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C ON FESSION S
D E
SAINT AUGUSTIN,
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·T O M E P R E M I E R.
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L E S
CONFESSIONS
D E
sAINT AU GUSTIN,
TRADUIT ES EN FRANC O IS
Avec le Latin à côté, *
E N R I c H I E s D E R E MA R 9 v E s
Hiſtoriques , Critiques @ Chronologiques.
Parle RévérendPere Dom " Religieux Bénédictin
de la Congrégation de S. Maur.
TO ME P R. E M I E R.
A P A B [S,
Chez P 1 E R R E - A L E x A N D R E M A R T I s s
Quay des Auguſtins, à l Ecu de France.
--•
- mmEnrEzEº
M. D C C. X L I.
Avec Approbation, & Privilége du Roy.
| PREFACE
- NT R E tant d'Ouvrages des Peres
|#% que la Sageſſe divine a ménagés
#| aux Fidéles, & qu'elle a fait paſſer
#l juſqu'à nous, il n'en eſt aucun qui
attache plus que les Confeſſions de ſaint Au
guſtin. Nous paſſons ſous ſilence que ce Li
vre eſt unique , qu'il n'a jamais eu ſon ſem
blable , & qu'il eſt preſque hors de doute
qu'il n'en aura jamais : ce qui fait ſon prix,
& ce qu'on ne doit jamais perdre de vûë ,
c'eſt qu'il fait ſans ceſſe je ne ſai quelle douce
illuſion au Lecteur , qu'il l'éclaire & le
charme, & que ſous ombre de lui préſenter
l'hiſtoire & la vie de S. Auguſtin , il lui met
devant les yeux la corruption de ſon propre
cœur. Ainſi les Confeſſions de ſaint Auguſtin
ſont auſſi les confeſſions de tous ceux qui les
liſent. Le portrait eſt d'après nature , il eſt
fait par le plus grand Peintre de l'Antiquité ;
" a3
vj P R E F A C E.
& comme le voile eſt levé , tout le monde
· s'y reconnoît , & éprouve en ſoi-même les
ſemences de ce qu'il lit. Le plus ou le moins
n'y fait rien : il ſert ſeulement à épargner à
ceux qui ne ſont pas faits à ces ſortes de dé
tails, la peine de les chercher, de les raſ
ſembler : on les trouve tous faits dans ces
Confeſſions , & l'on apprend à rougir avec
ſaint Auguſtin de tous les déreglemens qui
nous ſont communs avec lui. ' - .
x P R E F A C E.
& les ſciences 5 cette mémoire qui rappro
che tous les tems, le paſſé, le préſent & l'a-
venir ; en un mot cet écoulement de vie, de
connoiſſance & de mouvement, qui va preſ
que de pair avec les pures Intelligences, &
qui ne voïant que Dieu au-deſſus de ſoi, ne
trouve ſon repos qu'en lui.
Chacun de ces points de vûë étend notre
eſprit, & change la face des objets.Ainſi par
tout où nous n'avions vû juſques-là que des
rochers affreux , des campagnes déſertes &
des arbres ſtériles, les Confeſſions de S. Au
guſtin en main nous appercevons de riches
moiſſons, des fontaines délicieuſes , des prés
émaillés, de beaux jardins, des fleurs, des
fruits, & des veines de diamans, qui condui
ſent à des choſes encore phus précieuſes. A
l'aſpect de tant d'objets , conſidérés ſous de
nouvelles faces, notre eſprit comme environ
-
né de lumiere paſſe de § en ſurpriſe,
de ſpectacle en ſpectacle, & ſaiſit des vérités
§ qui ne l'avoient point encore tou
ché, quoiqu'elles lui fuſſent naturelles & fa
milieres , & ces vérités lui font connoître de
Dieu, de nous-mêmes & des créatures, tout ce
qu'il lui eſt permis d'en ſavoir.
De Dieu , qu'en lui l'être, la vie & la vie
heureuſe ne ſont point choſes différentes :
qu'il eſt bon à un tel point, qu'il ne ſauroit
p R E F A C E. | xj
changer en mieux : Qu'il ne précede toutes
choſes, que parce que ſon Eternité eſt un point
continué : Qu'il ne veut rien qu'il n'ait toû
jours voulu : Qu'il eſt tout entier par tout ſans
que rien le contienne, le renferme ou le di
viſe : Que la main dont il ſoûtient toutes cho
ſes, eſt ſa vérité : Que ſa connoiſſance eſt la
cauſe & le fondement de la nôtre : Que rien
n'eſt fortuit ni imprévu à ſon égard : Que le
déſordre entre dans l'ordre qu'il a établi :
Qu'on ne le trouve qu'au-deſſus des ſens & de
l'imagination : Qu'en le fuïant on tombe en
tre les mains de ſa Juſtice : Que ſa Juſtice
eſt invariable, quoiqu'en différens tems elle
ordonne différentes choſes, &c. -
P R E F A C E. xiij
& l'eſprit de ceux qui les liroient. Jamais
Ouvrage ne répondit mieux au deſſein de
l'Auteur. Je ne ſai même s'il n'a pas ſurpaſſé
ſon attente ; puiſqu'il eſt certain par S. Au
guſtin même , que la lecture de ce Livre
d'or plus de vingt-ſept ans après avoir été
donné au Publie, produiſoit l'effet qu'il s'é-
toit propoſé, non-ſeulement ſur lui-même,
mais encore ſur tous ceux qui pouvoient ſe
le procurer : car il ne fait pas difficulté de
nous apprendre, que c'étoit celui de tous
fes Ouvrages qui avoit eu plus de cours , &
qui étoit le plus goûté. Il eſt demeuré toû
jours le même, & les treize ſiécles † ſe ſont
écoulés depuis la mort de S. Auguſtin, n'ont
fait qu'augmenter ſon mérite & ſon prix ,
auſſi - bien que l'eſtime & la vogue générale
où il a toûjours été.
En effet, outre l'onction & un caractere
de ſainteté répandu par tout, qui inſpirent,
qui forment même dans tous les cœurs une
diſpoſition & un ſentiment général de reli
ion & de piété, il eſt ſemé de traits d'hi
§ , d'expériences , d'inſtructions, de ſen
tences & de maximes ſublimes qui édifient,
qui éclairent, qui touchent, & qu'on cher
cheroit vainement ailleurs : mais ce qui le re
leve infiniment , & qui nous regarde en par
ticulier, c'eſt qu'il repréſente & exprime ſi
47
-
xiv ZP R E F A. C E. .
P E R 7M / S S I O NV
Du Supérieur Général de la congrégation de
S. Maur, Ordre de S. Benoit.
N$ US Supérieur Général de la Congrégation de
S. Maur, Ordre de S. Benoît : Vû l'Àpprobation
de M. Robbe Grand - Maître du Collége des Quatre
Nations , Docteur de Sorbonne , & Cenſeur Roïal
des Livres ;. Avons permis & permettons à Dom
J. M. Prêtre & Religieux de la même Congrégation,
de faire imprimer un Livre intitulé, Les Confeſſions
de Saint Auguſtin, Traduction nouvelle, avec le texte
Latin à côté, corrigé ſur quantité d'anciens Manuſ
crits qui n'avoient pas été conſultés. Donné à Paris
ce deuxiéme jour du mois de Mars de l'an mil ſept
cent quarante - un. -
O U 1 s P A R L A G R A c E D E D 1 E U RoY DE
FR A N c E E T D E N A v A R R E : A nos amés &
féaux Conſeillers, les Gens tenans nos Cours de Par
lement , Maîtres des Requêtes ordinaires de notre
Hôtel, Grand Conſeil, Prevôt de Paris, Baillifs, Sé
néchaux, leurs Lieutenans Civils & autres nos Ju
ſticiers qu'il appartiendra ; SALUT. Notre bien amé
LE PE R E D o M J. M ** * Religieux Bénédictin
de la Congrégation de Saint Maur, Nous aïant fait
remontrer qu'il ſouhaiteroit faire imprimer & donner
au Public Les Confeſſions de Saint Auguſtin traduites
en François, avec le Latin à côté tiré de l'édition
des Bénédictins de la même Congrégation , revu
ſur d'anciens & de nouveaux Manuſcrits , enrichies
de Notes critiques, hiſtoriques & chronologiques ,
avec de nouveaux Sommaires ; s'il Nous plaiſoit lui
accorder nos Lettres de Privilége ſur ce néceſſaires,
offrant pour cet effet de le faire imprimer en bon pa
pier & beaux caracteres, ſuivant la feüille imprimée
& attachée pour modéle ſous le contreſcel des Pré
ſentes. A c E s CA U s E s, voulant traiter favorable
ment ledit Expoſant en faveur des Ouvrages dont il
a déja enrichi la République des Lettres ; Nous lui
avons permis & permettons par ces Préſentes de faire
imprimer ledit Livre ci-deſſus ſpécifié en François &
en Latin en un ou pluſieurs Volumes, conjointement
ou ſéparément, en telle forme & autant de fois que
bon lui ſemblera, & de le faire vendre & débiter par
tout notre Roïaume pendant le tems de neuf années
conſécutives, à compter du jour de la date deſdites
Préſentes. Faiſons défenſes à toutes ſortes de perſon
nes de quelque qualité & condition qu'elles ſoient
d'en introduire d'impreſſion étrangere dans aucun lieu
de notre obéiſſance , comme auſſi à tous Libraires ,
Imprimeurs & autres d'imprimer, faire imprimer, ven
dre, faire vendre , débiter ni contrefaire ledit Livre
ci-deſſus expoſé en François & en Latin en tout ni en
partie, ni d'en faire aucuns Extraits ſous quelque pré
texte que ce ſoit d'augmentation, correction , chan
gement de titre, même en feiiilles ſéparées ou autre
ment, ſans la permiſſion expreſſe & par écrit dudit
Expoſant ou de ceux qui auront droit de lui, à peine
de confiſcation des Exemplaires contrefaits , de ſix
mille livres d'amende contre chacun des Contrevenans,
dont un tiers à Nous , un tiers à l'Hôtel-Dieu de Pa
ris, l'autre tiers audit Expoſant, & de tous dépens,
dommages & intérêts ; à la charge que ces Préſentes
ſeront enregiſtrées tout au long ſur le Regiſtre de la
Communauté des Libraires & Imprimeurs de Paris
dans trois mois de la date d'icelles ; que l'impreſſion
de ce Livre ſera faite dans notre Roïaume & non
ailleurs; & que l'Impétrant ſe conformera en tout aux
Réglemens de la Librairie, & notamment à celui du
1 o Avrîl 1725. Et qu'avant que de l'expoſer en ven
te, le Manuſcrit ou imprimé † aura ſervi de co
pie à l'impreſſion dudit Livre, ſera remis dans le mê
me état où l'approbàtion y aura été donnée ès mains
de notre très cher & féal Chevalier le ſieur Dagueſſeau
Chancelier de France, Commandeur de nos ordres ,
& qu'il en ſera enſuite remis deux Exemplaires dans
notre Bibliothéque publique, un dans celle de notre
Château du Louvre , & un dans celle de notredit
| :
très - cher & féal Chevalier le Sieur Dagueſſeau
Chancelier de France, Commandeur de nos ordres ;
le tout à peine de nullité des Préſentes : du contenu
deſquelles Vous mandons & enjoignons de faire jouir
l'Expoſant ou ſes aïans cauſe pleinement & paiſible
ment, ſans ſouffrir qu'il leur ſoit fait aucun trouble
ou empêchement : Voulons que la copie deſdites Pré
ſentes qui ſera imprimée tout au long au commence
ment ou à la fin dudit Livre, ſoit tenuc pour dûement
ſignifiée , & qu'aux copies collationnées par l'un de
nos amés & féaux Conſeillers & Secretaires foi ſoit
ajoûtée comme à l'Original. Commandons au premier
notre Huiſſier ou Sergent de faire pour l'exécution d'i-
celles tous Actes requis & néceſſaires, ſins demander
autre permiſſion, nonobſtant Claneur de Haro, Char
tre Normande , & Lettres a ce contraires : Car tel
eſt notre plaiſir.º D o N N E à Verſailles le onziéme jour
du mois de Décembre, l'an de grace mil ſept cens tren
te-neuf,de norre Regne le vingt-cinquiéme. Par le Roi
en ſon Conſeil.
SA I N s o N.
SAU G R A1 N, Syndic.
-
J'ai cédé & tranſporté le préſent Privilége pour toû
jours à M. P. AL E x A N D R E M A R T 1 N Libraire
à Paris, ſelon le Traité fait entre nous. A Paris, ce
21 Décembre 17 39. -
Fr. J. J. M.
LES CONFESSIONS
LEs
CONFESSIONS"
DE -
SAINT AUGUSTIN,
LIvRE PREMI E R
S O M M A I R E.
;
2, Les Confeſſions de S. Auguſtin,
année de ſon âge. Il remarque en paſſant la dépen
dance réciproque des enfans & des nourrices. Il
s'arrête un peu plus aux péchés que commettent les
enfans qui ſont au maillot. Régle dont il ſe ſert
pour les découvrir. Il enſeigne comment les enfans
apprennent à parler, & combien les fauſſes opinions
qu'on leur inſpire d'abord, leur ſont pernicieuſes.
Contradiction où les parens & les régens tombent
à cet égard. Il décrit la paſſion qu'il avoit pour le
jeu & les ſpectacles , & à quel point il deſiroit
avoir toûjours l'avantage ſur ſes compagnons. Il
tombe malade, & demande avec empreſſement le
baptême : & ſur ce qu'on remit à le lui conférer,
qu'il fût dans un âge plus avancé, il examineſ ce
délai étoit, ou m'étoit pas un bien pour lui. Les
honneurs & les richeſſes à quoi on vouloit qu'il
parvint, ne ſont qu'ignominie & indigence. Il
établit de tems en tems la grandeur , la toute
puiſſance & la bonté de Dieu, & en tire des con
ſéquences contre les Manichéens. Il cherche pour
quoi il avoit de l'averſion pour le Grec. Heureuſes
diſpoſitions que Dieu avoit miſes en lui ; il les lui
conſacre. Vols qu'il faiſoit à la maiſon de ſon pere,
pour avoir de quoi paier le plaiſir, que ſes com
pagnons lui vendoient, de joiier avec lui. Il vouloit
tromper, & n'être point trompé. D'où il infere
pour la ſeconde fois, qu'il n'y a point de vraie
innocence dans les enfans.
Livre premier, chapitre I. 3
# # ## # ## ## # # # # # # # # # # # # # # # # # # # # # #s
C H A P IT R E P R E M I E R.
R E M A R Q U E S.
(1) Aºººſſº de toute louange. Dans tous les treize Livres qui
compoſent ces Confeſſions, ſaint Auguſtin s'adreſſe & parle
Livre premier, Chapitre H. -
R E M A R Q U E S.
(1) JVous contiennent-ils eux-mêmes ? L'Univers entier, dit Phi
lon, n'eſt point un domicile digne de Dieu, ni proportion
né à ſon immenſité : auſſi eſt-il lui même le lieu qu'il habite , il ſe
remplit lui ſeul & ſe ſuffit ; tandis qu'il remplit le yuide qui eſt ré
| A iiij
8 Les Confeſſions de S. Auguſtin,
pandu dans toutes les créatures, & les contient ſans qu'elles puiſ
ſent le contenir, parce qu'il eſt ſimple & unique.
| | ( 2 ) fe vous y trouverai. Dieu remplit & pénétre toutes cho
ſes, & il ne laiſſe rien qui ne ſoit plein de lui. On ne ſauroit donc
le fuir ni ſe cacher à lui : on ne peut faire ni l'un ni l'autre mê
me à l'égard de l'Univers, puiſqu'on ne ſauroit éviter d'être en
quelqu'une des parties qui le compoſent. Philon.
( 3 ' Ou plutôt je ne ſerois point dutout , ſi je m'étois en vous.
Cette correction eſt très-vraïe & très-fine : voici la penſée de ſaint
Auguſtin. Dieu eſt également auteur de mon exiſtence & de mon
eſſence : & comme d'un côté mon exiſtence ſuppoſe néceſſairement
mon eſſence, & que d'autre part mon eſſence émane abſolument de
Dieu, dans qui elle eſt, & ſans qui elle n'auroit jamais été; je ne
ſerois point dutout ſi je n'étois en Dieu. Autrement : non ſeu
lement l'être, mais encore toutes les perfections de l'être ſont
en Dieu, & découlent de lui : car ce qui n'eſt point en lui & ne dé
coule point de lui, n'eſt rien, & ne peut être rien : ainſi je ne ſerois
point dutout, ſi je n'étois en Dieu.
(4) D'où veux-je que vous veniez en moi ? Aller & venir ſont des
termes qui ne ſe diſent, ni ne peuvent ſe dire proprement de Dieu ;
parce qu'ils renferment l'idée d'un ou de pluſieurs lieux oü l'on
n'eſt pas. Or il implique contradiction que Dieu ſe tranſporte quel
que part où il ne ſoit pas toûjours, puiſqu'il eſt partout & qu'il
contient toutes choſes. Dieu donc ne va jamais nulle part, ni ne :
vient d'aucun endroit. |
Livre premier, chapitre III. 9
C H A P I T R E , I H I.
R E M A R Q U E S.
(1) JVous n'avez nul beſoin que rien vous contienne. Dieu rem
plit toutes choſes, dit Philon, mais c'eſt en les contenant,
& ſans enêtre contenu : c'eſt qu'il eſt ſeul qui ſoit partout,& qui ne
ſoit renfermé nulle part. Il eſt partout, parceque ſa puiſſance ſe
communique univerſellement à tout, ſans ſe partager , & qu'elle
tient inviſiblement toutes choſes liées les unes aux autres dans une
Livre premier, chapitre IV. II
parfaite harmonie. Il n'eſt renfermé nulle part, d'autant qu'aïant
créé & formé tous les corps, auſſi-bien que l'eſpace qu'ils occupent,
il eſt impoſſible que l'Auteur des créatures ſoit renfermé dans ſon
propre ouvrage. -
R E M A R Q U E S.
(1) /07U'êtes-vous, ſinon le Seigneur mon Dieu ? Philon expliquant
ces paroles de Jacob, le Seigneur ſera mon Dieu, dit que le
ſens eſt : c Il n'en agira plus en Seigneur avec moi, mais en Dieu ;
#
» je n'aurai point puiſſance à redouter , mais j'éprouverai par
» tout les effets de ſa bonté toute paternelle, en recevant ſes §
» & ſes graces à pleines mains. Qui pourroit concevoir, ajoute
» t-il, que le Seigneur & le Roi de toutes les créatures , ſans
» changer de nature, ſoit toûjours bon & tendre , qu'il répande
» ſans ceſſe ſes treſors, & qu'il ſoit la ſource intariſſable de tous les
» biens, & l'auteur de la félicité des bienheureux ? »
( 2 ) Vous êtes jaloux ſans trouble. L'Ecriture ſainte parle toû
jours de Dieu avec reſpect : il eſt vrai que pour s'accommoder aux
eſprits groſſiers, elle le compare à l'homme en général, & jamais
à aucun homme en particulier : ainſi elle le repréſente avec des
mains, des pieds, une bouche, parlant , en colere, reſpirant la
vengeance, # tranſportant en haut, en bas & de tous côtés , en
· quoi elle a moins égard à la force des termes, qu'au peu d'intelli
gence de quelques perſonnes, qui ne ſauroient concevoir Dieu,
ue ſous une forme ſenſible, & qui ne rentreroient jamais dans leur
evoir, s'ils n'entendoient dire que Dieu va, vient, monte, deſ
cend, crie, & entre en colere contre les pécheurs , & quelquefois
même ſans retour , qu'il a auſſi des traits, des glaives & d'autres
inſtrumens de vengeance pour punir à jamais les impies. Idem.
K4 Les Confeſſions de S. Auguſtin,
( 3 ) Malheur à ceux qui ne parlent point de vous , puiſque
ceux qui en parlent le plus, ſont de vrais muets. L'Apôtre ſaint
Jude dit de même que les mondains ſont des nuées ſans cau, que
le vent emporte çà & là , ce ſont des arbres qui ne fleuriſſent qu'en
automne ; des arbres ſtériles, doublement morts & déracinés.
Philon tourne agréablement la même penſée; car après avoir dit
que les mondains ne portent aucun fruit, il ajoûte qu'ils ſont par
rapport à Dieu, ce qu'eſt le néant à l'égard du genre humain. Ce
pendant ſaint Auguſtin peut avoir en vûë ici les Manichéens, qu'il
appelle ſouvent loquaces muti, des jaſeurs muets. Voïez plus bas
liv. 7. chap. 2.
XXS2KXS>©S>CS AXS2KXS AXS>©S>(XS2©S>(XS
C H A P I T R E V,
Jer. 2.9. Comme vous êtes la vérité par Non judicio con
eſſence, je n'ai garde de vouloir tendo tecum , qui
conteſter avec vous , ni par con Veritas es : & ego
Pſ 26. nolo fallere meip
12, ſequent me tromper, de peur d'ê- ſum, ne mentiatur
tre la dupe de l'illuſion que mon iniquitas mea ſibi.
iniquité ſe feroit à elle-même. Non ergo judicio
contendo tecum :
Non , Seigneur , je ne veux point
entrer en jugement avec vous ;
quia ſi iniquitates
obſervaveris, Domi
Pſ. 129. parceque ſi vous veniez à compter ne , Domine quis ſuſ
nos péchés , nul mortel ne pourroit en tinebit ?
ſoûtenir l'énorme multitude.
(b ) Bertin. remiſiſti.
R E M A R Q U E S.
(1) N7# me cachez plus votre beauté, qu'ilm'en coûte la vie pour
la voir. Ce n'eſt point de la mort à ſoi-même qu'il eſt ici
queſtion : ſaint Auguſtin demande à Dieu de mourir véritablement,
afin de le voir , puiſqu'il ne peut avoir cet honneur qu'à ce prix,
ſelon cette parole de l'Ecriture, reçûë avec reſpect par toute l'anti
quité ſacrée & profane , qu'on ne pouvoit voir Dieu ſans mourir
Éxod. 33. 2 o. Quand Dieu apparut à Moïſe dans le buiſſon ar
dent, le ſaint Legiſlateur ſe couvrit le viſage, de peur de porter
ſes yeux ſur Dieu même, & de mourir ſur le champ. Gédéon aïant :
reconnu que c'étoit vraiment un Ange qu'il avoit vû, & qui s'étoit
entretenu avec lui, s'écria qu'il étoit perdu : mais le Seigneur le
raſſûra, en lui diſant qu'il ne mourroit point. Sur une ſemblable
apparition & un pareil entretien arrivés au pere & à la mere de
Samſon ,
· Eivre premier, Chapitre V. 17
Samſon, Manué dit à ſa femme : Nous allons mourir , puiſque
nous avons vû Dieu. Une pareille idée porta les trois Apôtres que
JE s U s-C H R 1 s T avoit choiſis pour être préſens à ſa Transfi
guration , à tomber le viſage contre terre au ſon de la voix du
Pere éternel, qui ſortoit de la nuée lumineuſe qui les environnoit
Le ſentiment des Peres, en particulier de ſaint Ambroiſe & de ſaint
Auguſtin, eſt que Dieu ne peut être vû des yeux du corps, & c'eſt
dans ce ſens que ſaint Paul dit, que Dieu eſt inviſible.
Les Païens étoient dans les mêmes principes s ils croïoient qu'ils
ne pouvoient voir les Dieux ſans mourir ou ſans tomber en dé
mence. La folie a toûjours paſſé dans leur eſprit pour un effet de la
vûë, ou de l'obſeſſion de quelque Divinité, telle que Pan, Cerès,
Hecaté, Cybele, Diane, les Corybantes, les Nymphes, &c. Tout
le monde § ce que la Fable raconte de Sémele , laquelle aïant
demandé à Jupiter de ſe montrer à elle avec toute ſa gloire, ne put
foûtenir tant d'éclat, & mourut incontinent.
Saint Auguſtin brûlant du deſir de voir Dieu, demande donc ici
de mourir de la mort du corps, afin de pouvoir ſatisfaire l'ardeur
dont il étoit conſumé, & de prévenir ainſi le danger où l'on eſt ſur
la terre, de mourir éternellement de la mort de l'ame.
( 2 ) j'ai commencé par m'accuſer moi-même devant vous de
mes iniquités. Saint Auguſtin nous apprend un moïen bien court
& bien facile d'obtenir la rémiſſion de nos péchés; c'eſt de les re
connoître nous-mêmes les premiers , de nous en accuſer , & de
nous en humilier devant Dieu : comme il eſt infiniment riche en
miſéricorde, il ne ſauroit tenir contre un aveu ſincere de la part du
pécheur, qui en le déſarmant, fait éclater ſa bonté, qui eſt le prin
cipal attribut de la Divinité. Il a voulu même que ſa conduite fût
la regle de la nôtre : ainfi nous trouvons que cette regle avoit été
érigée en Loi. Les Loix Romaines exemptoient des peines portées
contre les femmes adultéres, celles d'entre-elles qui alloient avoüer
eur crime devant les Ediles. Les Juges de l'Aréopage deman
doient toûjours aux criminels, avant # prononcer leur ſentence,.
quel ſupplice ils croïoient mériter : & s'ils ſe rendoient juſtice,
ils étoient traités doucement. Il n'y a que deux manieres de ſe pur
ger des fautes qu'on nous impute, dit Donat; l'une de prouver
qu'on eſt innocent; l'autre de s'avoüer coupable : la premiere
voïe fait évanoüir l'accuſation, la ſeconde nous excuſe. Refellit qui
megat : purgat qui fatetur & ſie defendit.Voulez-vous, dit Arrien,
cffacer votre péché, avoüez-le & témoignez-en votre repentir,
Tom, l, B
18 Les Confeſſions de S. Auguſtin »
(3) Si vous examinez nos péchés, &c. Si Dieu juge les hommes
ſans miſéricorde, pas un ne peut manquer de périr , car il n'en
eſt aucun qui n'ait fait quelque chûte volontaire ou involontaire.
Philon.
#::::::::::# # # # # # # # # # # # # # # # # # # # # # # # # # # # # # # # #
C H A P I T R E V I.
prendre.
7 S† F R E z donc que je 7 S E D tamen ſine
m'adreſſe au moins à votre me loqui apud
miſericordiam tuam,
Gen. 18.
27.
miſericorde , quoique je ne ſois me terram & cine
que cendre & que pouſſiere. Oüi, rem. ( a ) Sinetamen
c'eſt à elle que je m'adreſſe, & non loqui, quoniam ecce
miſericordia tua eſt,
à un homme qui ſe mocqueroit de non homo irriſor
moi. Peut-être vous en mocquez meus , cui loquor.
vous auſſi ; mais vous changerez · Et tu fortaſſe irrides
bientôt en ma faveur, & vous au ' me , ſed converſus
miſereberis mei.
rez enfin pitié de moi.
Après tout, que veux-je vous Quid enim eſt quod
dire, ô mon Dieu, ſinon que je ne volo dicere, Domine
( a) Bertin. sum Camer, ſine me tamen loqui,
. £}vre premier, Chapitre VI. 19"
£)eus meus, nifi quia fai d'où je fuis venu en ce mon
Anefcio unde venerim
huc, in iftam, dicam
<de , ni fi la vie dont je joüis, doit
être appellée ou vie mortelle, ou
( b ) vitam morta
ÌTlOIt V1V21ntc.
lem, an mortem vi
talem, nefcio.
Et fufceperunt me Comme il ne me refte aucun
confolationes mifera fouvenir de ce qui fe paffa alors ;
cionum tuarum, ficut ceux dont vous m'avez fait naître.
audivi à parentibus m'ont appris que ( 1 ) votre mife
carnis meae , ( c ) ex
•quo&inqua formafti ricorde me fcqut entre fes bras,
me 1n tempore : non & pourvut à mes befoins , en me
enim ego memini. foiirniffant le lait quiétoit necef
Exceperunt ergo me faire à ma nourritufe. Car ni ma
confolationes T laétis mere , ni mes nourrices ne fe rem
humani. jNec mater
mea , vel nutrices pliffoient pas elles - mêmes les
meae fibi ubera imple mammelles : c'étoit vous, mon
bant ; fed tu mihi Dieu , qui les leur rempliffiez,
per cas dabas alimen
tum infantiae , fecun
É'; fuftenter mon enfance, felon
düm inftitutionem es décrets d'une providence qui
tuam, & divitias ( d ) £egle , & propoftionne tou? à
ad fundum ufque re 1'effence même de chaque ètre.
rum difpofitas.
( b ) Ita Mss. fermè- omnes &• editio per Antonium Arnalalum,
Idoäorem Sorbomicum adornata , ubi verbum , nefcio, refertur ad
./uperiorem fententiam, unde venerim hüc, quâ fe Auguffimus fi
gnificat circa anim& originem fluäuare. At Bad. Am. &. Er. ha
bent : in iftam dico mortalem vitam : mortalem dicam vitam , an
mortem vitalem nefcio. £uam leäionem Lovanienfes cum D. Du
beis ad trium MSS. fidem fic mutarumt : in iftam dicam mortalem
vitam, an mortem vitalem nefcio.
( c ) Aquicinâ. Torm. .1 Bad. Am.Er. &• Lov. Ex qua & in qua.
verius porro in feleäioribus MSS. &• im editione Autonii Armaldi
pro defignamdo utroque parente, ex quo & in qua;
( d) Ita Bertimian.quod firmatur Aquicimäenß cod. divitias uf- .
que fundamentum ad fundum ufque rerum difpofitas. Alii cum
editis, divitias ufquc ad fundum rerum difpofitas. _ .
- Bij
"2O Les Confeſſions de S. Auguſtin ,
Tu etiam mihi da
C'étoit auſſi vous qui faiſiez que bas nolle ampliüs
je n'en voulois pas prendre au-de quàm dabas ; & nu
là de ce que vous vouliez m'en trientibus me dare
donner , & que celles qui me mihi velle quod eis
nourriſſoient, vouloient bien me dabas : dare enim
non memini.
(e ) Bertin, quod exeis, ſed non per eas.
Livre premier, chapitre VI. 2,I
R E M A R Q U E s.
t1) JVotre miſéricorde me reput entre ſes bras. Saint Auguftin
nâquit le 1 ;. de Novembre de l'an 354.
( 2 ) Vous êtes non ſeulement avant tous les ſiécles , mais encore
vivant tout ce qu'on peut concevoir auparavant. Rien de créé ne
peut avoir été avant tous les fiécles, parceque la création de quel
§ être que ce ſoit, eſt néceſſairement liée au tems , & que les
iécles font partie du tems, & diſtinguent le tems. On ne ſauroit
donc concevoir rien d'exiſtant avant tous les ſiécles, cxcepté Dieu.
Néanmoins ſaint Auguſtin ſemble ſuppoſer le contraire ; mais c'eſt
qu'il réfute en paſſant les extravagances des Gnoſtiques, des Va
lentiniens & de quelques autres Hérétiques ſemblables, qui admet
toient pour dogmes, que leurs Eons exiſtoient longtems avant la
CICatIOn.
sºnºrºxxxºººººººººººººRRR
C H A P I T R. E. V I I.
Les enfans mêmes ne ſont point exemts de pèchés actuels, Af
quelle marque on connoît ces péchés. L'innocence des en
fans n'eſt que leur impuiſſance, & leur imbécillité. Trait
ſingulier d'un enfant. Pourquoi on ſouffre les défauts des
enfans. Quel don Dieu nous fait en nous donnant le corps
que nous avons. Le tems de l'enfance doit-il être compté
pour une partie de notre vie ?
"S† propice, ô
mon Dieu , & faites tom-
11 EX#vº,Dº.
L Vae §
b lere ſur l échés des hominum. Et nomo
hommes.
† ºº ººº
er votre colere ſur
Quoique ce ſoit un pe-
dicit hac, & miſere
ris ejus : quoniam tu
cheur qui vous parle ainſi, il eſt feciſti eum, & pecca
l'objet de vos miſéricordes, ( 1 ) tum non feciſti ince
parce que vous l'avez fait, & que
vous n'avez point fait ſon péché.
Livre premîer, chapitre VH. 27
Quis me (a) com · Qui pourra me rappeller les pé
memorat peccatum chés de mon enfance ? Car devant
infantiae meae ? quo
niam nemo mundus à vous perſonne n'eſt exempt de pé
peccato coram te; nec ché, pas même l'enfant d'un jour. Job. 25.4.
infans, cujus eſt unius Qui me rappellera donc mes pé
diei vita ſuper-ter chés ? Sera-ce cet enfant ſi tendre,
ram. Quis me com dans lequel je remarque ce qui ſe
memorat ? An quili
bet tantillus nunc paſſoit en moi à cet âge, & dont
parvulus, in quo vi je ne puis me reſſouvenir ?
deo quod non memi
ni de me ?
Quid ergo tunc Mais en quoi pouvois-je alors
cabam ? An quia pécher ? Etoit-ce en témoignant
uberibus inhiabam
par mes pleurs trop d'empreſſe
plorans ? Nam ſi nunc ment de teter ? Il eſt vrai que ſi je
faciam , non quidem
uberibus , ſed eſ me portois à préſent à prendre la
cae congruenti annis nourriture convenable à mon âge
meis ita inhians, de avec autant d'impatience, que je
ridebor atque re me portois à prendre celle qui
prehendar juſtiſſimè. m'étoit propre alors, je mérite
Tunc ergo reprehen rois la raillerie, & la correction
denda faciebam ; ſed
quia reprehendentem de tout le monde.Ainſi, quoique
intelligere non pote
ram, nec mos repre
l'uſage & la raiſon ne §
hendi me, nec ratio
point qu'on m'en fît des répri
ſinebat. Nam extir mandes, puiſque je n'aurois pas
pamus & ejicimus iſ entendu celui qui m'auroit repris;
ta creſcentes. Nec vi j'étois blâmable en cela ; auſſi me
di quemquam ſcien ſuis - je défait avec l'âge de ces
(a) Camer. Lovan. & Arnald. Quis mihi commemorat ? Bad.
Am. & Er. Quis mecum commemorat ? Sed vera lectio eſt quam
MSS. ope reſtituimus , juxta quem loquendi modum in libro de
Magiſtro cap. 1. dicit Auguſtinus : Duas jam loquendi cauſas con
ftituo, aut ut doceamus, aut ut commemoremus vel alios, vel
noſmetipſos.
28 Les confeſſions de S. Auguſtin ,
mauvaiſes manieres, comme tout tem , cûm aliqu{d'
le monde fait : or on ne vit ja purgat, (b)bona pr
mais un homme ſenſé chercher à jicere. -
R E M A R Q U E S.
(I) P Arce que vous l'avez fait. Cette penſée eſt tirée du Livre
de la Sageſſe, chap. 1 I. 25. Voici comme parle l'Auteur
Sacré : » Vous avez compaſſion de tous les hommes, Seigneur,
» parce que vous pouvez tout; & vous diſſimulez leurs péchés, afin
» qu'ils faſſent pénitence. Car vous aimez tout ce qui eſt, & vous
» ne haïſſez rien de tout ce que vous avez fait, puiſque ſi vous l'a-
» viez haï, vous ne l'auriez point créé. Qu'y a-t-il qui pût ſubſiſ
» ter ſans votre ordre ? Mais vous êtes indulgent envers tous,
» parce que tout eſt à vous, ô Seigneur, qui aimez les ames. »
(2 ) Les meres & les nourrices en préviennent les funeſtes effets.
C'eſt ainſi qu'il faut traduire cet endroit, qui n'a point été entendu.
On ne ſauroit exprimer à quel point les anciens étoient en garde con
tre l'envie & les envieux. Ils étoient fortement perſuadés que ceux
qui étoient rongés de ce vice, nuiſoient de toutes les parties de
leur corps, ſur tout des yeux & de l'haleine. Ils prétendoient mê
me que la ſeule volonté de l'envieux étoit capable de tout empoi
ſonner. Cette erreur avoit gagné tous les eſprits, même ceux des
Juifs, comme on le voit par plufieurs endroits de l'Ecriture, qui
parle ſouvent de l'envieux ſous le nom d'œil mauvais ou malin,
parce que les yeux ont paſſé ſouvent pour être le ſiége de l'envie.
Pour ſe garantir du mal qu'un envieux faiſoit ou pouvoit faire
par ſes regards ou autrement, on portoit ſur ſoi, ou l'on pendoit
en quelque lieu de la maiſon des figures mauſſades, ſales ou obſcé
nes Les Romains les appelloient amuletum , mutinum, bulla, &c.
qu'ils convertirent enfin en Dieu appellé Faſcinus, dont ils confie
rent le culte aux Veſtales. Ils attachoient ſa figure au col des en
fans de l'Empereur & à l'imperiale du char des Vainqueurs. Pline
lui donne le nom de Médecin de l'envie, & Plutarque dit que les
machines ridicules qui le repréſentoient, avoient la vertu d'attirer
tout le mal que l'envie a coutume de produire, de la même maniere
que les araignées, les crapaux & autres inſectes & animaux veni
meux, que certaines gens tiennent dans des vaſes d'argile & de
verre, attirent le venin des chambres où on les met. On trouve
52. Les Confeffions de S. Auguſtin ,
auſſi dans Théocrite; qu'on ſe crachoit dans le ſein, pour ſe gas
1antir des funeſtes effets de l'envie. -
« ssººsººsººssº sººsººsºvº
C H A P I T R E V I I I.
I3. E Nmentcroiſſant
tous les inſenſible-
jours , je 13, NT9Nº#,º
infantiâ huc
ſuis venu à l'âge qu'on appelle pergens venu un pue
pueril, ou plûtôt cet âge m'eſt ritiam,vel potius ipſa
in me venit, & ſuc
venu trouver,'& a pris la place ceſſit infantiae ? Nec
de l'enfance ; cependant l'enfan ceſſit illa, quò enim
abiit ? & tamen jam
ce ne m'avoit point quitté, car non erat. Non enim
où ſeroit - elle aliée ? ſeulement eram infans qui non
elle n'étoit plus. Je n'étois pas farer , ſed jam puer
· non plus un enfant qui ne parle loquens eram.
pas encore , mais j'étois un en
fant qui commençoit à parler.
· Je me ſouviens aſſez bien de Et memini hoc; &
unde
Livre premier, Chapitre VIII. · 33
unde loqui didice tout cela ; & j'ai obſervé depuis
rim (a) poſt adverti. par où j'ai appris à parler : ce n'a
Non enim doccbant
me majores homi pas été par le ſecours des maî
nes, praebentes mihi tres qui m'aient préſenté les pa
verba certo aliquo roles rangées ſelon certaines ré
ordine doctrinae, ſi gles , comme on m'a montré
cut paulò poſt litte
ras: ſed egoipſe men les lettres , quand j'ai appris à
te quam dediſti mihi, lire, mais par la force de l'in
Deus meus, cum ge telligence dont vous m'avez doüé,
mitibus & vocibus ô mon Dieu ; car comme je
variis, & variis mem m'éforçois par des larmes , par
brorum motibus, ede
re vellem ſenſa cordis des cris, & par diférens mouve
mei, ut voluntati pa mens que je faiſois , de faire
reretur, nec valerem entendre ce que je voulois, afin
qux volebam omnia, qu'on y ſatisfît, & que je ne le
nec quibus volebam pouvois ni en toutes choſes, ni en
omnibus, (b) praeſo
nabam memoriâ,cim toutes manieres, je bégaiois à la
ipſi appellabant rem faveur de ma mémoire le ſon des
aliquam, & cûm ſe choſes que je voulois : parce que
cundum eam vocem je comprenois & retenois déja
corpus ad aliquid fort bien, que quand d'autres pro
movebant, videbam,
& tenebam hoc ab eis nonçoient quelque parole, & que
ſelon le ſon qui lui
eſt propre, ils
vocari rem illam ,
quod ſonabant cum s'avançoient vers certaines cho
eam vellent oſtende ſes, ce ſon étoit le nom qu'ils
re. Hoc autem eos
donnoient à la choſe qu'ils vou
velle, ex motu corpo
ris aperiebatur, tam loient déſigner. Or je ne me trom
quam verbis natura pois point à ces mouvemens du
libus omnium gen corps.Auſſi eſt-ce un langage re
( a ) Bertin. Didiceram..
(b ) Lov. Prenſabam. Bad. Am, Er. & Arn. cum nonnullis MSSS
Penſabam. Aquic. Tornac. Bertin. Giſlen. & Cam. Præſtabam.
Melior viſa eſt lectio MSS. Corbeienſis, Foſſatenſis & aliorum ep
tima nota, qui habent praeſonabam.
7 ome J, C
34 Les Confeſſions de S. Auguſtin,
çû chez toutes les nations, pour tium , quae fiunt vul
tu, & nutu oculorum,
avoir, pour conſerver, pour re ceterorumque mem
fuſer , ou pour rejetter quelque brorum actu, & ſoni
choſe , de faire des ſignes des tu vocis indicante af
fectionem animi in
yeux, de la tête , ou des autres
parties du corps, ou enfin de for petendi s, habendis,
( c ) rejiciendis , fa
mer quelque ſon. ciendiſve rebus.
Ita verba in variis
C'eſt ainſi qu'à force d'entendre ſententiis locis ſuis
les mêmes termes, mis chacun en poſita, & crebrô au
ſa place dans les diférens diſcours dita, quarum rerum
qu'on tenoit devant moi, j'en ſigna eſſent paulatim
appris peu à peu la ſignification, colligebam, meaſque
voluntates , edo
& dreſſant ma langue à les pro jam
mitoin eis ſignis ore,
noncer , je m'en ſervis à expri per haec enunciabam.
mer mes penſées. Voilà de quelle Sic cum his inter
ſorte j'entrai en commerce avec quos eram , volunta
ceux qui m'environnoient : & ce tum enunciandarum
fut comme les premiers pas, que ſigna communicavi,
& vita humana pro
re ſe
je fis dans la carrie orageu de celloſam ſocietatem
la ſocieté humaine , demeurant altiüs ingreſſus ſum,
toûjours aſſujetti à mes parens, & pendens ex parentun
ſoûmis à la volonté des perſonnes - auctoritate, nutuque
majorum hominum
plus âgées.
: ( c ) Germ. prior, Bertin. Tornac. I. Giſlen. cum Sommalio, fu
giendis, faciendiſvc rebus. Dubois, rejiciendis, faciendiſve rebus.
Livre premier, Chapitre IX. · 35
S^t/&&&&cc/bc/bc/bc/ot/sºc/bc/sc/cc/cc/cc/bc/bc/3:c/sc/sc/s
- C H A P I T R E I X.
Faux préjugés qu'on inſpire aux enfans. La loi qu'on s'eſt
faite pour leur éducation, ne fait que multiplier les maux
auſquels les hommes ſont condamnés. Idée que S. Au
guſtin avoit de Dieu en ce tems-là. A quel point il crai
gnoit les châtimens. On punit les enfans pour les mêmes
fautes, qu'on paſſe aux hommes faits. -
»
38 Les Confeſſions de S. Auguſtin ,
faits : & les hommes faits ne châ habere voluiſti pro
illâ aetate ſatis ; ſed
tient les enfans que de ce qu'ils delectabat ludere ; &
font eux-mêmes ; & perſonne n'a
vindicabatur in nos
pitié ni des uns, ni des autres. ab eis qui talia uti
r
que agebant. SedMA
3 o R U M nugae ne
gotia vocantur; pue
rorum autem talia,
cüm fint, puniuntur
à majoribus, & ne
mo miſeratur pue
ros , vel illos , vel
utroſque.
En effet, un homme qui juge Niſi verò approbet
ſainement des choſes, pourroit-il quiſquam bonus re
approuver qu'à cet âge je fuſſe ba rum arbiter vapulaſ
ſe me , quia lude
tu pour avoir joüé à la paulme, & bam pilâ puer, & co
pour avoir par là retardé le pro ludo impediebar quà
grès que j'aurois dû faire dans l'é- minus celeriter diſce
tude, qui devoit me rendre plus riº rem litteras, quibus
dicule, quand je joüerois dans un major
derem;
deformiûs lu,
(d) aut aliud
âge plus avancé ? Eſt - ce que le
faciebat idem ipſe à
maître qui me châtioit , ne don quo vapulabam , qui
noit pas dans les mêmes excès ; ſi in aliqua quaeſtiun
cula à condoctore ſuo
lui qui au moindre avantage que
ſon Collegue avoit ſur lui dans victus eſſet, magis bi
le atque invidiâ ( e )
quelque queſtion de peu d'impor torqueretur > quam
tance, étoit plus piqué de colere ego cum un certam1
& d'envie, que je ne l'étois, lorſ ne pilae à conluſore
qu'un de mes Condiſciples mega meo ſuperabar,
gnoit à la paulme.
: ( d ) Apud Bad. Am. Er. & Lov. haud.
( e ) Bertin. Giſlen. & Torn. I. torquebatur,
- .
Livre premier, Chapitre IX. 39
R E M A R Q U E S.
(1 ) J E ſai que par ſtupidité, & c. Par ſtupidité S. Auguſtin
entend la férocité, la vaine gloire & autres paſſions ſem
blables de goût & de tempérament, qui portent certains aventu
riers à mépriſer, à braver même les plus cruels tourmens. L'hiſ
toire fournit l'exemple d'un Calanus, d'un Zarmanochegas & d'un
Peregrin, leſquels en différens tems ont fait dreſſer de ſang-froid
des bûchers avec faſte & un grand appareil, s'y ſont placés en pré
ſence d'un concours infini de monde, y ont fait mettre eux-mê
mes le feu, & y ont été ainſi §. . Perſonne n'ignore avec
quelle intrépidité Mutius Scevola brûla ſa main en préſence de
Porſenna, pour ſe punir d'avoir manqué ſon coup en tuant un
autre que Porſenna même. De tout tems dans les Indes la coûtume
a été, qu'après la mort du mari, celle de ſes femmes qui étoit
la plus chérie, ſe jettât elle-même dans les flâmes, & y expirât
ſur le corps de ſon époux. Cette pratique dure encore & s'obſerve
de la part des femmes avec une émulation qui n'a rien de leur ſexe
qu'une ſtupide opiniâtreté. Toutes aſpirent à cette gloire, & cha
cune fait valoir § droit avec chaleur ; & ce n'eſt qu'avec des yeux
d'envie qu'elles voient celle de leurs rivales qui a été préferée. Je
ne rapporte que ces traits entre mille autres qui ſe préſentent. On
ſent d'ailleurs aſſès que ceux qui ont donné, & qui donnent en
core ces ſortes de ſcénes, n'ont pû avoir pour motifs que l'oſten
tation, l'amour propre, le déſir de faire parler de ſoi , l'orgueil,
la haine & autres ſemblables vices ; & qu'il étoit réſervé à la Re
ligion Chrétienne, d'en produire de pareils par pure vertu.
