ont été consécutifs à cette cession. Son devoir exige
de lui de venir en aide à cette entreprise pour la sauver de la faillite et lui
éviter le démantèlement de ses actifs. A défaut d’action du gouvernement,
les actifs de La Samir risquent d’être vendus à la ferraille au kilogramme de
fer, réduisant ainsi à néant les efforts déployés par le Maroc pour posséder les
clés d’une industrie du raffinage de pétrole et de la pétrochimie.
Contrairement à ce que prétendent les défenseurs d’un libéralisme aveugle,
qui militent pour la fragilisation et la destruction des industries nationales, tous
les pays, y compris ceux qui ont été les architectes du développement du
commerce mondial et de la libéralisation des économies, prennent
aujourd’hui toutes sortes de mesures, des plus simples aux plus élaborées,
destinées à protéger leurs industries nationales, à contrecarrer toutes

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 23


politiques attentatoires au droit des pays à l’industrialisation, à produire des
richesses au profit des peuples et à assurer des conditions de vie meilleures
pour les citoyens ainsi qu’une stabilité sociale.
Au lieu de tenter de se défausser de leurs responsabilités, qui sont établies
sans aucun équivoque dans ce dossier, ou de se contenter de contempler les
agissements des lobbies intérieurs et extérieurs qui profitent de la situation
actuelle, le gouvernement et l’Etat du Maroc seraient plus avisés d’agir en
urgence pour assurer les conditions du sauvetage de l’industrie nationale du
raffinage pétrolier, notamment en déclarant très clairement que le Maroc a
besoin de cette industrie pour fournir ses besoins en hydrocarbures et que la
raffinerie de Mohammedia s'inscrit dans le cadre de la politique générale de
l'Etat marocain en matière de sécurité énergétique.

 La situation actuelle des personnels, des infrastructures et des


équipements

Considérant que les ressources matérielles et humaines sont les éléments de


base pour déterminer la valeur marchande de l’entreprise et afin de motiver
et d’encourager les candidats à la reprise de La Samir, il apparaît clairement
que la sauvegarde des équipements de production à travers leur entretien
et leur maintenance, la protection des actifs de la société contre les risques
de perte ou de destruction, le renouvellement et la non résiliation des
contrats d’emplois du personnel de l’entreprise facilitant la reprise de
l’activité, sont des conditions sine qua non au succès de l’opération de
cession de La Samir et à la reprise de son activité.
En ce qui concerne l'état des équipements et des outils de production, et à
contrario de toutes les rumeurs sur ce sujet, les unités de production et les
infrastructures demeurent solides et sont susceptibles d’être prêtes dans un
délai de six mois pour redémarrer progressivement la production normale de
la raffinerie. Il suffit pour cela d’effectuer les travaux périodiques d’entretien
et de vérifications techniques et opérationnelles. Ce délai peut être réduit si
des moyens financiers et logistiques sont mis à disposition.
Si la reprise de l’activité et l'exploitation normale participent au maintient de
la robustesse et de la résistance des équipements de production, les grands
travaux d'entretien périodique menés tous les 3 à 5 ans dans les raffineries
contribuent, quant à eux, au renouvellement continu des matériels et

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 24


assurent un fonctionnement dans les conditions de sûreté et de sécurité
exigées par la réglementation en vigueur.
En dépit des efforts que déploient sans cesse les équipes techniques dans la
mise en œuvre des exigences de base relatives à la maintenance et à la
sécurité générale des équipements, la persistance de l’arrêt de production et
l’absence d’exploitation des unités de production comme les fours ou les
échangeurs, les effets de l ’érosion climatique et de l’intrusion de rouille dans
les équipements, composés pour l’essentiel de fer et dérivés, sont autant de
facteurs qui ne font que compliquer les chances d’une reprise de l’activité et
augmenter ainsi le budget nécessaire à l’entretien des installations.
En ce qui concerne les ressources humaines recrutées directement par la
société dans le cadre de contrats de travail et malgré les efforts déployés
pour verser les salaires et maintenir les avantages sociaux, le nombre de
salariés diminue de jour en jour en raison des démissions, des décès et des
départs en retraite. Ainsi, depuis l'arrêt de la production, l’effectif du
personnel a été réduit de 986 personnes à environ 800 aujourd’hui, soit une
baisse de l’ordre de 20%. Ce taux risque de s’aggraver avec la persistance
de l’arrêt de la production et l'absence de solution à cette crise qui dure
depuis plus de trois ans.
Contrairement à certaines rumeurs trompeuses, les salaires du personnel de
La Samir sont prélevés à partir du reliquat de trésorerie et de créances clients
recouvrées de l’entreprise, et certainement pas à partir d’aides ou de dons.
Les salaires versés sont, par ailleurs, réduits de plus de 30%, le versement des
cotisations au système de couverture sociale est suspendu tandis que de
nombreux avantages sociaux en matière de couverture médicale, de
promotion et de loisirs sont perdus. Sans oublier la pression psychologique
exercée sur les salariés par cette situation et ses effets négatifs sur leur vie
quotidienne et leur vie en société.
Si les salariés demeurent liés officiellement à La Samir par une relation de
travail dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société, il n’en est pas
de même en ce qui concerne les 3500 travailleurs temporaires dont les
contrats de sous-traitance ont été immédiatement interrompus dés l’arrêt de
la production, pour venir grossir les rangs des très nombreux chômeurs de
Mohammedia et environs.
La situation actuelle des personnels et des matériels de l'entreprise reste
toujours sous contrôle et peut encore être maitrisée, à la condition préalable
de la reprise urgente du processus de production. A défaut, et si la solution
au dossier venait à tarder encore davantage et si l'arrêt de la production

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 25


devait se poursuivre, la perspective de sortie de crise par le haut deviendrait
impossible. Plus grave encore, cela conduirait à détruire toutes les chances
de sauvetage de l’entreprise et à avorter toutes les tentatives visant à éviter
au Maroc la survenance d’une catastrophe industrielle que l’histoire du pays
n’aura jamais connue auparavant.

