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DIDACTIQUES DES DISCIPLINES

Comment les élèves


évaluent-ils leurs écrits ?

M aurice MAS (sous la direction de)


Hélène ROMIAN, André SÉCUY,
Catherine TAUVERON, Gilbert TURCO

In s titu t N a tio n al de R e c h e rc h e P é d a g o g iq u e
© INRP, 1993
ISBN : 2-7342-0387-1
Sommaire

Évaluer... l’évaluation - Hélène R om ian.......................................... 5

C hapitre I. Les re c h e rc h e s EVA - Hélène R om ian....................... 7


1. Mettre en place, conceptualiser une évaluation foimative des écrits
en classe à l’école primaire - La recherche-innovation EVA........ 8
2. Décrire et conceptualiser les pratiques d ’évaluation des maîtres -
La recherche-description EVA.............................................. ........ 13
3. Evaluer les effets de l’enseignement/apprentissage de l’évaluation
formative des écrits sur les compétences évaluatives des élèves -
La recherche-évaluation EVA........................................................ 20

C hapitre II. Problém atique d e la re c h erc h e - Maurice M as..... 27


1. Objet d’étude : les compétences évaluatives des élèves.... ........... 27
2. Cadre théorique.............................................................................. 29
3. Principes méthodologiques : hypothèse et variables..................... 41
4. Dispositif d’observation................................................................. 44
5. Méthodologie de recueil et de traitement des données................. 48

C hapitre III. La production d ’un écrit étiologique p a r


d e s élèves d e CM. Étude d e s c o m p é te n c e s d e pro d u ctio n
Gilbert T\trco......................................................................................... 55
1. Le traitement des données.............................................................. 55
2. Analyse des données....................................... 60
3. Apports et limites d’une approche globale des compétences de
production...................................................................................... 88

C hapitre IV. N ature d e s critè re s m obilisés p a r les élèv es.


A pproche d e s c o m p é te n c e s évaluatives - André Séguy.......... 93
1. Le corpus et son dépouillement..................................................... 93
2. Nombre de critères mobilisés par les élèves................................. 106
3. Nature des critères mobilisés par les élèves.................................. 108
4. Evaluation et auto-évaluation......................................................... 112
5. Réécriture....................................................................................... H6
6. Discours auto-évaluatif et réécriture............................................. 120
7. Elèves Bons / Moyens / Faibles..................................................... 122
Chapitre V. Stratégies évaluatives des élèves de CE / CM.
Leur discours évaluatif - Catherine Tauveron............................... 131
1. Les stratégies d’évaluation. Leur relation avec la représentation
des problèmes d’écriture et la définition de la tâche sous-jacente. 132
2. Formulation des critères. Rôle de la métalangue et des outils...... 147
3. Des élèves de CEI peuvent-ils dépasser le stade de l’évaluation
de surface?..................................................................................... 161

Chapitre VI. Les avancées de la recherche :


acquis et perspectives - Maurice Mas........................................... 169
1. Quels savoirs nouveaux a construit la recherche ? ....................... 170
2. Quels apports pour la formation des maîtres ?.............................. 171
3. Quelles perspectives pour de nouvelles recherches ? ................... 173

Éléments bibliographiques ............................................................. 175

Annexes................................................................................................ 183
ÉVALUER... L’ÉVALUATION

Hélène ROMIAN

La recherche descriptive que nous présentons dans cet ouvrage a été menée
de 1988 à 1991 par le Groupe INRP Pratiques d’évaluation des écrits en
classe (désormais EVA). Elle a porté sur les critères et les stratégies mobili­
sés par des élèves d’école primaire dans des tâches d ’évaluation de leur
propre écrit et de celui d ’un pair, produits sur la même consigne. La
recherche a concerné 32 élèves de CEI (soit 6 classes) et 84 élèves de CM2
(soit 14 classes). Pour chaque classe, on a retenu 6 élèves catégorisés par le
maître comme Bons, Moyens ou Faibles.
Il s ’agissait d ’évaluer les effets, sur les compétences évaluatives de ces
élèves, de pratiques contrastées d ’enseignement/apprentissage de l ’évalua­
tion des écrits : évaluation à dominante critériée, formative d ’une part, éva­
luation à dominante impositive, normative d’autre part. L’hypothèse centrale
de la recherche - faussement évidente - est qu’il existe une relation entre les
pratiques évaluatives des maîtres et celles des élèves, différenciables selon
les contextes didactiques.

L’objet d’étude est constitué par la nature des critères et des stratégies mobi­
lisés par les élèves dans des tâches d’évaluation d ’un récit. On vise donc à
une meilleure connaissance des composantes évaluatives des compétences
scripturales des élèves en matière de récit.
Le cadre théorique de la recherche inclut notamment des notions issues de la
linguistique textuelle (type de texte, unités d’analyse...), de la sémiotique
(notion de points de vue ou niveaux d’analyse...), de la psycholinguistique
(notion de compétence textuelle narrative, d’opérations dans les processus
rédactionnels...), de la sociolinguistique (notion de composante socioprag-
matique de la compétence scripturale...), des sciences de l ’éducation
(notions d ’évaluation formative, de modèle appropriatif de l ’apprentis­
sage...), des didactiques (conceptualisations et modélisations réalisées dans

5
le cadre de recherches INRP antérieures, notamment notion de critère didac­
tique d’évaluation...).
Le type d’écrit que les élèves ont eu à produire et évaluer sur consigne est
un récit étiologique : si les textes narratifs sont les plus travaillés, le récit
étiologique est peu pratiqué quel que soit le type de classe. Le coipus traité
se compose de deux ensembles : d ’une part, l ’écrit produit par les élèves,
leurs discours évaluatifs écrits (annotations, ratures) et oraux (entretien) ;
d’autre part, leurs discours évaluatifs écrits et oraux portant sur l’écrit d’un
pair produit à partir de la même consigne, et choisi par le Groupe de
recherche parce qu’il comporte des problèmes d ’écriture variés, identifiables
par les élèves.

En gros, l’hypothèse d ’une relation entre les compétences évaluatives des


élèves et les pratiques évaluatives de leurs maîtres est confirmée. Il s’avère
par ailleurs que l’évaluation des écrits des pairs est plus réussie que l ’auto­
évaluation. Par contre, l’hypothèse d ’une relation directe entre compétences
évaluatives et compétences de réécriture n’a pas été confirmée. Il n ’est pas
exclu que ce constat soit imputable à la situation d’épreuve, et l ’on peut sup­
poser qu’une recherche qui porterait sur des productions écrites d’élèves,
recueillies dans des situations de classe habituelles, ne donnerait pas les
mêmes résultats. Mais on ne peut pas non plus exclure que les compétences
de révision des écrits impliquent des compétences évaluatives et des compé­
tences de réécriture associées mais différenciées, voire relativement indé­
pendantes, et relevant en tous cas d ’apprentissages distincts.

Ainsi la recherche EVA que nous présentons aura permis, nous l’espérons,
de mieux connaître les compétences évaluatives des élèves. Par là même,
elle a pu poser un problème didactique nouveau, ou en tous cas largement
sous-estimé : si la réécriture appelle autre chose qu’une application pure et
simple des critères et des stratégies d’évaluation, comment concevoir un
enseignement/apprentissage de la réécriture ? Des membres du Groupe EVA
(auteurs de cet ouvrage) ont donc été amenés à entreprendre une recherche -
dite “Révision des Écrits” - qui tend précisément à élucider ce problème, et
dont l’objectif est de mettre au point des modules d ’enseignement de la
réécriture au cycle 3 de l’école primaire.

6
Chapitre I

LES RECHERCHES EVA

Hélène ROMIAN

La recherche descriptive EVA que nous présentons dans cet ouvrage ne sau­
rait se comprendre indépendamment de deux recherches antérieures, dont
elle procède, menées par le même Groupe, sur les pratiques d’évaluation des
écrits en classe. Il importe non moins de la situer par rapport à d ’autres
recherches descriptives tendant à évaluer les effets produits par des pra­
tiques d’enseignement données sur les compétences scripturales des élèves.
Il s’agit là d ’une entreprise originale de recherche-action en didactique dont
nous n’avons pas trouvé d ’équivalent. Rappelons tout d’abord qu’elle pro­
cède d’une enquête-participation sur les besoins de recherche en relation
avec les besoins de formation qui avait désigné l ’enseignement de l’écrit
comme lieu particulièrement problématique (Romian & Ducancel, 1984).
Ses options méthodologiques, épistémologiques découlent notamment des
analyses de la conjoncture scientifique faites dans le cadre d’un Séminaire
interdisciplinaire (Romian, 1983). Celui-ci avait mis l’accent sur le caractère
pluridimensionnel des faits langagiers, la nécessité d’approches pluridisci­
plinaires et situées dans un cadre théorique cohérent, l’intérêt des travaux
sur l’énonciation, la pragmatique, les types de textes..., et d’une conception
constructiviste de l ’apprentissage, d ’un point de vue didactique.
Cette entreprise a permis à une douzaine d ’équipes INRP de formateurs
d’École Normale et de circonscription de concevoir, et mener dans la durée,
trois recherches successives mettant en jeu trois modes d’investigation des
pratiques évaluatives des classes primaires : la mise en place, conceptuali­
sée, théorisée de pratiques innovantes d ’évaluation critériée, formative des
écrits, impliquant des contenus, une démarche d’enseignement/apprentis-
sage qui “retraitent” , d ’un point de vue didactique, des concepts et des prin-

7
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

ripes issus de travaux de (psycho)linguistique et de sciences de l’éducation


(recherche dite recherche-innovation) ; une description contrastive, menée
en relation avec une modélisation des pratiques évaluatives de maîtres, selon
les variables didactiques construites par la recherche antérieure (dite
recherche-description) ; une description contrastive des compétences évalua­
tives des élèves selon la dominante didactique de leurs maîtres (dite
recherche-évaluation), que nous présentons dans cet ouvrage. C’est cette
double logique d ’action, de transformation rationalisée des pratiques
d ’enseignement/apprentissage et de production de connaissances nouvelles -
d’ordre praxéologique - qui est constitutive, selon nous, de la recherche­
action en didactique (Romian, 1989,1992).
Concernant les recherches EVA, l’enjeu, d’un point de vue pratique, est de
montrer la “faisabilité” d’une évaluation critériée, formative des écrits dès
l ’école primaire, alors que certains experts ne l ’envisagent guère qu’à
l’Université... D’un point de vue théorique, l’enjeu est de montrer d’une
part la possibilité de construire des variables didactiques et d ’autre part leur
caractère heuristique pour expliciter la différenciation des pratiques évalua­
tives des maîtres et des élèves, selon la variation des contextes didactiques,
ce qui est, là encore, aller à l’encontre d’idées reçues.

1. METTRE EN PLACE, CONCEPTUALISER


UNE ÉVALUATION FORMATIVE DES ÉCRITS
EN CLASSE À L’ÉCOLE PRIMAIRE -
La recherche-innovation EVA
Une recherche de type recherche participative (1983-1986) a permis de
mettre en œuvre et de conceptualiser les contenus et la démarche innovants
d ’une évaluation formative des écrits en classe à l’école primaire (Garcia-
Debanc & Mas, 1989 ; Groupe EVA-Gadeau & Finet, 1991). Si le concept
d ’évaluation formative est issu de travaux de sciences de l ’éducation
(notamment Allai, Cardinet & Perrenoud, 1979) son “traitement didactique”
(Romian, 1987) par la recherche EVA a entraîné une certaine prise de dis­
tance par rapport à ces référents théoriques, prise de distance qu’il nous faut
expliciter dans la perspective de l ’évaluation... des pratiques d ’évaluation
formative des écrits en classe, qui est ici notre objet.

1.1. Évaluation des écrits et didactique de l’écrit


Tout d ’abord, il convient de préciser que l ’évaluation n ’est pas, pour la
recherche EVA, une fin en soi. Elle est un aspect - crucial et problématique
pour les maîtres et les foimateurs - de la didactique de l’écrit. Son intérêt
premier tient au fait qu’elle est susceptible de faire émerger les représenta­

8
Les recherches EVA

tions, attitudes, conceptions qui sont au cœur de la didactique de la produc­


tion d’écrits, et partant les problèmes didactiques essentiels. Travailler l’éva­
luation, c’est par là même (re)travailler la planification et la mise en texte,
comme la réécriture, donc en d ’autres termes remettre en question
l’ensemble du processus rédactionnel.
C ’est ainsi que la recherche EVA a été amenée à construire un schéma
didactique de l’évaluation formative des écrits inscrit dans le schéma plus
large d ’une didactique de la production d’écrits (Garcia-Debanc & Mas,
1989 ; Turco, 1991). Nous en rappellerons ici pour mémoire, les grandes
lignes : ce schéma implique notamment la production d’écrits diversifiés
induits par des projets d’activités discutés et gérés collectivement, appelant
la lecture, l’élaboration et l ’analyse de textes de types donnés pour les
besoins de la production entreprise. Le principe-clé en est la différenciation :
différenciation des projets d’activités et d’écriture, différenciation des situa­
tions et des types d ’écrits, des types de textes impliqués, différenciation des
critères et des procédures d’évaluation. L’évaluation y joue un rôle central
de régulation des processus rédactionnels, tout au long du travail
d’écriture/évaluation/réécriture (Groupe EVA-Gadeau & Finet, 1991).
La didactique de l’écrit telle que la conçoit le Groupe EVA se réfère à la fois
à des travaux de linguistique textuelle (notamment Combettes, 1983 ;
Charolles, 1978), de psycholinguistique (notamment Bronckart, 1985 ;
Fayol, 1985 ; Hayes & Flower, 1980), de didactique (Romian, 1989). On
nous permettra de passer ici rapidement sur ce point, largement traité dans
d’autres publications (Garcia-Debanc & Mas, 1989), pour insister sur l’éva­
luation formative telle qu’elle a été mise en œuvre et conceptualisée par la
recherche EVA, de manière à éviter tout malentendu sur la nature des pra­
tiques évaluatives en question dans cet ouvrage.

1.2. Un traitement didactique de l’évaluation formative


Sur ce point, la recherche EVA procède de travaux de sciences de l’éduca­
tion. Mais le traitement didactique de ces référents, classiques en la matière,
a induit des réélaborations qu’il importe d’expliciter. La notion d’évaluation
formative est en effet très polysémique (Allai, 1991 ; Abrecht, 1991). EVA
se distingue essentiellement des recherches citées par le fait même qu’elle se
situe en didactique et met donc au premier plan les contenus, la démarche
d ’enseignement/apprentissage, en d ’autres termes les savoir-faire, les
savoirs opératoires dont l’appropriation est visée à terme (Romian, 1987) et
les concepts, les principes qui structurent les activités langagières pratiquées
en classe (ex. fonctions du langage, types d ’écrits, évaluation formative...).
Ce qui signifie notamment, s ’agissant de production d ’écrits, que les
modèles de la pédagogie par objectifs ou de la pédagogie de maîtrise
construits en sciences de l’éducation sont inopérants.

9
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

La recherche-innovation EVA s ’est progressivement focalisée sur des


aspects apparus comme cruciaux didactiquement : les critères, les procé­
dures et les outils d’évaluation. L’objectif majeur ne se limite pas à une
appropriation optimale du projet des enseignants, comme c’est le plus sou­
vent le cas (Nunziati, 1988) mais l’évaluation des écrits de la classe, et ses
raisons d ’être, sont progressivement prises en charge par les élèves, inté­
grées à leurs projets d’apprentissage dans le cadre d ’un contrat didactique de
plus en plus explicite. Loin de se réduire à une technique apportée de l’exté­
rieur par l ’enseignant, l ’évaluation devient une composante motrice de
l’enseignement/apprentissage. La maîtrise des écrits implique que les élèves
deviennent progressivement capables d’une lecture critique pertinente de
leurs écrits et de ceux de leurs pairs, des écrits en général, en fonction de cri­
tères précis, compte tenu des divers types d ’écrits, de textes. On peut en
attendre des interventions conscientes, maîtrisées sur les savoir-faire com­
plexes qui sont enjeu (Cardinet, 1988, p.189). Cette hypothèse, on le verra,
n ’a pas été confirmée : condition nécessaire à la maîtrise de la réécriture, la
maîtrise de l’évaluation n’est pas suffisante.
Quoi qu’il en soit, on est aux antipodes d ’une évaluation instrumentée,
rigide, prédigérant et réduisant les savoirs à l’évaluable pour les besoins...
de l ’évaluation.
- A la différence du modèle diagnostic/remédiation qui induit l’évaluation
d ’aspects ponctuels d ’apprentissages circonscrits, déterminés a priori,
selon des boucles de rétro-action courtes, il s’agit de faire construire des
compétences évaluatives selon des processus d’enseignement/apprentis-
sage longs. On considère que ces compétences constituent une compo­
sante des compétences de production d ’écrits, et qu’elles sont aussi en
interaction avec les compétences de lecture qu’elles appellent et qu’elles
renforcent. Ces compétences sont à construire par les apprenants, dans et
par l’activité d ’évaluation de leurs propres écrits et de ceux de leurs pairs,
ce qui implique que cette activité puisse faire sens pour les élèves, dans la
dynamique de la réalisation d ’un projet d ’écriture. Les interactions
Maître/Élèves et Élèves/Élèves y jouent un rôle décisif : selon le lexique
de L. Allai (1979), on serait à la fois dans des processus de régulation
“proactive” et interactive” des apprentissages.
- La recherche EVA se réfère à un modèle d’apprentissage qui repose, non
pas sur la transmission de savoirs textuels pré-élaborés mais sur la
construction, par les élèves, de critères et de stratégies d ’évaluation de
leurs écrits, des écrits en général, dont ils ont pu intégrer les raisons d ’être
et les enjeux (Perrenoud, 1988). Ce sont les élèves qui construisent et utili­
sent leurs critères d ’évaluation, guidés par le maître en fonction de l’état
de leurs savoirs et de la nature des savoirs à construire. Il en va de même
pour les outils d ’évaluation. C’est dire que la formulation des critères,
comme les outils, sont explicitement provisoires, évolutifs, à l’image du

10
Les recherches EVA

savoir en général, tel qu’il est produit par l’activité scientifique. De ce fait,
l ’évaluation formative dans le cours même de la production d ’écrits
n ’exclut ni un travail approfondi d’ordre métalinguistique sur tel ou tel
type de texte, de critère, de problème d’écriture, à d ’autres moments de la
classe, en “différé”, ni des évaluations sommatives périodiques (Ducancel
& coll., 1988).
- Le maître se réfère à un modèle de questionnement des écrits, le CLID-
EVA (Groupe EVA-Gadeau & Finet, 1991 ; voir aussi dans le présent
ouvrage, M. Mas, chapitre II et A. Séguy, chapitre III). La référence à ce
modèle lui permet d’identifier les lieux didactiques d ’émergence et de trai­
tement des problèmes que rencontrent les élèves, définis à l ’intersection de
deux axes : l’axe des unités concernées (texte dans son ensemble, relations
interphrastiques, phrase) ; l’axe des points de vue ou niveaux d ’analyse
impliqués (pragmatique, sémantique, moipho-syntaxique). Le modèle met
en évidence et organise la complexité pluridimensionnelle du “tissu tex­
tuel” et offre aux maîtres un cadre théorique qui leur permet de repérer,
situer et mieux traiter les problèmes d ’écriture , de mieux catégoriser les
critères d’évaluation. Ainsi les aspects textuels pragmatiques (qui parle à
qui... pour...) ou sémantiques (traitement du référent...), beaucoup plus
“parlants” a priori que les aspects moiphosyntaxiques -les plus abstraits-
sortent de l’implicite. Par là même, l’enseignement peut faire sens, didac­
tiquement, pour les maîtres, et concrètement pour les élèves.

1.3. L’évaluation des écrits, comme objet d ’enseignement


Sans prétendre avoir résolu tous les problèmes d’enseignement de l’écrit, la
recherche EVA a donc sensiblement avancé dans la voie d’une didactique de
l’écrit qui tienne compte à la fois des propriétés de l’activité concernée et de
ses produits, et des exigences évaluatives de l’institution. Elle en a montré la
faisabilité, à l ’encontre d’idées reçues, y compris dans les milieux de la
didactique, et en sciences de l ’éducation.
Ainsi, l’auteur d’un ouvrage récent, très documenté, sur l ’évaluation forma­
tive (Abrecht, 1991, pp. 128-130) analyse longuement les obstacles à une
évaluation en matière de langue maternelle. “Comment évaluer des acquis,
et même des progrès en langue maternelle ? Elle est à la fois le pensant et le
pensé, le structurant et le structuré (...). Extrêmement difficile - voire
impossible - par conséquent, de garantir tel acquis précis à tel moment pré­
cis, tout comme de définir un ordre de progression des difficultés, enchaî­
nées selon un schéma bien balisé, ou encore d ’isoler un point ou un champ
réduit à évaluer (...). A l ’indétermination des cheminements et des étapes
s’ajoute celle due à l ’aspect ouvert ou infini des “réponses” à diverses
tâches, ceci faisant appel à l ’interprétation et l ’imagination (...). A partir
d’un certain point, les activités complexes mises en jeu en Français - racon­

11
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

ter une histoire, résumer, “expliquer” un texte, argumenter... - sont (dans


leur globalité) de l’inenseignable”.
On voit bien ici ce qui fait problème et qui, précisément, distingue la posi­
tion EVA dans le champ de l ’évaluation foimative : rejetant un modèle
réducteur (trop) commode des contenus d’enseignement qui assimile ceux-ci
à des îlots de savoir bien délimités, hiérarchisés, isolables, monosémiques, il
nous faut bien travailler dans le réel des apprentissages et des problèmes
langagiers, mal délimités, peu hiérarchisés, complexes et interactifs, pluridi­
mensionnels et polysémiques... Le tout est de savoir si, par souci premier de
rigueur, on ne travaille que sur des faits répondant aux critères du labora­
toire, ou si, par souci premier d’utilité sociale, on choisit de travailler sur des
faits qui répondent aux problèmes de la classe. Cette option épistémolo­
gique, d’ordre praxéologique, a pour corollaire, nous le verrons, des options
méthodologiques quant à l’observation/description des classes.

1.4. Une recherche d ’ordre praxéologique


Pour conclure sur ce point, on ne saurait trop souligner le fait que les pro­
duits de la recherche-innovation EVA se situent effectivement dans l’ordre
praxéologique.
D’une part, comme nous l ’avons dit, cette recherche a montré la faisabilité
d’une évaluation critériée formative des écrits dans des classes d’école pri­
maire.
Elle a induit d’autre part la construction d’un modèle d’analyse des critères
d ’évaluation des écrits d’élèves, le CLID-EVA, déterminant ainsi des lieux
d’intervention didactique sur les écrits des élèves. Ce modèle, qui ouvre une
brèche dans l’indétermination des problèmes d ’écriture, permet de commen­
cer à les déglobaliser, à les hiérarchiser sans (trop) les dévitaliser, les
réduire, de manière à rendre compte de la complexité des écrits et des pro­
cessus rédactionnels. Il permet par là d ’introduire une relative clarté cogni­
tive dans l ’enseignement/apprentissage des conduites d ’écriture (voir les
modélisations de Mas, 1991 et 1992).
A partir de son travail pratique et théorique, la recherche EVA a pu élaborer
des outils pour faire la classe, destinés aux instituteurs et aux formateurs
(contribution à Ducancel dir., 1988 ; Groupe EVA-Gadeau & Finet, 1991 ;
contribution à Romian & coll., 1992).

12
Les recherches EVA

2. DÉCRIRE ET CONCEPTUALISER
LES PRATIQUES D’ÉVALUATION DES ÉCRITS
EN CLASSE - La recherche-description EVA
Ayant mis en place et conceptualisé une évaluation formative des écrits, le
Groupe EVA s’est ensuite attaché à décrire, de manière contrastive, les pra­
tiques évaluatives des maîtres et des élèves de classes pratiquant respective­
ment une évaluation impositive, normative et une évaluation formative
critériée (Mas & coll., 1991). L’hypothèse qui articule les deux recherches
descriptives ancrées dans la recherche-innovation est la suivante : les cri­
tères, les stratégies d ’évaluation des maîtres sont différenciables d’un point
de vue didactique, et on peut observer des différenciations de même nature
dans les pratiques évaluatives des élèves. Le problème est de savoir, d ’un
point de vue didactique, si une variation des contenus, de la démarche
d’enseignement/apprentissage peut avoir des effets différenciateurs sur les
compétences langagières des élèves.
Une première recherche descriptive (dite recherche-description), a porté sur
les pratiques évaluatives des maîtres en classe (1985-1988). Elle est la
source la plus directe de la seconde recherche descriptive EVA que nous
présentons dans cet ouvrage et qui se situe, elle, du côté des pratiques éva­
luatives des élèves. Cette recherche-description a permis entre autres de
confirmer l ’hypothèse d’une différenciation didactique en matière d ’évalua­
tion des écrits, de mettre à l’essai des procédures , et de dégager les caracté­
ristiques méthodologiques du travail de description des classes. Nous en
présenterons ici les principaux résultats avec les principes méthodologiques
sur lesquels s’appuient les procédures d ’observation/description de la
recherche-évaluation (voir M. Mas, chapitre II).

2.1. Des pratiques évaluatives des maîtres différenciables


d’un point de vue didactique
Si l’on considère tout d ’abord ses principaux résultats, la recherche-descrip­
tion a confirmé l’hypothèse d’une différenciation didactique des pratiques
évaluatives des maîtres à partir de la nature des critères qu’ils mobilisent,
définie par référence au CLID-EVA. Si les maîtres des 9 classes nR obser­
vées (supposés pratiquer une évaluation normative) privilégient nettement
des critères phrastiques-moiphosyntaxiques (orthographe, grammaire), les
maîtres des 9 classes R observées (supposés pratiquer une évaluation forma­
tive du type évoqué plus haut) se réfèrent à l’ensemble des critères théori­
quement possibles (Séguy, 1991). Si les uns induisent de manière impositive
des remarques ponctuelles faites phrase à phrase voire mot à mot, les autres
tendent à induire chez les élèves une attitude de questionnement organisé
des écrits référant à des critères explicites (Tauveron, 1991). En relation

13
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

avec des conduites évaluatives différentes, on peut constater des traitements


didactiques différents des pratiques sociales non scolaires d’écriture et des
théories sur l’écriture et les textes (Garcia-Debanc, 1991). La recherche-des­
cription permet ainsi de préciser la première modélisation didactique des
pratiques évaluatives opérée par la recherche-innovation, d ’une part en
dégageant les deux variables essentielles : la nature des critères et les straté­
gies d’évaluation, d’autre part en précisant et hiérarchisant les modalités de
ces variables (Turco, 1991).
Les dominantes évoquées ci-dessus ne peuvent évidemment rendre compte
de la complexité hétérogène des pratiques évaluatives de chaque maître. Une
modélisation des pratiques évaluatives opérée à partir d ’études de cas parti­
culièrement significatifs d’un point de vue didactique a permis, en croisant
nature des critères et stratégies évaluatives, de mettre en évidence quatre
polarisations didactiques possibles (Turco, 1991) : critères normatifs et stra­
tégie impositive (position encore très prégnante) ; critères normatifs et stra­
tégies “actives” (type Freinet, méthodes actives) ; critères
pluridimensionnels et stratégies impositives (type linguistique appliquée) ;
critères pluridimensionnels et stratégies d’évaluation formative (type INRP).
Cette modélisation nous paraît représentative du type de résultats vers les­
quels peuvent tendre des recherches descriptives en didactique dans la
mesure même où elle tend à expliciter l ’hétérogénéité des pratiques des
maîtres en la rendant plus intelligible, sans occulter pour autant la part des
équations personnelles : les polarisations posées ne sont pas plus et pas
moins que des repères pour l’observation des cheminements évaluatifs des
classes sans préjuger des innombrables variantes qui tiennent (ou non) à des
facteurs individuels aléatoires. Le problème actuel, nous semble-t-il, en
recherche comme en formation, c’est précisément de se donner des repères
didactiques.

2.2. Observer, décrire les classes d ’un point de vue


didactique
Les principes d ’observation, de description des classes que le groupe EVA a
été amené à se donner tiennent aux caractéristiques des pratiques et des
savoirs qui en sont l’objet (Romian, 1991).
Comme il a été dit plus haut, le problème est de chercher à comprendre la
variation des pratiques langagières en classe, d ’un point de vue didactique,
et singulièrement la variation des contenus, de la démarche d ’enseigne -
ment/apprentissage auxquels les pratiques évaluatives sont susceptibles de
se référer selon les conceptions des maîtres en matière d’écrit. Ce sont des
savoir-faire, des savoirs langagiers effectivement enseignés dans le cadre
d ’apprentissages en cours, en l’occurrence les critères et les stratégies d’éva­
luation mobilisées, qui sont à observer et décrire, à différencier.

14
Les recherches EVA

C’est dire que la recherche EVA n ’étudie pas la variation des pratiques éva­
luatives dans une perspective de didactique générale (Altet, 1987 ; Bru,
1991) : elle se situe en didactique de l ’écrit, en Français. Sont en question
centralement ses contenus, sa démarche : c’est-à-dire, bien au-delà des pro­
grammes (fort elliptiques, voire syncrétiques en la matière), d’une part, les
savoir-faire et connaissances d’ordre expérienciel, les savoir-faire et savoirs
d’ordre opératoire (planifier, mettre en texte, évaluer, réécrire), les savoirs
conceptuels (ex. critères d ’évaluation...) qui sont à enseigner (Romian,
1987) ; d’autre part, les modes de production et d’utilisation en classe de ces
savoirs (importés par le maître, construits par les élèves...) ; et enfin les
concepts et principes qui structurent ces savoirs d’ordre divers, compte tenu
du cadre théorique, explicite ou non, auquel renvoie toute pratique d ’écrit en
classe (ex. pratiques sociales de l’écrit et types d ’écrits ou norme littéraire et
correction...).