( 2 ) Mépriſer les chevalets, les ongles de fer, & c. On peut juger
par ce ſeul endroit de la violence des tourmens, qu'on faiſoit ſouf
frir aux Martyrs, & quelle étoit la conſtance de ceux qui les ſoû
tenoient : elle tenoit du miracle , nul autre que Dieu ne pouvoit
l'inſpirer. On eſt encore ſaiſi d'horreur au ſimple récit des épreu
ves par où tant de Héros ont paſſé, & l'image des inſtrumens de
leurs ſupplices glace le ſang de quiconque les conſidere. Auſſi les
plus grands-Saints trembloient-ils dans la crainte de ne pouvoir
fournir leur carriere. Un beau mot de S. Paulin Evêque de Nole,
fait voir quelle étoit alors la ſituation des Martyrs, quoiqu'en des
circonſtances un peu différentes. Ce S, après avoir diſtribué aux pau
vres ſes richeſſes qui étoient immenſes, ſe vit avec toute l'Italie,
C iiij
4© Les Confeſſions de S. Auguſtin ,
& en particulier avec ſes Diocéſains, en proie à la fureur des Goths,
Comme ces Barbares cherchoient moins à faire des conquêtes,
qu'un riche butin, il n'eſt aucun genre de torture qu'ils ne miſſent
en œuvre, pour obliger ceux qui tomboient entre leurs mains à
leur découvrir leurs tréſors ; ou du moins à leur paier une groſſe
rançon. Saint Paulin craignant pour lui un pareil traitement, s'a-
dreſſe à Dieu dans l'amertume de ſon cœur, & lui dit : » Ne per
» mettez pas, Seigneur, que je ſois tourmenté ni pour de l'or, ni
» pour de l'argent : Vous ſavez bien où ſont toutes mes richeſſes. »
22 *************************** As
C H A P I T R E X.
R E M A R Q U E S.
(1) Il n'y a preſque point de Pere qui ne ſouhaite d'y voir éle
ver ſes enfans. C'eſt qu'il n'y avoit que les Magiſtrats, qui
euſſent le droit de donner des ſpectacles, & qu'on ne parvenoit
alors à la magiſtrature que par le mérite. Comme on étoit fou
des ſpectacles , les Magiſtrats ne pouvoient rien faire de plus
agréable que d'en donner ſouvent ; il eſt vrai qu'ils étoient reſ
treints à des ſpectacles particuliers, qui étoient tous en leur hon
neur, comme ils étoient à leurs dépens : au lieu que les ſpecta
cles publics & ordinaires, étant fixés par les loix, étoient conſacrés
aux Dieux, & que le tréſor public ou le fiſc en faiſoit la dépenſe.
L'une & l'autre ſorte de ſpectacles avoit cela de commun, qu'ils
coûtoient des ſommes immenſes ; qu'ils ſe donnoient pendant plu
ſieurs jours ; que les premiers jours étoient jours de fête : qu'ils
étoient mêlés de ſacrifices, & enfin que les Magiſtrats y préſi
doient, y avoient tous les honneurs, & y adjugeoient les prix aux
Vainqueurs. Deux choſes ont contribué à modérer d'abord, & en
ſuite à éteindre l'ardeur qu'on avoit pour les ſpectacles : 1o. La Rc
Iigion Chrétienne qui les a toûjours interdits aux Fidéles. 2°. La
ruine des familles entieres , que les frais des ſpectacles entraî
noient néceſſairement.
Livre premier, chapître XI. 43,
-
$36,38,3ec3e3638,3tºº38383e&se3638 se,3e#366636363eºs
--
C H A P I T R E XI.
- )
* .
R E M A R Q U E S. -
G#)
48 Lcs confeſſions de S. Auguſtin,
#####â#
C H A P I T R E X I I.
R E M A R Q U E S.
(1) L# biens & les honneurs ne ſont au fond qu'indigence &»
opprobre. Le mende eſt rempli d'eſtime pour les biens &
pour les honneurs : c'eſt qu'il meſure la grandeur par-là ; mais
quelque cas qu'il faſſe des biens & des honneurs, il ne peut s'em
pêcher d'eſtimer & d'admirer ceux qui ſavent les mépriſer; preu
ve certaine que les biens ne ſont pas vraiment des biens, & que
les honneurs ne ſont pas effectivement des honneurs : mais que
les uns & les autres ſont, comme dit S. Auguſtin, indigence &
opprobre. V.
R E M A R Q U E S.
#S32e#82,32s,S32e,S2#32 S32e
- C H A P I T R E X I V.
1 G
-
âge je haïſſois néan-
i fredonnoit t1am
.; G ra cam e
IaIIlIIlat1Cann
moins le Grec , qui oderam talia cantan
/
menter.
Nam & Latina ali º†
- Il eſt vrai que lorſque j'étois en
quando, infans uti maillot, je ne ſavois pas non plus
que, nulla noveram ; un mot de latin : je l'ai pourtant
& tamen advertendo
didici, ſine ullo metu
† ſans eſſuïer ni menaces ni
atque cruciatu, inter châtimens, à meſure que je deve
etiam blandimenta nois capable de réfléxion , parmi
nutricum, & joca ar les careſſes de mes nourrices , &
ridentium, & laetitiasparmi les ſoûris & les amuſe
alludentium. Didici
verò illa ſine pœnali mens de ceux qui me faiſoient
onere urgentium,cüm ·joüer. Oüi je l'ai appris , mais
me urgeret cor meum ſans avoir à craindre aucun mau
R E M A R Q U E S,
$323232323�
C H A P I T R E X V.
R E M A R Q U E S.
( 1) Exº , Seigneur, l'hnmble priere que je vous fais. Ce
Chapitre eſt une ſuite, ou plûtôt la concluſion du pré
cédent. S. Auguſtin y remercie Dieu des loix qu'il a ſi ſagement
établies, pour rappeller ceux qui s'en étoient écartés, en aſſai
ſonnant d'amertumes les plaiſirs empoiſonnés qui les attachoient
icibas.Il appelle ces amertumes, Correction, Main, ou Coups de
la main de Dieu. - -
-
/
64 Les confeſſions de S. Auguſtin,
tres qui étoient verſés en tous genres d'écrire, compoſerent eà
proſe & en vers une infinité de Traités ſur toutes ſortes de ſujets,
qu'ils mirent entre les mains des jeunes-Gens, où ils apprenoient
tout ce qui peut ſervir à polir & éclairer l'eſprit , à exercer la
† , & à former le cœur , ſans danger d'y ſucer le poiſon
U1 V1CC.
# # # # # # # # # # # # # # # #????????# # # # # # # # # # # # # # # # # # # #
C H A P I T R E X V I.
Funeſtes effets de la Coûtume. Combien les livres des Poé
tes ſont pernicieux à la Jeuneſſe. Pourquoi les Auteurs
de la Mythologie ont fait les Dieux impudiques. Vante
ries des Profeſſeurs. Abus que fait un Débauché de la
Fable de Danaé. Ce ſont les choſes & non les termes
qui corrompent les mœurs.
25• A 1 s malheur à toi, 25. Q E D væ tibi
flumen moris
torrent funeſte de la
humani ! ( a ) Quis
Coûtume ! Qui peut te réſiſter ? reſiſtet tibi ? Quam
Ne tariras-tu jamais ? Juſqu'à diu non ſiccaberis ?
uand entraîneras - tu les enfans Quouſque volves E
væ filios in mare
, d'Adam dans cette mer profonde magnum & formido
& dangereuſe , que ceux même loſum , quod vix
qui montent le vaiſſeau ſalutaire tranſeunt qui lignum
de la Croix , ont tant de peine conſcenderint ? Non- .
à paſſer? N'eſt-ce pas toi qui m'as ne ego in te ( b) legi
mis entre les mains les livres qui & tonantem Jovem
Tom. I. E
66 Les Confeſſions de S. Auguſtin,
ſpectacle eſt d'une autre conſé cüm hoc agitnr pu
quence , (4 ) quand la ſcéne ſe blicè in foro, in con
paſſe dans les † publiques par ſpectu legum ſupra
mercedem ſalaria de
autorité des loix , qui ajoûtent cernentium ; & ſaxa
des gratifications au ſalaire or tua percutis & ſonas
dinaire. Là tu frappes en mu dicens, » Hinc verba
» diſcuntur : hinc ac
giſſant les rochers qui bordent
tes eaux , & tu fais retentir ces » quiritur eloquentia,
» rebus perſuadendis
paroles : « C'eſt ici où l'on ap » ſententiiſque expli
» prend la force des termes, c'eſt » candis maximè ne
» où l'on puiſe cette éloquence ſi » ceſſaria.22 Ita verò
- » néceſſaire pour bien exprimer non cognoſceremus
verba hacc ; imbrem
» ſes penſées, & pour perſuader aureum , & gre
» ſes Auditeurs. » Quoi, nous ne mium , & fucum , &
ſaurions point ce que ſignifient, templa cali, & alia
pluie d'or , ſein , illuſion , voûte du verba quae in eo loco
Ciel, & tels autres termes qui re ſcripta ſunt, niſiTe
rentius induceret ne
gardent le même ſujet , ſi Té quam adoleſcentem ,
rence n'avoit introduit dans une
proponentem ſibi Jo
de ſes Comédies un jeune débau vem ad exemplum
ché, qui ſe propoſe de conten ſtupri, dum ſpectat
ter ſa paſſion par l'exemple de tabulam quamdam
pictam in pariete,
Jupiter, en arrêtant ſes yeux ſur
une peinture à freſque, † fC
ubi inerat pictura
haec, Jovem quo pa
préſentoit ( 5 ) ce Dieu ſurpre cto Danaae miſiſſe
nant Danaé ſous la figure de je aiunt in gremium
ne ſai quelle pluie d'or, qu'il fai ( e ) quemdam im
ſoit tomber dans ſon ſein ? Voïez brem aureum , fu
cum factum mulieri ?
comme il ſait mettre à profit les Et vide quemadmo
leçons de ce prétendu maître du dum ſe concitat ad
Cielº » mais quel Dieu, dit-il ? libidinem, quaſi cae
» C'eſt celui - même qui par le leſti magiſterio. « At
· R E M A R Q U E S.
(1 ) L# Livres qui repréſentent fupiter tonnant & adultere.
* Jupiter que la Fable donne pour être le pere des Dieux
& des hommes, étoit fils de Saturne & de Cybéle : comme il avoit
le ciel en partage, l'antiquité le repréſente armé de la foudre.
Son penchant pour les femmes l'a fait transformer tantôt en cy
gne, tantôt en taureau, quelquefois en aigle, d'autrefois en bé
lier, ici en ſerpent , & la en pluie d'or. Il eſt certain qu'il étoit
né ea Créte, qu'il y avoit regné, & qu'on y voïoit ſon tombeau
dans des tems aſſès bas.
( 2 ) Quel Philoſophe de bon ſens : à la lettre, quel de nos Mai
tres porte-manteaux, ou revêtus de manteaux. J'ai déja dit que
Ie manteau étoit la marque & comme le ſymbole des Philoſo
phes. Ciceron, que S. Auguſtin appelle auſſi porte-manteau, ex
eodem pulvere , ne ſouffre pas qu'on entende ici autre choſe ;
car quoiqu'il fût auſſi grand Philoſophe qu'il étoit excellent Ora
teur, il ne fut jamais Grammairien, du moins dans le ſens que
notre Saint parle des gens de cette profeſſion. Cependant ſi l'on
rapproche ce qui eſt dit dans la ſuite de ce qu'on a vû dans le
chap. 13. Pemulati Magiſtri, pourroient fort bien être les Gram
mairiens. Si cela eſt, c'étoient ceux que les Grecs du tems de ſaint
Auguſtin honoroient du nom de Sophiſtes, qui faifoient profeſ
ſion d'enſeigner une philoſophie civile & de former les jeunes
gens pour les mœurs & pour l'éloquence : & c'étoit proprement
à quoi ſe réduiſoit alors le métier de Philoſophe. A dire vrai,
Tertullien ſur la fin du livre qu'il a § à la loüange du
Manteau, fait gloire de dire que de ſon tems, tous ceux qui fai
ſoient profeſſion d'enſeigner les beaux arts, affectoient de porter
auſſi le Manteau. Mais tout ce qu'il dit, n'eſt qu'une fade décla
mation, qui ne met point le Manteau à couvert du mépris &
du décri général, où il étoit tombé depuis long-tems.
( 3 ) Ce ſont toutes fictions d'Homere. Homere eſt le plus ancien
Auteur profâne, dont les écrits ſe ſoient conſervés juſqu'à nous.
Quoiqu'il n'ait fait ou laiſſé que des vers, il a toûjours paſſé
pour le modéle des vrais Orateurs & des excellens Poëtes. Un
Ancien diſoit, que tous les Poëtes qui ſont venus après lui, n'é-
toient que des gueux revêtus de ſes dépoüilles. Les deux Poëmes
qui ont immortaliſé ſa mémoire, ſont l'Iliade & l'Odyſſée. C'eſt
Xivre premier , chapitre XVT 69,
principalement dans l'Iliade que ce Poëte donne aux Dieux les
foibleſſes des hommes, comme le lui reproche ici S. Auguſtia
d'après Ciceron.
,t 4) La ſcéne ſe paſſe dans les places publiques, Les places
publiques ou marchés des Anciens, étoient le théâtre & le ren
dez - vous des beaux eſprits & des grands hommes, & c'eſt-là
ue les uns & les autres s'éforçoient de briller, & de ſe ſurpaſ
§ mutuellement. C'étoient de grands bâtimens quarrés, ob
longs ou ovales, entourés d'un ou de pluſieurs portiques, & diſ
tribués auſſi en pluſieurs quartiers..C'eſt-là que ſe tenoient les
aſſemblées, qu'on haranguoit le peuple, qu'on rendoit la juſtice,
qu'on faiſoit les traités, qu'on plaidoit les cauſes des criminels,
u'on terminoit les différends & les procès, que ſe faiſoient les
élections des Magiſtrats, des Officiers, &c. qu'on jugeoit du mé
rite, qu'on célébroit les jeux, qu'on donnoit les ſpectacles, qu'on
vendoit les denrées & toutes ſortes de marchandiſes , & enfin
u'on faiſoit leçon publique à la jeuneſſe. D'abord tous les Pro
§ y furent admis ; mais dans la ſuite il n'y eut que ceux
qui furent nommés par le Magiſtrat , qui y fuſſent reçûs : tous les
autres étant exclus de cet honneur, comme S. Auguſtin l'inſinuë
clairement dans cet endroit.
( 5 ) Ce Dieu ſurprenant Danaé. Acriſe Roi d'Argos & pere
de Danaé, enferma ſa fille dans une tour d'airain pour l'empêr
cher de ſe marier, ſur la foi d'un Oracle qui avoit prédit, qu'un
fils qui naîtroit d'elle, devoit le déthrôner. Mais Jupiter ſe joüa
de toutes ſes précautions en ſe gliſſant dans le ſein de Danaé ſous
la forme d'une pluie d'or. Le Jupiter de la fable n'eſt autre que
Prétus, qui à force d'argent corrompit la fidélité des Gardes, pour
entrer dans la tour où Danaé étoit enfermée.
7 #
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7 #
- E iij
|
7o Ees confeſſions de S. Auguſtin ,
•e ê ê ê ê ê ê ê ê ê ê ê ê ê ê ê ê 8
c H A P °T R E xv II.
Embarras où les Régens jettoient ſaint Auguſtin. Effets
· diférens que produiſent dans le cœur des enfans , les di
férens ſujets ſur leſquels on les exerce. Les applaudiſ
ſemens de ce monde qe ſont que du vent & de la fu
mée.
E iiij
72 Ee5 Confeſſions de S. Auguſtin,
R E M A R Q U E S.
( 1 ) pro loüanges auroient fixé infailliblement l'inſtabilité. de,
/ mon cœur , & c. Pour entendre cet endroit & le reſte du.
chapitre, il faut rapprocher nos mœurs de celles du ſiécle de S,
Auguſtin, & faire attention à deux choſes : La premiere, que le la
tin inane ou inania que je rends ici par chimeres , ſignifie dans le
propre un eſpace où il n'y a aucun corps ſolide, comme l'eſpace
immenſe des airs, ou celui qu'habitent'les ombres dans les en
fers. La ſeconde, que les mots proie honteuſe des oiſeaux, mar
uent le plus § affront qui pouvoit arriver à quelqu'un après
# mort , c'étoit d'être expoſé en quelque endroit élevé, comme
ſur un arbre, ſur les murs d'une ville & ailleurs, pour être dévoré
par les vautours, & les autres oiſeaux carnaciers. -
C H A P I T R E x V I I I.
c'e qui l'avoit gâté dans ſon enfance. Dieu garde à pré
ſent le ſilence ſur nos déréglemens. Comment on s'éloi
gne de Dieu. Soin qu'ont les hommes d'obſerver les ré
gles de la Grammaire. Leur négligence à garder cel
les que Dieu a établies. Loi éternelle gravée dans le
cœur de tous les hommes. Conduite de Dieu à l'égard
des pécheurs. Aveuglement d'un homme qui ſe livre à
la haine. -
28. A 1 s jefaut
que - il s'étonner
donnaſſe aveu- 28. UtCIIl1 D Ill1
au
- uòd in vanita
glément dans des choſes ſi frivo- "º" "
L^
Livre premier, chapitre XVIII. 73
tes ita ferebar, & à les, & que je m'éloignaſſe ainſi
te, Deus meus, ibam de vous , ô mon Dieu, dans un
foras ; quando mihi
imitandi propone tems où l'on me propoſoit pour
bantur homines, qui
modéle des gens, que je voïois
aliqua facta ſua non couverts de confuſion ( 1 ) au.
mala ſi cum barbariſ moindre barbariſme ou ſoléciſ
mo aut ſolœciſmo
me, qu'on relevoit au milieu des
enunciarent, repre récits qu'ils faiſoient des traits
henſi confundeban
tur ; ſi autem libidi honorables de leur vie : au lieu
nes ſuas integris & qu'ils s'applaudiſſoient des loiian
ritè conſequentibus qu'on donnoit à l'élégance, à la
verbis copiosè orna pureté & à l'harmonie avec la
tèque narrarent, lau quelle ils débitoient leurs infa
dati gloriabantur ? IIl1CS, -
R E M A R Q U E s.
( 1 ) A "U moindre barbariſme ou ſoleciſme qu'on relevoit. Chez .
les Grecs & chez les Romains, s'il arrivoit qu'un Ora
teur ou quelqu'autre perſonne qui parloit en public, fît une faute
contre la pureté de la langue, ou contre la quantité ; ou bien qu'il
aſpirât ou n'aſpirât point les voïelles ſelon l'uſage établi & reçû ,
tout l'Auditoire prenoit feu , pour ainſi dire, & faiſoit tant de
bruit en différentes manieres , que l'Orateur étoit obligé de s'ar
rêter & de ſe corriger ſur le champ. Quelquefois même la con
fuſion étoit ſi grande , qu'il perdoit l'étoile & ſe retiroit. On
peut juger du peu d'égard qu'on avoit dans ces occaſions pour l'O-
rateur, par ce qui arriva au roi Démétrius. Ce Prince aſſiége la
ville d'Athénes & la prend. Enſuite voulant ſe concilier le cœur
des Athéniens, il fit une grande diſtribution de bled, & harangua
le peuple : par malheur il lui arriva de faire un barbariſme : auſſi
Livre premier, chapitre XIX. 77
rôt un Athénien ſe leva & le reprit tout haut. Démétrius ſubit
la correction, & la païa d'une ſeconde diſtribution qu'il ajoûta
à la premiere. Catulle dans un de ſes ouvrages tourne en ridicule
un Romain de ſon tems, qui s'aviſoit d'aſpirer des mots, qui de
voient ſe prononcer ſans aſpiration.
(2 ) Comme ſi l'on pouvoit éprouver de la part d'un ennemi
rien de pire, que la haine même qu'on lui porte. Cet endroit n'a
point été entendu : voici en deux mots la penſée de ſaint Auguſtin.
Il ſe récrie de ce qu'on eſt choqué de la faute qu'un Orateur fait
en n'aſpirant point le mot homme, & qu'on ne le ſoit point de
la haine implacable avec laquelle cet Orateur, qui'eſt homme,
parlant en préſence non ſeulement d'un Juge, mais encore d'un
grand nombre de ſpectateurs, qui ſont tous hommes , pourſuit la
mort d'un autre homme ; & que tous généralement effacent &
étouffent la loi naturelle qui eſt gravée au fond de leur cœur,
pour être uniquement attentifs à l'obſervation d'une régle pure
ment arbitraire de Grammaire. A quoi il ajoûte une réfléxion ,
qui eſt la cenſure de la fauſſe délicateſſe des hommes. C'eſt, dit
il, qu'on eſt moins piqué du mal qu'un ennemi nous fait, qu'on
ne l'eſt de la haine qu'il fait paroître à l'extérieur.
# ºv-##oº-##ºº-is#ºv-##ºtA##ºº-## 20 ## 20 ##º
C H A P I T R E X I X.
R E M A R Q U E S.
- l -
#C#
CHAPITRE xx.
Livre premier, chapitre XX. $r
#S&Sscccccocccoco-cccccco#ocococococccococococcºcocº .
C H A P I T R E xx. -
Tome I. F
82, Les Confeſſions de S. Auguſtin,
que l'étoient les choſes qui en parvis , parvarum
étoient l'objet, je faiſois mes dé que rerum cogitatio
nibus, veritate dele
lices de la vérité que j'y apper étabar.
CCVO1S.
R E M A R Q U E S.
(1) U# foible partie de cette unité incomprehenſible, qui
compoſe toutes choſes. Le total de l'univers comprend
une infinité d'êtres. Tous les êtres ſont liés entre eux non ſeu
lement quant à l'exiſtence, mais encore quant aux circonſtan
ces des rems & des lieux, où ils ſe trouveront pendant toute
l'éternité. Cette liaiſon forme en tout ſens un rapport récipro
que des uns aux autres, de chacun à tous , & de tous à cha
cun. Tout cela entre dans le plan admirable que Dieu a ſuivi
dans la création. Il n'eſt donc pas un ſeul être , quelque pe
tit qu'il ſoit, qui ne concoure parfaitement à l'harmonie géné
rale qui regne dans l'univers. Or c'eſt cette harmonie , qui fait
& conſtitue l'unité intime & incomprehenſible, dont parle ſaint
Auguſtin. -
LEs -
CONFESSIONS
- D E
SAINT AUGUSTIN,
LI VRE S E C O N D.
' S O M M A I R E.
F iij
86 Les Confeſſions de S. Auguſtin ,
# # # ## # ## ## # #
C H A P IT R E P R E M I E R.
R E M A R Q U E S.
( 1) A Fin que ce plaiſirſ ſolide ... m'occupe entiérement. Les
mondains ne ſauroient ſe perſuader que la joie & la
paix dont Dieu inonde & enivre une ame ici bas , ſoient au
deſſus de tous les plaiſirs des ſens. Qu'ils en croïent une fois
§ toutes à S. Auguſtin, qui avoit goûté la différence
t2tS, -
des deux
2: •-$
#### $ #
C H A P I T R E I I.
lieu que celui qui eſt marié, s'occupe junºtuº ºſt , cºgitat
du ſoin des choſes du monde , & de ## 2
R E M A R Q U E s.
(1) J 'Etoisdevenu ſourd au bruit. L'expérience nous apprend,
qu'un grand bruit comme celui du tonnerre & des cata
- - » A
# # # # # # # # # # # # # # # # #$ $ $ $ $ $ $
C H A P I T R E I I I.
R E M A R Q U E S.
@$
1oo Les Confeſſions de S. Auguſtin,
XXs2CS2AXS2(Xs2&Xs2CXS2ſXs2CXSXXS2CXS2CX
C H A P I T R E I V.
( c ) Germ. 2. Illecebroſa.
(d) Bertin. Giſlen. Aquic. ac duo Germ. quòd non liceret.
( e ) Editi, quærebat, Aſt. Germ. poſterior , quaercbam ; me
Ja
G iij
1o2 Les Confeſſions de S. Auguſtin,
Elle étoit affreuſe , néanmoins ( f) malitia. Fœda
erat & amavi eam ;
je l'aimois , j'aimois à périr j'ai>
amavi perire , ama
mois ma perte ſans aimer ce qui vi defectum meum ,
me faiſoit périr. O baſſeſſe de non illud ad quod
mon ame,qui ſe détachoit de vous deficiebam,ſed defec
qui êtes le ſoûtien de ſon être » tum meum ipſum a
pour ſe précipiter dans l'anéan † anima,
& diſſiliens à firma
tiſſement , & qui au lieu de por mento tuo in exter
ter ſes deſirs vers quelque objet minium , non ( g )
honorable , n'en avoit que pour
- dedecore aliquid ,
l'infamie même. ſed dedecus appe
tCIlS.
R E M A R Q U E S.
R E M A R Q U E S.
(1) I L n'eſt auſſi rien de ſi innocent. Saint Auguſtin emploïe
les termes, innocence & innocent, dans le ſens de, qui
m'eſt point malfaiſant : & c'eſt ſur quoi roule toute ſa penſée.
( 2 ) Etoit à mes yeux une image ténébreuſe de votre toute
puiſſance. Il dit la même choſe liv. x. n. 59. de tous ceux que le
démon engage dans ſes filets : t't te perverſa & diſtorta via imi
tanti # frigidique ſervirent.
( 3 ) Un eſclave qui fuit ſon maître, & qui n'embraſſe qu'une
ombre. Il eſt difficile de rendre toute la force du latin : c'eſt une
expreſſion figurée, réduite en maxime, qui faiſoit entendre qu'un
cſclave fugitif, en quittant la maiſon d'un bon maître, ne ga
gnoit autre choſe que la mort, ou à ſe tenir caché, & tomboit
ainſi dans un état pire que celui qu'il vouloit éviter. Le latin
umbra, dit tout cela. .
x 12 Les Confeſſions de S. Auguſtin,
ç©ç©ç/3c/3c/3c/3c/5:/5C/5C/X/5C/55/SC/SC/5C/5S/5C/5C/3c/>ç,5
C H A P I T R E V I I.
M 5. Q Ureconnoiſſa
E L s ſentimens de
nce ne doit
I 5. U 1 D retri
Q# Domi
no , quôd recolit
pas faire naître en moi la grace haec memoria mea ,
que vous me faites, de rappeller & anima mea non
tous ces traits ſans craindre le châ metuit inde ? Dili
timent qu'ils m'avoient merité ? gam te, Domine, &
Que je vous aime, ô mon Dieu, gratias agam , &
confitcar nomini tuo,
ue je vous rende un million quoniam tanta dimi
d'actions de graces, & que je be ſiſti mihi mala & ne
niſſe votre ſaint Nom de m'a- faria opera mea.
voir pardonné tant & de ſigrands
déſordres. . )
G R A T I AE tuæ
J'ATTRIBUE à votre grace & à
votre miſericorde , d'avoir fait deputo & miſericor
fondre mes péchés, comme la diae tuæ , quòd pec
cata mea tamquam
glace fond au ſoleil, & de m'a- glaciem ſolviſti.
voir garanti de tout le mal que je G R A T I AE tuae de
- - • -- - - -
3Tom. I.
:I I4 Les Confeſſions de S. Auguſtin,
sº.ººº º º º º º º º º º .
c H AP 1 T R E V III.
R E M A R Q U E S.
(1 ) Q# enfin retiré... Saint Auguſtin reprend ce qu'il
avoit commencé d'expliquer à la fin du chap. 6. Cette
ſuite eſt très-difficile, parce que ce Pere fait un jeu de mots de
ceux-ci , nihil aliud, qui fignifient tantôt un autre néant , tan
tôt rien autre choſe. Il appelle néant ſon larcin, auſſi bien que
le plaiſir qu'il avoit pris en le faiſant , parce que tout péché eſt
une privation de la juſtice & de la rcctitude de Dieu. "
H ij
I16 Les Confeſſions de S. Auguſtin,
º-di-di-ai-d-ºr-º-dº-di-ad-d-at-dt ,
C H A P I T R E Ix.
ZMalice qu'il ſe propoſoit en faiſant ce larcin. Pourquoi
on rit quelquefois ſeul. Fruit qu'on retire de la com
pagnie des méchans.
17. C O M M E NT qualifier une 17. Q U I D erat il
le affectus
- telle dépravation ? Cer animi ? Certè. enim
tainement c'étoit quelque choſe planè turpis erat ni
de bien horrible, & j'étois bien mis , & vae mihi erat
malheureux d'être ſi déreglé. qui habebam illum.
Mais enfin qu'étoit-ce que ce dé Sed tamen quid erat ?
Delicta quis intelli
reglement ? Ah ! Qui connoit toute git à Rifus erat, quaſi
la nature des péchés ? C'étoit de ri titillato corde, quòd
Pſ. 18, 13. re entre nous avec épanchement fallebamus eos qui
de cœur aux dépens de ceux que hacc à nobis fieri non
nous volions, § ce que ne s'at putaban t , & vehe
menter holebant. Cur
tendant pas autour que nous leur ergo eo me delecta
jouïons, ils devoient concevoirun bat, ( a ) quo id non
dépit mortel de ceque nous faiſions faciebam ſolus ? An
contre leur gré.Pourquoi donc ces quia etiam nemo fa
cilè ſolus ridet ? Ne
plaiſirs ne me venoient-ils , que de mo quidem facilè ;
ce que je les prenoisen † ſed tamen etiam ſo- .
Eſt ce qu'on ne rit pas ſeul vo los & ſingulos homi
lontiers : Il eſt vrai que cela n'ar nes, cüm alius nemo
rive gueres : Cependant quand præſens eſt , dovincit
riſus aliquan , fi
quelque idée , ou quelque objet aliquid nimiè ridi
plaiſant frappe l'eſprit ou les culum vel ſenſibus
yeux, bien qu'on ſoit ſeul, on ne (b ] occurrit vel ani
- -
, Eivre ſecond,
>
Chapitre IX.
A -
117 ,
t
mo. At ego illud ſo peut s'empêcher quelquefois de
lus non facerem-, non rire. Quoiqu'il en ſoit, il eſt toû
facerem omnino, ſo
lus. jours bien certain que je n'aurois
pû jamais gagner ſur moi de
faire tout ſeul ce larcin.
Ecce eſt coram te, Je vous expoſe, ô mon Dieu,
Deus meus , viva avec la derniere candeur le ſou
recordatio animæ venir que je conſerve de mon
meae. Solus non face
crime : J'avouë que je ne l'aurois
rem furtum illud, in
quo me non libebat jamais commis ſeul, & que ce qui
me touchoit , n'étoit nullement
id quod furabar, ſed
quia furabar ; quod ce que je volois, mais le vol mê
me ſoium facere pror me : bien plus, je n'aurois pû
· ſus non liberet, nec être touché du vol même, s'il me
facerem. l'avoit fallu faire ſeul. -
H iij
118 Les Confeſſions de S. Auguſîin,
- C H A P I T R E X.
R E M A R Q U E S.
• • •«
H iiij
coNFEssIoNs D E
SAINT AUGUSTIN,
LIVRE TROIS IEM E.
s o M M A I R E.
# E S occupations & ſon ardeur pour les,
# ſpectacles à Carthage. Inſolence des Eco
| liers de cette Ville. Liaiſon qu'il a
* avec eux , ſans parttciper aux déſordres
qu'ils commettoient.Ses progrès dans les études.Il
eſt tout à coup embraſé de l'amour de la ſageſſe. ll
veut lire l'Ecriture, & en eſt auſſi - tôt dégoûté.
Il tombe dans les erreurs des Manichéens, dont il
décrit & réfute en paſſant pluſieurs extravagances.
Douleur qu'a ſa mere de le voir infecté d'une héré
ſieſ déteſtable. Soins qu'elle ſe donne pour l'en ti
rer.Aſſurances qu'elle a de ſa future converſion.
Eivre troiſîéme, Chapitre H. I.2.1.
R E M A R Q U E S.
### tºt
C H A P I T R E I I. -
/
Livre troiſîéme, Chapitre II. 125
autem doleat, manet tentement : au lieu que ſi l'action
# * gºº-
ens lacrymatur.
eſt vive & va au cœur , on
redouble ſon attention , & l'on
prend plaiſir à répandre des lar
1IlCS. -
$à
CHAPITRE III.
Livre troiſiéme, chapitre HI. 129
# # # #::::::::::::::::::::::::::::::::# ## # # #
C H A P I T R E I I I.
5 ( # votre mi j. E T circumvola
ſericorde voloit autour de - bat ſuper me fi
moi , & tout corrompu que j'é- delis à longè miſeri
cordia tua.In quantas
tois par toutes ſortes de déborde iniquitates diſtabui ,
mens & de curioſités ſacriléges , & ſacrilegam curioſi
qui me conduiſoient, à meſure tàtem ſecutus ſum ,
ut deſerentem te de -
que je vous abandonnois, aux plus duceret me ad ima
baſſes perfidies, & à cette chaîne infida, & circumven
d'actions criminelles, qui étoient toria obſequia daemo
autant de ſacrifices , qui conſa niorum ; quibus im
croient au démon le mal que je molabam facta mea
faiſois ; elle daignoit me † mala, & in omnibu
flagellabas me.
de loin , & tourner tout en ſup
plices contre moi.
Néanmoins , j'oſai un jour Auſus ſum etiam
de fête, & pendant la célébra in celebritate ſolem
tion de vos myſteres former des nitatum tuarum, in
tra parietes Eccleſiæ
deſirs impudiques, & conclure un tuae concupiſcere ,
traité qui ne devoit produire que & agere negotium
des fruits de mort. Vous eûtes procurandi fructus
mortis. Unde me ver
ſoin de m'en bien punir, mais
non pas à proportion de mon cri beraſti gravibus pœ
me , Miſericorde infinie de mon · nis; ſed nihil ad cul
pam meam , ô tu
Dieu , & mon refuge contre les praegrandis miſeri
épouvantables ennemis, au mi cordia mea , Deus
Tom. I. I
1 3o Les Confeſſions de S. Augujiin,
lieu deſquels j'allois errant tête meus, refugium meſi
à terribilibus nocen
levée , afin de m'éloigner de tibus, in quibus va
vous de plus en plus; aimant non gatus ſum praefidenti
vos voies , mais les miennes , & collo ( a ) ad longè
courant en eſclave fugitif après recedendum à te ;
amans vias meas &
un phantôme de liberté.
non tuas ; amans fu- .
gitivam libertatem.
6. Les études à quoi l'on don 6. Habebant & illa
ne le nom de belles - lettres , ſtudia quae honeſta
vocabantur, ductum
m'ouvroient un chemin pour bril ſuum , intuentem fo
ler dans le barreau, & me faire ra litigioſa, ut excel
un nom d'autant plus grand , lerem in eis , hoc
que je ſaurois mieux déguiſer la laudabilior quo frau
dulentior. Tanta eſt
verité. Tant les hommes ſont
caecitas hominum ,
aveugles, qu'ils font vanité de de cœcitate etiam glo
, leur aveuglement ! riantium! -
(
Livre troiſiéme, Chapitre III. 13 f
eram ; & cum eis
eram , & amicitiis impudente, parceque je ne leur
corum delectabar ali reſſemblois pas. Je me mêlois
†, à quorum donc parmi eux , j'étois même
ſemper factis abhor quelquefois bien aiſe d'être de
rebam , hoc eſt, ab leurs amis, quoique j'euſſe toû
•verſionibus quibus jours horreur de leurs actions ,
protervè inſectaban- . c'eſt-à-dire de l'inſolence avec la
tur ignotorum vere
cundiam, quam per quelle(3)ils déconcertoient la re
turbarent gratis illu tenuë des nouveaux venus, en
dendo , atque inde leur faiſant de gaïeté de cœur
paſcendo , malevolas mille pieces ſanglantes, qui les
laetitias ſuas. Nihil
eſt illo actu ſimi
démontoient, & dont leur joie
lius actibus daemonio maligne ſe repaiſſoit. Rien au
rum. Quid itaque ve monde n'approche plus de la ma
rius quàm Everſores lice des démons. Et c'eſt bien
vocarentur ? Everſi
avec raiſon qu'ils portent le nom
planè priüs ipſi † de frondeurs : mais ils ſont les
perverſi , deridendi
tibus eos & ſeducen premiers frondés & ballottés par
tibus fallacibus oc le malin eſprit qui les trompe ,
cultè ſpiritibus, in & qui ſe joiie d'eux, en cela même
eo ipſo quò alios irri qu'ils aiment à ſe joüer des au
dere amant & fallere.
tres , & à les tromper.
R E M A R Q U E S.
(1) C Eux: qu'on appelle Frondeurs. Je n'ai point trouvé de
-
C3C3C3C32323238323332323232323
C H A P I T R E IV.
Son application à l'étude de l'éloquence. Combien la lec
ture de l'Hortenſe de Ciceron lui donna d'amour pour
la ſageſſe. Différence des bons & des mauvais Philo
· ſophes. Effet que produiſoit en lui le reſpect qu'on lui
· avoit inſpiré dès ſon enfance pour le nom de J. C.
7. C 'E T o 1T avec de telles 7. [ NrER hos ego,
gens (1 les
•> / _
tendre J étudiois
-
) qu'en
livresunq"º
âge ſi
| * _ * _ -1 _ T | • • • ,†
bros
> -
eloquentiae, in
tent de l'éloquence ; où par une - quâ eminere cupie
fin auſſi damnable que ſtérile, & bam, fine damnabili
animé
té des par le plaiſir
hommes que la vani-
m'inſpiroit # ventoſo
, je # , Pºr gau
vanitatis huma
ſouhaitois d'exceller. -
Livre troiſiéme, chapitre IV. I33
Et uſitato jam diſ Je ſuiyois le train ordinaire ,
cendi ordine perve
neram in - librum & ( 2 ) j'en étois à un livre d'un
quemdam cujuſdam certain Ciceron, dont preſque
Ciceronis ; cujus lin tour le monde admire l'élocution
guam ferè omnes mi ſans en eſtimer le cœur. Ce li
rantur , pectus non
ita : ſed liber ille Vre eſt intitulé Hortenſe, & com
ipſius exhortationem, me ce n'eſt qu'une exhortation
continet ad Philoſo à la Philoſophie, il changea mes
phiam , & vocatur affections , m'inſpira de nouvel
Hortenſius. Ille verò les penſées & d'autres deſirs, &
liber mutavit affec
tum meum , & ad fit que je vous adreſſai , Sei
teipſum , Domine, gneur , des prieres bien différen
mutavit preces meas, tes de celles, que je faiſois au
& vota ac deſideria Paravant.Tout à-coupje n'eus que
mea fecit alia. Viluit du mépris pour les vaines eſpe
mihi repentè omnis rances du ſiécle , je fus embra
vana ſpes, & immor
talitatem ſapientiae ſé d'un amour incroïable pour
concupiſcebam aeſtu la ſageſſe éternelle , & je com
cordis incredibili , . mençai dès lors à me lever pour
& ſurgere cœperam retourner à vous. J'étois déja
ut ad te redirem. Non
enim ad acuendam dans ma dix-neuviéme année, & il
linguam ( quod vide y avoir plus de deux ans que mon
bar emere maternis pere étoit mort. Loin donc de
(a)mercibus,cümage faire ſervir la lecture de ce livre,
rem annum aetatisun & ce qu'il en coûtoit à ma mere
devigefimum , jam à acquerir le talent de bien par
defuncto patre ante
biennium ) non ergo ler » à quoi je paroiſſois donner
ad acuendam linguam tous mes ſoins : Je laiſſois là les
referebam illum li paroles , pour me pénétrer des
brum ; neque mihi verités, qu'il renfermoit
locutionem, ſed quod
loquebatur perſuaſe
rat. *
8. Quomodo arde 8. Quelle ardeur n'avois-je pas
( a ) Ita optimè Bertin. Alii cum editis , mercedibus.
I iij
I 34 Les confeſſions de s. Auguſfin,
de reprendre mon vol , & de bam , Deus meus ,
paſſer d'ici-bas juſqu'à vous ? Et quomodo ardebam
revolare à terrenis ad
j'ignorois quelle part vous aviez te, & neſciebam quid
à ces mouvemens : car la philo ageres mecum ! Apud
ſophie , à quoi ce livre me por te eſt enim ſapientia.
toit, eſt l'amour de la ſageſſe : Amor autem ſapien
tiae nomen Græcum
or c'eſt en vous que la ſageſſe ré habet pixocopiav, quò.
fide uniquement. Comme il eſt me accendebant illa
des gens qui font ſervir le nom ſi litteræ. Sunt qui ſe
doux & ſi beau de la philoſo ducant per Philoſo
phie à ſeduire les autres , & à cou - †, magno &
vrir leurs erreurs ; cet écrit mar lando & honeſto no
mine colorantes &
que & dépeint preſque tous ceux fucantes errores fuos :
qui en ce tems † , & jufqu'alors & propè omnes, qui
avoient fait ce métier indigne. ex illis & ſupra tem
On y trouve ſur-tout cet avis § poribus tales erant,
notantur in eo libro,
taire que votre Eſprit ſaint a & demonſtrantur ; &
donnépar le canal d'un de vos ſer & manifeſtatur ibiſa
ſ'or, 2.3. viteurs auſſi bon que† : » Pre lutifera illa admoni
» nez garde que perſonne ne vous tio ſpiritus tui , per
ſervum tuum bonum
» ſurprenne par les raiſonne
& pium , Videte ne
» mens vains & trompeurs de la quis vos decipiat per
» Philoſophie, fondée ſur la tra Philoſophiam & ina
» dition des hommes, & ſur les mem ſeductionem , ſe
cundùm traditionem
» principes d'une ſcience naturel
» le & mondaine, & qui n'eſt pas hominum , ſecundùm.
elementa hujus mun
» ſelon la doctrine de Jeſus-Chriſt, di, & non ſecundùm
» en qui habite ſubſtantiellement Chriſtum : quia in
» toute la plénitude de la Divi ipſo inhabitat omnis
• nité. 22, plenitudo divinitatis
corporaliter. -
( b ) Sic MSS. propè omnes cum Bad. neque ſecùs Am. & Er.
niſ quod ſcribunt, refringebat.At Lov. & Arn. habent , & hoc
ſolo in me tanta flagrantia refrigebat. - - - - - -
R E M A R Q U E S.
( 1) E N un âge ſi tendre. J'ai déja remarqué qu'il n'avoit que,
· ' * dix-ſept ans, quand il arriva à Carthage.
( 2 ) f'en étois à un certain livre de Ciceron. Il ne lut ce li
vre qu'à l'âge de dix-neuf ans, comme il le dit lui-même plus
bas.
sx.sº.2º.ºº-sº-sº-sº-sº-sº-sº-sº-sº-sº.
c H A P 1 T R E v.
Il entreprend de lire l'Ecriture, dont il eſt auſſi-tôt dégoûté.
Pourquoi il n'y trouvoit pas les charmes, qu'il y décou
vrit depuis ?
debar. - -
- -
3ºººl-;s23:32:3ºg49t32339t39232932g329322&2334g32332:3943?gº2g2ºº3: $ A2
## # # # # # # # ## # # # # # # # # # # # # ## # # # # ##
rv + ºsmºsesresressesrºsaeseetres essesxtºaesºetcesºectºrxs
C H A P I T R E V I.
Fl donne aveuglément dans les erreurs des Manichéens. Ce
' qui fut cauſe de ſa chûte. Appas dont ces Hérétiques
e ſervoient pour ſéduire les eſprits. A quel point leurs
dogmes étoient groſſiers. Différence infinie entre ce qu'ils
débitoient de Dieu, & ſes perfections infinies. Ce n'eſt
point par les ſens , mais par l'entendement qu'il faut
-
-
chercher Dieu.
1o. [ N c 1 D 1 ita 1o. ^ E T T E fauſſe idée fit
que in homi que je tombai (1) entre
nes ſuperbè deli
rantes , & carnales les mains de certaines gens, qui
nimis, & loquaces , ſont également extravagans, or
in quorum ore laquei gueilleux , charnels , & grands
diaboli , & viſcum
parleurs. Toutes leurs paroles
confectum commix ſont des piéges de Sathan, & com
138 Les confeſſions de S. Auguſtin,
me un charme compoſé de ſylla tione ſyllabarum no
bes qui entrent dans votre nom, minis tui, & Domi
dans celui du Seigneur Jeſus, & ni Jeſu Chriſti , &
Paracleti conſolatoris
dans celui du ſaint - Eſprit , ce noſtri Spiritus ſanc
divin Conſolateur de nos ames.
ti. (a ) Hccc nomina
Ils ont toûjours ces ſaints noms non recedebant de ore
dans la bouche ; mais ce n'eſt qu'- eorum , ſed tenus ſo
un ſon vain, & une articulation no & ſtrepitu linguae,
ceterum cor inane ve
ſtérile ; car la verité eſt bannie ri. Et dicebant : Ve
de leur cœur. Cependant ils me ritas , veritas ; &
crioient ſans ceſſe Verité, verité, multûm eam dice
& ils faiſoient retentir ce mot à bant mihi , & nuſ
mes oreilles : mais la verité n'é- uam erat incis ; ſed
alſa loquebantur ,
toit point en eux. Auſſi ne me non de te tantüm, qui
diſoient-ils que des choſes fauſſes, | verè Veritas es, ſed
non ſeulement de vous, qui êtes etiam de iſtis elemen
vraîment la verité, mais encore tis hujus mundi,crea
des élémens de l'Univers, qui turâ tuâ , de quibus
etiam vera dicentes
ſont l'ouvrage de vos mains. Sur Philoſophos tranſ
quoi, ô mon Pere ſouveraine gredi debui prae amo
ment bon, qui êtes la beauté de re tuo , mi Pater ,
toutes les belles choſes, l'amour ſummè bone , pul
que je vous dois , m'obligeoit chritudo pulchrorum
omnium.
de remonter plus haut que les
Philoſophes , quoiqu'ils ne me
propoſaſſent rien qui ne fût vrai.
O Verité, Verité, avec quelle O (b ) Veritas ,.
ardeur ſoûpirois- je après vous, Veritas, quàm inti
mè etiam tum me
uand ces Hérét
§ & dansiques dans leurs
un grand nom
dullae animi mei ſuſ
pirabant tibi , cüm
bre de volumes énormes me pré te illi ſonarent mihi
frequenter & multi
( a ) Lov. haec enim omnia, & c.
- A -
*3:3:3::::::::::::::::::::::::::::::::::::::
- CHA P I T RE v II.
Queſtions abſurdes qui l'avoient fait tomber dans les er
reurs des Manichéens. De quelle ſubſtance eſt Dieu.
Accord de l'immutabilité de la juſtice de Dieu, avec
la diverſité des préceptes qui ont été ordonnés en divers
tems. Exemples qui font toucher au doigt cet accord.
I2 . N† \ 12. ^T AR ne reconnoiſſant nul
| . enim aliud autre être qui exiſtât vrai
verè quod eſt ; & - A , • • •
W -- : ment par lui - même , je croïois
- -
Tome I. K.
146 Les Confeſſions de S. Auguſtin,
étoient homicides, & qui ſacri ciderent homines, &
ſacrificarent de ani
Reg. 3. 1°,
4D.
fioient des animaux , pouvoient malibus.
paſſer pour Juſtes.