 Les pertes induites par l’arrêt de la production


Considérant sa longue histoire et son rôle essentiel en tant que fournisseur des
besoins énergétiques du pays durant une période de 60 ans, considérant ses
relations multiples et interdépendantes avec de nombreux fournisseurs,
clients, sociétés et entités diverses, nul observateur n’aurait pu imaginer un
jour que La Samir allait connaître des difficultés suffisamment graves pour la
conduire au régime de la liquidation judiciaire. Ce qui nécessite d’élargir le
cercle des responsabilités à toutes les personnes et à tous les niveaux
impliqués dans la défaillance de cette entreprise.

Il est normal que la liste des personnes morales ou physiques ayant subi un
préjudice soit longue et que l’ampleur des pertes et des effets négatifs induits
par l’arrêt de l’activité de production de la raffinerie marocaine puisse
s’aggraver. En l’absence de solution à la reprise de la production, la situation
se détériorera davantage rendant difficile l’inventaire et l’évaluation des
pertes subies, en particuliers celles qui affecteront l’ensemble des acteurs
concernés directement ou indirectement par cette affaire.

++ La production et le stockage :
La société La Samir a joué depuis sa création à l’orée de l’indépendance un
rôle central dans la fourniture des besoins du pays en produits pétroliers
raffinés, lui évitant ainsi de subir de plein fouet les conséquences des grands
chocs pétroliers internationaux et des conjonctures exceptionnelles. Mais
l’arrêt de l’activité de raffinage au Maroc a entraîné un grand nombre de
dommages au niveau de la production et de la constitution des stocks
nationaux d’hydrocarbures :

 Une diminution dramatique des stocks de sécurité des produits


pétroliers, comme c’est le cas par exemple du fuel servant à la
production de l’électricité dont le stock de sécurité a chuté jusqu’au
seuil alarmant de moins d’une semaine de consommation.

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 26


 Une baisse dangereuse des capacités nationales de stockage suite à
l’inactivité des bacs de stockage de la raffinerie qui permettent de
couvrir trois mois de consommation nationale.
 Une perte de valeur ajoutée pour l'économie nationale provenant de
l'industrie du raffinage et une hausse de la facture énergétique.
 Une flambée des prix du carburant de plus d’un dirham au litre en
comparaison avec la structure des prix qui était appliquée avant la
libéralisation des prix de la fin de l’exercice 2015, ainsi qu’une position
abusivement dominante du secteur détenue par un groupe de cinq
distributeurs qui contrôlent 80% des parts de marché.
 Un recul de la qualité des hydrocarbures en raison des difficultés de
contrôle des flux importants et diversifiés d’importation de produits
raffinés.
 Une augmentation des risques de transport des hydrocarbures par
réseau routier et autoroutier et une congestion du trafic par un parc
important de camions citernes transportant les produits pétroliers.
 Un risque de destruction du capital immatériel constitué au terme de 50
années d’expertise et d’expérience dans le raffinage pétrolier, du fait
de la détérioration des équipements et de la perte des compétences
humaines en lien avec les départs en retraite et les démissions.
 Une mise à mort du symbole historique que représente la raffinerie
nationale La Samir et des grandes réalisations industrielles des
gouvernements post indépendance du Maroc.
 Un terrible déclin de l'activité du port de Mohammedia et des
répercussions directes sur le niveau d’exploitation, et donc la
rentabilité, des investissements publics.

++ L’emploi et les acquis salariaux :


La Samir a toujours joué tout au long de son histoire un rôle important en
matière de création d’emplois pour les Marocains de toutes les régions et
provinces du Royaume. Elle fut aussi une école de formation pour un grand
nombre de hauts cadres et de compétences qui sont, aujourd’hui, à la tête
de nombreuses institutions nationales et entreprises de production. L’arrêt de
l’activité et la fin de la production nous conduisent à recenser jusqu’à présent
les dommages suivants :

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 27


 La perte de plus de 3500 emplois pour les sous-traitants et les travailleurs
temporaires.
 La menace de perte d’emploi et des droits pour plus de 800 salariés
directs.
 La privation des salariés de leurs avantages en matière de couverture
médicale.
 La suspension du paiement des indemnités et des salaires
complémentaires, qui atteignent dans certains cas la moitié du salaire
mensuel moyen.
 La privation des acquis de couverture médicale pour plus de 1500
retraités et veuves.
 La menace des acquis sociaux des salariés en matière de retraite,
logement, loisirs, estivage...
 La menace de l’emploi au sein de plus de 400 entreprises créancières
de la raffinerie et de leur équilibre financier.

++ Le développement local :
Depuis le changement de nom de Fedala à Mohammedia à l'occasion de la
pose de la première pierre par le défunt roi Mohammed V pour la
construction de la raffinerie nationale, la ville des fleurs a subi des dommages
et des pertes sans commune mesure, et ce à travers :
 Un effet d’éviction pour la ville de Mohammedia en termes d’activités
de commerce, compte tenu d’un flux de consommation de prés d'un
milliard de dirhams par an en lien avec les salaires et les prestations de
services versées.
 Un recul des recettes fiscales et des revenus des taxes et impôts
locaux.
 Une menace pour plus de 10% de la population locale quant à la
pérennité de ses sources de subsistance et de son droit à une vie
décente.
 Une privation pour plus de 1200 étudiants annuellement en matière de
formation professionnelle et d’initiation au monde industriel.
 Un sureffectif dans les classes des écoles publiques suite à l’incapacité
des parents d’assumer financièrement l’inscription de leurs enfants
dans les établissements de l’enseignement privé.
 Une perte des contributions de La Samir en matière de soutien aux
activités sportives, culturelles et artistiques, en termes d’aides au
nettoyage des plages et à l'entretien des espaces verts…