2.2.1. Une recherche exploratoire, qualitative


Précisons d ’emblée que la nature de ces objets d’observation appelle une
recherche exploratoire, qualitative. On ne saurait trop insister sur le fait
qu’en matière d’enseignement/apprentissage de la production d ’écrits, nous
nous situons dans un espace de problèmes (encore ?) mal définis : la
consigne d’écriture la plus serrée exclut certaines solutions mais n’en admet
jamais une et une seule, du fait que les choix pragmatiques, discursifs qui
tiennent à l ’interprétation que le scripteur fait de la situation sont, par défini­
tion pluriels, selon les paramètres et les fins qu’il privilégie (ex. un rapport
de recherche se conçoit différemment selon qu’il s’adresse à l ’institution ou
à la communauté scientifique, ou encore aux formateurs de maîtres...) ; en
matière d’apprentissages scolaires, si les travaux de psycholinguistique ont
permis de déterminer des savoirs locaux utiles, sur l ’acquisition des
conduites de récit, par ex., on ne saurait en déduire une progression d’ensei­
gnement procédant d’enchaînements prévisibles dans des itinéraires repérés
et balisés ; on ne peut pas ne pas souligner enfin que toute observation de
classe en Français met en jeu à la fois du langage interprétant et interprété :
elle appelle un langage (descriptif) qui porte sur des interactions verbales (à
centration évaluative), lesquelles portent sur une activité langagière (de pro­
duction d’écrits) qui renvoie à des interactions verbales, des activités, des
produits langagiers qui sont le référent commun de la classe mais que
¡’observateur ignore... Faut-il en déduire qu’on est dans l ’inenseignable,
l ’inobservable ? Telle n’est pas, évidemment la position de la recherche
EVA.
2.2.2. Une observation contextualisée de séquences de classe
La recherche-description EVA procède d’une observation contextualisée de
séquences de classe impliquant des discours évaluatifs sur des écrits. Ce

15
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

sont des séquences longues, prises dans leur continuité, leur durée où les
faits peuvent valoir tantôt par leur récurrence, tantôt par leur déroulement,
voire leur caractère unique (l’erreur d’élève intéressante didactiquement,
traitée ou occultée par le maître).
L’un des problèmes à résoudre quand on observe des séquences de ce type,
est le caractère foisonnant, pluriel, enchevêtré, allusif des interactions en
classe. Impossible d’isoler des unités manifestes qui feraient sens par elles-
mêmes hors de leur contexte didactique. Pour rendre intelligibles les don­
nées recueillies en classe, on ne peut s’en tenir à leur contenu manifeste,
sauf à se contenter d ’ilôts ininterprétables. Des pratiques évaluatives ponc­
tuelles (repérer les répétitions ou les temps verbaux problématiques...) ne
font sens didactiquement que rapportées aux “habitus” de la classe, à une
démarche d’enseignement, à des itinéraires d ’apprentissage non directement
observables : s’agit-il de corriger des fautes ou de travailler la cohérence
textuelle ? où en sont les élèves sur les questions traitées...? Une séquence
de classe est un moment dans une activité qui se déroule dans un espace et
un temps pédagogiques, didactiques donnés. L’isoler de son contexte, c’est
la dévitaliser, la dénaturer.
On ne peut guère accéder à ce contexte didactique qu’en confrontant l’ana­
lyse de séquences longues aux discours des maîtres sur leur démarche
d ’enseignement/ apprentissage. C ’est par là-même renvoyer aux représenta­
tions qu’ils se font des écrits et de l ’activité d’écriture dans la communica­
tion sociale en général et à l’école en particulier, à leurs représentations des
apprentissages langagiers et de leur évaluation, leurs représentations du
“bon texte” d’élève et des critères d ’évaluation à privilégier, représentations
sociales s’il en est, et à étudier en tant que telles (Moscovici, 1986). De ce
point de vue, le questionnaire écrit et l’entretien (explicitant tel comporte­
ment, réagissant à un écrit d’élève problématique...) sont des procédures
indispensables pour faire émerger et expliciter les informations dont les
maîtres disposent et la manière dont ils les traitent didactiquement, leurs
attitudes à l ’égard de dysfonctionnements donnés dans les écrits d’élèves
(ex. les fautes d ’orthographe comptent-elles plus que l ’adéquation au type
d ’écrit à produire ?), leurs conceptions des savoir-faire et savoirs à enseigner
(ex. la production d’écrits comme exercice scolaire ou apprentissage de la
communication sociale ?). Le dire sur le faire, c’est-à-dire la signification
que les maîtres donnent à leurs pratiques (Gauthier, 1987), fait partie du
champ. Le Dire et le Faire entretiennent des relations complexes, à élucider :
d’une part le dire peut éclairer utilement l’interprétation du faire, y compris
s’il y a contradiction (Garcia-Debanc, 1979) ; d’autre part le faire peut anti­
ciper ou retarder sur le dire, s ’agissant de maîtres en cours d ’évolution
CHirco, 1991).

16
Les recherches EVA

2.2.3. Une observation participante, impliquée et distanciée


Les problèmes qui viennent d ’être évoqués justifieraient à eux seuls une
observation participante qui soit à la fois impliquée et distanciée. Ce prin­
cipe est également appelé par la polysémie des discours évaluatifs en classe.
Il apparaît, d’expérience, que les formateurs de maîtres sont particulièrement
bien placés dans le système éducatif pour mener ce type d ’observation.
Le principe d’implication renvoie à une connaissance professionnelle, de
type expérienciel, de classes nombreuses et diverses. Cette connaissance est
précieuse en recherche, pour déterminer les observables, les indicateurs per­
tinents par rapport à un critère donné, discriminer le circonstanciel et
l’essentiel au delà des ellipses, des enchevêtrements, des allusions de conni­
vence qui caractérisent les discours collectifs des classes, éviter les interpré­
tations subjectives ou déconnectées du réel. Ainsi A. Séguy (1989 et 1991)
évoque les problèmes posés par l ’interprétation du lexique didactique des
maîtres, les mêmes termes pouvant renvoyer à des critères d ’évaluation des
écrits de nature différente : il importe de savoir que le repérage de “répéti­
tions” peut induire des remplacements lexicaux formels (remplacer il y a,
être..) ou un travail sur les modalisateurs par le jeu des reprises anapho-
riques (La belle princesse... Notre héroïne...) ; de même 1’’’enrichissement”
peut renvoyer à une représentation stéréotypée du bon texte d’élève ou aux
explicitations nécessaires en fonction du type d ’écrit. Soulignons enfin que,
contrairement à des idées reçues, la familiarité professionnelle entre obser­
vateurs et observés permet de réduire le risque de trahison du cours habituel
de la classe lié à la présence d’observateurs étrangers (Postic & de Ketele,
1988, p.187). Le principe d’implication est particulièrement important pour
garantir la fiabilité des données et celle de leur interprétation...
Le principe de mise à distance répond à la nécessité d ’un prélèvement et
d’une structuration des données qui fassent sens - didactiquement s’entend -,
qui permettent d’expliciter la(les) logique(s) didactique(s) des pratiques éva­
luatives observées. Grâce à leur connaissance des classes dans la durée, à la
théorisation des pratiques qu’ils ont été amenés à faire pour les besoins de la
formation, les formateurs du groupe EVA étaient porteurs d’une expérience
et d’un savoir éclairants, nécessaires à l ’indispensable relativisation des don­
nées recueillies, mais aussi à leur catégorisation, leur conceptualisation, leur
modélisation. Ce n ’est aucunement pour des raisons circonstancielles, par
ex. que le CLID-EVA, conçu au départ par Gilbert Turco comme outil pour
former les maîtres de l’Équipe de Rennes à l’explicitation, au classement
des critères d’évaluation et au repérage des critères mobilisés par les élèves
dans leurs écrits, a été retravaillé par le Groupe EVA qui en a fait un outil de
recherche (Turco, 1987 ; Séguy, 1989).

17
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

2.2.5. Une description contrastive de la variation didactique


L’utilisation de modèles d’analyse est l’un des modes de réponse possibles à
un troisième problème posé par les recherches descriptives dans le champ de
la didactique du Français, la structuration des données en faits didactiques
interprétables, dans la perspective d ’une description contrastive mettant en
évidence la variation des logiques didactiques des maîtres.
Étudier cette variation, c’est poser en principe que la singularité de chaque
maître n ’exclut pas qu’on puisse catégoriser leurs pratiques, en tant que pra­
tiques sociales, et déterminer des styles évaluatifs didactiques (par analogie
avec la notion de style cognitif) caractérisant des ensembles plus ou moins
stables et cohérents de pratiques, d’informations, de conceptions, d’attitudes
relatifs à l ’évaluation des écrits en tant qu’objet d ’enseignement. Ces styles
s’opposent, au sens phonologique du terme, au sens où chacun se définit par
rapport à d’autres selon des variables conceptualisées aussi finement que
possible. Ainsi les variables EVA (Turco, 1991) sont d’une part la nature des
critères (référents théoriques, pratiques sociales de référence de l’écrit, lieux
d’intervention didactique privilégiés) et d’autre part les stratégies d’ensei­
gnement (modèle d’apprentissage de référence, modes de médiation entre
savoirs et apprenants, consignes et outils de travail, processus d’évaluation).
Chaque aspect des variables est actualisé selon des modalités observables :
par ex. les pratiques sociales de référence de l’évaluation normative : textes
d’auteur, notamment descriptifs, issus de “morceaux choisis”, s’opposent à
celles que privilégie l ’évaluation formative : écrits sociaux diversifiés (y
compris scolaires) produits dans un réseau d’action, de communication, de
connaissance. L’opposition des styles évaluatifs considérés est constitutive
d’un modèle d’analyse des pratiques évaluatives en classe.
Pour être posée a priori, cette modélisation ne relève pas pour autant d’une
pure spéculation : c’est la connaissance critique de l’évaluation normative
impositive telle qu’elle se pratique dans les classes qui a amené le Groupe
EVA à poser le principe d ’une évaluation formative, à l’essayer dans des
classes et à la conceptualiser dans le cadre de recherche-innovation évoquée
plus haut. Puis l’utilisation du modèle pour décrire les pratiques évaluatives
des classes a induit par rétroaction des évaluations et des réécritures. L’état
de la modélisation, que nous citons, est l ’une des résultantes de la recherche-
description.
Précisons ici que, contrairement à une vision naïve de l ’utilisation d’une
modélisation contrastive, celle-ci ne sert pas à repérer des écarts entre les
pratiques des maîtres et des définitions idéales fonctionnant comme normes
du bien enseigner. Une modélisation de cette nature fonctionne comme sys­
tème de repérage permettant de déglobaliser chaque pratique singulière, de
la situer dans sa complexité, de la conceptualiser selon sa(ses) dominante(s),
sa (non)cohérence propres, de déterminer l ’identité professionnelle de

18
Les recherches EVA

chaque maître, par rapport à d ’autres, voire d ’étudier ses cheminements


(Romian, 1981 ; Turco, 1991). Ainsi, G. Turco a pu différencier, à partir de
l’étude de pratiques singulières les quatre cas de figure évoqués plus haut,
articulant différemment critères et stratégies d ’évaluation. D’où l’intérêt de
ces modélisations, en recherche et en formation des maîtres. On est là dans
l’ordre, non d ’une diversité aléatoire qui ne donnerait pas prise à l’interpré­
tation didactique, mais de “structures structurantes” telles que les définit
Bourdieu (1972), qui fonctionnent comme “principe générateur durablement
monté d’improvisations réglées”, donc interprétables.
D’où l ’importance aussi de la question des variables didactiques, neuve dans
notre champ. Comme nous l’avons souligné déjà, il ne s’agit pas de didac­
tique générale, conçue comme générique de toutes les disciplines. Ainsi
lorsque Marc Bru (1991) étudie “les variations didactiques dans l’organisa­
tion des conditions d ’apprentissage”, on constate que les variables qu’il
construit se situent en deçà de notre propos dans une perspective plutôt
pédagogique : structuration et mise en œuvre des contenus (c’est-à-dire
selon lui des programmes), variables processuelles (dynamique de l’appren­
tissage, modalités générales de l ’évaluation...), variables relatives au cadre
et au dispositif (lieux, organisation temporelle, matériels...). Les contenus
d’enseignement, dont il a une conception restrictive, sont hors champ.
Aucun des modèles EVA ne couvre un champ aussi large. Chacun se situe
dans un champ précis, en fonction de problèmes locaux, délimités autant que
faire se peut, et n ’est pas conçu a priori comme transposable à d’autres.
Ainsi la recherche EVA a fonctionné sur deux modélisations : une modélisa­
tion catégorisante, le CLID-EVA, présentée plus haut, visant des études
fines de séquences de classe ou de productions écrites d ’élèves, selon la
nature des critères d’évaluation, d’un point de vue didactique ; une modéli­
sation contrastive évoquée ci-dessus, visant à caractériser globalement le
contexte didactique des séquences observées, à savoir le style évaluatif des
maîtres, déterminé à partir des caractéristiques de leurs critères et de leurs
stratégies évaluatives. En ce qui concerne le CLID-EVA, la contrastivité
n’est pas posée directement dans le modèle : c’est une résultante du travail
descriptif qu’il permet, rappelons le, en considérant d’une part les unités
concernées : texte, relations interphrastiques, phrase, et d’autre part le point
de vue adopté : pragmatique, sémantique, morphosyntaxique. La recherche a
ainsi mis en évidence des dominantes contrastées selon le contexte didac­
tique : à l ’évaluation formative, correspond une diversité optimale des cri­
tères selon le type d’écrit, avec notamment prise en compte des dimensions
textuelles, pragmatiques ; à l ’évaluation normative, correspond une polarisa­
tion sur la phrase d ’un point de vue morphosyntaxique, soit en gros, la
grammaire et l ’orthographe.

19
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

L’analyse des contenus didactiques des données recueillies, opérées en rela­


tion avec ces modèles mais aussi de manière ouverte, relève de l ’analyse
qualitative, thématique (Bardin, 1977). Elle permet d’une part de dégager les
tendances générales qui caractérisent chaque groupe de maîtres/élèves selon
leur style évaluatif (Séguy, 1991), et d’autre part de procéder à des études de
cas repérés comme particulièrement signifiants par rapport aux questions
posées : par ex. la variation des théories et pratiques sociales de référence et
leur traitement didactique (Garcia-Debanc, 1991), la variation des stratégies
d’évaluation (Tauveron, 1991), ou la complexité des pratiques individuelles
et des cheminements possibles des maîtres vers l ’évaluation formative
(Turco, 1991). Modèle d’analyse des lieux d ’intervention didactique sur les
écrits, le CLID-EVA a pu servir en outre à repérer des indices des problèmes
didactiques qui se posent, au-delà des critères plus ou moins manifestés dans
le discours des maîtres. André Séguy en donne plusieurs exemples significa­
tifs. Ces problèmes peuvent tenir aux référents théoriques, plus ou moins
implicites, des maîtres : par ex. à la nature des référents linguistiques (un
maître renvoie à la “conjugaison” à la fois une forme fautive "il prenna”,
les fautes d ’accord, la non cohérence des temps) ; ou bien encore à une théo­
rie implicite de l ’écriture comme “faire” organisant fond et forme, ou
comme “bien dire” un “fond” préétabli...; ou bien encore à la conception du
projet d’écriture, l’affichage du destinataire de l’écrit recouvrant plusieurs
cas de figure, y compris la copie de la “lettre” dans le cahier. Les problèmes
peuvent tenir aussi au traitement didactique de ces référents : ainsi de la
réduction applicationniste du critère à une norme, le schéma narratif étant
compris comme le plan obligé de tout récit...).

3. ÉVALUER LES EFFETS DE L’ENSEIGNEMENT/


APPRENTISSAGE DE L’ÉVALUATION FORMATIVE
DES ÉCRITS SUR LES COMPÉTENCES
ÉVALUATIVES DES ÉLÈVES -
La recherche-évaluation EVA
Comme nous l ’avons souligné, les principes méthodologiques de la
recherche-évaluation que nous présentons dans cet ouvrage sont analogues à
ceux de la recherche-description qui a précédé. Les problèmes sont en effet
de même nature, s’agissant des discours évaluatifs des maîtres et des élèves,
mais certainement plus difficiles à traiter encore s’agissant d’apprentissages
en cours et de jeunes enfants peu armés pour expliciter leurs pratiques lan­
gagières.
Par ailleurs, comme nous allons le voir, l’état de la question, en matière de
recherches évaluatives qui étudient les effets d’interventions pédagogiques,
didactiques données sur les comportements, les compétences des élèves,

20
Les recherches EVA

montre le caractère encore très problématique de telles recherches. D’où le


caractère exploratoire de la recherche évaluative EVA.

3.1. L’état des études évaluatives en sciences de l’éducation


Nous nous en tiendrons à l’une des communications, très significative, d’un
récent Colloque International consacré aux évaluations (Duru-Bellat,
Larousse & Mingat, 1992, pp. 107-112).
Les auteurs s’attachent à montrer les problèmes théoriques et méthodolo­
giques qui se posent en matière d ’évaluation des pratiques pédagogiques,
c’est-à-dire “l’appréhension objective des effets des pratiques des maîtres
sur les élèves, les effets étant définis en termes d’acquis observés”. Comme
nous l ’avons fait plus haut, ils soulignent “la difficulté à rendre compte des
pratiques de manière opératoire”, compte tenu de leur caractère “multiforme
et difficile à identifier”, et ils insistent sur la “nécessité d ’un cadre théorique
de référence” permettant de dégager ce qui, dans les acquisitions, pourrait
être imputé aux pratiques pédagogiques. La détermination des variables est
donc une question essentielle.
De ce point de vue, les auteurs distinguent deux modalités de “lecture” des
pratiques, dont chacune présente un intérêt et des limites : selon des
variables définies a priori par une connaissance tirée d ’observations en
classe, ou selon des typologies de variables construites à partir d’analyses
factorielles de pratiques spécifiques. Leur préférence va vers la seconde
modalité. Les recherches EVA optent pour la première, comme on l ’a vu. A
notre sens, le choix entre ces modalités est essentiellement commandé par la
nature de l ’objet de recherche, comme en corollaire, le choix d ’une métho­
dologie de traitement des données - d ’ordre conceptuel ou statistique.
Quoi qu’il en soit, la recherche EVA ne pouvait guère trouver, en sciences
de l ’éducation, que la confirmation de ses propres interrogations.

3.2. L’état des études évaluatives en didactique du Français


Le choix des procédures méthodologiques de la recherche (M. Mas, chapitre
II), a été largement tributaire de l ’état de la question des études évaluatives
en didactique du Français langue maternelle : celles-ci se proposent de por­
ter un jugement sur l’efficacité de la réalisation d’objectifs, de l ’utilisation
de méthodes, outils ou stratégies (Gagné & Lazure, Sprenger-Charolles &
Ropé, 1989, p.141). Cette catégorie de recherches ne comporte que 77
notices dans la banque de données DAFTEL sur plus de 3 000 notices.
Soulignons d’emblée que si la recherche-évaluation EVA répond à la même
finalisation, elle s’en distingue par le fait qu’elle n ’a pas recours à des ins­
truments de mesure précis, au sens où le dit la définition DAFTEL, mais à
une analyse de contenu thématique qualitative référant à des modèles d’ana­

21
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

lyse (CLID-EVA, Hayes & Flower, 1987). Ce n ’est pas le nombre d’occur­
rences de tel ou tel critère qui importe mais la nature des critères et des stra­
tégies mobilisés, d’un point de vue didactique, dont l’étude est au cœur de la
recherche, car c’est là que réside le problème. Problème encore mal défini
s’il en est... Que signifierait une étude quantitative dans ces conditions ?

3.3. L’état des recherches évaluatives sur la production


d’écrits
Il est symptomatique que, sur les 77 notices renvoyant à des études évalua­
tives, 23 seulement portent sur la production d’écrits (et 34 sur la lecture).
Mais à la différence de la recherche EVA, il s ’agit essentiellement de
recherches en psycholinguistique ou de grandes enquêtes ministérielles sur
les performances des élèves, à des niveaux scolaires donnés, qui n ’ont
aucune visée d’ordre didactique.
La recherche québécoise portant sur la “vérification de l ’actualisation de
certains processus mentaux permettant la communication écrite chez des
enfants de 3-4 et 5 ans” en lecture et en production écrite (Latendresse,
1980) est assez représentative de l’approche psycholinguistique dans ces
études évaluatives : procédant d’un modèle de compréhension (et non de
production), elle concerne une population de plus de 100 élèves, de la
maternelle au Primaire 3.
Quant aux grandes enquêtes ministérielles, québécoises et françaises (en
France : évaluation du CP-CE1, du CE2, du CM2 de 1981 à 1985, évalua­
tion CE2-6ème à partir de 1989), elles concernent des populations encore
plus importantes (de 300 à 1000 sujets). Elles visent essentiellement à éva­
luer l ’efficacité du système éducatif par rapport aux objectifs qui lui sont
assignés en lecture, production écrite, grammaire, orthographe, vocabulaire,
et, le cas échéant, dans d ’autres disciplines (mathématiques, sciences...).
Notons une évolution significative des évaluations de la production d ’écrits
dans ces enquêtes : à partir de 1983, elles portent non seulement sur des
aspects orthographiques, syntaxiques, lexicaux mais aussi sur des aspects
discursifs d’un point de vue pragmatique (prise en compte de la situation et
du projet de communication...) et sur l ’organisation textuelle (cohérence...).
Notons également que leur dispositif peut comporter un recueil d’informa­
tions par questionnaire adressé aux maîtres sur la pédagogie qu’ils prati­
quent ou leur perception de l ’opération. Il est évident que, dans les
conditions de ces enquêtes, on ne peut recueillir que des déclarations, sans
contrôle possible de leur fiabilité. Les résultats des élèves sont mis en rela­
tion avec les pronostics que les maîtres font de leur réussite et leur apprécia­
tion de la difficulté des épreuves. La perspective est essentiellement
institutionnelle et pédagogique.

22
Les recherches EVA

3.4. Une recherche didactique sur le fait poétique dans les


textes d’enfants
Une seule recherche s ’apparente à la recherche-évaluation EVA :
"Créativité et poésie dans des textes d’enfants du CM1. Des épreuves de
créativité à l’analyse du fait poétique dans des productions écrites” (Sublet,
1983). Il est vrai qu’il s’agit là de l ’un des volets d ’une recherche INRP qui
tendait à évaluer les effets de la mise en œuvre dans des classes du Plan de
Rénovation des années 70 (Romian & coll., 1983 ; Romian, 1979). La
recherche EVA s’inscrit dans la voie ouverte par cette recherche-évaluation,
dans la mesure où celle-ci avait commencé à théoriser les caractéristiques
d ’une méthodologie descriptive liée à une recherche-action en didactique
impliquant des formateurs de maîtres (on disait alors pédagogie du Français,
s’agissant des contenus et de la démarche). Soulignons également le travail
de conceptualisation contrastive des variables spécifiques à l’enseignement
du Français (ex. fonctions du langage impliquées dans les activités de com­
munication orale et écrite, référents théoriques...) dont cette recherche avait
montré le caractère différenciateur. On avait pu observer d’une part, des per­
formances significativement meilleures (au sens statistique) des élèves des
classes expérimentales aux épreuves de syntaxe et de lexique utilisées, et
d’autre part, une tendance à la réduction des écarts de performances entre
enfants de cadres supérieurs, enseignants et enfants d’ouvriers, employés.
L’état des connaissances n ’avait pas peimis alors de mener l’évaluation sur
des productions écrites, à l’exception toutefois de la recherche de Françoise
Sublet.
Le titre du rapport de recherche de F. Sublet, cité plus haut, est significatif
d’une évolution qui s’amorce. Compte tenu de l’inadéquation constatée et
analysée d ’épreuves de type test focalisées sur des capacités délimitées,
s’agissant de production d’écrits d’un point de vue didactique, il s’avère pré­
férable de travailler sur des textes d ’enfants, recueillis sur consigne. Il n ’est
pas étonnant, en l ’état des connaissances sur l’analyse de discours écrits
d’apprenants, que l’intérêt essentiel de telles études tienne surtout au travail
théorique sur les faits langagiers étudiés - en l ’occurrence, les faits poé­
tiques, dans les formes que ceux-ci sont susceptibles de prendre dans des
textes d’enfants - et à la description qualitative fine de 60 textes d ’enfants
opérée de ce point de vue. Il tient aussi au fait que F. Sublet ne raisonne pas
en termes de performances significativement (au sens statistique) meilleures
ou non, mais en termes de différenciation des performances selon les péda­
gogies du Français auxquelles réfèrent les maîtres. Telle sera bien l’optique
des recherches EVA dans la décennie suivante.

23
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

3.5. Des études exploratoires sur la différenciation des


compétences évaluatives des élèves dans des contextes
didactiques différents
On ne saurait trop souligner, dans ces conditions, le caractère exploratoire
des études réalisées dans le cadre de la recherche-évaluation EVA sur la dif­
férenciation des compétences évaluatives des élèves selon les contextes
didactiques
Cette recherche s’inscrit, comme nous l ’avons dit, dans le même cadre théo­
rique et méthodologique que la recherche-description portant sur les pra­
tiques évaluatives des maîtres, qui l ’a précédée. Cependant, le recueil des
données ne s’est pas fait dans des situations de classe habituelles, ce qui
aurait posé trop de problèmes, mais ne va pas non plus sans inconvénients.
Comme on le verra (M. Mas, chapitre II), le choix du recueil des données en
situation d’épreuve, de production (d’un récit étiologique) sur consigne, a
permis de simplifier leur catégorisation et leur traitement, avec la déperdi­
tion classique de fiabilité - d’ordre écologique - qui en découle. L’absence
d ’enjeux pragmatiques effectifs, explicites, à la production de l ’écrit
demandé, à laquelle les élèves entraînés à une évaluation normative sont
habitués a pu, par contre, faire problème pour les élèves pratiquant une éva­
luation formative. Sans doute peut-on expliquer par là un gommage relatif
des différenciations attendues entre les compétences évaluatives des élèves,
et surtout le fait que l’hypothèse concernant leurs compétences de réécriture
n ’ait pu être vérifiée par défaut de matière suffisante : les élèves n ’ont guère
réécrit. Encore que ce ne soit pas la seule raison : d’autres recherches, en
psycholinguistique, ont fait le même constat : il ne suffit pas de savoir éva­
luer pour vouloir, pouvoir, savoir réécrire ; l’enseignement/apprentis-
sage de la réécriture est un problème didactique en soi.
Le corpus constitué a été traité essentiellement du point de vue des différen­
ciations susceptibles d’apparaître selon deux contextes didactiques opposés
référant respectivement à une évaluation à dominante normative, à domi­
nante formative. Compte tenu des recherches EVA antérieures, il est centré
sur la nature des critères de production et d ’évaluation mobilisés par les
élèves, et prend en compte les stratégies évaluatives.
L’étude de Gilbert Turco (chapitre III) présente la différenciation des com­
pétences scripturales des élèves selon ces contextes, telle du moins qu’on
peut l ’inférer d ’après l ’état premier de leur production écrite, en relation
avec une grille d ’analyse de contenu qui croise les catégories du CLID-
EVA, celles des modélisations du savoir écrire qui en sont dérivées (Mas,
1991 et 1992) et les caractéristiques du récit étiologique. Puis André Séguy
(chapitre IV) analyse la différenciation des critères d’évaluation selon ces
mêmes contextes dans l ’ensemble du corpus des différents discours évalua­

24
Les recherches EVA

tifs produits, en relation avec des grilles construites sur les catégories du
CLID-EVA. Enfin Catherine Tauveron (chapitre V) se centre elle, sur la dif­
férenciation des stratégies évaluatives, à partir d’analyses fines de discours
évaluatifs qu’elle catégorise selon le modèle de la révision des écrits
d ’Hayes & Flower (1987) en relation avec la différenciation des critères
mobilisés.
C’est dire que l’exploration ne va pas au hasard. Mais qu’elle a des limites,
en l ’état des connaissances. Ceci étant, les conclusions de Maurice Mas
(chapitre VI) soulignent les avancées réalisées par la recherche, comme les
problèmes qu’elle permet de (mieux ?) poser.

POUR CONCLURE
Les caractéristiques majeures de la recherche EVA que nous présentons ici
tiennent donc essentiellement au fait qu’elle est didactique, et doublement
didactique. Si elle tend à faire progresser les connaissances sur les compé­
tences évaluatives d ’élèves de CEI et de CM2, en matière de production
d’écrits - et singulièrement leurs critères et leurs stratégies - c’est en partant
de problématiques centrées sur la nature des contenus d ’enseignement/-
apprentissage, dérivées de l’expérience des formateurs qui la mènent, et
dans une perspective de formation.
Nourri du travail de formation, le travail de recherche retourne à la forma­
tion, ses outils s’avérant particulièrement heuristiques (Séguy, 1989 ;
Garcia-Debanc, 1990 ; Romian, 1990). Le principe de recherche participante
impliquant des formateurs de maîtres paraît, à l’expérience, un point essen­
tiel pour assurer non seulement la pertinence didactique de la recherche,
mais aussi sa communicabilité et sa transférabilité à la formation (Romian,
1989).
Des recherches de cette nature sont particulièrement susceptibles d ’un traite­
ment didactique en formation des maîtres dans la mesure même où elles
replacent l ’élaboration du sens (didactique) des faits observés dans un
réseau de signification macroscopique éclairant pour comprendre les “rela­
tions microscopiques” dans les échanges en classe ou les productions des
élèves. Il y aurait là une voie possible pour faire évoluer le paradigme clas­
sique Expliquer-Prescrire-Former vers un paradigme Décrire-Expliciter-
Former (Postic & De Ketele, 1988). L’enjeu est capital : former des agents,
plus ou moins conscients, de transmission de la norme, ou des acteurs du
processus éducatif maîtrisant la signification didactique de leur activité, et
assumant explicitement les choix d’ordre pratique et théorique que celle-ci
implique.

25
Chapitre II

PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE

Maurice MAS

La recherche porte sur la description contrastive des effets différenciateurs


induits par des modalités différentes d ’enseignement / apprentissage de
l’évaluation des écrits en classe sur les compétences évaluatives d ’élèves de
CEI et de CM2. Les observations ont été conduites, d ’une part dans des
classes pratiquant une évaluation formative critériée de ces écrits (désormais
appelées “classes R”), d’autre part dans des classes pratiquant une évalua­
tion à dominante normative (désormais appelées “classes nR”). Elles portent
sur 116 élèves de CEI et de CM2, appartenant à 20 classes réparties égale­
ment en classes R et classes nR.
Par son objet d ’étude, constitué par les compétences évaluatives des élèves
[Cf. 1], la recherche s’inscrit dans la logique d’ensemble des recherches du
Groupe INRP “Pratiques d’évaluation des écrits des élèves” (dit EVA), pré­
sentées dans le chapitre I. Ces dernières lui ont fourni une grande partie de
son cadre de références théoriques, dont on développera ici [Cf. 2] les
avancées spécifiques. Seront présentés ensuite les principes méthodolo­
giques [Cf. 3] qui déterminent la mise en place du dispositif d’observation
[Cf. 4] et les modalités de recueil et de traitement des données [Cf. 5].

1. OBJET D’ÉTUDE : LES COMPÉTENCES


ÉVALUATIVES DES ÉLÈVES
La recherche a pour objet d’étude spécifique les compétences évaluatives
d’élèves de CEI et CM2. Pour des raisons qui seront données plus loin [Cf.
3.2.1], elle est limitée à l’analyse de la nature, du degré d’élaboration et des
procédures d’utilisation des critères d ’évaluation mobilisés par des élèves

27
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

dans des activités de production et de réécriture de récits (produits par


eux-mêmes et produits par un pair). Cette analyse implique l’observation et
la description des pratiques d ’évaluation des élèves. Le Groupe EVA for­
mule l ’hypothèse que ces pratiques, et les compétences qui permettent de les
mettre en œuvre, sont différentes selon les options didactiques des maîtres
(R / nR). Conduite de manière contrastive, en relation avec les pratiques
évaluatives de leurs maîtres, l’analyse débouche sur une contribution à la
définition de leurs compétences évaluatives.

1.1. Un choix inscrit dans la logique de recherches


précédentes
Les recherches précédentes du Groupe [voir bibliographie] ont montré que
les critères utilisés par les maîtres pour l’évaluation des écrits des élèves
sont très différenciateurs de leurs pratiques, car ils sont le lieu de variations
notables qui ont été explicitées (Garcia-Debanc & Mas, 1989 ; Mas, 1991)
et qui seront rappelées plus loin [Cf. 3.2.1.]. Elles concernent en particulier :
* les paramètres de la détermination des critères par les maîtres et/ou par
les élèves : en fonction de quels objectifs didactiques, de quels référents
scientifiques, de quelles représentations de l’écrit, les critères d’évaluation
utilisés sont-ils choisis et définis ?. . .
* le caractère implicite ou explicite de leur élaboration : par qui (le maître,
les élèves) ? comment sont-ils élaborés ?...
* leur utilisation : par qui (le maître seul, les élèves, le maître et élèves) ?
sous quelle forme (avec ou sans outils d’évaluation) ?...

1.2. Comment étudier les compétences évaluatives


des élèves ?
Les compétences évaluatives des élèves renvoient à des potentiels qui font
partie de la compétence scripturale, que Dabène (1991) définit, comme
“un ensemble de savoirs, de savoir-faire et de représentations concernant la
spécificité de l ’ordre du scriptural et permettant l’exercice d’une activité
langagière (extra)ordinaire)”. Ces composantes ne sont pas directement
observables, sinon à travers des indicateurs : les critères d ’évaluation
mobilisés par les élèves et les stratégies de leur utilisation dans des tâches
d ’évaluation d’écrits. L’observateur peut induire, à partir de l ’analyse de ces
critères et de ces stratégies d ’évaluation, un ensemble cohérent, opératoire et
adaptable de savoirs, manifestés et/ou explicites et de capacités, définies
comme des savoir-faire directement observables, qui constituent ces compé­
tences évaluatives. Pour le Groupe EVA, l ’analyse des compétences évalua­
tives des élèves ne se conçoit pas indépendamment des caractéristiques
textuelles et discursives des écrits produits par eux [Cf. Chapitre III].