Ignorant comme j'étois , ces Quibus, ( a ) re
queſtions m'embarraſſoient & rum ignarus per
turbabar ; & recedens
m'éloignoient de la vérité par les à veritate, ire in eam
routes mêmes que je croïois de mihi videbar ; quia
voir m'y conduire ; parce que je non noveram malum
-N
148 Les confeſſions de S. Auguſtin,
( e ) cui membro ac
l'uſage & la deſtination de cha commodatum ſit ,
que armure, voudroit mettre des ocreâ velitcaput con
Cuiſſards à la tête & un caſque tegi , & galeâ calcea
aux pieds, & murmureroit de ce ri, & murmuret quôd
que l'un ne viendroit pas bien à non aptè conveniat :
aut in uno die, in
l'autre : ou qui un jour qu'il n'y dicto à pomeridia
a marché que juſqu'à midi, ſe nis horis juſtitio,
plaindroit de ce qu'il ne lui ſe quiſquam ſtomache
tur non ſibi concedi
roit pas permis de mettre en
vente l'après-dînée ce qu'il y au quid venale propo
nere, qu1a mane con
roit pû mettre le matin : ou qui ceſſum eſt : aut in unâ
s'étonneroit qu'en une même mai domo videat aliquid
ſon, l'eſclave qui eſt deſtiné à ver tractari manibus à
ſer à boire, ne pût pas porter la quoq uam ſervo, quod
facere non ſinatur qui
main à certaines choſes qu'un au pocula miniſtrat, aut
tre pourroit toucher ; ou qu'on aliquid poſt praeſepia
fît derriere l'écurie , ce que la fieri, quod ante men
bienſéance ne ſouffre pas qu'on ſam prohibeatur , &
faſſe à la ſalle où l'on mange : ou indignetur, cüm ſit
unum habitaculum &
qui enfin trouveroit mauvais , una familia , non u
qu'en une même maiſon & dans bique atque omnibus
une même famille tous ne fuſſent idem tribui.
pas également partagés.
Tels ſont ceux qui ne peuvent Sic ſunt iſti qui
ſouffrir qu'on leur diſe , qu'il a indignantur, cüm au
dierint illo ſaeculo li
été permis aux Juſtes des pre cuiſſe ( f) juſtis ali
miers ſiécles, ce qui ne l'eſt plus quid quod iſto non
à ceux de notre tems , & que licet juſtis; & quia
Dieu ſelon la diverſité des tems illis aliud praecepit
a ordonné autre choſe aux uns Deus , iſtis aliud pro
»
Livre troiſîéme, chapitre VIII. I5 I
R E M A R Q U E s.
(1) L# trois premiers & les ſept derniers préceptes du Dé
calogue. S. Auguſtin ne fait cette diſtinction, que parce
que Dieu l'avoit faite en remettant à Moïſe les deux Tables où
il avoit gravé ſes Commandemens. Une de ces Tables conte
noit les trois préceptes qui regardoient Dieu ſeul ; le ſept autres
préceptes étoient écrits † la ſeconde Table , & ils avoient le
Prochain pour objet. Comme le nombre de trois & de ſept
étoit bien plus myſtérieux que les autres, ſelon les Platoniciens &
S. Auguſtin même, ce Pere n'a eu garde de manquer de les ſpéci
fier, quoiqu'il ne s'y arrête pas , comme il fait ordinairement.
(2) Quand on vous abandonne. Le comble du malheur, dit
S. Gregoire de Nazianze, c'eſt d'abandonner Dicu.
e#?
Livre troiſiéme, Chapitre IX. ' 157
#'& & k # k# k # k# k# &k k' &k 3k ,k 3k &k 3 k &k 5 k&, k&, k3 A& ,k #k #k #4 #Ar #Mr # A # 4# ##.
4. * v * x * + * + * + * r * * + * + * r * r 4 M r * + * A
## # ## # # # # # # # # # # # Q 2-9 # , # # # # ,r # # # çº
C H A P I T R E I X.
R E M A R Q U E S.
( 1 ) Z'Ntre les crimes & les forfaits. Par crime , flagitium ,
S. Auguſtin entend un † qui ſoüille le pécheur ſans
faire tort à † onne : & par for ait ou attentat, facinus, il mar
º \. • » -
ººººeºº3º3º8363eeseºseºsss38,3e3e3gse3gsºs
C H A P I T R E X.
Pº quel excès d'extravagance il étoit tombé en ſuivant
les principes des Manichéens touchant certains fruits.
18. H AE c ego ne 18. C OMME j'ignorois ces my
ſciens, irri
debam illos ſanctos ſteres, je me ( 1 ) moc
ſervos & prophetas quois des Saints qui avoient été
tuos. ( a ) sed quid vos ſerviteurs & vos Prophétes.
agebam, cüm irride Mais que gagnois-je à me moc
bam eos, niſi ut ir quer d'eux , ſinon de me faire
riderer abs te, ſen mocquer moi-même de vous, en
ſim atque paulatim
perductus ad eas nu donnant peu à peu & inſenſi
gas, ut crederem fi blement dans cette extravagan
cum plorare cüm de ce , de croire qu'on ne pouvoit
CCTP1tur , & matrem ciieillir une figue, que la figue
( a ) Sic Germ. antiquior, Aquic. Camerac. Giſlen. & Tornac.
J. Alii cum editis , &.
I6o Les confeſſions de s. AuguAin ;
& l'arbre que les Manichéens ap ejus arborem, lacry
mis lacteis ? Quam
pelloient # mere, ne verſaſſent
des larmes de lait : & néanmoins
tamen ficum ſi come
diſſet aliquis ſanctus,
ſi quelqu'un du nombre de leurs alieno ſanè non ſuo
Saints ou Elus, venoit à manger ſcelere decerptam ,
cette figue, & à la digerer, pour miſceret viſceribus ,
& anhelaret de illâ
vû qu'il n'eût point de part au Angelos , imò verò
crime qu'il y avoit à la ciieillir , particulas Dei , ge
il exhaloit au moïen des gémiſ mendo in oratione
ſemens qu'il pouſſe dans l'orai atque ructando, quae
ſon, des Anges & même des par particulae ſummi &
ticules de la ſubſtance du Dieu veri Dei ligatæ fuiſ
ſent in illo pomo,
ſouverain & véritable ; particu niſi Electi ſanctidente
les qui ſeroient reſté attachées à ac ventre ſolveren
ce fruit , ſi elles n'en avoient été tur. Et credidi miſer
détachées par les dents de cet magis eſſe miſericor
Elu, & par le diſſolvant de ſon diam præſtandam
fructibus terrae, quàm
eſtomach. Ainſi j'étois aſſès miſé hominibus propter
rable , pour croire qu'il falloit quos naſcerentur. Si
avoir plûtôt pitié des fruits de la quis enim eſuriens
terré, que des hommes pour qui peteret qui Mani
ils ſont faits. Car dans cette Secte chaeus non eſſet, quaſi
capitali , ſupplicio
on a pour dogme , que donner damnanda buccella
une figue à tout autre qu'à un videretur, ſi ei dare
Manichéen , de quelque faim
2* - / 2
tllI.
R E M A R Q U E S.
(1 ) I E me mocquois des Saints qui avoient été vos Prophétes.
J Obſervez que S. Auguſtin ne dit pas, qu'il ſe mocquoit
des Saints & des Prophétes , mais des Saints qui étoient Pro
phétes, & qu'il prenoit occaſion de ſe mocquer d'eux des actions
mêmes qui étoient autant de prophéties & de myſteres.
CHAP.
Livre troifîéme, chapitre xi. I4 I
C H A P I T R E x I.
#Douleur de ſainte Monique de voir ſon fils Manichéen,
· Larmes qu'elle verſe à ce ſujet. Elle le chaſſe de ſa
table. Elle le reprend en conſéquence d'un ſonge pro
phétique qui lui annonce ſa converſion future.
19. E T miſiſti ma profondes
num tuam cx
alto, & de hac pro
19.
C 'EsT de ces
ténébres que vous m'a-
fundâ caligine eruiſti vez tiré en me tendant la main
animam meam , cüm du haut du Ciel, quand ma mere
pro me fleret ad te votre fidéle ſervante verſoit de
mater mea, fidelis vant vous bien plus de larmes
tua , amplius quàm pour moi , que les autres meres
flent matres corporea
funera. Videbat enim n'en verſent, quand elles voïent
illa mortem meam , porter en terre leurs enfans. Car
ex fide & ſpiritu ſa foi & les lumieres que vous
quem habebat ex te, lui communiquiez , faiſoient
& exaudiſti eam, Do
mine. Exaudiſti eam,
qu'elle me conſidéroit comme
nec deſpexiſti lacry mort. Mais vous avez daigné
mas ejus, cüm pro l'exaucer, mon Dieu. Oüi, vous
fluentes rigarent ter avez daigné l'exaucer : & vous
ram ſub oculis ejus, n'avez pû tenir contre ce torrent
in omni loco ora de larmes, dont elle arroſoit tous
tionis ( a ) exaudiſti
eam. Nam unde illud les lieux où elle répandoit ſon
ſomnium , quo eam cœur en votre préſence. Car de
conſolatus es, ut vi quel autre que de vous, lui ſe
vere ( b ) me conce roit venu ce ſonge qui lui don
( a ) Bertin, Aquic. & Giſlen. & exaudiſti CaIm. .. :
( b ) Germ. I. Camerac. Aquic. Bertin. & Giſlen, ut vivere
me ſecum crederet, & haberet mecum eamdem menſam. Bad.
Am. Er. & Lov. me ſecum crederet & habere ſecum , &c. Sed
legendum cum MSS. potioribns , me concederet, vel cum Arn, me
ſecum concederet. "
Tome I.
162, Les confeſſions de s. Auguſtin,
na tant de conſolation, (1) qu'el deret & habere ſecum
le me permit de demeurer & de camdem menſam in
domo , quod nolle
manger avec elle ; ce qu'elle ne cœperat, averſans &
ſouffroit plus depuis quelque deteſtans , blaſphe
tems, par averſion pour la Secte · mias erroris mei, Vi
infâme que j'avois embraſſée.Un dit enim ſtantem ſe
in quadam regulâ li
jour donc qu'elle dormoit, elle gneâ , & §
ſe vit ſur une régle de bois, tou tem ad ſe juvenem
te baignée de larmes & plongée ſplendidum , hila
dans ſa douleur , quand un jeu rem atque arridentem
ne homme éclatant de lumiere, ſibi , ctim illa eſſet
moerens , & moerore
s'approcha d'un viſage gai & ſoû confecta. Qui cüm
riant, & lui demanda le ſujet de cauſas quaeſiſſet ab eâ
ſa triſteſſe, & de tant de pleurs mœſtitiae ſuae, quoti
qu'elle répandoit tous les jours ; dianarumque lacry
& cela # cet air qui marque marum , docendi , ut
ordinairement moins de curioſi aſſolet, non diſcendi
gratiâ, atque illa reſ
té, que d'envie d'annoncer quel pondiſſet , perditio
ue bonne nouvelle. Elle répon nem meam ſe plan
† que c'étoit ma perte qu'elle gere , juſſiſſe illum
quò ſecura eſſet , at
pleuroit. Sur quoi il lui dit de que admonuiſſe ut
ſe raſſûrer, & de faire attention attenderet, & vide
que j'étois où elle étoit. En effet ret ubi eſſet illa, ibi
s'étant tournée, elle m'apperçut eſſe & me. Quod illa
auprès d'elle ſur la même régle. ubi attendit , vidit
me juxta ſe in eâdem
D'où lui ſeroit venu un tel ſujet regulâ ſtantem.
Un
de conſolation, que de la bonté de hoc , niſi quia
avec laquelle vous écoutiez les erant aures tuae ad
gémiſſemens de ſon cœur ? Que cor ejus ? O tu bone
vous êtes bon , Seigneur tout omnipotens, qui s1c
cURAs unumquem
puiſſant ! VoUs AvEz ſoin d'un que noſtrûm , tam
chacun de nous, comme ſi cha quam ſolum cures ;
cun de nous étoit ſeul, & vous & ſic omnes, tam
avez autant de ſoin de tous, que quam ſingulos.
, de chacun en particulier.
Livre troiſiéme , Chapitre XI. 163
· 1o. Unde illud e 2o. D'où auroit-elle encore tiré
tiam , quòd cüm mi cette réponſe ſi juſte, lorſque
hi narraſſet ipſum vi
ſum , & ego ad id m'aïant fait part de ce ſonge,
trahere conarer , ut & moi voulant en inférer, qu'el
illa ſe potitis non deſ le ne devoit pas déſeſperer d'ê-
peraret futuram eſſe tre un jour ce que j'étois, elle
quod eram , conti répliqua ſur le champ, & ſans
nuô ſine aliquâ haeſi balancer ; Non , dit-elle : car il ne
tatione, Non, inquit;
mon enim mihi dictum m'a point été dit : Vous êtes où il eſt :
eſt, Ubi ille , ibi & mais , il eſt où vous êtes ? '
tu ; ſed , ſUbi tu , ibi
c3 ille ?
Confiteor tibi, Do Je vous rends graces, ô mon
mine, recordationem Dieu ; car autant que je m'en
meam, quantum re
colo, quod ſaepè non
ſouviens, je fus alors, comme je
tacui , ampliüs me l'ai dit pluſieurs fois, plus frappé
iſto per matrem vi de la réponſe que vous me fîtes
gilantem reſponſo par la bouche de ma pieuſe me
tuo, quòd tam vicinâ re, que du ſonge même par le
interpretationis falſi uel vous vouliez bien pour mo
tate turbata non eſt ; § ſon affliction, lui faire en
& tam citò vidit
quod videndum fuit trevoir une joie, qu'elle ne de
( quod ego certè an voit goûter que long-tems après.
tequam dixiſſet, non Pour elle , bien loin d'ètre ſeu
§ etiam tum lement ébranlée par ma fauſſe
commotum fuiſſe ,
quàm ipſo ſomnio interprétation, quelque apparen
uo feminae piae gau te qu'elle fût , elle vit ſur le
§ , tanto poſt fu champ ce qu'il falloit voir, & ce
turum , ad conſola que je n'avois pû appercevoir
tionem tunc praeſen avant qu'elle me l'eût dit,
tis ſolicitudinis , tan
tô antè prædictum
eſt.
Nam novem fer · (2 ) Car je demeurai près de
mè anni ſecuti ſunt , neuf ans au fond de cet abîme
L ij
164 Les confeſſions de S. Auguſtin ,
d'impureté & d'aveuglement.Je quibus ego in illo ſi
faiſois bien des efforts pour m'en mo profundi ac tene
bris falſitatis ; cum
tirer ; mais ils ne ſervoient qu'à ſaepè ſurgere conarer,
m'enfoncer davantage: tandis que & gravitis alliderer,
volutatus ſum : cüm
cette vèuve chaſte, pieuſe & tem tamenilla vidua caſ
pérante , telle que vous les ai ta , pia & ſobria ,
mez, animée par l'eſpérance que quales amas, jam qui
vous lui aviez donnée , redou dem ſpe alacrior, ſed
bloit à toutes les heures du jour fletu & gemitu non
ſes pleurs & ſes gémiſſemens , ſegnior, non deſineret
horis omnibus ora
pour obtenir de vous ma con
tionum ſuarum de
verſion. Mais bien que vous euſ me plangere ad te.
ſiez égard à ſes prieres, vous Et intrabant in con
me laiſſiez toûjours engager de ſpectum tuum preces
plus en plus dans les ténébres de ejus, & me tamen di
mittebas adhuc volvi
IIlOIl CI:ICuI - & involvi illâ caligi
- • -- 1 ^ - -
IlC»
R E M A R Q U E S.
$2:;$2:,S32;:;$2:;$2::$2:,S32e
C H A P I T R E X I I.
filius iſtarum
marum pereat.
# O
comme une voix qui lui ſeroit ve
©© iel.
illa ita ſe accepiſſe, nuë du Ciel
inter colloquia ſua,
mecum ſœpè recor
dabatur, ac ſi de caelo
ſonuiſſet.
( e ) camevac, Giſten. & Bertin. fieri enim non poteſt.
R E M A R Q U E s.
( I ) M A Mere le prioit un jour. Il faut mettre cette convers
ſation ſur la fin de 374. ou en 375.
L E S
CONFESSIONS D E ·
SAINT AUGUSTIN,
LIVRE QUATRIEME.
S O M M A I R E.
# L décrit d'une maniere fort touchan
# #| te ce qui lui arriva pendant les neuf
# années qu'il fut dans l'héréſie déteſta
$º # 2lble des Manichéens, & l'abus qu'il
faiſoit de ſon eſprit, pour y entrainer les autres
& embarraſſer les Catholiques. Il profeſſe la Gram
maire & la Rhétorique avec toute la probité qu'on
pouvoit déſirer. Il diſpute le prix de la Poéſie, &
rejette les offres qu'on lui fait de le lui faire
remporter par des voies illicites.A l'occaſion d'une
/ I69
femme qu'il entretient, & dont il croioit ne pou
voir ſe paſſer, il remarque la différence qu'il »
a entre ces ſortes de commerces & un légitime
zmariage. Il s'entête de l'Aſtrologie judiciaire , &
me veut point ſe rendre aux avis ſalutaires
de ceux qui vouloient l'en déſabuſer. Excès de
douleur qu'il reſſent de la perte d'un ami, que la
conformité d'âge & de mœurs lui rendoit fort
cher. Pourquoi il trouvoit de la douceur à s'affli
er. Nature & Caracteres de la vraie amitié. Cau
ſe préciſe de toutes nos afflictions. Réflexions qui
de conduiſîrent à la diſtinction de la Beauté & de
la Convenance , ſur quoi il fît un ouvrage. Ef
forts inutiles qu'il fait pour connoître par le
moien de cette diſtinction la nature de Dieu &
ſelle de ſon ame. .
17e Les Confeſſions de S. Auguſtin, "x .
# # # # # # # # # # # # # # && b#s
C H A P IT R E P R E M I E R.
Il entraîne les autres dans l'erreur. Moiens dont il ſe ſers
pour cela. La vaine gloire le # à diſputer le prix
de la Poéſie. Obſervances éta lies par les Manichéens
pour expier les péchés. Il continue à faire un humble
aveu de ſa miſere. Graces qu'il rend à Dieu de l'en
avoir tiré,
1. U R A N T les neuf ans ( 1 ) |) E R idemi
qui s'écoulerent † tempus an
ma dix-neuviéme année, juſqu'à norum novem , ab
undeviceſimo anno
ma vingt-huitiéme, je paſſai le aetatis meae, uſque
tems à me laiſſer ſéduire , & à , ad duodetriceſimum,
( 1 ) ſeduire les autres : livré à ſeducebamur & ſedu
différentes paſſions, j'étois égale cebamus falſi atque
fallentes in variis cu
· ment trompeur & trompé; ouver piditatibus; & palam
tement à la faveur des arts libé
per doctrinas quas li
raux que j'enſeignois ; en cachet berales vocant , oc
te ſous le maſque d'un faux cultè autem , falſo
nom de religion ;là ſuperbe, ici nomine religionis ;
hîc ſuperbi, ibi ſuper
ſuperſtitieux, & par tout ne me ſtitioſi, ubique vani.
repaiſſant que de vanité. Car ſi Hâc popularis gloriae
d'un côté je courois après la fu ſectantes inanitatem,
mée d'une gloire populaire dans uſque ad theatricos
les acclamations de théâtre, ( 2 ) plauſus, & conten
tioſa ( a ) carmina ,
dans le concours des prix & des & agonem corona
couronnes fragiles qu'on donne rum fœnearum , &
| pour les ouvrages d'eſprit, dans ſpectaculorum nugas,
es folies des ſpectacles & les ex & intemperantiam li
(a ) Aquic. Tornac. 1. & Bertin. cum Bad. Am. Er. & Lov
certamina,
, Eivre quatriéme, Chapitre I.
W. 2 - . •
17 r
2
bidinum : Illâc au
cès de l'amour impudique ; d'au
tem purgari nos a tre part, comme c'étoient toutes
iſtis ſordibus expe
tentes, cüm eis qui ſoiiillures , dont je ſouhaittois
appellarentur Electi d'être purifié, je portois de quoi
& ſancti, afferremus manger à ceux que ces Héréti
eſcas,de quibus nobis ques appellent Elûs & Saints ;
in officinâ aqualiculi afin que dans l'attelier de leur eſ
ſui fabricarent Ange
los & Deos per quos tomac , ils fabriquaſſent des An
liberaremur ; & ſec ges & ( 3 ) des Dieux, qui pûſ
tabar - iſta atque fa ſent me délivrer. C'étoit-là mon
ciebam cum amicis étude & mes occupations avec
meis , per me ac quelques-uns de mes amis abuſés
mecum deceptis.
4 comme moi, & qui l'étoient mê
me par mo1.
Irrideant me arro Que ces Orgueilleux que vous
antes , & nondum n'avez pas encore ſalutairement
§ proſtrati &
humiliés & abattus, ſe mocquent
eliſi à te,Deus meus :
| ego tamen confitear de moi : je ne laiſſerai pas de
tibi dedecora mea , confeſſer mes turpitudes à la gloi
in laude tuâ. Sine re de votre nom. Permettez
me, obſecro, & da moi , faites-moi même la grace
mihi circumire præ de parcourir exactement tous les
ſenti memoriâ prae tours & retours de mes égare
teritos circuitus er
roris mei, & immo mens, & recevez le détail que
lare tibi hoſtiam ju j'en fais comme un ſacrifice de
bilationis. Q_U I D loüanges, que je vous offre. Car Pſ. 16. 5.
enim ſum ego mihi enfin , MoI-MESME à moi-même
ſine te, niſi dux in
præceps ? Aut quid que ſuis-je qu'un guide qui con
ſum cum mihi bcne duit au précipice : & quand je
eſt, niſi ſugens lac ſuis bien avec vous, ſuis-je au
tuum , aut fruens te, tre choſe qu'un enfant qui ſuce
cibo qui non corrum le lait de vos mammelles, ou
pitur ? Et quis homo tout au plus qu'un homme fait,
eſt quilibet homo ,
cum ſit homo ? Sed qui ſe nourrit du pain incorrup
172, Les Confeſſions de S. Auguſtin,
tible qui eſt vous - même ? Bien irrideant nos fortes
plus, un homme quel qu'il ſoit, # Pº# ºs -
eſt-il autre choſe qu'un homme ? †† & §
ainſi que les eſprits forts & que º""
les puiſſans du § ſe mocquent
de nous : pour nous qui ſommes
ces foibles & ces pauvres de l'E-
vangile, nous vous benirons éter
nellement.
- - - • - x
R E M A R Q U E S.
(1) O Ty ſéduire les autres. Entr'autres Alipe, Romanien ;
Honorat , &c.
( 2 ) Dans le concours des prix & des couronnes fragiles. L'o-
riginal porte, dans le concours du prix de la Poëſie & des couron
mes de foin : parce que les couronnes propoſées & décernées aux
Vainqueurs, n'étoient que de laurier, d'olivier, ou même d'ache,
d'anet, &c ou enfin de fleurs & de choſes ſemblables, qui ſe flé
triſſoient le jour même. -
#. OcEBAM in
2. T 'ENsEIGNoIs la Rhétorique
illis annis ar
tem rhetoricam ; &
J en ce tems-là , & maîtriſé
victorioſam loquaci par la cupidité, je faiſois trafic
tatem victus cupidi de cet étalage de paroles, qui ſe
tate vendebam. Ma rend maître des cœurs. Vous ſa
lebam tamen, Domi vez, Seigneur , que ( 1 ) j'étois
ne tu ſcis, bonos ha bien aiſe de n'avoir que des
bere diſcipulos, ſicut
appellantur boni, & Ecoliers ſages, au moins de ceux
eos ſine dolo doce u'on nomme tels dans le monde.
bam dolos ; non qui Je ne leur faiſois point fineſſe des
bus contra caput in fineſſes de l'art ; afin qu'ils s'en.
nocentis agerent, ſed ſerviſſent, non pas à faire périr
aliquando pro capite
nocentis. Et Deus vi les innocens, mais à ſauver quel
diſti de longinquo quefois la vie aux criminels.
lapſantem in lubri Vous voïiez de loin, Seigneur ,
co, & in multo fumo chanceler dans un chemin ſi
ſcintillantem fidem
meam, quamexhibe
gliſſant, & étinceller au milieu
d'une épaiſſe fumée , la bonne
bam in illo magiſte
rio diligentibus va foi avec laquelle j'exerçois ma
nitatem , & quaeren profeſſion avec des diſciples, qui
tibus mendacium, ſo ne cherchoient , non plus que
cius corum.
moi, que le menſonge & n'ai
moient que la vanité.
| 174 tes confeſſions de S. Auguſtin ,
J'avois déja une femme , non In illis annis unani
de celles qu'on prend en légiti habebam , non eò ,
quod legitimum vo
me mariage , mais telle qu'il catur conjugio cogni
avoit plû à mon impudicité folle tam , ſed quam in
& § de ſe la choiſir.Je ne dagaverat vagus ar
voïois qu'elle, & je lui gardois dor , inops pruden
fidélité : néanmoins je ſentois vi tiae; ſed unam tamen,
ci quoque ſervans
vement deſlors la différence qu'il thori fidem , in quâ
y a entre un véritable mariage, ſanè experirer exem
qui a pour fin d'avoir des en plo meo, quid diſta
§ & ces ſortes d'engagemens ret inter conjugalis
que l'eſprit de débauche fait placiti modum, quod
contracter , & où les enfans vien fœderatum eſſet gene
nent contre l'intention de ceux randi gratiâ, & pac
tum libidinoſi amo
ui leur donnent la vie , ſans, ris, ubi proles etiam
qu'ils puiſſent s'empêcher de les contra votum naſci
aimer quand ils ſont nés. tur, quamvis jam
nata cogat ſe diligi.
3. Je me ſouviens auſſi que 3. Recolo etiam ,
m'étant mis ſur les rangs pour cüm mihi theatrici
diſputer le prix de la Poëſie dra carminis certamen
matique, (2 )je ne ſai quel Dé inirç placuiſſet, man
daſſe mihi neſcio
vin me fit demander ce que je quem Haruſpicem ,
voulois lui donner, & qu'il me quid ei dare merce
le feroit adjuger. Moi, qui avois dis vellem ut vince
en horreur ces myſteres abomi rem ; me autem fœda
illa ſacramenta dete
nables, je fis réponſe que quand ſtatum & abomina
la couronne ſeroit d'un or qui tum reſpondiſſe, Nec
me conduiroit à l'immortalité , ſi corona illa eſſet
# ne voudrois pas que pour me immortaliter aurea,
a procurer , on fît mourir une muſcam pro victoriâ
mouche. Car je ſavois qu'il de meâ necari me ſinere.
Necaturus enim erat
voit offrir aux démons des ani ille in ſacrificiis ſuis
maux en ſacrifice, afin de me les animantia, & illis
rendre favorables.Mais, ô Dieu honoribus invitatu
\
R E M A R Q U E S.
[ 1 lJ 'Etois bien aiſe de n'avoir que des Ecoliers ſages. J'ai déja
- remarqué, que c'étoit une juſtice que Vincent chef des
Rogatiſtes de ſon tems, lui avoit rendu publiquement. Il avoit
connu le Saint à Carthage dans le tems qu'il y étudioit, & il l'a-
voit toûjours vû aimer la paix, & haïr le déſordre. D'autre part,
on peut juger du ſoin que ſaint Auguſtin prenoit de bien régler
ſa claſſe & ſes Ecoliers, par les grands'hommes qu'il eut le bon
heur de former, & dont il fait par tout l'éloge ; tels étoient Li
A.
176 Les confeſſions de S. Auguſtin ,
centius & ſon frere, fils de Romanien ſon intime ami, Eulogé
qui lui ſucceda dans la chaire de Rhétorique , S. Alipe, &c.
( 2 ) je ne ſai quel Devin. Ce pourroit bien être un certain
Albicere fort connu de ſaint Auguſtin , & célébre par la facilité
qu'il avoit à deviner & à répondre juſte à ceux qui le venoient
conſulter. Ce Devin faiſoit ſa demeure à Carthage, & ce n'eſt
qu'à Carthage que nous ſavons que ſaint Auguſtin a diſputé le
prix de la Poëſie. -
## #
C H A P I T R E III.
SAINT AUGUSTIN,
LIVRE QUATRIEME.
S O M M A I R E.
#R | L décrit d'une maniere fort touchan
L i - • . -
# # # # # # # # # # # # # # #& b#s
- C H A P IT R E P R E M I E R.
Il entraîne les autres dans l'erreur. Moiens dont il ſe ſers
our cela. La vaine gloire le # à diſputer le prix
de la Poéſie. Obſervances éta lies par les Manichéens
pour expier les péchés. Il continue à faire un humble
aveu de ſa miſere. Graces qu'il rend à Dieu de l'en
avoir tiré,
M• U R A N T les neuf ans ( 1) ER idemi
qui s'écoulerent depuis tempus an
ma dix-neuviéme année, † norum novem , ab
undeviceſimo anno
ma vingt-huitiéme, je paſſai le aetatis meae, uſque
tems à me laiſſer ſéduire , & à ad duodetriceſimum,
( 1 ) ſeduire les autres : livré à ſeducebamur & ſedu
différentes paſſions, j'étois égale cebamus falſi atque
fallentes in variis cu
· ment trompeur & trompé; ouver piditatibus; & palam
tement à la faveur des arts libé
er doctrinas quas li
raux que j'enſeignois; en cachet § vocant , oc
te ſous le maſque d'un faux cultè autem , falſo
nom de religion ;là ſuperbe, ici nomine religionis ;
hîc ſuperbi, ibi ſuper
ſuperſtitieux, & par tout ne me § , ubique vani.
repaiſſant que de vanité. Car ſi Hâc popularis gloriae
d'un côté je courois après la fu ſectantes inanitatem,
mée d'une gloire populaire dans uſque ad theatricos
les acclamations de théâtre, ( 2 ) plauſus, & conten
tioſa ( a) carmina ,
dans le concours des prix & des & agonem corona
couronnes fragiles qu'on donne rum fœnearum , &
ur les ouvrages d'eſprit, dans ſpectaculorum nugas,
es folies des ſpectacles & les ex & intemperantiam li
(a ) Aquic. Tornac. 1. & Bertin. cum Bad. Am. Er. & Lov
certamina,
· Eivre quatriéme, Chapitre I.
A 2 - . •
17 r
bidinum : Illâc au cès de l'amour impudique ; d'au
tem purgari nos ab tre part , comme c'étoient toutes
iſtis ſordibus expe
tentes, cüm eis qui ſoiiillures , dont je ſouhaittois
appellarentur Electi d'être purifié, je portois de quoi
& ſancti, afferremus manger à ceux que ces Héréti
eſcas,de quibus nobis ` ques appellent Elûs & Saints ;
in officinâ aqualiculi afin que dans l'attelier de leur eſ
ſui fabricarent Ange
los & Deos per quos tomac , ils fabriquaſſent des An
liberaremur , & ſec ges & ( 3 ) des Dieux, qui pûſ
tabar - iſta atque fa ſent me délivrer. C'étoit-là mon
ciebam cum amicis
meis , per me ac
étude & mes occupations avec
quelques-uns de mes amis abuſés
mecum dcceptis. COmme moi , & qui l'étoient mê
me par mo1.
Irrideant me arro Que ces Orgueilleux que vous
†, & nondum n'avez pas encore ſalutairement
alubriter proſtrati & humiliés & abattus, ſe mocquent
eliſi à te,Deus meus : de moi : je ne laiſſerai pas de
ego tamen confitear confeſſer mes turpitudes à † gloi
tibi dedecora mea ,
in laude tuâ. Sine re de votre nom. Permettez
me, obſecro, & da moi , faites-moi même la grace
mihi circumire præ de parcourir exactement tous les
ſenti memoriâ prae tours & retours de mes égare
teritos circuitus er
roris mei, & immo mens, & recevez le détail que
lare tibi hoſtiam ju j'en fais comme un ſacrifice de
bilationis. Q_U 1 D loiianges, que je vous offre. Car Pſ. 16. K.
enim ſum ego mihi enfin , MoI-MESME à moi-même
ſine te, niſi dux in
præceps ? Aut quid que ſuis-je qu'un guide qui con
ſum cüm mihi bcne duit au précipice : & quand je
eſt, niſi ſugens lac ſuis bien avec vous, ſuis-je au
tuum, aut fruens te, tre choſe qu'un enfant qui ſuce
cibo qui non corrum le lait de vos mammelles, ou
pitur ? Et quis homo
eſt quilibet homo , tout au plus qu'un homme fait,
cum fit homo ? Sed qui ſe nourrit du pain incorrup
172, Les Confeſſions de S. Auguſtin,
tible qui eſt vous-même ? Bien irrideant nos fortes
lus, un homme quel qu'il ſoit, & Pote tes , nos au
eſt-il autre choſe qu'un homme ? †# § &
ainſi que les eſprits forts & que *""
les puiſſans du § ſe mocquent
de nous : pour nous qui ſommes
ces foibles & ces pauvres de l'E-
vangile, nous vous benirons éter
nellement.
R E M A R Q U E S.
#. OcEBAM in
2. T 'ENsEIGNoIs la Rhétorique
illis annis ar
en ce tems-là , & maîtriſé
tem rhetoricam ; &
victorioſam loquaci par la cupidité, je faiſois trafic
tatem victus cupidi de cet étalage de paroles, qui ſe
tate vendebam. Ma rend maître des cœurs. Vous ſa
lebam tamen, Domi vez, Seigneur , que ( 1 ) j'étois
ne tu ſcis, bonos ha bien aiſe de n'avoir que des
bere diſcipulos, ſicut
appellantur boni, & Ecoliers ſages, au moins de ceux
eos ſine dolo doce u'on nomme tels dans le monde.
bam dolos ; non qui Je ne leur faiſois point fineſſe des
bus contra caput in fineſſes de l'art ; afin qu'ils s'en.
nocentis agerent, ſed ſerviſſent, non pas à faire périr
aliquando pro capite
nocentis. Et Deus vi les innocens, mais à ſauver quel
diſti de longinquo quefois la vie aux criminels.
lapſantem in lubri Vous voïiez de loin, Seigneur ,
co, & in multo fumo chanceler dans un chemin ſi
ſcintillantem fidem
meam, quamexhibe
gliſſant, & étinceller au milieu
bam in illo magiſte d'une épaiſſe fumée , la bonne
rio diligentibus va foi avec laquelle j'exerçois ma
nitatem , & quaeren profeſſion avec des diſciples, qui
tibus mendacium, ſo ne cherchoient , non plus que
cius corum.
moi , que le menſonge & n'ai
moient que la vanité.
174 Les confeſſions de S. Auguſtin ,
J'avois déja une femme , non In illis annis unani
de celles qu'on prend en légiti habebam , non eò ,
me mariage , mais telle qu'il quod legitimum vo
catur conjugio cogni
avoit plû à mon impudicité folle tam , ſed quam in
& § de ſe la choiſir.Je ne dagaverat vagus ar
voïois qu'elle, & je lui gardois dor , inops pruden
fidélité : néanmoins je ſentois vi tiae; ſed unam tamen,
vement deſlors la différence qu'il ci quoque ſervans
thori fidem , in quâ
y a entre un véritable mariage, ſanè experirer exem
qui a pour fin d'avoir des en plo meo, quid diſta
§ , & ces ſortes d'engagemens ret inter conjugalis
que l'eſprit de débauche fait placiti modum, quod
contracter , & où les enfans vien fœderatum eſſet gene
nent contre l'intention de ceux randi gratiâ, & pac
tum libidinoſi amo
qui leur donnent la vie , ſans ris, ubi proles etiam
qu'ils puiſſent s'empêcher de les contra votum naſci
aimer quand ils ſont nés. tur , quamvis jam
nata cogat ſe diligi.
3. Je me ſouviens auſſi que 3. Recolo etiam ,
m'étant mis ſur les rangs pour cüm mihi theatrici
carminis certamen
diſputer le prix de la Poëſie dra
matique, (2 )je ne ſai quel Dé inirç placuiſſet, man
daſſe mili neſcio
vin me fit demander ce que je quem Haruſpicem ,
voulois lui donner, & qu'il me quid ei dare merce
le feroit adjuger. Moi, qui avois dis vellem ut vince
en horreur ces myſteres abomi rem ; me autem fœda
illa ſacramenta dete
nables, je fis réponſe que quand ſtatum & abomina
la couronne ſeroit d'un or qui tum reſpondiſſe, Nec
me conduiroit à l'immortalité , ſi corona illa eſſet
#a procurer
ne voudrois pas que pour me
, on fît mourir une
immortaliter aurea,
muſcam pro victoriâ
meâ necari me ſinere.
mouche. Car je ſavois qu'il de Necaturus enim erat
voit offrir aux démons des ani
ille in ſacrificiis ſuis
maux en ſacrifice, afin de me les
animantia , & illis
rendre favorables. Mais, ô Dieu -
honoribus invitatu
\
R E M A R Q U E S.
[ 1 1J 'Etois bien miſe de n'avoir que des Ecoliers ſages. J'ai déja
- remarqué, que c'étoit une juſtice que Vincent chef des
Rogatiſtes de ſon tems, lui avoit rendu publiquement. Il avoit
connu le Saint à Carthage dans le tems qu'il y étudioit, & il l'a-
voit toûjours vû aimer la paix, & haïr le déſordre. D'autre part,
on peut juger du ſoin que ſaint Auguſtin prenoit de bien régler
ſa claſſe & ſes Ecoliers, par les grands'hommes qu'il eut le bon
heur de former, & dont il fait par tout l'éloge , tels étoient Li
176 Les confeſſions de S. Auguſtin ,
centius & ſon frere, fils de Romanien ſon intime ami, Eulogé
qui lui ſucceda dans la chaire de Rhétorique , S. Alipe, &c.
( 2 ) je ne ſai quel Devin. Ce pourroit bien être un certain
Albicere fort connu de ſaint Auguſtin , & célébre par la facilité
qu'il avoit à deviner & à répondre juſte à ceux qui le venoient
conſulter. Ce Devin faiſoit ſa demeurc à Carthage, & ce n'eſt
qu'à Carthage que nous ſavons que ſaint Auguſtin a diſputé le
prix de la Poëſie. - -
## RRRRRRRRRRRRRRR
C H A P I T R E II I.
Tom. I. M.
178 Les confeſſions de S. Auguſtin,
^ ." ca artis peritiſſimus ,
Médecin ; qui en qualité de Pro atque
, -- conſul, & non pas à raiſon de mus ; inquieâ (nobiliſſi
c ) pro
ſa profeſſion, avoit mis ſur ma conſule manu ſuâ co
tête malade, la couronne que j'a- ronam illam agoniſ
vois diſputée; & quoique dans la ticam impoſuerat non
maladie dont j'étois travaillé , ſano capiti mco, ſed
non ut medicus.Nam
, je n'aïe eu d'autre Médecin que illius morbi tu ſana
Jae , « vous , qui faites grace aux hum tor, qui reſiſtis ſu
bles & réſiſtez aux ſuperbes , perbis, humilibus au
vous ne laiſſâtes pas cependant tem das gratiam.
de vous ſervir de ce bon vieil Numquid tamen e
lard pour me ſecourir, & appli tiam per illum ſenem
defuiſti mihi, aut de
quer des remedes à mon ame. ſtitiſti mederi animae
Imc3C ?
Comme j'étois entré dans ſa Quia enim factus
familiarité, & que j'aimois fort ei eram familiarior,
à l'entendre, parce que ſans par & ejus ſermonibus
(erant enim fine ver
ler avec beaucoup de pureté, il borum cultu vivaci
s'énonçoit d'ailleurs fort agréa tate ſententiarum jo
blement, & que tout ce qu'il di cundi & graves) aſſi
ſoit étoient autant de ſentences duus & fixus inha
R E M A R Q U. E. S.
(1) CEſt Venus, c'eſt Saturne, ou Mars qui l'ont décidé. Selon
les principes de l'Aſtrologie judiciaire, il n'arrive rien
dans le monde ſublunaire, que par la vertu & l'influence des aſ
tres : ainſi l'homme n'eſt point libre. - -
tocºcoc^c/2c/cc/oc^c^c^cºco22c^&&&^cºvºc^>a
C H A P I T R E I V. " >
R E M A R Q U E S,
(1) Lorſque je commençois à enſeigner dans le lieu de ma
- naiſſance. C'eſt ſans doute en 375. ou 376. Car S, Au
guſtin étudioit encore à Carthage en 374, où ſans le ſecours
d'aucun maître il trouva de lui-même la clef des catégories d'A-
riſtote. Reſte à ſçavoir ſi c'étoit la Grammaire ou la Rhétori
que qu'il enſeignoit à Thagaſte : Poſſidius dit clairement qu'il y
enſeigna, au moins d'abord, la Grammaire ; & ce que S. Augu
ſtin dit dans le ſecond chapitre de ce livre, inſinuë , ce ſemble,
aſſez clairement, qu'il a pû un an après ouvrir à Thagaſte une
claſſe de Rhétorique, qu'il aura continué après les vacances à Car
† Ainſi il n'a enſeigné que deux ans dans le lieu de ſa naiſ
IlCC• - -
· ººººººº
C H A P I T R E V.
"
R E M A R Q U E S.
( 1) Omme on le dit d'oreſte & de Pylade. C'étoient deux
amis inſéparables, qui partageoient la fortune lu§ -
XXs2KXS2(XSXXSXXSXXSXX-2(XSXXs2&XS×X,
C H A P I T R E V I I.
R E M A R Q U E S.
(1) D E Thagaſte je vins à Carthage. La perte de ſon ami
ne fut pas le ſeul motif qui le porta à s'éloigner de
ſa patrie, puiſqu'il avouë ailleurs que le déſir qu'il avoit de s'é-
lever à une fortune plus brillante , entra un peu dans la réſolu
tion qu'il prit de retourner à Carthage. Romanien qui fut le ſeul
de ſes amis à qui il fit part de ſon deſſein, eut beau s'y oppoſer,
il céda enfin aux vûës ambitieuſes d'Auguſtin , & les favoriſa
même en lui fourniſſant tout ce qui lui étoit néceſſaire pour
faire agréablement ſon voïage, & pour ſe ſoûtenir dans la ca
§ l'Afrique. C'étoit ſur la fin de 377. & non ſur la fin
JLivre quatriéme, Chapitre VIII. 195
de 378 comme le veut M. de Tillemont, & quelques autres cri
tiques. . - • • " . - -
--
Livre quatriéme, Chapitre X. I99.
pœnâ ſuâ Et les ua punition , puiſque votre loi eſt la .# º.
- '---- * - , • 7 42 •
veritas, & Veritas tu vérité, qui n'eſt autre que vous.j§n.14.s,
R E M A R Q U E S.
(1 ) ET c'eſt en les rempliſſant qu'il les a faits. Comme Dieu
- ne remplit que ce qui exiſte, & que rien n'exiſte qu'en
lui ; ce n'ſtq u'en rempliſſant toutes choſes , qu'il leur donne l'e-
xiſtence.
rrnrnrnnrrnrrnnnnnnnnnnn
C H A P I T R E X.
R E M A R Q U E S.
(1) E N ſe portant à leur fin, ils la déchirent. Je ne eomprens
pas bien ici M. Dubois , il lit dans le latin : Eunt enim,
uò ? ut non ſint, & il prétend que cette leçon eſt la bonne ; parce,
dit-il, qu'elle eſt appuïée ſur trois manuſcrits & ſur un paſſage du
27. chapitre du 2. livre du libre Arbitre. On lui paſſe les trois
manuſcrits : mais on ne convient pas que le paſſage de l'ouvrage du
libre Arbitre, favoriſe la leçon des manuſcrits : quoi qu'il en ſoit,
on eſt en droit de lui demander pourquoi dans ſa traduction , il
n'a pas ſuivi la leçon pour laquelle il s'eſt ſi fort déclaré ?
2o2 Les Confeſſions de S. Auguſtin,
C H A P I T R E X I.
tetur anima mea, (d) e ; & qu'il étoit même dans le 1.Tim. .
-
# # # # # # # # # # # # #::::::::::::::::::::::::::::::
C H A P I T R E X I I I.
SR SR6-5-28-38.38.38.sº.38.-º.sº : 5.5R
C H A P I T R E XI V.
2Tome I.
2 1e . Les confeſſions de S. Auguſtin ,
vrage à Hierius Orateur de la Deus meus , ut ad
(a) Hierium Romanae
ville de Rome, que je n'avois ja urbis oratorem ſcri
, mais vû, mais qu'une grande ré berem illos libros,
putation de doctrine me faiſoit ai quem non noveram
mer : D'ailleurs quelques bons facie, ſed amaveram
mots qu'on m'avoit rapportés de hominem ex doctri
- upp
aimât en moi pareille choſe : Ce- ſtarer & repellerem,
· pendant cet autre eſt un homme § § uterque noſ
comme moi. Ainſi on ne peut Pas trûm homo : Non
· dire qu'on aime un farceur, qui † † bo
eſt notre ſemblable, comme O1'l § §
aime un bon cheval, puiſqu'on ne ſi poſſet, hoc & de
voudroit jamais être ce cheval , hiſ§ §
quand même cela ſe pourroit. eſt, qui naturæ noſ
•» trae ſocius eſt.
•
R E M A R Q U E S.
( 1 ) () ſUi dans les combats des bêtes , s'eſt rendu célébre. Ces
- combats ſe faiſoient dans l'amphithéâtre, dans le cir
que , ou dans quclqu'autre lieu dreſſé exprès. Ils faiſoient par
tie des jeux publics. Il n'y avoit gueres que des eſclaves , des
gladiateurs, & des criminels, qui entraſſent en lice. On donnoit
cette ſorte de ſpectacle pour accoûtumer & familiariſer avec le
ſang les yeux des Citoïens, & inſpirer de l'émulation aux jeu
nes gens, par les loüanges qu'on donnoit aux Combattans qui
pbattoient le plus de bêtes. -
Livre quatriémé, Chapitre XV. 2 15
& 3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,
C HA P I T R E X V.
rez mon eſprit, & qui en chaſ mine Deus meus, if4
ſez les ténébres. Car nous n'a- luminabis tenebras
O3Il,
1. vons que ce qué nous recevons meas ; & de plenitu
1! de votre plénitude. Vous êtes la
dine tuâ nos omnes
( c ) accipimus. Es
véritable lumiere qui éclaire tout enim tu lumen ve
homme qui vient au monde, & rum, quod illuminat
omnem hominem
Jac. 1. 1
| vous n'êtes ſuſceptible ni de venicntem in hunc
’ changement ni du plus léger ob mundum ; quia in te
ſcurciſſement. non eſt tranſmuta
tio, nec momcnti ob
umbratio.
26. Cepéhdant je m'efforçois 26.Sed ego cona
de m'élever vers vous; mais par bar ad te » & repel
lebar abs te, ut ſa
ce que vous réſiſtez aux ſuper perem mortem, quo
1. Pet. ;. bes, vous me repouſſiez; & ainſi
IOs
niam ſuperbis reſi
je n'avois de goût que pour ce ſtis.
qui me donnoit la mort.