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 28


++ L’endettement :
Dans l’attente de la clôture de l’audit de la dette et le prononcé des
jugements définitifs sur le sujet, l’endettement global de la société La Samir
est estimé à plus de 40 milliards de dirhams, répartis principalement entre
l’Administration de la douane et des impôts indirects pour près de la moitié
de ce montant, et le reliquat auprès des banques marocaines, des
fournisseurs étrangers et des entreprises marocaines, dont le nombre
représente plus de 485 sociétés et administrations.
Bien que les anciens créanciers à l’origine de la procédure de liquidation
judiciaire aient une part de responsabilité dans la chute de la raffinerie, dont
les indicateurs financiers étaient annonciateurs dés l’exercice 2008 de
l’entrée imminente de l’entreprise dans une zone de danger, il est avéré que
la couverture de la dette ne serait envisageable qu’à travers la cession de la
société en qualité de raffinerie de pétrole et d’opérateur de distribution des
hydrocarbures au niveau national.
Si ce processus n’aboutit pas, les créanciers locaux et internationaux seront
exposés à une catastrophe financière retentissante, tandis qu’un séisme de
grande envergure viendra frapper les équilibres financiers d’un grand
nombre d’entreprises créancières qui sont sur le point de basculer vers le
statut juridique des sociétés en difficultés. Sans oublier les pertes causées aux
finances publiques du fait de la créance irrécouvrable de l’Administration de
la douane et des impôts indirects qui se chiffre à plus de 17 milliards de
dirhams.

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 29


3ème Partie : La responsabilité de l’Etat marocain et les propositions de sortie
de crise
Parce que l'État marocain est responsable de la protection des droits des
citoyens et de la défense de l'économie nationale, en répondant en
particuliers aux besoins du pays en produits pétroliers raffinés à la lumière des
transformations mondiales et des luttes de pouvoir pour contrôler les sources
d’approvisionnement en pétrole et gaz dans le monde.
Du fait que le pétrole constitue toujours la première source d’énergie et que
les énergies renouvelables restent des méthodes alternatives à un stade
encore embryonnaire.
Et parce qu’il n’existe d’autre moyen de préserver les acquis
socioéconomiques et de développements apportés par la raffinerie
marocaine, qu’à travers la poursuite de son activité et le sauvetage de
l’entreprise dans l’intérêt de toutes les parties concernées.
Compte tenu de ce qui précède, l'Etat marocain assume seul la
responsabilité de créer les conditions nécessaires à la renaissance de La
Samir et au redémarrage de son activité sur de nouvelles bases équilibrées
au service de la nation et des citoyens. Comme il s’agit pour les pouvoirs
publics de protéger le pays contre tout risque de domination ou de
chantage au niveau de l’approvisionnement du marché national en produits
pétroliers de bonne qualité et à des coûts raisonnables pour les
consommateurs et le tissu industriel national.

 Le marché national et les capacités de production de la raffinerie


La consommation individuelle moyenne en énergie atteint environ 0,56 tonne
de pétrole au Maroc, contre une moyenne mondiale d'environ 1,8 tonne de
pétrole, ce qui représente 30% de la moyenne mondiale ou 85% de la
moyenne africaine.
La consommation d'énergie s’est accrue de +155%, de 1990 à 2015. Malgré
tous les efforts de diversification des sources énergétiques, le pétrole
demeurera sans conteste la première énergie consommée durant les
décennies à venir.
La facture énergétique s'est élevée en 2017 à 69 milliards de dirhams,
représentant 16% des importations totales totalisant 435 milliards de dirhams
et générant un déficit commercial supérieur à 190 milliards de dirhams. Le
pétrole représente la part du lion dans les importations totales de produits
énergétiques.

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 30


Le Maroc consomme annuellement prés de 9 millions de tonnes de produits
pétroliers hors propane et butane, soit environ 1000 tonnes par jour, avec un
taux de croissance annuelle de 5%. Le gasoil occupe la première place avec
67% de la consommation totale.
En réponse à l’évolution de la demande nationale aux plans quantitatif et
qualitatif, La Samir a connu tout au long de sa longue histoire quatre étapes
importantes qui ont marqué son développement ; la dernière en date étant
intervenue entre 2005 et 2008 avec la fermeture de la raffinerie de Sidi
Kacem et sa transformation en centre de stockage et distribution.
La raffinerie de Mohammedia dispose d'une capacité annuelle de raffinage
d'environ 10 millions de tonnes. Elle a constitué pendant 55 années une
source d'approvisionnement régulière du pays en pétrole et dérivés (80% des
besoins en hydrocarbures et 50% pour le gasoil).
La raffinerie dispose aujourd’hui d’une capacité de stockage de 2 millions de
tonnes, soit l’équivalent de 90 jours de consommation nationale, dont 160 000
tonnes à Sidi Kacem, centre de stockage relié par un pipeline souterrain de
200 km et branché à un réseau de canalisation avec le port de
Mohammedia et avec les unités des sociétés de distribution de Mohammedia
et de Sidi Kacem, l’ensemble du dispositif logistique étant proche des grands
centres de consommation.
A l’exception du déficit structurel en production de gasoil, la raffinerie
marocaine est en mesure de répondre à l’ensemble des besoins nationaux
en produits pétroliers avec des excédents de production destinés à

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 31


l’exportation sur certains produits comme le naphta (matière première pour
les industries pétrochimiques), le carburéacteur des avions, l’essence,
l’asphalte et les huiles lubrifiantes.

En application des exigences du cahier des charges de la privatisation et


après l’incendie et l’inondation qui ont frappé la raffinerie de Mohammedia
durant le mandat du ministre de la privatisation devenu ensuite directeur
général de La Samir, une mise à niveau de l’appareil de production a été
opérée conformément aux objectifs de la Stratégie nationale du pétrole
2004. La raffinerie se caractérise par une grande flexibilité dans l’exploitation,
lui permettant de délivrer des produits énergétiques à forte valeur ajoutée.