28
Problématique de la recherche

La recherche a donc pour objectif de répondre aux questions suivantes :


* quelle est la nature des critères d’évaluation mobilisés par les élèves
dans des tâches d ’évaluation de récits ? [Cf. Chapitre IV]
* quelles sont les stratégies évaluatives des élèves ? de quelle manière
explicitent-ils des critères ? par quel métalangage se manifestent cette
explicitation, l’intégration des critères ? quels savoirs, savoir faire sont
mobilisés, construits à cette occasion ? Cf. Chapitre V]
Les réponses de la recherche à ces questions vont être développées dans les
chapitres suivants. Elles font mieux connaître les composantes des compé­
tences scripturales des élèves en matière de récits, dans un sens large
incluant la compétence à produire des récits, la compétence à les évaluer et
la compétence à les réécrire. Elles apportent également de nouvelles interro­
gations sur les relations entre ces diverses compétences et en particulier sur
le rapport entre compétence d ’évaluation et compétence de réécriture.

2. CADRE THÉORIQUE
Étant donné que cette recherche n ’est pas destinée à évaluer la mise en
œuvre de concepts théoriques préalablement déterminés mais à décrire les
effets sur les élèves de pratiques innovantes, élaborées, conceptualisées et
décrites par des recherches antérieures du Groupe EVA, son cadre théorique
a été en grande partie construit par et pour les recherches précédentes. Ce
cadre, dont on trouvera une présentation plus détaillée dans Mas & al.
(1991), est constitué de référents empruntés aux sciences du langage et
aux sciences de l ’éducation [Cf. 2.1], et de référents construits par le
Groupe EVA [Cf. 2.2], grâce à un travail spécifique de traitement de réfé­
rents scientifiques à des finalités didactiques (Romian & al., 1989).

2.1. Des référents empruntés aux sciences d ’appui


Le cadre théorique des recherches du Groupe EVA ayant déjà été présenté
dans des ouvrages précédents (Garcia-Debanc, Mas, 1989 ; Mas & al.,
1991), seules les grandes lignes seront rappelées ici.
2.1.1. Dans le domaine des sciences du langage

u Linguistique textuelle
Pour le Groupe EVA, la détermination de critères en vue d ’une évaluation
formative des écrits s’appuie essentiellement sur :
* la notion de type de texte (Adam, 1985 ; Bronckart & al., 1985), qui aide
à explorer et organiser la diversité des écrits sociaux (contes, reportages,
modes d’emploi, publicités, ...) et conduit à expliciter des critères d’éva­
luation diversifiés selon les types. On distingue en général des textes nar­

29
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

ratifs, descriptifs, prescriptifs,... et, par exemple, la “clôture” du texte peut


être un critère pour évaluer un texte narratif, tandis que 1’’’exhaustivité”
des informations est pertinente pour un texte informatif ou un texte pres­
criptif ;
* l’analyse des règles de fonctionnement des différents types de textes, qui
explicite divers aspects de l’organisation d’un écrit : les unités d’analyse
(phrase, relations entre phrases, ensemble du texte) sont étudiées selon
trois points de vue sur le fonctionnement de l’écrit (Morris, 1974 ;
Hagege, 1985) : pragmatique (problèmes d’écriture posés par la relation
entre l ’écrit et le contexte de sa production), sémantique (problèmes
d’adéquation entre l’écrit et son référent), morphosyntaxique (problèmes
liés à la mise en œuvre des règles de la langue).
■ Psycholinguistique
L’élaboration des critères avec/par les élèves, condition indispensable d’une
évaluation formative, s’appuie sur différents travaux concernant les aspects
psychologiques des apprentissages linguistiques écrits, en particulier :
* l’apprentissage de la compétence textuelle narrative par des enfants
(Denhiere, 1979 ; Fayol, 1981, 1984, 1985 ; Esperet, 1985) ; ces travaux
ont montré les limites des analyses qui ne prennent en compte que les
écrits produits, résultat de l’activité de production, et ils engagent à s’inté­
resser à l’analyse des processus de production ;
* c’est ce que font, entre autres, Hayes & Flower (1980) en distinguant les
opérations que doit gérer le scripteur (planification, mise en texte, révi­
sion). Ces opérations complexes entrent dans des relations non moins
complexes. Ainsi Fayol (1984) signale que “l ’écrivain confronté à une
rédaction travaille toujours en situation de surcharge mentale. Il lui faut en
effet activer en mémoire à long terme des contenus sémantiques, les relier
entre eux, leur imposer une organisation séquentielle qu’ils n ’avaient pas à
l’origine et enfin gérer des suites d ’énoncés en tenant compte simultané­
ment de contraintes locales et globales”. (Ces opérations correspondent
respectivement à ce que Hayes & Flower désignent par “planification” et
“mise en texte”) ;
* d’où l ’idée d’aider le scripteur par des techniques de facilitation procédu­
rale (Bereiter & Scardamalia (1982), rapporté par Fayol, 1984), visant par
exemple à automatiser la gestion de certaines marques locales (ortho­
graphe,...) afin de diminuer la charge de travail du scripteur.
■ Sociolinguistique
En attirant l ’attention sur l’ancrage social des phénomènes de langage, la
sociolinguistique montre la nécessité de prendre en compte, dans la didac­
tique de l’écrit, la composante socio-pragmatique, constituée de savoirs qui
“renvoient aux fonctions sociales de l ’écrit dans une société” et qui, comme

30
Problématique de la recherche

le souligne M. Dabène (1991) est “quasiment absente de la tradition scolaire


en matière d ’écriture”.

■ Linguistique génétique
Cette science, qui s’intéresse à l ’analyse des brouillons et avant-textes
d’écrivains (Fabre, 1991), propose une entrée nouvelle pour l’étude du pro­
cessus d ’écriture, à travers les reformulations et les réécritures.

2.1.2. Dans le domaine des sciences de Véducation

u Conceptions de Papprentissage
Les pratiques d’innovation mises en œuvre dans la recherche réfèrent à un
modèle appropriatif de l’apprentissage (Giordan & De Vecchi, 1987) qui
accorde à l ’apprenant (qu’il soit individuel ou collectif) un statut actif et
déterminant dans la construction des savoirs.
■ Conceptions de l’évaluation
Ces pratiques s’inscrivent en outre dans le cadre des principes de l ’évalua­
tion formative (Allai & al., 1979 ; Amigues & Bonniol, 1981 ; Cardinet,
1983), dont le rôle n’est pas, comme dans l ’évaluation sommative, d’établir
un bilan des acquis au terme d’un cycle d’apprentissage, mais qui est conçue
comme un moyen de réguler le processus d’apprentissage dont elle fait par­
tie intégrante.

2.2. Des référents construits par les recherches


du Groupe EVA
Les recherches antérieures du Groupe ont produit, à partir de référents théo­
riques existants et des pratiques innovantes mises en œuvre, des concepts et
des modèles d ’analyse sur lesquels peut s’appuyer la recherche actuelle.

2.2.1. Un modèle d’analyse des critères d’évaluation mobilisés par


les élèves dans leurs écrits : le CLID [Tableau A, voir page 32]
Les premières innovations pour la mise en œuvre d’une évaluation forma­
tive des écrits des élèves ont conduit le Groupe à s’appuyer sur les apports
des typologies de textes pour élaborer des listes de critères prenant en
compte les spécificités textuelles des différents types (critères pour les
récits, pour les écrits explicatifs, pour les règles de jeu...). La nécessité
didactique de dépasser ce stade pour construire un outil d ’évaluation à la
fois complet et utilisable quel que soit le type d ’écrit concerné a abouti
(Turco, 1987) à classer les critères dans un Tableau de Classement des
Critères (T.C.C.) en croisant deux sortes de données.

31
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

Texte dans
Relations entre phrases Phrase
de vue son ensemble
- L 'a u te u r tie n t-il - La fonction de gui­ - La construction des
com pte de la situ a ­ dage du lecteur est-elle phrases est-elle variée,
tion ? (qui parle ou est assurée ? (u tilisa tio n adaptée au type
censé parler ? à qui ? d'organisateurs d'écrit ? (diversité dans
pour quoi faire ?) textuels : d'une part... le choix des inform a­
- A -t-il choisi un type d ’autre part ; d'abord, tions mises en tête de
d'écrit adapté ? (lettre, ensuite, enfin...) phrase...)
Pragmatique fiche technique, conte...) - La cohérence th é ­ - Les marques de
- L'écrit produit-il l'effet matique est-elle satis­ l'énonciation sont-elles
recherché ? (informer, faisante ? (progression interprétables,
faire rire, convaincre...) de l'information, absen­ adaptées ? (système
ce d'ambiguïté dans les du récit ou du discours,
enchaînements...) utilisation des démons­
tratifs...)
- L'information est-elle - La cohérence sé­ - Le lexique est-il adé­
p e rtinente et cohé­ mantique est-elle assu­ quat ? (absence d 'im ­
rente ? rée ? (absence de pré cisio n s ou de
- Le choix du type de c o n tra d ic tio n d'une confusions portant sur
texte est-il approprié ? phrase à l'autre, substi­ les mots)
(narratif, explicatif, des­ tu ts nominaux appro­ - Les phrases so n t-
Sémantique criptif...) priés, explicites...) elles sémantiquement
- Le vocabulaire dans - L'articulation entre acceptables ? (absen­
son ensem ble et le les phrases ou les pro­ ce de co n tra d ictio n s,
registre de langue sont- positions est-elle mar­ d'incohérences...)
ils homogènes et adap­ quée efficacem ent
tés à l'écrit produit ? (choix des connecteurs :
mais, si, donc, or...)

- Le mode d'organisa­ - La cohérence syn­ - La syntaxe de la


tion correspond-il au(x) taxique est-elle assu­ phrase est-elle gram­
type(s) de texte(s) rée ? (utilisation des m aticalem ent accep­
choisi(s) ? articles définis, des pro­ table ?
- Compte tenu du type noms de reprise...) - La morphologie ver­
d 'é c rit et du typ e de - La cohérence tem ­ bale est-elle maîtrisée ?
Morpho­ texte, le système des porelle est-elle assu­ (absence d'erreurs de
syntaxique temps est-il pertinent ? rée ? conjugaison)
homogène ? (par exem­ - La concordance des - L'orthographe ré­
ple imparfait/PS pour un te m p s et des modes pond-elle aux normes ?
écrit...) est-elle respectée ?
- Les valeurs des
tem ps verbaux so n t-
elles maîtrisées ?

- Le support est-il bien - La segmentation des - La ponctuation de la


choisi ? (cahier, fiche, unités de discours est­ phrase est-elle maîtri­
panneau mural...) elle pertinente ? (organi­ sée ? (virgules, paren­
- La typographie est­ sation en paragraphes, thèses...)
elle adaptée ? (style et d is p o s itio n ty p o g ra ­ - Les majuscules sont-
Aspects taille des caractères...) phique avec décalage, elles utilisées conformé­
matériels - L'organisation de la sous-titres...) ment à l'usage ? (en
page est-elle satisfai­ - La ponctuation déli­ début de phrase, pour
sante ? (éventuellement, m ita n t les unités de les noms propres...)
présence de schémas, discours est-elle maî­
d'illustrations...) trisée ? (points, ponc­
tuation du dialogue...)

INRP - EVA. 1991 Tableau A : QUESTIONS POUR ÉVALUER LES ÉCRITS

32
Problématique de la recherche

Ces données sont les suivantes :


- les unités du texte concernées : texte dans son ensemble, enchaînements
entre phrases, phrase ;
- les points de vue sur le fonctionnement du texte, dans le sens donné par
Hagege (1985) à ce terme : pragmatique, sémantique, morphosyntaxique,
auxquels a été ajouté l ’aspect matériel, qui se manifeste sous chacun des
points de vue précédents, et qu’il a paru pertinent d’ajouter en parallèle car
il est facilement repérable par le lecteur et constitue un objet d’apprentissage
important.
Chacune des douze cases ainsi définies (soit douze lieux possibles d’inter­
vention didactique) a été complétée par un ensemble d’indicateurs (faits
observables) correspondant à un lieu du fonctionnement du texte. Le tableau
peut alors aider les maîtres à repérer les problèmes des élèves quant au fonc­
tionnement du texte. Comme il permet de les situer par rapport à des coor­
données explicites (unité du texte, point de vue de fonctionnement), il aide à
choisir la nature et les modalités d’interventions didactiques conduisant les
élèves à engager une réécriture. D ’où son appellation de tableau de
Classement des Lieux d’intervention Didactique (CLID) qui sera utilisé
désormais. Le tableau A le présente dans sa dernière version.
Le CLID est aussi un outil de recherche : d’une part, il constitue l ’une des
bases théoriques du “Modèle d ’analyse des pratiques évaluatives des
maîtres”, élaboré par Turco (1989 b et 1991) [Cf. 2.2.3] et du “Modèle
d’analyse didactique du savoir-écrire”, élaboré par Mas (1991) [Cf. 2.2.4] ;
d’autre part il a servi à construire des outils pour le traitement des données
de cette recherche [Cf. Chapitre III. 3.1.3 : Présentation de l ’outil de
dépouillement des écrits, et Chapitre IV. 1.2.1: L’outil de recensement : le
CLID “zoné”].
Ce CLID s’est avéré par ailleurs être un outil de formation des maîtres par­
ticulièrement heuristique, dans la mesure où il permet de traiter la com­
plexité des écrits dans leur pluridimensionnalité (Séguy, 1989). Le Groupe
EVA a construit, dans cet esprit, une version vulgarisée du CLID :
“Questions pour évaluer les écrits” (Groupe EVA, Finet, Gadeau, 1991) qui
devrait aider les maîtres dans les multiples évaluations qui sont le quotidien
des classes.
2.2.2. La notion de critère didactique
L’utilisation formative de l’évaluation dans une perspective d ’apprentissage
a rendu nécessaire la construction de critères prenant en compte à la fois,
d’un point de vue didactique, les caractéristiques des écrits et les objectifs de
l’apprentissage des élèves. Le critère d ’évaluation des écrits est ainsi décrit
(Mas, 1989) non comme la projection normative d’une règle de fonctionne­
ment linguistique, ni comme le reflet d ’une représentation plus ou moins
individuelle”, mais comme “le résultat, à un moment donné, d ’une mise en

33
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

relation complexe par des sujets - dans le cadre d’une construction réglée
par l’expérience individuelle et collective (scolaire et non scolaire) - entre
les caractères d ’un produit à réaliser et/ou du processus pour le réaliser,
l’image qu’ils sont capables de s’en faire en fonction de leur fréquentation
des écrits, et la maîtrise qu’ils peuvent, selon leur âge, en acquérir”.
Cette conception du critère didactique est à mettre en relation avec la notion
de degré d’explicitation des critères par les élèves, développée par Garcia-
Debanc (1988 c), à qui est emprunté le passage suivant, dans lequel elle dis­
tinguait alors plusieurs degrés selon la capacité des élèves à :
44 - reconnaître intuitivement la présence/absence d’un trait caractéristique,
indicateur potentiel d ’un critère à construire, sans le localiser. Ces opéra­
tions de reconnaissance (...) se manifestent dans des jugements comme :
“Véronique, elle a tout expliqué et elle a bien expliqué”. choix effective­
ment judicieux d ’un texte satisfaisant mais sans justification de ce
jugement ;
“- désigner des indicateurs pertinents, c’est-à-dire localiser l ’origine d’un
effet de compréhension dans un cas particulier. Par exemple : “T ai choisi
Cyril, parce qu’il a mis des choses justes, un peu dans le désordre". La dési­
gnation comporte un premier degré de justification (...). A ce degré, des
indicateurs sont relevés mais ne sont pas encore organisés en critères ;
“- expliciter, c’est-à-dire organiser un ensemble d ’indicateurs en critères
(...) : “Le texte de Véronique répond à toutes les questions qu’on peut se
poser” , critère d ’efficience communicationnelle valable pour tout texte
explicatif ;
“- se référer à des critères préalablement explicités, c ’est-à-dire identifier
les paramètres d ’une situation de production de textes et les rapporter à des
cas antérieurement rencontrés : “Il faut expliquer les mots que les élèves de
l’autre école ne vont pas comprendre”.
“ Le degré supérieur de maîtrise est obtenu lorsque les élèves ont intégré les
critères, c ’est-à-dire les utilisent de façon plus ou moins automatisée.”
2.2.3. Un modèle d*analyse didactique des pratiques évaluatives
des maîtres
L’analyse contrastive des pratiques d’évaluation des maîtres R et nR a mon­
tré que la nature didactique des critères utilisés (référents théoriques, lieux
d ’intervention sur les écrits, répertoriés selon les cases du CLID [Cf.
2.2.1]...) était, conformément à l ’hypothèse de cette recherche, un lieu de
différenciation didactique, de même que les stratégies d ’enseignement et
plus spécialement les stratégies d’évaluation (modèle d’apprentissage de
référence, consignes et outils de travail, caractéristiques du processus d’éva­
luation,...) qui leur sont associées. En croisant les variables correspondant à
ces deux pôles (nature des critères, stratégies d’enseignement / évaluation),
Turco (1989b) propose un modèle d’analyse des pratiques évaluatives des

34
Problématique de la recherche

maîtres qui détermine q uatre architypes correspondent chacun à un


ensemble cohérent de traits spécifiques. Dans la version ci-dessous, le
tableau est actualisé avec l ’ajout du mot “évaluation” à côté de “stratégies
d’enseignement”.
TRAITS RELATIFS AUX CRITÈRES
D’ÉVALUATION
nR R
TRAITS RELATIFS R Architype 1 Architype 3
AUX STRATÉGIES
D’ENSEIGNEMENT/
ÉVALUATION nR Architype 2 Architype 4

Tableau B

Architype 1 : critères normatifs et stratégie impositive


Architype 2 : critères normatifs et méthodes actives
Architype 3 : critères renouvelés/stratégie plutôt transmissive
Architype 4 : critères pluridimensionnels/évaluation formative.

2.2.4. Un modèle dyanalyse didactique du savoir-écrire des élèves


[Tableau B, voir page 36]
Si son objet d ’étude est focalisé sur les compétences évaluatives des élèves,
la recherche considère ces compétences dans le cadre plus général de
l’apprentissage du “savoir-écrire”, pour lequel Mas a élaboré un “modèle”
qui tente de compléter l’analyse pluridim ensionnelle de l’écrit, telle
qu’elle apparaît dans le CLID, par une analyse dynamique du savoir-
écrire considéré comme processus, rendue indispensable par la recherche
actuelle (Mas, 1991).
Cette explicitation du savoir-écrire se présente sous forme d’un tableau [Cf.
tableau B, présenté ici dans sa dernière version] qui analyse et balise le
champ complexe de l ’activité de production d ’écrits. Il reprend en filigrane
les points de vue du CLID (pragmatique / sémantique / morphosyntaxique /
aspects matériels), articulées à une analyse des opérations en jeu dans la
production d’écrit (selon Hayes & Flower, 1980) : il tend à structurer ainsi
un inventaire des problèmes d ’écriture que l ’apprenti-scripteur doit
apprendre à résoudre.
2.2.4.I. Quels problèmes rencontrent les élèves en production d ’écrit ?
Cet inventaire de problèmes d ’écriture n ’a pas été établi a priori, mais
résulte d ’une explicitation et d’une organisation des principaux problèmes
rencontrés par les élèves (et par les maîtres) dans l ’enseignement / appren­
tissage de la production d’écrits. Cette élaboration s’est faite en interaction
avec une exploration théorique du savoir-écrire qui en a fourni des catégories

35
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

INRP - EVA _______________________________________________________


TYPES D'OPÉRATIONS FONCTIONS ET OBJETS

TABLEAU B ANALYSE DIDACTIQUE D rO


Problématique de la recherche

Privas mars 1992


...DES OPÉRATIONS PROBLÈMES D'ÉCRITURE À RÉSOUDRE
INTERACTION 1. Qui écrit, est censé écrire ? À qui ?

ENJEU 2. Pourquoi écrit-on ? en vue de quel effet ?

TYPE DE DISCOURS 3. Quel type de discours convient le mieux ?

SUPPORT 4. Quelles ressources, contraintes du support ?

PERSPECTIVE 5. Que veut-on, peut-on dire du référent ?

SÉLECTION 6. De qui (quoi) faut-il alors parler ?

ORGANISATION 7. Quel principe d'organisation d'ensemble ?

HIÉRARCHISATION 8. Que mettre en évidence, au premier plan ?

MAQUETTAGE 9. Réaliser la maquette, mettre en page.

GRAPHIE 10. Écrire le texte de manière adéquate et lisible.

ACCEPTABILITÉ 11. Mettre en œuvre les règles de la langue.

12. Assurer la continuité du sens entre phrases.


COHÉSION
13. Régler les rapports des temps verbaux.

SEGMENTATION 14. Signaler les articulations du texte.

CONNEXION 15. Connecter mots, groupes de mots, phrases

.MODALISATION 16. Régler les marques de modalisation.

17. Adéquation au projet d'écriture.

TOUTES LES 18. Pertinence et acceptabilité sémantiques.


* OPÉRATIONS
19. Lisibilité de l'objet-texte.

20. Grammaticalité des formes et des structures.

IR-ECRIRE” DES ELEVES

37
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

ries d’analyse et de classement. Parmi les référents disponibles, l’explicita­


tion par Hayes et Flower des trois types d’opérations en jeu dans la produc­
tion d ’écrits (planification, mise en texte et révision), évoquée par un article
de Fayol (1984) et développée par Garcia-Debanc (1986), a fourni le cadre
général à l ’intérieur duquel on a tenté une réorganisation des entrées du
CLID.
Dans son état actuel cet inventaire comporte trois ensembles, organisés en
relation avec les trois types d ’opérations proposés par Hayes & Flower.
* Dans une première partie, il se présente sous forme de questions (pro­
blèmes 1 à 8) que le scripteur se pose (ou devrait apprendre à se poser),
implicitement ou explicitement. Les réponses à ces questions permettent
une première planification de l’écrit, qui consiste “à définir le but du texte
(...) et à établir un plan-guide de l’ensemble de la production” (Garcia-
Debanc, 1986) ; ces questions sont réparties en deux groupes : gestion de
l’interaction (qui correspond au point de vue pragmatique du CLID et
gestion de l’objet du discours (qui correspond au point de vue séman­
tique du CLID).
* D’autres problèmes, en relation avec des tâches à réaliser (9 à 16), cor­
respondent aux opérations de mise en texte, qui “désignent les activités
liées à la rédaction proprement dite” (Garcia-Debanc, 1986) et concernent
le point de vue morphosyntaxique et les aspects matériels et graphiques du
CLID.
* Enfin, pour la révision, les problèmes (17 à 20) consistent à vérifier si
l’état du texte produit satisfait aux trois grands groupes de critères (adé­
quation du point de vue pragmatique au projet d ’écriture, pertinence et
acceptabilité sémantique des informations retenues, grammaticalité des
formes et des structures, lisibilité de l’ensemble) et à procéder aux mises
au point jugées nécessaires.
2.2.4.2. L’analyse des opérations enjeu dans l’acte d ’écriture
Si le lecteur entreprend maintenant une lecture du tableau B de gauche à
droite, il peut observer que, à chacun des trois grands types d’opérations
présentés ci-dessus, correspondent des opérations spécifiques, désignées par
leur fonction, sous forme d’un verbe à l’infinitif (contextualiser..., choi­
sir..., analyser/créer...). Chaque fonction s ’exerce sur un ou plusieurs
objets, indiqué(s) en regard : chacun de ces objets est susceptible d’être le
siège d ’un problème d ’écriture. On voit ici comment s’opère l’articulation
entre la construction du modèle théorique de référence pour l’analyse du
savoir-écrire et la définition des problèmes didactiques concernant la mise
en œuvre de ce savoir-écrire. L’inventaire et la désignation de ces opéra­
tions, empruntent en grande partie, outre à Hayes & Flower (1980), aux tra­
vaux de Bronckart & al. (1985) et de Schneuwly (1988) en les adaptant aux
finalités et aux exigences du projet EVA.

38
Problématique de la recherche

Chacune de ces opérations se réalise dans un cadre constitué par des choix à
faire entre des possibilités offertes par la situation, le référent, les ressources
de la langue, et des contraintes à respecter, dont certaines dépendent de
normes langagières plus ou moins variables (d’ordre culturel, sociolinguis­
tique), et de normes linguistiques plus ou moins stables (essentiellement
d’ordre morphosyntaxique). En raison du caractère “systémique” du savoir
écrire, la plupart des choix sont faits en relation avec des options prises ou à
prendre à d ’autres niveaux d’opération. En effet, si l’on considère que ces
opérations ne se réalisent pas dans l’ordre linéaire, adopté ici pour la clarté
de l’exposé, mais qu’il s’agit d’un système d’opérations interdépendantes,
interactives, on a une idée de la complexité des apprentissages à faire pour
maîtriser la production d’écrits.
■ Opérations de planification
Du point de vue pragmatique, on retiendra deux opérations :
* la contextualisation du projet d’écriture pour but de régler les relations
entre l’écrit à produire et le contexte de sa production. Elle a pour objets
l ’établissement de la "relation" entre énonciateur et destinataire et la prise
en compte de 1’ "enjeu” de l ’écrit ;
* l ’adoption d ’une stratégie discursive, qui dépend de l’effet qu’on veut
obtenir (plaire, convaincre, informer,...) et du statut du destinataire. En
fonction de ces paramètres constitutifs du projet d ’écriture, le scripteur
choisit :
- le "type de discours" à produire : on peut tenter de convaincre un
lecteur en argumentant, mais aussi en lui racontant une histoire, en
lui expliquant un phénomène...,
- le "support" matériel le plus approprié pour le transmettre.
Ces quatre objets (relation, enjeu, type de discours, support) constituent
autant de lieux de variantes entre lesquelles le scripteur doit choisir dans le
cadre des variations et des contraintes sociolinguistiques qui déterminent ces
choix et en interaction avec d’autres choix faits ou à faire à d’autres points
de vue.
Du point de vue sémantique on retiendra deux opérations ayant chacune
deux objets :
* l’analyse (ou la construction) du référent, qui implique la définition
d’une "perspective d’analyse” (en partie déterminée par des choix précé­
dents d’ordre pragmatique) et la "sélection des informations" pertinentes
par rapport au projet d’écriture tel qu’il a été contextualisé ;
* le choix du schéma textuel, c ’est-à-dire de la microstructure sémantique
qui sert à la fois d ’outil pour l’analyse du référent et de cadre pour la mise
en forme des résultats de cette analyse. Cette construction se réalise par
des opérations d’ "organisation" et de "hiérarchisation" des informations
retenues.

39
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

Ces deux opérations s’effectuent le plus souvent en étroite relation avec les
paramètres concernant des opérations d’ordre pragmatique.

■ Opérations de mise en texte


Du point de vue morphosyntaxique, à partir de Schneuwly (1988) qui dis­
tingue trois types d’opérations : segmentation/connexion, cohésion, modali-
sation, et en fonction de ses recherches antérieures et des objectifs de la
recherche actuelle, le groupe EVA distingue pour cette analyse du savoir-
écrire des élèves deux opérations, qui se caractérisent chacune par un ou
plusieurs objets spécifiques :
• la réalisation de l’objet-texte, qui a pour objets essentiels le "maquet-
tage” (du point de vue de la mise en page) et la "graphie” (du point de
vue de la lisibilité) ;
• la mise en mots proprement dite, qui se réalise à travers plusieurs opéra­
tions visant à :
* la production de phrases, qui a pour objet 1’ "acceptabilité " des
phrases produites ;
* la gestion de la progression/continuité, qui a pour objet d’assurer la
"cohésion” : "continuité” entre syntagmes nominaux (par ex. reprise
d ’une information par un substitut, un synonyme, une périphrase,...),
et ((homogénéité” entre syntagmes verbaux (par ex. maintien du sys­
tème modal ou temporel adéquat : infinitif dans un texte prescriptif,
imparfait/passé simple dans un récit) ;
* la structuration d ’ensemble du texte, qui a pour objet la "segmenta­
tion/connexion” : distribution en paragraphes, la ponctuation forte,
associée au découpage du texte.
Les opérations de modalisatiôn, qui “ferment la boucle et articulent le dis­
cours avec l’interaction sociale dans le contexte” (Schneuwly, op. cit. p. 43)
ont pour objet, à travers les opérations précédentes de la mise en texte et en
relation avec toutes les autres opérations du processus, le choix des mar­
queurs adéquats.
■ Opérations de révision
Elles sont considérées essentiellement dans cette recherche en tant qu’elles
ont pour objet d’évaluer (repérer pour, le cas échéant réécrire) l’adéquation
au projet d’écriture des choix faits aux niveau pragmatique et sémantique et
la cohérence de ces choix entre eux, la pertinence des moyens linguis­
tiques utilisés (effets d’incompréhension possibles), la lisibilité de l’objet-
texte et la grammaticalité des formes et structures utilisées (morphologie
et syntaxe).

40
Problématique de la recherche

Elles sont récurrentes par rapport aux autres opérations qu’il s’agit précisé­
ment de réguler. Elles ont donc à intervenir tout au long des processus
rédactionnels et pas seulement à la fin.

3. PRINCIPES MÉTHODOLOGIQUES :
HYPOTHÈSE ET VARIABLES
La recherche, qui porte sur un objet relativement peu exploré,
répond à deux caractéristiques essentielles :
- qualitative, elle tend à expliciter, à propos des deux ensembles d ’élèves
constitués, la nature et le degré d ’élaboration de leurs critères et de leurs
stratégies d’évaluation ;
- contrastive, elle vise à caractériser, du point de vue des critères d ’évalua­
tion utilisés pour la révision de récits, les élèves des classes R (évaluation
formative à critères pluridimensionnels) par rapport à ceux des classes nR
(évaluation normative).
Ces principes déterminent l’hypothèse et les variables prises en compte, la
mise au point du dispositif d ’observation [Cf. 4] et les modalités de recueil
et de traitement des données [Cf. 5].

3.1. Hypothèse
La recherche pose en hypothèse que les compétences évaluatives des élèves,
concernant des récits produits par eux et par un pair, diffèrent selon la nature
des pratiques évaluatives (critères, stratégies d ’évaluation) du maître de la
classe. Il s’agit de vérifier l’existence de cette relation et, le cas échéant, de
l’analyser.

3.2. Variables
Plusieurs variables ont été retenues, à partir de celles qui ont été repérées
comme les plus significatives par la recherche précédente sur la description
des pratiques d’évaluation des maîtres (Mas & al., 1991).