Vit-on auſſi d'orgiieil & d'ex Quid autem ſuper
travagance plus grande que celle bius, quàm ut aſſe
rerem, mirâ demen
qui me faiſoit dire , que j'étois tiâ, me id eſſe natu
naturellement ce que vous êtes ? raliter quod tu es ?
car j'étois ſujet au changement, Cüm enim ego eſſem
& cette vérité m'étoit d'autant mutabilis, & eò mi
plus ſenſible, que je n'avois en hi manifeſtum eſſet,
vie d'arriver à la ſageſſe que pour quòd ideô utique ſa
piens eſſe cupiebam,
devenir meilleur : cependant ut ex deteriore me
j'aimois mieux croire que vous lior fierem , male
êtes ſujet à changer , que de bam tamen etiam te
penſer que je n'étois pas de mê opinari mutabilem ,
me nature que vous. quàm me non hoc
eſſe quod tu es,
Vous me repouſſiez donc , & Itaque repeſlebar,
| yous réſiſtiez à l'enflure de mon & reſiſtebas ventoſae
cervici meæ , & ima
orgüeil : de mon côté, je m'occu
( c ) Ita Germ. 1. Camer. & Tornac. I. Editi, accepimus
Livre quatriéme, chapitre XV. 219,
ginabar formas cor- pois à forger des images corpo
poreas, & caro ca - relles, & tout chair que j'étois,
nem † & -je faiſois le procès à la chair :
† † mon eſprit s'égaroit, & ne re-ºzºs.
ad te, & ambulando tournoit point encore à vous :
ambulabam in ea ainſi j'allois me pénétrant de plus
qua non ſunt, neque en plus des choſes, qui n'étoient
inte , nºque º ºº » ni en vous , ni en moi , ni dans
† # † les corps : & qui bien loin d'être
§ §, l'ouvrage de votre vérité, ve
ſed à mcâ vanitate noient purement de mon ima
fingebantur ex cor- gination, qui les forfhoit ſur les
pore. - corps que je voïois. -
R E M A R Q U E S.
Et ſatis apertè mi
hi videbantur lo4
riſtote traite aſſez clairement des quentes de ſubſtan
tiis, ſicuti eſt homo ;
ſubſtances & de tout ce qui y eſt & quæ in illis eſſent ;
compris ; par exemple , parlant ſicuti eſt figura ho
minis, qualis ſit ; &
d'un homme, il conſidére ſa fi ſtatura, quot pedum
gure, ſa taille, ſes affinités ; en ſit; & cognatio, cujus
frater ſit ; aut ubi ſit
quel lieu il eſt ; en quel tems il conſtitutus;aut quan
eſt né ; s'il eſt debout ou aſſis ; do natus, aut ſtet ,
aut ſedeat, aut cal
s'il eſt habillé , ou armé ; s'il ceatus vel armatus
ſit ; aut aliquid fa
eſt agent ou paſſif; & générale ciat, aut patiaturali
ment tout ce qui rentre dans l'un quid; & quaecumque
in his novem generi
des neuf chefs dont je viens de bus, quorum exem
donner quelques exemples , ou pli gratiâ quaedam
poſui , vel in ipſo
même dans le genre de ſubſtan ſubſtantiae genere in
ce, ce qui va à l'infini. numerabilia repea
riuntur.
29. Quel fruit † donc 29. Quid hoc mi
- -
C. —r—**---- >
R E M A R Q U E s. :
( 1 ) p^ os Enfans. Ce ſont ces humbles de cœur, qu'il cherchois
· à embarraſſer par ſes ſophiſmes. :
LE S
CONFESSIONS D E
SAINT AUGUSTIN,
LIVRE CINQUIE'ME.
-TT
s o M M A I R E.
Vingt-neuf ans il voit Fauſfe & con
fére avec lui : mais au lieu des éclair
s ciſſemens qu'il en attendoit depuis long
| tems , il n'en reçoit qu'un humble aveu
de ſon ignorance : ce qui le fit pancher vers le
Pyrrhoniſme, où il ſe confirma par l'examen qu'il
Jît du ſyſtême des Manichéens ſur le Monde viſ
ble , & du ſyſtéme des Philoſophes ; celui de ces
derniers, lui paroiſſant bien plus probable que ce
lui des autres. Comme il ne pouvoit s'accommos
« - -,
- - | | . - 222
ider des mœurs des Ecoliers de Carthage, il va
enſeigner la Rhétorique à Rome, ſans pouvoir
en être détourné par les pleurs & les inſtances
de ſa Mere , mais en arrivant il tombe malade
à l'extrémité. A peine eſt-il revenu de ſa mala
die, qu'il apprend que les Ecoliers de Rome, ſans
avoir les défauts de ceux de Carthage , en avoient
d'autres qui n'étoient gueres plus ſupportables ;
ce qui le détermine à ſolliciter la Chaire de Rhé
torique de Milan. L'aiant obtenuë, il ſe rend aſſi
du aux ſermons de S. Ambroiſe ; ce qui acheve
de le détromper, & le porte à rompre avec les
Manichéens : mais ne voiant encore rien de mieux,
il prend la réſolution de demeurer Catéchuméne
dans l'Egliſe, juſqu'à ce qu'il vit de quel côté i4
devoit tourner. - -. ' < } !
r iit
z39 Les Confeſſions de S. Auguſtin, ,
#
# # : 4E5
- ' .. \ , ^ • - --
CH A P I T R E P R E M I E R,
Excellente prière. Dans quelle vûë il expoſe les miſeri
cordes de Dieu ſur lui. Pourquoi il n'y a rien en nous
qui échappe à la connoiſſance, ou qui réſiſte à la puiſ
ſance de Dieu. Différentes manieres par où toutes les
| Créatures publient ſes louanges. Quel uſage nous devans
| faire des Créatures. . -
* \ I. R, EcEvEz le ſacrifice de
mes confeſſions,que vous .
1. A CcIPE ſacrifi
3A cium 'confeſ
offre ma bouche , ô mon Dieu ;
-
† , de
linguae meae ,
IT1211L1
cette bouche que vous avez for- quam formaſti & ex
mee , & que vous excitez a be- citaſti,ut (a)confitea
pt.s. ,t.ºir votre nom, Guériſſez toutes tur nomini tuo; & ſa
' ' les puiſſances de mon ame, afin # † mea,&
rr 4.e. qu'elles s'écrient, Seigneur, qui § †
vous eſt ſemblable , Car celui § do§e quidin
† vous fait le détail de ce qui -
ſe agatur , qui tibi *. -
' Que mon ame vous loue donç, Sed te laudct ani
(a) Torn. .. & 3. confitcar.
Livre cinquiéme, chapitre II. ·2 3I ·
ma mea, ut amet te;
& confiteatur tibi
mais que ce ſoit pour vous ai
miſerationes tuas, ut mer : & qu'elle reconnoiſſe en
laudet te. Non ceſſat Votre préſence VOS miſéricordes #.
nec tacet laudes tuas mais que ce ſoit pour vous loiier :
univerſacreaturatua, car c'eſt un devoir dont toutes
nec ſpiritus omnis les créatures ne ceſſent jamais de
hominis, per os con s'acquitter : l'homme le fait par
verſum ad te ; nec lui-même en s'addreſſant immé
animalia, nee corpo
ralia per os conſide diatement à vous , les animaux &
rantium ea ; ut exur les corps inſenſibles publient vos
gat inte à laſſitudine loüanges par la bouche de ceux
anima noſtra , inni
tens eis quæ feciſti,
qui les conſiderent, afin que no
tre ame ſe ſerve des créatures.
& tranſiens ad te,
qui feciſti haec mira comme d'appui & de degré pour
biliter : & ibi refec s'élever vers vous, qui les avez.
tio & vera fortitudo. faites avec une ſageſſe admira
ble , & qu'elle s'élance juſques .
dans votre ſein , pour y trouver
la fin de ſes agitations, s'y nour
rir , & y prendre de véritables,
forces.
|
Livre cinquiime, Chapitre II. 233
lieſclunt quod ubi les a livrés à leur propre dépra
que ſis, quem nullus vation. Inſenſés ;ils ne voïent pas
circumſcribit locus,
& ſolus es prœſens, que vous êtes partout , & que
ctiam iis qui longè comme aucun lieu ne ſauroit
fiunt à te. vous enfermer , vous ſeul êtes
préſent à ceux mêmes que leur
malice éloigne de vous.
Convertantur ergo Qu'ils ſe convertiſſent donc &
& quærant te; quia qu'ils vous cherchent, parce que
non ſicut ipſi (d) de vous ne vous retirez pas de vos
ſeruerunt Creatorem
ſuum , ita & tu de créatures, comme elles ſe reti
ſeruiſti creaturam rent de vous. Qu'ils ſe convertiſ
tuam. Ipſi convertan ſent, dis-je, & qu'ils vous cher
tur & quaerant te ; & chent , & ils vous trouveront
ecce ibi es in corde
eorum, in corde con
dans leur cœur ; car vous êtes
fitentium tibi , & dans le cœur de ceux qui vous
projicientium ſe in expoſent leur état, qui ſe jettent
te, & plorantium in entre vos bras, & pleurent leurs
ſinu tuo poſt vias . égaremens, qui leur ont coûté
ſuas difficiles : & tu
facilis (e) tergens la tant de peines. La bonté avec
crymas eorum , & laquelle vous eſſuïez leurs lar
magis plorant , & mes, fait qu'ils en répandent da
gaudent in fletibus : vantage, & qu'ils en font leurs
quoniam tu , Domi délices; parce que Vous, qui êtes
ne, non aliquis ho
mo caro & ſanguis, leur Créateur, & leur Rédemp
ſed tu, Domine, qui teur , les renouvellez & les con
feciſti, reficis & con ſolez, & non pas les hommes ,
ſolaris eos.
qui ne ſont que chair & ſang.
Et ubi ego eram Où étois-je donc quand je vous
( d ) Bertin. Torn. 1. Camer. & Giſlen. deſeruerunt te creato
rem ſuum, ita & tu.
( e ) Bertin. Aquic. Camer. Giſlen. duo Torn. ſ0lim. & Mo
ret, Et tu facilis terges lachrymas , ut magis plorcnt & gau
dcant,
#.34 Les confeſſions de s. Auguſtin,
| cherchois? Je vous avois devant quandote quxrebam?
Et tu eras ante me ;
moi : mais j'étois ſi loin hors de
ego autem & à me
moi , que ne pouvant me trou diſceſſeram, nec me
ver moi-même , j'étois moins en inveniebam ; quantà
état de vous trouver, m: nus te ?
######
C H A P I T R E III,
Arrivée de Fauſte à Carthage, ſon caraciere & ſes ta
· lens. Combien les découvertes que les Philoſophes ont fai
tes dans la nature , ſont au-deſſus des fables des Ma
nichéens. Pourquoi ces grands eſprits n'ont pû parve
xir à connoître Dieu. Ils ont abuſé des connoiſſances
qu'il leur donnoit , au lieu de lui en faire un ſacri
· fice. Ils n'ont pas connu Jeſus-Chriſt , qui eſt l'unique
voie qui conduit à l'immortalité. Ceux d'entr'eux qui
ont connu Dieu, ne l'ont pas glorifié.
3. RoLoQUAR in
;. I E vais repaſſer en la pré
- J ſence de mon Dieu ma - conſpectu Dei
mei annum illum uu
vingt-neuviéme année. ( 1 ) Cer detriceſimum aetatis
tain Evêque des Manichéens ap meae. Jam venerat
pellé Fauſte, arriva enfin à Car Carthaginem quidam
thage. Les charmes de ſon élo Manichaeorum cpiſ
quence étoient un piége dange ne,copus, Fauſtus nomi
magnus laqueus
reux, dont le démon ſe ſervoit diaboli ; & multi im
pour ſurprendre tant d'ames qui plicabanturin eo per
tomboient dans ſes filets, Je ne illecebram , ſuavilo
pus donc m'empêcher de loüer quentiæ , quam ego ,
tametſi laudabam ,
ſes diſcours ; mais comme j'étois, diſcernebam tamen à
pour ainſi dire, affamé de con veritate rerum qua
noître la vérité , & que j'étois rum diſcendarum a
attentif à diſcerner ce qu'il di vidus eram : ncc quae
Livre cinquiéme, Chapitre III. 23 5
ſi vaſculo ſermonis, ſoit de la maniere dont il le di
ſed quid mihi ſcien ſoit , je conſiderois bien moins
tiae comedendum ap
neret, nominatus la beauté des plats, que la qua
apud eos ille Fauſtus, lité des viandes que me ſervoit
intuebar. Famaenim un homme auſſi célébre dans ſa
de illo prælocuta mi Secte , & qu'on donnoit pour
hi erat, quòd eſſet être fort verſé dans toute §
honeſtarum omnium d'arts & de ſciences. Alors com
doctrinarum peritiſ
ſimus, & apprimè parant une partie de ce que j'a-
diſciplinis libcrali vois lû & retenu de tant d'écrits
bus eruditus, Et quo des Philoſophes que j'avois feüil
niam multa philoſo letés, avec ces longues fables des
horum legeram ,
§-§ manda Manichéens , je trouvois bien
lus de vraiſemblance dans les
ta retinebam, ex eis
quacdam compara
bam illis Manichaco
§ de ces grands génies,
qui ont eu aſſez de pénétration
rum longis fabulis ; pour dévoiler & démêler la na-sar. 13 »
& mihi probabiliora turC » quoiqu'ils
n'aient pû en
iſta videbantur quae
dixerunt illi , qui découvrir l'Auteur , parce que
tantum potuerunt va ELEvE'au point que vous l'ètes , pg,,r.s.
ſere, ut poſſent aeſ vous regardez favorablement les
timare ſaeculum , humbles, & vous vous tenez loin
quamquam ejus De des eſprits orgüeilleux. Ainſi,
m1num m1n1me 1n
venerint. Quoniam vous ne vous rendez acceſſible
MAGNUs es Domine, qu'à ceux qui ont le cœur con
& humilia reſpicis, trit , & vous ne permettez pas
excelſa autem à lon
gè cognoſcis ; nec ue les ſuperbes vous trouvent ,
propinquas niſi ob euſſent-ils la ſcience & la curio
tritis corde , nec in ſité qu'il faut pour compter les
veniris à lu§rbi , étoiles & les grains de ſable de
nec ſi illi curiosâ pe la mer, pour meſurer l'étenduë
ritiâ numerent ſtel du ciel, & connoître le cours des
las & arenam , & di
metiantur ſidereas aſtrçs
plagas , & veſtigent
vias aſtrorum "
-
«
236 Les Confeſſions de S. Auguſtin,
4.C'eſt que ſe ſervant de l'eſ 4. Mente enim ſu#
quaerunt iſta, & in- .
tit que vous leur avez donné, genio quod tu dediſti
ils n'ont emploïé leur induſtrie eis : & multa invcne
qu'à ces recherches : il eſt vrai runt, & praenuncia
u'ils ont fait un grand nombre verunt ante multos
annos defectus lumi
† découvertes ; car ils ont pré
dit pluſieurs années auparavant narium Solis & Lu
nae, quoi die , quâ
les éclipſes du ſoleil & de la lu horâ, quanrâ ex par
ne ; leur grandeur, & le jour & te futuri eſſent; &
l'heure qu'elles devoient arriver; non eos fefellit nu
& comme leur calcul étoit juf merus, & ita factum
te, l'évenement s'eſt trouvé con eſt ut prænunciave
runt : & ſcripſerunt
forme à la prédiction. Ils ont regulas indagatas, &
même inventé & laiſſé des régles leguntur hodie, atque
sûres, dont on ſe ſert encore au ex eis praenunciatur,
jourd'hui ; au moïen de quoi on quo anno & quo
· trouve l'année, le mois, le jour menſe anni ; & quo,
& l'heure des éclipſes avec les die menſis , & quâ
horâ diei , & quotâ
degrez d'immerſion ; & ces ré parte luminis ſui de
gles ſont infaillibles. fectura ſit Luna vel
Sol : & ita fiet ut pro
nunciatur.
Et mirantur hace
Tout cela eſt pour les hommes homines, & ſtupent
un ſujet d'admiration ; mais tan qui neſciunt ea, &
dis que ceux qui n'y voient gou cxultant atque extol
tC » § § ceux luntur qui ſciunt ; &
qui s'y entendent, s'y plaiſent & per impiam ſuper
biam recedentes &
s'en glorifient par un orgüeil im deficientes à lumine
pie, qui fait qu'au moment même tuo , tantò antè Solis
qu'ils prévoïent les éclipſes des defectum futurum
§ ne voïent pas celle où ils prævident, & in præ
ſentiâ ſuum non vi
tombent en s'éloignant de votre
lumiere, faute de chercher avec dent ; non enim reli
giosè quaerunt unde
une pieté religieuſe d'où leur habeant ingenium
Livre cinquiéme, chapitre III. 237
quo iſta quærunt. Et vient cet eſprit capable de faire
invenientes quia tu ces recherches : & s'ils décou
feciſti eos , non ipſi vrent que c'eſt vous qui les avez
dant tibi ſe, ut ſer faits , ils ne ſe donnent point à
ves quod feciſti, & vous, afin que vous conſerviez
quales ſe ipſi fece en eux votre ouvrage , n1 ne
rant (a ) occidunt ſe s'immolent à votre gloire, tels
tibi , & trucidant qu'ils ſe ſont faits eux-mêmes ;
exaltationes ſuas, ſi c'eſt- à - dire, ils ne font mou
cut volatilia ; & cu rir ni leur orgüeil qui les éle
rioſitates ſuas, ſicut ve juſqu'aux nuës comme des oi
ſeaux , ni leur curioſité qui les
piſces maris, quibus porte à ſe faire jour dans le ſein
perambulant ſecretas de la nature, comme les poiſſonr
ſemitas abyſſi : & lu qui parcourent les ſentiers des abî
xurias ſuas ſicut pe mes les plus profonds , ni leur ſen
cora campi ; ut tu, ſualité qui les rend ſemblables
Deus , ignis edax ,
allX † † paiſſent dans les
conſumas mortuas champs : afin que vous , mon
Ctiras corum,recreans
Dieu, qui êtes un feu dévorant, Deut. 4
conſumiez dans leur cœur les *4-
- - A
cDs immortaliter.
paſſions & les afflictions d'eſprit
ui leur donnent la mort , & y
renouvelliez le principe de l'im
mortalité. -
R E M A R Q U E S.
33 33 3 3 3 3 3 3 3 3 4 à 3 3 3 3 3 3 34434343 # # #
C H A P I T R E I V.
C H A P I T R E V.
§ j'avois de ſa ſainteté
auctoritatem propter •
creditam ſanctitatem -
præponerem..
•. "
R E M A R Q U E S.
-
-
256 Les confeſſions de S. Auguſtin,
mum tunc meum ,
raiſon qui me fit prendre ce par
ti , c'eſt que j'avois appris que ſedilla {a) erat cauſa
maxima, & paenèſo
les Ecoliers y étoient moins tur la, quòd audiebam
bulens, & qu'on leur faiſoit gar quietiiis ibi ſtudere
der une § line ſi exacte , adoleſcentes ; & or
qu'ils n'oſoient ſe jetter en foule, dinatiore diſciplinae
coercitione ſedari, ne
ni d'un air arrogant dans la claſſe in ejus ſcholam quo
d'un autre maître que le leur ; & magiſtro IlOIl lltUl1l
qu'ils ne pouvoient y entrer qu'a- turpaſſim & proter
vec ſon agrément. A Carthage ve 1rruant ; nec eos
au contraire, la licence qui re admitti omnino, niſi
ne parmi les Ecoliers, eſt auſſi ille permiſerit. Con
§ qu'inſuportable : car ils tra, apud Carthagi
nem fœda eſt & in
entrent dans les claſſes des autres temperans licentia
avec une impudence qui appro ſcholaſticorum. Ir
che de la fureur, & y troublent rumpunt impuden
ter, & propè furiosâ
l'ordre que le maître y a établi fronte perturbant or
pour l'avancement des Ecoliers. dinem, quem quiſ
Ils font d'un ſang-froid étonnant que diſcipulis ad
mille outrages que les loix ne proficiendum inſti
manqueroient pas de punir, ſi la tuerit. Multa inju
rioſa faciunt, mirâ
Coûtume ne les autoriſoit. En hebetudine , & pu
nienda legibus, niſi
quoi ils ſont d'autant plus miſéra conſuetudo patrona
bles, qu'outre qu'ils font, comme ſit ; hoc miſeriores
eos oſtendens, quò
s'il étoit permis, ce que votre loi jam quaſi liceat fa
éternelle ne permettra jamais, ils ciunt quod per tuam
aeternam legem num
croïent le faire impunément , quam licebit ; & im
quoique l'aveuglement avec le punè ſe facere arbi
trantur ; cum ipsâ fa
quel ils le font, ſoit une puni ciendi çaecitate pu
(a) Bertin. Camer. Torn. I. Aquic. Giſlen, Vlim. & Moret.
illa erat tunc cauſa maxima.
niantur,
- à Livre cinquiéme,
- -
chapitre vrff, 257
Hiantur, & incompa tion plus grande,que le mal qu'ils
rabiliter patiantur . font ſouffrir aux autres. '
pejora quàm faciunt.
Ergo quos mores , Comme donc en enſeignant
tüm ſtuderem, meos (2)je me voïois obligé de fouffrir
eſſe(b)nolui, eos cûm
docerem cogebar per
dans les autres des manieres, à
peti alienos : & ideò quoi je n'avois pû me faire quand
placebat ire ubi talia j'étudiois, j'étois bien aiſè de
non fieri omnes qui
moverant indicabant.
paſſer dans des lieux où tout le
monde m'aſſûroit, qu'il ne ſe paſ
Verüm autem tu , ſoit rien de ſemblable. C'étoit
ſpes mea , & portio
Inea in terrâ viven pourtant vous qui êtes mon eſ
tium, ad mutandum pérance & mon partage dans la P : 14fi d,
terrarum locum pro terre des vivans , c'étoit vous
ſalute animae meæ , qui vous ſerviez de ceux qui n'ai
& Carthagini ſtimu moient que cette vie de mort,
los quibüs inde avel
lerer admovebas, & pout me faire changer de lieu ,
Romae illecebras qui & me faire entrer dans la voie
bus attraherer pro du ſalut, emploïant les excès ex
onebas mihi , per travagans des uns pour me faire
† qui ( c ) di= quitter Carthage , & les vaines
ligebant vitam mor
tuam, hinc inſana fa promeſſes des autres pour m'at
cientes , inde vana tirer à Rome : ainſi vous faiſiez
pollicentes ; & ad ſervir ſecrettement leur perverſi
corrigendos greſſus té & la mienne propre à redreſ
meos utebaris occul
tè & illorum & mea ſer mes voies. Car tandis que les
perverſitate. Nam & uns en troublant mon repos
qui perturbabant o étoient des aveugles & des fu
tium meum fœdâ ra rieux , & que les autres en vou
- (b) Cod. Sorbonicus ac Torn. 11 meos eſſe volul. Conſentit Ga L
licaverſio Arn. ſed alii eodices , etiam Arn in Latino textu ;
ahbent, nolui. Et reipſa cùm in ſchola Rhetoris ſtuderet Auguſti
mus, fuit longè ſedatior, ut ait ſuprà lib. 3. c.;. :
R ij
3.6o Les comfffoms de s. Augu/im;
vous n'en teniez aucun compte, ditatibus meis rape*
parce qu'en m'arrachant à ma res ad finiendas ipfàs
cupiditates , & illius
<upidité pour éteindre ma cupi carnale defiderium
diré même , vous puniffiez par jufto dolorum flagel
une jufte douleur ce qu'if y lo vapularet. ÁÉ
avoit de charnel dans l'attaché enim fecum præfen
tiam meam ; more
ment qu'elle avoit pour moi. matrum , fed multis
Car en aimant à me voir com
me les autres meres aiment à voir multò ampliüs ; &
nefciebat quid tu illi
leurs enfans , cet amour paffoit gaudiorum faéturus
effes de abfentiâ meâ.
de beaucoup celui de bién des
meres : & comme elle ignoroit
quelle joie vous deviez lüi faire
Nefciebat, ideò fie
bat & ejulabat , at
que illis cruciatibus
.
j;
recüeillir de cette féparation, el arguebatur in eâ ( g )
le fe livroit aux pleurs & aux reliquiarium Evæ ,
plaintes : triftes (4) fuites de la cum gemitu quærens
punition d'Eve, qui la condam quod cum gemiitu pe
noit à rechercher avec douleur ce pererat. Et tamen poft
accufationem , falla
qu'elle avoit enfanté avec dou ciarum & crudelita
leur. Mais enfin, après s'être ré tis meæ , converfa
pandué. en reproches fur ma rurfus ad deprecan
tromperie & ma dureté, elle re dum te pro me , abiit
ad folita , & ego Ro
prit le train ordinaire de vous Imam. •.
p rier p
pour moi , & s'en alla chez - .
R E M A R Q U E S.
(1) Q T0oique je ne fuſſe pas alors inſenſible à tout cela.Il dit
formellement dans l'écrit qu'il a fait contre les Acadé
miciens , que ſon ambition cut quelque part au voïage qu'il fit
de Thagaſte à Carthage : Ubi evincere adoleſcentis cupiditatem
ad ea qua videbantur meliora tendentis, & c. lib. 2. cap. z.
Voïez plus haut liv. 4. chap. 7.
( 2 ) Je me voiois obligé de ſouffrir dans les autres des manie
res , à quoi je n'avois pû me faire quand j'étudiois. Il dit la mê
me choſe dans le troiſiéme chapitre du troiſiéme livre ; ainſi
quand il ajoûte au même endroit, qu'il avoit je ne ſai quelle
honte de ne pas reſſembler aux frondeurs de Carthage, il faut
l'entendre de ces momens, que les perſonnes les plus retenuës ſe -
Permettent quelquefois, comme on dit , par débauche. . s .
( 3 ) Ce qui faiſoit le fond de tous ſes déſirs. C'étoit la con
verſion de ſon fils, que Dieu lui avoit promiſe & fait connoître
dans quelques viſions : mais qui ne devoit s'opérer qu'en ſon tems,
& à quoi le voïage de Rome devoit contribuer, comme elle le re
connut dans la ſuite. -
cccococccccccocsxccccccococococococccococccccctccc $
C H A P I T R E I X.
En arrivant à Rome il eſt attaqué d'une maladie qui le
met à l'extrémité. Danger que ſon ame courut alors. Il
ne ſongea pas à demander le Baptême. Dieu lui rendit
la ſanté en conſidération des prieres de ſa mere. Exer
cices de pieté de cette ſainte femme.
K6. 1, T ecce exci- I 6. N y arrivant je tombai
pior ibi fla- malade , & j'allois droit
gello xgritudiniscor- en enfer : car outre le péché d'or
roralis , & ibam rigine , par lequel nous mourons
R iii
#
262,
Les Confeſſions de s. Auguſtin,
tous en Adam, j'étois ehargé de ta) jam ad inferos,
tous les crimes énormes que j'a- portans omnia mala
VO1s comm1s contre vous, con qua commiſeram, &
tre moi - même & contre mon in te, & in me, & in
alies, multa & gra
Prochain, parce que vous ne m'a- via, ſuper origina
Viez encore rien remis en J. C. & lis peccati vinculum,
que ſa Croix n'avoit pas mis fin quo omnes in Adam
1, Cor 5 morimur. Non enim
32 •
à l'inimitié que mes péchés m'a- quidquam mihi do
Fpheſ 2. voient fait contracter avec vous. naveras in Chriſto ;
44s
t comment eût-elle opéré un ſi nec ſolverat ille ( b )
grand bien, dans la créance où in cruce ſuâ inimici
j'étois que ce n'étoit qu'un phan tias,quas tecum con
tôme qui y avoit été attaché; ce traxeram peccatis
mcis,Qucmodo enim
qui faiſoit que la mort de mon eas ſolveret in cruce
ame étoit auſſi réelle , que je me phantaſmatis , quod
de illo credideram !
figurois fauſſe la mort de Jeſus Quàm ergo falſami
Chriſt ; & que la vie de mon hi ^ videbatur mors
carnis ejus, tam vera
ame étoit auſſi fauſſe que la mort erat animae mcae : &
de Jeſus-Chriſt étoit vraie ; ce quàm vera erat mors
carnis ejus , tam fal
que je regardois comme un con ſa vita animae meae ,
te. Cependant ma fievre redou quæ id non credebat.
bloit, ainſi j'allois toûjours en Et ingraveſcentibus
febribus , jam ibam
empirant. Et où aurois-je été ſi & peribam. Quò
j'étois parti de ce monde , ſinon enim irem , ſi tunc
hinc abirem , niſi in
dans le feu, & ce lieu (1) de ſup ignem atque tormen
( a ) Vocem jam in textum tranſtulimus ex Torn. 1. duobus
Germ. Camer. Giſlen. ſUlim. Arn. Moret. & c.
( b ) Sic legendum cum MSS. ac Bad. & Arn. mon ut Am,
Er. & Lov. habent , in carne : tametſ hoc etiam habeat locus
Apaſtoli, ad quem alludit Auguſtinus. Nam hic dicere maluit »
nec ſolverat ille in cruce ; quia ſui recordabatur erroris , qu°
antea cum Manichais non crucem, ſed carnem Chriſti megavérat
| Livre cinquiéme, chapitre IX. 263
ta digna factis meis,
in veritate ordinis
† que j'avois mérité ſelon les
oix immuables de votre vérité ?
tui ?
Et illa hoc neſcie Ma mere ignoroit bien l'état
bat, & tamen prome déplorable où je me trouvois ;
erabat abſens. Tu mais toute éloignée qu'elle étoit,
autem ubique prae elle ne laiſſoit pas de prier pour
ſens , ubi erat ex moi : & vous, Seigneur, qui êtes
audiebas eam ; & préſent par tout , vous receviez
ubi eram miſerebaris ſes prieres dans l'Afrique, & vous
mei, ut recuperarem me faiſiez miſericorde à Rome,
ſalutem corporis mei, en me rendant la ſanté du corps,
adhuc inſanus corde quoique mon ame fût toûjours
ſacrilego. Neque e dans le délire, où ſes impietés
nim deſiderabam in ſacriléges la retenoient. Car quel
illo que grand † fût le péril où j'é-
tanto periculo
tois, je ne formai pas un ſeul dé
Baptiſmum tuum ; & ſir de recevoir le Baptême : ainſi
melior eram puer
quando illum de ma
j'avois dégenéré § 'à l'âge le
plus tendre j'avois ſollicité la pie
ternâ pietate fſagita té de ma mere de me le faire don
vi, ſicut jam recor ner , comme je l'ai déja dit ,
datus atque confeſſus & que je vous en ai rendu gra
fum. Sed in dedecus ces. Ainſi c'étoit à ma honte que
meum creveram ; & j'étois devenu grand , & qu'en
conſilia medicinae vrai phrénétique je me mocquois
tuae demens irride de ce remede que vous avez pré
bam, qui me non ſi paré à nos ames.Vous ne permi
viſti talem bis mori. tes pas cependant que je mou
ruſſe alors de la double mort dont
Quovulnere ſi ferire
tur cor matris, num j'étois menacé. C'eût été pour le
quam ſanaretur. Non
cœur de ma mere une plaie,qui ne
enim ſatis eloquor, ſe ſeroit jamais fermée; car je ne
quid erga me habe ſaurois exprimer la tendreſſe qu'-
R iiii
z64 Les Confeſſions de s, Auguſtin ;
clle avoit pour moi, & combien bat animi; & quante
les douleurs qu'elle éprouvoit à majore ſolicitudine
m'enfanter à la grace, excedoient me parturiebat ſpi
celles qu'elle avoit reſſenties en ritu, quàm carne pe,
me mettant au monde. CICIat.
R E M A R Q U E S.
(1) C# lieu de ſuppliices que j'avois mérité ſelon les loix immua
bles de votre Vérité. Saint Auguſtin continuë ici l'alluſion.
qu'il fait à l'erreur capitale des Manichéens, qui prétendoient que
Jeſus-Chriſt n'avoit ſouffert la mort que dans un corps phantaſ
tique.
(2.) Qui rendoit toutes ſortes de devoirs & de ſoûmiſſions à vos
Saints. Le terme de Saint eſt fréquent dans l'Ecriture pour fignifier,
tantôt les ſimples Fidéles; tantôt les Laïques, qui faiſoient profeſ
ſion de mener un vie plus pure que les autres , tantôt les Reli
† , les Vierges & les Veuves conſacrées par état à vivre dans
a continence; tantôt enfin les Clercs, qui étoient deſtinés au mini
ſtere des Autels. - -
· srx EEEERRRRRRRrrrRrRrrRRn
- C H A P I T R E X.
Il continuë defréquenter les Manichéens à Rome. Ses er
reurs ſur la nature de Dieu, & ſur celle du mal. Déſeſ
perant de trouver la vérité parmi les Manichéens, il
panche du côté des Académiciens , qui paroiſſoient dou
ter de tout. Comment il ſe repréſentoit le principe du
bien & le principe du mal. Erreur qu'il attribuoit à
l'Egliſe Catholique. Pourquoi il ne vouloit pas que le
Fils de Dieu ſe fiit incarné dans le ſein de la Sainte
Vierge.
I 8. EcREAsTI 18, O U s 1me tirâtes donc
ergo me ab
ab illâ agritudine; &
V de cette maladie , &
vous rendites alors
ſalvum feciſti filium au fils de vo
ancillae tuae, tunc in tre ſervante la ſanté du corps,
terim corpore, ut eſ en vûë de lui rendre dans la ſui
ſet cui ſaluten me
te celle de l'ame, qui eſt plus
liorem atque certio
rem dares. Et junge précieuſe & plus ſolide. Je repris
bar etiam tunc Ro auſſitôt les (1) habitudes que j'a-
ma falſis illis atque vois à Rome avec ces Saints éga
fallentibus ſanctis :
non enim tantum au
lement trompeurs & trompés ;
non ſeulement avec les Auditeurs
ditoribus eorum ,
quorum è numero e du nombre deſquels étoit celui
rat etiam is in cujus chez qui j'avois été malade , &
domo ægrotaveram auprès duquel j'avois recouvré la
268 , Ye* Confeffons de S. Augußim; -
poſſe decreverant.
Comme je n'avois pas encore Ita enim & mihi
liquidò ſenſiſſe vide
énétré leur ſyſtème, j'étois per debantur,
§ avec preſque tout le mon habentur, etiam ut vulgò
il
de, que c'étoit là leur ſenti lorum intentionemt
ment. Auſſi ne manquai-je pas nondum intelligenti
Nec diſſimulavieum
de reprocher à mon hôte la con
fiance avec laquelle il ſe repoſoit dem hoſpitem meum.
ſur les fables, dont les livres reprimere à nimiâ fi
duciâ , quam ſenſi
des Manichéens ſont remplis. ' eum habere de rebus
fabuloſis,quibus Ma
nichaei libri pleni
ſunt. . t -º -
J'étois pourtant plus lié avec Amicitiâ tamen
eux , qu'avec ceux qui n'étoient eorum familiarius
pas de leur ſecte : & le commer utebar, quàm cetero
rum hominum qui in
ce que j'avois avec des gens qui illâ haereſi non fuiſ
ſont à Rome en grand nombre ſent. Nec eam de
où ils ſe tiennent cachés, fai fendebam priſtinâ
ſoit que ſans ſoûtenir leurs dog animoſitate ; ſed ta
men familiaritas co
mes avec le même feu que je
les ſoûtenois autrefois, # InC
eos
rum ( plures enim
Roma occultat
)
portois avec moins d'ardeur à pigriüs me faciebat,
chercher quelque choſe qui pût aliud quaerere, prx
ſatisfaire mon
-
eſprit.Je déſe †
ſertim deſperantem
rois ſur tout de trouver la vé in Eccleſiâ tuâ, Do
rité dans votre Egliſe, § la mine cacli & terrae,
Creator omnium vi-.
quelle ils m'avoient inſpiré un ſibilium & inviſibi
grand éloignement. D'ailleurs il lium , poſſe inveniri
IIlC § honteux de croire verum, unde me illi
que vous, qui êtes le Seigneur du averterant. Multum
ciel & de la terre , & le Créa que mihi turpe vide
batur, credere figu
teur de tous les êtres viſibles & ram te habere huma
-
- )
Livre cinquiéme, chapitre X. 27r
næ carnis, & mem inviſibles, euſſiez un corps com
brorum noſtrorum li
me le nôtre, & des membres .
neamentis corporali
bus terminari. Et bornés à une certaine étenduë.
quoniam , cüm de Mon erreur étoit fondée ſur un
Deo mco cogitare préjugé, preſque unique, mais
vellem, cogitare niſi capital dont je ne pouvois me
moles corporum non défaire ; c'eſt que ne concevant
noveram(neque enim
videbatur mihi eſſe pas que ce qui † un,
quidquam, quod ta corps fût quelque choſe , je ne
le non eſſet ) ea ma me repréſentois jamais mon Dieu
xima, & propè ſola que comme quelque choſe de
cauſa erat inevitabi
lis erroris mei. corporel. •
2.o. Hinc enim & 2o. Par la même raiſon je me
mali ſubſtantiam
figurois le mal comme une ſub
quamdam credebam ſtance mauſſade & informe,à quoi
eſſe talem, & habere
les Manichéens donnent le nom
ſuam molem , te
tram & deformem ; de terre , laquelle étoit animée
ſive craſſam , quam & pénétrée par une ſubſtance
terram dicebant, ſive ſubtile comme celle de l'air, qui
tenuem atque ſubti ſelon ces Sectaires eſt l'ame mal
lem , ſicut eſt aëris faiſante. Comme donc la moin
corpus, quam mali
† mentem per il dre ombre de religion ne me
am terram repentem permettoit pas de croire, qu'un
imaginantur. Et quia Dieu bon eût créé aucune mau
Deum bonum nul
lam malam naturam vaiſe ſubſtahce, j'établiſſois deux
creaſſe, qualiſcum natures contraires que je ſuppo
que pietas me credere ſois infinies, avec cette différence,
cogebat, conſtitue
bam ex adverſo ſibi
néanmoins que je prétendois que
duas moles ; utram
que infinitam , ſel la mauvaiſe l'étoit moins que la
malam anguſtilis,bo bonne. Et voilà le principe em
nam grandiiis : & ex poiſonné , d'où découloient tou
hoc initio peſtilen
sioſo me cetera ſacri tes les idées ſacriléges que mon
- - ,
272 Les confeſſions de S. Auguſtin ;
eſprit enfantoit : car quand je legia ſequebantur4
Cüm enim conaretur
voulois recourir à la Foi Catho - animus meus recur
rere in Catholicam
lique, je me ſentois repouſſé par
fidem, repercutiebar;
l'idée que je m'en étois formée, quia non erat Catho
ſi différente de ce qu'elle étoit. lica fides, quam eſſe
arbltrabar.
En effet, je m'imaginois vous Et magis pius mi
bonorer davantage, ô mon Dieu, hi videbar, ſi te,
Deus meus , cui con
dont les miſericordes ſur moi fitentur ex me miſe
ſont un ſujet éternel de loüan rationes tuae , vel ex
ges, en croïant que votre ſub ceteris partibus in
ſtance étoit infinie de - toutes finitum crederemi
parts , quoique je fuſſe forcé d'a- (quamvis ex unâ quâ
§ moles mali op
voüer qu'elle ne l'étoit pas du ponebatur cogerer fi
côté où la ſubſtance du mal lui
nitum fateri) quàm ſi
eſt oppoſée, qu'en reconnoiſſant ex omnibus partibus
que vous êtiez fini dans toutes in corporis humani
vos parties, & vous attribuant formâ te opinarer fi
niri.
un corps humain. -
Et meliûs mihi vi
Il valoit mieux encore ſelon debar credere nullumi
moi croire que vous n'aviez pas malurn te , creaſſe
créé le mal, que de vous faire ( quod mihi neſ
cienti non ſolüm ali
auteur du mal , en croïant que laqua ſubſtantia, ſed
nature du mal étoit telle que je etiam corporea vide
batur, quia & men
me le figutois : car mon igno tem cogitare non no
veram , niſi eam ſub
rance me repréſentoit toûjours tile corpus eſſe, quod
non ſeulement le mal comme une tamen per loci ſpatia
ſubſtance & une ſubſtance cor ( f ) diffunderetur )
(f) Bad. Am. & Er. diffunderetur abs te. Has duas particu
las expunxerunt Lovanienſes ; eas verà nullibi praterquam in Re
giomontenſî, & Bertiniano codicibus, ac vlimmerii editione repe
rimus. -
-
quan4
Livre cinquiéme, Chapitre X. 273
quàm credere abste porelle ; mais encore l'eſprit com
eſſe qualem putabam me un corps ſubtil qui étoit
naturam mali.
contenu dans quelque §
(g)Ipſumque Sal De même je n'avois d'autres
vatorem no1trum , idées de la maniere dont votre Fils
, Unigenitum tuum, unique notre Sauveur, étoit ſorti
tamquam de maſſâ lu
cidiſſimae molis tuae de cette maſſe de lumiere que je
porrectum ad noſ vous donnois, pour opérer notre
tram ſalutem ita pu ſalut , que celles qui s'accor
tabam , ut aliud de doient à mes vaines imaginations
illo non crederem ,
niſi quod poſſem va
Je croïois donc qu'une telle na
ture n'avoit pû naître de la Vier
nitate imaginari.Ta
lem itaque naturam ge Marie , §. être concentrée
( b ) ejus naſci non dans la chair : or je ne pouvois
poſſe de Mariâ vir concevoir qu'elle eût été ainſi
gine arbitrabar, niſi
CaIIl1 COnCCII1CICtllI.
concentrée † ſe ſoüiller. Je ne
Concerni autem , & voulois point par conſéquent ad
non inquinari non mettre que Jeſus-Chriſt fût né
videbam, quod mihi revêtu de chair, de peur d'être
tale figurabam. Me obligé de tenir que la chair mê
tuebam itaque crcde me l'avoit ſoiiillé.
re in carne natum, nc
credere cogerer ex
Carnc 1nCll1natllIIl.
Nunc † tui Ceux qui ont reçû les prémi
blandè & amanter ri
debunt me , ſi has
ces de l'eſprit , ne pourront en
confeſſiones measle
liſant mes confeſſions s'empêcher
† ſed tamen ta de rire charitablement un peu
is eram. de moi : me voilà pourtant tel
que j'étois.
(g) Ita uterque Germ. Alii, ipſum quoque. Mox Bertin. Giſ
len. & camer. cum Arn. ac Moret. lucidiſſima : appoſitè.
(h) Bertin. Aquic. Torn. 1. cum Gamer. pratermittunt , ºjus ;
fortè meliùs.
Tome I. S -
274 : Les Confeſſions de S.Auguſtin ,
| | | | R E M A R Q U E s.
( 1 ) L# habitudes que j'avois avec les Auditeurs & avee
' ceux qu'ils appellent Elus. Les Auditeurs étoicnt chez les
Manichéens ce que les Catéchuménes étoient chez les Chrétiens :
ainſi ils n'étoient pas fort inſtruits des myſteres de leur ſecte ,
parce qu'ils n'étoient pas encore aggrégés à leur corps. Il n'y
avoit donc de vrais Manichéens que les Elus.
Entre les Elus treize portoient le nom de maîtres ; un de
ccs treize étoit à la tête des autres , & tous enſemble ordon
noient les Evêques, dont le nombre étoit fixé à ſoixante - douze.
Ces Evêques étoient pris du corps des Elus , auſſi-bien que les
Prêtres & les Diacres, que les Evêques ſe choiſiſſoient & ordon
noient eux-mêmes. Comme les Elus paſſoient pour race ſacerdo
tale, ils alloient en miſſion & ſuppléoient pour les Evêques,
Ies Prêtres & les Diacres, ou coopéroient avec eux.
Manichée avoit condamné les Elus à mener une vie fort dure :
car il ne leur permettoit de manger, ni viande, ni œufs, ni lait, ni
poiſſon; le vin leur étoit auſſi interdit. Il ne leur étoit pas non plus
permis, même pour ſe ſuſtenter, d'arracher une herbe, de détacher
une feüille d'un arbre, ni de cueillir un fruit. Ils jeûnoient exac
tement le Dimanche & le lundi en l'honneur du ſoleil & de la lune,
& c'étoit à ces jeûnes que les Chrétiens les reconnoiſſoient. Ils fai
ſoient profeſſion de garder la continence & de s'abſtenir du bain :
c'eſt pourquoi ils étoient pâles & défaits : mais ils ſe procuroient
artificieuſement un extérieur pénitent & mortifié; car en cachette ils
menoient une vie molle, voluptueuſe, & très-déreglée; ils étoient
ſort addonnés aux femmes, & ne pratiquoient aucun de leurs
ſtatuts, comme S. Auguſtin le leur reproche dans pluſieurs de ſes
écrits. Je ne dis rien de leurs myſteres : l'impureté & l'abomina
tion y étoient portées au dernier excès. .
( 2 ) j'étois toûjours attaché à leurs Elus. S. Auguſtin fait
alluſion non ſeulement aux Elus dont parle le Pſalmiſte, qui
étoient les chefs, & pour ainſi dire la fleur des pécheurs : mais
encore aux Elus des Manichéens qui étoient les plus conſidérés de
la ſecte , & ceux à qui le dépôt de cette fauſſe religion étoit
confié.
( s ) Ils tenoient "que tout étoit douteux. Voilà ce qu'on di -
ſoit alors & ce qu'on dit encore à préſent des Académiciens : cs
-
Livre cinquiéme, Chapitre XI. 275
pendant ils tenoient en ſecret , que la découverte de la vérité réſi
doit véritablement dans la perception des ſens. Mais ils n'oſoient
le dire, de peur que les Epicuriens & autres ſemblables Philoſo
phes, ou même les voluptueux ne fiſſent poiſon d'un principe
qui étoit ſelon eux la clef de la vraie Philoſophie. Voïez la 1. &
la 118. lettre de Saint Auguſtin, & ſes livres contre les Acadé
miciens.
C H A P I T R E X I.
( b ) Bertin. ingerere.
Livre cinquiéme, Chapitre XII. 277
###
C H A P I T R E X IºI.
-
R E M A R Q U E S.
l 1 ) L Es Magiſtrats de Milan avoient écrit à Symmaque. C'eſt
le célébre Symmaque dont nous avons encore les écrits,
& que ſa naiſſance , ſes emplois, ſon eſprit & ſon éloquence
avoient mis à la tête de la nobleſſe de Rome, qui s'oppoſoit ou
vertement au progrès du Chriſtianiſme & à la deſtruction des
Idolcs, mais dont S. Ambroiſe triompha glorieuſement.
( 2 ) Symmaque aiant été content d'un diſcours que je fis. On
peut douter ſi Symmaque fut également content de ſa pronon
ciation ; car il avouë dans un ouvrage qu'il fit immédiatement
après ſa converſion, que les Italiens lui faiſoient fouvent la guerre
là-deſſus, & il convient qu'ils avoient raiſon,
282 Les confeſſions de s. Auguſfin, -
( 3 ) Me fit partir. S. Auguſtin demeura à Carthage depuis l'ou -
verture des claſſes de l'année 377. juſques vers les vacances de
38 3. ainſi il y profeſſa la Rhétorique pendant ſix ans entiers, &
ne reſta à Rome que quelques mois ; puiſqu'il en partit dans le
courant de 384. -
C H A P I T R E x I V. '-,
,
Livre cinquiéme, chapitre XIV. 285
nichxos ccnvincere
falſitatis.
en évidence la fauſſeté du ſyſtê
me des Manichéens.
