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Amine MAROUANE
Attaché temporaire d'enseignement et de recherche
CRIISEA
Université de Picardie Jules Verne (UPJV) - France
amine.marouane@u-picardie.fr
Résumé
La Tunisie après révolution de 2011 s’est distinguée par des discussions parmi les politiciens
et académiciens sur l’opportunité que pourrait apporter l’institution islamique, la Zakat, dans
la lutte contre le chômage et la pauvreté. Notre papier s’inscrit dans cette logique de pensée, il
cherche essentiellement à évaluer cette opportunité potentielle de la Zakat grâce aux
développements récents de la modélisation postkeynésienne Stock Flux Cohérent et de la
technique de la simulation et ce, malgré l’absence de réglementations et de données sur la
Zakat en Tunisie.
Mots-clés : Modélisation stock-flux cohérent, simulation, Zakat, Tunisie
Abstract
Tunisia, after the revolution of 2011, was distinguished by discussions among the politicians
and academicians about the opportunity that could bring the islamic institution, Zakat, in the
fight against unemployement and poverty. Our paper fits into this logic of thought. It
essentially seeks to asses this potential opportunity of Zakat thanks to recent developments of
post-keynesian Stock FLow Consistent modeleling and of simulation technique, despite the
absence of regulations and data about Zakat in Tunisia.
Key words: Stock FLow Consistent Modeleing, Simulation, Zakat, Tunisia
3
Volume 1, numéro 1, (2017)
Introduction
Or, le monde réel, économique et financier, dans tout pays islamique ou non, est certes
très complexe, composé de secteurs privé, public et social, totalement en interactions et ayant
chacun un rôle actif et déterminant dans le processus économique et social. Dès lors, la
modélisation macroéconomique postkeynésienne, de type Stock Flux Cohérent (SFC) 1,
pourrait être en ce sens d’un apport crucial. Elle pourrait offrir aujourd’hui un cadre
analytique alternatif approprié pour examiner et évaluer l’impact de différents scénarios de
politiques économiques sur les principales grandeurs macroéconomiques (croissance, comptes
publics, pauvreté etc.). Ce cadre alternatif postkeynésien offre la possibilité d’utiliser la
technique de simulation et l’évaluation de la Zakat sur le processus de croissance économique
et ce, malgré l’absence d’institutions, de réglementations, voire de données statistiques sur la
Zakat en Tunisie2. C’est là que se trouve à nos yeux l’originalité de ce sujet puisqu’aucun
modèle de ce type n’existait pour la Tunisie. Ce modèle original se distingue ainsi des autres
travaux de recherche sur la zakat en Tunisie souvent de tendances normatives, voire
doctrinales.
1
Pour plus de détails sur la modélisation SFC, se reporter à Caverzasi et Godin (2015).
2
Il y a l’Association Tunisienne de la Zakat (ATZ), qui a été créée en 2012, dont le rôle principal est
juste de promouvoir la connaissance de la pratique de la Zakat et d’offrir un service d’assistance aux
entreprises et aux particuliers pour le calcul de leur zakat.
4
Volume 1, numéro 1, (2017)
En effet, les modèles post keynésiens SFC se présentent comme « un cadre comptable
cohérent, qui prend en compte non seulement les emplois et ressources pour les flux de
revenu, mais également les changements dans les stocks d’actifs physiques et financiers qui
sont associés à ces flux » (Godley et Lavoie, 2007, p.197). De ce fait, ils offrent la possibilité
de développer une analyse monétaire intégrant de façon cohérente la monnaie-stock et la
monnaie-flux. D’ailleurs, Godley (1996, p.3) précise que « le monde réel est caractérisé par
une structure énorme et complexe d’établissements interdépendants tels que les
gouvernements, les entreprises, les banques et les ménages. Ces institutions ne sont pas des
« voiles » ayant un rôle passif, il faut donc utiliser un cadre conceptuel adéquat afin
d’expliquer le monde réel ». Dès lors, nous avons opté au départ de découper l’économie en
six agents économiques : entreprises, administrations publiques, ménages, banques
commerciales, banque centrale, et le Reste du Monde. Mais, pour construire un modèle stock-
flux cohérent, trois étapes sont nécessaires : Dans un premier temps, nous présentons les
matrices des stocks et des flux; ensuite nous déduisons les différentes variables et identités
comptables issues de ces matrices3, puis nous présentons toutes les variables en termes réels et
ce, à partir soit d’une identité comptable, soit d’une équation de comportement4.