3.2.1. Variable d’étude : les critères d’évaluation des élèves


Le Groupe EVA postule que cette variable, définie comme pertinente par la
recherche sur les pratiques d ’évaluation des maîtres pour caractériser des
types de comportements évaluatifs spécifiques, l’est également pour caracté­
riser des types de comportements évaluatifs d’élèves. La présente recherche
a contribué à expliciter les caractéristiques spécifiques et distinctives de
cette variable, concernant les élèves, en relation avec la catégorisation
didactique de leur maître selon la variable R / nR. Les composantes de cette
variable et leurs modalités sont énumérées ci-dessous avec leurs principaux

41
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

indicateurs, présentés, lorsque c ’est possible et pertinent, dans l ’ordre :


dominant en R / nR ; entre crochets, est indiqué le chapitre du présent
ouvrage dans lequel elles sont plus particulièrement étudiées.
Cette variable se manifeste à travers :
• La nature des critères mobilisés [Cf. Chapitre IV], définie par :
- l ’unité de texte concernée : ensemble du texte, enchaînements entre
phrases, phrase / essentiellement : phrase ;
- le point de vue linguistique privilégié : pragmatique, sémantique, morpho­
syntaxique / essentiellement morphosyntaxique.
• L’explicitation des critères dans le discours évaluatif des élèves [Cf.
Chapitre V] :
- degré d’élaboration : reconnaissance, désignation, explicitation, référence,
intégration ;
- modalités de la référence aux critères : régulière / occasionnelle ; avec
médiation de l’écrit / surtout orale ; recours à un outil / sans recours à un
outil.
• Les savoirs mobilisés/construits dans et par la production d ’écrits [Cf.
Chapitre V] :
* savoirs expérienciels : liés à la fréquentation d’écrits sociaux (scolaires,
non scolaires) diversifiés / liés essentiellement aux écrits scolaires ;
* savoirs opératoires : capacité à utiliser des outils d’écriture (par ex.: une
liste de critères élaborée en classe pour guider l’écriture) / capacité à se
référer à des outils globaux (dictionnaires,...) ou spécialisés (manuel
d’orthographe) ;
* savoirs conceptuels (par exemple) :
. conceptions de la réécriture prenant en compte l’ensemble du proces­
sus rédactionnel / focalisée sur des améliorations ponctuelles du pro­
duit,
. métalangage utilisé pour exprimer des règles d ’ordre textuel concer­
nant par exemple la structure d’ensemble du récit, la cohésion dans
l ’emploi des temps,... en relation avec la grammaire, l’orthographe, le
vocabulaire / des règles d’ordre phrastique concernant essentiellement
l ’orthographe, la grammaire, le vocabulaire...

3.2.2. Variable de référence : la caractéristique didactique


dominante (R I nR) du maître de la classe
Etant donné que la variable R / nR est centrale pour la recherche, les maîtres
des classes observées ont été choisis en fonction d’indicateurs permettant de
les situer dans l ’une ou l’autre catégorie (R / nR). De ce point de vue, il faut
rappeler que le traitement de cette variable par la recherche sur la descrip­
tion des pratiques d’évaluation des maîtres a conduit à l’élaboration d ’un
modèle d ’analyse de ces pratiques [Cf. 2.2.3] qui repose sur le croisement de

42
Problématique de la recherche

deux séries de sous-variables (critères d ’évaluation et stratégies d ’enseigne-


ment/évaluation), dont voici, pour les principaux indicateurs, les modalités
dominantes en R / nR (Turco, 1989 b et 1991).
3.2.2.1. Les critères d’évaluation utilisés par les maîtres
* Pratiques sociales (scolaires et non scolaires) de référence :
- écrits circulant en classe : écrits sociaux diversifiés / textes d ’auteur ;
- supports “scolaires” : supports diversifiés selon les fonctions de l’écrit /
cahier, feuille ;
- statut des écrits produits en classe : objets sociaux insérés dans un réseau
de communication et d’action / objets scolaires destinés à être corrigés.
* Lieux d ’intervention didactique privilégiés :
- unité : texte, enchaînements entre phrases / phrase ;
- point de vue : rôle premier du pragmatique, plus le sémantique, le mor­
phosyntaxique, le graphique / surtout le morphosyntaxique.
3.2.2.2. Les stratégies d’enseignement/évaluation des maîtres
* Modèle d ’apprentissage de référence :
- centré sur : la résolution de problèmes d ’écriture / la reproduction de
modèles adultes ;
- stratégies : relativement diversifiées / constantes.
* Médiations entre savoirs et apprenants :
- circuit long (médiation du groupe, confrontation aux autres, aux données
du réel, à d’autres textes...) / circuit transmissif court (maître médiateur
entre deux états de connaissance).
* Consignes et outils de travail (dictionnaires, ouvrages scolaires, listes de
critères, documents élaborés par les élèves) :
- nombreux, diversifiés, évolutifs / en petit nombre, fixes ;
- élaborés avec les élèves / établis, choisis par le maître.
* Caractéristiques du processus d ’évaluation :
- évaluation formative, critériée, avec les élèves, en cours du processus
d’écriture / évaluation sommative, normative, par le maître, au terme de la
rédaction.

3.2.3. Variables contextuelles concernant les élèves


Ces variables, qui seront explicitées plus loin [Cf. 4.2] lors de la présenta­
tion de la population observée, n ’ont pas fait l’objet d’analyses spécifiques,
mais elles ont été utilisées pour tenter de caractériser plus finement des ten­
dances générales qui se dégageaient des premières analyse du corpus :
* la variable “appartenance à l’une des 3 catégories : “bon”, “moyen” ,
“faible” en Français” (selon l ’appréciation du maître de la classe)
[Cf. infra 4.2.2] est utilisée de manière systématique dans le Chapitre III
consacré aux compétences scripturales des élèves. Elle apparaît également

43
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

dans le Chapitre IV qui présente un tableau d ’ensemble des compétences


évaluatives des élèves ;
* la variable “appartenance socioculturelle” est ponctuellement utilisée (à
propos de la maîtrise de l’orthographe) dans le Chapitre III, ainsi que la
variable “sexe” (à propos de la longueur des textes) ;
* la variable “niveau” (CE / CM) : pour des raisons circonstancielles, elle
n’a pas pu être exploitée de manière systématique ; elle donne cependant
lieu à d’intéressantes comparaisons dans le Chapitre IV.

4. DISPOSITIF D’OBSERVATION
Les principes théoriques et méthodologiques de la recherche impliquent la
mise en place d’un dispositif d’observation dont on va décrire et expliciter
les composantes essentielles : la définition du corpus à recueillir [Cf. 4.1.]
et celle de la population à constituer pour recueillir ce corpus [Cf. 4.2].

4.1. Le corpus
Les objectifs de la recherche conduisent à recueillir auprès des élèves (des
classes R et des classes nR) des données permettant :
- d’une part d’étudier leurs compétences évaluatives en matière de récit,
celles-ci étant définies par rapport à leurs compétences de production attes­
tées ;
- d ’autre part, de comparer les pratiques évaluatives des élèves selon
qu’elles ont pour objet leur propre écrit ou celui d’un pair.
C’est pourquoi les données recueillies auprès de chaque élève observé
s’organisent en deux grands ensembles : la production d ’un récit, suivie de
son auto-évaluation et de sa réécriture éventuelle et l ’évaluation d ’un écrit
“problématique” du même type produit par un pair.
Avant de présenter la composition du corpus [Cf. 4.1.3], il convient d ’expo­
ser brièvement les réponses à deux questions qui éclairent les choix faits par
le Groupe EVA : pourquoi se limiter au récit ? [Cf. 4.1.1.] et quel est le rôle
de l’“écrit problématique” ? [Cf. 4.1.2].

4.1.1. Pourquoi se limiter au récit ?


Le choix du récit, qui peut paraître restrictif, se justifie doublement :
- d ’une part, la production de récits est présente dans toutes les classes,
quelle que soit la pédagogie pratiquée par le maître (R ou nR) : elle met tous
les élèves en situation connue et permet le réinvestissement d’acquis ;
- d’autre part, l’acquisition du récit par les enfants a fait, dans les dernières
années, plus que celle d’autres types de textes, l’objet de travaux linguis­
tiques et psycholinguistiques [Cf. supra 4.2] utilisables pour la recherche.

44
Problématique de la recherche

Le choix du récit étiologique, qui est rarement pratiqué à l ’école élémen­


taire, permet de neutraliser un avantage éventuel d ’un type de classe sur
l’autre. Enfin, la consigne, proposant une phase finale, induit la nécessité
d ’une planification d’ensemble du récit. Notons cependant que ce choix
défavorise d ’un certain point de vue les élèves des classes R, entraînés à
produire d ’autres types d’écrits, moins familiers à ceux des classes nR. Mais
le choix d ’un écrit prescriptif ou explicatif aurait risqué de trop favoriser, de
manière prévisible, les élèves des classes R.
4.1.2. Rôle de Vécrit problématique
Si l ’auto-évaluation procède d’écrits hétérogènes par définition, il était inté­
ressant, en parallèle, de faire évaluer par les élèves le même écrit probléma­
tique : le Groupe EVA a donc d’abord fait produire des écrits narratifs, par
des élèves de CEI et de CM2 pris en dehors des classes utilisées pour cette
recherche, à partir de la consigne :
“Tu écris une histoire se terminant par :
- “Et c’est depuis ce jour que les oiseaux volent”
- ou : “Et c’est depuis ce jour que les crabes ont des pinces"
- ou : “Et c’est depuis ce jour que les cochons ont la queue en tire-bou­
chon" .
Deux “écrits problématiques” ont été sélectionnés : “II y a un cochon...”,
pour le CEI et “Le volage des oiseaux” , pour le CM2, présentés et analysés
au début du chapitre IV [Cf. Chapitre IV 1.2.2].
Ces deux écrits offrent un ensemble de caractéristiques (réussites et dys­
fonctionnements) identifiables par les élèves et concernant les divers lieux
du fonctionnement d’un écrit (tels que les définit le CLID). Ils ont été sou­
mis aux élèves dans le but de vérifier si et en quoi leurs compétences éva­
luatives sont différentes selon l’origine de l ’écrit (le leur / un écrit de pair).
Notons que les élèves des classes nR se trouvent ici en terrain connu : pro­
duire un écrit sur consigne, sans enjeux pragmatiques identifiables. Ce n ’est
pas le cas des élèves des classes R, habitués à répondre à des projets d ’écri­
ture qui finalisent l’activité.
4.1.3. Composition du corpus
Le corpus est donc constitué par deux grands ensembles de données, dont
le mode de recueil sera explicité plus loin [Cf. Chapitre V].
* Les unes concernent l’écrit narratif, produit sur consigne par les élèves :
- son analyse a permis de décrire leurs compétences narratives initiales
des élèves.
Cet élément du corpus sera désigné par “T l” ;
- les remarques évaluatives écrites portées par l ’élève sur son texte (désor­
mais désignées par “EE-EC”) et les remarques orales, formulées dans
un entretien (désormais “EE-OR”) afin d’expliciter les remarques écrites,

45
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

permettent de décrire les compétences évaluatives de l ’élève sur son


propre écrit ;
- les modifications apportées en cas de réécriture aboutissent à un nouvel
état du texte (désormais “T2”), dont la comparaison avec l’état initial Tl
et avec les remarques évaluatives EE-EC et EE-OR permet d’étudier les
relations entre compétences évaluatives et compétences de production.
* Les autres concernent l’évaluation d’un écrit de pair, dit écrit problé­
matique (EP), produit à partir de la même consigne que l’écrit narratif Tl
et présentant des problèmes textuels variés, a permis de recueillir les
remarques évaluatives écrites des élèves sur ce texte (désormais
“EP-EC”) et les remarques orales destinées à les expliciter (désormais
“EP-OR”). Ces données ont été utilisées :
- d’une part, avec celles qui concernent l’écrit initial (Tl), pour étudier les
compétences évaluatives des élèves,
- d’autre part en comparaison avec elles pour expliciter des différences dans
les comportements évaluatifs des élèves selon l ’origine de l’écrit évalué :
écrit de l’élève (Tl) ou écrit problématique (EP).

4.2. La population
En fonction de la nature du corpus à recueillir, a été mis en place un disposi­
tif d’observation impliquant le choix des classes et des maîtres [Cf. 4.2.1] et
celui des élèves observés [Cf. 4.2.2].
4.2.1. Caractéristiques des classes et des maîtres

4.2.1.1. Les classes


Les classes retenues ont été choisies de manière à respecter un certain
nombre d’équilibres, en particulier entre classes R et classes nR.
* Du point de vue des niveaux, les classes se répartissent ainsi :
- 6 classes de CEI (2 classes R / 4 classes nR),
-14 classes de CM2 (7 classes R / 7 classes nR).
A l ’origine de la recherche, la population observée devait comporter un
nombre égal de classes de CEI et de CM2. Des mutations au sein d’équipes
de terrain qui devaient recueillir les données, ainsi que des difficultés ponc­
tuelles et imprévisibles ont empêché l ’utilisation d ’un certain nombre de
classes de CEI. Dans ces conditions, la recherche s’est donc focalisée sur
les élèves de CM2. Les données issues des classes de CEI sont cependant
prises en compte, en particulier au Chapitre IV, où elles donnent lieu à
d ’intéressantes comparaisons entre les tendances générales des deux
ensembles (CEI et CM2) et dans le Chapitre V pour des études de cas.
* Du point de vue sociologique, les deux classes R et nR retenues par une
même équipe de recueil des données présentent, dans la plupart des cas, des

46
Problématique de la recherche

caractéristiques sensiblement identiques ; mais c’est sur l’ensemble de la


population observée qu’il faut apprécier la répartition des élèves et les divers
équilibres à respecter, en particulier entre élèves de milieux plutôt favorisés
et élèves de milieux plutôt défavorisés. Les classes sont décrites, de ce point
de vue, au moyen d’un questionnaire adressé aux familles, déjà utilisé lors
de la recherche sur la description des pratiques évaluatives des maîtres. Les
réponses permettent de situer chaque élève dans l’un des 4 groupes sociocul­
turels (GSP) déterminés par deux indicateurs concernant chacun des deux
parents : le niveau de diplôme (d’après un classement de l’ONISEP) et le
niveau d’emploi (d’après les catégories INSEE). Le niveau le plus élevé
des 4 indicateurs (ou 2 en cas de famille monoparentale) est retenu pour
chaque élève et détermine son appartenance à l’une des 4 catégories (I : très
favorisé, II : favorisé, III : défavorisé, IV : très défavorisé). Tout a été fait
pour éviter, sur l ’ensemble de la population, une sur-représentation ou une
sous-représentation d’une des catégories.
* En outre, un équilibre entre classes d ’école annexe ou d ’application et
classes de circonscription a été recherché, ainsi qu’entre classes urbaines
et classes rurales.
4.2.1.2. Choix des maîtres
Le recueil des données a été effectué dans des classes (R et nR) dont la qua­
lité des maîtres est reconnue par l’institution :
- des maîtres R, désignés par le responsable de l ’équipe EVA dans le cadre
de laquelle ils travaillent en recherche-innovation, comme caractéristiques,
quant à leurs pratiques, de l’évaluation formative des écrits,
- des maîtres nR, extérieurs à l’équipe EVA et ne pratiquant pas une évalua­
tion formative des écrits, proposés par l’IEN (Inspecteur de l’Education
Nationale) ou le CPAIEN (Conseiller pédagogique de la circonscription)
comme de bons maîtres pratiquant une pédagogie efficace de l’expression
écrite.
4.2.2. Choix des élèves observés
Afin de ne pas trop perturber le fonctionnement habituel des 20 classes rete­
nues, tous les élèves ont participé à la rédaction des parties écrites du cor­
pus. Mais il était impossible (pour des raisons de faisabilité) de recueillir,
dépouiller et traiter des entretiens avec tous ces élèves. Il a donc été décidé
de réduire le recueil des données orales à 6 élèves par classe, et de ne faire
porter l ’ensemble du traitement que sur les données (écrites et orales)
recueillies auprès de ces 6 élèves. Ils ont été choisis par le maître, à raison
de deux élèves jugés bons (B), deux moyens (M), deux faibles (F) dans la
production d’écrits. Cette modalité permet, le cas échéant, de voir s’il existe
une relation entre le choix du maître, considéré comme significatif de la
représentation qu’il se fait de la compétence scripturale des élèves, et les

47
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

performances réelles des élèves dans les activités de production et d’évalua­


tion de récits qui leur sont proposées.
4.2.3. Mode de désignation des classes et des élèves
Afin de préserver l’anonymat des classes, celles-ci sont, comme dans la pré­
cédente recherche, désignées par une lettre suivie de R ou nR : on parlera
ainsi de la classe DR ou de l’ensemble des élèves HnR. Pour désigner un
élève en particulier, on ajoute un chiffre (de 1 à 6) qui renseigne sur l’appar­
tenance de l’élève à l’une des catégories “bon” en français (1 et 2), “moyen”
(3 et 4), “faible” (5 et 6). On écrira alors, par exemple, : l’élève HnR2.

5. MÉTHODOLOGIE DE RECUEIL
ET DE TRAITEMENT DES DONNÉES
La mise en œuvre du dispositif d’observation, destiné à réaliser une analyse
didactique des compétences évaluatives des élèves, s ’est opérée dans le
cadre de principes méthodologiques [Cf. 5.1] qui déterminent les modalités
du recueil [Cf. 5.2] et du traitement des données [Cf. 5.3].

5.1. Principes méthodologiques


Cette recherche ne vise pas à opérer des comparaisons entre élèves R et
élèves nR de la même équipe de terrain. Selon les principes de l’analyse
contrastive, elle traite globalement les données recueillies pour chacune des
deux composantes (R et nR) du corpus de manière d’une part à dégager des
tendances caractéristiques de chacune d’elles, d’autre part à expliciter des
aspects spécifiques des compétences évaluatives des élèves (R et nR). Le
traitement des données repose sur une analyse de contenu thématique à
partir de grilles d ’analyse construites selon des critères didactiques.
Pour la mise en œuvre de ces principes, le recueil et le traitement des don­
nées ont été répartis entre :
- d’une part une équipe de recherche-évaluation, composée de cinq res­
ponsables d ’équipes [Cf. Annexe 1] ; elle a conçu le dispositif de recueil
et de traitement des données et pris en charge leur analyse, leur interpréta­
tion et la rédaction du présent ouvrage ;
- d ’autre part toutes les équipes de terrain en tant q u ’éq u ip es
d ’observation ; elles ont assuré la mise en place du dispositif d’observa­
tion sur le terrain, le recueil des données et une première analyse.

48
Problématique de la recherche

5.2. Recueil des données auprès des élèves


Les données ont été recueillies au cours de trois opérations successives,
réalisées sur 2 semaines au cours du mois de mai 1987, dont le détail va être
explicité ci-dessous. Elles correspondant pour chaque élève à :
- opération 1 : production d’un écrit narratif sur consigne,
- opération 2 : évaluation d’un écrit problématique produit par un pair sur la
même consigne (annotations sur le texte et entretien),
- opération 3 : évaluation de son propre écrit (annotations sur le texte et
entretien).
La succession des opérations 1, 2, 3 se justifie par le fait que des observa­
tions préalables ont montré que les élèves repèrent plus facilement des pro­
blèmes dans des textes de pairs que dans les leurs :
- les opérations 1 et 2 ont été assez rapprochées (séparées de 1 à 3 jours
maximum) pour que l ’élève puisse faire le lien entre la tâche évaluative
d’un écrit de pair et l’écriture de son propre texte ;
- les opérations 2 et 3 ont été plus éloignées (entre 7 à 12 jours) pour facili­
ter la distanciation de l ’élève par rapport à son texte et éviter que les
tâches de l ’opération 3 ne soient parasitées par celles de l’opération 2, ce
qui fausserait le résultat des observations.
Dans chacune des classes (R / nR), l’observateur a présenté les opérations
aux élèves selon la même consigne : “Votre classe a été choisie pour étudier
comment les enfants de votre âge écrivent”. Il leur a demandé d ’écrire leur
texte en noir (afin de réserver le bleu pour les interventions sur les écrits).
5.2.1. Opération 1. Production d'un écrit narratif
Tous les élèves produisent un écrit individuel à partir de la consigne qui a
servi à la production de l’écrit problématique. Le temps d’écriture n ’est pas
limité, de manière à prendre en compte la diversité des usages des classes
concernées, Le maître ne commente pas la consigne et n’apporte pas d ’aide
au cours du travail ; mais il laisse les élèves consulter leurs outils habituels
(dictionnaires, fiches aide-mémoire, tableaux,...).

5.2.2. Opération 2. Évaluation d'un écrit problématique


Le lendemain (ou peu de jours après), les élèves reçoivent un exemplaire de
l’écrit problématique correspondant au niveau de leur classe, avec :
* les questions suivantes, auxquelles ils répondent individuellement par
écrit :
- qu’est-ce qui va bien dans ce texte ?
- qu’est-ce qui ne va pas bien ?
- que dirais-tu à l’enfant qui a écrit cette histoire pour l’aider à amélio­
rer son texte ?

49
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

* les indications suivantes :


- tu te sers d’un stylo qui écrive en bleu,
- tu écris tes réponses sous le texte,
- tu peux souligner, barrer, écrire à côté du texte.
Quand tous les élèves ont fini de répondre, un entretien individuel (enre­
gistré au magnétophone), avec chacun des six élèves choisis par le maître
permet, le cas échéant, d ’expliciter les réponses, afin d ’éviter les biais
d ’interprétation : demande de précisions, de reformulations, relances pour
obtenir des réponses.
N.B.: Les observateurs ont eu pour consigne de ne poser au cours de l’entre­
tien aucune question qui induise des réponses que l’élève n’aurait pas spon­
tanément faites. Ils ne s ’appuient que sur les réponses écrites ou les
indications portées sur le texte. Au cas où, par exemple, le problème des
outils utilisés par les élèves n ’aurait pas été spontanément abordé, ils
demandent : “De quoi t'es-tu servi ? Pour quoi faire ?” Ils terminent
r entretien par : “As-tu quelque chose à dire, que tu as oublié ou n’as pas eu
le temps d’écrire ?”
*
5.2.3. Opération 3. Evaluation par les élèves de leur propre texte
La semaine suivante, le maître distribue à chaque élève son propre texte
(produit lors de l ’opération 1), accompagné d’une feuille portant :
* les questions suivantes :
- qu’est-ce qui va bien dans ce texte ?
- qu’est-ce qui ne va pas bien ?
- souhaites-tu modifier ton texte ? Si oui,fais-le.
* les indications identiques à celles de l ’opération 2.
Quand ils ont fini de répondre par écrit à ces consignes, un entretien indivi­
duel avec chacun des six élèves choisis, conduit dans les mêmes conditions
que le précédent, permet de faire expliciter les réponses et les raisons des
modifications apportées au texte.

5.3. Modalités du traitement des données


L’analyse didactique des compétences évaluatives des élèves a nécessité la
mise au point de procédures et d’outils [Cf. 5.3.2.] adaptés aux objectifs et
aux principes des analyses de contenu envisagées [Cf. 5.3.1].
5.3.1. Objectifs et principes des analyses de contenu
Les analyses de contenu pratiquées sur les discours écrit et oral des élèves
ont deux objectifs complémentaires : d’une part dégager des tendances [Cf.
5.3.1.1], d’autre part expliciter des aspects spécifiques des compétences
évaluatives des élèves [Cf. 5.3.1.2].

50
Problématique de la recherche

5.3.1.1. Dégager des tendances


Dans la mesure où il s’agit de caractériser chacun des deux groupes d ’élèves
(R / nR), les analyses s’appuient en priorité sur le contenu explicite des
données recueillies, selon les principes de l ’analyse de contenu (Berelson &
Lazarfeld, cités par Mucchielli, 1984 ; et Ghiglione & al., 1980).
En complément, à partir d ’indicateurs prélevés dans les interventions écrites
des élèves sur les textes (Tl et EP) et leur commentaire oral dans les entre­
tiens, certaines données sont construites :
- par recoupements d’informations, par exemple : cohérence ou contradic­
tion entre ce que dit l ’élève et ce qu’il fait ;
- par récurrence de certains propos, dans le même élément ou dans plusieurs
éléments du corpus, par exemple, pour identifier la nature des critères
mobilisés par les élèves, lorsque leur formulation est floue ou contradic­
toire [Cf. Chapitre IV 1.2.3].
Dans cette perspective, les comptages opérés n’ont aucun objectif de nature
statistique et leurs résultats n ’ont pas vocation à être érigés en règles géné­
rales. Ils n ’ont d’autre fonction que de dégager des tendances, d’indiquer des
voies pour des études fines. Les résultats de ces traitements sont développés
dans les Chapitre III et IV.
5.3.1.2. Expliciter des aspects spécifiques des compétences évaluatives
des élèves
Sachant que les tendances générales ne peuvent pas, et pour cause, rendre
compte de la complexité des pratiques et des compétences évaluatives des
élèves - ce qui, pour le Groupe, est l ’essentiel -, il a été par ailleurs procédé
à des études de cas, destinées à expliciter des aspects de la complexité des
pratiques et des compétences évaluatives des élèves, ainsi que certaines
caractéristiques qui paraissent pertinentes.
Les résultats de ce mode de traitement sont développés dans le chapitre V. fl
ne faut cependant pas oublier que les comportements des élèves observés (et
donc les résultats de la recherche) peuvent dépendre en partie du passé sco­
laire des élèves et de nombreux autres facteurs aléatoires qu’il n ’était pas
possible de considérer comme variables.

5.3.2. Procédures et outils


Comme pour le recueil des données, le travail a été réparti entre les équipes
d’observation [Cf. 5.3.2.1 ]et l’équipe de recherche-évaluation [Cf. 5.3.2.2]
qui, en l ’absence d’outils existants, a construit des outils d ’analyse, présen­
tés ci-dessous.

51
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

5 J.2.1. Dans chaque équipe d’observation : première élaboration des


données
Chaque équipe d ’observation a fait une première analyse des données
qu’elle a recueillies, destinée à constituer les corpus, à faire émerger des
tendances générales et, le cas échéant, à repérer des cas intéressants à étu­
dier plus finement. Ce traitement a été effectué sur les deux ensembles de
données du corpus :
- données concernant l’écrit problématique (EP) ;
- données concernant les écrits produits par les élèves (Tl).
Après avoir transcrit les entretiens oraux, chaque équipe :
- a délimité les unités (mots, phrases, suite de phrases) correspondant à un
critère d’évaluation mobilisé par l’élève ;
- a noté en marge, en référence à l ’une des 12 cases du CLID, la nature du
critère convoqué et, selon un codage convenu, son degré d ’explicitation ;
- a apprécié la pertinence (ou la non pertinence) de l’évaluation portée par
l’élève ;
- a sélectionné des éléments du corpus jugés significatifs pour un traitement
fin.
Le informations ainsi constituées ont été reportées sur un outil de synthèse
(présenté en Annexe 2 et décrit ci-dessous), destiné à recevoir pour chaque
élève l’ensemble des informations concernant les diverses éléments du cor­
pus. Il s’agit d ’une liste d’indicateurs de maîtrise du récit étiologique, éta­
blie à partir d’un premier essai de dépouillement effectué par l ’équipe de
recherche-évaluation sur un échantillon de données. Cette liste opérationna­
lise et organise, en les adaptant aux spécificités textuelles du récit étiolo­
gique, les catégories d’analyse et les critères déterminés par le CLID. Elle
est destinée au repérage, élève par élève, des indicateurs manifestés dans les
5 éléments constituant l’ensemble des données recueillies.
* Dans la première colonne [A] le repérage des indicateurs concernant
l’écrit problématique (EP) a été fait par l’équipe de recherche-évaluation.
Il a servi d’inducteur aux équipes d’observation. En outre, il constitue le
point de départ de l’analyse ultérieure de ce qui est pointé par l’élève.
* Dans la colonne [B], chaque équipe a reporté les informations issues de
l’analyse des annotations (EP-EC) complétées par les entretiens (EP-OR)
concernant l’écrit problématique.
* Les colonnes suivantes [C] et [D] sont respectivement destinées à
recueillir les informations dégagées de l ’analyse de l’écrit d ’élève dans
son état initial (Tl) et après réécriture (T2).
* La colonne de droite [E] rassemble les informations issues de l’analyse
des annotations (EE-EC) et des entretiens (EE-OR) concernant l’écrit de
l’élève.

52
Problématique de la recherche

Cet outil, qui rassemble des données recueillies auprès d’un même élève a
une fonction synthétique et exploratoire. Il a servi ensuite pour les études de
cas, donnant pour chaque élève tous les indicateurs relevés dans les divers
éléments du corpus et permettant ainsi des comparaisons intéressantes entre
les comportements des élèves dans des situations diverses (autoévaluation /
hétéroévaluation, écriture / réécriture).
5.3.2.2. L’équipe de recherche-évaluation : traitement des données
A partir des corpus constitués et traités par les équipes d ’observation,
l’équipe de recherche-évaluation :
* a effectué une deuxième lecture des données recueillies, de manière à
assurer l’homogénéité du dépouillement ;
* a analysé les corpus en vue d’expliciter la nature et le degré d’élaboration
des critères utilisés par les élèves :
- par l’observation de la répartition, par rapport au CLID, des remarques
des élèves sur le texte problématique et des transformations opérées sur
leur propre texte,
- par une analyse de contenu des entretiens ;
* a cherché des relations entre les compétences évaluatives des élèves,
telles que les analyses ont permis de les identifier et la variable didactique
(classes R / nR).
L’ensemble de ce travail a été conduit à l’aide d’outils plus sélectifs destinés
à un traitement plus fin.
* Une grille d’analyse des contenus didactiques, liste simplifiée d ’indica­
teurs de maîtrise du récit étiologique par des élèves de l’école élémentaire
(présentée au début du Chapitre III). Elle a été construite à partir des cri­
tères inventoriés dans le CLID et du premier outil de synthèse [Cf. Annexe
2] présenté ci-dessus, en fonction des indicateurs trouvés ou susceptibles
d’être trouvés dans les productions des élèves. Elle a été utilisée pour
l’analyse des compétences scripturales initiales des élèves.
* Le CLID “zoné” (présentée au début du Chapitre IV) : il s’agit de grilles
reproduisant la structure du CLID. Chaque case est divisée en zones, desti­
nées à recevoir, pour un élève donné, selon un code qui est explicité au
Chapitre IV - 1.2.1, des informations concernant divers éléments du cor­
pus :
- deux zones pour l’écrit problématique : EC (annotations) et OR (entre­
tien) ;
- quatre zones pour l’écrit d’élève : T l (état original), T2 (état après
réécriture), EC (annotations), OR (entretien).
Ces tableaux donnent, pour chaque élève, une vue d’ensemble des types de
critères qu’il sollicite spontanément, à bon escient ou non.

53
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

Les chapitres suivantes [Chapitre III à V] vont exposer les résultats obtenus
à l ’issue des analyses que ces outils ont permis d’effectuer sur les données
du corpus, en fonction des objectifs de la recherche. Le dernier chapitre [Cf.
Chapitre VI] soulignera le rôle, sur le plan de la recherche et de la formation
des maîtres, de ces résultats et de ces outils.

54
Chapitre III

LA PRODUCTION D’UN RÉCIT


ÉTIOLOGIQUE PAR DES ÉLÈVES
DEC.M.
Étude des compétences de production

Gilbert TURCO

L’analyse des écrits produits en classe lors du recueil des données consti­
tuant le corpus étudié n ’est pas en tant que telle l ’objet de la recherche.
Cependant, pour analyser les critères mobilisés par les élèves dans l’activité
d’évaluation de leurs propres écrits, il est indispensable de connaître dans la
mesure du possible les caractéristiques textuelles et discursives de leurs pro­
ductions écrites en fonction des variables retenues.
Pour les raisons exposées au chapitre II, les écrits recueillis dans les classes
de CE sont en nombre trop limité pour qu’il soit possible de dégager des
tendances fiables, ce qui n ’interdit nullement d ’y faire référence lors des
études de cas. Pour les comptages qui ont été effectués, seules les données
provenant des classes de CM ont été retenues ; elles concernent donc 84
élèves (42 n R /42 R).

1. LE TRAITEMENT DES DONNÉES

1.1. Questions de méthode


L’étude conduite à partir des récits étiologiques ne cherche nullement à faire
un inventaire exhaustif des compétences scripturales des élèves de CM, elle
tente uniquement de cerner celles qui peuvent être constatées dans la situa­

55
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

tion très particulière définie par le dispositif d’observation. Il ne saurait donc


être question, à partir de ces informations, de tirer des conclusions de portée
plus générale.
L’utilisation de l ’ordinateur pour effectuer des comptages et pour présenter
certains résultats sous forme de tableaux ou d’histogrammes pourrait donner
à penser qu’il s’agit d’un traitement quantitatif des données recueillies. En
fait, ce n ’est pas la démarche retenue ; les dénombrements ont pour objectif
de permettre un repérage relativement grossier qui fasse émerger des régula­
rités didactiquement signifiantes.