Quod ſi poſſem Si j'avois pû ſeulement conce
ſpiritalem ſubſtan voir une ſubſtance ſpirituelle, le
tiam cogitare, ſtatim
machinamenta illa charme auroit été rompu , & il
omnia ſolverentur, n'en ſeroit pas reſté la moindre
& abjicerentur ex idée dans mon eſprit , mais cela
animo meo ; ſed nou ne m'étoit pas poſſible. Cepen
poteram. Verumta dant à force de conſiderer & de
men de ipſo mundi
hujus corpore, om comparer ce que la plûpart des
nique natura quam
Philoſophes ont dit § globe de
ſenſus carnis attin l'Univers, & de la nature des
geret, (c) multa pro choſes qui tombent ſous nos ſens,
babiliora pleroſque avec ce que les Manichéens avan
ſenſiſſe Philoſophos,
magis magiſque con
CCIlt § je trouvai que le
ſidcrans atque com ſentiment des premiers étoit plus
parans judicabam. probable en bien des choſes :
Itaque Academico mais c'eſt ce qui me jetta dans le
rum more, ſicut exi doute qu'on attribuë aux Acadé
ſtimantur , dubitans
miciens. Ainſi flottant ſur tout ,
de omnibus , atque
inter omnia fluc je formai la réſolution de quit
tuans , Manichaeos ter les Manichéens , ne croïant
quidem relinquendos pas que l'état de doute & d'in
eſſe decrevi ; non ar
bitrans, eo ipſo tem
certitude où j'étois, me permît
de demeurer attaché à une ſecte
pore , dubitationis
meae, in illâ ſectâ à laquelle je préférois l'école
mihi permanendum de quelques Philoſophes.Je n'a-
eſſe, cui jam nonnul vois garde pourtant de confier la
| los Philoſophos pra - guériſon de mon ame à ces Phi
ponebam : quibus ta loſophes : parce que je ne trou
men Philoſophis,
quòd ſine nomine ſa vois pas dans leurs écrits le nom
lutari Chriſti eſſent , ſalutaire de Jeſus-Chriſt. Je pris
curationem languo donc le parti de demeurer Ca
( c ) Germ. 2, Camer. Torn. ac Moret. Multò probabiliora.
286 Les Confeſſions de S. Auguſtin, & c.
ris animae meae com
téchuméne dans l'Egliſe Catholi mittere omnino recu
lique, que mon pere & ma mere ſabam. Statui ergo
tamdiu eſſe Catechu
m'avoient tant recommandée , menus in Catholicâ
juſqu'à ce que quelque choſe de Eccleſiâ , mihi à pa
rentibus commenda
certain me fît voir de quel côté tâ, donec aliquid cer
je devois tourner. ti eluceret quò cur
ſum dirigerem.
• ·LEs - -
| CONFESSIONs D E
SAINT AUGUSTIN,
L I vR E s 1 x IE ME
S O M M A I R E.
CHAP.I.
* Livre ſîxiéme, chapitre I.º 289
# # # # #::::::: ººººº .
74 E
* r # * * + * + * x
3 333ººººººº # # # # # # # # Qr#e
C H A P I T R E P R E M I E R.
ººººi il étoit quand ſa mere le vint trouver à AMilan,
Viſion qu'elle avoit eu que le vaiſſeau qu'elle devait
º, arriveroit à bon port. Comment elle reçoit la
ººººlle que ſon fils n'eſt plus Manichéen. Eſpéranca
7ºelle en conçoit. Elle redouble ſes prieres, afin d'en
hâter & d'en aſſirer de plus en plus le ſuccès.
I. S PEs mea à ju- U étiez - vous à mon
1.
- ventute meâ, * égard, & où vous étiez
ºbimihi eras, & quò vous retiré, à mon Dieu, en qui
receſſeras ? An verò j'avois mis mon eſpérance dès ma
non tu feceras me, & Plus tendre jeuneſſe : N'étoit-ce
, diſcreveras me à qua- p as vous qu1 m'aviez tiré du
/
-
Livre ſixiéme, chapitre I. 29r
Iioviduae,fuvenis ti
vous plût de lui dire comme au
bi dico, Surges & (a) · fils de la veuve de l'Evangile : .
reviviſceret , & inci Jeune-homme, levez - vous, je .
peret loqui, & trade vous l'ordonne : & qu'après lui. Luc. 7.144
> > A.
licum.
Et hoc quidem mi Elle s'en tint là à mon égard ;.
hi ; tibi autem, fons
miſericordiarum,pre mais au vôtre, ô ſource de mi
ces & lacrymas ( b ) ſéricordes, elle redoubla ſes prie
( a ) Alter à Germ. & reviviſce. ,
( b) In cod. Albinenſ additior , fundere.
T ij
a92 Les Confeſſions de S. Auguſtin,
denſiores, ut accés
res & ſes larmes, vous preſſant
ſans ceſſe de vous hâter de me lerares adjutorium
tuum, & illuminares
ſecourir, & d'éclairer mes téné tenebras meas; & ſtu
bres. Son unique occupation é dioſiüs ad Eccleſiam
toit de ſe † avec empreſſe currere, & in (c)Am
ment à l'Egliſe, & de recüeillir broſii ora ſuſpendi,
de la bouche d'Ambroiſe ces eaux ad fontem ſalientis
aquae invitam æter
joan. 4. vives qui réjailliſſent juſqu'à la
14 nam. Diligebat au
vie éternelle : car elle l'aimoit & tem illum virum ſi
l'honoroit autant que ſi ç'eût été cut Angelum Dei,
un Ange, parce qu'elle ſavoit que quòd per illum co
c'étoit lui qui m'avoit jetté dans gnoverat me 1nterim
ad illam ancipitem
ces doutes & ces combats que je fluctuationem jameſ
ſoûtenois alors, & qu'elle regar ſe perductum , per
doit comme une violente criſe quam tranſiturum
que je devois eſſuïer , qui après me ab ægritudine ad
ſanitatem, intercur
m'avoir mis en plus grand péril, rente acriore pericu
devoit me rendre infailliblement
lo, quaſi per acceſſio
la ſanté. nem quam criticam
Mcdici vocant, certa
præſumebat.
( c ) Sic Germ. I. Bertin. Camer. Torm. I. Giſlen. cum Arn, Mo
ret. & aliis. Verùm Germ. 2. currerem & in Ambrofii era ſuſpen
derer.
R E M A R Q U E S.
( 1 ) AM A mere m'étoit venu trouver à Milan. C'étoit ſans
doute vers le printems de 385.
( 2 ) Sur la promeſſe que vous lui en aviez faite dans uns
viſion. Voiez ce qui en a été dit au liv. 5. chap. 9.
#C#
-
- T iij
294 Les Confeſſions de s. Auguſtin,
font autant ſoûlever le cœur, que ad potionem aqua
le vin où il y a beaucoup d'eau. tam madidi nauſeant.
Sed illa, cûm attu
Ainſi quand elle apportoit ſa cor liſſet caniſtrum cum
beille remplie de ces offrandes ſolemnibus epulis
, qu'elle vouloit diſtribuer, elle y
· praeguſtandis atque
oûtoit la premiere pour faire largiendis,plus etiam
§ à ceux qu'elle devoit quàm unum ( b ) po
cillum pro ſuo pala
régaler , & ne prenoit qu'un pe to ſatis ſobrio tempe
tit coup de vin, qui étoit auſſi ratum , unde digna
trempé que l'exigeoit la ſobrieté tionem ſumcret, non
dont elle faiſoit profeſſion. Et ſi onebat. Et fi multae
elle avoit la dévotion d'honorer eſſent qua illo modo
vidcbantur honoran
ar ces ſortes d'oblations le tom
dae memoriae dcfunc
§ de pluſieurs Saints diffé torum , idem ipſum
rens, elle portoit par tout la unum, quod ubique
même choſe, & diſtribuoit par poneret, circumfere
petites portions à ceux qui étoient bat ; (c) quo jam non
ſoliim aquatiſſimo,
réſens, ſon vin qui étoit alors ſed etiamtepidiſſimo
non ſeulement bien trempé, mais cum ſuis praeſentibus
encore fort battu , parce qu'en per ſorbitiones exi
cela elle cherchoit à ſatisfaire ſa guas, partiretur, quia
pieté , & non pas ſon plaiſir. † ibi quaere
at, non voluptatem.
Auſſi-tôt donc qu'elle fut infor Itaque ubi comperit
mée que cet orateur Apoſtoli à præclaro prædica
que, & ce Prélat ſi appliqué à tore, atque antiſtite
inſpirer la pieté, avoit défendu pietatis, praeceptum
eſſe iſta non fieri, nec
ces actes de religion aux perſon ab eis qui ſobriè fa
nes mêmes les plus ſobres, parce cerent,ne ulla occaſio
R E M A R Q U E S.
p$2e
Livre ſixiéme, Chapitre III. 297
a 3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,3,
C H A P I T R E III.
Pourquoi il ne trouvoit pas la vérité, quoiqu'elle fût l'ob
jet de ſes recherches. Par où il trouvoit la condition de
S. Ambroiſe heureuſe. De quelle maniere ce S. Pré
lat étudioit. Accès qu'il donnoit à tout le monde. Il
étoit rarement de loiſir. Quelle joie il cauſa à S. Au
guſtin, quand il lui apprit en prêchant, que la créance
de l'Egliſe ſur la nature de Dieu étoit toute autre
qu'il n'avoit crû.
-
3. N miſcebam
Ec jam inge
o
3° J E ne m'aviſois pas encore
rando ut ſubvenires de prier & de gémir pour
mihi ; ſed ad quaeren implorer votre ſecours. Toute
dum intentus , & ad mon occupation étoit de cher
diſſerendum inquie cher , & de raiſonner en moi
tus erat animus meus. même avec une ardeur inquiete
Ipſumque Ambro Je conſidérois Ambroiſe comme
ſium felicem quem un homme heureux ſelon le
dam hominem ſecun
düm ſæculum opina monde, étant honoré au point
bar , quem ſic tantæ qu'il l'étoit par les puiſſances de
poteſtates honora la terre : il n'y avoit que ſon cé
rent ; cœlibatus tan
tum ejus mihi la
libat que je trouvois dur. Car
j'ignorois ſi parfaitement & la
borioſus videbatur.
Quid autem ille ſpci recompenſe qu'il en attendoit,
gereret , & adverſus & les combats qu'il avoit à ren
ipſius excellétiae ten dre contre les tentations à quoi
tamenta quid lucta un état ſi relevé étoit expoſé ,
minis haberet, quid
ve ſolaminis in ad & l'eſpérance qui le ſoûtenoit
verſis , & occultum dans l'adverſité, & ce que ſa
os ejus quod erat in diſcretion nous déroboit des
corde ejus , quàm ſa douceurs qu'il goûtoit en rumi
-
/
298 Les confeſſions de S. Auguſtin,
nant le pain de votre ſainte pa pida gaudia de pane
role, que je n'en avois nulle idée tuo ruminaret, nec
conjicere noveram ,
ni nulle expérience. Lui de ſon nec expertus eram ;
· côté ne connoiſſoit pas les agita nec ille ſcicbat aeſtus
tions de mon eſprit, ni la pro meos,nec foveam pe
riculi mei. Non enim
fondeur du précipice où j'étois
près de § Car je ne pou quaerere ab eo pote
ram quod volebam,
vois jamais lui propoſer ce que ficut volebam, ſeclu
j'avois à lui dire de la maniere dentibus me ab ejus
ue j'aurois voulu à cauſe d'une aure atque ore cater
§ de gens qui avoient ſans vis negotioſorum ho
ceſſe à faire à lui, aux beſoins minum, quorum In
firmitatibus ſervie
deſquels il donnoit tous ſes ſoins. bat. Cum quibus
Le peu de tems qui lui reſtoit, quando non erat,
étoit employé ou à donner à ſon quod per exiguum
corps le néceſſaire, ou à nour temporis erat, aut
rir ſon ame par quelque lecture corpus reficiebat ne
ceſſariis ſuſtentacu
qu'il ne § que des yeux,
Iis , aut leſtione ani
cherchant le ſens des choſes à
mum. Sed cüm lege
meſure qu'il parcouroit les pages bat, oculi ducebantur
ſans remuer les lévres, ni pro per paginas, & cor
# intellectum rimaba
noncer aucune parole. tur, vox autem &
lingua quieſcebant.
C'eſt ainſi que je l'ai toûjours Saepè cûm adeſſe
vû lire quand j'allois pour le voir. mus ( non cnim ve
L'entrée de ſa chambre n'étoit tabatur quiſquam in
gredi, aut ei venien
fermée à perſonne , & il n'y tCm nllnt1at1 IT]09
avoit aucun ordre de ſe faire an
erat ) ſic eum legen
noncer. Je m'aſſéïois alors, le tem vidimus tacitè,
voïant ſi attentif ; car je me fai & aliter numquam,
fois un ſcrupule de l'interrom Scdenteſque in diu
turno ſilentio ( quis
pre, & après avoir attendu aſ enim tam intentoeſſe
ſez long - tems , je me retirois oneri audcret ?) diſ
ſans rien dire : jugeant bien ( 1 ) cedel amus ; & conjt
, Livre ſixiéme, chapitre III. 2.99
étabamuseum, parvo qu'aïant eu la tête rompuë d'af
ipſo tempore quod
reparandae menti ſuac faires étrangères , il étoit bien
nanciſcebatur, ( a ) aiſe que perſonne ne vînt trou
feriatum ab ſtrepitu
cauſarum alienarum bler les ſeuls momens qu'il avoit
nolle in aliud avoca
pour ſe délaſſer l'eſprit. Je crois
ri ; & cavere fortaſſe
ne auditore ſuſpenſo auſſi qu'il liſoit ainſi, pour évi
& intento, ſi qua ob ter ou de donner les éclairciſſe
ſcuritis poſuiſſet ille
quem legeret, etiam mens que lui auroient demandé
exponere neceſſe eſ
· ſet, aut de aliquibus ceux qui l'auroient entendu lire
difficilioribus diſcep tout haut, quand il ſeroit tom
tare quaeſtionibus,at
que huic operi tem bé ſur quelque endroit obſcur,
poribus impenſis,mi ou de perdre à diſcuter des dif
ntis quàm vellet vo
luminum evolveret : ficultés , le tems qu'il deſtinoit
uamquam & cauſa à lire certain nombre de livres.
† vocis, quæ
illi facillimè obtun Peut être le faiſoit-il auſſi pour
debatur, poterat eſſe
juſtior tacitè legen ménager ſa voix qui s'éteignoit
di. Quolibet tamen aiſément. Mais quelque raiſon
animo id ageret, bo
no , utiquc ille vir qu'ait eu ce grand homme , on
agebat. peut aſſûrer qu'elle étoit bonne.
4. Sed certè mihi
nulla dabatur copia 4. Je ne trouvois cependant :
aucun moïen d'avoir les éclair
ſciſcitandi quae cu
piebam, de tam ſan ciſſemens que je voulois, ni de
cto oraculo tuo pec recevoir de ſa bouche les ſaints
tore illius, niſi cum oracles que vous confiïez à ſon
aliquid breviter eſſet
audiendum. AEſtus cœur, à moins que ce ne fût en
autem illi mei otio paſſant, & le détail de mes agi
ſum eum valdè cui tations demandoit de ſa part un
( a ) Bertin. Giſlen. Torn. 1. Aquie. cum Camer. feriatus.
-
3oo Les confeſſions de S. Auguſtin,
tems & un loiſir que je ne pou refunderentur requi4
vois trouver. Pour me dédom rebant, nec umquam
inveniebant. Et eum
mager , ( 2 ) je ne manquois pas quidem in populo
z. Tim. z. tous les Dimanches d'aller en verbum veritatis re
4j.
tendre les vérités qu'il expliquoit étè tractantem omni
régulierement au # & je die Dominico audie
bam ; & magis, ma
me confirmois ainſi de plus en
giſque mihi confir
plus dans la perſuaſion où j'é-
tois déja, qu'on † réfuter
mabatur, omnes ver
ſutarum calumnia
les artificieuſes calomnies que nos rum nodos, quos illi
Impoſteurs débitoient contre l'E- deceptores noſtri ad
verſus divinos libros
criture-Sainte.
innectebant,poſſe diſ,
ſolvi.
R E M A R Q U E S.
t 1 ) 4 rant eu la tête rompuë d'affaires étrangeres. Par exem
ple, de † étoit obligé d'accommoder &beſoins
miner par les devoirs de ſa charge, du ſoin de pourvoir
de ter
2llX
des Pauvres, des Veuves, des Orphelins 5 des Vierges , des Reli
gieux , de donner aux Egliſes de ſaints Evêques & de bons Eccle
t ſiaſtiques ; d'inſtruire & de former les Clercs ; d'arrêter les entre
priſes injuſtes des Magiſtrats , de corriger les abus , de retrancher
les ſcandales, &c. -
tººcºcººcºcoºcºcºcºcººcºcocººcºvºvxe
C H A P I T R E IV.
§
-
né dans
tois les réveries
figuré, queles
j'aurois dû je con-
m'é- ſet, non inſultans
Ponºrem # op it2
Tenebam
r | Livre ſîxiéme, Chapitre
-
IV. 3o5
, | Tenebam enim cor Car la crainte de tomber dans
meum ab omni aſſen
ſione, timens praeci le précipice de l'erreur , tenoit
pitium ; & ſuſpendio
IIlOIl eſprit C1l ſuſpens : & cet
magis necabar. Vo état étoit pour moi pire que la
lebam enim eorum mort.J'aurois voulu qu'on m'eût
quae non viderem ita rendu auſſi clair ce que je ne
me certum fieri, ut
certus eſſem quod voïois pas, que ſept & trois font
ſeptem & tria decem dix. Or je n'étois pas aſſez in
ſint.Neque enim tam ſenſé pour croire que cette vé
inſanus eram, ut ne rité fût du nombre de celles
hoc quidem putarem · qui ſont incompréhenſibles. Je
poſſe comprehendi ; voulois donc qu'on me mît dans
ſed ſicut hoc, ita ce
tera cupiebam ;. ſive le même degré de clarté toutes les
corporalia, quœ co difficultés que j'avois tant à l'é-
ram ſenſibus meis gard des choſes corporelles, qui
non adeſſent; ſive ſpi n'étoient pas préſentes à mes ſens,
ritalia de quibus co
gitare niſi corporali qu'à l'égard des choſes ſpirituel
ter neſciebam. les, que je ne pouvois encore me
repréſenter que ſous des idées
toutes corporelles.
Et ſanari credendo J'aurois pû guérir ſi j'avois eu
poteram, ut purga
t1O1 aC1CS ment1s meae
le courage de croire : les yeux
dirigeretur aliquo de mon ame purifiés & fortifiés
modo in veritatem par la foi , ſe ſeroient alors éle
tuam ſemper manen vés juſqu'à vous, & auroient pû
tem , & ex nullo de
ficientem.
contempler en quelque ſorte vo
Sed ſicut tre vérité immuable & indéfec
evenire aſſolet , ut tible. Mais comme c'eſt l'ordi
malum medicum ex
pertus etiam bono ti naire que ceux qui ont paſſé par
meat ſe committere ; les mains d'un mauvais méde
ita erat valetudo ani cin, n'oſent ſe mettre entre cel
ma meae, qua utique les d'un bon : mon ame crai
niſi credendo ſanari
non poterat,& ne fal
gnant de donner comme autre
fois créance à des choſes fauſſes,
Tom. Ia V
3o6 Les Confeſſions de S. Auguſtin, -
V ij
3o8 Les confeſſions de s. Auguſtin,
donné la vie, ce que je n'aurois fixum fide retinerern,
de quibus parentibus
pû ſavoir, ſi je n'avois ajoûté foi ortus eſſem ; quod
à ce que j'en avois oüi dire. Au ſcire non poſſem, niſi
moïen de ces réfléxions vous me audiendo credidiſ
convainquites , qu'aïant établi ſem ; perſuaſiſti mi
l'autorité de vos ſaintes Ecritu hi, non qui crederent
libris tuis, quos tan
res par toute la terre, ce n'é- tâ in § ferè
toient pas ceux qui les reçoivent gentibus auctoritate
qu'il faut blâmer, mais ceux qui fundaſti, ſed qui non
ne les reçoivent pas , & qu'il crederent § cul
R E M A R Q U E S.
( 1 ) C# nombre innombrable de choſes que je croiois ſans les
avoir vûës. Cet argument eſt convaincant ; il force tous
les retranchemens des Impies, des Athées, & des Infidéles : auſſi
a-t-il été emploïé avec ſuccès par les Peres de l'Egliſe contre les
paralogiſmes des Philoſophes, & l'opiniâtreté des Païens. Notre
Religion eſt une Religion de foi : la foi ne raiſonne point , elle
captive ſeulement l'eſprit. Après tout, quels myſteres nous pro
poſe-t-elle qui ſoient plus incroïables, qu'un nombre infini de
choſes que nous croïons, & que nous tenons raiſonnablement
pour sûres ſans les avoir vûës ?
( 2 ) j'ai toûjours crû que vous exiſtiez & que vous aviez
ſoin de nous. Je prie ici les eſprits forts de nos jours de com
parer les Spinoſa de tous les tems avec S. Auguſtin : la compa
raiſon ne peut que leur être avantageuſe. Ce Pere, ce génie rare,
pénétrant, étendu, & qui a conſidéré la nature à toute ſortc de
jours, n'a retiré de l'étude de la vérité, & de ſes plus profondes mé
ditations d'autre fruit, que de ſe confirmer de plus en plus dans
la créance de l'exiſtence & de la providence de Dieu. Les Spinoſa
au contraire, n'aïant pour guide que la corruption de leur cœur
& la dépravation de leur eſprit, ont oſé nier la vérité fondamen
tale, à quoi l'Univers entier n'a jamais ceſſé de rendre témoigna
ge. De quel côté peut être l'illuſion ?
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C H A P I T R E V I. .•
Y. R E M A R Q U E S.
promettoit tant. -
R E M A R Q U E S.
(1) D Eſtiné à diſpenſer vos ſaints Myſteres à ceux de vos en
fans, dont il devoit être le Paſteur. Il fut Evêque de Tha
gaſte, où il étoit né auſſi-bien que Saint Auguſtin. Il eut toûjours
Tome I,
32.2 Les confeſſions de S. Auguſtin ,
pour ce dernier les égards qu'il avoit eû durant ſa jeuneſſe. Cont
me c'étoit par complaiſance pour lui qu'il s'étoit fait Manichéen ;
il embraſſa le Chriſtianiſme avec lui, le ſuivit dans ſa retraite
aux environs de Milan, à Thagaſte & à Hippone. Enfin il mou
rut ne faiſant qu'un cœur & qu'une ame avec lui.
| ( 2 ) ſOne comparaiſon priſe de ce qui ſe paſſoit au Cirque. Le
\Cirque étoit vaſte & rond , mais plus long que large. Il étoit
entouré de marches, qui s'élevoient en amphitheatre , afin que
tout le monde pût s'aſſeoir & voir les jeux & les ſpectacles ſans in
commoder perſonne.
I3. ON ſanè re
«3. Q UIvANT la route ordi
naire du monde, que ſes linquens (a)
incantatam ſibi à pa
parens lui avoient fortement re rentibus terrenam
commandée, (1) il ſe rendit avant viam , Romam præ
moi à Rome pour y apprendre ceſſerat , ut Jus diſ
le Droit. Là par une aventure ceret : & ibi gladia
torii ſpectaculi hiatu
cxtraordinaire il fut étrangement incredibili & incre
cmporté dans l'abîme, que lui dibiliter abreptus eſt.
creuſa tout-à-coup ( 2 ) un ſpec Cüm enim averſare
tacle de Gladiateurs. Un des tur & deteſtaretur ta
° ( a ) Giſlen. inculcatam.
Livre ſîxiéme , chapitre VIIf.
-
32 ;
reſiſtentem, familiari la réſiſtance qu'il fit d'aller avec
violentiâ duxerunt in eux à l'amphithéatre, uſerent de
amphitheatrum, cru
delium & funeſtorum cette ſorte de violence qui ſe
ludorum diebus, haec fait quelquefois entre amis, &
dicentem, ce Si cor l'y entraînerent quoiqu'il leur
» pus meum in illum tînt ce langage « : Vous pouvez
v» locum trahitis , & » bien entraîner mon corps , &
», ibi conſtituitis ,
» numquid & ani » me placer avec vous. Mais ſon
b> mum & oculos *gez-vous que vous ne ſauriez
» meos in illa ſpec » forcer mon eſprit & mes yeux
» tacula poteſtis in » à prendre aucune part à ces
ºº tendere? Adero ita
» que abſens; ac ſic » ſcénes barbares à Ainſi j'y ſerai,
*º & vos & illa ſupe » comme n'y étant pas , & je
* rabo. » Quibus au » triompherai de vous & de tout
ditis , illi nihilo ſe 3> VOS §» Ils le laiſſe
cius eum adduxerunt rent dire, & ne l'emmenerent
ſecum, idipſum fortè pas moins, peut-être pour voir
explorare cupientes
utrüm poſſet efficere. s'il feroit ce qu'il avoit dit.
Quò ubi ventum placerent
Etant arrivés ils ſe
eſt, & ſedibus quibus comme ils pûrent. C'étoit préci
potuerunt locati ſunt,
fervebant omnia im
ſément le tems que le § in
R E M2A R Q U E S. .
( 1). I L ſe rendit à Rome avant moi. C'étoit vers la fin de l'an
38 I. Il partit de Rome avec S. Auguſtin en 384. ainſi il
demeura dans cette capitale deux ans plus que notre Saint.
(2) Un ſpectacle de Gladiateurs. C'étoit un ſpectacle originaire
ment Hetruſque, dont les Romains faiſoient leurs délices. Il y avoit
toûjours du ſang répandu, qui étoit ſuivi de la mort, ſi les-Spec
tateurs ne donnoient la vie au Contendant bleſſé- Il y eut dans
X iij
326 Les confeſſions de S. Auguſtin,
la ſuite deux ſortes,ou comme on diſoit alors,deux factions de Gla
diateurs, qui partageoient Rome; celles des Retiarii ou Thraces,
& celle des Mirmallons ; & quoique les uns & les autres fuſſent
les derniers des hommes , les Empereurs prenoient parti tan
tôt pour une faction , tantôt pour une autre. L'hiſtoire obſerve
que Caligula & Titus s'étoient déclarés en faveur des Thraces,
& Domitien pour les Mirmallons.
C H A P I T R E I X.
Alipe étudiant ſa leçon à Carthage, eſt pris ſur un ſoup
gon de vol. De quelle maniere ſon innocence fut re
connuë. Circonſpeltion qu'il faut apporter pour démêler
la vérité.
14.* AM & illud
# 4• E fut auſſi pour la mê
C me raiſon , qu'étudiant quòd cüm
adhuc ſtuderet, jam
encore ſous moi à Carthage, un me audiens apud Car
jour qu'il étoit au Palais ſur le thaginem , & medio
midi, repaſſant ce qu'on a ac die cogitaret in foro
coûtumé de faire réciter aux Eco quod recitaturus erat,
ſicuti exerceri ſcho
liers pour les exercer, vous per laſtici ſolent, ſiviſti
mites qu'il fût arrêté comme un eum comprehendi ab
voleur par les Gardes du Palais ; aedituis fori tamquâ
afin ſans doute qu'un ſujet qui furem ; non arbitror
aliam ob cauſam te
devoit être dans la ſuite un ſi
permiſiſſe, Deus no
rand homme, apprit dès lors ſter, niſi ut ille , vir
combien il faut ſe garder dans la tantus futurus, jam
diſcuſſion des affaires de con inciperet diſcere ,
damner ſes ſemblables ſur des ac quàm non facilè in
dignoſcendis cauſis
cuſations reçuës trop légerement. homo ab homine
damnandus eſſet te
merariâ credulitate.
R E M A R Q U E S.
( 1) pr Jnt un jeune - homme , Ecolier comme lui. Le latin
, Scholaſticus peut marquer auſſi que c'étoit un Scholaſ
tique, c'eſt-à-dire, un homme qui faiſoit métier de parler en
public, & de prononcer des diſcours étudiés , fleuris & travaillés,.
pour ſe faire de la réputation & parvenir aux charges.
( 2 ) Et terminer dans ſon Diocéſe tant de procès. Sur ce que
l'Apôtre défendit aux premiers Chrétiens de plaider devant les
Juges ſéculiers, les Fidéles s'addreſſerent aux Evêques, pour ter
miner preſque tous leurs différens. Dans la ſuite les Empereurs
firent gloire d'appuïer les Jugemens ou Sentences des Prélats : ils
leur aſſignerent même un Tribunal, & une Juriſdiction : & c'eſt
de-là que nous vient une partie des formalités qu'on obſerve en
core dans le cours des procès.
ss32,32,32es32,32 é32,32
C H A P I T R E X.
|
Livre ſixiéme, Chapitre X. 333
delis eſt : nec ullo Alipe étoit cet homme qui étane
modo erit inane ,
quod de tuae veritatis
fidéle dans les petites choſes, l'eſt
ore proceſſit : Si in auſſi dans les grandes. D'autre part
injuſto mammonâ fi ce n'eſt pas ſans fondement que
deles non fuiſtis,quod votre Fils qui eſt la vérité mê
verum eſt quis credet me, a dit de ſa propre bouche :
vobis ? Et ſi in alieno Si vous n'êtes pas fidéles dans la Luc 16.1e.
fideles non fuiſtis ,
quod veſtrum eſt, diſpenſation des faux biens, qui vous
quis dabit vobis ? confiera les véritables ? Et ſi vous Ibid. v. 11.
m'avez pas régi fidélement le bien
des étrangers, qui vous permettra de
gouverner le votre ?
Talis ille tunc in Voilà quel étoit cet ami qui
haerebat mihi, me m'étoit ſi attaché, & qui ne ſa
cumque nutabat in
conſilio, quiſnam eſ voit point ſe déterminer ſur la
ſet tenendus vitae mo maniere de vie que nous devions
dus. ſuivre. "
17.Nebridius etiam, 17. Nébride étoit dans les mê
qui relictâ patriâ vi mes agitations & les mêmes dou
cinâ Carthagini ,'at
que ipſâ Carthagi tes. Il étoit d'auprès de Cartha
ne, ubi frequentiſſi ge où il ſe tenoit ſouvent , & il
mus erat, relicto rure n'avoit quitté ſon païs & ſon
paterno optimo , re bien qui étoit conſidérabie, auſ
lictâ domo, & non ſi-bien que ſa maiſon & ſa me
ſecuturâ matre, nul
lam ob aliam cauſam re, qui n'étoit pas femme à cou
Mediolanum vene rir après lui ; que pour venir à
rat, niſi ut mecum Milan paſſer avec moi la vie
viveret in flagran dans la recherche de la plus exac
tiſſimo ſtudio verita
te vérité & de la ſageſſe. Il ſoûpi
tis atque ſapientiae, roit d'ailleurs ardemment après
pariter ſuſpirabat, la vie heureuſe, & creuſoit bien
pariterque fluctuabat,
beatæ vitæ inquiſitor avant dans les queſtions les plus
ardens , & quaeſtio difficiles.
num difficillimarum
ſcrutator acerrimus.
334 Les confeſſions de S. Auguſtin,
, Ainſi nous étions tous trois Et erant ora triunt
dans l'indigence , & nous n'ou egentium , & ino
vrions la bouche que pour nous piam ſuam ſbimet
invicem anhelantiü,
plaindre mutuellement de notre & à te expectantium
pf, I 44• miſere, attendant le tems favo ut dares eis eſcam in
JJ•
rable que vous nous diſpenſeriez tempore opportuno.
Et in omni amaritu
la nourriture dont nous avions
dine, quæ noſtros ſæ
beſoin. Outre les amertumes que culares actus de mi
votre miſericorde avoit ſoin de
ſericordiâ tuâ ſeque
répandre ſur toutes les actions de batur , intuentibus
notre vie mondaine , dès que nobis finem cur ea
nous voulions pénétrer la raiſon pateremur, occurre
bant tenebræ; & (c )
pourquoi nous ſouffrions tous ces averſabamur gemen
maux , il ne ſe préſentoit à nous tes , & dicebamus,
que des ténébres que nous ne Quamdiu hacc ? Et
hoc crebrò diceba
pouvions ſoûtenir,& qui faiſoient
† nous nous écriions en gemiſ mus : & dicentes non
ant : Combien durera cet état ? relinquebamus ea ;
quia non elucebat
Nous pouſſions ſouvent les mê certum aliquid, quod
mes cris ſans prendre aucune me illis relictis appre
ſure pour en ſortir , parce qu'il henderemus.
ne s'en préſentoit aucun autre,
que nous puſſions ſûrement em
braſſer.
R E M A R Q U E S.
(1) A#º avoit déja exercé trois fois la charge d'Aſſeſſeur.
Les Aſſeſſeurs dirigcoient les Juges , leur dictoient les
Sentences qu'ils-devoient prononcer , & prenoient ſéance avec
eux. Leur origine eſt dûë à l'ignorance des Juges, qui n'aïant
pas étudié les loix , avoient beſoin du ſecours de ceux qui en
avoient fait une étude particuliere, afin de ne ſe pas tromper.
Livre ſixiéme, Chapitre XI. | 335
232323232323832323C3E3E323C3C3
C H A P I T R E X I,
R E M A R Q U E S.
( 1) J'# alors commencé d'être ſi ardemment épris de l'amour
de la ſageſſe. Nous avons vû plus haut que c'étoit
la lecture de l'Hortence de Ciceron qui avoit produit cet effet;
· c'eſt pourquoi il faiſoit lire cet ouvrage à ſes Diſciples.
-
Y iiij
344 zes confeſions de S. Auguſtin,
pas que celui qui aime le peril 5 pe niam ſponſionem voº
lebat facere cum mor.
rira, te; & qui amat peri
culum, incidet in il
lud. . -
t
Livre ſixiéme, Chapitre XIII 345
34-3333-33-3-3-3-3-333-3-3-3-3-3-333-3333-3-3-3-3-3
- C H A P I T R E X III.
,
:
#
: (e) ita uterque Gem, Toru I. Aquic. eum Am. & Mont.
ſQuidam demonſtrares.
4
R E M A R Q U E S.
tº J 'Avois même demandé une jeune perſonne en mariage,
C'étoit ſur la fin de 38 f. qu au commencement de 38é,
-
.
Livre ſixiéme, Chapitre XIV. 347
:
C H A P I T R E xIV.
Ilforme avec quelques autres lareſolution de vivre enſem
ble dans la retraite. Loi# & conditions que devcit ob
ſerver la ſocieté. Reflexion qui fait avorter ce deſ
ſein.
24. C T multi ami 24.
c1 ag1tavera
L
E s entretiens que nous
· L avions ſur les miſeres de
mus animo , & colr
cette vie , & le dégoût que nous
loquentes ac deteſ
en avions conçu pluſieurs amis que
tantes turbulentashu nous étions, nous avoient fait for
manœ vitae nnoleſtias
paenè jam firmavera
mer le deſſein, & preſque fait pren
mus, remoti à turbis
dre des engagemens pour nous re•
otiosè vivere;idotium
tirer enſemble, afin de nous procue
à
ſic moliti , ut ſi quid rer une paix que le tracas du comr
merce du monde ne pût point
habere poſſemus, (a) troubler. Cette paix devoit être
#
conſerremus, in me
fondée ſur ce que chacun de nous
dium unamque rem apporteroit ce qu'il pourroit avoir
familiarem conflare
de biens, dont on feroit une maſſe
mus ex omnibus ; ut
peramicitiae ſincerita- . † appartiendroit à la ſocieté; enr
tem non eſſetaliud hu orte qu'aucun des membres par les
loix de l'amitié ne pourroit dire,
jus & aliud illius, ſed une telle choſe eſt à celui-ci, & une
quòd ex cunctis fieret telle à celui-là. Mais tout ce que
unum , & univerſum
ſingulerum eſſet, & chacun auroit apporté, ne feroit
omnia omnium.
qu'un bien qui ſeroit à tous en gé
néral & à chacun en particulier.
: Cùm videremur nos
bis eſſe poſſe decem Nous trouvions que nous pours
{ a ) Bertin. conferretur.
348 zes confeſſions de S. Auguſtin,
fermè homines in et
rions faire entrer dans notre ſocie dem ſocietate, eſſent
té juſqu'à dix perſonnes, parmi leſ que inter nos prœdi
uelles il y en avoit de fort riches. vites ; · Romanianus
§ celui qui l'étoit le plus étoit maximè, communi
JRomanien ;il étoit de la même vil ceps noſter , quem
le que moi, & mon ami part$ulier · tunc graves aeſtus ne
dèsl'âge le plus tendre.Il étoit alors goiiorum ſuorum ad
COm1tatUlnn attr2XC
à la Cour ( 1 ) où des affaires très rant, ab ineunte aeta
fâcheuſesl'avoient appellé. C'étoit te mihi familiariſſi
celui de tous qui preſſoit le plus l'e- mus ; qui maximèin
ſtabat huic rei & ma
xecution de notre plan; & comme nam in ſuadendo
il étoit le plus riche, ſon autorité § auctoritatem,
étoit d'un très-grand poids. Nous quòd ampla res ejus
avions reglé qu'il y auroit tous les multum ( b ) ceteris
ans deux nouveaux Intendans, qui anteibat. Et placue
auroient ſoin de tout, & que tous rat nobis ut bini an
les autres demeureroient dans l'in nui tamquam Magiſ
tratus omnia neceſſa
action & ne ſe méleroient de rien.
ria curarent, ceteris
Mais quand nous vinmes à penſer fi quietis. Sed poſtea
nos femmes en voudroient paſſer quam cœpit cogitar,
utrûm hoc muliercu
par-là; car quelques-uns en avoient
deja, & quelques autres que nous laalii
ſinerent, quas &
noſtrûm jam ha
étions en voulions avoir auſſi, ce bebant, & nos habere
projet que nous perfectionnions volebamus, totum il
tous les jours , fut rompu ſur le ' lud placitum, quod
champ, s'en alla en fumée & s'éva benè formabamus ,
TlOUl1t, ( c ) diſſiluit in ma
nibus, atque confrac
tum & abjectum eſt.
Nous reprîmes alors nos foûpirs Inde ad ſuſpiria &
(b) Aquic. Bertin. Camer. Giſlen.ac Tornac. 1. Cœteros. )
R E M A R Q U E S.
:
(1) O U des affaires # l'avoient appellé. Un homme
puiſſant & riche, dont nous ignorons le nom, per
ſecutoit Romanien & ne lui permettoit pas de mener une vie
tranquille.S. Auguſtin reconnoît pourtant qu'il avoit quelques
}onnes qualités. Contra Acad. lib. 2.c. 2. n, 6
35o · Zes Confeſſions de S. Auguſttn,
© SN66 S):6©ſE):@4S) @ S) @ Sè (6 Sè©ſS3
C H A P I T R E X V.
##
C H A P I T R E X V I. ,
Plus il s'eloignoit de Dieu, plus Dieu s'approchoit de
lui. Crainte qu'il avoit de ſes Jugemens. Ses débau
ches n'ont jamais pû éteindre le ſentiment qu'il avoit
de l'immortalité de l'Ame. Juſqu'où alloit ſon aveu
glement. On ne peut trouver ſon repos qu'en Dieu. .
f6. IB 1 laus »
26. U E votre nom ſoit be
tibi gloria, º ni & glorifié éternelle
fons miſericordia
rum : Ego fiebam ment, ſource de miſericorde ; plus
miſerior , & tu pro mes miſeres m'éloignoient devous,
pinquior.Aderatjam
jamque dextera tua ,
† vous vous approchiez de moi.
raptura me de cœno,.
eja même ſans queje m'en apper
& ablutura me, &
çuſſe vous tendiez la main pour
ignorabam. -
me tirer dubourbier où j'étois, &
pour laver toutes mes ſouillures.
Nec me revocabat La ſeule choſe qui pût ſervit à
[.
'35z Les Confeſſions de S. Auguſtin,
à profundiore volup--
me tirer du gouffre des plaiſirs tatUlnn carnaliumi
ſenſuels où j'étois abymé, étoit la gurgite, niſi metus
crainte de la mort & du Jugement mortis & futuri judi
dernier. Car le nombre de tant de ciitui ; qui per varias
fauſſes opinions qui m'avoient paſ quidem opiniones,
numquam tamen re
ſé par l'eſprit, n'avoit pû l'étouf ceſſit depectore meo.
fer. C'eſt ce qui me faiſoit dire à Et diſputabam cum
Alipe & à Nebride, ces chers amis, amicis meis, Alipio
en m'entretenant avec eux de la fin & Nebridio, de fini
busbonorum & malo
que devoient attendre les bons &
les mechans, ( 1 )qu'Epicure auroit rum,Epicurumaccep .
turum fuiſſe palmam
été pour moi le Roi des Philoſo in animo meo, niſi
phes, ſans la ferme créance où j'é- ego credidiſſem poſt
tois que l'ame vit après notre mortem reſtare ani
mort , & qu'elle eſt traitée ſelon ma vitam,& (a)trac
ſes merites. Ce qu'Epicure n'a pû tus meritorum, quod
Epicurus credere no.
jamais ſe perſuader. » Si nous luit. Et quaercbam ,
» étions immortels, leur diſois-je, ſi eſſemus immorta
» & que nous fuſſions toûjours dans les , & in perpetuâ
» les plaiſirs, ſans aucune crainte corporis voluptate,
» de les voir ceſſer ; pourquoi ne ſine ullo amiſſionis
terrore viveremus ,
» ſerions-nous pas heureux , & cur non eſſemus bea
» que manqueroit-il à notre bon ti,aut quidaliud quæ
» heur? 1'Cl'emuS >
ciſſimque ab eis me
diligi gratis ſentie
bam. V. -
R E M A R Q U E S.
(1 ) Picure auroit été pour moi le Roi des Philoſophes. On voit
E, ici clairement que S. Auguſtin étoit du nombre de
cette foule d'Anciens, qui ont cru qu'Epicure mettoit le ſouve.
rain bien dans la volupté. Que peut-on oppoſer à tant d'autori
tés : Le comble de l'aveuglement d'Epicure, & une ſuite de ſon
principe, e'eſt qu'il nioit la Providence.
CONFESSIONS D E
SAINT AUGUSTIN,
L I V R E s E P T I É ME
' S O M M A I R E.
#Fl] Z expoſe l'idée étrange qu'il avoit de
| | | Dieu à la trente unième année de ſon
# | *ge, & les efforts qu'il fuiſoit pour
*pénétrer la nature du mal ſans pouvoir
y parvenir. Ses doutes pourtant font revivre en
lui la foi qu'il avoit eu autrefois en Jeſus-Chriſ,
bien qu'elle ne fut pas conforme à la doctrine de
l' Egliſe Catholique. Hiſtoire qui le déſabuſa de
l'Aſtrologie judiciaire. Zumieres qu'il tire des
Z ij
356 Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
livres des Platoniciens. Il rentre enfin en lui mè
me, & Dieu daigne ſe faire connoitre à lui. Ce
qui empêche que nous ne puiſſions ſoùtenir l'éclat
d'un tel objet. Il découvre enfin que le mal n'eſt
point une ſubſtance, & qu'ainſi il n'y a rien dans
, la nature qui ne ſoit bon. Les ſentimens qu'on pui
ſe dans les livres des Philoſophes, ſont tout diffé.
rens de ceux que l'Ecriture ſainte inſpire. Concert
admirable de toutes les parties de ce divin livre.
-
Livre ſeptiéme, Chapitre I. 3 57
SºZy A SwZXNA SWA NwA
###?:4##: # # # # # AS 7ºS 7MNS 7AN '•S 7ANN
'C H A P I T R E I.
Dieu lui fait enfin connoître qu'il eſt incorruptible.
Avec quelle joie il reçoit cette verité, qu'il altere
néanmoins en concevant Dieu comme un Etre cor
porel penetrant tout & répandu par tout. Source de
ſon erreur. Raiſons qui la détruiſent.
I " TA M mortua erat I. O U T le tems de monado
adoleſcentia mea leſcence criminelle & de
mala & nefanda, &
ibam in juventutem ; bordée étoit expiré , & j'entrois
quantò aetate major, dans celui de la jeuneſſe ; & il m'é-
tantò vanitate tur toit d'autant plus honteux de me
pior, qui cogitare ali bercer de chimeres, & de ne pou
quid ſubſtantiæ niſi voir concevoir aucune ſubſtance qui
tale non poteram ,
quale per hos oculos ne frappât les yeux ; que (I) j'étois
videriſolet. Non(a) alors dans un âge plus mûr.A la ve
te cogitabam, Deus, rité je ne me figurois pas, que vous
, in figurâ corporis hu euſſiez un corps comme le nôtre :
mani : ex quo audire c'étoit une imagination que j'avois
aliquid de ſapientiâ rejettée en recevant quelque tein
cœpi, ſemper hoc fu
i ; & gaudebam me ture de philoſophie, Auſſi étoit-ce
oc reperiſſe in fide pour moi une grande joie, de trou
ſpiritalis matris noſ ver en cela mon ſentiment confor
trae Catholicæ tuae:ſed
me à la foi de l'Egliſe Catholique
quid te aliud cogita notre mere ſpirituelle !Mais il ne me
rem, non occurrebat.
Et conabar cogitare venoit nulle autre idée que je püſſe
te, homo, & talis ho me former de vous. Cependant je
mo, ſummum & ſo ne laiſſai pas tout homme & tout
lum & verum Deum:
depravé que j'étois, de tenter de
&te incorruptibilem, vous comprendre, vous qui étes le
3 59
incommutabile,quod deſſus de ce qui eſt ſuſceptible
corruptibili & viola
bili & commutabili de corruption , d'alteration &
Praeponebam : quo de changement. C'eſt que tout ce
niam quidquid priva
bam ſpatiis talibus, qui n'avoit pas ſon eſpace, me
nihil mihi eſſe vide paroiſſoit n'être rien; je dis rien du
batur, ſed prorſus ni tout ; car , je ne pouvois meme me
il, ne inane quidem,
tamquam ſi corpus le figurer comme ces eſpaces vuides
auferatur loco , & de toute matiere terreſtre, liquide,
maneat locus omni
corpore vacuatus, & aérienne , ou celeſte qui ſeroient
terreno & humido &
aëreo & caeleſti ; ſed comme des néans de quelque éten
tamen ſit locus ina dué,
nis, tamquam patio
ſum nihil. -
R E M A R Q U E S.
ºJ# alors dans un âge plus mûr. Il commençoit ſa 31è
année.
5 62 Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
####
C H A P I T R E I I.
3. I A r erat mi
L me ſuffiſoit, Seigneur, pour 3 • hi , Domine,
'l confondre ces trompeurs qui adverſus deceptos il
ſont les premiers trompés , & ces los & deceptores, &
diſeurs de rien, puiſque ce n'étoit loquaces ( a) mutos,
pas votre parole qu'ils debi quoniam 1lOIl CX C1S
5f3### ####x##
C H A P I T R E III.
Effºrts qu'il faiſoit pour trouver la cauſe du mal Prim.
cipe qu'il poſoit afin de ne ſe point égarer. Différentes
penſées qui lui venoient enfaiſant cette recherche, &
· qu'il ne pouvoit pas concilier.