Les variables de ce modèle sont en termes réels5 afin d’étudier les effets possibles de
richesse. Le PIB (Y) est alors pris comme étant égal au produit intérieur brut réel (YR)
multiplié par les prix domestiques (pd). D’ailleurs, le produit intérieur brut réel (YR) est égal à
la somme de la consommation réelle des ménages (CR), l’investissement réel des entreprises
(IR), les dépenses publiques (GR) et les exportations réelles (XR) moins les importations
réelles (IMR):
(1) Y=YR . pd
(2) YR = CR + IR + GR + XR – IMR
(3) GrYR = ∆YR/YR-1
3
À chaque fois qu‘on utilise une identité comptable, son numéro sera rappelé (en chiffre romain) afin
de la repérer.
4
Voir Marouane. A (2013)
5
Les variables réelles sont distinguées des variables nominales par un suffixe « R ». L'indice a
correspond à une variable anticipée, -1 à la variable à la période précédente et € pour les variables de
l'UE.
5
Volume 1, numéro 1, (2017)
Le Reste du Monde est représenté dans notre modèle par l'Europe vue que la Tunisie
est un petit pays émergent fortement dépendant des échanges avec l'Union européenne.
D’ailleurs, la corrélation entre le taux de croissance de l‘Europe et de la Tunisie est de 0.725
durant la période 1997-2015.
Graphique 1 : Taux de croissance en Tunisie et dans l’UE
0,07
0,05
0,03
0,01
-0,01
-0,03
-0,05
Les travaux utilisant le modèle stock-flux en économie ouverte sont assez rares certes,
mais nous nous sommes appuyés sur les travaux de Tarik Mouakil (2006) reprenant les
équations de Godley-Lavoie (2003). Dans ses travaux de modélisation Mouakil (2006)
propose une description assez réaliste des relations commerciales internationales. Les
exportations et les importations réelles sont déterminées par les prix relatifs et par l‘output
réel du pays et de l‘étranger, tandis que les prix commerciaux sont déterminés par le niveau
général des prix domestiques et étrangers ainsi que par le taux de change nominal.
Dans ce type de modélisation post keynésienne le prix de vente est fixé par les
entreprises en appliquant une marge (ρ) constante au coût unitaire direct (CUD) qui prend en
compte les salaires (W) et les importations (IM). Les salaires domestiques sont déterminés par
les ventes réelles domestiques (QR) en fonction du taux de salaire (w) et de la productivité
(σ2).
(4) pd = (1+ρ) . CUD
(5) CUD = (W + IM)/QR
(6) QR= CR+IR+GR+XR
(7) W = (w/σ2) · QR
Les équations (4) et (5) reprennent la règle kaleckienne du mark-up6, utilisée dans le
modèle (Godley-Lavoie, 2003) et souvent utilisée aussi dans les modèles macro-économiques
post-keynésiens. Cette règle reflète le principe de fixation des prix des entreprises leader. Par
ailleurs, les entreprises follower doivent alors adopter des prix similaires si elles veulent être
en mesure de conserver leurs parts de marché et leurs capacités à répondre à toute
augmentation de la demande. Toutefois, en ce qui concerne les entreprises tunisiennes
exportatrices, elles ne sont pas des entreprises leader sur les marchés internationaux. Dès lors,
6
Kalecki (1971)
6
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elles vont fixer le prix de leurs exportations (px) sur la base des prix étrangers (pd€) et elles
auront tendance à jouer sur leur marge pour absorber les hausses domestiques de coûts et les
effets des variations du taux de change. L‘équation suivante, utilisée par Godley et Lavoie
(2003) et reprise par Tarik Mouakil (2006) suppose une telle procédure de fixation des prix
(en monnaie domestique) pour les exportations (px) et les importations (pm) :
Ainsi, la somme des coefficients sur le taux de change et sur l‘inflation domestique est
égale à 1, puisque s'il y a une dépréciation du taux de change accompagnée par une inflation
domestique de même montant, il doit y avoir une augmentation des prix des importations du
montant de la dépréciation.