 La sécurisation des besoins nationaux en produits pétroliers

L’examen de la carte du monde montre que la plupart des pays développés


détiennent une industrie de raffinage pétrolier, que ces pays soient
producteurs de pétrole brut ou importateurs. Certains pays européens non
producteurs de pétrole brut possèdent une dizaine de raffineries avec des
capacités de raffinage diverses.
La maitrise du prix de l’énergie pétrolière peut être assurée à travers les trois
problématiques suivantes : la production de pétrole brut, le raffinage et la
distribution. Les pays totalement dépendants de l’importation de produits
raffinés exposent leur économie au risque d’instabilité à l’échelle mondiale et
d’augmentation des prix à cause de la mainmise des traders internationaux,
dont la politique commerciale ne ménage en aucune façon les pays
dépourvus d’alternatives pour obtenir des produits pétroliers raffinés.
Partant de ces considérations communément admises par les experts du
secteur pétrolier, tous les pays à travers le monde cherchent les moyens de
garantir avec certitude leurs sécurité énergétique en produits pétroliers. Ils
encouragent à ce titre les investissements et mettent en place des politiques
publiques visant la prospection, la production de pétrole brut, le raffinage, la
transformation en produits dérivés ainsi que le développement des capacités
de stockage et de distribution.
Dans ce contexte, il est important que les pouvoirs publics veillent à assurer :
- La mise à jour et l’application intégrale de la stratégie nationale du pétrole
annoncée en mai 2004 par le Souverain, à travers des incitations à la
prospection de pétrole et de gaz, le développement des industries de

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 32


raffinage et le renforcement des capacités d’approvisionnement, de
stockage et de distribution.
- La revue et l’actualisation de la législation règlementant ces activités, dans
le but d’encourager et de faciliter les investissements, de renforcer la sécurité
énergétique du pays, de fournir une énergie pétrolière de qualité garantie et
au moindre cout et de protéger les intérêts de la nation contre toute forme
de domination ou de chantage.
- Le renforcement de la capacité de stockage et sa répartition sur les régions
et les lieux de grande consommation, la séparation entre les activités
d’importation, de stockage, de distribution et de raffinage, l’encouragement
au stockage groupé et le partenariat entre les secteurs public et privé, ainsi
que le développement d’un réseau de transport par pipelines souterrains.
-La création d’une Agence Nationale de l’Energie chargée de la
réglementation et du contrôle, investie de la mission d’assurer la
complémentarité entre les composantes du panier énergétique, entre
l’industrie nationale et l’importation, et mobilisée pour préserver les importants
acquis offerts par les industries de raffinage pétrolier.
En dépit du développement de la production des énergies renouvelables, le
souci de garantir les besoins énergétiques du Maroc pour les prochaines
décennies en l’absence d’une alternative compétitive, nécessite une

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 33


détermination et une intransigeance pour éviter les pièges des lobbies qui
servent leurs propres intérêts, fussent-ils en contradiction avec l’intérêt
supérieur de la nation. L’intérêt du Maroc et des Marocains exige d’une part,
de détenir les clés d’accès au pétrole à travers l’encouragement de la
prospection et de la production de pétrole brut et de gaz et, d’autre part, de
conserver l’industrie nationale de raffinage pétrolier, de la développer et de
renforcer les capacités de stockage et de distribution des dérivés du pétrole
à travers tout le territoire national de Tanger à Lagouira.

 La régulation du secteur des hydrocarbures et la refonte des lois


correspondantes

Si l’histoire du pétrole au Maroc remonte à la période coloniale française où


l’on importait des produits finis raffinés et où l’on raffinait à Sidi Kacem du
pétrole extrait localement ou importé, force est de reconnaître que
l’évolution de la législation applicable à ces activités, que ce soit durant la
marocanisation, la privatisation ou la libéralisation des importations et des prix
et la suppression des subventions, n’a pas été à la hauteur des enjeux. Le
cadre légal n’a pas permis de répondre aux exigences induites par la
nécessité de consolider la sécurité énergétique du pays et d’encourager les
investissements privés et publics au service de la politique nationale du
secteur concerné.
Pour protéger le pouvoir d’achat des citoyens et réduire le coût de l’énergie
pétrolière, il appartient à l’Etat de continuer à jouer son rôle de contrôle,
d’organisation et de régulation de l’approvisionnement des besoins du
marché national en produits pétroliers, en garantissant les intérêts de tous les
opérateurs économiques du secteur, sans préjudice de la défense des
intérêts nationaux et des exigences de la sécurité énergétique du pays.
Dans l’attente des résultats des travaux d’exploration du pétrole brut, il
devient nécessaire de procéder à la refonte générale de la législation
applicable au secteur pétrolier, en particuliers sur les aspects relatifs au
raffinage, à l’importation, au stockage et à la distribution.
La remise en exploitation de la raffinerie à pleine capacité avec une
réduction des consommations internes de l’unité de production, ainsi que la
valorisation de l’excédent en produits légers à travers l’investissement dans
des activités pétrochimiques et la production de produits à haute valeur

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 34


ajoutée, sont des axes susceptibles de permettra la réalisation des objectifs
de productivité, de réduction des coûts et de prix.
Ainsi, pour assurer la continuité de l’approvisionnement du marché national et
limiter l’impact des fluctuations internationales, l’Etat est appelé à réguler le
secteur à travers la création de l’Agence Nationale de l’Energie, qui sera
chargée de la mise en œuvre de la politique nationale du secteur et qui
veillera à créer les conditions de la compétition et de la complémentarité
entre les différents acteurs, afin de mettre à disposition des consommateurs
une énergie pétrolière en quantité suffisante, avec une qualité conforme aux
standards internationaux et à des prix compétitifs.