4. · A I s j'avois beau croire 4. SED & ego
- & ſoûtenir que vous, qui
-
adhuc,quam
êtes notre Seigneur & le Dieuve vis (a) incontami
nabilem, & incon
ritable qui avez créé nos ames , nOS vertibilem , & nullâ
corps & généralement toutes les ex parte mutabilem
créatures, étiez incorruptible, im dicerem , firméque
ſentirem Dominum
muable & inalterable; je n'en pé noſtrum, Deum ve
nétrois pas mieux la cauſe du mal.
Je voïois ſeulement que je devois rum, qui feciſti non
ſolum | animas noſ
la chercher quelle qu'elle fût, de tras, ſed etiam cor
maniere à ne pas être forcé d'ad pora ; nec tantûm
animas noſtras &
mettre que tout immuable que corpora, ſed omnes
vous étes, vous étiez ſujet au & omnia , non tene
" ( e ) Ita optimè. 1. Germ. Angl. & noſtri propè omts.At. 2. Germ.
ad liquidum. Alii, liquidè. - -
# 66 zes Confeſions de S.Auguſin,
tirer, ſans m'y enfoncer davanta profundo educere co2
8C. natus, mergebarite
rûm; & ſœpè cona
tus , mergebar ite
rùm atque iterùm.
La ſeule choſe qui me faiſoit en Sublevabat enim
trevoir quelque raïon de votre lu me in lucem tuam,
quòd tam me ſcie
miere, c'eſt que j'étois auſſi aſſuré bam habere volunta
d'avoir une volonté, que je l'étois tem, quàm me vive
de joüir de ma propre vie, & re. Itaque, cûm ali
qu'ainſi quand je voulois ou ne vou quid vellem aut nol
lois pas quelque choſe, ce n'étoit lem, non (f) alium
quàm me velle ac
pas un autre que moi qui le vouloit nolle certiſſimus e
ou ne le vouloit pas ; ce qui me fai ram ; & ibi eſſe cau
ſoit ſentir que je ne devois pas cher ſam peccatimei jam
cher ailleurs la cauſe du mal que je jamque animadverte
commettois. -
bam.
º#R° -
368 Zes Confeſſions de S. Auguſlin,
R E M A R Q U E S.
(1) J nition.
E prétendois que ce n'étoit pas tant un peché, qu'une pu
Voici le raiſonnement de S. Auguſtin : il force
dans leurs derniers retranchemens Zoroaſtre , les Manichéens,
Bayle, en un mot tous les defenſeurs anciens & modernes de
deux principes. -
CHAP.
369 - zivre ſeptiéme , Chapitre IV.
$.
####
C H A P I T R E IV.
R E M A R Q U E S.
{ 1) C#poſſible
qui ſeroit ſi vous étiez plus fort, &c. En effet, ſi par im
la volonté de Dieu vouloit efficacement ce
que ſa puiſſance auroit entrepris de combattre, ſa volonté l'em
porteroit ſur ſa puiſſance : ainſi Dieu ſeroit plus fort que lui
même.
# # #5
C H A P I T R E V.
JLa maniere dont il ſe repréſentoit Dieu rempliſſant &
pénétrant toutes choſes, l'empéchoit de découvrir l'o-
rigine du mal. Doutes qui lui venoient ſur cela. Queſc
tions ſur la création qu'il approfondiſſoit, ſans pouvoir
s'arréter à rien. Il n'y avoit que la foi en Jeſus-Chriſt .
- ſur quoi il étoit ferme. - -
7. E§undequaerebam
malum,
7. D E là je paſſois à la recher
che de l'origine du mal ;
& malè quaerebam ;
& in ipſâ inquiſitione mais je m'y prenois mal, & je ne
meâ | non videbam voïois pas où je manquois. Car je
malum. Et conſti me repréſentois en gros toutes les
tuebam in conſpec créatures, tant celles que nous pou
tu ſpiritus mei uni
vons voir, comme la terre, la mer,
verlam creaturam ,
l'air, lesaſtres, les arbres, & les ani
quidquid in eâ cer
nere poſſumus; ſicu maux ; que celles qui échapent à
nos yeux, comme le firmament,
ti eſt terra , & mare,
& aer , & ſidera , &les Anges, & tous les étres ſpirituels,
arbores, & animalia dont mon imagination faifoit enco
mortalia ; & quid
quid in eâ non vide re autant de corps, qu'elle plaçoit
·mus , ſicut firma chacun ſelon ſon eſpace. De tout
, mentum caeli, inſu- . cela je faiſois une grande maſſe,
A a ij
372 zes confeſſions de S. Auguſtin,
compoſée de tous les différens êtres per & omnes ange#
los, & cuncta ſpiri
qui ſont l'ouvrage de vos malnS , talia ejus : ſed etiam
ſoit ceux qui ſont vraîment corpo ipſa , quaſi ( a ) cor
pora eſſent, locis &
locis ordinavit ima
rels, ſoit ceux que je me figurois ginatio mea ; & feci
être ſpirituels. Je donnois à cette unam maſſam gran
dem, diſtinctam ge
maſſe la groſſeur que je voulois, ne neribus corporum
pouvant pas ſavoir au juſte celle creaturam (b)tuam ;
qu'elle avoit en elle même : du reſte ſive quae revera (c )
corpora erant , ſive
je me la repréſentois finie de tous. quae ipſe pro ſpiriti
bus finxeram. Et
côtés. eam feci grandem,
non quantum erat,
quod ſcire non pote
ram, ſed quantum
libuit , undique ver
ſûm ſanè finitam.
Te autem , Domi
Pour vous, Seigneur, je vous
ne, ex omni parte
concevois comme une ſubſtancein ambientem eam &
penetrantem , ſed
finie, qui entouroit & pénétroit par uſquequaque infini
tout cette maſſe, comme ſeroit la tum : tamquam ſi
mer, dont les eaux ſeules s'éten mare eſſet ubique, &
undique perimmen
droient infiniment de toutes parts, ſa ſpatia infinitum
au milieu deſquelles floteroit une ſolum mare, & ha
beret intra ſe ſpon
éponge qui étant finie quelque groſ giam quamlibet ma
ſe qu'elle fût , ſeroit pénétrée & gnam , ſed finitam
tamen ; plena eſſet
remplie dans toutes ſes parties par utique ſpongia illa
( a ) Gerin. 2. corporea.
(b ) Quatuor MSS. creaturarum tuarum. ·
(c) Sic duo Germ. Camer. Aquic. Giſlen. & Torn. I. cum.Arn,
& Moret.Alii , qua vera corpora. Mox Germ. pro ſpiritalibus,
Zivre ſeptiéme, Chapitre V. 373
tx omni ſuâ parte, ce volume immenſe d'eaux.
ex immenſo mari.
Sic creaturam tuam
finitam te infinito Telle eſt l'idée que je me for
mois de la maniere , dont votre
plenam putabam ; &
dicebam, Ecce Deus, ſubſtance infinie rempliſſoit l'aſſem
& ecce quœ creavit blage fini de toutes vos créatures :
Deus , & bonus eſt & je me diſois : voilà Dieu & ſes !
Deus, atque his va créatures. Dieu eſt bon & ſon ex
lidiſſimè longiſſime cellence ſurpaſſe infiniment celle
que præſtantior ; ſed
ramen bonus bona qui s'offre à mes yeux : mais puiſ
creavit, & ecce quo qu'il eſt bon, il n'a rien créé que
, modo ambit atque de bon. C'eſt ainſi qu'il embraſſe &
implet ea. Ubi ergo remplit toutes §. Mais où eſt
malum, & unde, &
quà huc irrepſit ? le mal ? d'où eſt-il venu ? par où
Quae radix ejus, & s'eſt-il gliſſé dansl'univers? de quel
quod ſemen ejus ? le racine eſt-il ſorti ? Quelle eſt la
-
-
ſemence qui l'a produit ?
An omnino non Seroit-ce qu'il n'y a point de
eſt ? Cur ergo time mal ? Pourquoi donc craindre &
nnuS & cavemus
quod non eſt ? Aut ſi fuir ce qui n'eſt pas ? Quand même
1man1ter timemus ,
notre crainte ſeroit ſans fondement;
certè vel timor ipſe toujours ſeroit-ce un mal que cette
malum eſt, quo in crainte, puiſqu'elle tourmente &
caſſum ſtimulatur &
excruciatur cor. Et
dechire notre cœur à pure perte :
tantò gravius ma ce mal même eſt d'autant plus
lum, quantò non eſt grand , que nous craignons en ef
quod timeamus; & fet où il n'y a rien à craindre.Ainſi
timemus. Idcirco ou ce que nous craignons eſt un
aut eſt malum quod mal : ou la crainte ſeule eſt un mal.
timemus , 3lllt
hoc malum eſt quia Puis donc que Dieu étant bon n'a
timemus. Unde eſt rien fait que de bon; que lui-méme
igitur , quoniam en tant que ſouverainement bon eſt
Deus fecit haec om infiniment meilleur que ce qu'il a
nia , bonus bona ? fait ; & qu'ainſi créateur & créatu
A a iij
374 Zes Confeffons de S. Auguſtin,
res, tout eſt bon; d'où vient le mal, Majus quidem &e
ſummum bonum
quand ce ne ſeroit que celui de la minora fecit bona ;
crainte qu'on en a ? ſed tamen & creans
& creata, bona ſunt
omnia : Unde eſt
*
malum ?
Seroit-ce que la matiere dont il a An (d) unde fecit
fait toutes choſes, étoit quelque ea materies aliqua
mala erat , & forma
choſe de mauvais, & qu'en lui don vit atque ordinavit
nant l'ordre & la forme qu'elle a, eam, ſed reliquitali
il lui a laiſſé quelque choſe qu'il quid in illâ quod in
n'a pas voulu changer en bien ? bonum non conver
mais pourquoi auroit-il tenu une teret?Cur & hoc ? An
telle conduite ? tout puiſſant com impotens erat totam
vertere & commuta
me il eſt, étoit-il dans l'impuiſſan re, ut nihil mali re
ce de lui faire changer entierement maneret,cûm ſitom
de nature, enſorte qu'il ne reſtât nia potensºPoſtremò
plus rien en elle de mauvais ? Enfin cur inde aliquid face
re voluit, ac non po
pourquoi"a-t-il voulu la mettre en tiûs eâdem omnipo
œuvre en faiſant ſes créatures , & tentiâ fecit ut nulla
u'il n'a pas employé ſa toute puiſ eſſet omnino ? Aut
§ à l'anéantirèEſt-ce qu'elle étoit verò exiſtere poterat
en état de ſubſiſter contre ſa volon contra ejus volun
tatem ? Aut ſi aeter
té?En la ſuppoſant éternelle,(1)D'où na erat , cur tamdiu
vient qu'il la laiſſée ſi longtems tel per infinita retrò ſpa
le qu'elle étoit, & qu'il s'eſt enfin tia temporum ſic
déterminé à en faire quelque cho eam ſivit eſſe, actan
ſe ? Si l'envie lui a pris tout à coup tè poſt placuit ali
quid ex eâ facere !
d'agir ; que"ne faiſoit-il ſervir ſa Àut jam ſi aliquid
toute puiſſance à la détruire, afin ſubitò voluit agere ,
u'il fut entierement lui ſeul le bien hoc potiùs agerer
§ , véritable & infini. Enfin omnipotens , ut illa
(d) Ita Mss. cum Bad. & Arn. At Bertin. Giſlen. Camer.4º
Er. Lov. mutatointerpunctione habent : Aut unde fecit ca ?mº
ries, &c.
Zivre ſeptiéme Chapitre V. 375
non eſſet, atque ip
ſe ſolus eſſet totum ſi étant bon comme il étoit,il n'é-
verum, & ſummum toit pas de ſa bonté qu'il ne fît rien
& infinitum bonum.
de bon, que ne détruiſoit-il cette
Aut ſi non erat benè,
ut non aliquid boni mauvaiſe matiere, & n'en repro
etiam fabricaretur, & duiſoit-il une bonne, d'où il fît
conderet qui bonus
crat, illâ ſublatâ & toutes choſes? Car il ne ſeroit pas
ad nihilum redactâ tout puiſſant,s'il n'avoit pû rienpro
materiâ quæ mala duire de bon ſans le ſecours d'une
erat, bonam ipſeinſ.
titueret unde omnia matiere qu'il n'avoit pas créée,
Crearet. Non enim
eſſet omnipotens, ſi
condere non poſſet
aliquid boni, niſieâ
quam ipſe non con
diderat adjuvaretur
materiâ.
Talia volvebam pec Voilà ce que je roulois miſéra
tore miſero, ingra blement dans mon eſprit, rongé
vidato curis morda
ciſſimis, de timore de chagrins cauſés par la crainte de
mortis, & non in la mort, & l'inutilité des recher
ventâ veritate. Stabi-- ches que je faiſois † trouver la
liter tamen haerebat
in corde meo in Ca
vérité. Un point ſur lequel j'étois
tholicâ Eccleſiâ fides ferme , c'étoit à l'égard de votrefils
Chriſti tui & Domi Jeſus-Chriſt notre Sauveur.Je ſui-'
ni & Salvatoris noſ vois en cela l'Egliſe Catholique,
tri; in multis quidem bien que ma foi †
encore informe
adhuc informis, & & pleine de doutes contraires aux
præter doctrinæ nor
mam fiuitans, (e) regles de la ſaine doctrine Ce
ſed tamen eam non pendant je ne m'en départois pas ;
relinquebat animus, ou plutôt mon eſprit s'en nourriſ
immò in dies magis ſoit de plus en plus.
magiſque imbibebat.
(e) Bertin Giſlen.Aquic. Bad. Am. Er. & Lov. fiuctuans.
Aa iiij
s76 Zes Confeſſions de S. Auguſtin »
R E M A R Q U E S.
( 1) D# vient qu'il l'a laiſſee ſi long-tems telle qu'elle étoit,
- Quand la matiere auroit été éternelle, on ne pour
roit pas dire dans les principes de S. Auguſtin , que Dieu eût
laiſſé long-tems la matiere ſans l'emploïer; parce qu'avant la
création il n'y avoit point de tems, & que le tems auroit com
mencé au moment même qu'il auroit mis en œuvre cette pré
tendue matiere.
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###>:4#
C H A P I T R E V I.
mon Dieue oüi vous & nul autre, tuae, Deus meus.Tu
- - -
-
tamen ſubjicerem ,
propè jam eſſe mihi
perſuaſum, ridicula
eſſeilla & inania.
Tum ille mihi nar
Surquoi il me conta que ſon pe
re avoit fait un amas conſidérable ravit patrem ſuum
fuiſſe librorum ta
de livres qui traitoient de ces ma lium curioſiſſimum,
tieres, & qu'ilavoit un ami de mê & habuiſſe amicum
me goût, qu'ils travailloient enſem aequè illa ſimulque
(b) Ita optimè Uterque Germ. Bertin Torn. 1 Giſlen. Camer.
Aquic. Angl. Cum Ulim. Lov,Som. Arn. & Moret. at Aliquot editi » i
dicebat quantum valeret. A - -
zivreſ ptiéme, chapitre vI. 379
ſectantem, qui pari ble, qu'ils ſe communiquoient leurs
ſtudio & collatione reflexions & enflammoient ainſi
flatabant (c) in eas"
nugas ignem cordis mutuellement la paſſion qu'ils
avoient pour une étude auſſi vaine.
ſui : ita ut mutorum
† animalium , Ils portoient leur attention juſqu'à
i quae domi pare obſerver le point de la naiſſance
rent , obſervarent des bêtes qui naiſſoient chez eux,
momenta naſcen
& y rapportoient la poſition des aſ
tium , atque ad ea tres : afin de tirer de cet art toutes
poſitionern caeli no
tarent , unde illius les lumieres qu'il peut fournir.
quaſi artis experi
menta coll rerent.
: Itaque dicebat au Et tout de ſuite il ajoûta que ſon
diſſe ſe à patre ſuo, pere lui avoit dit que dans le tems
quòd cum eumdem que ſa femme étoit groſſe de lui,
Firminum prægnans
mater eſſèt, etiam il une Eſclave de ſon ami l'étoit
lius paterni amici fa auſſi, ce qui étoit d'ailleurs aiſez
mula quaedam pari connu du maître, qui prenoit toutes
ter utero grandeſce les meſures néceſſaires pour etre
bat, quod latere non même informé de l'inſtant juſte,
potuit dominum,
u1 et1am canum au quel ſes chiennes faiſoient leurs
§ partus exa petits. Ainſi il arriva que tandis
minariſſimâ diligen qu'ils étoient uniquement attentifs
tiâ noſſ curabat.At à obſerver chacun de ſon côté
que ita factum eſſe, le jour , l'heure & l'inſtant de
ut cûm iſte conjugis,
ille autenn ancillae l'accouchement l'un de ſa fem
: dies & horas, minume , l'autre de ſa ſervante , ils
tioreſque horarum trouvérent qu'elles avoient ac
(c) In Bertin. Camer. Aquic. Giſlen. & editis pleriſque , &
collatione flagrabantin eas nugas igne cordis ſui. Caſtigavit Arn.
flabantignem. Nos cx MSS. reſtituimus, flatabant.Quo in verbo,
quia minime familiare erat , lapſiſunt librarii , & locum corrupe
#
runt. Id porro uſurpat Arnobius adverſus Gentes lib. 2. circame
,! dium..
sse za cºnſºn de s, Agath,
articulos cautiſſim#
couché toutes deux préciſément obſervatione nume
dans le même moment, & qu'ainſi rarent, enixæ eſſent
ils ne pouvoient ſe diſpenſer de ambæ ſimul ; ita ut
eaſdem conſtellatio
· donner ſans la moindre reſerve à
nes , uſque ad eaſ
l'un & à l'autre nouveau-né le the dem minutias , utri
que naſcenti facere
me de nativité que l'un avoit tracé cogerentur, iſte fi
pour ſon fils & l'autre pour ſoneſ lio, ille ſervulo. Nam
cùm mulieres partu
clave. Auſſi dès que ces femmes rire cœpiſſent, indi
caverunt ſibi ambo
étoient entrées en travail, ils n'a- quidin ſuâ cujuſque
voient pas manqué de s'entr'aver domo ageretur ; &
† quos ad
tir l'un l'autre de ce qui ſe paſſoit C 1nV1Cem nn1tte
(d) Ita optime Germ. I. Camer, Tarn. I. Arn. & Moret. Alj
quot editi, pronuntiarem,
| 382 Zes Confeſſions de S. Auguſtin ,
l'autre, ou je ferois à chacun des nem ſervilem , &
cetera longè à prio
prédictions différentes qui ſe trouve ribus
roient vraies : ou je dirois à tous aliena, longe
deux les mêmes choſes, & ce ſe que diſtantia. Unde
autem fieret, ut ea
: roit autant de fauſſetés : mais ce dem inſpiciens di
uime guideroit dans desjugemens verſa dicerem, ſive
# ra dicerem ; ſi autem
difiérens que je porterois, prou eadem dicerem , fal
ve invinciblement, que quand un ſa dicerem : inde cer
tireur d'Horoſcope rencontre, c'eſt tiſſimè(e) colligi, ea
par hazard & non pas par aucune quae vera, conſidera
regle de l'art, & quand il ne ren tis conſtellationibus,
contre pas, il ne faut pas s'en pren dicerentur , non arte
dre a ſon ignorance, mais au men dici, ſed ſorte : quæ
autem falſa , nonar
ſonge inſéparable de tout ce qui eſt tis imperitiâ, ſed ſor
fondé ſur le hazard. -
tis mendacio.
Io. Hinc autem
, 1o. Les lumieres que cet entre
tien me donna, me firent concevoir accepto aditu (f)ip
ſe mecum talia ru
un grand déſir de tourner en ridicu minando, ne quis
le tous ceux qui font métier de ti eorumdem deliro
reurs d'Horoſcope. Pour cet effet rum quitalem queſ
je me mis à repaſſer ces choſes dans tum | ſequerentur,
mon eſprit, & à chercher de quoi quos jam jamque in
les pouſſer à bout, s'ils s'aviſoient de vadere atque irriſos
refellere cupiebam ,
me dire que Firmin m'avoit trom mihi ita reſiſteret,
# & qu'il avoit été trompé par quaſi aut Firminus
on pere. Je m'arrêtois aux ju mihi, aut illi pater
| meaux dont la naiſſance ſe ſuit or falſa narraverit, in
tendi confideratio
dinairement de ſi près. Quelque
différence dans l'ordre de la na mem in eos quige
mini nafcuntur ;
ture que ces ſortes de gens atta quorum plerique ita
, (e) Hunc lacum huc uſque peſſime habitum, ac nomdum intellec
tum » ad priſtinum nitorcrem vocavimus ſubſidio duorum Germ. &
trium Angl.
(f) Camer. Bad. Am. Er, cum quinque Mss. Accepto auditu.
' zivre ſeptiéme, Chapitre VI. 383
poſt invicem fun chent au petit intervalle quis'écou
duntur ex utero, ut le entre la naiſſance de l'un & de
parvum ipſum tem l'autre,(2)l'
poris intervallum, intervalle eſt ſi peu ſen
quantamlibet vim in ſible, que l'Aſtrologue ne pouvant
rerum naturâ habere le réduire & le fixer, n'en charge
contendant, colligi jamais le theme de la nativité ſurle
tamen humanâ ob
ſervatione non poſ quel il fait ſes prédictions. Sur ce
ſit, litteriſque ſigna pied,un Aſtrologue qui auroit vou
ri omnino non va lu tirer l'Horoſcope d'Eſaii & de
leat, quas Mathema Jacob, auroit dû prédire les mêmes
ticus inſpecturus eſt choſes de l'un & de l'autre, puiſ
ut vera pronuntiet.
Et non erunt vera , que leur theme de nativité qu'ilau
quia eaſdem litteras roit conſulté, ne lui offroit que les
inſpiciens eadem de mêmes figures. Et dans ce cas ilſe
buit dicere de Eſau & ſeroit groſſierement trompé ; puiſ
Jacob ; ſed non ea que la vie de l'un a été ſi différente
dem utrique accide
de celle de l'autre. Que s'il avoit
runt : falſa ergo di rencontré ſur tous les deux, il au
ceret : aut ſi vera di
ceret , non eadem di roit dû faire des prédictions diffé
ceret, at (g) eadem rentes à chacun d'eux, quoi que ſes
inſpiceret : non ergo tables marquaſſent les mêmes éve
arte, ſed ſorte vera
diceret. nemens pour tous les deux, d'où il
s'enſuit que ce n'auroit pas été
par ſience mais par hazard qu'il au
roit deviné.
Tu enim , Domi C'eſt pourtant vous, Seigneur,
ne, juſtiſſime mode qui gouvernant l'univers avec au
rator univerſitatis ,
CON SU L E NT I BU S tant de ſageſſe que d'équité, diri
: conſultiſque neſcien gez ſi bien toutes § par des
# tibus, occulto inſ reſſorts impénétrables, qu'A L'IN
tinctu agis, ut dum s ç U des devins & de ceux qui les
#
(g) Sic Germ. 1. Torn. I. Giſlen. Aquic. Camer. Som. Arn. &
Moret. At. Lov. Si eadem inſpiceret. Germ. 2. Aut ſi cadem
inſpiceret,
3 84 Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
conſultent, chacun reçoit la répon quiſque conſulit ,
ſe que ſes actions lui ont hoc audiat quod
ſecréte
oportet eum audire,
ment méritée, conformement à la occultis meritis ani
profondeur de vos jugemens toû marum , ex abyſſo
jours juſtes, ſans que l'homme juſti judicii tui , cui
puiſſe dire : Qu'eſt ce que cesjuge non dicat homo,
Quid eſt hoc ? ut
mens ? Pourquoi ces jugemens ? quid hoc? Non d#
· Qu'il garde le § & qu'il ſe ſou cat, non dicat; ho
vienne que ces jugemens ſont au mo eſt enim.
deſſus de la portée de l'homme.
R E M A R Q U E S.
(I) L# premier étoit un Vieillard. Voïez livre quatre,
Chapitre trois.
(2) L'intervalle eſt ſi peu ſenſible. Il eſt vrai que l'intervalle
eſt peu ſenſible ; mais il ne ſauroit être moins court que
d'une, de deux & de pluſieurs minutes. Or à chaque inſtant
tous les aſtres en général & en particulier changent d'ordre
& de poſition, puiſqu'il y en a peu qui ne faſſent plus d'un
million de lieuës dans une minute & même dans une ſecon
de. Ce qui renverſe entierement tous les principes de l'aſ
trologie judiciaire; qui n'étant fondée que ſur la poſition
tant réelle que reſpective des aſtres, n'a pû jamais decou
vrir la vertu qui reſulte de ces diverſes poſitions, puiſque
depuis la naiſſance du monde juſqu'à preſent l'une & l'autre
poſition n'a pû être la même.
' º,s
CHAP.
zivre ſeptième, chapitre VII. 3 85
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C H A P I T R E V I I.
-
-
les nuages & les ténébres qui les
COllVTO1CIlt.
:
$:$: - N. $:: ::$: $.
## #
C H A P I T R E I X.
Il lit les ouvrages des Platoniciens, & il y trouve la
Divinité du Verbe clairement établie , auſſi bien
que ſon égalité avec ſon Pere : mais pas un mot de ſon
incarnation , de ſa vie , de ſes humiliations, de ſes
ſouffrances , & de ſa mort, ni desgrands motifs qu'il
a eu de quitter le Ciel pour nous en ouvrir l'entrée.
Fruit qu'il tire de ces lectures.
I 3• Ea Tlensprimò vo
oſten
I 3. T d'abord voulant me fai
re ſentir combien vous ré Jac, 4- 14.
dere mihi quàm (a )
reſiſtas ſuperbis, hu ſiſtez aux ſuperbes, tandis que vous
milibus autem des ne donnez votre grace qu'aux hum- Jean. I. I 5.
gratiam ; & quantâ bles, & quelle inſigne faveur vous
miſericordiâ tuâ de avez faite aux hommes,de leur don
monſtrata ſit homi
nibus via humilita
ner pour regle la voïe de l'humilité
tis, quòd Verbum en la perſonne de votre Verbe, qui
tuum caro factum s'eſt fait chair & à habité parmi
eſt, & habitavit inter nous:(1)vous fitestomber entre mes
homines ; procuraſti mains, par le canal d'un certain
mihi per quemdam homme enflé d'un orgueil inſup
nominem , 1mma
portable,
niſſimo typho turgi Platoniciensquelques ouvrages des
traduits de Grec en
dum , quoſdam Pla Latin.
eonicorum libros, ex
Graecâ linguâ in La
tinam verſos. -
-,
-
1 ;. Et ideò lege 15.Auſſitrouvai-je dans cesécrits,
bam ibi etiam im
mutatam gloriam qu'ils avoient transferé l'honneur Ibid.
| R E M A R Q U E S.
( 1) V Ousfites tomberentre mes mains quelques ouvrages des
V, Platoniciens. C'eſt en 385. que ces livres lui tombé -
rent entre les mains. Il dit plus bas, qu'il les lut de la traduction
e Victorin célébre profeſſeur de Rome. Dans un autre endroit
il aſſûre, que ces livres le changérent entierement; & que c'é-
toient ces précieux baumes de l'Arabie dont quelques goutes ve
nant à tomber ſur les étincelles qu'il renfermoit dans ſon coeur,
achevérent de l'embraſer. - -
(a) Bertin. Torn. 1. Giſlcn. Aquic. camer. Ulim. Moret. & ali
quot alii. editi. Lucem Domini incommutabilem, optimè.
Zivre ſeptiéme, Chapitre X. 3 97
tem meam , ſicut où elle ſurnage, ni comme le Ciel
oleum ſuper aquam, eſt au deſſus de la terre ; mais
nec ſicut caelum ſu
elle étoit au deſſus de moi, comme
per terram ; ſed ſu le Créateureſtau deſſus de ſes créa
perior, quia ipſa fe
cit me; & ego infe tures ; car c'eſt elle-même qui m'a
rior, quia factus ſumcréé, & j'étois au deſſousd'elle com
ab eâ. Qui novit ve me étant ſon ouvrage. Elle eſt con
ritatem, novit eam ;
& qui novit eam , nuë de qui connoît la vérité ;& qui
novit aeternitatem. la connoît , connoît l'éternité. Mais
Charitas novit eam. c'eſt à la Charité qu'elle ſe découvre
& ſe dévoile entierement.
O AE T E R N A Ve O V E R I T E' éternelle , ô véri
ritas, & vera Chari table Charité, ô délectable Eterni
·tas, & chara AEterni
tas ! Tu es
té, vous êtes mon Dieu; c'eſt après
Deus
meus : tibi ſuſpiro vous queje ſoûpire nuit & jour. La
die ac nočte. Et cûm premiere grace que vous me fites
te primùm cognovi, dans l'inſtant même queje vouscon
tu aſſumpſiſti me, nus, fut de me fairevoir que ce que
ut viderem eſſe quod je voïois éxiſtoit véritablement, &
viderem , & nondum
me eſſe qui viderem. ue je n'étois pas encore en état
Et reverberaſti infir †porter lesyeux. Les torrens de
mitatemaſpectusmei lumiere dont vous me pénétrâtes,
-
radians in me vehe firent réfléchir ſur moi-même mes
menter,& contremui foibles regards : Je fus tout-à-la
amore & horrore : &
inveni longè me eſſe fois épris d'amour & d'horreur.Je
à te in regione diſ compris combien j'étois loin & dif
ſimilitudinis , tam férent de vous. J'entendois com
quam audirem vo me unevoix qui me crioit du haut
cem tuam de excelſo,
de votre gloire; Je ſuis la viande
C1 B U s fum gran des forts & des hommes faits : croiſ
dium : creſce, & man
ducabisme. Nec tu me ſez & vous vous nourrirez de moi :
mais vous ne me changerezpas en
in te mutabis, ſicut ci
bum carnis tue , ſed vous, comme il arrive aux alimens
tu mutaheris in me. Et dont votre corps ſe nourrit : ce ſera
398 Zes Confeſſions de S. Auguſtin, '
vous qui ſerez changé en moi. Et je cognovi , quoniam
vis alors que ce n'étoit qu'en vuë de pro 1n1qu1tate eru
diſti hominem ; & ta
mes péchés, & pour mon inſtruc beſcere feciſti ſicut
tion, que vous m'aviez fait paſſer araneam animam.
par les peines & les troubles qui meam. Et dixi,Num
avoient deſſèché mon ame comme la quid nihil eſt Veritas,
toile d'une araignée.Je medis incon † neque per
tinent à moi même:ſoûtiendrai je à nita neque per infi
nita locorum ſpatia
préſent que la Verité n'éxiſte point, diffuſa eſt ? Et cla
parce qu'elle n'eſt pas répanduë maſti de longinquo ;
dans des eſpaces finis & infinis ? & Immò verò,eGo sUM
je vous entendis me crier de fort Q U I s U M. Et audi
vi, ſicut auditur in
Exod. 3. 1ii. loin: au contraire. JE sUIs CE
corde; & non erat
L U I Q U I E X I S T E ; & comme
prorſus unde dubita
j'entendis cette voix ainſi qu'on en rem. Faciliûſque du
tend celles qui ſe font entendre au bitarem vivere me,
fond du cœur, elle leva mes dou quàm non eſſe Veri
tatem ; quae per ea
tes de telle ſorte, que j'aurois plü quae facta ſunt intel
tôt douté de ma vie, que de l'exiſ lecta conſpicitur.
tence de la vérité, à l'intelligence
Rom, 1.2o. de laquelle la vuë des créatures
nous conduit d'ailleurs.
cgºss@6Sèt@gSN©ºS躩ºSè:@8è:© S詺Sà
C H A P I T R E X II.
Il n'y a point deſubſtance qui ne ſoit bonne de ſa nature.
Comment les ſubſtances ſe corrompent Démonſtration
que le mal n'eſt point une ſubſtance. Quoique les ſub
ſtances ne ſoient pas également bonnes , elles compoſent
un tout excellent. N.
&$
e$2,
Cc
«os zes Confeſſions de S. Auguſtin, .
xxxzxxzxxzxzxzxzxzxzxzxxxxxxxx
C H A P I T R E X I I I.
eſſe iſta.
· · · C c ij --
4o4 Zes Confeſſions de S.Auguſtin,
les Anges, les vertus, le ſoleil & la dent te, Deus noſter,
in excelſis omnes
lune, la lumiere & les étoiles, le Angeli tui, omnes
Cielqui eſt au deſſus desCieux, & virtutes tuae, Sol &
les eaux qui ſont encore au deſſus · Luna , omnes ſtellae
de ce Ciel, ne s'occuper que devos & lumen, cœli cœlo
rum, & aquae quae
loüanges, je ne penſois plus à ſou ſuper cœlos ſunt,lau
haiter quelque choſe de meilleur, dent nomen tuum ;
† queje conſidérois toutes cho non jam deſiderabam
es enſemble:& quoiqueje m'apper meliora, quia omnia
çuſſe que la partie ſupérieure de cogitabam ; & melio
ra quidem ſuperiora,
l'univers étoit meilleure que l'infé quàm
rieure, j'eſtimois avec fondement meli inferiora ; ſed
ora omnia quàm
que le tout enſemble valoit mieux, ſola ſuperiora,judicio
que cette partie ſansl'autre. ſaniore pendebam.
NWANWANWZ NMA
#
à:6:6:6:6:6:6:6:6:6:6:{3:#3:6:
C H A P I T R E X I V.
aliquid
à vos ouvrages. C'eſt l'état où j'ai creaturœ tuae ; †
été pendant le tems queje ne pou mihi non erat, cùm
vois approuver bien des choſes que diſplicerent multa
vous aviez faites; & § que je quae feciſti. Et quia
non audebat anima
n'oſois étendre ces di poſitions
ſur mca ut ei diſpliceret
mon Dieu, je voulois qu'il ne fût Deus meus, nolebat
pas auteur de tout ce que je con eſſe tuum quidquid
A *
Zivre ſeptiéme, Chapitre XIV. 4o5 .
ei diſplicebat. Etin damnois. Cette idée me jetta dans
de ierat in opinio le ſyſtême des deux ſubſtances, mais
nem duarum ſubſ
tantiarum , & non commeil m'étoit étranger, il ne me
requieſcebat, & alie ſatisfaiſoit pas. Je paſſai donc à un
na loquebatur : & in autre ſelon quoi je faiſois mon
de rediens fecerat ſi
Dieud'une ſubſtancerépanduëinfi
bi Deum per infinita ! niment dans tousles lieux & tous les
ſpatia locorum om
nium, & eum puta eſpaces de l'univers.Voilà le phan
verat eſſe te : & eum tôme quejeprenois pourvous.Je le
collocaverat in cor plaçai au milieu de mon cœur , &
de ſuo, & facta erat vous eûtes en exécration mon ame
rurſus templum ido
li ſui , abominan devenuë pour la ſeconde fois le
dum tibi.Sed poſteà temple de ſon idole. Mais auſſi
quam foviſti caput tôt qu'à mon inſu vous m'eûtes
neſcientis, & clauſiſ rappellé à la raiſon, & que vous
ti oculos meos ne vi
derent vanitatem ,
eûtes fermé les yeux de mon eſprit Pſ. 1 18.37.
*
3#
C ciij
4o6 Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
s rºxºcorrºristºrxRxxxxxx
C H A P I T R E x V.
cº en Dieu que chaque choſe a ſon étenduë & ſes bornes,
· ſon ordre & ſon rang dans l'univers.La Véritééternelle
' eſt la main toute-puiſſante avec quoi Dieu ſoûtient tou
· tes choſes. Ce que c'eſt que la fauſſeté.
2 I, D E làje paſſai à la conſi- 2r. E T reſpexi
· dération des créatures, ... MC alia ; & vidi
& je trouvai qu'elles vous étoient † †
ſunt, & †
in te cuncta
redevables de leur être; qu'elles finita, ſedaliter, non
avoient leurs bornes en vous, mais quaſi in loco ; ſed
d'une autre maniere que ſi c'étoit quia tu es omnite
dans un eſpace : qu'elles ſont dans nens rnanu veritate ,
& omnia vera ſunt in
votre vérité qui eſt la main avecla quantum ſunt ;N E G
quelle vous embraſſez tout , & quidquam eſtfalſitas,
qu'ainſi leurvéritéeſtinſéparable de niſi cùm putatureſſe
leur éxiſtence: parce que LA FAUs quod non eſt. Et vidi
s E T E' conſiſte à croire d'une cho † non ſolûm locis
ua quaeque ſuis con
ſe le contraire de ce qu'elle eſt, veniunt , ſed etiam
Que chaque choſe a non ſeulement temporibus; & quia
ſa place, mais encore ſon tems à tu, qui ſolus aeternus
quoielle convient.Enfin quel'Eter es, non poſtinnume
nité qui vous eſt propre, faiſoit . rabilia § tempo
qu'il ne s'étoit pas écoulé des tems rum cœpiſti operari;
quia omnia ſpatia
infinis , quand il vous a plû de temporum , & quæ
commencer l'ouvrage de la créa praeterierunt, & quæ
tion, parce que lestems paſſés & praeteribunt, nec abi
à venir ne couleroient pas, ſi vous rent, nec venurent ,
Pourquoi
& de
les méchans ſont choqués de la juſtice de Dieu
de ſes # Les méchans ren
# quelques-uns
trent eux-mêmes dans l'ordre e l'univers comme le
reſte des créatures. Ce que c'eſt que le mal.
2.2. T ſenſi, & 22• Evis enſuite clairement &
E expertus . par expérience, qu'il n'eſt
ſum, non eſſe mirum pas ſurprenant que ceux qui ſont
quòd palato non ſa dégoûtés, aient de la répugnance
no poena eſt panis ,
qui ſano ſuavis eſt ; pour le pain dont ceux qui ne le
& oculis aegris odio ſont pas font leurs délices, & que la
ſa lux, quae puris lumiere qui flate ſi agréablement
amabilis. Et juſtitia lesyeuxſains,ſoit inſupportableaux
tua diſplicet iniquis ;
ne dum vipera & ver yeux malades; puiſque les méchans
miculus, quae bona ſont choqués de votre juſtice, des
creaſti, apta inferiovipéres mémes & des vermiſſeaux.
ribus creaturae tuae Cependant ces reptiles ſont l'ou
partibus, quibus & vrage de vos mains ; ainſi ils ſont
ipſi iniquiapti ſunt, uelque choſe de bon, & ſont aſ
uantò diſſimiliores
unt tibi ; apti autem † à la derniere claſſe des créatu
ſuperioribus, quantò res ; Les méchans le ſont auſſi , &
ſimiliores fiunt ti c'eſt parce qu'ils s'éloignent de vo
bi. tre divine reſſemblance ; au lieu
qu'ils ſeront dans l'ordre & feront
partie de vos ouvrages les plus re
levés à proportion de la conformi
té qu'ils auront avec vous.
ET QU AE s 1 v 1 C'eſt alors que m'étant mis à cher
quid eſſet iniquitas ; cher ce que c'étoit que l'iniquité,
& non inveni ſubſ je vis tout à coup que ce n'étoit pas
- Cc iiij
4o8 Zes Confeſſions de S. AuguſÈin,
une ſubſtance : mais le déréglement tantiam, ſedà ſumm3
de la volonté qui ſe détournant de
-
# , te #
etortae 1n 1 IT12
la ſubſtance par excellence, qui eſt (a) voluntatis per
vous-meme, o mon Dieu, s'atta- verſitatem , proji
che à des riens, ( 1 ) rejette tout ce cientis intima ſua,
qu'elle a de biens intérieurs & s'en- & tumeſcentis foras.
orgüeillit au dehors.
(a) Itanitidiſſime uterque Germ. Torn. I. cum. Angl. Camer. Am.
Bad. Ulim. Aſt Lov. detortam in infimam voluntatis perverſita
tem Alii editi. detorta in infimam, &c. minus probè.
R E M A R Q U E S.
( 1) R† ce qu'elle a de biens intérieurs. Ces biens in:
térieurs ſont la reſſemblance avec Dieu, comme il le
dit en pluſieurs endroits.
#### #
C H A P I T R E X V II.
23 . J† A 1 aimerauſſi-
alors que 23. T mirabar
†
A -
j'euſſè pû vous
X A
b quòd
te amabam , non p
tôt au lieu de ce phantôme, dont te phantaſma.(a) Et
(a) Am. Er, cum MSS. quatuorhabent , & non inſtabams
Livre ſeptiéme, Chapitre XVI I. 4o3.
non ſtabam fruiDeo
j'avois fait juſqu'alors mon Idole
mco, ſed rapiebarad
te decore tuo; mox & que laiſſant là le Dieu que je
que diripiebar (b) m'étois fait, ( 1 ) je fuſſe ravi &
abs te pondere meo, tranſporté en vous parl'éclat de vo
& ruebamin iſta cum tre beauté. Il eſt vrai que j'en étois
† & pondus
oc conſuetudo car incontinent arraché par mon pro-.
nalis. Sed mecum pre poids ; ainſi je retombois en
erat memoria tui ; gémiſſant dans les choſes ſenſibles,
neque ullo modo du où l'accoûtumance & les impreſ
bitabam eſſe cui co ſions de la chair & du ſang m'en
hærerem, ſed non traînoient malgré moi : mais vous
dum eſſe me qui co ne laiſſiez pas de m'être toûjours
hærerem ; quoniam
corpus , quod cor préſent, & je n'avois aucun doute
rumpItur , aggravat ſur l'éxiſtence de celui à qui je de
animam ; & depri vois toûjours m'attacher; en même
mit terrena inhabita temS § je me voïois fi peu en état
tio ſenſum multaco de le
gitantem. Eramque aire, à cauſe du corps qui en sag ». » »
ſe corrompant apeſantit l'ame,
# certiſſimus, quòdin
viſibilia tua, à conſ tandis que le ſéjour qu'elle fait
titutione , mundi , ſur la terre, attire en bas la
perea quae facta ſunt, multiplicité de ſes penſées. Je n'en
intellecta conſpiciun étois pourtant pas moins confirmé Rom.1.1a
tur, ſempiterna quo
que virtus & divini dans cette vérité, que depuis l'origi
t2S tlla, ne dumonde les créatures toutes ſeules
découvroient à ceux qui avoient de
l'intelligence vos perfections inviſ
bles, votre puiſſance éternelle & vo
tre divinité.
Quaerens enim un Ainſi en cherchant d'où me ve
deapprobarem , pul noitle goût quej'avois pour la beau
chritudinem corpo
rum, ſive cœleſtium, té des corps, ſoit de ceux qui ſont
(b) Sic duo. Germ, Torn. I. Ulim. Arn, Moret. At aliquot editi »
deripiebar.
41o Zes confeſſions de S. Auguſtin,
ſur la terre, ſoit de ceux quibril ſive terreſtrium , &
uid mihi praeſtõ eſ
lent dans le Ciel, & ce qui me gui † integrè de muta
doit quand je portois mon juge bilibus judicanti, &
ment ſur des êtres ſujets à changer, dicenti , Hoc ita eſſe
en diſant une telle choſe doit être ain dehet, illud non ita ;
ſi » & non pas cette autre : Je trou hoc ergo quaerens
, vai que mon intelligence toute ſu unde judicarem cùm
ita judicarem,invene
jette au changement qu'elle eſt, li ram incommutabi
ſoit dans la vérité éternelle & im lem & veram veritatis
muable qui eſtau deſſus d'elle. aeternitatem , ſupra
1I1CI1tCIT1 IT1C2IT1 COITl
mutabilem.
Allant ainſi par dégrez de la con Atqueita gradatim
à corporibus ad ſen
ſidération des corps à celle de l'a- tientem per corpus
me; j'éxaminai la maniere dont el animam, atque inde
le perçoit par les organes du corps, ad ejus interiorem
tous les ſentimens que nous avons ; vim , cui ſenſus cor
quelle eſt cette faculté intérieure à poris exteriora an
laquelle les ſens rapportent ce qu'ils nuntiaret, & quouſ
que poſſunt beſtiæ,
apperçoivent au dehors ; & juſ atque inde rurſus ad
qu'où les bêtes portent leurs per rat1ocinantem po
ceptions. De là je vins à la faculté tentiam , ad quam
qui raiſonne, & qui juge ſur le rap refertur judicandum
port des ſens : & la trouvant ſujette quod ſumitur à ſenſi
bus corporis. Quæ ſe
au changement commetout le reſ quoque In me com
te, jem'élevai juſqu'à mon intelli periens mutabilem,
gence; & là écartant tout ce qui erexitſeadintelligen
auroit pû metroubler du côté de tiam ſuam, & abdu
l'accoûtumance, & demon imagi xit cogitationem à
conſuetudine,ſubtra
nation, je me mis en état de décou hens ſe contradicen
vrir quelle étoit cette lumiere qui tibus turbis phantaſ
matum ,
ut 1nveni
l'éclairoit, quand elle décidoit ſans ret quo lumine aſ
héſiterle moins du monde, que ce pergeretur, cûm ſine
qui n'eſt pas ſuſceptible de change ullâ dubitatione cla•
Zivre ſeptiéme, Chapitre X VII. 41 r
fnaret, incommuta
# : étoitpréférable à ce qui en
bile praeferendum eſſe
mutabili ; unde noſ. § , & d'où lui venoit
ſet ipſum incommu l'idée qu'elle avoit de cet Etre
tabile, quod nifi ali immuable, ſans quoi elle n'auroit
quo modo noſſet, Pü faire cette préférence.Et je (. )
nullo modo illud
mutabili certa ( c )
Parvins à appercevoir les raïons de
præponeret :& perve l'Etre, mais ce ne fut qu'enpaſſant
nit ad id quod eſt, & d'une vuë tremblante.
in ictutrepidantisad
ſpectus ? -
(c) Ita iterum uterque Germ. cum Arn. Ceteri autem càm MSS.
tùm editi, certò. Mox Bertin. Giſlen. cum Ulim. Arn. & Moret.
prœponeret & perveniret. Camer. Torn. 1. & Aquic, ut perve
niret. optimè in textu, & pervenit.
12 Zes Confeſſions de S.Auguſtin,
: R E M A R Q U E S.
( 1) E Tque laiſſant là le Dieu que je m'étois fait. Faute de voir
- de quel Dieu parle S. Auguſtin, les traducteurs ont
extrêmementbroüillé tout le commencement de ce Chapitre.
( 2 ) Je parvins à appercevoir les raions de l'Etre; mais ce ne
ſ# qu'en paſſant. Saint Auguſtin ne dit pas qu'il ait vû
l'eſſence divine, mais les raïons de cette lumiere qui éclai
roit ſon entendement, quand il prononçoit que ce qui n'eſt
pas ſuſceptible de changement eſt préférable à ce qui eſt
ſujet à changer. S. Auguſtin ne vit donc qu'un éclair, en
core ne fut-ce pas ſans ſourciller. id quod eſt in ičtu trepidantis
aſpečius.
t535353535353t53b3b3b3b3b3b3t53
C H A P I T , R E XVIII.