Enfin, il faut que ν1 > χ1 car « il est bien établi empiriquement que, suite à une
dépréciation, et en l’absence d’effet immédiat sur l’inflation domestique, les prix des
exportations et des importations libellés en monnaie domestique augmentent, mais qu’il y
aura une détérioration des termes de l’échange et vice versa en cas d’appréciation » (Godley
Lavoie, 2003, p.10)
Les exportations réelles sont alors déterminées de façon très conventionnelle par une
fonction de type Cobb-Douglas, écrite ici sous forme logarithmique:
(14) IM = IMR · pm
(15) X = XR · px
Selon la condition de Marshall-Lerner, la somme des élasticités se rapportant aux
différentiels de prix dans les équations (10) et (12) doit être au moins égale à 1 pour que la
7
Volume 1, numéro 1, (2017)
balance commerciale s‘améliore suite à une dévaluation (κ1 + ә1) > 1. Cependant, selon
Godley et Lavoie (2003, p.10), « la somme de ces élasticités n’a pas besoin d’être plus
grande que l’élasticité des termes de l’échange par rapport à cette dévaluation. Par exemple,
si la dévaluation des termes de l’échange était de 20% de la dévaluation, alors la somme des
élasticités prix n’aurait pas besoin d’être plus élevée que 0,2. S’il n’y avait aucun
changement dans les termes de l’échange suite à la dévaluation - un scénario qui n’est pas
impossible - la somme des élasticités devrait simplement être positive pour que la balance
commerciale s’améliore ». Bien sûr, les exportations du pays sont les importations du reste de
monde et vice versa.
(16) IM€ = X · xr
(17) X€ = IM · xr
(18–ix) L€ ≡ IM · xr + iL€ · L€-1 – X · xr
1.2. L’Etat
Le fonctionnement de l’Etat est très proche de celui qu‘on trouve dans le modèle de
Zezza et Dos Santos (2004). L’Etat collecte principalement les impôts des ménages (Th) et
des entreprises (TE) qui représentent plus de 80% du total des impôts. Les impôts sur les
ménages correspondent aux impôts directs sur les salaires (λ 1 · W-1) et les dépôts (λ 2 D)
alors que les impôts sur les entreprises correspondent aux impôts directs sur les profits (λ 3·
PE) et impôts indirects sur les ventes domestiques (λ 4· QRD).
(19-xi) T TH + TE
(20) TH = λ 1 · W-1 + λ 2 D
(21) TE = λ 3 · Pf + λ 4 · QRd
L’Etat émet des bons du Trésor pour financer son déficit budgétaire, ces bons du
Trésor sont achetés par les banques (il n’y a pas de rationnement de crédit pour l’Etat) et le
taux d‘intérêt sur les bons du Trésor (ib) est le taux directeur de la Banque centrale.
(22-i) DG = G + (ib-1 · B-1) - T - Pcb- PTb
8
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Le stock de capital (K) augmente avec le flux d’investissement net (I) qui est financé
par le financement externe (ρ) venant des crédits domestique (L) et les crédits extérieurs (L€).
L’autofinancement des entreprises correspond aux profits des entreprises (PE).
9
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Les salaires sont supposés principalement consommés alors que les revenus financiers
sont largement épargnés, ce qui nous permet d‘éviter qu‘une hausse du taux d‘intérêt
engendre de la croissance économique à long terme.
Le revenu des ménages (Yw) est essentiellement constitué des salaires versés par les
entreprises (W) et les salaires et des prestations sociales ainsi que des transferts courants
versés par l‘Etat (GH), moins les impôts et taxes (TH).