1.2. Les attentes


La consigne proposée était la suivante : Tu écris une histoire se terminant
par :
- “Et c’est depuis ce jour que les oiseaux volent”
- ou : “Et c’est depuis ce jour que les crabes ont des pinces”
- ou “Et c’est depuis ce jour que les cochons ont la queue en tire-bouchon”.
Si elle doit permettre à tous les élèves, quelles que soient les options du
maître de la classe concernant la didactique de l’écrit, de produire un texte,
elle n ’est cependant pas sans poser des problèmes dont la solution n ’est a
priori pas évidente pour les enfants. Il y a de grandes chances que les élèves
soient confrontés pour la première fois à un sujet de ce type ; dans la plupart
des cas, ils ont déjà écrit la suite d’un texte dont l’amorce est fournie, mais il
est peu probable qu’on leur ait jamais donné une séquence conclusive en
leur demandant de rédiger ce qui précède. D’autre part, comme les entre­
tiens l’ont confirmé, les élèves n ’ont jamais produit un conte étiologique.
Les choix attendus sont ceux qui correspondent aux contraintes caractéris­
tiques de ce type d ’écrit relativement normé : la situation initiale pose
l’absence de la caractéristique acquise, une ou des action(s) donne(nt) une
explication de la transformation, la situation finale indique clairement que la
caractéristique est acquise par l’espèce et non seulement par un individu1.

1 CALAME-GRIAULE G. Éthologie et langage. Gallimard, 1975

56
La production d’un récit étiologique par des élèves de CM

1.3. Présentation de l’outil de dépouillement des écrits


Une grille d’analyse des contenus didactiques, faisant un listage des indica­
teurs retenus comme analyseurs des écrits des élèves (voir tableau 1, page
58) a été construite à partir du CLID (cf. Chapitre II.2.2.1) et du modèle
d’analyse du savoir-écrire des élèves (cf. Chapitre II.2.2.4) pour procéder au
dépouillement des données. Un traitement des différentes cases du tableau a
été fait en fonction des objectifs de la recherche, compte tenu des attentes
spécifiques concernant le récit étiologique. Une première liste (voir en
annexe), mise à l’épreuve d ’un pré-dépouillement des récits produits par les
enfants a été réélaborée pour donner la liste des indicateurs présentée ci-des­
sus.
A ces indicateurs, fondés sur les lieux d ’intervention didactique, s ’en ajoute
un qui en tant que tel relève du simple dénombrement, il s’agit de la lon­
gueur des textes souvent présentée comme critère pour évaluer les écrits
(voir par exemple les tests CE2 1990).

1.4. Le traitement des variables


Les variables présentées dans le chapitre II ont toutes donné lieu à des
comptages. Les résultats obtenus se sont révélés d ’un intérêt inégal ; en
effet, la variable didactique qui oppose les classes R et nR ainsi que la
variable de référence provenant de la répartition laissée à l’initiative des
maîtres entre élèves bons (B), moyens (M) et faibles (F) ont été systémati­
quement exploitées dans la mesure où elles font le plus souvent apparaître
des différences signifiantes. En revanche, l’appartenance des parents aux
différents groupes socio-culturels (désormais GSC), l ’appartenance de
l’école à un milieu rural, semi-rural ou urbain, le sexe des élèves, sont autant
de variables qui ne sont mentionnées qu’exceptionnellement, précisément
lorsqu’elles fournissent des indications discriminantes.

57
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

Tableau 1

Liste d'indicateurs - Production écrite des élèves

l - LE TEXTE EN TANT QUE RÉCIT ÉTIOLOGIQUE

I 1 - LE TEXTE

1.1
1.2
Est un récit
A un titre
Cocher + ou -


2 - LA CONSTRUCTION DES MONDES


2.1 Époque éloignée mythique □
2.2 Époque indéterminée duconte merveilleux □□
2.3 Datation historique □
2.4 Univers contemporain □
2.5 L'univers du récit est homogène □

3 - LA PLANIFICATION DE L'ENSEMBLE DE LA STRUCTURE NARRATIVE


3.1 L'état initial pose explicitement l'absence de la caractéristique finale □
3.2 L'histoire fournit une explication de transformation □
3.3 Cette explication concerne l'espèce □

Il - LE TEXTE EN TANT QUE RÉCIT


4 - STRUCTURE DE L'HISTOIRE : il y a
4.1 Un état initial □
4.2 Un déclenchement □
4.3 Une/des actions □
4.4 Une solution □
4.5 Un état final □

5 - STRUCTURE DU RÉCIT
5.1 L'état initial est suffisamment développé □
5.2 Le déclenchement est suffisamment développé □
5.3 L'action est suffisamment développée □
5.4 La solution est suffisamment développée □
5.5 L'état final est suffisamment développé □

6 - LES EXPANSIONS : il y a
6.1 Une/des description® □
6.2 Un/des dialogue(s) □
6.3 Une/des inform ation® destinée(s) à rendre la lecture plus compréhensible □

III - LES CHOIX ÉNONCIATIFS


7 - LES TEMPS DU RÉCIT
7.1 Choix du couple Imp/P.S. □
7.2 Homogénéité du système choisi □
7.3 Distinction arrière-plan/avant-plan □

8 - LE POINT DE VUE NARRATIF


8.1 Choix du point de vue narratif en “il” □
8.2 Homogénéité du point de vue □

58
La production d'un récit étiologique par des élèves de CM

IV - LA SÉQUENCIATION

9 - DÉCOUPAGE EN PARAGRAPHES

□□
9.1 Retours à la ligne
9.2 Si oui, correspondant à délimitation pertinente

10 - ORGANISATEURS TEXTUELS

□□□
10.1 Des organisateurs
10.2 Si oui, correspondant à délimitations pertinentes
10.3 Bien choisis et variés


Dénombrement

V - LA CONTINUITÉ TEXTUELLE
11 - ENCHAINEMENTS SÉMANTIQUES LOCAUX


11.1 Satisfaisants

12 - SUBSTITUTS


12.1 Recours à la substitution là où elle est attendue

□□
- par substituts pronominaux
- par substituts nominaux


12.2 Référence toujours claire

13 - RÉFÉRENCIATION PAR LES DÉTERMINANTS


13.1 Référent des déterminants toujours identifiable

VI - ASPECTS PHRASTIQUES
1 4 -SYNTAXE
Nombre d'erreurs □
15 - MORPHOLOGIE VERBALE

Nombre d'erreurs

16 - ORTHOGRAPHE

Pourcentage des erreurs

17 - LEXIQUE
□□

17.1 Propriété des termes


17.2 Acceptabilité dans le contexte

VII - LES MARQUES DE SURFACE


18 - PONCTUATION
□□□

18.1 Présente
18.2 Complète
18.3 Adéquate

1 9 -GRAPHE
□□

19.1 Lisible sans problème


19.2 Lisible avec quelques problèmes

59
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

2. ANALYSE DES DONNÉES

2.1. Le texte en tant que récit étiologique

2.1.1. Le texte...
* Est un récit
L’acception très large du terme “récit” permet difficilement de prendre posi­
tion de façon pertinente sur cet indicateur. Si l’on donne au terme “récit” son
acception technique en tant que type de texte, seule l ’analyse des indicateurs
spécifiques (voir plus loin) peut permettre de porter un jugement pertinent.
Si en revanche l’on se réfère à la définition courante : “relation de faits ou
d ’événements”, tous les écrits du corpus sont peu ou prou des récits ; cer­
tains d ’une telle confusion qu’il est bien difficile de leur donner une déno­
mination générique ; c’est le cas par exemple pour QR6, JnR5..., mais la
plupart du temps, les problèmes sont d’une autre nature : relation avec le
sujet proposé, cohérence, etc.
* A un titre (voir tableau 2 )
Il y a pratiquement égalité entre les élèves qui mettent un titre et ceux qui
n ’en mettent pas et parmi ceux qui en mettent un, égalité entre les élèves des
classes R et ceux des classes nR. Il est difficile de dire qu’il s’agit d’un indi­
cateur pertinent pour comparer les compétences scripturales des élèves, dans
la mesure surtout où l’indicateur s’avère peu fiable. Les habitudes sont très
variables d’une classe à l’autre ; manifestement, dans certaines classes, il
s’agit d’une obligation, ce qui ne veut pas nécessairement dire qu’il y a eu
réflexion sur la fonction pragmatique du titre ; un titre comme "Le cochon ”
(commun à SR2 et OR1) ne guide guère le lecteur. D’autres titres privilé­
gient des aspects marginaux qui ne fournissent aucune indication sur la por­
tée pragmatique de l ’écrit : "La gentille petite fille aux yeux marron vif ’
(SR6) ou risque de renvoyer à une problématique qui n ’est pas celle propo­
sée par le sujet : "L’apparition du vin” (WR3). En revanche, des élèves
habitués à travailler sur les écrits fonctionnels peuvent ne pas avoir été sou­
mis au rituel du titrage.

60
La production d'un récit étiologique par des élèves de CM

oui : 44

B : 9 / 14

R : 20 M : 5 / 14
F : 6 / 14
non : 40
B : 5 /1 4
nR : 20 M : 7 / 14

F : 8 / 14

Tableau 2

2.1.2. La construction des mondes


Il s’agit plus d ’une curiosité que d’un indicateur concernant la réussite ou
l’échec dans la tâche proposée.
Pour information, signalons que 21 sur 84 élèves choisissent de se situer
dans une époque éloignée mythique, 43 dans l ’époque indéterminée du
conte merveilleux, 10 font apparaître une datation historique et 17 situent
leur texte dans l’univers contemporain. Certains situent leur texte dans plu­
sieurs époques, ce qui explique le nombre global supérieur à 84.
Plus intéressante est l’analyse de l’homogénéité de l’univers du récit.

oui : 66

B : 0 / 14

R :8 M : 3 / 14
F : 5 / 14
non : 18
B : 2 / 14
nR : 10 M : 5 / 14

F : 3 / 14

Tableau 3

La plupart des textes proposent un univers homogène ; cependant les élèves


des classes R et les B de façon générale sont un peu moins nombreux à se
référer à un monde hétérogène.

61
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

2.1.3. Planification de Vensemble de la structure narrative


Comme il a déjà été dit, la situation d’écriture proposée est inhabituelle. Les
enjeux pragmatiques sont peu explicites pour les élèves qui n ’ont que peu
d’éléments pour se guider, ni des destinataires authentiques, ni le cadre d’un
projet ; les indications fournies par l’enseignant se limitent à la consigne
brute : “Tu écris une histoire se terminant par . . . ” Dans cette situation sco­
laire connue, celle d’une rédaction à sujet imposé, c’est la consigne qui défi­
nit la situation problème.
Les choix concernant la planification d’ensemble sont essentiels. La confor­
mité du plan de texte aux caractéristiques spécifiques du récit étiologique
(voir 1.2), détermine la réussite ou l’échec dans la résolution du problème
posé.
* L’état initial pose clairement l’absence de la caractéristique finale

oui : 45

B 3 /1 4

R : 14 M : 7 /1 4

F 4 /1 4
non : 39
B : 7 / 14
nR : 25 M 1 0 / 14

F : 8 /1 4

Tableau 4

Un peu plus de la moitié des élèves posent dans l’état initial l’absence de la
caractéristique à acquérir ; c’est peu. Le manque de familiarité avec ce type
de sujet est sans doute en cause dans cette médiocre réussite. Apparemment,
les élèves des classes R, plus habitués à rencontrer des situations d ’écriture
diversifiées, ont une proportion de réussite plus élevée (2 sur 3) ; dans les
classes nR, seuls 4 élèves sur 10 font le choix attendu.
* L’histoire fournit une explication de la transformation. L’explication
concerne l’espèce (voir tableau 5)
La réussite est plus importante que pour l’état initial, c ’est aussi l’aspect le
moins problématique du récit. Là encore, les élèves des classes nR semblent
plus en difficulté que les autres ; il est à noter que pour eux, le lien est fort
entre l’échec à cet aspect textuel et l ’appartenance aux niveaux (B, M, F)

62
La production d'un récit étiologique par des élèves de CM

signalés par les enseignants. Plus d’un élève F sur deux des classes nR
raconte une histoire qui ne fournit pas une explication à la transformation.
Plus d’un élève sur deux n ’indique pas que la caractéristique est acquise non
par un seul individu mais par l’espèce entière. Peut-on alors parler d’échec
de l’élève ? Pour ce qui concerne le fonctionnement du texte sans doute,
mais les explications d ’un tel comportement ne manquent pas. Les
Occidentaux sont habitués à des contes qui concernent des individus et non
des collectivités, encore moins des espèces. De plus, les modèles les plus
connus des contes étiologiques en restent souvent eux-mêmes à une anec­
dote qui affecte un personnage, la formule finale assumant à elle seule le
rôle de généralisation et de transmission à l’espèce ; c’est le cas par exemple
de certaines des Histoires comme ça de Kipling.

L'histoire fournit une explication


L'explication concerne
de la transformation
l'espèce

oui : 61 oui : 41

B : 1 / 14 B : 5 / 14

R ;7 M : 4 /1 4 R : 19 M : 9 / 14

F :2 / 14 F : 5 / 14
non : 23 non : 43
B : 2 / 14 B : 5 / 14
nR : 16 M : 6 / 14 nR : 24 M : 9 / 14

F : 8 / 14 F : 1 0 / 14

Tableau 5

Pour cet aspect, la différence entre R et nR est à signaler, mais elle est moins
nettement marquée que pour les deux autres points. La répartition en B, M,
F paraît elle aussi moins déterminante. L’appartenance aux divers groupes
socio-culturels, aussi bien dans les classes R que nR, ne semble guère affec­
ter la stratégie de planification des élèves.

63
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

2.2. Le texte en tant que récit

2.2.7. Structure de Vhistoire et structure du récit

Existe Est suffisamment développé

oui: 76 oui: 58

n B: 0 / 14 B: 2 / 14
le
c R: 4 M : 2 / 14 R: 10 M : 4 / 14
n F: 2 /1 4 F: 4 /1 4
UJ non: 8 non: 26
B: 0 /1 4 B: 3 / 14
nR: 4 M: 2 /1 4 nR: 16 M: 6 / 14

F: 2 /1 4 F: 7 /1 4

oui: 74 oui: 54

B: 0 / 14 B: 2 /1 4
E
®
£ R: 4 M: 2 /1 4 R: 10 M : 4 / 14
O
C
« F: 2 / 14 F: 4 /1 4
O non: 10 non:30
>® B: 0 /1 4
O B: 6 / 14
nR: 6 M: 2 /1 4 nR: 20
M :6 / 14

F: 4 / 14 F: 8 /1 4

oui: 76 oui: 56

B: 0 / 14 B: 0 / 14
c
.2
R: 2 M: 0 /1 4 R: 9 M: 5 / 14
O
<
F: 2 /1 4 F: 4 /1 4
non: 8 non:28
B: 1 /1 4 B: 7 / 14
nR: 6 M: 2 /1 4 nR: 19
M: 4 / 14
F: 3 /1 4 F: 8 / 14

Tableau 6

64
La production d'un récit étiologique par des élèves de CM

Existe Est suffisamment développé

oui : 66 oui : 36

B : 1 / 14 B : 1 / 14
c
JS.
s R: 6 M : 2 / 14 R: 17 M : 7 / 14

S non : 18
F :3 / 14 non : 48
F : 9 / 14

B : 2 / 14 B : 8 / 14

nR: 12 nR: 31 M : 1 0 /1 4
M : 3 / 14

F : 7 / 14 F: 1 3 /1 4

oui: 61 oui: 18

B : 1 / 14 B: 6 /1 4
C
R: 8 M : 4 / 14 R. 29 M : 11 / 14
m
** F : 3 /1 4 F : 1 2 / 14
LU non : 23 non : 66
B : 4 / 14 B : 1 0 /1 4
nR: 15 M : 6 / 14 nR: 37 M : 1 3 / 14

F : 5 / 14 F : 1 4 / 14

Tableau 6 (fin)

La distinction entre histoire et récit est reprise de G. Genette (Figures III,


p.72) qui définit Vhistoire comme “le signifié ou contenu narratif’ et le récit
comme “le signifiant, énoncé, discours ou texte narratif lui-même”. Dans
l’ensemble, la structure du récit est respectée : généralement l’écrit produit
présente les caractéristiques formelles considérées comme canoniques pour
le texte narratif. Quelques élèves (parmi lesquels les nR sont plus nombreux
que les R) omettent une ou plusieurs des phases de l’histoire. A la lecture,
ces textes sont le plus souvent ceux qui posent les plus gros problèmes ; ils
paraissent très déséquilibrés.
Si l ’on prend en considération non plus la simple présence de ces différentes
phases de l ’histoire, mais la capacité des élèves à les développer, le nombre
des textes qui présentent cette caractéristique est beaucoup moindre. Comme
cela a déjà été observé pour la planification de l’ensemble de la structure
narrative, la partie du texte qui pose le plus de difficultés est la fin. Dans les
cas où les problèmes sont les plus importants, la solution et l’état final sont
absents ; les événements relatés ne sont pas explicitement mis en relation

65
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

avec la phrase imposée. Cette dernière est même omise dans un certain
nombre de cas. Plus fréquemment, comme il a déjà été signalé, le texte se
termine sur l’apparition de la caractéristique pour le héros, mais ne règle
pas, ou de façon très imparfaite, le problème de l ’extension de cette caracté­
ristique à l ’espèce tout entière.
Dans l’ensemble, la réussite des élèves R est plus importante que celle des
élèves nR. La différence la plus nette est observée lorsque l’on prend en
compte la capacité à développer les différents aspects du texte. La hiérarchie
proposée par les maîtres entre élèves B, M et F se confirme dans la presque
totalité des cas (c’est particulièrement net dans les classes R, sans doute par
le fait que ces critères de structure sont le plus souvent pris en compte de
façon systématique dans les évaluations).
Il est à remarquer que pour ce qui concerne le corpus qui a été analysé,
l’appartenance des enfants à un groupe socio-culturel (GSC) n ’est à mettre
en relation, ni dans les classes R ni dans les classes nR, avec la réussite ou
l’échec à ce domaine des compétences scripturales des élèves.

2.2.2. Les expansions


Le sujet, tel qu’il était proposé, n’impliquait ni descriptions, ni dialogues, ni
informations pour guider le lecteur ; cependant il y a une relation didacti­
quement signifiante entre la présence de l’une au moins de ces modalités
d ’expansion et d’une part la longueur du texte, d ’autre part, l ’appréciation
comme “suffisamment développé’’ des différents aspects de la structure du
récit.
De fait, la présence, ou l’absence de ces 3 caractéristiques est relativement
rare.
* Il y a et description et dialogue et informations pour guider le lecteur.

B: 2 /1 4

R: 6 M: 3 / 14
F: 1 / 14
oui: 9
B: 0 / 14
nR: 3 M: 3 / 14

F: 0 / 14

Tableau 7

66
La production d'un récit étiologique par des élèves de CM

* Il n’y a ni description ni dialogue ni informations


pour guider le lecteur.

B: 1 /1 4

R: 7 M: 1 /1 4
F: 5 /1 4
non: 19
B: 2 /1 4
nR: 12 M: 2 / 14

F: 8 /1 4

Tableau 8

Il semblerait à première approximation que les élèves R aient tendance à


proposer des expansions plus diversifiées que les élèves nR. Une étude plus
attentive montre que c ’est moins l’appartenance à R ou nR qui est détermi­
nante que les habitudes ou les pratiques des différentes classes. Les textes de
tous les élèves de la classe OR ont une ou des description(s), aucun des
classes BnR, QR et InR ; tous les textes de la classe TR et 5 sur 6 de la
classe EnR ont des dialogues, alors qu’on n’en observe qu’un seul pour PR,
QR, HnR, WR et InR.

2.3. Les choix énonciatifs

2.3.1. Les temps du récit

* Choix du couple imparfait / passé simple

oui: 73

B: 0 /1 4

R: 3 M: 2 /1 4
F: 1 /1 4
non: 11
B: 1 /1 4
nR: 8 M: 3 /1 4

F: 4 /1 4

Tableau 9

67
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

Dans ce tableau n’est pris en compte que le choix temporel dominant. Des
défaillances, parfois importantes peuvent bien sûr intervenir, ce qui apparaî­
tra lorsque sera étudiée l’homogénéité du système. Les élèves choisissent
massivement le couple imparfait / passé simple. Les autres ont recours à un
autre couple : imparfait / passé composé ; et c’est alors l ’ensemble de la
perspective narrative qui est en cause. Dans un cas (SR5), l’hétérogénéité
temporelle est telle qu’il est difficile voire impossible de déterminer laquelle
est dominante.
* Homogénéité du système choisi

oui: 73

B: 0 / 14

R: 3 M: 2 / 14
F: 1 /1 4
non: 11
B: 1 / 14
nR: 8 M: 3 / 14

F :4 / 14

Tableau 10

Les défaillances de la cohérence temporelle sont relativement nombreuses ;


elles sont réparties presque également entre R et nR. La variable qui semble
le plus fortement en relation avec cet aspect est l’appartenance aux groupes
B, M, F définis par les maîtres.
* Distinction arrière plan / avant plan

oui: 58

B: 2 /1 4

R: 8 M: 2 / 14
F : 4 / 14
non:26
B : 4 / 14
nR: 18 M: 6 / 14

F: 8 /1 4

Tableau 11

68
La production d'un récit étiologique par des élèves de CM

Cette distinction entre avant et arrière-plan n ’est observée que pour les
élèves qui ont choisi le couple imparfait / passé simple ; la comparaison doit
donc être faite avec le tableau qui traite cet aspect. Les élèves de CM, sur­
tout ceux des classes R maîtrisent assez bien cette distinction.

2.3.2. Le point de vue narratif

* Choix du point de vue narratif en “il”


Le récit à la troisième personne est très massivement choisi, ce qui est cohé­
rent avec la préférence pour le couple imparfait / passé simple. Les deux cas
où le “il” n’est pas retenu posent des problèmes qui ne se limitent pas à ce
simple aspect. JnR5 opte pour le “je” et son texte est en fait un compte
rendu d’une visite à la ferme ; EnR3 relate (ou feint de relater) des événe­
ments auxquels il a été personnellement mêlé : “Nous avons été à la plage...
je...". Comment parler, dans ces conditions, de récit étiologique ?
* Homogénéité du point de vue

oui: 58

B: 2 /1 4

R: 8 M: 2 / 14
F: 4 /1 4
non: 26
B : 4 / 14
nR: 18 M: 6 / 14

F: 8 / 14

Tableau 12

Les défaillances sont rares, presque totalement absentes chez les élèves R.
N ’oublions pas que le texte narratif est le plus familier aux élèves de CM, ils
en ont une bonne maîtrise, au moins pour ce qui est des caractéristiques for­
melles.

69
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

2.4. La séquenciation

2.4.1. Le découpage en paragraphes

Les retours à la ligne correspondent


Il y a des retours à la ligne
à des délimitations pertinentes

oui: 42 oui: 25

B: 6 / 14 B: 6 /1 4

R: 20 M: 6 / 14 R: 25 M: 8 / 14
F: 8 / 14 F: 11 /1 4
non: 42 non: 59
B: 5 / 14 B: 9 /1 4
nR: 22 M: 7 /1 4 nR: 34 M: 1 2 /1 4

F: 1 0 /1 4 F: 1 3 /1 4

Tableau 13

Le découpage du texte en paragraphes est loin d’être une pratique dominante


pour des élèves de CM. La moitié seulement d’entre eux ont recours, que ce
soit ou non à bon escient, au retour à la ligne. La différence entre R et nR est
peu sensible et l ’appartenance aux différents GSC ne paraît pas infléchir les
performances. En revanche, on peut supposer comme cela a été fait pour la
description que l’existence d’un travail systématique en classe peut très sen­
siblement influer sur les pratiques des élèves ; c’est ainsi que tous les élèves
de la classe TR ont recours au retour à la ligne, mais aucun de la classe InR.
Si l’on prend en compte la pertinence de ce découpage, les résultats sont
encore plus faibles ; à peine 3 élèves sur 10 réussissent ; ceux qui sont consi­
dérés comme F par leurs maîtres sont presque tous en échec. C ’est la diffé­
rence entre R et nR qui est plus nettement marquée ; cependant des profils
différents d ’acquisition de cette compétence semblent se dessiner par
exemple pour DnR, 5 élèves et 4 pour EnR font des retours à la ligne, mais
aucun ne le fait de façon satisfaisante ; en revanche, pour PR et HnR, dans
chacune de ces classes, 3 élèves pratiquent le retour à la ligne et à chaque
fois de façon pertinente. Des renseignements plus précis seraient indispen­
sables pour faire une analyse de ce phénomène.

70
La production d’un récit étiologique par des élèves de CM

2.4.2. Les connecteurs et organisateurs textuels

* Y a-t-il des connecteurs et des organisateurs ?


Pour cette analyse de la séquenciation, sont pris en compte les organisateurs
(soudain, d’abord,...) et les connecteurs (donc, mais,...) lorsqu’ils jouent un
rôle dans la structuration du texte. Ce mode de séquenciation par des mar­
queurs spécifiques est plus familier pour les élèves ; en effet tous les textes
présentent au moins un de ces petits mots à fonction d’organisation, ce qui
ne signifie pas que l ’emploi soit toujours fait à bon escient.
* Nombre des connecteurs et organisateursIl

B: 4 /1 4

R: 15 M: 5 / 14

F: 6 /1 4
N ¿ 2:29
B: 3 / 14

nR: 14 M : 6 / 14
F: 5 /1 4

B: 7 / 14

R: 13 M: 3 / 14
F: 3 /1 4
N 2 6: 23
B: 3 / 14
nR: 10 M: 3 / 14
F: 4 / 14

Tableau 14

Il a été procédé à un encadrement en faisant les comptages d ’une part


lorsque le nombre des organisateurs et connecteurs est inférieur ou égal à 2
et d’autre part lorsqu’il est supérieur ou égal à 6. Cette opération fait appa­
raître que pour ce qui est de ce nombre des organisateurs et des connecteurs,
il n ’y a aucune différence sensible entre R et nR ; tout juste peut-on noter
que les B des classes R ont tendance à utiliser plus que les autres ces petits
mots.

71
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

* Les connecteurs et organisateurs sont-ils bien choisis et variés ?

oui: 41

B: 4 /1 4

R: 20 M: 6 / 14
F: 1 0 /1 4
non: 43
B: 5 / 14
nR: 23 M: 9 / 14

F : 9 / 14

Tableau 15

* Correspondent-ils à des délimitations pertinentes ?

oui: 52

B: 1 / 14

R: 10 M : 4 / 14
F: 5 / 14
non: 32
B: 6 / 14
nR: 22 M: 9 / 14

F: 7 / 14

Tableau 16

La lecture des tableaux 15 et 16 appelle un commentaire nuancé. En effet,


pour un élève sur deux seulement, les marqueurs de séquenciation, connec­
teurs ou organisateurs, sont bien choisis et variés ; c ’est ici leur aspect
sémantique qui est en cause, et dans ce cas, la différence entre R et nR est
peu marquée. Si, en revanche, on s ’intéresse à la pertinence des délimita­
tions ainsi marquées, et donc à l ’aspect pragmatique de leur fonctionnement
on s’aperçoit que la réussite est globalement meilleure (plus de 6 élèves sur
10) et la différence entre R et nR est très nettement marquée ; dans
l ’ensemble, les F des classes R ont une réussite meilleure que les B des
classes nR.

72
La production d'un récit étiologique par des élèves de CM

Il est possible de proposer une hypothèse pour justifier cette différence. Il


semble que, pour ce qui est de l’acquisition de la compétence d ’utilisation
des connecteurs et organisateurs textuels, on puisse distinguer une dimen­
sion sémantique d ’une part et une dimension pragmatique d ’autre part. Un
élève peut avoir appris le sens des mots de liaison, mais en faire une utilisa­
tion qui ne soit pas pertinente en contexte. A l’inverse, un marqueur dont le
sens est mal connu peut être employé de façon impropre, mais remplir de
façon pertinente sa fonction de délimitation des unités du texte. La
recherche descriptive du groupe EVA portant sur les pratiques évaluatives
des maîtres a montré qu’une des originalités des classes R était de faire
prendre conscience, dans des situations d’échange par exemple, de l ’impor­
tance lors de la rédaction de la prise en compte du destinataire si l’on veut
que la réception soit correcte. Manifestement, les élèves de ces classes R,
habitués à pratiquer la décentration par rapport à leurs textes, sont ceux qui
maîtrisent le mieux, et de loin, cette dimension pragmatique.

2.5. La continuité textuelle

2.5.1. Les enchaînements sémantiques locaux

* Sont-ils satisfaisants ?
Les problèmes dans les enchaînements sémantiques - rupture thématique,
incohérences des informations,... - sont relativement fréquents : 3 élèves sur
10 (voir tableau 17), mais sans doute moins qu’une lecture moins attentive
ne le laisserait supposer.

oui: 59

B: 3 /1 4

R: 11 M: 5 / 14
F: 3 / 14
non: 25
B: 3 / 14
nR: 14 M: 5 / 14

F: 6 / 14

Tableau 17

73
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

2.5.2. Les substituts


* Y a-t-il recours à la substitution là où elle est attendue ?

oui: 59

B: 3 /1 4

R: 11 M: 5 / 14
F: 3 / 14
non: 25
B: 3 / 14
nR: 14 M: 5 / 14

F: 6 / 14

Tableau 18

L’absence de recours à la substitution est l’une des causes des répétitions.


C ’est un domaine traditionnel du travail de mise au point des textes.
Quelques élèves (répartis également entre classes R et nR) reprennent telle
quelle une information (PR1 et DnR3 répètent par exemple l’un et l’autre
"le fermier... le fermier...”), mais dans l ’ensemble, la substitution est une
pratique bien ancrée au CM.
- La substitution par des noms
Le recours à la substitution par un nom est loin d ’être une pratique
majoritaire au CM (voir tableau 19). Comme dans d ’autres aspects
sémantiques, la différence entre R et nR est peu perceptible.
- La substitution par des pronoms
L’emploi des pronoms est le fait de la presque totalité des élèves (80
sur 84). Ceci ne signifie nullement que le fonctionnement de ces pro­
noms anaphoriques soit satisfaisant.

oui: 23

B : 6 / 14

R: 28 M: 1 0 / 14
F: 1 2 /1 4
non:61
B : 8 / 14
nR: 33 M: 1 2 /1 4

F: 1 3 /1 4

Tableau 19

74
La production d'un récit étiologique par des élèves de CM

* La référence est-elle toujours claire ?


Pour un peu plus d’un élève sur deux seulement la référence est toujours
claire. Les B réussissent sensiblement mieux que les autres, mais il n’y a pas
de réelle différence entre R et nR. L’obstacle est-il psychologique ou de
nature didactique ?

oui: 45

B: 4 /1 4

R: 19 M: 7 / 14
F: 8 / 14
non: 39
B: 4 /1 4
nR: 20 M: 6 / 14

F: 1 0 /1 4

Tableau 20

2.5.3. La référenciation par les déterminants

* Le référent des déterminants est-il toujours identifiable ?


Cet indicateur (voir tableau 21) est à manier avec précaution. La réponse
“oui” signifie simplement qu’il n’y a pas de problème dans le fonctionne­
ment, qu’il soit déictique ou anaphorique des déterminants. Il ne faut surtout
pas en conclure que pour les élèves de CM soit acquise la différence entre
“le" et “un” ou la maîtrise du rôle des déterminants possessifs ou démons­
tratifs. En fait, le décompte des formes correctes et des formes erronées est
peu pertinent pour mesurer la compétence des élèves dans ce domaine. Une
analyse plus précise s’impose pour ne pas mettre sur le même plan un élève
qui commet une seule erreur mais n’utilise que l’article défini et un élève
qui prend le risque d ’employer des déterminants au fonctionnement plus
délicat qu’il ne maîtrise pas parfaitement. Il ne faudrait donc pas déduire de
l’équivalence des résultats chiffrés entre R et nR d’une part, entre B, M et F
d’autre part, que les compétences des uns et des autres soient identiques.