Il faut avoir racours à Jeſus-Chriſt# étre en état de
s'unir à Dieu. Ce que Jeſus-Chriſt a fait pour nous ra
mener à ſon Pere. S. Auguſtin ne connoiſſoit alors
qu'une partie du Myſtere de l'Incarnation. -
-
4.16 Zes Confeſſions de S.Auguſtin,
Mais comme on ne peut pas Quia itaque vera
douter , que toutes ces choſes ſcripta ſunt , totum
hominem in Chriſto
n'ayent été écrites avec la derniere agnoſcebam ; non
· fidélité, je reconnoiſſois en Jeſus corpus tantûm ho
· Chriſt un homme vraîment hom m1n1s , aut cum cor
me; c'eſt-à-dire non-ſeulement un pore ſine mente ani
mum, ſedipſum ho
corps & une ame , mais encore minem , non perſo
une intelligence, ce† fait l'hom nâ veritatis , ſed ma
me tout entier ; auſſi n'eſt-ce pas †
quâdam naturœ
· ( 1 ) à raiſon des dehors de la véri umanae excellentiâ,
té, dontil auroitétérevétu, que je & perfectiore partici
croïois qu'il étoit au-deſſus des au patione ſapientiæ
praeferri ceteris arbi
tres hommes, mais à cauſe de quel trabar.
ue avantage particulier § à
§ humanité, & d'une plus abon
-dante participation de §
Alipe d'autre part ſe figuroit -
Alipius
Deum carne indu
autern
· que les Catholiques en diſant que tum ita putabat cre
· Dieu s'étoit incarné, prétendoient di à Catholicis ; ut
qu'il n'y avoit en Jeſus-Chriſt que praeter Deum & car
le corps & la divinité, & point nem non eſſet in
d'ame, ni d'intelligence par con Chriſto anima; men
· ſéquent. Comme il ne pouvoit ac temque hominis non
corder cette créance avec la per exiſtimabatineopra -
· dicari. Et quoniam
, ſuaſion où il étoit, que des actions benè perſuaſum tene
de la nature de celles qu'on trou bat , ea quae de illo
·ve écrites de lui , ne pouvoient memoriae mandata
avoir pour principe qu'une créa ſunt, ſine vitali & ra.
tionali creaturâ non :
'ture vivante & raiſonnable, il en
fieri ; ad ipſam Chri
étoit moins diſpoſé à embraſſer la ſtianam fidem pi
Religion Chrétienne : mais dans la griùs movebatur.Sed
poſteà haereticorum
ſuite aïant appris que c'étoit ( 2 ) Apollinariſtarum
l'erreur des Apollinariſtes, il con- . hunc errorem eſſe co
gnoſcens,
Livre Septiéme, Chapitre XIX. 417
gnoſcens,. Catholi- forma avec joïe ſes ſentimens à la
collaetatus
cae fidei & foi de § -
contemperatus eſt.
† †
manifeſti fierent in- guiſſante, on puiſſe diſtinguer ceux
• » -
R E M A R , Q U E S.
me la faire connoître ?
C'eſt auſſi ce qui me fait croire, In quos me pro
ptereà , priuſquam
que vous permîtes que je fiſſe cette Scriptu ras tuas con
lecture avant celle de l'Ecriture ſiderarem , credo vo
Sainte , afin que je ne perdiſſe luiſti incurrere , ut
jamais le ſouvenir des diſpoſitions imprimereturmemo
ue j'en avois rapportées ; & que riae meae,quomodoex
eis affectus eſſem ; &
la douceur & l'humilité que ces Li cùm poſteà in libris
vres ſaints m'inſpireroient dans la tuis manſuefactuseſ.
ſuite, à meſure que votre main mé ſem , & curantibus
dicinale traiteroit les plaïes de digitis tuis contrecta
mon ame , m'apprît la différence rentur vulnera mea,
qu'il y a entre un Philoſophe pré diſcernerem atquedi
ſtingu erem,
quidin
ſomptueux & un pécheur qui vous tereſſet inter prae
découvre ſa miſere , entre ceux ſumptionem, & con
quivoïant où il faut aller, n'apper feſſionem ; inter vi
çoivent pas la route qui y con dentes quò eundum
duit, & ceux qui ſavent le che & ſit, nec videntes quà,
viam ducentem ad
min, d'où non-ſeulement on dé beatificam patriam ,
couvre la céleſte Patrie , mais en non tantûm cernen
core par où on arrive à cet heureux dam ſed & habitan
ſéjour. Peut-être même que ſi j'a- dam. Nam ſi primò
ſanctis tuis Litteris
vois tiré de l'Ecriture la premiére informatus eſſem , &
connoiſſance que j'aurois eu de in earum familiarita
zivre ſeptiéme, Chapitre XXI. 42 1
te obduleuiſſes mihi 2
vous, & qu'en la liſant vous m'euſ
& poſteà in illa volu ſiez fait part des douceurs, qu'y
· mina incidiſſem; for
trouvent
taſſe aut abripuiſſent familiere :ceux qui ſe la rendent
ces autres livres venant
(b )me à ſolidamento
pietatis ; aut ſi in af enſuite à me tomber entre les
fectu quem ſalubrem mains, auroient détruit les princi
imbiberam perſtitiſ pes de piété que j'y aurois pui
ſem, putarem etiam ſés. Ou ſi j'avois demeuré ferme
ex illis libris eum poſ
ſe concipi (c), ſi eos dans les ſentimens d'affection que
ſolos quiſquam didi j'avois conçu ,. j'aurois cru du
ciſſet. moins que leur lecture ſeule auroit
pû produire le même effet.
(b) I. Germ. Aquic. Camer. cum Torn. 1. abripuiſſem II1C.
( c ) Germ. 2. conſpici.
šäää#äääääääääääääääää
C H A P I T R E X X I.
qua venlat,
vIdeat , & teneat,
-
d'où l'on peut vous voir, & par où Quia & ſi condelec
on parvient à vous. Car enfin,quoi tetur homo legi Dei
- - A • - V - -
C O N F ESSIONS
D E
SAINT AUGUSTIN,
L I v R E HUIT I É ME
S O M M A I R E.
#l Z décrit le plus bel endroit de ſa
|| | vie , & parle de ce qui lui arriva
##t | dans la trente-deuxiéme année de
=lſon àge , qui fut celle de ſa conver
Jſon. Il commença par conſulter Simplicien,
pour ſavoir quel genre de vie il devoit embraſ
ſer. Simplicien lui raconte à deſſein l'Hiſtoire
édifiante de Viftorin , qui fit hautement pro
feſſion du Chriſtianiſme , & renonça généreuſe
|
Zivre huitiéme, Sommaire. 427
ment à ſes emplois. Cet exemple joint à celui
de S. Antoine & de deux Officiers de l'Empe
reur le changérent entiérement. Son change
ment fut ſuivi de troubles , d'agitations & de
combats, qu'il peint avec des couleurs admira
bles. Il en eſt tout-à coup délivré par une voix
du Ciel, qui lui ordonne d'ouvrir les Epitres de
S. Paul qu'il avoit entre les mains. A peine
en a-t-il lù quelques lignes , qu'il rompt avec
autant de joie que de facilité les liens qui l'a-
voient arrèté juſques-là,
428 zes Confeſſions de S. Auguſtin,
$% $%N NWZNY 4,#N NW/SW2NW2N2NW/SWZN
####?: #
C H A P I T R E I.
(b ) Ita correétè Camer. Giſlen. Torn. I. cum Arn. & Moret. ali
quot autem editi, audiunt.
Zivre huitiéme, Chapitre I. , 429
& undique circum me preſſiez de toutes parts. J'étois
vallabar abs te. De
vitâ tuâ aeternâ cer
aſſuré de votre exiſtence éternelle,
tus eram , quamvis ( 1 ) quoique je ne l'euſſe ap
cam in enigmate, & perçué qu'en Enigme & comme I. Cor. 1 5 «
I 1•
quaſi per ſpeculum dans un miroir. Il ne me reſtoit pas
videram. Dubitatio le moindre doute que votre ſubſ
tamen omnis de in
tance incorruptible n'eût tiré du
corruptibili ſubſtan néant toutes les autres : ainſi ce
tiâ , quòd ab illâ eſ
ſet omnis ſubſtantia, que je ſouhaitois à cet égard, n'é-
ablata mihi erat ; nec toit pas une plus grande certitude,
certior de te, ſed ſta mais de m'affermir de plus en plus
bilior in te eſſe cupie dans votre amour. En effet je ne
bam. De meâ verò
temporali vitâ nuta ſavois quel parti prendre touchant
bant omnia & mun le genre de vie que je devois me
dandum erat cor à ner : j avois encore mon cœur a pu
fermento veteri ; & rifier de ſon vieux levain. J'aimois 1 • Co. 5.78
placebat via ipſe Sal bien la voïe où Jeſus-Chriſt m'or
vator, & ire per ejus donnoit de marcher : mais ce
anguſtias adhuc pi
gebat. qu'elle a d'étroit me réfroidiſſoit,
& m'empêchoit d'y entrer.
Et immiſiſti in
mentem meam , vi
Surquoi vous m'inſpirâtes une
ſumque eſt bonum in penſée que je goûtai fort : c'étoit
conſpectu meo, per ( 2 ) de m'aller ouvrir à Simpli
gere ad Simplicia
num , qui mihi bo cien qui me paroiſſoit être unde vos
nus apparebat ſervus bons ſerviteurs, en quionvoïoitre
tuus , & lucebat in eo
gratia tua. Audieram
luire votre grace. J'avois oiii dire
etiam , quod à juven qu'il s'étoit conſacré à votre ſervice
tute ſuâ devotiſſimè dès ſa jeuneſſe : le voïant donc par
tibi viveret : jam verò
tunc ſenuerat, & lon venu au grandâge où ilétoit alors,
â œtate in tam bono je crus quela conſtance & la ferveur
§ ſectandae viae
avec laquelle il avoit toûjours mar
tuae multa expertus
multa edoétus mihi ché dans vos voies, ne lui laiſſoient
--
43o Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
rien ignorer là - deſſus : & je ne videbatur; & verè ſic
Cfat,
me trompois point.
• 7 - -- Jevouloisdonc que ſur le portrait Unde mihi ut pro
ferret volebam, con
· que je lui ferois des agitations de ferenti ſecum œſtus
mon cœur, il me dit de quelle ma meos, quis eſſet ap
niere devoit vous ſervir un homme, tus modus, fic affecto
qui ſeroit dans l'état où j'étois. ut ego eram, adam
/ bulandum in viâ tuâ.
2. Videbam enim
" 2.Car jevoiois l'Egliſe pleine de plenam Eccleſiam ;&
toute ſorte de perſonnes qui al alius ſic ibat , alius
loient à Dieu lesuns parun chemin, autem ſic. Mihi au
& les autres par un autre. J'étois tem diſplicebat quod
dégoûté du poſte que j'occupois agebam in ſæculo; &
dans lê monde : il m'étoit même in oneri mihi erat valdè,
inflamman
•' • : • ſupportable depuis que le feu de nonjam
tibus cupiditatibus,ut
mes paſſions n'étoit plus entretenu ſolebant ſpe honoris
parl'eſpérance des honneurs& des & pecuniae, ad tole
randam illam ſervi
richeſſes, quim'avoit aidéjuſques-là
pſal. 25: s. à porteruneſi dure ſervitude. Tout tutem tam gravem.
cela ne metouchoit plus au prix des Jam enim me il
la non - delectabant
douceurs dont vous inondiez mon
præ dulcedine tuâ, &
- cœur, & desbeautés de votre mai decore domus tuæ
ſonque j'aimoisuniquement. Mais quam dilexi : ſedad
le beſoin que j'avois d'une femme huc tenaciter colliga
me tenoit fortement au cœur, & bar ex f minâ; nec
me prohibebat Apoſ
quoique l'Apôtre me portât à l'état tolus conjugari ,
x. cor. 7.7. plus parfait, & qu'il ſouhaitât que quamvis exhortare
tout le monde fût libre comme lui, tur ad melius, maxi
mè volens omnes ho
il ne m'interdiſoit pas le mariage ;
ainſi j'embraſſois le parti que ma mines ſic eſſe ut ipſe
foibleſſe s'étoit choiſi : Et cela ſeul erat. Sed ego infir
mior eligebam mol
faiſoit que je ne me portois à toùt liorem locum ; &
lereſte qu'avec langueur, mourant propter. hoc unum
volvebar in ceteris
de chagrin d'être obligé d'allier
Zivre huitiéme , Chapitre I. 43 E
languidus , & tabeſ moi-même avec le mariage, où
cens curis marcidis , mon penchant m'entraînoit, les ſui
quo (c) & in aliis re
bus quas nolebam pa
tesd'un état qui m'étoient †
ti, congruere coge tables par tout ailleurs. Je ſavois
bar vitae conjugali, bien que la Vérité même avoit dit
cui deditus obſtringe de ſa propre bouche qu'il y en a Math. 19.1ad
bar. Audieram ex orequi ſe font Eunuques pour le Royau
Veritatis, eſſe ſpado
me des Cieux : maiselle avoit ajoû
nes qui ſeipſos abſci
derunt propter re té : Que celui qui peut le compren
| gnum cœlorum ; ſed dre, le comprenne.
qui poteſt,inquit, ca
pere capiat
Vani ſunt certè om Je voïois auſſi l'excès de folie *e 1,-«
nes homines quibus de tous ceux qui ne connoiſſoient
non ineſt Dei ſcien
point Dieu ; puiſque la conſidéra
tia; nec de iis quæ vi
dentur bona, potue tion de ce qu'ily a de bien, répan
TlInt 1nven1re eum du dans les créatures, n'avoit pû
qui eſt. At ego jam leur faire decouvrir ſon éxiſtence.
non eram in illâ va Je n'en étois plus là, j'étois venu
nitate : tranſcende
ram eam ; & conteſ.
tout-à-coup au témoignage géné
tante univerſà creatu ral de l'univers, qui m'avoit forcé
râ tuâ, inveneram te de vous reconnoître pour mon Joan. 1: st
Creatorem noſtrum, Créateur auſſi bien que le Verbe,
&Verbum tuum,apud par lequel vous avez fait toutes
te Deum, tecumque choſes, & quidemeurant en vous,
cum(c) Spiritu-ſanc ne fait avec vous & le SA IN T. E s
to unum Deum , per
quod creaſti omnia. PR 1T qu'un ſeul & même Dieu.
Eſt & aliud genus Je voïois encorel'impiétéde cet
impiorum , qui co te autre ſorte de gens, qui aïant
gnoſcentes Deum , connû Dieu ne l'ont point glorifié
non ſicut Deum glo comme Dieu, ne lui ont point ren Rom, 1, zi
rificaverunt, aut gra
du les graces qui lui étoient duës.
( c) Ita hunc locum reſlituimus ſubſidio MSS. Aquic. Camer, &-
Torn. I. qui habent, quo, ubi alii exhibent , quod.
(d) Omitti poterant iſthec verba, cum Spiritu ſancto, quia
abſunt à pluribus & potioribus MSS.
A.3 2 Les Confeſſions de S. Auguſtin,
J'avois été infecté de la même ma tias egerunt. In hoe
rſal quoque incideram, &
17.36. ladie; mais votre main ſecourable dextera tua ſuſcepit
m'en avoit tiré , & m'avoit mis en me, & inde ablatum
voïe de guériſon ; en m'adreſſant poſuiſti ubi convaleſ
Job. 2s. 2s. ces paroles, Le capital de la ſageſſe cerem ; quia dixiſti
, d. : eſt d'honorer Dieu. Et ces autres : homini, Ecce pietas
eſt ſapientia : &, Noli
Trov. ;.7. Gardez-vous de vouloir paſſer pour velle videri ſapiens ;
Rom. 1.2a.ſages : car ceux quiſe donnoient pour quoniam dicentes ſe
ſages , tomboient parlà dans la fo eſſe ſapientes , ſtulti
lie. fa cti ſunt.
Je voïois enfin que j'avois trou Et inveneram jam
Math.13.46. vé cette perle ſiprécieuſe del'Evan bonam margaritann;
# •.
gile ;iln'étoit † pour l'avoir & vENDITIs omnibus
quae haberem emenda
que de me défaire de tout ce que erat, & dubitabam.
j'avois, & je balançois encore.
R E M A R Q U E S.
(1) Uoique je ne l'euſſe apperçûë qu'en énigme & comme dans
un miroir. Les paroles , comme dans un miroir, ont dans
- -
le Grec un ſens qu'on n'apperçoit point dans le François :
-,
car elles marquent ces perſpectives qui n'offrent aux yeux
des figures que dans un lointain : encore ces figures ne ſont
elles jamais dans leur entier, ni ne repréſentent l'original.
(2) De m'aller ouvrir à Simplicien. On ne peut rien ajoûter à
l'éloge que fait S. Auguſtin de Simplicien. Notre S. Do
cteur, & avant lui S. Ambroiſe l'ont regardé & honoré com
me leur pere. Il étoit ſavant , liſoit beaucoup , & avoit en
rrepris de grands voïages pour s'inſtruire. S. Ambroiſe lui
a adreſſé pluſieurs de ſes ouvrages. Gennade dit que dans
une Lettre où il conſultoit S. Auguſtin ſur les matieres de
la grace; il tourne ſes demandes d'une maniere à inſtruire
celui dont il ſe rend le Diſciple. Simplicien ſuccéda à S. Am
broiſe, & fut élu Evêque de Milan en 397. Lès Conciles d'A-
frique & de Tolede , ne ſtatuoient rien de conſidérable ſans l'a-
voir conſulté. Il mourut plein d'années & de mérite vers le mois
de May de l'année 4oo.
- CHAP. -
Livre huitiéme, Chapitre I I. 433 :
#ääää# #äääääääääääääää
- C H A P I T R E I I.
3• E R R E x 1
3. ['AL LA1 donc trouver Sim
ergo ad Sim plicien, qui avoit ſervi de
plicianum , patrem
in accipiendâ gratiâ Pere à l'Evêque Ambroiſe en luî
tuâ tunc Epiſcopi conférant la grace , de votre
Ambroſii, & quem ve Baptême, & que ce ſaint Prélat
rè ut patrem dilige chériſſoit en effet comme ſon Pere.
bat. Narravi ei cir
cuitus erroris mei. Je lui fis le détail de mes égare
Ubi autem comme mens, & des fauſſesroutes que j'a-
moravi legiſſe me voistenues.Dès queje luieusditque
quoſdam libros Plato j'avois lû quelques livres des Pla
nicorum, quos Vic toniciens traduits en latin par Vic
torinus , quondam torin autrefois Profeſſeur de Rhe
Rhetor urbis Romae,
uem Chriſtianum torique à Rome, & qui étoit mort
§a§ eſſe audie Chrétien, ſelon ce quej'avoisap
ram, in Latinam lin pris; il me félicita de ce qu'au lieu
guam tranſtuliſſet ; de tomber ſur les ouvragesdesau
gratulatus eſt mihi, tres Philoſophes, quine ſont qu'un
uòd nonin aliorum
Philoſophorum ſcrip tiſſude fauſſetés & de paralogiſmes,
ta incidiſſem , plena enfantés par une ſience toute mon
fallaciarum & decep dainej'avoisétéaſſezheureux pour
tionum , ſecundum rencontrer des livres, quiinſinuent
elementa hujus mun en mille manieres la connoiſſance
di ; in iſtis autem, de Dieu & de ſon Verbe.
omnibus modis inſi
nuari Deum, & ejus
Verbum.
Deinde, ut me ex Enſuite pour me porter à faire
hortaretur adhumili profeſſion de l'humilité de Jeſus
Tome I. Ee .
•
• 434 Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
Math.II. 1 ;. Chriſt, qui a été cachée aux ſages tºtem Chriſti, ſapien
tibus abſconditam &
duſiécle, & revelée à ceux qui ſont
petitsà leurs yeux, il me propoſa revelatam parvulis,
Victorinum ipſum
l'exemple de ce même Victorin recordatus eſt, quem
qu'il avoit connu fort particuliere Romae cüm eſſet fa
ment à Rome; & ce qu'il m'en dit miliariſſimènoverat ;
eſt de nature à n'être pas paſſé ſous de quo (a) ille mihi
narravit quod non ſi
ſilence, afin qu'on donne à votre lebo. Habet enim ma
grace tout ce qui lui eſt dû de gnam laudem gratiae
loüanges. . .
tuae confitendam tibi.
| Ce Vieillard ſi verſé dans toutes| Quemadmodum ille
ſortes de ſiences & de beaux arts , doctiſſimus ſenex , &
omnium liberalium
Qui avoit lû, diſcuté, éclaircitant doctrinarum peritiſſi
d'ouvrages des Philoſophes ; Qui mus, quique Philoſo
avoit pour éleves tant de Sénateurs phorum tam multa
Romains.Qui avoitéxercé ſa profeſ legerat, & dijudica
ſion avec tant d'éclat & de ſuccès, verat , & dilucidave
rat (b ) ; doctor tot
qu'il avoit mérité & obtenu une nobilium ſenatorum,
Statuë dans la place publique de qui etiam ob inſigne
Rome : qui eſt ce qu'il y a de plus præclari magiſterii,
lorieux aux yeux des enfans du quod cives hujus
mundi eximium pu
† ; Qui juſques là avoit fait ſon tant , ſtatuam in Ro
capital du culte des Idoles; Qui mano foro meruerat
étoit initié aux myſteres ſacriléges & acceperat ; uſque
de toutes ſortes de monſtres, dont ad illam aetatem ve
la ſuperbe (1 ) Nobleſſe de Rome nerator idolonum ,
étoit alors ſi entêtée, qu'elle les fai ſacrorumque
gorum
ſacrile
particeps ,
ſoit recevoir généralement à tous quibus tunc tota ferè
les Citoïens : Qui durant tant d'an Romana nobilitasin
nées avoit défendu avec toute l'é- fiata inſpirabat ( c)
loquence terreſtre la ( 2 ) Divinité populo jam omnige
(a) Ita optimè Germ. 2. Verum alii , deque illo.
(b) MSS. non addunt , & dilucidaverat.
, ( c) St« locum corruptum , nedum luxatum feliciter redintº
º
V.
- R E M A R Q U E S.
(1) D ont la ſuperbe Nobleſſe étoit alors ſi entêtée, qu'elle
& c. Les Bénédictins qui ont donné la meilleure
de toutes les Editions de S. Auguſtin, n'ont pas manqué d'aver
tir que cet endroit étoit corrompu. Pendant le cours de l'impreſ
ſion il leurvint d'Angleterre trois Manuſcrits, par le ſecours
deſquels ils rétablirent la véritable leçon, & la mirent à la fin du
premier tome de leur S. Auguſtin : il eſt ſurprenant que M. Du
bois ne l'ait ſuivie ni dans l'édition latine, ni dans la traduction
françoiſe des Confeſſions. - -
C H A P I T R E I I I.
R E M A R Q U E S.
(1) N† avons tant de peine à vous retrouver. M. Dubois a tranſ
porté à la fin de ce Chapitre quelques lignes du Chapitre
ſuivant : mais une mûre réfléxion ſur les liaiſons & le tour de
phraſe de S. Auguſtin, fait ſentir qu'il faut s'en tenir à la di
viſion des Bénédictins.
R E M A R Q U E S.
ºE# s'approchant peu à peu ſont enfin éclairées. gue ſi elles
ouvrent les yeux à votre divine lumiere. C'eſt la grace
du Baptême qu'il entend. Les Peres de l'Egliſe à l'exemple des
Apôtres ont ſouvent déſigné le premier de tous les Sacre
mens par le nom de lumiere , parce qu'il nous tire de l'eſ
clavage du Prince des ténébres, & nous transfere dans le Roïau
me de la lumiere. Hebr. 6.4.
( 2 ) Prit le nom de Paul au lieu de celui de Saul qu'il por
toit auparavant. S. Jerôme dit auſſi que l'Apôtre prit alors le
nom de Paul pour éterniſer la mémoire de la victoire que
Jeſus-Chriſt lui avoit fait remporter ſur le démon, en con
vertiſſant Paul Sergius Proconſul de l'Iſle de Cypre. Poſé la
vérité du fait , cela arriva l'an 45. de Jeſus-Chriſt. Mais les
autres Peres, & quelques Ecrivains particuliers ne ſont point
de ce ſentiment, & chacun abonde en ſon ſens ſur ce ſujet.
Ceux qui ſelon moi penſent le mieux, croïent que l'Apôtre
cut à ſa circonciſion les deux noms de Saul & de Paul ; que
Tome I,
%
45o Les Confeſſions de S. Augaſſin,
le premier qui étoit Hebreu, marquoit qu'il étoit Citoïen de
Jeruſalem , & que l'autre faiſoit foi qu'il étoit Citoïen de
Rome. Il en étoit de même des deux noms , qu'ont porté
quelques Diſciples de Jeſus-Chriſt, dont il eſt parlé dans le
Nouveau Teſtament ; Témoin Joſeph appellé Barſabas ſur
nommé le Juſte, Jean ſurnommé Marc, Symon appellé Ni
ger, &c. Sur ce pied , ceux qui avoient ainſi deux noms,
prenoient l'un des deux ſelon le païs où ils étoient, & où ce
nom étoit connu & familier. Et voilà pourquoi l'Apôtre ne
quitta point le nom de Saul tant qu'il fut dans la Judée ou
aux environs, & qu'il prit celui de Paul dès qu'il commença
de s'en éloigner.
#-#-# # # # # # #-# #-3-3-3-3-3-3-3-3-# # # #-# # # # # #-3-3-3
C H A P I T R E V.
Effet que produiſît dans ſon cœur l'exemple de Vi#o-
rin. Il eſt arrêté par ſa propre volonté Tyrannie de
l'habitude. Il eſſuie intérieurement un rude combat.
Peinture admirable d'un homme qui ne ſait plus par
où ſe défendre ; & qui n'aiant # encore la force
de ſuivre le bien qu'il connoît, c rche à gagner du
fº7725.
bi.
Cui rei ego S U s C'E T o 1 T préciſément après
P 1 R A B A M, ligatus
non ferro alieno, ſed quoi je ſoûpirois; mais j'étois arrê
meâ ferreâ volunta té, non par des liens étrangers ,
te. Velle meum te mais parma propre volonté : l'en
nebat inimicus , & nemi s'en étoit rendu maître , &
inde mihi catenam enavoit fait une chaîne de fer, dont
fecerat , & conſtrin il me tenoit lié. Car C E T T E v o
xerat me. Quippe ex
v o L UN T A T E per L o N T E en ſe déreglant étoit de
versâ facta eſt libido : venuë paſſion : cette paſſion s'étoit
& dum ſervitur libi tournée avec le tems en habitu
dini, facta eſt con de , & cette habitude en né
ſuetudo; & dum con
ſuetudini non reſiſ ceſſité, faute d'y avoir réſiſté : &
titur , facta eſt ne c'étoit autant d'anneaux engagés
ceſſitas ; quibus qua les uns dans les autres, qui compo
ſi anſulis ſibimet in ſoient la chaîne avec quoi le Dé
nexis, unde catenam mon me tenoit dans la ſervitude.
appellavi , tenebat Par malheur cette volonté nouvel
me obſtrictum dura
ſervitus. Voluntas au le, qui m'étoit venuë depuis de
tem nova , quae mi vous ſervir gratuitement , & de
hi eſſe cœperat ut te joüir de vous, ô mon Dieu, en qui
gratis colerem , frui ſeulon goûte une joie ſolide & cer
ue te vellem , Deus,
§ certa jocunditas, taine, n'étoit pas encore aſſez mâle,
(.. nondum erat idonea pour vaincre la force que le tems
ad ſuperandam prio avoit donné à la premiere; ainſi ces
rem vetuſtate robo deux volontés, l'une ancienne &
F fij
-
4.5 2 de
Les Confeſſions S. Auguſtin,
l'autre nouvelle, l'une charnelle & ratam. Ita duae vo
luntates meae , una
l'autre ſpirituelle, ſe combattoient, vetus , alia nova , il
la carnalis , illa ſpi
& ne pouvant s'accorder déchi ritalis , confiigebant
roient mon ame. inter ſe, atque diſ
cordando diſſipabant
animam meam.
| 11. Ce combat que j'éprouvois 11. Sic intellige
en moi-même, me § voir clai bam, meipſo (a)ex
perimento, id quod
rement le ſens de ces paroles : La legeram , quomodo
Gal. 5. 17. chaira des déſirs contraires à ceux caro concupiſceret
de l'eſprit, & l'eſprit en a de con adverſus ſpiritum, &
traires à ceux de la chair : je me ſpiritus adverſus car
ſentois parfaitement l'un & l'autre nem. Ego quidem in
de ces deſirs, quoi qu'ily eût bien utroque † magis
plusdumien dans celuique ma rai ego in eo quod in
me approbabam ,
ſon approuvoit, que dans celui quàm in eo quod in
qu'elle condamnoit. En effet, je ne me improbabam. Ibi
me retrouvois preſque plus dans ce enum magis jam non
dernier, puiſque dans l'action où il ego, qu1a ex magna
parte id patiebar in
préſidoit, c'étoit moins de gré † vitus, quàm (b)facie
de force que j'agiſſois. Mais enfin, bam volens. Sed ta
c'E'T o 1 T moi-même qui avois men conſuetudo ad
fourni à l'accoûtumance de quoiverſus me pugnacior
avoir le deſſus ſur moi, en me ex me facta erat ;
quoniam v o L EN s
jettant volontairement dans l'état, quò nollem pervene
où je ne voulois pas me trouver. ram. Et quis jure
Après cela, quel ſujet avois-je de contradiceret , cûm
me plaindre de ce que je portois peccantem juſta pœ
la peine de mon péché ? na ſequeretur ?
R E M A R Q U E S.
ºL ors de la Loi de Julien, qui défendoit aux Çhréticns d'en
ſeigner les Belles Lettres. Cette Loi qui a fait tant de bruit,
fut donnée au commencement de 362. C'étoit cependant ſous
Conſtance, que Victorin embraſſa le Chriſtianiſme ; & il eſt
certain qu'il étoit déja vieux. Quoiqu'on ne ſache point en
uel tems il eſt mort, le nombre des Ouvrages qu'il a com
poſés pour la défenſe de la Religion Chrétienne, ne permet
point de douter qu'il n'ait ſurvêcu à l'Empereur Julien.
Ff iiij
456 Zes Confeſions de S. Auguſtin,
&
#ääääääääääääääääääääääääääää#
C H A P I T R E V I.
Nebridius autem
amicitiae noſtrae ceſ Nebride n'avoit pûrefuſer à notre
ſerat , ut omnium amitié d'enſeigner la Grammaire à
noſtrûm familiariſ
ſimo Verecundo, Me
la place de Verecundus Citoïen de
diolanenſi & civi & Milan & notre ami particulier, qui
Grammatico , ſubdo avoit exigé des nœuds qui nous
ceret; vehementer de
ſideranti , & familia lioient enſemble, que quelqu'un lui
ritatis jure flagitanti,
de numero noſtro fi
prétât ce ſecours dont il avoit grand
dele adjutorium, quo
beſoin. Ce n'étoit donc pas pour
indigebat nimis. Non être plus àſonaiſe que Nebride prit
itaque Nebridium cu ce parti-là; car s'il avoit voulu en
piditas commodo
rum eò traxit , ma ſeigner, il auroit pû prétendre quel
jora enim poſſet, ſi que choſe de mieux : mais comme
vellet de litteris age ilétoit de ces amis dont le commer
re, ſed officio bene
volentiae petitionem ce eſt auſſi doux que facile, ils'é-
noſtram contemnere
noluit , amicus dul
toit rendu aux prieres que nous lui
ciſſimus & mitiſſi avions faites. En quoi il ſe compor
mus. Agebat autem ta avec beaucoup de réſerve ; car
illud prudentiſſimè ,
cavens innoteſcere il évitoit la connoiſſance desgrands,
perſonis ſecundùm & tout ce qui de leur part auroit pû
hoc ſaeculum majo
ribus; devitans in eis jetter du trouble dans ſon eſprits
458 Zes Confeſſions de S. Auguſtin ;
qu'il vouloit ſe conſerver libre, & Onll1eml inquietudi
nem anim1 , quem
en état de donner le plus de tems volebat habere libe
Crant,
r 5. Inde ſermo e 15. De-là iltomba ſur(2)le grand
jus devolutus eſt ad nombre de Monaſteres, ſur l'air de
Monaſteriorum gre ſainteté qu'on y reſpire, & ſur la
· ges, & mores ſuaveo céleſte fécondité des déſerts : toutes
lentiae tuœ , & ubera
deſerta eremi, quo choſes qui nous étoient inconnuës :
46o Zes Confeſſions de S. Auguſtin ,
rum nos nihil ſcie
juſques là que ( 3 ) nousignorions bamus. Et erat Mo
qu'à Milan même il y eût un Mo naſterium Mediolani,
naſtere horsla Ville, rempli d'ex plenum bonis Fra
cellens ſujets qui vivoient comme tribus , extra urbis
freres, & qu'Ambroiſe avoit ſoin mœnia, ſub Ambro
d'entretenir. Ponticien continuoit ſio nutritore , & non
noveramus. Perten
toûjours ; & comme nous lui pré
tions notre attention, il nous con debat ille , & loque
batur adhuc , & nos
ta qu'à Treves, un jour que l'Em intenti tacebamus.
pereur aſſiſtoit aux ſpectacles du Unde incidit ut di
Cirque qu'on donnoit après midi, ceret neſcio quando
il prit ce tems avec trois de ſes ſe & tres alios çon
tubernales ſuos, ni
amis pour aller prendre le diver mirûm apud Treve
tiſſement de la promenade dans ros, cûm Imperator
les jardins contigus à la Ville, & pomeridiano Circen
qu'étant là le hazard fit qu'ils ſe ſium ſpectaculo tene
promenérent deux à deux, & que retur, exiſſe deambu
latum in hortos mu
Ponticien avec ſon compagnon ris contiguos ; atque
prit d'un côté, & les deux autres illic, ut fortè com
d'un autre : Que ceux-ci ne te binati ſpatiabantur ;
nant aucun chemin aſſûré, étoient unum ſecum ſeor
venus tomber dans une eſpece de ſum, & alios duos iti
Cabane, où logeoient quelques dem ſeorſum pariter
que digreſſos : ſed il
uns de vos ſerviteurs qui faiſoient los vagabundos ir
profeſſion de la pauvreté d'eſprit, ruiſſe in quamdam
à quoi vous avez attaché le Roiau caſam , ubi habita
Matth.5-3. me des Cieux. Qu'ils y avoient bant quidam ſervi
trouvé la vie d'Antoine ; & l'un tui, ſpiritu pauperes,
deux s'étant mis à la lire , ſe qualium eſt regnum
cœlorum ; & inveniſ
ſentit ſi embraſé & rempli d'ad ſe ibi codicem in quo
miration, qu'à meſure qu'il liſoit,ſcripta erat vita An
il formoit le deſſein d'embraſſer tonii. Quam legere
cœpit unus eorum,
ce genre de vie , pour entrer & mirari & accendi ;
dans votre ſervice ; en quittantce & inter legendum
Livre huitiéme , Chapitre V I. 461)
meditari arripere ta lui de l'Empereur : car ils étoient
lem vitam, & relictâ
l'un & l'autre (4) Agens des affai
militiâ ſeculari ſer
vire tibi. Erant (b)
res, Et † cédant à la
autem ex eis , quos violence de votre ſaint Amour il
dicunt'Agentes in re rougit de ſon état, & entrant en
bus. Tunc ſubitò , colere contre lui-même, il tour
repletus amore ſanc na les yeux vers
to, & ſobrio pudore, ſon ami, en di
iratus ſibi conjecit ſant : » Dites-moi, je vous prie,
oculos in amicum , » où prétendons-nous arriver par
& ait illi : Dic, quae » toutes les fatigues que nous pre
ſo te, omnibus iſtis » nons ? Que cherchons-nous ?
laboribus noſtris quò » Queſt-ce qui nous attache à la
ambimus pervenire ?
Quid quaerimus ? Cu » Cour ? Y pouvons-nous eſpérer
jus rei causâ milita » quelque choſe de plus grand,
mus ? Majorne eſſe » que l'amitié de l'Empereur ?
poterit ſpes noſtra in » Mais quoi de plus fragile qu'une
Palatio, quàm ut ami » telle §? En eſt-il-même
ci Imperatoris ſimus?
Et ibiquid non fragi » qui ſoit expoſée à plus de périls ?
le, plenumque peri » Combien de dangers faut-il
culis ? & per quot pe » courir pour arriver à un étaten
ricula pervenitur ad » core plus périlleux ? Quand mê
grandius periculum ? » me puis-je eſpérer d'y arriver.
Et quando (c) iſtud
erit ? Amicus autem » Aulieu que ſi je veux, je ſuis
» ami de Dieu dès ce moment mê
Dei ſi voluero, ecce
nunc fio. 29 II1G.
R E M A R Q U E S.
(1) A# , ce Solitaire d' Egypte dont le nom étoit fore
célébre. Il nâquit ſous l'Empire de Dece l'an 2 , 1.
de l'ere commune. Il a toûjours paſſé pour être le pere & le
modéle généralement de tous les Religieux qui ont fait tant
d'honneur à l'Egliſe d'Orient & à l'Egliſe d'Ôccident, mais
à l'égard des hommes ſeulement : car on ne ſauroit diſcon
venir qu'il n'y eût des Monaſteres de filles avant S. Antoine :
puiſque ce Saint devant entreprendre le genre de vie qui a
ſait l'admiration de l'Univers, mit ſa ſœur dans une Maiſon
de filles, où les Vierges chrétiennes étoient élevées dans une re
traite & une § parfaite.
(2 ) Le grand nombre de Monaſteres. Le nombre des Mona
ſteres étoit ſi grand dans l'Egypte ſur la fin du quatriéme ſié
cle, qui eſt le tems dont il s'agit ici , qu'il y avoit preſque
autant de perſonnes de l'un & de l'autre ſexe dans les De
ſerts, que dans les Villes. Rufin. vit. Patr. lib. 2. cap. 7. On
lit auſſi avec étonnement dans la vie de S. Martin , qu'on
compta juſqu'à deux mille Moines à ſon enterrement, quoi
qu'il fût le premier qui eût fondé & bâti des Monaſteres dans
les Gaules.
(3 ) Nous ignorions qu'à Milan même il y eût un Monaſtere
bors la Ville. S. Auguſtin dit ailleurs que c'étoit une maiſon
de Saints, qui menoient une vie angelique ſous la conduite
d'un ſaint Prêtre ſavant & vertueux, que S. Ambroiſe avoit mis
à leur tête, & qui ne put pas empêcher que Sarmation & Bar
batien, qui y avoient fait profeſſion de la vie monaſtique, ne
donnaſſent beaucoup de peine à ce grand Prélat à cauſe de
leur vie déréglée, & de la mauvaiſe doctrine qu'ils débitoient.
(4 ) Ils étoient l'un & l'autre Agens des §. La Charge
d'Agent des affaires conſiſtoit à porter en perſonne, & à faire
exécuter les ordres de l'Empereur. Il y en avoit de cinq ſortes,
les Ducenarii, les Centenarii, les Biarchi, les Circitores, & les
Equites. Voïez Godefroi cod. Theod. t. 2. P. 164, &c.
CHAP.
Zivre huitiéme, Chapitre VII. 465
### # #
C H A P I T R E V I I.
Gg ij --
468 Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
» dre ? Tu diſois qu'il n'y avoit que dicebas propter in
» l'incertitude où tu étois de trou Certum verum nolle
R E M A R Q U E S.
{ 1) J# ne pouvois plus me fuïr. A la lettre ; il n'y avoit plus
d'endroit, où je pûſſe m'enfuir. -
à#ä# # # # # #
C H A P I T R E V III.
2» vre ?
> Voilà à peu près ce que je dis : Dixi neſcio quæ
talia ; & abripuit me
Auſſi-tôt l'état violent où j'étois, - ab illo aeſtus meus ,
m'arracha de la préſence d'Alipe, cûm taceret attbni
qui me regardoit ſans rien dire · tus intuens me ; ne
avec beaucoup d'étonnement3 car que enim ſolita ſo
outre qu'il me trouvoit un ton de nabam : plus lo
voix extraordinaire : il voïoit que quebantur animum
mon front, mes yeux, mes joués, meum frons, genae,
oculi , color , mo
la couleur du viſage, & le port dus vocis, quàm ver
de la voix, exprimoient bien mieux ba quæ promebam.
que mes paroles, tout ce qui ſe
paſſoit dans mon cœur. -
R E M A R Q U E S.
(1) O U toutes les puiſſances de mon ame me portoient. Tout
cet endroit eſt contre les Manichéens , qui enſei
gnoient que nous avions deux ames, dont l'une nous por
toit au bien & l'autre au mal. ·
C H A P I T R E , IX.
Pourquoi l'ame qui a tant de pouvoir ſur le corps, en
a quelquefois ſî peu ſur elle-méme.
2 I. 'O U vient ce renver 2 I. N DE hoc
ſement monſtrueux ? monſtrum?
t3b3b3b3b3b3b3b3b3b3b3b3b3b3
- C H A P I T R E X.
ne bonne,
lû ôt
l'autre
ſ
mauvaiſe. C'eſt º
Ull1aIIl
#onam
2 †
, al
eux pluto † - -
( c) Germ. I. detinent,
Tome I. Hh
482 Zes Confeſſions de S. Auguſth,
gatur unum , qu5
enfin en une ſeule à laquelle on feratur tota voluntas
s'arrête. una quae in plures
dividebatur.
· Il en eſt de même, QUAND le Ita etiam , c U M
déſir des biens éternels éleve no aeternitas delectat ſu
tre cœur vers le Ciel, & que l'at periûs, & temporalis
boni voluptas reten
trait de quelque bien temporel tat inferiûs , eadem
l'attache à la terre. C'eſt la mê anima eſt , non totâ
me ame qui veut l'un & l'autre ; voluntate illud aut
hoc volens : & ideò
mais qui ne veut ni l'un, ni l'au
tre d'une volonté pleine & entie DIscERPITUR gravi
moleſtiâ, dum illud
re : c'eſt pourquoi ELLE sE sENT veritate praeponit ,
cruellement déchirer , & par la hoc familiaritate non
vérité qui lui fait préférer l'un, ponit (d).
& par l'accoûtumance quil'empê
che de ſe déprendre de l'autre.
(d) Idem Germ. & altquot alii » non punit.
-
R E M A R Q U E S.
(1) L *Occaſion qui s'offre. Le tems des ſpectacles & de la Co
adulteres & d'autres
médie favoriſoit les vols , l
crimes ſemblables,iparce que les maiſons étoient dépourvuës
de ſurveillans.
&$
ç$èg
Zivre huitiéme, Chapitre x I. 483
$4$48%$%S%N4$4$4$4$4$4$4N%$4$4$4$%$4yºcSx
#:4# -
C H A P I T R E X I.
-
25. S#bam
c : aegrota
& excru
25. V# 1 L A j'étois
l'état pitoïa
ciabar; accuſans me - ble où , & les
metipſum ſolito acer chagrins cuiſans qui me devoroient.
biûs nimis , ac vol Je me faiſois des reproches bien
vens ac verſans me plus forts qu'à l'ordinaire. Je me
in vinculo meo ; do roulois & me débattois dans mes
-nec abrumperetur liens, pour achever de les rom
totum, quo jam exi
guo tenebar, ſed te pre ; car ils ne tenoient preſque à
nebartamen. Et inſ rien, mais ils me retenoient en
tabas tu in occultis core. Cependant votre miſericor
meis , Domine, ſe de uſant d'une rigueur ſalutaire
verâ miſericordiâ fla
me preſſoit au fond du cœur, &
gella ingeminans ti redoubloit les coups que me por
moris & pudoris, ne toient
rurſus ceſſarem , & | la crainte & la confuſion
non abrumperetur dontj'étois rempli : elle ne youloit
idipſum exiguum & pas que je ceſſaſſe de combattre,
tenue quod reman afin que j'achevaſſe de rompre le
ſerat, & revaleſceret
iterûm , & me ro foible reſte de mes chaînes ; de
buſtiûs alligaret. peur qu'elles ne ſe fortifiaſſent, &
ne me ſerraſſent plus qu'aupara
Va1nt.
Dicebam enim a Je diſois au dedans de moi
Pud me intus, Ecce même ; C'eſt dans ce moment ,
Hh ij
484 Zes Confeſſions de S. Zauguºin;
c'eſt tout-à-l'heure que je m'en vais modà fiat , modòfiat *
& cum verbo jama
les briſer : mon cœur ſuivoit de ibam in placitum.
près mes paroles : ainſi je faiſois Jam penè § -
H h iiii
488 Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
##x#
C H A P I T R E X I I.
-1 -
R E M A R Q U E S. -
( 1) J# dans une maiſon voiſine une voix. On croit à
Milan que le jardin, où S. Auguſtin entendit lavoix
du Ciel dont il va parler, étoit le même que celui de l'Egliſe
Ambroſienne d'à préſent,ou du moins qu'il en faiſoit partie , en
conſéquence on a bâti une Chapelle qui porte aujourd'hui le
nom de S. Remi à l'endroit même, où l'on prétend qu'étoit
le Saint , quand cette voix vint frapper ſes oreilles.
(2) Un raion de lumtere vint rétablir le calme dans mon cœur,
Cet évenement dont l'Egliſe a retiré tant de fruit , arriva ſur
494 Les Confeſſions de S. Auguſtin ;
la fin d'Août , ou au commencement de Septembre de I'ari
386. Car S. Auguſtin dit poſitivement dans la ſuite , qu'il
n'y avoit de là juſqu'aux vacances tout au plus que vingt
jours.Ainſi l'Auteur du Martyrologe Romain n'eſt pas exact,
de porter la converſion du Saint au 5. de May. Quelques ha
biles critiques prétendent que S. Auguſtin ne s'eſt converti qu'en
387. Mais leurs raiſons, quelque fortes qu'elles ſoient, ne ſau
roient l'emporter ſur celles que nous ſuivons.
$ ( 3 ) Je me tenois ferme dans cette régle de la foi , & c. Il fait
alluſion à la viſion qu'eut ſainte Monique l'an 373. ou 374.
& dont il eſt parlé liv. 3. chap. I I. pag. 162. - .
CONFESSIONS
- D E -
SAINT AUGUSTIN,
·LIVR E NeUvI É ME --
| S O M M A I R E.
)
A96 Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
contre les Manichéens en liſant le quatriéme
Pſeaume. Il entreprend de lire Iſaie , mais il
eſt obligé de remettre cette lefture à un autre
tems. Epoque du chant des Pſeaumes dans l'E-
gliſe d'Occident. Perſécution de l'Imperatrice
juſtine contre S.Ambroiſe. Découverte des corps
des ſaints Martyrs Gervais & Protais à Milan.
Miracles qui s'y firent. Il retourne à Milan, &-
reçoit le Baptème avec Alipe & ſon fils Adéodat.
Qualités & mort précipitée de ce merveilleux en
fant. Il forme le deſſein avec quelques-uns de ſes
amis de ſe conſacrer à Dieu , & de vivre enſem
ble. Il part pour retourner en Afrique, & perd
ſa mere à Oſtie. Vie & vertus de cette ſainte
femme. Entretien qu'il eut avec elle peu de jours
avant ſa mort , où ils eurent l'un & l'autre un
avant-goût de la félicité du Paradis. Ce qu'elle
demanda à ſes enfans en mourant. Il la recom
mande avec ſon pere aux prieres de tous les Fi
déles.
CHAP,
Zivre neuviéme , Chapitre I. 497
# # #ääääääääää
C H A P I T R E I.