(32) Yw = W+ GH –TH
(33-iv) D = YW + Yv - C + PMb + ∆LH
Dans notre cadre d’analyse post keynésienne (Lavoie Godley, 2001), les banques ne vont
satisfaire que la demande de crédit solvable et ce, contrairement au modèle d‘Edwin Le Heron
(2011, 2013) dans lequel le comportement des banques et donc l‘évaluation de la solvabilité
des demandes de crédit ne sont pas intégrés. D’ailleurs, elles fixent les taux longs en fonction
du taux d‘intérêt directeur considéré comme exogène, fixé par la Banque centrale, plus un
taux de marge з1. Concernant le taux sur les dépôts, ce dernier est égal au taux directeur
moins une marge afin que les banques réalisent un profit. Le profit des banques est donc égal
à:
(34-v) Pb iB-1 · B-1 + iL-1 · L-1 - icb-1· REF-1 - id-1 · D-1
La banque centrale reçoit des intérêts lors du refinancement des banques. En effet, ces
derniers doivent détenir des réserves obligatoires (H) en monnaie banque centrale en fonction
de leurs dépôts. Le profit de la banque centrale (Pcb) est égal aux intérêts reçus lors du
refinancement des banques moins les paiements des intérêts des crédits étrangers. Nous
supposons que ce profit réalisé par la banque centrale est versé en partie à l’Etat et en partie
conservé comme réserve.
(36-vii) Pcb ≡ icb-1 · REF-1 - iL€ · L€/ xr
(37-vi) REF ≡ ΔH + ΔB + ΔL - Pb - ΔD
10
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Le modèle est maintenant bouclé : le même nombre d’équations que d’inconnues, soit
64 équations et 64 variables7. D’ailleurs, nous avons réussi à utiliser les N-1= 11 identités
comptables issues de la matrice des flux qui sont nécessaires pour assurer la cohérence
comptable du modèle. L’identité étant jusqu’ici laissée de côté, est celle relative au compte du
secteur de la Banque centrale.
Ainsi, et pour que le modèle soit cohérent sur le plan comptable, cette identité
comptable doit être toujours vérifiée. Par conséquent, si l’on veut maintenant résoudre le
modèle, il faut s‘assurer que les nombres issus de la simulation permettent de la retrouver. «
C’est seulement lorsqu’une erreur comptable a été commise que l’égalité donnée par
l’équation manquante ne sera pas réalisée. Si la comptabilité est juste, l’équation doit être
vérifiée » (Lavoie et Godley, 2001-2, p.294).
7
Nous n’avons présenté que les équations les plus importantes pour chaque secteur. Pour une présentation
détaillée du modèle on peut se reporter au papier de Le Heron.E et Marouane . A (2015).
8
Mercado, Kendrick et Amman (1998) décrivent par exemple la même méthodologie pour étudier les
propriétés de modèles dynamiques orthodoxes à l‘aide du logiciel GAMS.
11
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Consommation / PIB (%) 61,2 61,7 62,5 65,5 66,2 64,5 63,8
Dépense publique / PIB (%) 18 16 17 17 19 20 20
FBCF / PIB (%) 29,5 30 29,4 27,5 27,9 27,9 28,2
Exportation / PIB (%) 43 33,2 37,1 38,4 37,3 35,2 34,4
Importation / PIB (%) 51,7 41,5 47,3 48,7 50,5 47,9 46,8
Source : Institut National de la Statistique (INS)
Il en résulte que l’étude des différents chocs sur l’économie tunisienne et les
simulations qui peuvent être faites, pourraient être engagées et seules les variables exogènes
et significatives sur le plan économique peuvent être modifiées. Nous essayons donc
d’expliquer l’évolution du taux de croissance du PIB durant la dernière décennie et le
comportement de l’économie tunisienne face aux différents chocs tel que la crise économique
mondiale de 2008, la révolution dite du « printemps arabe » et les attentats de 2015.
0,06
0,045
0,03
0,015
6E-17
-0,015
-0,03
-0,045
12
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Les chocs sur la croissance causés par le taux d‘intérêt, le taux de croissance de
l‘Europe et le taux de change n‘expliquent pas toutes les variations du taux de croissance
notamment après la révolution et les attentats de 2015 où le taux de croissance a fortement
chuté.
En effet, L’économie tunisienne est passée par une conjoncture très difficile suite à la
révolution dite du « printemps arabe » et des attentats en 2015. La conjoncture économique
est caractérisée par une chute brutale du climat de confiance qui perturbe le tourisme, les
investissements directs de l‘étranger, l‘investissement et la production, notamment avec les
inévitables revendications sociales et mouvements de grève.