A cet effet, il est nécessaire de revoir toute la réglementation applicable à


l’importation, au stockage et à la distribution, de soutenir les investissements à
forte valeur ajoutée qui contribuent au développement de l’industrie
nationale et à la création des emplois, garantissant ainsi une stabilité sociale
et des conditions de vie décentes. Cette politique permettra au peuple
marocain de s’approprier les techniques de production de sa propre
consommation et de ses besoins de base.
Les investissements dans les industries pétrolières et pétrochimiques étant
fortement capitalistiques et sachant que le retour sur investissement exige un
cycle long, une politique publique claire et un encouragement à
l’investissement privé par l’Etat sont des conditions sine qua non à la
préservation et au développement des industries pétrolières. A défaut, le
pays mettrait en péril sa sécurité énergétique et s’exposerait aux agissements
et au chantage exercé par les traders du marché international du pétrole.

 Le soutien et la protection de l’industrie du raffinage pétrolier


Considérant les pertes colossales résultant de l’arrêt de production de la
raffinerie de Mohammedia, et en particuliers la chute du stock national en
produits pétroliers, ainsi que l’érosion du pouvoir d’achat des consommateurs
estimée à plus de 10 milliards de dirhams par an. Cette estimation est établie
à partir de l’augmentation des bénéfices des distributeurs depuis la
libéralisation des prix à la fin de l’exercice 2015, laquelle avait pratiquement
coïncidé avec l’arrêt de la société La Samir.
A cela s’ajoutent le risque de perte de plus de 20 milliards de dirhams de
dettes publiques et la disparition de plus de 4500 postes de travail, en plus des
multiples dommages qu’il est difficile de recenser et de quantifier.

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 35


La reprise d’une activité normale pour la raffinerie dans des conditions
meilleures est l’unique voie permettant de garantir les acquis inhérents aux
industries pétrolières au profit de l’économie nationale et du développement
local et régional. Ainsi, l’Etat marocain, tenu de se conformer à ses slogans en
faveur du développement industriel et de la création d’emplois, est appelé à
déclarer clairement et rapidement, avant qu’il ne soit trop tard, sa position
officielle concernant l’avenir de l’industrie du raffinage pétrolier en général et
le sauvetage de la raffinerie de Mohammedia en particulier.
Après que le Tribunal de commerce ait épuisé ses efforts de négociation
avec les porteurs d’offres d’achat, et en l’absence d’une position claire de
l’Etat, la survie de la raffinerie de Mohammedia reste tributaire de la décision
politique de l’Etat et dépend des encouragements, des facilitations et de la
protection que les pouvoirs publics sont supposés offrir en vue de protéger le
produit marocain et l’industrie nationale. En commençant par le
rétablissement des droits de douane sur les importations de produits finis et
par la contrainte exercée sur tous les acteurs afin qu’ils respectent et
appliquent les engagements relatifs aux stocks de sécurité et autres
dispositions de soutient de la production locale et de riposte aux politiques
agressives des Etats qui subventionnent leurs produits pour inonder le marché
international.
Bien que nous comprenons que la responsabilité de l’Etat est de veiller à
l’approvisionnement du marché national, loin de toute forme de domination
et de chantage, nous constatons dans le même temps que
l’approvisionnement régulier du marché après l’arrêt de la raffinerie et la
libéralisation des prix s’effectue aujourd’hui aux dépends des consommateurs
et du pouvoir d’achat des citoyens et au détriment des intérêts de
l’économie nationale. Ce constat implique l’obligation pour l’Etat de prendre
les dispositions et les garanties suffisantes, afin que les dysfonctionnements
précités ne puissent se reproduire et que le Maroc puisse rester autonome et
propriétaire de sa décision en matière de fourniture des besoins nationaux en
produits pétroliers, en totale harmonie avec la politique générale du pays et
au service des intérêts supérieurs de la nation.

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 36


 Les scénarii de reprise de la production de la raffinerie marocaine de
pétrole :

Tous les experts et analystes s’accordent sur l’importance stratégique des


industries de raffinage du pétrole pour l’économie nationale. Les conditions
et les finalités de la création de la Société Anonyme Marocaine et Italienne
de Raffinage à l’aube des années soixante restent toujours d’actualité, parce
qu’elles sont fondées sur des considérations économiques, sociales et de
développement, ainsi que sur la nécessité de renforcer et de développer les
acquis réalisés dans ce domaine. Les raisons originelles de création de La
Samir imposent aussi de préserver la raffinerie de Mohammedia ainsi que tous
les équipements, constructions et investissements reliés directement ou
indirectement à la construction et à l’extension de la cette raffinerie.

Dans la mesure où la continuité des installations de Mohammedia en tant


qu’unité industrielle de raffinage du pétrole brut est le choix le plus opportun
pour protéger tous les intérêts et droits rattachés à la raffinerie. Dans la
mesure où cette continuité est aussi l’objectif fondamental de la justice
marocaine, qui applique les dispositions du Livre V du Code du commerce,
dont la finalité est de sauver de la société et de lui éviter le bourbier de
l’endettement et des difficultés d’entreprises.

Puisque l’objectif de tous ceux qui défendent ce monument de l’industrie


nationale est de lui permettre de survivre, de poursuivre son activité et de se
développer, et que malgré toutes les difficultés et les entraves cet objectif est
parfaitement réalisable, les efforts concertés et la coopération entre toutes
les parties et les autorités concernées, aboutiront sans conteste à la reprise de
la production de la raffinerie de Mohammedia. Ce renouveau se fera à
travers des choix multiples qui puisent leur force des textes juridiques en
vigueur et de leur légitimité à protéger l’intérêt général de la nation et des
citoyens.