· (c) Ita optimè Germ. 2. cum omnibus Angl. & decem Arnaldinis
codd. At editi plures, Et hoc erat totum nolle quod volebas, &
velle quod nolebas. - "
•
cïor, zivre neuvième, chap. I. & II. 499
ſed
non carni
té ſupérieure à toutes les volup
& ſanguini , omni tés, quoiqu'in connuë à la chair &
clarior
luce om
, ſed
ni ſecreto interior ;
au ſang; Lumiére, quiéclipſe tou
tes les autres, & qui eſt intime
dmni honore ſubli à tout ce qu'il y a de plus inti
mior, ſed non ſubli me ; Grandeur, qui eſt inacceſſi
mibus in ſe. ble à ceux qui ſont grands à leurs
euX. . - - -
aMºººaaaaaaaaaaaººººººººººuus
C H A P I T R E I I.
Il forme le deſſein d'abandonner ſa Chaire de Rhétorique
. pourſe donner entiérement à Dieu. Sa réſolution n'eſt
- connuë que de ſes amis intimes. Il attend le tems des
- vendanges à l'exécuter. Raiſons qu'il eut de différer
-
juſques-là. -
-
2. E T placuitmi A#
je formai en vo
hi , in conſ | 2 .
pectu tuo, non tu tre préſen ce la réſolu
tion de ceſſer ſans éclat le trafic
multuosè abripere,
ſed leniter ſubtrahe que je faiſois de l'éloquence dans
re miniſterium lin · les écoles publiques , & de ne
Hi ij
soo zes Confeſſions de S. Auguſtin,
uæ meæ nundirl4
plus fournir des armes à la fu
# loquacitatis ; ne
reur des jeunes-gens, qui au lieu ulteriûs pueri medi
de méditer votre loi, & de cher tantes non legem
cher à ſe réconcilier avec vous, tuam , non pacemt
ont pour objet d'obſcurcir la vé tuam, ſed inſanias
rité, '& de ſavoir les fineſſes des mendaces , & bella
orenſia, mercaren
guerres du barreau. . , tur ex Ore fmeO aIII13
furori ſuo.
| Heureuſement il ne reſtoit que Et opportunè jam
eu de jours juſqu'aux vacances pauciſſimi dies ſuper
erant ad vindemiales
des vendanges : ainſi je crus qu'il ferias ; & ſtatui tole
falloit prendre patience pendant rare illos, ut ſolem
ce tems-là, afin de me ſervir de niter abſcederem, &
l'occaſion qui ſe préſentoit de me redemptus à te jam
non redirem venalis•
retirer pour toûjours, & de n'ê-
tre plus eſclave , puiſque j'avois
l'honneur d'être racheté par vous.
| Mon deſſein n'étoit donc connû Conſilium ergo
noſtrum erat coram1
ue de vous, & de ce que nous te; coram hominibus
· étions d'amis qui vivions enſem autem - niſi - noſtris
ble. Nous étions convenus de n'en non erat. Et convene
faire part à perſonne, quoiqu'à, rat inter nos, ne paſ
meſure que nous nous élevions · ſim cuiquam effun
ral. 119.4. vers vous du fond de cette(I)zallée deretur : quamquam
tu nobis à convalle
de larmes, & que nous chantions plorationis aſcenden
le Cantique des montées; vous tibus , & cantanti
nous euſſiez munis de fleches ai bus canticum gra
gués, & de charbons ardens con duum, dederas ſagit
tas acutas , & car
tre les langues trompeuſes de ces
bones vaſtatores ad
faux amis , qui ſous couleur deverſus linguam ſub
donner conſeil , combattent le dolam, velut conſu
bien qu'on veut faire, & qui pour lendo contradicen
vouloir du bien à leurs amis, les tem, &, ſicut cibum
|
Verumtamen quia
propter llOnnen
R E M A R Q U E S.
(1)frº Ette vallée de larmes. C'eſt ce que ſignifie le mot cedar.Car
\_ S. Auguſtin fait alluſion au Pſeaume 119. qui eft le pre
mier de ceux qui ſont intitulés Cantiques des degrés, & ſur
tout au troiſiéme & quatriéme verſet. M. Dubois. !
( 2 ) A ne regarder que moi en particulier. On ne ſauroit porter
lus loin la délicateſſe. Saint Auguſtin eſt allé au-devant de tous
les jugemens, qu'on auroit pû porter d'une action excellente en
elle-même, mais qu'on pouvoit conſiderer ſous différens jours,
qui n'étoient pas également favorables. - -
Zivre neuviéme, Chapitre III. 5o3
:
w $%$4$%$%$%$%$%$%$4$4$%$%NM $%$#$%$%$ -
$#
C H A P I T R E I I I.
Affliction de Verecundus de ne pouvoir ſuivre S, Auguſtin
dans le genre de vie qu'il vouloit mener. Généroſité
qu'il exerça à ſon égard pendant tout le tems qu'il ſe
prépara au Baptême. Diſpoſitions différentes de Ne
bride. Heureuſe mort de l'un & de l'autre, Priere
touchante, que leurſouvenir fait faire à S. Auguſtin,
ſ . A cERA B A 5» ’HE U R E U s E réſolution
T U R anxie
tudine Verecundus que nous avions priſe
de iſto noſtro bono, mettoit Verecundus au déſeſpoir,
quòd propter vincu parce que nous devions le quitter,
la ſua, quibus tena & que ſon mariage avec une fem
ciſſimè tenebatur, me Chrétienne, quoi qu'il ne fût
deſeri ſe noſtro con
ſortiovidebat, non pas lui-même Chrétien, étoit un
dum engagement qui ne lui permettoit
Chriſtianus ,
conjuge fideli , eâ pas de nous ſuivre, & d'embraſſer #
ipsâ tamen arctio le genre de vie que nous avions {
re prae ceteris com commencé de mener. D'ailleurs
pede, ab itinere quod il ne vouloit être Chrétien, qu'à
agreſſi, eramus retar
dabatur : nec Chriſ des conditions incompatibles avec
tianum eſſe alio mo le Chriſtianiſme même. Il eut ce
do ſe velle dicebat, pendant la générofité de nous of
quàm illo quo non frir ſa maiſon de Campagne, pour
poterat. Benignè ſa tout le tems que nous devions
nè obtulit, ut quam être à Milan. ( 1 ) Daignez, Sei
diu ibi eſſemus, in
rure (a) ejus eſſe gneur , à la réſurrection des juſ
mus. Retribues (b ) tes lui païer les intérêts de cette
{º)MSS. nullo ferè excepta babent, in reejus eſſemus,
(º) Germ. I. Giſlen. Çamer & Aquic. retribue,
5o6 Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
oeuvre de charité,dont vous avezeu illi, Domine, in re
ſurrectione juſto
déjaſoin de lui fairetoucher le prin rum, quiajam ipſam
cipal : car quoiqu'il ne ſe ſoit fait ſortem retribuiſti ei.
Chrétien que depuis notre départ, Quamvis enim ab
& dans le tems que nous étions à ſentibus nobis, cûm
Rome ;vous ne permites pas qu'en Romae jam eſſemus,
ſa derniére maladie, il ſortît de ce corpora li œgritudine
correptus , & in eâ
monde ſans avoir reçû le ſçeau de § & fidelis
la foi : par là vous eutes pitié de factus , ex vitâ hac
lui & de nous ; car nous n'aurions migravit : ita. miſer
jamais pû ſoûtenir le ſouvenir d'un tuses non ſolûmejus,
ſed etiam noſtri , ne
ami, qui avoit eu de ſi belles ma cogitantes egregiam
niéres pour nous, & que nous au erga nos amici hu
rions eu le mortel chagrin de ne man1tatem , nec cum
pouvoir regarder, comme étant du in grege tuo nume
troupeau de Jeſus-Chriſt. rantes, dolore into
emur.
lerabili cruciar
•,
R E M A R Q U E S.
(1) D Aignex , Seigneur, à la réſurrection des Juſtes lui païer
les intérêts de cette œuvre de charité, dont vous avez eu
déja ſoin de lui faire toucher le principal. Voici quelque trace de
Millénaire , à prendre ce mot dans la ſignification que lui don
nent les Scholaſtiques, en parlant de ceux qui tiennent que ce
ne ſera qu'après le Jugement dernier,que les Juſtes ſeront glo
tifiés & admis dans le ſéjour des Bienheureux. En effet il paroît
que notre S. Docteur croïoit lorſqu'il écrivoit ſes Confeſſions,
que ceux qui ſortoient de ce monde immédiatement après avoir
reçu le ſceau de la foi , c'eſt-à-dire, le Baptême, touchoient le
ſort & le principal de leurs bonnes actions, & qu'ils ne devoient
être païés des intérêts qu'à la réſurrection des Juſtes. Il dit de
même de ſon cher Nebride, qu'il vit dans le ſein d'Abraham, &
qu'il ignore entierement ce quel'Ecriture entend par-là. Dans le
Livre ſuivant Chap. X. s'entretenant avec ſa ſainte mere de la
gloire éternelle,ilavoüe qu'il ne ſait point ſi ce ſera ſeulement lors
# la réſurrection, que Jeſus-Chriſt dira aux Bienaimés de ſon
Pere, Entrex dans la joie du Seigneur. Il convient auſſi dans le 7.
Chap. du 2o. Livre de la Cité de Dieu , qu'il avoit cru au
trefois que les Saints reſſuſciteroient à la fin du ſixiéme
millenaire, pour vivre avec Jeſus-Chriſt ſur la terre mille ans
dans des délices ſpirituelles. Au Chap. 13. du premier Livre
du même Ouvrage, il dit que le lieu où repoſent les ames des
|
(4) Il vit dans le ſein d'Abraham , & quoi que ce puiſſe être.
S. Grégoire de Nazianze dans l'éloge funébre de S. Céſaire, dit
la même choſe preſque dans les mêmes termes : Vous êtes allé
marquernos places dans le Ciel, dit-il, Mon cher frere, & vous
vous repoſex maintenant dans le ſein d'Abraham , quoi qºe iº
Zivre neuviéme, Chapitre IV. 5 rr
puiſſe être que cet heureux lieu. On voit ici que de grands
Saints ont eu du ſein d'Abraham des idées différentes des nôtres.
(5) Après en avoir fait votre fils adoptif, d'affranchi qu'il étoit
auparavant. S. Auguſtin ne dit pas que Dieu ait affranchi Ne
bride de l'erreur des Manichéens, ainſi qu'on le lui fait di
re; mais qu'après l'avoir affranchi de la puiſſance du Démon
par la grace du Baptême, il en a fait ſon fils adoptif en le fai
ſant cohéritier de Jeſus-Chriſt. Il tait donc alluſion aux loix
Romaines, † permettoient aux Maîtres d'affranchir leurs
eſclaves , de leur faire porter leur Nom, de les faire entrer
dans leur famille , & de les faire leurs héritiers en tout ou
en partie. l
2xx xx xx xx xx xx xx xxsxsxs
C H A P I T R E I V.
Les vacances étant venuës il quitte Milan & ſe re
tire à la Campagne. A quoi il s'y occupe. Eloigne
ment qu'Alipe avoit auparavant pour le nom de Je
ſus-Chriſt. Jugement que S. Auguſtin porte de ſes pre
miers Ouvrages. Nouvelles graces qu'il reçoit. Ses
tranſports en liſant le quatriéme Pſeaume. Son indi
nation contre l'aveuglement des Manichéens. Il eſt
guéri miraculeuſement d'une douleur de dents. -
| (a) fta optimè Germ. 2. cum Arn, Aliquot verò editi, ſed adhuc
in ſuperbiae ſcholam.
IIS !
| Livre neuviéme, Chapitre IV. 5I3
ris, & aſpera lenieris. tie de moi-même devant le nom
Quoque modoipſum
etiam Alipium, fra de votre fils unique, notre Sei
trem cordis mei ſube gneur JESUS-CHRIST, dont il ne
geris nomini unige pouvoit d'abord ſouffrir les ſylla
niti tui, Domini &
Salvatoris noſtri JE bes dans mes écrits ; aimant mieux
SU - CH RI S TI , que je les formaſſe ſur le ſtile de
quod primò dedigna
batur inſeri litteris l'école, & qu'ils fuſſent empou
noſtris. Magis enim lés & auſſi élevés que ces cêdres
eas volebat redolere
gymnaſiorum ce que vous avez enfin briſés, que
dros,quasjam contri d'y voir la ſimplicité de ces her
vit Dominus, quàm bes de l'Evangile, qui ont la vertu
ſalubres herbas eccle
ſiaſticas , adverſas de chaſſer les ſerpens.
ſerpentibus.
8. Quas tibi, Deus8. Tout novice que j'étois dans
meus, voces dedi,
votre véritable amour, puiſque je
cûm legerem Pſal n'étois encore
mos David, cantica que Catechuméne,
fidelia, & ſonos pie & par ſurcroit à la campagne ;
tatis excludentes tur ( 3 ) n'aïant pour tout amuſement
gidum ſpiritum , ru que la † d'Alipe qui
dis in germano amo étoit auſſi Catechuméne, & celle
re tuo , catechu
menus in villâ , de ma mere, qui dans un corps de
cum , catechumeno femme joignoit à une foi mâle, la
Alipio feriatus , ma conſtance d'une perſonne conſom
tre adhaerente nobis, mée , des entrailles de Mere , &
vertu vraîment Chrétienne :
muliebri habitu, viri une
li fide, aniliſecurita quels cris ne pouſſois-je pas, ô
te, maternâ charita mon Dieu, du fond de mon
te, Chriſtianâ pieta cœur , à la lecture des Pſeaumes
de David; au milieu de ces Can
te ? Quas tibi voces
dabam in Pſalmis il tiques remplis de vérités qui ſont
lis, & quomodo inte l'objet de notre foi ; à ces accens
inflammabar ex eis , qui guériſſent l'enflure de cœur,
Tome I. Kk
|
4 •
Zivre neuviéme , Chapitre IV. 5 17
quae pro veritate te la vérité. La douleur qu'excitoit
nueram, van1tas erat en moi un ſouvenir ſi triſte, me
& mendacium. Et
fit dire alors des choſes fortes &
inſonui multa gra leines de ſentimens, Plût à votre
viter"ac fortirer , in
dolore recordationis § , que ceux qui aiment enco
meae : quae utinam re la vanité & cherchent le men
audiſſent qui adhuc ſonge, euſſent pû les entendre ;
uſque diligunt vani
tatem , & quaerunt
peut-être auroient-ils été ébran
mendacium. Fortè . lés; peut être même auroient-ils
conturbarentur, & rejetté entiérement ce poiſon, &
evomuiſſent illud; & vous les auriez éxaucés lorſque dans
exaudires eos cûm
clamarent ad te ; les cris qu'ils auroient pouſſés
quoniam verâ mor-' vers vous, ils vous auroient re
te carnis mortuus eſt préſenté, que notre Interceſſeur
pro nobis, qui te in auprès de vous, a ſouffert pour
terpellat pro nobis. nous une mort réelle & vérita
ble.
Kk iij
#
R E M A R Q U E S.
(1 )J E me retirai à la Campagne. C'eſt ſans doute le tems de
ſa retraite à Caſſi qu'il prit , pour aller voir le Monaſtere
qui étoit hors des murs de Milan, & dont il revint tout édifié
de la vie qu'y menoient les Solitaires. De moribus Eccl. cap. 35.
(2) Les Livres que j'y fis ſur les matieres que je diſcutois. Les
premiers ſont ceux qu'il écrivit contre les Académiciens, puis
\
Zivre neuviéme, Chapitre V. 52 ;
celui de la Vie bienheureuſe, & enſuite ceux de l'Ordre. Tous
ces Ouvrages étoient le fruit & le reſultat des conferences, qu'il
avoit avec ceux qui l'avoient ſuivi à la Campagne. Car on avoit
: ſoin d'écrire ce que chacun diſoit. A l'égard des Livres, où il
traite des matieres qu'il diſcutoit avec lui ſeul en la préſence
de Dieu, ce ſont les Soliloques qu'il fit immédiatement après
les autres, & dans la trente-troiſiéme année de ſon âge.
(3 ) N'aiant pour tout amuſement que la compagnie d'Alipe &°
celle de ma mere. Cela doit s'entendre des perſonnes ſavantes &
éclairées; car les Ouvrages qu'il compoſa à la Campagne font
foi † ſainte Monique & Alipe , il avoit avec lui Navi
ge ſon frere , Laſtidien & Ruſtique ſes couſins, Trigece &
Licent ſes Diſciples & ſon fils Adéodat.
(4) Je ne le cherchois plus des yeux du corps dans le Soleil, qui
mous éclaire. Les Manichéens prétendoient que le Soleil & la
Lune avoient été faits de la ſubſtance même de Dieu.
( 5 ) ce lieu intime, où j'étois entré. Ceci a rapport à ce qu'il
dit au 7. Chapitre du huitiéme Livre , de la colere où il en
tra contre lui-même, après ce qu'il avoit appris de Ponticien.
M. Dubois. -
## # # # # # # # # # # & $ & # # # # # # ## ## ## ## ## 3 :
C H "A P I T R E V.
minico eloquio.
-
, $#
zivre neuvième, Chapitre V I. 52 ;
# # ######
C H A P I T R E V I.
| Il retourne à Milan & reçoit le Baptême avec Alipe &-
ſon fils Adéodat. Beauté du génie de cet enfant.
Quelle part il a eu à quelques Ouvrages de S. Au
uſtin. Combien S. Auguſtin ſe ſentoit attendri au
chant des Pſeaumes & des Cantiques de l' Egliſe.
-
14. T N D E , ubi
tempus ad
| 14. E N s U 1 T E le (1) tems
de me mettre au nom
venit, quo me no
men dare oporteret , bre des Compétens étant venu,
reliéto rure Medio nous quittâmes la Campagne, &
lanum remeavimus. ( 2 ) retournâmes à Milan. Alipe
Placuit & Alipio re voulut renaître en vous en même
naſci in te mecum , tems que moi : il avoit l'humi
jam induto humili
tate Sacramentis tuis lité que requiérent vos Sacremens ;
congruâ, & fortiſſi & il domptoit ſon corps avec un
mo domitori corpo courage § exemple, car on l'a
ris, uſque ad Itali vû nu-pieds dans les campagnes
cum ſolum glaciale d'Italie, quand les chemins étoient
nudo pede obteren
dum, inſolito auſu. tout glacés.
Adjunximus etiam Nous ( 3 ) nous aſſociâmes le
nobis puerum Adeo jeune Adéodat, qui étoit le fruit
datum , ex me na de mon péché : mais vous aviez
tum carnaliter de
peccato meo. Tube corrigé # naiſſance par les excel
nè feceras eum. An lentes qualités, dont vous l'aviez
norum erat fermè doüé. Quoiqu'il n'eût pas enco
quindecim , & inge re tout-à-fait quinze ans, (4 )
nio præveniebat mul
il l'emportoit du côté de l'eſprit
tos graves & doctos ſur mille autres , qui étoient auſſi
YlIOS,
reſpectables par leur âge que par
leur ſçience.
j26 Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
Ce ſont vos propres bienfaits Munera tua tibi
que je publie à vos yeux, ô mon confiteor , Domine
Dieu, Créateur de toutes choſes ; Deus meus , Creator
omnium , & mul
qui ſavez tourner en bien le mal tûm potens reforma
ue nous faiſons. Car il n'y
avoit re (a) noſtra defor
e moi dans cet enfant que mon mia : nam ego in il
péché : le ſoin même que j'avois lo puero præter de
lictum nihil habe
eu de l'élever dans votre crainte, bam. Quòd enim e
venoit de celui que vous ſeul nutriebatur à nobis
aviez eu de me l'inſpirer. Ainſi in diſciplinâ tuâ, tu
ce ſont toûjours vos dons que je inſpiraveras
§ nobis ,
alius : Mune
publie en votre préſence. ra tua tibi confiteor.
C'eſt lui que j'ai choiſi pour Eſt liber noſter
interlocuteur dans le livre intitu qui inſcribitur , de
lé, Du Maître. Vous ſavez que je Magiſtro : ipſe ibi
ne lui fais rien dire qui ne ſoit mecum loquitur. Tu
ſcis illius eſſe ſenſa
vraîment de lui , quoiqu'il ne omnia quae inſerun
fût encore que , dans ſa ſeizié tur ibi ex perſonâ
me année. J'ai même été té collocutoris mei ,
cûm eſſet in annis
moin de bien d'autres traits plus ſedecim. Multa ejus
admirables, auſſi étois-je épou alia mirabiliora ex
vanté en conſidérant la beau pertus ſum. Horrori
té de ce génie : Et quel autre mihi erat illud in
ouvrier que vous peut faire des genium : & quis præ
merveilles de cette force ? Vous ter te talium mira
I'avez bien-tôt retiré de ce mon culorum opifex ? Ci
tò de terrâ abſtuliſti
de : & voilà pourquoi en me vitam ejus ; & ſecu
ſouvenant de lui , je ſuis raſſûré ſur rior eum recordor ,
ſon état ; car ni dans ſon enfance, non timens quid
quam pueritiae, nec
ni dans ſa jeuneſſe, ni enfin dans adoleſcentiae neC
.»•.
toute ſa vie je ne vois rien qui puiſ omnino homini illi.
- -
ſe m'allarmer.
( a) In MSS. pluribus & potioribus, multûm potens formare,
& paulà poſt, præter delictum non habebam. -
Zivre neuviéme. Chapitre VI. 527 -
Sociavimus eum , Nous nous l'aſſociâmes donc,
coaevum nobis in
afin que dans la vie de la grace
gratiâ tuâ , educan il pût dater d'auſſi loin que nous,
dum in diſciplinâ & qu'il continuât à recevoir une
tuâ ; & baptizati ſu
éducation conforme aux regles
mus , & fugit à no que vous avez preſcrites. ( 5 )
bis ſolicitudo vitae Enfin nous reçûmes le Baptême :
praeteritae. auſſi-tôt nous fûmes exempts de
l'inquiétude, où nous tenoit le
ſouvenir de notre vie paſſée.
Nec ſatiabar illis Je ne pouvois me raſſaſier dans
diebus , dulcedine ces premiers tems du plaiſir, que
mirabili, conſiderare je goûtois à conſidérer la profon
altitudinem conſilii deur de vos conſeils ſur le ſalut
tui ſuper ſalu
tem generis huma du genre humain. Pénétré juſ
ni. Quantum fievi qu'au fond de l'ame des doux
in hymnis & canti accens, dont votre Egliſe reten
cis tuis , ſuave ſo tiſſoit , combien ai-je verſé de
nantis Eccleſiae tuae
vocibus commotus
larmes au chant des Hymnes &
acriter : Voces illae des Cantiques, qu'elle a conſacrés
influebant auribus à votre nom ? car votre vérité
meis, & eliquabatur s'inſinuant dans mon cœur, à me
veritas tua ( a ) in ſure que le chant frappoit mon
cor meum ; & exae
ſtuabat inde affectus oreille, je me ſentois remplir d'u-
pietatis, & currebant ne ſi ardente piété, que je fondois
lacrymae , & benè en larmes , & ces larmes faiſoient
mihi erat cum eis. mon plaiſir.
(b) Ita Camer. Torn. I. Arn. & Moret. Aliiomittunt , tua. Mºx
Lov, & ex ea aeſtuabat affectus, &c.
$
#.
- 528 Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
- -
R E M A R Q U E S.
{1) L# tems de me mettre au nombrc des Competens étant venu.
Dans l'Egliſe de Milan & dans pluſieurs autres d'Oc
cident on appelloit Competens ceux d'entre les Catechuménes,
qui étant § inſtruits , & reconnus pour être de
bonnes mœurs, demandoient le Baptême. Pour cet effet ils
étoient obligés de ſe faire inſcrire dans un Regiſtre exprès au
moins avant le Carême, & de ſe rendre à l'Egliſe à des jours
& à des heures marquées, pour y recevoir de nouvelles lu
mieres, & ſubir de nouveaux examens. Dans le Traité de la
Foi & des œuvres S. Auguſtin marque en paſſant l'atten
tion , le ſoin & le reſpect avec lequel il écoutoit les inſtruc
tions de ceux, qui lui enſeignoient les principes de la Religion,
lorſqu'il demandoit à recevoir le Baptême, & qu'il étoit Com
CtC11t, -
CHAP VII,
Zivre neuviéme , Chapitre V II. 529
### #
C H A P I T R E V I I.
(c) Ita legendum juxta tres Angl. MSS. & Aquic. ut conſtet an
titheſis a4 ſubſequens verbum , compreſſus eſt.Editi, applica.us.
lij
53 2 Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
Graces éternelles vous ſoient Gratias tibi, Deus
renduës, ô mon Dieu, Car enfin meus.Unde, & quò
duxiſti(d)recordatio
ce grand événement que j'avois nem meam, ut haec
oublié, par où & comment l'avez etiam confiterer ti
vous mis ſous les yeux de mon bi, quae magna obli
#
eſprit, afin que je publiaſſe en tus praeterieram ? Et
préſence de votre Majeſté ? Ce tamen tunc , cûm
pendant je ne courois pas alors ita fragraret odorun
Sant. 1.3. guentorum tuorum,
après vous ; quoique l'odeur de non currebamus poſt
vos parfums fût ainſi répandué te; & ideò plus fle
partout ; c'eſt pourquoi compa bam inter cantica
rant le tems où je ſoûpirois après hymnorum tuorum,
vous, avec la liberté que j'avois olim ſuſpirans tibi,
& tandem (e) reſpi
actuellement de reſpirer l'air de rans , quantûm pa
votre divinité même , autant que tet aura in domofoc
le permettoit la cabane fragile neâ.
que j'habite, je verſois des larmes
avec plus d'abondance au chant
des Hymnes & des Cantiques.
(d) Germ. 2. reduxiſti , optimè.
(e) Intribus MSS. & tantûm reſpirans.
R E M A R Q U E S.
(1) I
*Imperatrice Juſtine ſe mit à perſecuter votre ſerviteurAm
broiſe. La perſécution commença dès l'an 385, & elle
étoit portée aux derniers excès , lorſqu'elle fut aſſoupie tout
à-coup comme par miracle au moment même, où, pour ainſi
dire, l'orage devoit néceſſairement crever. Elle fut renouvellée
en 386. qui eſt le tems dont parle S. Auguſtin , par le refus
· héroïque de la part de S. Ambroiſe de ceder une Egliſe à Juſti
ne qui étoit Arienne.
(2 ) Prêt à mourir avec ſon Evêque. On § juger de l'atta
ehement des Fidéles de Milan pour leur ſaint Paſteur, Par l'a-
\ -
##
C H A P I T R E VIII.
%
( a) Sic habent MSS, & Arn. At Bad. Am. Er. Lov. ſimul ha
· bitabamus.
( b ) Ita optim. Gcrm. 2. Torn, I. & quidam alii Editi verà ,
senaſcerer.
Ll iiij
53 6 Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
C'eſt vous qui l'avez tirée du Tu creaſti eam ; .
néant : car ceux qui l'avoient miſe nec pater , nec ma
au monde, ne ſavoient pas quelen eister ſciebat, qualis ex
fieret. Et erudivit
fant viendroit d'eux. C'eſt aux eam in timore tuo
ſoins paternels de Jeſus - Chriſt virga Chriſti tui, re
votre Fils unique, qu'eſt dû l'avan gimen unici filiitui,
tage qu'elle a eu de ſucer le lait in domo fideli, bono
membro Eccleſiae
de votre crainte dans le ſein d'une
tUl3E.
famille chrétienne , & des plus ré
lées de votre ſainte Egliſe.
| Mais elle ne ſe loüoit pas tant Nec tantam erga
des ſoins de ſa mere pour § édu ſuam diſciplinam di
cation, que de ceux d'une certai ligentiam matris
ne vieille ſervante, qui avoit porté praedicabat , quan
tam famulae cujuſ
autrefois ſon pere entre ſes bras , dam decrepitae, quæ
comme font les jeunes filles , qui patrem ejus infan
veillent ſur les enfans. Cette raiſon tem portaverat , ſi
cut dorſo grandiuſ
jointe à celle de ſon grand âge & cularum puellarum
de ſa vertu , faiſoit qu'elle étoit parvuli portari ſo
conſidérée dans une maiſon ſi chré lent. Cujus rei gra
tienne , & que ſes Maîtres ſe dé tiâ , & propter ſe
chargeoient ſur elle de la conduite nečtam ac mores
de leurs filles. optimos , in domo
Chriſtianâ ſatis à Do
minis honorabatur.
Auſſi en avoit-elleungrandſoin ; Unde etiam cu
ram dominicarum fi
car outre qu'elle étoit ferme, & liarum commiſſam
qu'elle uſoit d'une ſévérité bien pla ſibi diligenter gere
cée dans le beſoin, elle aſſaiſonnoit bat ; & erat in eis
toutes ſes inſtructions d'une pru coërcendis , cûm
dence conſommée ; par exemple , opus eſſet , ſanctâ
uelque ſoif qu'elles euſſent hors ſeveritate vehemens,
† heures des repas, qu'elles pre atque in docendis
ſobriâ prudentiâ.
noient frugalement à la table de Nam eas, præter il.
zivr, neuviéme, Chapitre VIII. 537
tas horas quibus ad leur pere, elle ne leur permettoit ,
menſam parentum pas de boire même de l'eau : & al
moderatiſſimè ale lant ainſi au-devant des conſé
bantur , etiamſi e
xardeſcerent ſiti, nec quences, elle leur diſoit fort ſage
aquam bibere ſine ment : » Préſentement vous ne
bat, praecavens con . » demandez que de l'eau , parce
ſuetudinem malam ,
& addens verbum » que le vin n'eſt pas en votre diſ
ſanum : » Modò a
» poſition : mais lorſque vous ſe
» quam bibitis, quia
22 in poteſtate vinum » rez mariées , & que vous vous
22 non habetis ; cûm » verrez maîtreſſes de la cave & du
2> autem ad maritos
» cellier , l'eau vous fera mal au
» veneritis, factæ do
2>minae apothecarum » cœur , & l'habitude de boire
»& cellariorum,aqua » l'emportera «. Ainſi joignant la
» ſordebit, ſed mos
»potandi prævalebit. raiſon à l'autorité elle domptoit la
Hâc ratione praeci vivacité d'un âge ſi tendre, & ré
piendi , & auctori
tate imperandi, fre gloit ſi bien la ſoif de ces jeunes
nabat aviditatem te ,filles ſelon les loix de la tempé
nerioris ætatis; & ip rance ; qu'elles parvinrent à n'avoir
ſam puellarum ſitim
formabat ad honeſ aucun attrait pourtout ce quibleſ
tum modum, utjam ſoit les bienſéances. -
ºgs
zivre neuviéme, Chapitre VIII. 54r
q" •$
| R E M A R Q U E S.
C H A P I T R E I X.
tUI :
Zivre neuviéme, Chapitre IX. 54f
tur,expeteretque vin conſidération pour ſa mere, que
| dictam. Itaque poſ
teàquam ille, & ma pour tenir ſes Domeſtiques dans
tri obtemperans , & l'ordre, & maintenir la paix dans
curans familiae diſ
ciplinam, & concor ſa famille , les eût fait punir à ſon
diae ſuorum conſu
gré, elle déclara que c'étoit la
lens , proditas ad récompenſe que devoient atten
prodentis arbitrium
verberibus coè'rcuit, dre celles, qui pour faire leur cour
promiſit illa talia de viendroient lui parler mal de ſa
ſe præmia ſperare
debere , † Bru. Ainſi qui que ce ſoit n'oſant
de ſuâ nuru , ſibi plus l'entreprendre, elles vêcurent
quò placeret, mali depuis dans une union qui étoit
aliquid loqueretur;
nullâque jam auden auſſi douce , que remarquable.
te, memorabili in -
ter ſe benevolentiae
ſuavitate vixerunt.
2 I. Hoc quoque
illi bono mancipio 2 I. Un autre grand talent, dont
tuo, in cujus utero vous aviez doüé cette excellente
me creaſti , Deus Servante de Jeſus-Chriſt, dans le
meus , miſericordia ſein de laquelle vous m'aviez for
mea, munus grande mé,ô mon Dieu,ſource de toute mi
donaveras, quòdin
ter diſſidentes atque ſéricorde,c'eſt que ſe portant autant
diſcordes quaſlibet qu'elle pouvoit pour Médiatriceen
animas , ubi pote tre des eſprits aigris & des humeurs
rat, tâm ſe præbe diſcordantes, elle ménageoit ſi bien
bat pacificam , ut
cûm ab utraque mul les intérets de la paix , que quoi
ta de invicem audiret qu'elle entendît des deux côtés ces
amariſſima , qualia choſes atroces, que la haine met
ſolet eructareturgens dans la bouche des femmes qui
atque indigeſta diſ déchargent leur cœur dans celui
cordia, quando præ
ſenti amicae de abſen d'une perſonne de confiance, en
- te inimicâ per acida l'abſence de celles contre qui elles
Tome I, Mm , •!
3 46 Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
colloquia cruditas(a)
ſont le plus piquées , elle ne rap exhal atur rum,
portoit jamais aux perſonnes in nihil tameodio n alteri de
téreſſées, que ce qui ſervoit à les alterâ proderet, niſi
réünir. quod ad eas reconci
liandas valeret.
Parvum hocbonum
Je compterois cela pour peu videretur, niſi
de choſe, ſi je n'étois témoin des mihi
turbas innumerabiles
maux infinis que cauſent ceux , triſtis experirer, neſ
qui par une malignité qui fait hor cio quâ horrendâ
reur, & que la contagion du pé peſtilentiâ peccato
ché rend univerſelle , rediſent à rum latiſſimè perva
ceux qui ſont mal enſemble, non gante , non ſolùm
1fatOfllfn 1n1m1CO
ſeulement ce que la haine fait di rum iratis inimicis
re les uns des autres, mais encore dicta prodere , ſed
ce qu'on ne dit pas. Au lieu qu'il etiam quae non dicta
eſt de l'humanité de compter preſ ſunt addere : cûm
contrâ homini ( b )
que pour rien de ne point faire naî huma no m eſſe
tre , & de ne point entretenir la debeat paruinimicitias
haine de perſonne par de mauvais hominum nec exci
rapports , ſi l'on n'a encore ſoin tare nec augere ma
A
lè loquendo, nifi eas
-
R E M A R Q U E S.
( 1) E Lle gagna ſon mari à la religion peu de tems avant
ſa mort. La mort de Patrice arriva l'an 371. & don
na moïen à ſainte Monique de ne point perdre de vûë S.
Auguſtin, & de le ſuivre à Carthage & à Milan.
( 2) Tous ceux qui vous ſervoient. C'eſt ceux qu'il déſigne
ailleurs ſous le nom de ſaints, & qui étoient particulierement
conſacrés au ſervice de Dieu , comme les Eccleſiaſtiques,
les Religieux, les Vierges.
tºbºbctctctctctctctctctdbgc8
C H A P I T R E X.
a tirées du néant, Dieu ſeul par eum qui fecit ea, &
loit à cette ame par lui-même & loquatur ipſe ſolus,
non par les créatures, ni par la non per ea ſed per
ſeipſum , ut audia
voix des hommes & des Anges, mus Verbum ejus,
Matth.17 5. ni par le ſecours des nués, ni par non per linguam car
énigmes ; & qu'elle entendît uni nis, neque per vo
quement celui - même qu'elle ai cem , Angeli , nec
me dans tout cela , comme nous per ſonitum nubis,
mêmes venons de l'entendre dans nec per enigma ſimi
litudinis ; ſedipſum
ce moment, où notre eſprit s'eſt quem inhisamamus
élevé rapidement juſqu'à cette Sa ipſum ſine his au
geſſe infinie, qui ſubſiſte éternelle diamus , ſicut nunc
ment au-deſſus de tout. Si ce mo extendimus nos, &
ment étoit continué, & que toute rapidâcogitat ioneat
tigimus (b) œternam
autre viſion diſparût, pour donner Sapientiam ſuperom
, lieu à celle-ci d'enlever , d'abſor nia manentem : Si
ber, & de concentrer cette ame continuetur hoc, &
ſubtrahantur aliæ vi
dans un torrent de délices in
térieures : & que de cette ſorte ſiones longè imparis
generis, & haec una
la vie éternelle fût cet état de rapiat & abſorbeat,
### ##
| C H A P I T R E X I.
&$
$ès
-
-
R E M A R Q U E S.
(r) ous enterrerez ici votre Mere. Belle leçon pour ceux
qui veulent, qu'on porte leur corps dans le tom
beau de leurs ancêtres , ou dans le lieu de leur naiſſance.
» C'eſt être un peu femme, dit S. Iſidore de Peluſe, & avoir
» l'ame baſſe de faire tranſporter ſon corps d'un lieu en un
» autre , puiſqu'on viole les Droits de la nature, & qu'on
» profane ce qu'elle a de plus ſacré : tandis que toute la terre
» eſt notre Patrie. -
à#
C H A P I T R E x II.
JEffets que produiſit la douleur qu'il eut de la mort de ſa
mere. Ce qu'il lui en coûta pour les arrêter. Marques
de tendreſſe que ſa mere lui donna durant ſa maladie.
Il arrête avec ſes amis, que les funérailles de ſa mere
- ſe feroient ſans verſer la moindre larme. Le corps de
ſainte Monique expoſé ſur le bord de la foſſe, pendant
qu'on offre pour elle le Sacrifice de la Meſſe. Violence
, qu'il ſe ft pendant ce tems-là pour cacher ſa douleur.
· Précaution qu'il prendpour la diminuer. Enfin n'aiant
- que Dieu pour témoin il cede, & laiſſe couler ſes
larmes. -
3t,
Livre neuviéme, Chapitre XII. 5 6 r
31. Cohibito ergo Dès qu'on eut arrêté les pleurs de
à fletu illo puero, cet enfant,(2)Evode prit un Pſeau
Pſalterium arripuit
Evodius , & canta tier, & ſe mit à chanter le Pſeau
re cœpit Pſalmum, me, C'eſt votre miſèricorde & vo Pſ. 1oo,
cui reſpondebamus tre juſtice, Seigneur, que je vais
omnis domus, Mi chanter en votre préſence. Nous lui
ſericordiam & judi répondîmes tous tant que nous
cium cantabo tibi ,
Domine. Audito au étions dans la maiſon. Au bruit
tem quid ageretur, de notre chant accourut un grand
convenerunt multi nombre de perſonnes pieuſes de
fratres ac religioſae l'un & de l'autre ſexe; & pen
feminae ; & de mo
re, illis quorùm of dant ( 3 ) que ceux qui ſont char
ficium erat funus cu . gés d'office de prendre ſoin des
rantibus , ego in funérailles, préparoient toutà l'or
parte, ubi decenter dinaire, je me retirai ſelon les ré
poteram , CllIn C1S
Nn ij
564 Zes Confeſſions de S. Auguſtin,
Deus Creator omnium .
Polique , eétor, veſtiens
Dicm decoro lumine ,
Nočtem ſoporis (c) gratiâ s
Artus ſolutos ut quies
Reddat laboris uſui ;
Menteſque feſſas allevet ,
Lučtuſque ſolvat anxios.
Auteur de l'univers, qui régles le Soleil
Et du reſte des Cieux la liquide carriére ;
Qui fais briller le jour d'une vive lumiére,
Et conſacres la nuit aux charmes du ſommeil;
Afin qu'un doux repos ſe gliſſant dans nos veines
Diſpoſe notre corps à de nouveaux travaux,
| Et qu'enivrant l'eſprit du jus de ſes pavots
Il lui faſſe oublier ſes ennuis & ſes peines , &c.
· 33. Mais de-là retombant peu à 33. Atque inde
paulqtim reducebam
peu dans les premiers ſentimens, in priſtinum ſenſum
que j'avois eu pour une Mere qui Ancillam tuam,con
vous avoit ſi fidélement ſervi, & ne verſationemq ue ejus
pouvant ſoûtenir la penſée que piam in te, & ſan
j'euſſe été tout d'un coup pri étè (d)in nos blandam
vé des ſecours, que je tirois de ſa atque morigeram ,
conduite pieuſe envers vous , & quâ ſubitò deſtitu
tus ſum ; & libuit
pleine d'une tendreſſe bien réglée flere in conſpectu
envers moi ; je crus que je pou tuo de illâ , & pro
vois en votre préſence la pleurer, illâ, de me , & pro
(c) Ita Germ. 2. Bertin. Camer. Giſlen. Torn. I. Aquic. Lov.
Som. Arn. cum Moret. Alii autem, ſopora.
d) Bad,Am, Er.Lov, Som, cum quatuor MSS. & ſanctam.
-
Zivre neuviéme, Chapitre XII. 5 65
me pleurer, & pleurer pour elle
me, & dimiſi lacry- .
mas quas contine en pleurant pour moi : ainſi je
bam ut effluerent
quantùm vellent , † couler mes larmes, que j'a-
ſubſternens eas cor vois retenués juſques-là , & je les
di meo ; & requievi · laiſſai couler en toute liberté ; &
(e) in eis, quoniam comme il n'y avoit perſonne qui
ibi erant aures tuæ,
non cujuſquam ho
† penſer que je cherchois à en
minis ſuperbè inter aire vanité, je les plaçai au deſ
pretantis ploratum ſous de mon cœur ; incontinent je
JIIlCllIll. me ſentis ſoulagé, & je goûtai quel
que repos, parce que je n'avois
que vous pour temoin.
Et nunc, Domine, Je mets ce trait parmi mes
confiteor tibi in lit
Confeſſions : le lira qui voudra,
teris : legat qui vo
let , & interpretetur & il en penſera ce qu'il lui plaira
ut volet. Et ſi pecca Et s'il juge que j'ai péché d'avoir
tum invenerit , fle pleuré ma Mere quelques mo
viſſè me matrem exi mens, ( 6 ) ma Mere dont la mort
guâ parte horae, ma m'ôtoit l'eſpérance de la revoirja
trem oculis meis in
terim mortuam , mais; ma Mere qui m'avoit pleuré
quæ me multos an durant pluſieurs années pour me
nos fleverat ut ocu ' mériter la grace d'être vivant à
lis tuis viverem ; non vos yeux : je le prie de ne ſe pas
irrideat, ſed potiùs, moquer de moi ; & s'il a une vé
ſi eſt grandi chari ritable charité , de pleurer plûtôt
tate , pro peccatis
meis fleat ipſe , ad mes péchés en votre préſence , ô
te, Patrem omnium mon Dieu, qui êtes le Pere de tous
fratrum Chriſti tui. ceux qui ont l'honneur d'être freres
de votre Fils Jeſus-Chriſt.
(e) Ita optimè Germ. 2. Torn. I. & Camer. cum Arn. & Moret.
r4ſt plures editi , requievit in eis.
Nn iij
5 66 | Les Confeſſions de S. Auguſtin,
R E M A R Q U E S.
(1) I L ne me reſtoit quaſi que la moitié de ma vie. C'eſt
la même penſée qu'il a emploïée plus haut liv. 4.
Chap. 6. & qu'il condamne dans ſes Retractations. Il pa
roît qu'elle n'a pas été bien renduë par les Traducteurs.
( 2 ) Evode prit un Pſeautier d ſe mit à chanter un Pſeaume.
Telle étoit la pratique de la primitive Egliſe : Auſſi-tôt que
quelque fidéle avoit rendu le dernier ſoûpir, ſes parens qui
étoient préſens chantoient des hymnes & des Pſeaumes, en
actions de graces de ce que Dieu l'avoit appellé à lui, &
pour obtenir une ſemblable grace. Voiex l'Auteur des Aréopagi
tiques hierar. Eccl. Chap. 7.
( 3 ) Pendant que ceux qui ſont chargés dºoffice de prendre
ſ# des funérailles, preparoient tout à l'ordinaire. C'eſt-à-dire,
avoient le Corps , le revêtoient d'habits neufs , lui mettoient
une couronne de fleurs , &c.
(4 ) Pendant le convoi , l'allée & le retour. La violence qu'il
fe fit dans cette occaſion étoit grande, & dura long-tems ;
car comme on n'enterroit jamais dans les Villes, ni § les
Villages , ni même dans les Egliſes où repoſoient les corps
des Apôtres, des Martyrs, & de ceux qui étoient reconnus
pour ſaints , la cérémonie étoit longue.Ajoutez que pendant
tout le tems des funérailles il falloit joindre ſa voix aux chants
de l'Egliſe, écouter la lecture des Diptyques, répandre des fleurs
ſur le tombeau, &c.
( 5 ) Les Grecs leur avoient donné ce nom, parce qu'ils chaſ
foient la triſteſſe. 82xxytſov drô T$ 84.wav rès dvias quod pel
lat ex animo dolorem ac meſtitiam. Cette Etymologie eſt for
cée , la mieux fondée, & même la véritable dérive le balneum
des Grecs & des Latins de 8aAaios gland ; parce que les pre
miers bains dont on ſe ſoit ſervi, étoient chauffés avec du
gland, ou des noïaux d'olives. / - • -
( c ) Arn. cum aliquot MSS.offerat ; ſed melius Bad. Am. Er. Lev.
•um pluribus MSS. auferat, ſcilicet Chriſto emptori.
-
zivreneuviéme, Chapitre X I I I. - 571
ſuam vinculo fidei. munique ce prix divin, que la foi
Nemo à protectione de ma Mere votre ſervante tenoit
tuâ diſrumpat eam. ſoname unie inſéparablement. Que
Non ſe interponat
nec vi nec inſidiisperſonne ne vienne donc lui en
leo & draco. Neque lever votre protection. Que le
enim reſpondebit il Lion par ſa force & le Serpent
la nihil ſe debere, ne par ſes ruſes ne la ſéparent point
convincatur & obti
neatur ab accuſatore
de vous. Elle ſe gardera bien de
callido, ſed reſpon dire qu'elle ne doit rien à votre
debit dimiſſa debita juſtice; de peur que l'ennemi ne
ſua ab eo, cui nemo la convainque du contraire, & ne
reddet quod pro no la faſſe condamner : mais elle
bis non debens red
didit.
ſoûtiendra que ſes dettes ont été
acquittées par celui, à qui nul ne
rendra jamais ce qu'il a bien vou
lu avancer pour nous, ſans y être
obligé.
37. Sit ergo in 37. Qu'elle ſoit donc dans la
pace CllIIl paix éternelle avec ſon mari, qui
v1ro, 211
R E M A R Q U E S.
( 1) Ncore qu'elle ait été vivifiée en votre Fils, & qu'elle
ait vecu enſuite. Le Latin eſt ſuſceptible de cet au
·tre ſens : Encore que dès ſon vivant elle ait été vivifiee cn
Jeſus-Chriſt. Si c'eſt là véritablement la penſée de S. Au
guſtin, ce Pere fait ſans doute alluſion à ceux d'entre les
zivreneuviéme ,Chapitre XIII. 573
Africains qui croïoient que le Baptême profitoit aux morts qui
ne l'avoient pas reçu, quand quelqu'un le recevoit pour eux.
Cette erreur, qui faiſoit partie de celles des Cerinthiens &
des Marcionites, a été condamnée par le 6. Canon du 3.
Concile de Carthage , & a donné bien de l'éxercice aux
Interprétes des Epitres de S. Paul, d'où ces Hérétiques pré
tendoient l'avoir tirée, faute d'entendre la force des termes
dont l'Apôtre s'eſt ſervi.
:
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º , .
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ººº ºº v8