Dans la ligné des travaux de Le Héron (2011; 2013), nous essayons d’introduire les
changements de l’état de confiance pour expliquer l’impact de la révolution et des attentats de
2015 sur la situation économique.
La baisse de l‘état de confiance des entrepreneurs à partir du 3ème trimestre 2010 suite
aux perturbations sociale et face de l’insécurité conduit à réduire leur investissement, ce qui
entraine une chute du taux d’accumulation de capital et de la productivité et par là du taux de
croissance de l’économie tunisienne.
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Dans un pays musulman comme la Tunisie, la Zakat pourrait être utilisée comme un
des leviers de toute stratégie de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Certes, la Zakat
est sans aucun doute l'un des cinq piliers de l'islam, c'est un acte d'adoration pour les
musulmans ; dans la terminologie économique, c’est un impôt sur la richesse, notamment un
impôt sur la fortune thésaurisée, le bétail, les produits agricoles et les biens commerciaux si
leur valeur dépasse une certaine limite, appelé Niçab. C’est en fait est un paiement obligatoire
au profit des pauvres et des nécessiteux expliqués en détail dans le Coran. Dès lors, la Zakat,
obligation morale fondant un prélèvement sur le surplus des riches, apparaît comme
instrument de redistribution de revenus ayant un rôle souvent déterminant de réinsertion des
pauvres dans le circuit économique et social d’un pays (Frah et al, 2012).
La pratique et la gestion de la Zakat sont différentes d’un pays à un autre. Dans les
pays comme le Yémen, l'Arabie Saoudite, la Libye, le Soudan, le Pakistan et la Malaisie ont
opté pour une gestion Zakat obligatoire par le gouvernement. D'autres pays tels que l'Egypte,
la Jordanie, le Koweït, l'Iran, le Bangladesh, le Bahreïn et l'Irak, ont formé des institutions
spécialisées de l'Etat, mais la participation du public est volontaire (Hassan, 2010).
L’ancien ministre des Affaires Religieuses, Mohamed Khelil, estime que la Zakat
nécessite la création de trois fonds ; un pour les pauvres, un fonds "Fisabillillah" qui sera
destiné à soutenir les forces de sécurité militaire et sécuritaire, c'est à dire à la lutte contre le
terrorisme et un fonds pour les endettés (Gharimin) qui sont dans l’impossibilité de
rembourser un prêt qu’ils avaient contracté pour faire du bien à eux ou à autrui.
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L'idée est que la Zakat ne doit pas être restrictive seulement aux pauvres mais à tous
les agents qui participent au développement économique de la société. Donner l'aumône à un
riche, en état de crise financière, va lui aider à réinvestir et offrir des opportunités d'emploi
aux pauvres, et personne ne sera expulsé de son poste.
Toutefois, pour faire apparaitre ce statut que détient la Zakat dans notre modèle
macroéconomique SFC, nous divisons d'abord le secteur (ou l’agent) ménages en deux :
ménages-donateurs et ménages-bénéficiaires. Ensuite, nous introduisons un nouveau secteur,
celui de la Zakat (ou Sondouk Ezzaket). Ce nouveau modèle comprend alors 8 agents
économiques : L’Etat, la banque centrale, les entreprises, les banques commerciales, le reste
du monde, la Zakat, les ménages-donateurs et les ménages-bénéficiaires. Les trois derniers
agents n’existant pas dans le modèle précédent, nous essayons de présenter en détails les
équations qui s’y rapportent. En revanche, le comportement des 5 autres agents n'a pas
changé. Ainsi, pour alléger la présentation, nous nous limitons à expliquer les bienfondés des
nouvelles équations. Le modèle complet, la matrice des flux et celle des stocks sont présentés
dans les annexes 2,3 et 4.
Dans notre nouveau modèle, l’agent Zakat est conçu comme un intermédiaire entre les
ménages-donateurs et les ménages-bénéficiaires de la Zakat. Il reçoit donc la Zakat de la part
des ménages-donateurs (ZR) et des entreprises-donateurs (ZE) et la redistribue aux ménages-
bénéficiaires (ZP).