 Le 1 choix : La gestion libre


er

Si la raffinerie de Mohammedia dispose à ce jour des installations techniques


et des compétences humaines en mesure d’assurer la reprise de la
production dans les meilleurs délais possibles, sous réserve de conduire les
opérations de remise en état et de maintenance nécessaires en raison de
l’arrêt de production depuis août 2015 et des exigences techniques et

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 37


juridiques imposant ces travaux. Pour éviter de perdre davantage de temps,
ce qui est de nature à impacter négativement les moyens matériels et
humains de l’entreprise et à rendre encore plus difficile d’accès les remèdes
aux dommages causés par l’arrêt prolongé des équipements de production,
le Code de commerce marocain doit être activé. Ce Code autorise le
Tribunal à prendre toutes les dispositions nécessaires et à s’engager dans
toutes les voies possibles, qui lui permettraient de préserver la valeur des actifs
de l’entreprise, d’éviter leur dévalorisation, de réaliser le transfert juridique
dans des conditions favorables et d’obtenir la meilleure offre possible pour la
vente des biens de la société.

En attendant l’issue des négociations de cession des actifs de l’entreprise et


des solutions proposées pour dépasser les entraves à ce processus, la gestion
libre reste la première option, d’application immédiate. Ce choix permettrait
la réhabilitation de la raffinerie, sa mise à niveau et sa remise en marche. Il
préserverait ses ressources humaines et la préparerait à sa cession judicaire,
qui interviendrait ultérieurement, en état de marche et non pas à l’arrêt.

L’option de la gestion libre peut être mise en œuvre à travers :


1-Autoriser la poursuite de l’activité pour une période minimale de 3 années,
permettant ainsi au syndic judiciaire de conclure un contrat de gestion libre
afin de protéger les actifs de la société, de leur éviter toute dévalorisation,
d’assurer l’entretien périodique des équipements de production, de fournir les
fonds nécessaires à la couverture des charges, d’exploiter les unités de
production et d’assurer les meilleures conditions pour réussir la cession
judiciaire.
2 - Conclure un contrat avec une société spécialisée dans le domaine ou se
reposer sur les possibilités internes de la société La Samir, avec l’aide des
grands créanciers, afin de préserver prioritairement les moyens matériels et
humains de la raffinerie et de redémarrer rapidement l’activité de
production. Pour ce faire, une convention doit expliciter les obligations des
intervenants et les contreparties sur une période de production effective de
deux années au moins.
3- Préparer avec l’appui d’experts et de bureaux d’études le lancement de
nouveaux appels d’offres internationaux avec des conditions et des contenus
précis, en vue de céder les actifs d’une raffinerie en état de marche et non
pas à l’arrêt, tout en accordant une priorité et des conditions préférentielles à
l’entreprise qui avait déjà contracté dans le cadre de la gestion libre.

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 38


 Le 2ème choix : La cession aux tiers
Si l’Etat Marocain faisait preuve d’une réelle volonté politique pour trouver
une issue favorable au dossier La Samir, s’il décidait de changer d’attitude
pour se transformer de simple spectateur à un acteur facilitateur, s’il cessait
ses déclarations intempestives qui entravent les initiatives, brisent les espoirs et
aggravent les souffrances causées par l’arrêt de l’activité de la raffinerie de
Mohammedia, il serait alors possible de faire aboutir à tout instant la cession
judiciaire au profit des soumissionnaires qui sont encore intéressés par
l’acquisition des biens de La Samir.

Sachant que le prix de cession ne pourra en aucun cas être inférieur à


l’évaluation de la raffinerie, estimée autour de 22 milliard de dirhams, et
sachant que la nature et l’ampleur de tels investissements exigent une durée
d’amortissement de 15 ans minimum, la négociation sur les conditions de
réalisation de ces investissements dépasse forcément le cadre défini par le
Code de commerce du Maroc. Interviennent dés lors les pouvoirs exécutif et
législatif, seuls habilités à déterminer la nature des garanties et des
encouragements octroyés aux investissements dans le secteur pétrolier en
général et dans la filière du raffinage pétrolier plus particulièrement.

Devant l’absence de prérogatives accordées au Tribunal de commerce qui


lui permettraient de répondre aux questionnements des soumissionnaires et
face à un gouvernement qui se défausse de ses responsabilités les plus
fondamentales en matière d’encouragement à l’investissement, de
sauvegarde des emplois et de développement de l’industrie nationale, la
cession judiciaire de la société La Samir reste, dans ces conditions, suspendue
à l’obtention de la réponse du gouvernement marocain à ce dossier.
L’absence de réaction officielle peut être considérée comme un refus des
pouvoirs publics d’aider à la recherche d’une solution à la crise et un soutien
implicite de leur part aux parties auxquelles profite cette situation ; celles-là
mêmes qui veillent à transférer le monopole du contrôle de la sécurité
énergétique du Maroc du secteur du raffinage à celui de la distribution.
Cette évolution représente une grave menace pour les intérêts du pays et les
droits des citoyens.

Perdre encore plus de temps dans la gestion de ce dossier ne fait qu’anéantir


les dernières chances de survie et de sauvetage de l’entreprise, comme cela
attirera sur le pays une rafale de reproches et de critiques sur l’incapacité de

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 39


l’Etat de gérer une crise, qui aura fait tomber des victimes à l’intérieur et à
l’extérieur des frontières et causé des pertes aux actifs détenus par des
personnes physiques et morales, à l’argent public et aux fonds privés.

Traiter ce dossier avec sagesse et avec le souci de défendre les intérêts du


pays, exige de fournir une réponse immédiate aux demandes de garanties
formulées par les investisseurs intéressés par l’acquisition de la raffinerie de
Mohammedia. Comme cela exige d’accompagner cette société marocaine
jusqu’à ce qu’elle puisse recouvrer sa santé financière et son cycle normal de
production, de façon à servir aussi bien les intérêts de ses nouveaux
propriétaires que ceux de l’Etat en matière d’approvisionnement du pays en
énergie pétrolière, sur la base des besoins quantitatifs et qualitatifs et de la
compatibilité des prix avec le pouvoir d’achat des citoyens et des acteurs
économiques concernés.

