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Alors que la New Wave

déferle sur Sciences Po cette


semaine, il ne faut pas
oublier que les vagues sont
toujours plus fortes en cas de
tempête. Ce fut le cas entre la
fin des années 50 et le
début des années 60: face à
l’émergence d’une société de
consommation toujours plus
annihilante, des auteurs,
cinéastes, peintres ou plasticiens
ont cherché à redéfinir le rôle de
l’art.
Cette quête s’illustre, de fait, dans le mouvement de la Nouvelle Vague. Alors que
la jeunesse de la fin des années 50 et du début des années 60 s’émancipait peu à peu,
de jeunes cinéastes -- tels que François Truffaut, Jean-Luc Godard, ou encore Jacques
Rivette -- prirent le parti d’offrir une nouvelle vision du cinéma à leur public. Rejetant les
normes et les codes d’un cinéma jugé trop classique et vieillissant, ils cherchèrent à insuf-
fler de la vitalité au cinéma français, à produire des oeuvres qui puissent être de véritables
bouffées d’air frais. C’est donc une vague de long-métrages d’un genre nouveau qui parut
dans de premiers long-métrages réalisés entre 1958 et 1962.

En parallèle à cette révolution sur les écrans se menait une révolution littéraire:
le mouvement du Nouveau Roman apparut comme une autre réponse aux changements
sociétaux des années 50 et 60. Tout comme la Nouvelle Vague, il fut pensé en opposition
aux codes et normes déjà établis, une façon d’aller à contre-courant du roman traditionnel
réaliste. De nombreux auteurs, comme Marguerite Duras, Michel Butor, Nathalie Sarraute,
Alain Robbe-Grillet, Jules Simon ou Jean Ricardoux, cessèrent donc d’accorder la priorité
à l’intrigue de leur fiction pour mettre sous les projecteurs le procédé d’écriture lui-même.
Si le contexte de création et le projet artistique de la Nouvelle Vague et du
Nouveau Roman sont très similaires, il en est également de même pour les techniques
qu’ils développèrent pour parvenir à leurs fins. Tout d’abord, Nouvelle Vague et Nouveau
Roman s’attachèrent à rejeter la dimension héroïque de leurs personnages. Dans le cas
de la Nouvelle Vague, les réalisateurs refusèrent d’accorder tous les rôles aux vedettes
de cinéma dont la réputation n’était plus à faire, au profit d’acteurs débutants. Cela leur
permit de créer des personnages moins parfaits, et par conséquent plus candides et plus
attachants, et de resserrer le lien entre l’écran et le réel. Le Nouveau Roman, lui, prit le
parti de présenter des personnages aux défauts évidents -- voire antipathiques, à l’image
du protagoniste de La Modification de Butor. Les nouveaux romanciers allèrent même plus
loin en se détachant progressivement de leurs personnages: si, comme les cinéastes de
la Nouvelle Vague, ils voulurent focaliser leur attention sur la vie intérieure des personnag-
es et leur consciences, ils refusèrent aussi peu à peu de de leur attribuer des caractéris-
tiques physiques précises et allèrent même jusqu’à leur taire leur nom.
Une fois libérés du carcan d’une intrigue classique, cinéastes et auteurs
entreprirent de se focaliser sur le processus artistique en lui-même, qui devint
petit à petit le but ultime de la Nouvelle Vague comme du Nouveau Roman. Les cinéastes
de la Nouvelle Vague mirent au profit de leur quête de liberté et légèreté les évolutions
technologiques de la deuxième moitié du XXème siècle. Ils développèrent donc
l’utilisation de caméras légères leur permettant de filmer des scènes - scène où les protago-
en extérieur -- c’est par exemple le cas de la fameuse scène où les protagonistes de Jules
et Jim (Truffaut) descendent une côte à vélo. De plus, le montage peu conventionnel des
films de la Nouvelle Vague -- ou le temps est en général fragmenté et la narration discontin-
ue -- peuvent à première vue leur donner un aspect d’ébauche, mais il témoigne en réalité
d’une volonté de se focaliser sur le processus de création plutôt que sur le rendu final lui-
même. C’est bien là ce qui confère toute sa dimension poétique à la Nouvelle Vague.
On retrouve cette poésie chez les auteurs du Nouveau Roman, chez qui le développe-
ment de l’intrigue et sa vraisemblance importent peu. La narration est donc, ici aussi, dé-
structurée, et la chronologie linéaire abandonnée. C’est par exemple cas dans Hiroshima,
mon amour, que Marguerite Duras choisit d’organiser en cinq chapitres dont la chronolo-
gie est décousue et où l’espace géographique est discontinu. De plus, le Nouveau Roman
prend le parti de se focaliser sur le langage: le choix des mots, la sonorité des phrases, la
précision des descriptions devinrent des caractéristiques essentielles, au-delà de tout autre
considération. C’est ce qui fera dire à Ricardoux que dans le Nouveau Roman “n’est plus
l’écriture d’une aventure mais l’aventure d’une écriture.” Il ira même plus loin en déclarant:
“l’écriture a pour objet elle-même et ce qui est représenté dans le texte, c’est l’écriture qui
est en train de produire le texte. Il y a là une espèce de redoublement et de paradoxe qui
rend ce texte comme gauche, comme retors, tordu comme deux fois, qui en fait à mon avis
tout l’intérêt moderne.” Cette vision du Nouveau Roman est illustrée par les nombreuses
mises en abîme qui jalonnent les textes des nouveaux romanciers. On en retrouve égale-
ment énormément dans les films de la Nouvelle Vague, comme Jules et Jim (Truffaut) ou A
bout de Souffle (Godard). La profusion de ces mises en abîme témoigne d’une volonté de
rendre hommage à l’art, aux techniques artistiques et au processus créatif lui-même, et par
conséquent d’aller à contre-courant d’une société de consommation dont le seul et unique
but est d’être productive.