(39) Z = ZE +ZR
(40) ZP = Z
Cette distinction parmi les ménages est effectuée en fonction du niveau du revenu et
non pas en fonction du type de revenu et ce, à l’image de Kalecki (1965), nous admettons
aussi que leur propension à consommer diffère. Nous distinguons alors l'existence de deux
classes de ménages : Les ménages-donateurs (mouzakki ou donateur de Zakat) qui paient la
Zakat et les ménages-bénéficiaires (moustahik de Zakat) qui reçoivent la Zakat. De ce fait, la
fonction de consommation sera divisée en deux : la propension marginale à consommer
(MPC) des ménages-bénéficiaires (moustahik de Zakat) sera beaucoup plus grande que la
propension marginale à consommer (MPC) des ménages-donateurs (mouzakki ou donateur de
Zakat).
(41) CP = Ywp
(42) Ywp = WP + GHP + ZP
15
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Après avoir présenté les équations les plus importantes de ce nouveau modèle, nous
essayons d’étudier l’impact potentiel de la Zakat en Tunisie. Certes, plusieurs travaux ont
traité l’impact de la Zakat sur l’économie9, mais nous essayons dans notre cadre d’analyse
d’utiliser une nouvelle démarche méthodologique. Cette démarche consiste à assigner des
valeurs aux différents paramètres et qui permettent la convergence vers un état stationnaire
conforme au fonctionnement de l’économie tunisienne actuelle. Des chocs sont ensuite
introduits sur les principales variables exogènes, et notamment les variables représentant la
Zakat. Le nouvel état d’équilibre atteint après le choc est ensuite comparé à l’état stationnaire
d’origine. Cette méthode permet de fournir une analyse précise des enchaînements à l’œuvre
après un choc et donc de comprendre les dynamiques macroéconomiques.
Nous supposons que les ménages donateurs paient la Zakat qu’en fonction de leurs
dépôts comme le montre l’équation 66 de l’annexe 4. Les simulations que nous présentons
ici10 portent donc sur un choc positif de beta2. L’impact de la Zakat sur la consommation
s’explique par le fait qu’elle permet aux ménages-bénéficiaires ou (moustahik) de disposer de
ressources pour satisfaire leurs besoins de consommation de base. Cette augmentation de la
quantité demandée de consommation pourrait provoquer une augmentation de la capacité de
production des produits de base d’origine locale conformément au principe macroéconomique
keynésien de l’accélérateur. Par ailleurs, et étant donné que la propension marginale à
consommer des ménages-bénéficiaires ou (moustahik) est plus élevée que celle des ménages-
donateurs (ou mouzakki), l’augmentation de leurs revenus auraient un effet multiplicateur
positif important sur le processus de formation de revenus et ce, conformément au principe
keynésien du multiplicateur entraînant de ce fait un processus de formation de revenu et donc
9
Sarea, A. (2012) ; Shirazi, N (2014) ; Suprayitno, E., Kader, R. A., et Harun, A. (2013),
10
Toutes les simulations sont menées à partir du premier trimestre 2017.
16
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Taux de croissance
Chômage Pauvreté
11
Nous avons pris l’inverse du revenu par habitant comme proxy pour mesurer la pauvreté.
17
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0,059
0,058
0,057
0,056
Taux de croissance
Chômage Pauvreté
18
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Conclusion
Cette tentative de modélisation macroéconomique postkeynésienne Stock Flux Cohérent de
l’économie tunisienne intégrant la Zakat, nous a permis d’avoir un cadre analytique à partir
duquel nous avons essayé d’évaluer les bienfaits potentiels de la Zakat sur la croissance
économique, le taux de chômage et le taux de pauvreté. Et cela grâce à l'appui de la Zakat sur
la demande de consommation, ce qui garantit la viabilité économique des entreprises. La
Zakat contribue également à la création de nouveaux emplois, grâce à l'investissement dans
des projets créés par les pauvres et financer par la zakat, ou créés par les organismes de la
zakat au nom des pauvres et des nécessiteux.
Grâce à la technique de simulation, nous avons pu montrer ces effets potentiels positifs de la
Zakat dans la réduction de la pauvreté et du chômage dénonçant de ce fait le discours actuel
refusant la promulgation de lois régissant la création d’institution de la Zakat en Tunisie.