 Le 3ème choix : La transformation des dettes en participations au


capital
Si l’objectif principal de la liquidation judiciaire est d’encadrer l’entité
endettée pour limiter l’hémorragie des dysfonctionnements financiers et de
gestion et pour rechercher les conditions idéales de cession de l’entreprise,
dans le souci de préserver l’emploi et de rembourser les dettes accumulées
par l’entreprise avant l’ouverture de la procédure.
Et parce que les créanciers ont un intérêt évident à préserver la valeur des
actifs de la société, et à éviter leur dévalorisation pour quelle raison que ce
soit, le Code de commerce accorde aux créanciers, et en particuliers aux
plus importants d’entre eux, la faculté de rechercher les formules adaptées
pour garantir leurs droits et récupérer l’intégralité ou une partie de leurs
créances.

Et sachant que la majorité de l’endettement est répartie entre


l’Administration des douanes et des impôts indirects en premier lieu, suivie des
sociétés internationales qui approvisionnaient la raffinerie en matières
premières, puis des banques marocaines.
Dans ces conditions, il est possible pour un groupe de créanciers, à fortiori
pour les plus importants d’entre eux, de négocier avec les autres créanciers
pour convenir d’un accord de transformation des créances en participations
au capital de la nouvelle société en vue d’acquérir les actifs de la société La
Samir.

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 40


En dépit de quelques précédentes initiatives de créanciers étrangers
souhaitant convertir leurs créances en participations au capital, ces
démarches ont reçu une fin de non recevoir de la part de l’Administration
des douanes et des impôts indirects et du ministère de l’Economie et des
finances, qui ont refusé toute collaboration sur ce sujet et ont brisé, ainsi, tout
espoir de sauvetage de l’entreprise, bien que cette formule soit applicable et
respectueuse des droits et intérêts de l’ensemble des parties concernées.

Et lorsque le ministère de l’Economie et des finances refuse de contribuer au


succès de cette solution de transformation de la dette en capital, se pose
avec spontanéité et objectivité la question des options alternatives
permettant de recouvrer une créance publique dont le montant avoisine les
20 milliards de dirhams. Comme il est légitime de se demander s’il est permis
de dilapider des créances publiques d’un montant aussi élevé alors que des
solutions existent pour les récupérer.

A travers la créance de l’Administration des douanes et des impôts indirectes,


l’Etat pourrait dans un premier temps participer au capital de la nouvelle
société et organiser ensuite les conditions de son retrait, ce qui lui permettrait
de réaliser des gains financiers à l’issue de cette seconde étape. Cette
solution hybride est parfaitement envisageable même si la position des
tenants du retrait de l’Etat des secteurs productifs est plus audible que celle
des défenseurs d’un Etat actionnaire de l’industrie, qui détient et contrôle les
moyens de production des produits de grande consommation.

 Le 4 ème choix : La cession à une société mixte


Après un examen minutieux des multiples raisons qui ont entrainé la chute de
la société La Samir et l’arrêt de sa production, tant celles qui concernent la
responsabilité d’un Etat qui a failli dans l’exercice de ses prérogatives de
contrôle et qui a offert une multitude d’encouragements et de protections
sans contreparties en retour, que celles relatives à la responsabilité de
l’ancienne direction de La Samir dont les grandes décisions de gestion et
d’administration étaient prises au niveau du groupe Corral, s’agissant d’un
actionnaire qui disposait de la majorité absolue en contrôlant les deux tiers
du capital de la raffinerie.

Et tenant compte des liens directs entre l’activité de l’entreprise et d’une


part, le marché national de la distribution, de la consommation et du

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 41


stockage et, d’autre part, du marché international avec les fluctuations des
cours du baril et des devises, en plus de l’obligation pour la raffinerie de
répondre aux besoins nationaux en produits dérivés du pétrole.

Et pour réunir les conditions d’un redémarrage de la raffinerie sur les bases
d’une gestion transparente et d’une bonne gouvernance, et pour assurer
une exploitation qui permette une forte valeur ajoutée et un haut niveau de
productivité, conditions sine qua non pour obtenir une production nationale
compétitive en qualité, en quantité et en prix.

Et considérant que la raffinerie marocaine dispose toujours des moyens


nécessaires à son redressement et à la reprise de son activité, mais en étant
dépourvue des quelques ressources financières indispensables pour entamer
les travaux de maintenance et lancer les approvisionnements en matières
premières

L’intérêt de l’Etat marocain et le sens de la responsabilité publique exige de


rechercher des voies de sortie de crise dans ce dossier, notamment à travers
une quatrième option consistant à fonder une société mixte qui pourrait être
dénommée La Société Marocaine des Industries du Pétrole (SMIP), et ce à
travers :
1- La participation dans le capital et le conseil d’administration des entités
suivantes :
 Une Société internationale spécialisée dans les métiers du pétrole et
du gaz ;
 L’Etat Marocain ;
 Les distributeurs de produits pétroliers finis au Maroc ;
 Les banques marocaines ;
 Les investisseurs institutionnels ;
 Les salariés de la raffinerie marocaine de pétrole.
2- L’acquisition par cette nouvelle société de tous les actifs détenus par
La Samir et qui font l’objet aujourd’hui d’une procédure de liquidation
judiciaire conformément aux dispositions règlementaires en vigueur.
3- La signature d’une convention d’investissement entre l’Etat Marocain
et la nouvelle société, en vue de définir les devoirs et les droits de
chaque partie. Cette convention traitera de la nécessaire coopération
entre les contractants pour assurer les meilleures conditions de
production et développer une chaine de transformation et de

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 42


valorisation sous réserve de la sécurisation des approvisionnements du
Maroc en produits pétroliers.