75
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

oui: 67

B : 3 / 14

R: 8 M : 3 / 14
F: 2 / 14
non:17
B : 3 / 14
nR: 9 M : 3 / 14

F: 3 / 14

Tableau 21

2.6. Les aspects phrastiques

2.6.1. La syntaxe

* Les erreurs de syntaxe


Ont été prises en compte uniquement les erreurs qui affectent la construction
syntaxique des phrases.

- Aucune erreur de syntaxe

GSC1: 6 / 16
GSC2: 3 / 9
R: 12
GSC3: 1 / 4
N=0:27 GSC4: 2 / 1 3
GSC1: 5 / 6
nR: 15 GSC2: 7 /1 7
GSC3: 0 / 3
GSC4: 3 / 16

- Zéro ou une seule erreur de syntaxe

B: 8 / 14 GSC1: 1 3 /1 6
GSC2: 4 / 9
R: 26 M: 1 0 /1 4 R: 26
GSC3: 1 / 4
F: 8 / 14 GSC4: 8 / 13
N < 1: 53 N <1:53
B: 1 2 /1 4 GSC1: 6 / 6
nR: 27 nR: 27 GSC2: 1 2 /1 7
M : 7 / 14
GSC3: 1 / 3
F: 8 / 14 GSC4: 8 / 1 6

76
La production d'un récit étiologique par des élèves de CM

Nombre d’erreurs de syntaxe > 3

B: 3 /1 4

R: 8 M: 1 /1 4
F: 4 /1 4
N 2 3:13
B: 1 /1 4
nR: 5 M: 1 /1 4

F: 3 / 14

Tableau 22

Les seules données quantitatives donnent des résultats difficilement inter­


prétables. A priori, les erreurs de syntaxe sont beaucoup moins nombreuses
qu’on ne le supposerait (27 élèves ne font aucune erreur de syntaxe et 53,
soit nettement plus de la moitié, n’en font pas plus d ’une). Cette réussite
serait par ailleurs aussi bien le fait de R que de nR et assez nettement en
relation avec le GSC : les élèves dont les parents appartiennent aux groupes
1 et 2, les plus “favorisés”, font moins de fautes de syntaxe que ceux des
groupes 3 et 4.
Si l’on observe maintenant les élèves qui commettent le plus d’erreurs dans
ce domaine (3 erreurs ou plus), les résultats peuvent paraître surprenants ; en
effet, les élèves des classes R sont nettement plus nombreux que ceux des
classes nR (3 contre 1) et la “supériorité” des B est loin d’être évidente (3
élèves R classés B ont 3 erreurs ou plus contre un seul M et 4 F). Comme
cela a été observé pour les aspects concernant la continuité textuelle, ne rete­
nir que les seules données chiffrées des erreurs ne permet de prendre en
compte ni la complexité syntaxique des phrases ni la longueur des textes,
donc la prise de risque dans ce domaine. L’étude de cas devrait montrer si
les élèves B et R sont aussi ceux qui hésitent moins à se lancer dans des
énoncés complexes.
2.6.2. La morphologie verbale

* Les erreurs affectant la morphologie verbale


N ’ont pas été comptabilisées comme erreurs affectant la morphologie ver­
bale celles qui correspondent à des confusions de graphies (par exemple
"chanter” écrit " chanté” ou "chantez” ; ces erreurs apparaissent comme
erreurs orthographiques).

77
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

Aucune erreur en morphologie verbale

B: 11 /1 4

R: 29 M: 1 0 /1 4
F: 8 /1 4
N = 0: 52
B: 8 / 14
nR: 23 M: 8 / 14

F: 7 /1 4

Tableau 23

Les erreurs (voir tableau 23) sont relativement peu nombreuses (plus de 6
élèves sur 10 ne sont pas pris en défaut, compte tenu du mode de calcul) ;
les formes verbales sont dans l ’ensemble bien connues et les formes aber­
rantes sont facilement repérables (“il disa” pour “il dit”, par exemple) ou un
grand nombre de constructions fautives du passé simple se retrouvent chez
un même élève (6 pour DnR5 ou SR5). Il faut cependant noter que ni la lon­
gueur du texte, ni la complexité sémantique ne sont pris en compte).
2.6.3. Vorthographe

* Le pourcentage d’erreurs
Le contrastage terme à terme entre les classes R et nR n ’est pas possible
dans la mesure où l ’enseignant d ’une des classes nR, malgré les consignes
du protocole d ’expérimentation, a fait procéder systématiquement à une
mise au point orthographique. Cette mésaventure invite à une grande pru­
dence sur l’interprétation des pourcentages dont la fiabilité ne saurait être
considérée comme absolue. Ceci étant, elle confirme les études descriptives
faites par le groupe EVA en un autre temps, des pratiques évaluatives des
maîtres (Cf. Mas et coll. 1991).
- Moins de 10% d’erreurs

B: 1 2 / 14

R: 2 5 /4 2 M: 1 0 /1 4
F: 3 / 14
N < 10%
4 5 /7 8 B: 11 / 12
nR: M: 7 /1 2
2 0 /3 6
F: 2 / 12

Tableau 24

78
La production d'un récit étiologique par des élèves de CM

Compte tenu des réserves qui ont été faites, il apparaît que la proportion de
fautes est moindre que celle qui semblerait devoir ressortir si on se fie à une
première lecture (et ceci malgré le fait que toutes les erreurs concernant les
confusions graphiques affectant les terminaisons verbales sont comptabili­
sées à cet endroit). Les textes de plus de 6 élèves sur 10 comportent moins
de 10% d’erreurs orthographiques (un seul dépasse 20% avec 22,91%).
La réussite semble être comparable chez R et nR. Les autres indicateurs sont
beaucoup plus discriminants : l ’appartenance aux groupes B, M, F d’une
part et aux GSC d’autre part sont en relation étroite avec les performance
des élèves. Pour ce qui concerne l ’orthographe, mieux vaut être riche et bon
élève que...
2.6.4. Le lexique
L’indicateur est peu discriminant (voir tableau 25) ; apparemment, les élèves
ont peu de difficulté concernant le lexique. Il convient d ’être plus prudent et
de préciser que l’observation ne porte que sur le lexique “qu’ils utilisent”.
La diversité du vocabulaire n ’est pas prise en compte. Une nouvelle fois, il
apparaît que les données exclusivement quantitatives ne sauraient être les
seules à être prises en compte pour évaluer les productions écrites des
élèves.

Acceptabilité des termes


Propriété des termes
dans le contexte

oui: 77 oui: 74

B: 0 / 14 B: 1 /1 4

R: 3 M: 1 / 14 R: 5 M: 2 /1 4

F: 2 / 14 F: 2 / 14
non: 7 non: 10
B: 1 /1 4 B: 1 /1 4
nR:4 M: 1 / 14 nR: 5 M: 2 /1 4

F: 2 / 14 F: 2 / 14

Tableau 25

79
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

2.7. Les marques de surface

2.7.1. La ponctuation

* Est-elle présente ?
La plupart des textes comportent une ponctuation, plus ou moins complète,
plus ou moins adéquate. 3 élèves seulement n ’utilisent aucun signe de ponc­
tuation (SR5, QR6 et BnR6). Ils sont tous considérés comme “faibles” par
leur maître.
* Est-elle complète ?
La question ne saurait être retenue comme pertinente ; en effet, certains
signes ne peuvent apparaître que dans des cas particuliers, par exemple ceux
qui sont spécifiques des paroles rapportées ou du dialogue. Comme le sujet
proposé n’impliquait nullement que l’on y ait recours, une réponse négative
ne signifie nullement qu’il y ait une carence.
* La ponctuation est-elle adéquate ?

oui: 48

B: 2 /1 4

R: 12 M: 1 /1 4
F : 9 / 14
non: 36
B: 6 / 14
nR: 24 M: 9 / 14

F: 9 /1 4

Tableau 26

L’utilisation de la ponctuation continue à poser des problèmes aux élèves de


CM (voir tableau 26). Plus de 4 élèves sur 10 n ’ont pas une maîtrise satisfai­
sante des signes qu’ils emploient. La différence entre R et nR est impor­
tante, les problèmes sont nettement localisés chez les élèves considérés
comme F dans les classes R, beaucoup plus diffus dans les classes nR. Une
analyse plus précise serait nécessaire pour établir s’il existe un lien entre ces
observations et la façon d’enseigner la ponctuation dans ces classes.

80
La production d'un récit étiologique par des élèves de CM

2.7.2. La graphie

* Est-elle lisible sans problème ?

Tableau 27

Bien qu’il ne s’agisse pas de textes mis au propre, assez peu présentent des
problèmes de lisibilité. Existe-t-il un rapport entre le fait que 2 élèves nR
seulement sont signalés comme difficiles à lire, mais 7 R ? Il ne faudrait pas
conclure hâtivement que les élèves des classes R sont moins attentifs au des­
sin des lettres et prennent moins en compte le destinataire. Pour la plupart de
ces textes, c ’est le nombre important de ratures qui perturbe le confort du
lecteur. On peut surtout y voir un souci de retour sur le premier jet plus sen­
sible que dans les classes nR.

2.8. La longueur des textes


Le décompte systématique du nombre de mots de chacun des textes (par
ailleurs nécessaire pour calculer le pourcentage des erreurs orthographiques)
constitue un critère quantifié de comparaison dont sont étudiées les relations
avec les différentes variables prises en compte.
Un premier classement (voir tableau 28) permet de confronter les longueurs
moyennes des écrits selon d’une part l ’appartenance aux classes R et nR,
selon d’autre part le classement opéré par les maîtres entre les élèves en B,
M et F.

81
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

nR R Ensemble des
classes du corpus

Longueur moyenne B 191,7 292,8 242,2

Longueur moyenne M
218,1 241,0 229,6

Longueur moyenne F 154,8 193,6 174,2

Longueur moyenne
ensemble des élèves du
188,2 245,5 216,8
corpus

Tableau 28

2.8.1. U appartenance à un classe R ou nR


La longueur moyenne de l ’ensemble des textes constituant le corpus des
élèves de CM est de 216,8 mots. Par rapport à cette donnée médiane, le
nombre de mots des écrits des élèves R et nR montre un écart important ;
globalement, on écrit les textes plus longs dans les classes R (245,5 mots en
moyenne) que dans les classes nR (188,2).
Il ne saurait être question de faire de cet indicateur purement quantitatif un
critère de qualité des écrits produits ; en effet des textes longs peuvent être
incohérents ou sans intérêt, en revanche des textes plus courts peuvent être
parfaitem ent adaptés à la situation dans laquelle ils sont produits.
Cependant, la cohérence de ce nouvel indicateur avec d’autres déjà étudiés
participe à la constitution d’un faisceau cohérent de faits dont l ’importance
didactique se confirme.

2.8.2. Le classement proposé par les maîtres en élèves B , M, F


Si l ’on neutralise tous les autres paramètres, il apparaît nettement que la lon­
gueur des textes est en relation avec le classement demandé aux maîtres
concernant les compétences supposées des élèves. Les textes des B sont plus
longs que les textes M, eux-mêmes plus longs que les textes F. Cependant, si
l’on croise les deux indicateurs, une différence apparaît entre les classes R et
nR. Alors que pour R l’observation d ’ensemble se vérifie, pour nR, dans
l’ensemble, les textes des élèves B sont moins longs que ceux de leurs
condisciples M. Faut-il y voir l ’effet d’une maxime implicite “développe la

82
La production d'un récit étiologique par des élèves de CM

matière de ton texte, mais pas trop” ? Il serait sans doute trop hâtif de géné­
raliser ; d’autres facteurs interviennent qu’il faut aussi prendre en compte.
La répartition du nombre des textes des élèves B, M, F, selon leur longueur a
fait l’objet d’une analyse. Sur les histogrammes qui suivent, un regroupe­
ment est opéré selon des tranches de 50 en 50 mots.
- Élèves B.

■ R □ nR

Tableau 29

- Élèves M.

5 ..

4 ..

n<50 n<100 n<150 n<200 n<250 n<300 n<350 n<400 n<450 n<500

■ R □ nR

Tableau 30

83
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

- Élèves F.

■ R □ nR

Tableau 31

L’intérêt de ces histogrammes est de montrer, derrière l ’indication globale


des moyennes, d ’une part la diversité des réalisations individuelles et,
d ’autre part, l ’effet différenciateur de la variable didactique.
Quelle que soit la variable prise en compte, la dispersion est très
importante :
- pour les B des classes R, la longueur va de 144 à 499 mots, et dans les
classes nR, de 71 à 339 ;
- pour les M des classes R, la longueur va de 91 à 415 mots, et dans les
classes nR, de 132 à 472 ;
- pour les F des classes R, la longueur va de 52 à 335 mots, et dans les
classes nR, de 60 à 318.
Ces histogrammes rappellent également qu’il ne saurait être question de tirer
des conclusions trop absolues à partir d ’un corpus aussi limité ; à titre
d ’exemple, les longueurs extrêmes pour les textes des élèves F en classe nR
(60 et 318 mots) ont été relevées dans la même classe.
2.8.3. Longueur selon le GSC
Globalement, en neutralisant les autres variables, il apparaît que l’apparte­
nance des parents à tel ou tel groupe socioculturel (GSC) a peu voire pas
d ’influence sur le nombre de mots des écrits produits par les élèves (voir
tableau 32). Mais la constatation est à nuancer si l’on prend en compte la
variable didactique d’appartenance à une classe R ou nR ; en effet, pour les
populations R, la longueur moyenne varie peu en fonction du GSC (entre

84
La production d’un récit étiologique par des élèves de CM

226,5 et 265,5 mots, elle est dans tous les cas supérieure à la longueur
moyenne de l ’ensemble du corpus : 216,8 mots), pour la population nR en
revanche, la longueur moyenne va de 137,3 pour le GSC3 à 234,9 pour le
GSC2.
Là aussi, il faut être très prudent pour commenter ces observations, la répar­
tition des élèves selon le GSC est inégale. Il semble cependant possible de
faire le constat que, pour ce qui est de la longueur moyenne des textes,
l’appartenance des enfants à un GSC a une influence moins grande dans les
classes R que dans les classes nR.
fl semblerait que se confirme l’hypothèse selon laquelle le travail entrepris
dans les classes R à la fois sur les situations d ’écriture et les apprentissages
spécifiques aient un effet positif observable pour ce qui concerne l’aspect
quantitatif des textes produits ; mais à lui seul cet indicateur ne peut être
considéré comme suffisant pour parler aussi d’une différence qualitative.

R: 232,2
GSC1 Moy: 216,0
nR: 172,6

R: 226,5
GSC2 Moy: 232,0
nR: 234,9

R: 265,5
GSC3 Moy: 210,5
nR: 137,3

R: 259,1
GSC4 Moy: 201,1
nR: 154

Tableau 32

2.8.4. Longueur selon les classes

R nR

OR 331,5 EnR 284,5


TR 329,8 AnR 208,1
QR 283 DnR 204,5
SR 270,3 JnR 185,6
MR 224,6 HnR 163,8
PR 150,1 InR 152,1
WR 129,3 BnR 118,8

Tableau 33

85
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

Si l’on procède maintenant à une étude selon les classes, on observe des
résultats relativement homogènes, toutes les classes R sauf 2 sont au-dessus
de la moyenne et une seule classes nR dépasse, et largement, cette moyenne.
Comme lors de la recherche descriptive du groupe EVA sur les pratiques
évaluatives des maîtres (Cf. Mas et coll. 1991), la diversité des pratiques des
enseignants, qu’ils soient R ou nR, est importante. L’implication inégale
dans la recherche peut aisément expliquer ces différences. Quant à l’ensei­
gnant de la classe nR qui apparaît comme très différent, c’est aussi le seul
qui, dans le questionnaire aux maîtres, dit avoir participé à une animation en
circonscription sur la production écrite (une enquête un peu plus précise
montre que l’IEN de la circonscription a travaillé dans le cadre d’une équipe
INRP ; quand on lui demande de désigner une “bonne maîtresse”, les cri­
tères qu’elle retient sont sans aucun doute proches de ceux qui ont cours
pour les classes R).
2.8.5. Longueur des textes et sexe des élèves
La population est décrite au chapitre II, elle comporte 44 garçons et 40
filles, répartis de façon équilibrée entre les classes R et nR.
* Garçons

Nombre moyen de mots


Nombre
d ’élèves
Par catégorie R ou nR Ensemble

B 5 2 9 1 ,6

R M 9 2 5 1 ,7 2 3 2 ,4

F 7 1 6 5 ,4
1 9 8 ,0
B 8 1 7 0 ,5
nR M 6 1 6 6 ,6
1 6 6 ,6

F 9 1 6 3 ,1

Tableau 34

86
La production d'un récit étiologique par des élèves de CM

* Filles

Nombre Nombre moyen de mots


d'élèves
Par catégorie R ou nR Ensemble

B 9 2 9 3 ,5

R M 5 2 2 1 ,8 2 5 2 ,4

F 7 2 2 1 ,8
2 2 6 ,7
B 6 2 2 0 ,0
nR M 8 2 5 6 ,7 1 9 8 ,2

F 5 14 0

Tableau 35

La variable sexe des élèves n’a pas été exploitée pour les autres indicateurs
retenus, simplement parce que les comptages ne fournissaient aucune diffé­
rence notable entre filles et garçons. Pour la longueur des textes, en
revanche, les données présentent des divergences qui méritent d ’être signa­
lées. Dans l ’ensemble, les filles sont plus prolixes que les garçons (226,7
mots contre 198) et les résultats globaux entre classes R et nR sont
conformes aux tendances de l’ensemble du corpus ; le résultat n ’est pas une
surprise. Mais si l ’on prend en considération la répartition en catégories B,
M et F, les données laissent perplexe.
Pour les garçons, dans les classes nR, la différence selon les catégories n ’a
aucune influence notable ; dans les classes R en revanche, la différence est
assez nettement marquée, les B écrivent des textes plus longs que les M, et
ces derniers également des textes plus longs que les F.
Pour les filles, le panorama est très différent : c’est dans les classes R que
les différences sont peu marquées (les textes des B sont un peu plus longs,
M et F ont exactement les mêmes performances) ; dans les classes nR, en
revanche, les élèves F produisent des textes nettement plus courts que tous
les autres groupes de la population concernée (y compris les garçons) et les
filles M des textes nettement plus longs que les B.
Ces différences ne sont sans doute pas dues exclusivement au seul hasard de
la mise en place du dispositif de recueil des données. Comme hypothèses,
on pourrait retenir que peuvent intervenir d ’une part des facteurs relatifs aux
élèves (des élèves en difficulté auraient recours à des stratégies différentes
selon le sexe et selon les habitudes de travail mises en place dans la classe)
et d ’autre part des facteurs concernant l ’attitude évaluative des enseignants

87
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

(face à des élèves qui ne manifestent pas de qualités évidentes dans la pro­
duction écrite, tendance pour les maîtres nR à valoriser la quantité, même si
le texte présente par ailleurs de graves défauts). Seule une analyse qualita­
tive et un complément d’investigation pourraient confirmer ou démentir ces
tentatives d’explication.

3. APPORTS ET LIMITES D’UNE APPROCHE


GLOBALE DES COMPÉTENCES DE PRODUCTION

3.1. Quelques observations concernant la situation proposée


La présente recherche étant centrée sur les compétences évaluatives et non
sur les compétences scripturales des élèves, il ne pouvait être question de
proposer une situation d’écriture trop peu familière à une partie seulement
de la population observée et qui présente le risque d’avoir déjà été soumise à
une partie des élèves. Tenter aussi de porter un regard sur les compétences
mises en œuvre lors de la rédaction du texte, c’est prendre le risque de
n ’observer que fort peu de différences entre des élèves des classes R et ceux
des classes nR. En effet, comme l ’a montré la recherche descriptive du
groupe EVA sur les pratiques évaluatives des maîtres (Cf. Mas et coll.
1991), pour ce qui concerne la production d’écrits, l’apport de la recherche­
action conduite par les équipes INRP se situe essentiellement dans la prise
en compte des enjeux et plus généralement de la dimension pragmatique de
l’acte scriptural : variété des situations, recherche de destinataires autres que
le maître de la classe, diversification des types de textes et des types de dis­
cours abordés ; bref toutes caractéristiques dont on ne peut évaluer l’effet
lorsqu’on propose une situation strictement scolaire : sujet imposé deman­
dant de produire un texte narratif, sans destinataire nettement identifiable...
Choisir de donner la fin du texte et donc poser un problème d’écriture aussi
peu familier aux R qu’aux nR, c’est aussi s’exposer aux aléas des réponses
possibles ou acceptables : les écrits d’auteurs dans le domaine des récits
étiologiques ne comportent pas tous la totalité des aspects attendus dans la
structure canonique. L’interprétation des données chiffrées concernant ce
point doit donc être très prudente.

3.2. Quelques observations concernant la grille


d’analyse de contenu
Si l’on s’en tient aux objectifs de la recherche, il est précieux de disposer
d ’un outil permettant de procéder à une mise à plat des données. Des ten­
dances peuvent ainsi émerger, à condition d’être confirmées et nuancées,
voire éventuellement contredites dans une étude attentive de cas.

88
La production d'un récit étiologique par des élèves de CM

L’outil d’analyse employé pour cette première approche des compétences


scripturales des élèves possède des vertus et des faiblesses. C’est pourquoi il
ne faudrait pas lui demander d’apporter des solutions à des problèmes pour
lesquels il n ’a pas été conçu. Plus précisément, ce n’est pas un outil d ’éva­
luation utilisable directement en classe sans risque de dérives inquiétantes.
Citons quelques unes de ses limites : la nécessité pour le traitement informa­
tique de réponses par oui ou par non risque de favoriser une interprétation
réductrice de la complexité textuelle. Ce n’est pas nécessairement parce
qu’une réponse est positive que le texte est satisfaisant. Par exemple, pour
ce qui est de la structure du récit, un texte peut présenter tous les aspects
suffisamment développés de la superstructure narrative canonique sans que
le texte soit cohérent et donc correctement construit.
En revanche, une réponse négative n’est pas nécessairement un indicateur
défavorable. Les études sur le statut de l’erreur l’ont bien montré. Il faut
aussi tenir compte de la complexité du problème à résoudre, de la prise de
risque. L’étude de cas doit permettre de nuancer certaines des tendances
déduites des seules données mises à plat.
Un tel outil ne hiérarchise pas les différents indicateurs pris en considéra­
tion. Il serait aberrant de comptabiliser ensemble par exemple la lisibilité de
la graphie et la planification de l’ensemble de la structure narrative. La visée
ici est uniquement la description d’un corpus et non l’évaluation de perfor­
mances individuelles.

3.3. En guise de conclusion. L’effet des variables sur les


compétences de production des élèves

3.3.1. Le rôle des variables relatives aux caractéristiques des élèves

* Le sexe des élèves


Compte tenu des indicateurs retenus, c ’est sans doute la variable qui a le
moins d ’influence sur les performances observées. Si l ’on observe la struc­
ture du texte, les choix énonciatifs, l’orthographe ou la syntaxe de la phrase,
on ne constate aucune différence notable entre filles et garçons.
Une seule indication semble pertinente, elle concerne la longueur des textes.
Les filles ont généralement tendance à développer davantage que les gar­
çons, mais certaines irrégularités observées dans ces résultats amènent à
émettre l’hypothèse que face à des problèmes d’écriture non résolus, les
filles développent des stratégies diversifiées.

89
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

* L’appartenance aux GSC


Si l ’on s’en tient aux seuls résultats obtenus par l’analyse des données mises
à plat, on peut dire que de façon générale, les performances des élèves sont
assez peu affectées par l’appartenance de leurs parents à tel ou tel groupe
socioculturel. L’orthographe est le seul domaine où la relation est forte entre
GSC défavorisés et le nombre de “fautes” commises. C’est à peine si l’on
peut observer une proportion d’erreurs de syntaxe plus importante pour les
groupes traditionnellement considérés comme défavorisés et une tendance,
d ’ailleurs moins nette, si les élèves appartiennent à des classes R, des
enfants de ces mêmes groupes à faire des textes plus courts.
Faut-il en conclure que les GSC n’ont aucune influence sur les compétences
scripturales des élèves ? Ou ne faut-il pas se poser la question de la perti­
nence de l ’outil utilisé si l’objet d ’étude était l’observation de ces diffé­
rences ? On peut se demander si une approche plus précise des productions
écrites n’imposerait pas des interprétations plus nuancées.
* La répartition en B, M et F
Il convient de rappeler qu’il n’y a pas d’élèves bons, moyens ou faibles en
soi ; ils le sont en fonction des critères d’évaluation, explicites ou non, pris
en compte par les enseignants. La relation pédagogique incite les élèves à se
conformer à l ’attente et provoque un effet de renforcement.
Si l’on en reste à des considérations très générales, on peut dire que la hié­
rarchie est respectée aussi bien pour R que pour nR. Comme par ailleurs les
performances sont sensiblement identiques pour ce qui relève de la phrase,
mais meilleures dans les classes R en ce qui concerne le texte dans son
ensemble et les aspects interphrastiques, il est possible de supposer, comme
le suggère la recherche descriptive du groupe EVA, que les maîtres nR ont
des attentes peu différentes de celles des maîtres R. La différence essentielle
résidant alors dans le fait que les maîtres R mettent en œuvre des activités
d ’enseignement / apprentissage correspondant à ces critères relatifs aux uni­
tés au-delà de la phrase alors que les maîtres nR en proposent peu voire pas
du tout.
3.3.2. Le rôle de la variable didactique
Malgré les réserves qui ont été faites sur les limites d’une telle étude et bien
que la situation soit des moins propices à faire ressortir la spécificité des
compétences scripturales résultant des apprentissages mis en place dans les
classes R, des différences signifiantes ont pu être observées qui montrent
l ’importance de la variable didactique (opposition entre les classes tenues
par des maîtres R et celles qui le sont par des maîtres nR). En simplifiant, on
peut dire que les effets d’une “pédagogie R” se manifestent dans la qualité
globalement supérieure des textes produits par les élèves R. Pour cerner plus

90
La production d'un récit étiologique par des élèves de CM

précisément ces traits distinctifs, on observe que, pour ce qui concerne


l’unité phrase, les performances des élèves R et nR sont tout à fait compa­
rables, mais que pour ce qui est des domaines relevant du texte dans son
ensemble ou des relations entre phrases, pour la totalité ou presque des indi­
cateurs pris en compte, les élèves des classes R ont globalement une
meilleure réussite que les élèves des classes nR. Ce fait est à mettre en rela­
tion avec les “habitus” didactiques des maîtres ; comme cela apparaît dans
une recherche antérieure (Cf. MAS et coll., 1991), les maîtres des classes R
prennent en compte un nombre plus important de critères, et ces critères res­
sortissent à des domaines plus diversifiés.

91
Chapitre IV

NATURE DES CRITÈRES MOBILISÉS


PAR LES ÉLÈVES
Approche des compétences évaluatives

André SÉGUY

Le chapitre précédent a fait apparaître une différence à propos de la produc­


tion d’un récit étiologique entre les compétences scripturales des élèves de
CM2 appartenant à des classes R et nR. L’objet du chapitre IV est de vérifier
l’existence, chez les élèves, d’une relation didactiquement signifiante entre
l’appartenance au contexte R ou nR, et la nature des critères mobilisés pour
évaluer et réécrire des récits ; c’est là l ’hypothèse de la recherche : “...la
capacité des élèves à réviser des récits diffère selon la nature des critères
d’évaluation utilisés par les maîtres dans les classes.” Il s’agit ici de consta­
ter d’éventuelles régularités, qui permettent de faire sortir des tendances :
c’est l’interprétation de ces tendances qui importe, quant à leur signification
didactique. Le chapitre IV tend à dégager un cadre, rendant possible dans le
chapitre suivant le développement d’études fines, (supra, chapitre.II, 5.3.1.)

1. LE CORPUS ET SON DÉPOUILLEMENT


Les principes méthodologiques généraux ont été exposés dans le chapitre II.
Il est nécessaire de préciser ici comment les données recueillies ont été trai­
tées en fonction de l’objectif spécifique de ce chapitre.

93
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

1.1. Composition du corpus

1.1.1. Le déséquilibre CM2 / CEI


Le nombre d’élèves de classes R et nR a été exactement équilibré : il s’agit
là de la variable didactique de la recherche. L’exigence d ’équilibre a conduit
à écarter, pour les décomptes effectués dans ce chapitre, douze élèves appar­
tenant à deux classes de CEI de type nR auxquelles ne correspondaient pas
deux classes R. On peut constater que le nombre des élèves de CM2 est sen­
siblement supérieur à celui des élèves de CEI :
CM2 : 7 cl R / 7 cl nR - 42élR/42élnR
CEI : 2 c l R / 2 c l n R - lOélR/lOélnR
Le corpus CEI est relativement restreint ; en particulier, si l’on considère
que les six élèves retenus pour chaque classe comprennent des “bons”, des
“moyens” et des “faibles” (B, M, F), les dix élèves de CEI ne comprennent
que 4B, 2M, 4E
Pour l’étude de certaines variables, notamment les variations CE1/CM2,
l’interprétation doit donc s’armer de prudence.
1.1.2. Les données prises en compte
Les données recueillies s’organisent en deux grands ensembles (supra, cha-
pitre.II, 4.1.3.) : l ’évaluation par l’élève d ’un écrit “problématique” produit
par un pair (EP) ; la production d ’un texte (Tl), suivie de son auto-évalua­
tion et de sa réécriture éventuelle (T2). Ont été prises en compte :
* pour l’évaluation de l’écrit problématique :
- les remarques évaluatives écrites sur le texte, en marge ou à la suite de
celui-ci (EP EC) ;
- les remarques orales, formulées au cours de l’entretien (EP OR) ;
* pour l’écrit produit par l’élève (auto-évaluation et réécriture) :
- les modifications apportées au cours de la réécriture (T2) ;
- les remarques évaluatives écrites sur le texte, en marge ou à la suite de
celui-ci (EE EC) ;
- les remarques orales, formulées au cours de l’entretien (EE OR).

1.2. Modalités du dépouillement

1.2.1. Voutil de recensement : le “CLID zoné”


Pour chaque élève, le recensement des critères a été effectué avec l’aide de
la grille reproduite ci-dessous. Cette grille, constmite sur le modèle du CLID
(supra, chapitre.II, 5.3.2.2), reprend les douze catégories d ’analyse corres­
pondant aux douze cases. En ce qui concerne les critères, on a établi une dis­
tinction entre “critères (+)”, mobilisés de façon globalement satisfaisante, et
“critères (-)”, marques d’un dysfonctionnement (infra, 1.2.3.). Les douze
cases du CLID sont divisées en zones qui permettent de localiser sur quel
élément du corpus a été effectué le relevé :

94
Nature des critères mobilisés par les élèves

* PREMIERE GRILLE : écrit problématique.


- remarques évaluatives écrites (EC) ;
- remarques évaluatives orales (OR) ;
* DEUXIEME GRILLE : écrit d’élève.
- modifications (réécriture) Tl - T2 ;
- remarques auto-évaluatives écrites (EC) ;
- remarques auto-évaluatives orales (OR).
Ont été reportés, dans chaque case, les critères (+) et les critères (-).

EQUIPE DE:

ELEVE: M EL

ECRIT -* ♦ ------ CLASSE---------- ► ------ NIVEAU- — ■* CATEO. S O C .-C U L T .