Loin des discours idéologiques, les autorités tunisiennes ont intérêt aujourd'hui de miser sur
cette institution islamique de la Zakat dans la lutte contre la pauvreté et le chômage et ce, pour
promouvoir l’amorce d’un processus de développement économique et social, équitable, voire
soutenable et humain, objectif essentiel de la Tunisie après Révolution.
19
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Références :
20
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.058
.156 .296
.057
.152 .294
.056
.148 .292
.055
.65
.345
.268
.64
.340
.63
.266
.335
.62
.61 .330
.264
.60 .325
.59 .262
.320
.58
08 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 .315 .260
08 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040 2045
RCONSR_0
RIMR_0 REXR_0
Capital +K K
Monnaie banque +H -H
centrale
Bons du Trésor -B +B
Dépôts bancaires +D -D
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Investissement +I -I 0 0
Importation -IM 0 xr + X€ 0
Exportation +X 0 Xr - M€ 0
∑ 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0
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(1) Y = YR . pd Revenu
(2) YR = CR + IR + GR + XR – IMR Revenu réel
(3) GrYR = ∆YR/YR-1 Taux de croissance réel
(4) pd = (1+ρ) . CUD Prix domestique
(5) CUD = (W + IM)/QR Coût unitaire direct
(6) QR = CR + IR +GR + XR Vente réelle
(7) W = (w / σ2) . QR Salaire
(8) Wp = . W Salaire des ménages pauvre
(9) WR W -WP Salaire des ménages riches
(10) ln px = χ0 – χ1. ln xr + (1 – χ1). ln pd + χ1.ln pd€ Prix des exportations
(11) ln pm = ν0 – ν1 . ln xr + (1 – ν1).ln pd + ν1. ln pd€ Prix des importations
(12) Ln XR = κ0 – κ1 . (ln pm€-1 – ln pd-1€) + κ2 ln YR€ Exportations réelles
(13) pm€-1 = px . xr Prix des importations de l’Europe
(14) Ln IMR = ә0 – ә1 . (ln pm -1 – ln pd-1) + ә2 ln YR Importations réelles
(15) YR€ = YR-1€ . (1 + grY€) Revenu réel de l’Europe
(16) IM = IMR · pm Importations
(17) X = XR · px Exportations
(18) IM€ = X . xr Importations de l’Europe
(19) X€ = IM . xr Exportations de l’Europe
(20-ix) ΔL€ ≡ IM. xr + iL€ . L€-1 – X . xr Crédits étrangers
(21-xi) T ≡ TH + TE Taxes
(22) TH = λ 1 W-1 + λ 2 D Taxes payées par les ménages
(23) TE = λ 3 Pf + λ 4 QRd Taxes payées par les entreprises
(24) QRd = CR + IR + GR Vente réelle domestique
(25) ΔB = DG Bons du Trésor (BT)
(26) ib = icb Taux d’intérêt sur les BT
(27-i) DG G + (ib-1 . B-1) – T – Pcbt – PTb Déficit budgétaire
(26) GR = GR-1 . (1+gryr-1) Dépense publique réelle
(27) G = GR . pd Dépense publique
(30-x) GE G – GHR-GHP Dépense publique auprès des
entreprises
(31) GHR = z1 . G-1 Dépense publique auprès des
ménages riches
(32) GHP = z2 . G-1 Dépense publique auprès des
ménages pauvres
(33) N = QR / sigma2 Niveau de l’emploi
(34) NPE = QRfc / sigma2 Niveau de plein-emploi
(35) Un = (NPE – N) / NPE Taux de chômage
(36) KR = KR-1 + IR
Capital réel
(37) K = KR . pd Capital
(38) IR = grKR . KR-1 Investissement réel
(39) I = IR . pd Investissement
(40-iii) ΔLE ≡ I - PE Crédit des entreprises
(41) grKR = γ0 + γ1 rcf-1 + γ2U-1 – γ3 lev iL Taux de croissance du capital
(42) rcf = PE / K-1 Ratio de cash-flow
(43) U = QR/ QRfc Taux d’utilisation du capital
(44) QRfc = KR-1/ Capacité de production
(45) lev = LE / K Levier d’endettement
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Volume 1, numéro 1, (2017)
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