 Le 5ème choix : La récupération et la nationalisation


Une relecture de la loi encadrant la privatisation et la cession des biens
publics au privé, relayée par les discours royaux et la législation du Parlement
marocain, permet de comprendre que cette politique publique du début
des années quatre-vingt-dix avait pour finalité le retrait de l’Etat du capital
des établissements productifs et leur vente au privé pour assurer leur
développement et leur mise à niveau. Cette politique visait également à
créer des postes de travail, attirer de nouveaux investissements, recevoir des
flux de devises et préparer l’économie nationale aux défis de l’ouverture des
marchés et aux engagements induits par les accords internationaux de
commerce.

Ces objectifs multiples avaient comme corollaire que le prix de cession n’était
pas le critère principal de décision lors des négociations avec les repreneurs.
Pour preuve, certains établissements publics ont été transférés au dirham
symbolique, tandis que le prix de cession des deux raffineries réunies, La Samir
et la SCP, n’a pas dépassé les 4 milliards de dirhams.

Malgré tous les encouragements et les protections assurés par l’Etat marocain
à la société La Samir durant 15 années, le groupe Corral ne trouva comme
seule réponse que la fuite devant ses responsabilités et le non respect des
engagements contractés lors de la privatisation. Les conséquences de cette
violation du contrat de privatisation furent nombreuses : un retard
considérable dans la mise à niveau de l’industrie nationale de raffinage, la
perte de milliers d’emplois, la descente aux enfers de l’entreprise dans un
endettement qui se compte en milliards de dirhams, le non respect des
engagements relatifs aux nouveaux investissements… Tout ce qui a été
réalisé présentait de multiples défauts et desservait les intérêts du Maroc et
des Marocains.

Les résultats catastrophiques consécutifs à la privatisation et à la violation des


engagements de mise à niveau de l’outil industriel, de création d’emplois et
d’investissements, doivent conduire l’Etat à mettre en œuvre les dispositions
qui lui permettraient de sanctionner ces dysfonctionnements. Il doit récupérer
les actifs de l’entreprise et engager les démarches judiciaires visant à étendre

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 43


la procédure de liquidation à tous les dirigeants de la société et à tous ceux
qui ont profité d’un enrichissement sans cause sur le compte de La Samir.

En dépit de l’opposition obstinée de ceux qui appellent au retrait de l’Etat


des chaines de production et qui l’exhortent à ne pas faire de retour en
arrière sur de telles décisions, force est de reconnaître que les guerres
commerciales acharnées que se livrent les grandes puissances, dont l’enjeu
principal est de protéger les industries et les productions nationales, nous
incitent tous à un relecture objective des bouleversements à l’échelle
mondiale. Nous devons acquérir la conviction que les pays en émergence
comme le Maroc, sont en droit de maitriser les industries productrices
d’énergie et de richesses nationales. Il devient, dés lors, parfaitement
clair que renoncer à l’industrie de raffinage pétrolier est en totale
contradiction avec les intérêts du pays et que la reprise de l’activité de La
Samir est primordiale quelque soit l’option retenue, y compris celle de la
récupération de la raffinerie par l’Etat et de sa nationalisation.

En conséquence, la récupération des biens de l’entreprise par l’Etat et la


nationalisation de la raffinerie est une alternative, parmi d’autres, qui
permettrait de protéger les intérêts du Maroc et d’éviter la survenance d’un
drame aux impacts multiples.

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 44


Conclusion :
Lorsqu’il existe un consensus auprès des experts et des spécialistes sur
l’importance stratégique des industries de raffinage pétrolier en matière de
sécurisation des besoins nationaux en produits dérivés du pétrole, dans un
contexte dominé par une forte croissance de la demande mondiale et une
intensification des guerres de conquête et de domination des sources
d’énergie.
Face à l’énormité des pertes subies par l’économie nationale et le
consommateur marocain, suite à l’arrêt d’activité dans la raffinerie de
Mohammedia et de tout son flot de conséquences en termes de suppression
de la subvention de la Caisse de compensation, libéralisation des prix,
abandon du citoyen face à la cupidité et à la ruée des opérateurs dominant
le marché national des hydrocarbures.
Servir l’intérêt national et soutenir l’investissement, l’industrialisation, l’emploi
et le développement local et régional, requièrent de l’Etat et du
gouvernement marocain d’agir pour mettre un terme rapidement à la crise
de la raffinerie marocaine. L’action publique doit se fonder sur les dispositions
juridiques en vigueur, s’insérer dans une totale harmonie avec le service de
l’intérêt général et résister aux intérêts des lobbies et des entités qui œuvrent
pour empêcher le Maroc de détenir les clés des industries pétrolières et
l’enfermer dans le bourbier du chantage, de la domination et de la
dépendance vis à vis de l’étranger.
Si la responsabilité de l’Etat dans la situation actuelle est établie sans
équivoque, cela ne le dispense pas, et l’oblige même avec force et
responsabilité, à garantir les conditions idéales de reprise de la production
dans la raffinerie de Mohammedia à travers l’un des cinq choix que nous
proposons dans ce dossier, soit la gestion libre, la cession aux tiers, la
conversion des dettes en participations au capital, le transfert à une société
mixte ou la nationalisation.
A contrario de toutes les allégations malveillantes et basées sur des
informations erronées, l’avenir de la raffinerie de Mohammedia est lié pour
l’essentiel à la position politique de l’Etat quant à la sauvegarde de ce
symbole national. Nous considérons le transfert à une société mixte et le
renforcement des instruments de contrôle interne et externe, comme étant
un nouveau départ pour les industries de raffinage pétrolier au Maroc sur la
base de la transparence et de la bonne gouvernance, deux caractéristiques
qui servent au premier rang les objectifs de la politique nationale et créent de
la richesse au profit des actionnaires, des salariés, de la ville de Mohammedia
et de l’ensemble des parties concernées par l’activité de cette entreprise et
par sa continuité.

Rapport du Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole 45

Das könnte Ihnen auch gefallen