PR CE
n
—i
CM R

nR B M
1----- I l ----- I l -- n A
B LfJ LU LL a
-«-E C R IT-*- -------- CLASSE------------- ► ■*------ NIVEAU------ ► -«CATEG. S O C .-C U L T .+•

95
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

1.2.2. Évaluation des écrits problématiques : quelles étaient les


attentes des observateurs ?
Les élèves de CM2 et de CEI ont été invités à évaluer un écrit produit par
un pair (respectivement : “Le volage des oiseaux” et “Il y a un cochon...”,
(sans titre). Ces écrits ont fait l’objet d’une analyse collective de la part de
l’équipe de recherche : il s’agissait de définir ensemble les critères retenus,
dans chacune des cases du CLID, afin de constituer un outil de référence
permettant d’homogénéiser le dépouillement.
I.2.2.I. Écrit proposé aux élèves de CM2 : “Le volage des oiseaux”

96
Nature des critères mobilisés par les élèves

Analyse de l’écrit : “Le volage des oiseaux”

'Prise en compte du destina­ 'P ro gressio n thém atique 'O rganisation thèm e-rhèm e
taire et définition de l’enjeu : satisfaisante : absence d’ambi­ acceptable (thèmes : animaux
critère difficile à convoquer, guïtés dans les enchaînements, ou indication temporelle).
étant donné le caractère de progression de l’information "Déictiques correctement
l’épreuve ; les règles du jeu sco­ d’une phrase à l'autre... maîtrisés (marques de l’énoncia­
laire habituelles semblent res­ 'O rganisateurs convenable­ tion interprétables ; désignations
pectées (registre de langue, ment maîtrisés : essentiellement, sans ambiguité ; utilisation cor­
présentation...) organisateurs temporels (avant, recte des déterminants ac-
'Choix du type d’écrit : s’agit-il un jour, ensuite, c ’est depuis ce tualisateurs et anaphoriques)
d’un récit étiologique ? jour).
-Oui : transformation qui affecte
l’espèce ; le récit explique cette
évolution ; opposition “avant" /
“et c ’est depuis ce jour..." ; le
titre convient à peu près...
-Réserves : temps “mythique"
mai défini ; hésitation dans
l’énonciation (présence in­
tempestive du P.C.)

T yp e de texte bien choisi : un 'Cohérence sémantique insuffi­ "Vocabulaire adéquat, mais qui
récit (schéma narratif correct ; samment assurée : manque de précision. Une
clôture explicite ; événements -pas de contradictions, mais : impropriété (“volage").
bien hiérarchisés...) -absence de substituts nomi­ 'Bonne cohérence sémantique
"Informations naux permettant d’identifier sans des phrases. (Un problème : le
-bien sélectionnées, en général ambiguïté les oiseaux-poissons- premier crocodile voulait sans
(permettent de suivre le déroule­ crocodiles... doute sauter “d'une colline à une
ment) ; -risque d ’incohérence par autre", par-dessus une vallée, et
-mais manque de précisions : manque de précisions (nature non d’une vallée à une autre).
d’où vient la potion ? comment exacte des animaux, origine de
étaient les animaux ? absence la potion...)
de qualifications... 'Quasi absence de connecteurs
"Une faille dans la cohérence logiques (sauf “ainsi") simple
de l’univers diégétique : expli­ succession chronologique.
cation pseudo-scientifique (évo­
lution des espèces) / explication
magique (potion).
"Cohérence d ’ensem ble du
vocabulaire (en général peu
marqué, convient pour ce type
d’écrit).

'Structure d’ensemble du texte 'Cohérence dans l’emploi des "Conjugaison correctement


convenable (trame chronolo­ modes et temps verbaux. maîtrisée (sauf “il ‘buva’1
)
gique qui met en évidence les "Pronoms de reprise en général 'Phrases syntaxiquement cor­
étapes essentielles du récit) maîtrisés (remplacer : “ensuite rectes, (mais de structure
'Système des temps verbaux un crocodile” par : "ensuite, l'un élémentaire et uniforme.)
en général, adapté (couple prin­ d’entre eux") "Orthographe : segmentation
cipal Imp^PS), mais avec l’intru­ correcte des mots ; les erreurs
sion du PC, élément les plus fréquentes concernent
d’hétérogénéité. les terminaisons verbales.
'Valeur des temps verbaux en
général respectée (sauf dans : “il
n’ y avait pas d’eau”, qui consti­
tue un fait de premier plan, dé­
clenchant la suite... Imparfait
difficile à accepter.)

'Choix du support : la question 'Pas de découpage en para­ 'P o n c tu a tio n interne à la


ne se posait pas. graphes. phrase : quasiment inexistante.
'M is e en page : aucune 'Phrases mal délimitées (ponc­ 'Lisibilité graphique : très cor­
recherche (écriture “au kilo­ tu atio n , m ajuscules) dans la recte, (sauf “il buva", qui pose
mètre" ; titre mal mis en valeur ; deuxième partie du texte. des problèmes de déchiffrage).
aucun alinéa ni retrait de marge.)

97
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

La grille d’analyse (ainsi que celle relative au texte proposé aux élèves de
CEI “Il y a un cochon..", infra 1.2.2.2.), est bâtie sur le modèle du CLID.
Dans chaque case, les critères mobilisés par le scripteur ont été soulignés.
I.2.2.2. Ecrit proposé aux élèves de CEI : “Il y a un cochon...”

jJL a> |/_ <*- 'U/ïV' Cj k JL o-Vv, ■ CjwlU. d i ^U rw ^ ljL

X.cruÀ1 — &t clxjf^JJLLS ■cLo-n'vv^

'VvvîAxL .. Jfy . Ji/Vyjvuoa- ...O'VAuxrvi oJÜô'U. ... 1

J tX J jo ^ - ' JuO ^nnnjL __ Ü l —.(L ^rux... cm rvO'C'6-A/w. _jvC JLl5

...-S T t\A ___ aJjLpjJL*----- $ j l _lC oc|ocri\- mnJW.A>__ <^-<xa^

jl__ ïx _Co^cJvC^hy_oaxiXj^Ou__cio- _

-|j L _ c L û - n l( _.A , -iV v v A A x ÿ ^— j J l __ c I j u J c __ _________ :SJ*.

- ' W U n - —Cl u JL- - ty jjs -O -r v t __ JLx. JXAaJU/J^- -X /Y v ~ - U

98
Nature des critères mobilisés par les élèves

Analyse de l’écrit : “I l y a un cochon..."


'Absence de prise en compte du 'Progression thématique : rup­ 'Organisation thème - rhème :
d es tin a ta ire , de la situation ture dans la première phrase (un alternance pour le thème (cochon
d’écriture et de son enjeu : pré­ cochon / la dame et le mesie) ; / couple Dame-monsieur ou
sentation de type scolaire ; mais par la suite, progression accep­ Riquiqui-Tartempion).
nombreux traits de l’ordre de table, sauf la rupture de la phrase 'D é ic tiq u es et m arques de
l’oral : registre familier, reprises finale. l’énonciation : mélange récit-
par *alors"... 'Quasi absence d’organisateurs, discours (présent / un cochon /
'Le type d ’é c rit n ’est pas sauf deux “alors” au rôle flou la dame et le mesie J etc.)
adapté : il ne s'agit pas d ’un (connecteurs-organisateurs), à
récit des origines (anecdote fami­ valeur essentiellement phatique.
lière située dans une époque qui
pourrait être contemporaine...
Aucune explication de la transfor­
mation de l'espèce.)
'Absence de titre.
'La consigne n’est respectée
que partiellement, et de façon
formelle (phrase finale reprise in­
tégralement)

*Type de texte : en apparence, 'Substituts nominaux : absence 'V ocabu laire : peu adéquat
un récit ; il y a bien des événe­ totale. (registres mêlés, imprécision...)
ments, mais pas de logique in­ 'Cohérence sémantique non as­ Très proche du discours oral en
terne ; aucun rapport entre surée entre trois faits successifs : situation.
situation initiale et situation finale. - le cochon ronfle ; 'Acceptabilité du sens :
'Les informations sélectionnées - alors on le (ou on lui ?) donne à -problème déjà noté pour la
ne donnent pas une histoire co­ manger ; phrase incompréhensible ("le
hérente : trois faits sans lien (le - et c’est depuis ce jour que tous doné a manger’’)...
Ie9 cochons ont la queue en tire-
cochon qui ronfle / le fait de -Sinon, phrases globalement ac­
bouchon.
“donner è manger” / la queue en (S’agit-il d’une incohérence dans ceptables.
tire-bouchon). l’invention de l’histoire, ou
'Le registre de langue n’est pas d ’ellipses abusives qui ne per­
adapté (vocabulaire familier), ni mettent pas au lecteur de calculer
homogène (rupture par rapport à correctement la logique ?).
la dernière phrase). 'Connecteurs : une apparence
de connexion logique (alors, mais,
alors...) qui ne fonctionne correc­
tement qu’au début du texte.

'Structure du texte : en appa­ 'Emploi des tem ps verbaux : 'Conjugaison : problèmes liés à
rence, c’est celle d’un texte nar­ mélange passé - présent.. l’orthographe des désinences
ratif ; mais avec une lacune avant 'Pronoms de reprise assez mal verbales (“le mesie et la dame le
la phrase finale. maîtrisés (répétitions, redon­ doner au voisin* : s’agit-il d’un
*8ystème des temps verbaux : dances ; toutefois, absence PS, d’un imparfait, d ’un PC ?)
-il n’est pas pertinent (on atten­ d’ambiguïtés). 'S yntaxe de la phrase : pas
dait le système Imp-PS), Un problème insoluble pour le d’incorrection majeure, mais seg­
mentations non maîtrisées (au-
-ni homogène (présent, imparfait, lecteur : comment interpréter :
delà du problème des marques
PS. PC). “madame riquiqui et mesie tarta- de ponctuation ?), et syntaxe qui
'Valeurs des temps verbaux : pion le doné a manger” ? Le co­ relève de l’oral (reprise redon­
PS et PC correspondent, grosso chon m ange-t-il, ou est-il dante : “Tons a ccepté le
modo, à des actions de premier mangé ? cochon”).
plan. 'Orthographe : de multiples er­
reurs, qui touchent aux divers
éléments du système (phoné­
tisme, accords, terminaisons ver­
bales, usage...). Segmentation
correcte des mots.

'Choix du support, typographie 'P a s de décou page en para­ 'Absence totale de ponctuation
: la question ne se pose pas. graphes. interne à la phrase.
'O rg a n is a tio n de la page : 'Absence totale de ponctuation 'P a s de m ajuscules pour les
aucun alinéa ni retrait de marge. délimitant les phrases. noms propres, ni en début de
phrase.
Pas de titre, aucune mise en va­ 'Lisibilité graphique très satis­
leur. faisante.

99
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

12.3. U identification des critères par les élèves et


les problèmes de dépouillement
Les critères ne sont pas des faits directement observables ; ils résultent d’un
raisonnement permettant de les élaborer et de les identifier à partir d’indica­
teurs prélevés dans le produit écrit : ces indicateurs sont des indices mul­
tiples, textuels, phrastiques, multiformes, d ’importance et d ’étendue très
inégales. (Seguy, 1989). Du fait que les critères appartiennent au métalan­
gage, éventuellement à la métalangue, on pourrait s’attendre à les trouver
plus ou moins formulés dans les remarques évaluatives ou auto-évaluatives,
écrites ou orales, que les élèves étaient invités à produire sur l’écrit de leur
pair ou sur leur propre écrit. (On utilisera ici métalangage et métalangue
avec l’acception suivante : le métalangage désigne le fait de parler sur le
langage, qu’il s’agisse du code linguistique ou des discours ou éléments de
discours réalisés ; le métalangage se réalise par la mise en œuvre de moyens
linguistiques variés : de désignations plus ou moins idiolectales -“les petits
mots’’, ou “le groupe rouge”, à des dénominations référant à une ou des
théories linguistiques, à une grammaire constituée -“le sujet d ’un verbe”, ou
“les connecteurs” ; c’est dans ce cas que l ’on peut parler de métalangue).
En fait, la réalité est presque toujours complexe.
Les critères annoncés par les élèves peuvent résulter d’une interprétation
discutable des indices repérés : par exemple, l’élève peut explicitement dési­
gner le critère “conjugaison” (catégorie “morphosyntaxique-phrase”) à pro­
pos du mauvais choix d ’un temps verbal dans un récit au passé (un imparfait
au lieu d’un passé simple)... Or, il s’agit d’un tout autre critère de fonction­
nement textuel ; celui du choix de la mise en relief d’un procès (catégorie
“morphosyntaxique-texte”).
En outre, et c’est le principal problème, les critères relèvent normalement
d ’une métalangue élaborée ; or, très souvent, le métalangage de l ’élève reste
à un niveau de formulation tel qu’il désigne plus volontiers des faits textuels
concrets que leur conceptualisation en critères. On a alors affaire à des
indices catégorisés, dont l’interprétation reste à opérer. Dans d’autres cas,
c’est, de la part des élèves, un jugement de valeur global qui ne recouvre
aucun secteur de fonctionnement textuel précis, et qui, parfois, ne s’appuie
pas sur des indices explicitement localisés (infra, chapitre V).
Les exemples ci-dessous illustrent quelques types de difficultés rencontrées
lors du dépouillement, et les solutions adoptées.
* L’élève FnR6 (CEI) évalue son propre écrit au moyen des quatre
remarques suivantes :
(1) "mon texte est bien
(2) mon texte est jolie
(3) mon texte a pas de faute
(4) mon texte est bien écris”

100
Nature des critères mobilisés par les élèves

- (1) et (2) constituent des jugements globaux ne référant à aucun critère


textuel localisable ;
- (3) est un simple constat à partir d ’impressions portant sur des indices
non localisés avec précision ; il s ’agit vraisemblablement d ’ortho­
graphe...
- enfin, le (4) renvoie à un critère assez facile à identifier : la lisibilité
graphique.
Pour les remarques (3) et (4), l’entretien a permis de confirmer qu’il s’agis­
sait bien d’orthographe et de lisibilité graphique : ont donc été cochées les
cases 11 et 12 du CLID. En revanche, les remarques (1) et (2) n’ont guère
été éclairées par l ’entretien :
“Q -Je vois que tu n’as pas eu besoin d’apporter des modifications à
ton texte ; tu dis qu’il est bien. (...) Pourquoi trouves-tu ton texte
joli ?
El - Mon texte, il est beau, il est bien inventé...
Q - Bien inventé ? oui... Qu’est-ce que tu as inventé ?
E l- Une histoire de chats...”
La solution suivante a été adoptée pour les remarques (1) et (2) :
- aucune case cochée pour l’évaluation écrite ;
- à l’oral ; les glissements successifs (bien —»joli —» beau —» bien inventé
une histoire de chats...) laissent supposer que l ’élève n ’a pas perçu
l’enjeu du texte à écrire, à partir de la consigne, et qu’il n ’a pas su la tra­
duire en nécessités d ’ordre sémantique : on a donc coché, de manière
négative - critères (-) , les cases 1 et 2 du CLID (Pragmatique-textuel et
sémantique-textuel). La formulation de l’élève est loin de l ’identification
explicite de critères : il s’agit, pour ceux qui dépouillent le corpus, de
respecter ce qui semble être le cheminement de sa démarche. Sur un tel
exemple, on voit que l ’essentiel est bien du côté du qualitatif ; en prenant
la responsabilité de traduire dans des catégories abstraites du CLID ce
que l’élève a confusément énoncé, on ne cherche pas à relever des occur­
rences dont seul importerait le décompte, mais à se donner un cadre
interprétatif.
* L’élève de CM2 QR4 écrit, à la suite de l’écrit problématique :
“Les verbes n’ont pas tous le même temps.”
On serait tenté d ’interpréter cette critique comme relevant de la case 7
(“Morphosyntaxique-interphrastique” : cohérence dans l’emploi des temps
verbaux).
L’entretien permet d’éclairer et même de rectifier :
“El -Les verbes, ils sont pas tous au même temps...
Q - Tuas rectifié... Tu as mis quel temps ?
El - L’imparfait et le passé simple, parce que ça va bien ensemble.”

101
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

En fait, l’élève QR4 se trompe dans la formulation du problème : il a, dans


l’écrit problématique, remplacé les passés composés par des passés simples.
Ce faisant, il a convenablement géré la mise en relief ; en outre, il a pres­
senti, sans être capable de le formuler correctement, que le type d ’écrit
appelait un choix énonciatif de récit, non de discours (au sens où Benveniste
entend ces deux termes). On a donc coché, de manière positive, les cases 3
(“Morphosyntaxique-textuel”, maîtrise des valeurs des temps verbaux) et 1
(“Pragmatique-textuel”, choix du type d’écrit). Dans ce cas, il a été néces­
saire de combiner les indications fournies par trois sources :
- les corrections opérées sur l’écrit problématique ;
- les remarques écrites à la suite de cet écrit, (de loin les plus floues) ;
- l’entretien.
* L’élève de CM2 QR2, pour sa part, semble faciliter la tâche des observa­
teurs, puisqu’il formule de manière explicite un critère : “Mon texte est
cohérent” , affirme-t-il lors de l’entretien... Mais ce qu’il ajoute montre
que le terme recouvre une zone bien confuse :
“El - Enfin, moi, f a i mis ça parce que je pense qu’il est cohérent...
euh, quand même, c’est pas... J ’ai quand même voulu mettre des
choses un peu réelles avec des choses qui ne sont pas vraiment vraies.
Enfin, c’est pas sûr que ça se soit passé comme ça pour les oiseaux.
(...)
Parce qu’on nous avait dit : faut pas que ce soit d’un coup de
baguette magique, alors je me suis dit : il faut peut-être que je prenne
quand même des situations réelles, quoi, pour mon point de départ,
parce que si tout... si on pense que c’est pas vrai... que ça s’est pas
passé comme ça, pas forcément... Alors, si j ’avais mis toute mon his­
toire dans l’imaginaire... euh, c’est peut-être pas... je pensais que ça
allait pas faire très bien.”
L’élève explique donc qu’il a associé, dans son texte, des éléments “vrais” et
des éléments “imaginaires” : ce faisant, il a conscience -certes assez confu­
sément- d ’avoir mieux répondu à la consigne, et rendu son texte plus accep­
table par un lecteur qu’il désigne par l’indéfini “on”... En fait, sont donc
mêlées, sous le terme de “cohérence”, deux notions bien distinctes : l’homo­
généité interne de l’univers diégétique, le souci de rendre “vraisemblables”,
pour un lecteur éventuel, les événements racontés... On a donc coché les
cases 2 (“Sémantique-textuel”) et 1 (“Pragmatique-textuel”).

1.2.4. Le problème des critères (-)


Les dysfonctionnements signalés par le signe (-) se répartissent en deux
catégories :
- diagnostic erroné ;
- diagnostic globalement correct, mais solutions erronées.

102
Nature des critères mobilisés par les élèves

1.2.4.1. Diagnostic erroné


- Par exemple, l’élève relève un dysfonctionnement inexistant.
C’est le cas de l ’élève DnR2 (CM2), à propos du choix des temps verbaux
dans l’écrit problématique :
“Q - ...Quels conseils aurais-tu donnés à cet enfant pour Vaider à
améliorer son texte ?
El - Mettre tous les verbes au même temps.
Q - A h! Il faut que tu m’expliques.
El - Parce qu’il y a des verbes à l’imparfait, au passé composé : ça
va pas !
Q - Par exemple ?
El - Si c’est à l’imparfait, ça peut pas être à un autre temps !”
- A l’inverse, un dysfonctionnement n’est pas perçu, et l’écrit est jugé
positivement sur ce point.
Ainsi, l ’élève de CEI GnR2 est affirmatif, à propos de l’écrit problématique,
et de la manière dont l ’auteur a ou n ’a pas respecté la consigne :
“Q - Est-ce que tu peux me dire ce que la petite fille devait faire ?
El- Ben on lui avait demandé ce que tu nous as demandé !... Il fallait
écrire une histoire, et avant, tu nous avais donné trois papiers où
il y avait la fin d’une histoire...
Q - Quelle était la fin de l’histoire ?
E l- “Et c’est depuis ce jour que les cochons ont la queue en tire-
bouchon”.
Q - Crois-tu qu’elle a répondu à la consigne ?
El -Oui.
Q - Tu crois qu’elle a bien répondu ?
E l- Oui.”
- L’enfant peut aussi se tromper sur la nature du dysfonctionnement.
L’élève de CM2 SR4 a intitulé son conte étiologique : “Un drôle de prince".
“E l-J ’ai mis : “Un drôle de prince”. J ’aurais dû mettre un autre
titre, pour que ça intéresse davantage le lecteur.
Q - Par exemple,
El - Je vois pas trop. J ’aurais mis un titre qui parlerait un peu. Où il
y aurait à la fin, par exemple, un point d’exclamation.”
Le problème effectif est de l’ordre du sémantique : celui de l’inadéquation
du titre au type d ’écrit. L’élève ne le perçoit pas, et son diagnostic l ’oriente
vers une piste pragmatique : comment, par le titre, attirer l’intérêt du lecteur
virtuel ?
1.2.4.2. Diagnostic globalement correct, mais solutions erronées
Cette catégorie est fortement représentée, notamment dans le domaine
orthographique. Par exemple, l ’élève de CEI VR4 “corrige” ainsi l ’écrit
problématique :

103
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

*mesie —» *mesieur
*mesie —» *meusieur
(le cochon) *arétépa —» *arétépas etc.
On remarquecependant quedans les trois exemples cités, les corrections
proposées, si elles laissent subsister des graphies fautives, apportent des
améliorations relatives. Il s’agit là d ’un savoir en cours de construction, dont
les erreurs, plus ou moins localisées, sont en général la marque observable.
Les critères (-) signalent donc des dysfonctionnements pouvant se situer à
des étapes différentes de l’activité d ’évaluation : détection d’un problème,
traitement du problème détecté.

1.2.5. Décompte des critères (+) et des critères (-)


Les “CLID zonés” ont été utilisés pour recenser les critères (+) et (-) relevés
dans les éléments de corpus relatifs à chaque élève. On a pu se trouver
devant trois cas de figure différents, pour chacune des cases du tableau :
- absence de (+) ou de (-) : zéro occurrence
- présence d ’un seul (+) ou (-) : une occurrence
- présence de plusieurs (+) ou (-) : plusieurs occurrences.
Pour effectuer les décomptes permettant les comparaisons, un système
binaire a été retenu :
- zéro occurrence : zéro unité
- une ou plusieurs occurrences : une unité.
Ce choix s’explique ainsi : l’abondance de (+) ou de (-) dans certaines cases
aurait eu pour effet de fausser la mise à plat, si l’on considère que certains
domaines (l’orthographe en premier lieu) peuvent donner l’occasion de for­
muler de nombreuses remarques, chaque fois que l’élève croit déceler une
erreur, alors que d ’autres éléments (le schéma narratif...) sont en général
l’objet d’une unique réflexion, qui peut, certes, se développer, mais plus dif­
ficilement se démultiplier en occurrences multiples. En outre, l’inégale lon­
gueur des productions des élèves aurait également contribué à fausser les
tendances ; la solution retenue permet, de ce point de vue, une pondération
qui a le mérite de faire ressortir des faits en relation avec la nature des cri­
tères ; or, il faut rappeler que notre étude vise à permettre des interprétations
didactiques de type qualitatif.

1.3. Quelles variables ont été étudiées ?

1.3.1. Le champ des variables possibles


A partir de la variable didactique de référence (contextes R / nR), l’étude
porte sur la variation de la nature des critères mobilisés par les élèves (supra,

104
Nature des critères mobilisés par les élèves

chapitre II, 3.2.). Les données recueillies permettent de prendre en compte


les variables contextuelles suivantes :
- C E I / CM2
- élèves bons / moyens / faibles (B, M, F)
- évaluation (écrit problématique EP) / auto-évaluation (écrit de l’élève, Tl)
- remarques et annotations écrites / remarques orales (entretien).
Les études peuvent porter sur :
- les critères (+)
- les critères (-)
- les rapports entre critères (+) et critères (-)
- les modifications apportées par les élèves à leur propre écrit (réécri­
ture).
L’utilisation du CLID permet, dans chaque cas, la comparaison par catégo­
ries de critères d ’évaluation ou d ’interventions sur la production écrite.

1.3.2. Les variables retenues


Toutes les variables n ’ont pas eu le même traitement : certaines parties du
corpus ne produisent qu’un décompte squelettique ou lacunaire des unités
(critères (+) ou (-), modifications pour le texte T2). C’est le cas des élèves
de CEI, dont on a souligné le nombre réduit ; c ’est aussi le cas des critères
(-), plus rares que les remarques ou les corrections positives ; c’est égale­
ment le cas pour le détail case par case du CLID, qui démultiplie parfois à
l’excès certains décomptes ; en outre, lorsque l’on étudie le comportement
des groupes “bons”, “moyens”, “faibles”, on divise par trois l’effectif des
élèves observés.
Une fois écartées les données inexploitables, on a pu conduire des études
dans presque toutes les directions souhaitées.
Dans tous les cas, quelles que soient la partie du corpus considéré et les
variables contextuelles prises en compte, la variable didactique de référence
R/nR est systématiquement retenue : toutes les conclusions portent sur la
comparaison des comportements des élèves de classes R et nR.
Sont successivement étudiés dans ce chapitre :
- le nombre global de critères (+) et de critères (-) mobilisés par les
élèves de classes R /n R (évaluationet auto-évaluation) (infra, 2).
- la nature des critères (+) et des critères (-) mobilisés par les élèves de
classes R / nR, selon les catégories définies par le CLID (infra, 3).
- l’incidence de la variable évaluation / auto-évaluation, sur le nombre et
la nature des critères mobilisés (infra, 4).
- le nombre et la nature des modifications apportées à leur texte par les
élèves au cours des réécritures (infra, 5)
- la comparaison entre les discours auto-évaluatifs et les réécritures
(infra, 6).

105
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

- les éventuelles différences entre les élèves catégorisés comme bons,


moyens, faibles (infra, 7).
Chaque fois que cela a été possible, on a pris en compte les données concer­
nant les élèves de CEI et étudié leur comportement en le comparant à celui
des élèves de CM2.

2. NOMBRE DE CRITÈRES MOBILISÉS


PAR LES ÉLÈVES

2.1. Les élèves R mobilisent plus de critères (+)


que les élèves nR
Pour bâtir le tableau ci-dessous, on a additionné les critères dégagés des élé­
ments écrits (remarques d’élèves à la suite des textes, annotations en marge,
surcharges...) et des éléments oraux (entretien). Cette addition se justifie
ainsi : s’il y a parfois redondance entre écrit et oral, ce n ’est pas toujours le
cas (cela se vérifie dans les deux sens :des remarques écrites ne sont pas sys­
tématiquement reprises à l’oral, des remarques orales ne correspondent pas
toujours à une annotation). L’addition permet de pondérer deux sources
d’information, en espérant que leur combinaison neutralise ce que chacune
d’entre elles, prises séparément, risquerait d’entraîner comme distorsions :
en effet, en dépit des précautions prises pour que le recueil des données per­
mette des comparaisons non biaisées, on peut supposer que certains facteurs
ont dû jouer un rôle : l ’inégale facilité à formuler des remarques par écrit,
des différences dans la réaction aux entretiens.
CM2 CE1
R nR R nR
Nb % Nb % Nb % Nb %
EP 422 57% 325 43% 68 65% 35 35%
T1-T2 279 60% 187 40% 35 57% 26 43%
TOTAL 701 58% 512 42% 103 62% 62 38%

Tableau n° 1 : Total des critères (+)

A quoi correspondent les nombres du tableau ci-dessus ?


Ainsi, soit à l ’écrit, soit au cours de l’entretien, et s’agissant des remarques
faites par les élèves R portant sur l ’évaluation de l’écrit problématique pro­
duit par un pair, on a pu pointer 422 fois une des douze cases du CLID, sans
tenir compte des occurrences multiples (supra, 1.2.4.). Si toutes les cases
avaient été pointées pour tous les élèves, pour l’évaluation comme pour
l ’auto-évaluation, le maximum théorique, (indiqué ici à titre de repère de
grandeur), serait le suivant :
- CM2 :42 (él) x 12 (cases) x 2 (écrit + entretien) = 1008 (pour R comme pour nR) ;
- CEI : 10 x 12 x2 = 240 ( id ).
106
Nature des critères mobilisés par les élèves

Les pourcentages sont calculés, non sur ce maximum théorique, mais sur le
total effectivement réalisé : critères des élèves R + critères des élèves nR ;
par exemple, le 57% de la première case du tableau indique que les critères
mobilisés par les élèves R du CM2 lors de l’évaluation représentent 57% de
l’ensemble des critères mobilisés par les élèves R et nR (et donc que les
élèves nR ont, pour leur part, mobilisé 43% du même ensemble).
Dans tous les cas, le nombre des critères (+) mobilisés par les élèves de
classes R est supérieur à celui mobilisé par les élèves de classes nR :
- la différence est encore plus nette pour le CEI que pour le CM2 : on
pourrait attendre l’inverse, en considérant que l’écart R / nR se creuse
au fil des années ; en fait, il faut considérer que, dans de nombreuses
classes nR, la production de textes commence vraiment au CE2 ; les
textes écrits au CEI sont souvent très courts, et les remarques évalua­
tives en nombre limité ;
- au CM2, la différence est plus marquée pour l ’auto-évaluation que pour
l’évaluation ;
- au CEI, c’est l ’inverse qui peut être observé.
2.2. Les critères (-) sont plus nombreux chez les élèves nR
que chez les élèves R
CM2 CE1
R nR R nR
Nb % Nb % Nb % Nb %
EP 50 40% 74 60% 15 40% 23 60%
T1-T2 28 48% 31 52% 9 39% 23 61%
TOTAL 78 43% 105 57% 24 39% 37 61%
Tableau n° 2 : Total des critères (-)

Par rapport aux critères (+), les résultats sont inversés : ici, les élèves nR
l ’emportent sur les élèves r (57% en CM2 et 61% en CEI).
Au CM2, la différence est plus nette pour l’évaluation que pour l’auto-éva­
luation.

2.3. Les critères (+) l’emportent massivement


sur les critères (-)
CM2 CE1
R nR R nR
+ - + - + - + -
EP 422 89% 50 325 82% 74 68 82% 15 36 61% 23
T1-T2 279 91% 28 187 86% 31 35 80% 9 26 65% 14
TOTAL 701 90% 78 512 83% 105 103 81% 24 62 63% 37

Tableau n° 3 : Retatlon critères (+) / critères (-)

107
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

Dans tous les cas de figure, les critères (+) l’emportent massivement sur les
critères (-).
- La différence est plus forte pour les élèves de CM2 que pour ceux de CEI,
qu’ils soient R ou nR ; on peut en inférer un progrès entre le CE et le CM.
- La différence est également plus forte pour les élèves R que pour les
élèves nR : il semble donc que les élèves R ont non seulement formulé des
remarques globalement plus nombreuses que les élèves nR, mais qu’en
outre ces remarques sont proportionnellement plus pertinentes.
Les cas extrêmes sont représentés par :
- maximum : élèves CM2 R (auto-évaluation) 91%
- minimum : élèves CEI nR (évaluation) 61%
- La différence est plus élevée pour l’auto-évaluation que pour l’évaluation
de l’écrit problématique ; les écarts constatés sont toutefois assez faibles.
Si l ’écrit problématique a suscité davantage de remarques, il a aussi sus­
cité davantage d ’erreurs. Cela est vrai dans tous les cas, sauf pour les
élèves R de CEI, pour lesquels la différence s’inverse (mais il s’agit d’un
écart très réduit - 2% - portant sur des ensembles restreints : il serait hasar­
deux de chercher à en tirer une conclusion didactiquement signifiante).