Cette vision partagée de l’art qu’on les cinéastes de la Nouvelle Vague et les au-
teurs du Nouveau Roman est d’ailleurs illustrée dans la collaboration de ces artistes aut-
our d’oeuvres communes, telles que Hiroshima, mon amour. Hiroshima, mon amour est
un film réalisé par le cinéaste de la Nouvelle Vague Alain Resnais, à partir d’un scénario
écrit par la romancière Marguerite Duras, figure du Nouveau Roman. Elle l’a par ailleurs
ensuite adapté en livre. En outre, la Nouvelle Vague comme le Nouveau Roman s’illustrent
par leur référence directe à de multiples oeuvres d’art, de formes diverses -- cinéma, pein-
ture, littérature ou même sculpture. On voit par exemple, dans Jules et Jim, de nombreuses
références à des peintures de Picasso. Dans A bout de souffle, Godard s’inspire des tech-
niques pop-art et de la cut-up en littérature pour briser la narration et présenter des scènes
courtes, vives, incisives.
Le pop-art, et plus largement le courant artistique du Nouveau Réalisme, s’est en
effet construit en parallèle du Nouveau Roman et de la Nouvelle Vague. Issu lui aussi
de la société urbaine de consommation des années 60, il se caractérise par une re-
cherche de “nouvelles approches perspective du réel,” comme l’ont écrit ses meneurs
de file, Pierre Restany et Yves Klein. Cela s’exprime dans l’exploration des techniques
plastiques comme l’assemblage ou l’accumulation, comme on peut par exemple le voir
dans l’oeuvre de Georges Duchamp. D’autres artistes, comme Andy Warhol, travaillèrent
sur les procédés mécaniques comme la sérigraphie pour produire des oeuvres origina-
les, ce qui n’est pas sans rappeler l’utilisation des innovations technologiques par les
cinéastes de la Nouvelles Vague. Enfin, des oeuvres comme Campbell’s Soup Cans par
Andy Warhol nous montrent que le Nouveau Réalisme donne la priorité aux objets et
matériaux, dont on considère qu’ils ont la même valeur, à l’instar de l’utilisation des mots
dans le Nouveau Roman et du travail dans un cadre naturel avec des techniques inno-
vantes et des acteurs expérimentés dans le cas de la Nouvelle Vague.

Mais finalement, La Nouvelle Vague, le Nouveau Roman et le Nouveau Réalisme


n’auraient pas provoqué une tempête si ils n’avaient pas fondamentalement remis en
question le rôle de l’artiste dans la société post-moderne. Ces trois courants présentent
en effet une rupture brutale de la vision de l’art comme création unique et non figée dans
le temps. Au contraire, puisque le processus créatif importe plus que le résultat final,
l’artiste propose une oeuvre qui demeure inachevée car libre d’interprétation. Le lecteur
devient alors acteur du roman qu’il lit, et c’est sa capacité à décrypter les signes de la
langue qui font la richesse de l’oeuvre; les spectateurs d’un film se doivent d’être en-
gagés dans le film lui-même pour prendre la pleine mesure de sa portée, et finalement,
le public du Nouveau Réalisme demeure libre de l’interprétation des objets d’art dis-
posé devant lui. Il s’agit là d’une lutte contre l’art consommable et périssable. Son émer-
gence dans le contexte des années 60 apparaît donc comme une évidence, mais cette
réponse à la société de consommation post-moderne demeure encore et toujours plus
d’actualité. Si le temps passe et les différentes vagues artistiques déferlent, les interro-
gations qu’elles soulèvent s’avèrent aller au delà d’un groupe, au delà d’un mouvement.
Pour des étudiants à SciencesPo, la New Wave Week est donc une occasion de se les
remémorer afin que ces différentes questions continuent de nous guider dans nos par-
cours engagés!
Maeve Cucciol
Illustrations and layout by Wtns.
I do not own the featured artwork.

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