3. NATURE DES CRITÈRES MOBILISÉS


PAR LES ÉLÈVES

3.1. Nature des critères (+)


Les élèves des classes R sont prioritairement attentifs aux problèmes
concernant le texte dans son ensemble, d’un point de vue pragmatique
et sémantique. Les élèves nR accordent la priorité au respect des
contraintes linguistiques dans le cadre de la phrase.
3 J J . Évaluation de Vécût problématique
(Sauf indication contraire, les tableaux suivants reproduisent les douze cases du
CLID)
CM2 CE1
R/nR R/nR R/nR R/nR R/nR R/nR
51/35 22/4 2/2 11/3 3/0 0/0
69/51 47/33 4 2 /4 3 11/5 0/1 1/0
25/11 15/14 6 0 /7 6 3/1 7/0 15/15

15/0 21/7 53/49 0/0 1/0 16/11

Tableau n° 4 : Nature des critères (+). Écrit P. (EP)


(Pour ce tableau et les suivants, la convention graphique ci-dessous est adoptée :
- caractères gras : forte différence R > nR
- caractères standard : faible différence R > nR
- italiques : différence inversée R < nR)

108
Nature des critères mobilisés par les élèves

En ce qui concerne les élèves de CM2, on peut tirer les conclusions sui­
vantes :
- une forte différence ( R > nR) est relevée dans les cases relevant du point
de vue “pragmatique” et des unités “texte dans son ensemble” et “relations
entre phrases” : comme les maîtres R (MAS et coll. 1991), les élèves des
classes R sont prioritairement attentifs aux critères situés “en haut et à
gauche” du CLID ; les résultats relatifs aux “aspects matériels” confirment
cette conclusion : ce sont essentiellement les cases 4 (“aspects matériels-
texte”) et 8 (“aspects matériels-relations entre phrases”) qui marquent la
différence R > nR, c’est-à-dire la prise en compte de critères tels que
“mise en page” et “découpage en paragraphes” ;
- en ce qui concerne le point de vue “sémantique”, une différence impor­
tante apparaît dans les cases 2 (“sémantique-texte”) et 6 (“sémantique-
relations entre phrases”) ; il s’agit de questions telles que : choix du type
de texte, sélection et organisation des informations, utilisation des substi­
tuts nominaux, cohérence, choix des connecteurs. La case 10 (“séman-
tique-phrase”), qui marque une légère différence en faveur de nR,
concerne le vocabulaire : de nombreuses remarques portent, en effet, chez
les élèves nR, sur le choix des mots, exigence de nature stylistique assez
fortement récurrente ;
- la case 11 (conjugaison, syntaxe de la phrase et surtout, orthographe)
marque un écart réellement signifiant en faveur des élèves nR : 76 men­
tions pour cette case chez les élèves nR, sur un maximum possible de 84 :
c’est là le score le plus élevé qui ait pu être relevé.
Pour les élèves de CEI, les résultats sont assez semblables, avec quelques
nuances :
- très peu de remarques sur l ’aspect matériel du texte dans son ensemble ou
dans son organisation interphrastique (cases 4 et 8) ; en revanche, la case
12 est mieux garnie (lisibilité graphique, ponctuation...) ;
- l’écart en faveur des élèves R est massif “en haut et à gauche”, encore plus
important qu’au CM2, notamment dans les cases 1 et 2 (“pragmatique-
texte” et “sémantique-texte”) ; on peut attribuer cette différence au fait
qu’au CEI, bien peu de classes nR ont commencé à travailler sur des
textes, au cours d’activités de production ; c’est ce qui peut expliquer aussi
le fait que, dans la colonne “phrase”, le nombre des remarques R et nR
s’équilibre à peu près en ce qui concerne la case 11 (“morphosyntaxique-
phrase”) ;
- on aura remarqué que, pour les élèves de CEI, et contrairement à ceux de
CM2, aucune case ne donne un avantage signifiant aux élèves nR.

109
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

3.1.2. Auto-évaluation de récrit de chaque élève


CM2 CE1
R/nR R/nR R/nR R/nR R/nR R/nR
30/28 15/3 2/1 11/4 1/0 0/0
53/38 19/22 22/19 8/3 2 /3 3/1
27/9 10/7 35/34 1/1 3/0 4 /9

26/1 13/2 27/23 0/0 0/0 2 /5

Tableau n° 5 : Nature des critères (+). Écrit EL. (T1-T2)

Le tableau n°5 comporte de nombreuses similitudes avec le tableau n°4,


aussi bien pour les élèves de CM2 que pour les élèves de CEI.
- On retrouve les mêmes zones de concentration de critères “en haut à
gauche” pour les élèves R. Toutefois, quelques différences sont à relever.
Chez les élèves de CM2 :
- la case 1 (“pragmatique-texte”) est marquée par un très faible écart R /
nR ; de nombreuses remarques portent en effet sur la consigne d’écriture,
et sur la manière dont elle a été prise en compte ; ce n ’était pas le cas pour
l’évaluation de l’écrit produit par un pair ;
- en revanche, l’écart est très creusé pour la case 3 (“moiphosyntaxique-
texte”) : cela est dû au grand nombre de remarques, chez les élèves R,
relatives à la structure du texte, et à la valeur des temps verbaux ;
- chez les élèves de CM2, les critères relatifs à l’unité “phrase” (cases 9 -1 0
- 11 -12) sont en nombre quasi égal chez R et nR ; pour la case 11 (“mor-
phosyntaxique-phrase”), les R l’emportent légèrement, alors que les nR y
avaient obtenu, lors de l’évaluation du texte de pair, le score maximum de
74 (ils passent de 76 à 34) ; on peut remarquer que l ’orthographe suscite à
peu près deux fois moins de remarques dans l’auto-évaluation que dans
l ’évaluation d ’un texte écrit par un pair ;
- le cas de la case 6 (“sémantique-interphrastique”) est intéressant ; c’est
cette case qui contient le problème des substitutions nominales ; si le
décompte est à l’avantage des élèves de classes nR, c’est en raison de la
forte récurrence - parfois presque obsessionnelle - du repérage des “répéti­
tions” ; comme pour les faits de vocabulaire, la substitution nominale, est
ressentie comme le respect d’une norme stylistique par les élèves nR.

On peut remarquer, chez les élèves de CEI, le caractère lacunaire du


tableau : seules sont garnies de manière signifiante les zones “en haut à
gauche” (à l ’avantage de R) et “en bas à droite” (à l ’avantage de nR).

110
Nature des critères mobilisés par les élèves

3.2. Nature des critères (-)


Les élèves R et nR commettent autant d’erreurs “en haut à gauche” ;
les élèves nR en commettent davantage “en bas à droite”.
3.2.1. Évaluation de récrit problématique
CM2 CE1
R/nR R/nR R/nR R/nR R/nR R/nR
5/8 3/3 0/0 1/4 1/1 0/0
14/13 4/8 4/4 1/4 0/1 4 /0
3/4 4/9 7/15 1/0 1/0 7/12

0/0 2/1 4/9 0/0 0/1 2/0


Tableau n° 6. Nature des critères (-). Écrit P
La faiblesse générale des nombres décomptant les critères (-) conduit à ne
formuler que quelques remarques.
Chez les élèves de CM2, la zone “en bas à droite” est nettement mieux gar­
nie chez les élèves nR que chez les élèves R : cela signifie simplement que
les élèves nR ont multiplié les remarques relevant de ces cases (orthographe,
ponctuation...) et, ce faisant, ont logiquement multiplié les risques d ’erreurs.
Pour la zone “en haut à gauche”, un équilibre semble s’établir entre R et nR,
pour les critères (-), alors que les critères (+) étaient nettement plus nom­
breux chez les élèves R : le nombre d’erreurs rapporté au nombre total de
remarques est donc nettement inférieur.
On trouvera ci-dessous le tableau des élèves de CEI, bien que la faiblesse
des nombres ne permette pas de tirer des conclusions, qui seraient par trop
hasardeuses. Seule, la case 11 (“morphosyntaxique-phrase”), un peu mieux
garnie, confirme la tendance déjà observée.
3.2.2. Auto-évaluation du texte de chaque élève
CM2 CE1
R/nR R/nR R/nR R/nR R/nR R/nR
5 /4 0/2 0/0 4 /3 0/0 0/0
10/12 4 /3 0/1 1/4 1/0 0/0
1/0 3/3 2/3 0/0 0/1 2/6

o/o 0/1 3/2 0/0 0/0 1/0


Tableau n° 7 : Nature des critères (-). Ecrit EL.
Les chiffres sont trop faibles pour qu’on puisse faire autre chose que des re­
marques partielles.
Chez les élèves de CM2, la faible différence totale (R : 28 / nR : 31) se
reflète dans le détail de chaque case : tantôt c’est R qui l’emporte d’un point,
tantôt c’est nR ; les écarts n ’ont pas de valeur signifiante.

111
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

Chez les élèves de CEI, en dépit de la faiblesse de la base numérique, un


fait mérite d’être noté : la case 1 comporte 4 critères (-) pour les élèves R, 3
pour les élèves nR ; ces nombres sont à rapprocher de ceux des critères (+) :
- R : 11 critères (+) / 4 critères (-)
- nR : 4 critères (+) / 3 critères (-)
On voit donc que, chez les élèves R, le nombre de remarques erronées repré­
sente à peu près le quart de l’ensemble des remarques formulées ; chez les
élèves nR, il en représente presque la moitié.

4. ÉVALUATION ET AUTO-ÉVALUATION
Les tableaux contenus dans les points 2 et 3 et les commentaires qui les
accompagnent ont déjà amorcé la comparaison entre l’évaluation (écrit pro­
blématique) et l’auto-évaluation (écrit de chaque élève). Il a semblé néces­
saire de la faire apparaître de manière synthétique : cette variable concerne
en effet un aspect essentiel de la compétence évaluative.

4.1. Évaluation et auto-évaluation : comparaison du nombre


de critères mobilisés
Le nombre de critères mobilisés par l’évaluation est nettement supé­
rieur à celui des critères mobilisés par l’auto-évaluation.
4.1.1. Critères (+) [Elèves de CM2 et de CEI]
Auto­
Evaluation évaluation
Nb % Nb %
CM2 R 422 60% 279 40%
CM2 nR 325 64% 187 36%
CE1 R 68 66% 35 34%
CE1 nR 36 58% 26 42%
Total 851 62% 527 38%

Tableau n° 8 : Total des critères (+). Écrit P/Écrit EL.

Les pourcentages sont calculés, pour un même ensemble (par exemple, la


totalité des élèves de CM2 des classes R) sur la totalité des critères concer­
nant évaluation + auto-évaluation.
L’évaluation de l ’écrit d’un pair a donc suscité des remarques mobilisant
plus de critères que l ’auto-évaluation de son propre écrit par chaque élève.
La différence est nette : 62% pour le total. Le pourcentage s’établit, selon les
cas, entre 58% et 66%.

112
Nature des critères mobilisés par les élèves

- La répartition entre R et nR semble mieux équilibrée au CM2 (60% et


64%).
- En revanche, au CEI, la différence R / nR, très marquée, est inversée : les
élèves nR ont, proportionnellement, mobilisé plus de critères que les
élèves R pour l ’auto-évaluation, sans dépasser toutefois le pourcentage de
42%. On peut avancer (avec prudence, étant donné la base numérique un
peu fragile) l’interprétation suivante : le nombre des critères mobilisés
pour l’auto-évaluation par les élèves de CEI R et nR n’est pas très diffé­
rent (35 et 26) ; en revanche, l’écart en pourcentage résulte de la diffé­
rence très creusée entre les nombres relatifs à l’évaluation (68 et 36) ; les
élèves R de CEI semblent avoir eu à leur disposition des savoirs textuels
plus précis leur permettant de formuler de nombreuses remarques sur
l’écrit problématique.

4.1.2. Critères (-) [Elèves de CM2 et de CEI]


Auto­
Evaluation évaluation
Nb % Nb %
CM2 R 50 64% 28 36%
CM2 nR 74 70% 31 30%
CE1 R 15 62% 9 38%
CE1 nR 23 62% 14 38%
Total 162 66% 82 34%

Tableau n° 9 : Total des critères (-). Écrit P/Écrit EL.

Le nombre de critères (-) convoqués pour l’évaluation de l’écrit d’un pair est
massivement plus élevé que celui relatif à l ’auto-évaluation ; il atteint quasi­
ment le double. Le maximum est atteint chez les élèves nR du CM2.
Il apparaît donc très nettement que les élèves, qu’ils soient de classe R ou
nR, évaluent plus aisément l’écrit d’un pair que leur propre écrit : les cri­
tères mobilisés à cet effet, qu’ils soient (+) ou (-), sont presque deux fois
plus nombreux dans la tâche évaluative que dans la tâche auto-évaluative.
Ce n ’est pas là une découverte (voir Bartlett, 1982). En témoignent ces deux
réponses à la même question, relevées la première dans une classe R, la
deuxième dans une classe nR :
“Qu’est-ce qui est le plus difficile : relire ton texte, ou celui d'un
autre enfant ?”
- Elève R : "C’estplus difficile mon texte,parce que les autres... c’est
moi qui l’ai rédigé, et quand je l’ai écrit, j ’ai mis tout ce que je
savais, et c’est pas facile de trouver les choses que je savais pas !”

113
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

- Elève nR : "Je trouve que dans le texte qu'on a fait nous-mêmes,


c'est dur de critiquer... parce que, enfin, quand on fait quelque
chose, c'est qu'on trouve assez bien ce qu’on a fait ! c'est ce qu'on
a imaginé comme histoire : alors, c’était assez dur de critiquer..."
Intuitivement, ces deux élèves avancent deux explications essentielles ;
l’élève de classe R se situe plutôt sur un plan technique : comment, au
moment où on relit son propre écrit, disposer d ’un savoir supérieur à celui
que l ’on a mobilisé durant l ’écriture, permettant d’en discerner les insuffi­
sances ? L’élève de classe nR se situe pour sa part sur un plan plus subjectif,
voire psychologique : comment se décentrer, scruter sa propre production
avec un regard non plus complaisant, mais critique ?
Le deuxième fait à interpréter concerne le décalage entre les élèves des
classes R et nR : les premiers accusent un écart plus réduit que les seconds
entre évaluation et auto-évaluation. On peut avancer comme explication que
la démarche d ’évaluation formative, même si elle ne rend pas l ’auto-évalua­
tion aussi aisée et efficace que l’évaluation, tend tout de même à réduire la
distance entre ces deux types de tâches : la pratique de l’écriture en projet
implique des activités relevant des opérations de planification, permettant
notamment de construire la représentation (plus ou moins complète et pré­
cise) de l ’écrit à produire.

4.2. Évaluation et auto-évaluation :


nature des critères mobilisés
L’écart entre évaluation et auto-évaluation est plus net “en haut à
gauche” chez les R, “en bas à droite” chez les nR.
On a étudié séparément les élèves de CM2 et ceux de CEI, les données rela­
tives à ces derniers étant souvent lacunaires et ne pouvant pas, de ce fait,
être intégrées à une étude générale.

4.2.1. Elèves de CM2


R NR
Eva/Auto. Eva/Auto. Eva/Auto. Eva/Auto. Eva/Auto. Eva/Auto.
51/30 22/15 2/2 35/28 4/3 2/1
5/5 3/0 0/0 8 /4 3/2 0/0
69/53 47/19 4 2/22 51/38 3 3/22 43/19
14/10 4 /4 4/0 13/12 8 /3 4/1
25/27 15/10 60/35 11/9 14/7 7 6/34
3/1 4/3 7 /2 4 /0 9 /3 15/3

15/26 21/13 53/27 0/1 7 /2 49/23


0/0 2/0 4/3 0/0 1/1 9/2

Tableau n° 10. CM2. PR/EL. Nature des critères (+) et (-)

114
Nature des critères mobilisés par les élèves

Sont indiqués en caractères gras les cas où la différence : (Nombre de cri­


tères mobilisés pour l ’évaluation) - (Nombre de critères mobilisés pour
l’auto-évaluation) est importante ; sont indiqués en italique et soulignés
les cas où la différence est inversée.
En ce qui concerne les critères (+)> une première remarque s’impose : les
différences en faveur de l’évaluation sont plus nettes chez les élèves nR que
chez les élèves R pour les cases “en bas à droite’’ du CLID : c’est manifeste
pour les cases 10 (“sémantique-phrase’’), 11 (“morphosyntaxique-phrase)’’et
12 (“aspects matériels-phrase”) ; dans ces cases, chez nR, le nombre de cri­
tères accuse une chute de plus de la moitié lorsqu’il s ’agit d ’auto­
évaluation ; cette chute est proportionnellement encore plus brutale pour les
critères (-). En revanche, dans les cases “en haut à gauche”, on observe un
phénomène contraire : l’écart évaluation / auto-évaluation est plus accentué
chez les élèves R que chez les élèves nR (cases 1 : “pragmatique-texte” ; 2 :
“sémantique-texte” et 6 : “sémantique-interphrastique”). On peut proposer
plusieurs explications. Les zones d ’attention prioritaires (“en haut à gauche”
chez R, “en bas à droite” chez nR) subiraient plus nettement l’effet “auto­
évaluation”, qui tend à réduire la facilité à mobiliser des critères lorsqu’il
s’agit de son propre texte ; les autres zones, moins intensivement activées
lors de l ’exploration d’un texte de pair, seraient moins affectées par cet effet.
Mais on peut aussi expliquer le phénomène concernant les cases 1 et 6 par la
nature de l’écrit “problématique” proposé aux élèves de CM2 : “Le volage
des oiseaux” , a posé aux lecteurs la question de son enjeu (quel type
d ’écrit ? comment expliquer par un récit une transformation qui affecte
toute l ’espèce ?) et celui de sa cohérence (s’agit-il de poissons ? de croco­
diles ? d ’oiseaux ?). Les élèves R ont formulé de nombreuses observations
sur ces points, alors que leurs propres écrits ne les ont pas conduits à porter
leur attention sur les mêmes questions de fonctionnement.
On peut noter avec intérêt l’“inversion” qui affecte les cases 3 et 4, chez les
élèves R : l ’auto-évaluation y a mobilisé plus de critères que l ’évaluation.
L’écart important de la case 4 (15 / 26) s’explique par le fait que, pour leur
propre écrit, les élèves R ont souvent fait intervenir des remarques relatives
à la mise en page (ce qui n ’a jamais été le cas chez les élèves nR) : peut-on
conclure que cet aspect précis de la matérialité du texte s’appréhende plus
facilement lorsque l ’on doit produire que lorsque l’on doit lire un texte déjà
réalisé par un pair ? Pour la case 3, c’est essentiellement sur les problèmes
de la structure que les élèves R ont été plus attentifs lorsqu’il s ’agissait de
leurs propres écrits.
En ce qui concerne les critères (-), les chiffres sont en général très faibles.
La chute est importante entre évaluation et auto-évaluation surtout dans la
zone “en bas à droite” : elle est plus accentuée chez les élèves nR. Aucun
cas de différence inversée en faveur de l ’auto-évaluation n ’a pu être relevé.

115
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

42.2. Elèves de CEI


R NR
Eva/Auto. Eva/Auto. Eva/Auto. Eva/Auto. Eva/Auto. Eva/Auto.

11/11 3/1 0/0 m 0/0 0/0

11/8 0/2 1/3 5/3 7/3 on


3/1 7 /3 1 5/4 1/1 0 /0 15/9

0/0 1/0 16/2 0/0 0/0 11/5

Tableau n° 11 : CE1. EP/T1-T2. Nature des critères (+)

Les nombres sont en général faibles. On a exclu, pour cette raison, les
décomptes relatifs aux critères (-), leur tableau étant par trop lacunaire (25
zéro pour 48 cases).
En ce qui concerne les critères (+), la différence évaluation / auto-évaluation
est nette dans les cases “en bas à droite” ; contrairement à ce que l’on a
observé au CM2, elle est plus forte chez les élèves R que chez les élèves nR.
Dans la zone “en haut à gauche”, il y a, chez les élèves R, un assez faible
écart entre évaluation et auto-évaluation ; il en est de même chez les élèves
nR (mais cela ne porte que sur des nombres très réduits).

5. RÉÉCRITURE
Les modifications apportées par les élèves à leur propre production permet­
tent de disposer d’indices intéressants quant à leurs compétences de réécri­
ture attestées. Or, les modifications relevées sont peu nombreuses ; les
élèves étaient seulement invités à en apporter, s’ils le souhaitaient, après leur
travail auto-évaluatif écrit. On a pu constater que de bons élèves, en dépit de
remarques auto-évaluatives lucides et précises, ont refusé de modifier leur
texte T l autrement que sur des points étroitement localisés (étourderies,
fautes oubliées...). C’est loin d ’être le fait de cas isolés. Il semble que le dis­
positif de recueil des données a été perçu par les élèves comme leur propo­
sant des tâches discontinues, sans perspective d ’ensemble. Dans ces
conditions, ce qui fonde l’écriture en projet : l’enjeu et la mise en œuvre de
moyens permettant de l’atteindre, n’a pas suffisamment fonctionné pour
rendre effective une réécriture. Il est vraisemblable que les élèves des
classes R ont été plus déroutés que les élèves des classes nR par la forme des
tâches proposées : pas de projet d ’écriture comportant un enjeu de commu­
nication vers un destinataire, pas de maîtrise globale des différentes phases
du travail ; il fallait répondre aux consignes au coup par coup. Le texte, une
fois relevé, est perçu comme terminé par nombre d’élèves R et nR. C’est ce

116
Nature des critères mobilisés par les élèves

qu’expriment chacun à sa façon, un élève R et un élève nR, ce dernier se


référant à une habitude scolaire.
Observateur : -”Tu as écrit que tu ne souhaitais pas modifier ton
texte. Pourquoi ?
Elève SR2 : - Parce que... Je comptais pas le modifier... Je sais bien
qu'il y a des choses qui n'allaient pas bien : mais je ne l’ai pas modi­
fié quand-même.
- Pourquoi ? Tu n’avais pas envie ? Ou tu n’aurais pas su ?
- Si, j'aurais su... mais je ne T ai pas fait... Je sais pas pourquoi,
d’ailleurs.
- Tu n'avais pas envie ? C’était fini ?
- Oui... C’est ça.”
Observateur : “Tu n’as pas modifié ton texte. Pourquoi ?
Elève DnR6 : Je sais pas... je...
- Tu n’étais pas obligée...
- Je l’aimais bien.
- Tu l’aimais bien ?
- Oui.
- Par exemple, tu aurais pu : sur les répétitions, sur ce que tu viens
de dire...
- J’aurais pu le faire, oui...
- Et pourquoi ne l’as-tu pas fait ?
- Je sais pas trop. Je suis pas habituée à le faire.
- Quand le texte est fini...
- On le laisse fini, oui !”
Le nombre des modifications étant donc réduit, (c’est la conséquence du
choix de la situation d ’écriture, qui se justifie par le souci de ne privilégier
aucun des deux groupes d ’élèves, R et nR), il serait hasardeux de bâtir des
conclusions tranchées. La prudence s ’impose, tant en ce qui concerne
l’étude des modifications, qu’elles soient justes ou erronées, qu’en ce qui
concerne la comparaison entre les discours auto-évaluatifs émis à propos
d’un écrit et les changements opérés sur ce même écrit.

117
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

5.1. Nombre de modifications


Les élèves R opèrent plus de modifications positives et moins de
modifications négatives que les élèves nR.

CM2 CE1
R nR R nR
Mod. Nb 108 76 13 12
(+> % 59% 41%
Nb 10 18
Mod. (-)
% 36% 64%
% des Mod (-) 8% 19%

Tableau n° 12 : Total des modifications (+) et (-)

Le tableau n°12 recense les modifications apportées aux écrits par leurs
auteurs. Pour le CM2, il est composé de la façon suivante :
- première ligne : nombre de modifications (+) apportées au texte ;
- deuxième ligne : pourcentage, calculé sur le total R + nR (59% signifie
que, sur le total des modifications (+) opérées par les élèves R et nR, les
élèves R en ont effectué 59%) ;
- troisième et quatrièmes lignes : présentation identique pour les modifica­
tions (-) ;
- dernière ligne : pourcentage des modifications (-), par rapport à
l’ensemble des modifications (le 8% signifie que les élèves R ont opéré
8% de modifications (-), sur le total de leurs modifications (+) et (-).
Pour le CEi, nous n’avons pas fait figurer les pourcentages, qui n’ont guère
de sens, étant donné la faiblesse extrême des nombres.
Les modifications (+) sont toujours proportionnellement plus nombreuses
chez les élèves R que chez les élèves nR ; en revanche, les modifications (-)
sont nettement moins nombreuses chez les élèves R ; la différence est très
importante. Il en résulte que le pourcentage des modifications (-) sur le total
des modifications, faible chez les élèves R (inférieur à 10%), et notablement
plus élevé chez les élèves nR (près de 20% au CM2 ; au CEI, le nombre de
modifications (-) rejoint presque celui des modifications (+) chez les
élèves nR).

5.2. Nature des modifications


Pour les élèves de CM2 R et nR, les réécritures les plus nombreuses
relèvent de la zone “en bas à droite” du CLID : orthographe, conjugai­
son, ponctuation.
Seul le cas du CM2 a été examiné : pour le CEI, les CLID, beaucoup trop
lacunaires, ne permettent de tirer aucune conclusion d’ensemble.

118
Nature des critères mobilisés par les élèves

nR
10 3 1 8 4 1
12 11 16 8 5 7
2 8 25 6 5 21

14 10

Tableau n° 13 : Nature des modifications (+)

Le tableau n°13 recense selon la classification du CLID les modifications


positives apportées à leurs productions par les élèves de CM2.
Un fait émerge dès l ’abord : même chez les élèves R, la zone “en bas à
droite” (cases 10, 11, 12) est le lieu des modifications les plus nombreuses.
L’explication est simple : vocabulaire, orthographe, conjugaison, syntaxe de
la phrase, ponctuation... font facilement l’objet de retouches locales n ’exi­
geant pas une réécriture étendue.
Les situations de forte différence à l’avantage de R affectent notablement les
points de vue sémantique et graphique. Dans toutes les catégories relevant
du sémantique, les élèves R ont effectué de fréquentes modifications, que
ces dernières soient locales (case 10), portent sur des questions d ’enchaîne­
ment ou de cohérence (case 6), ou sur la sélection et l ’organisation des
informations pour l ’ensemble du texte (case 2). En ce qui concerne l’entrée
graphique, l’écart est également net, bien que portant sur un nombre de
modifications plus réduit.
Quant à l ’inversion qui caractérise la case 3 (morphosyntaxique-texte), elle
résulte, chez les élèves nR, de la rectification de temps verbaux jugés inadé­
quats (imparfait et passé simple) choisis pour opérer la mise en relief ; il
s’agit, certes, d ’un problème trouvant sa solution dans une réflexion portant
sur l ’ensemble du texte, mais pouvant pratiquement se résoudre par des
changements localisés, limités à un mot.
Une constatation ne correspond pas aux attentes : les deux cases “en haut à
gauche” (cases 1 et 2) sont convenablement garnies pour les élèves nR ; il
faut toutefois rappeler que les remarques auto-évaluatives avaient fait appa­
raître une relative concentration de leur attention sur ce secteur.
Il n ’a pas été possible d ’effectuer le même travail sur les modifications (-) :
leur nombre, catégorie par catégorie, est trop réduit. On peut toutefois noter
qu’en ce qui concerne la case 11 (orthographe, conjugaison...) les élèves R
commettent 3 erreurs pour 25 rectifications judicieuses, les élèves nR 5
erreurs pour 21 rectifications justes. Il en est de même pour la case 12 (où
les corrections de ponctuation sont majoritaires) ; 1 erreur pour 14 rectifica­
tions recevables chez les élèves R ; 4 erreurs pour 10 chez les élèves nR.

119
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

6. DISCOURS AUTO-ÉVALUATIF ET RÉÉCRITURE

6.1. Les réécritures sont deux fois moins nombreuses que


les remarques auto-évaluatives. L’écart est légèrement
moins élevé chez les élèves nR.

CM2 CM2
R nR R nR
Nb mod. 108 76 13 12
(+) Nb rem. 279 187 35 26
Ratio 0,39 0,41 0,37 0,46
Nb mod. 10 18 2 9
(-) Nb rem. 28 31 9 14
Ratio 0,36 0,58 0,22 0,64

Tableau n° 14 : Réécritures/auto-évaluation

Les lignes “Nb mod.” et “Nb rem.” font apparaître, respectivement, le


nombre de modifications apportées par les élèves à leur écrit et le nombre de
remarques auto-évaluatives, écrites ou orales, portant sur le même écrit. La
ligne “Ratio” donne le rapport des modifications (Nb mod.) aux remarques
(Nb rem.) : le ratio 1 signifierait qu’il y a égalité entre les deux nombres.
La première partie du tableau concerne les modifications et remarques posi­
tives ; la seconde, organisée de la même façon, concerne les modifications et
remarques erronées.
Comme on le constate, les modifications apportées aux textes, traces maté­
rielles d ’une intervention de réécriture, sont très nettement moins nom­
breuses que les remarques auto-évaluatives formulées sur ces mêmes textes :
en général, le ratio s’établit assez en-deçà de 0,5. Pour les éléments positifs,
sensiblement autour de 0,4, avec un léger décalage en faveur des élèves nR ;
ce décalage s’explique par le fait que les élèves nR ayant plus souvent porté
leur attention et leurs efforts sur les faits textuels classés “en bas à droite”,
les modifications appelées, souvent locales, ont pu être effectivement tentées
(infra, 4.3.2.). En fait, ces interventions sont perçues par les élèves comme
des “corrections” plutôt que des actions tendant à modifier leur texte. Le
phénomène se retrouve, fortement accentué, pour les éléments erronés.

120
Nature des critères mobilisés par les élèves

6.2. Réécritures et remarques auto-évaluatives


“En haut à gauche” : une réécriture pour quatre remarques ;
kiEn bas à droite” : trois réécritures pour quatre remarques.
6.2.1. Le CM2

R nR
Modif. 11 3 1 8 5 2
Rem. 35 15 2 32 5 1
Ratio 0,31 0,2 0,5 0,25 1 2
Modif. 12 12 17 9 5 9
Rem. 63 23 22 50 25 20
Ratio 0,19 0,52 0,77 0,18 0,2 0,45
Modif. 3 9 281 8 6 26
Rem. 28 13 37 9 10 37
Ratio 0,11 0,69 0,76 0,89 0,6 0,7

Modif. 3 5 15 0 2 14
Rem. 26 13 30 1 3 25
Ratio 0,12 0,38 0,2 0 0,67 0,56

Tableau n° 15 : CM2. Réécriture/auto-évaluation

Ce tableau présente le total des modifications et remarques, positives et


négatives additionnées (la comparaison entre positif et négatif a été effec­
tuée ailleurs : supra, 2.3 et 4.1.). On a voulu étudier ici le rapport entre les
réécritures (judicieuses ou non) et les discours auto-évaluatifs.
Chaque case de ce CLID com porte trois indications num ériques
superposées : le nombre des modifications (ligne “Modif.”), le nombre des
critères convoqués dans le discours auto-évaluatif (ligne “Rem.”), le ratio
Modif. / Rem. ¿igné “Ratio”).
La comparaison des ratios permet de conclure que ceux de la zone “en haut
à gauche” sont globalement faibles, nettement plus faibles que ceux de la
zone “en bas à droite” :
- point de vue sémantique : deux cases ont un ratio supérieur à 0,5, chez
les élèves R (case 6 : sémantique-interphrastique et case 10 : séman-
tique-phrastique) ;
- point de vue morphosyntaxique : 5 cases sur 6 ont un ratio supérieur à
0,5, avec des scores en général élevés ;
- aspect matériel : deux cases nR ont un ratio supérieur à 0,5.
On remarque que l ’unité “Phrase” comporte 5 ratios élevés, alors que l’unité
“Relations entre phrases” n ’en comporte que 4, et que l ’unité “Texte” n ’en
comporte qu’un. Cette centration sur la phrase a déjà été interprétée : les

121
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

modifications sont plus aisément effectuées lorsque le problème porte sur un


élément localisé ; lorsqu’il s’agit, à l’inverse, d’une modification obligeant à
reconsidérer le fonctionnement du texte dans son ensemble ou dans des sec­
teurs plus étendus, les élèves hésitent à se lancer dans des opérations de
réécriture, même s’ils sont en mesure d’identifier le dysfonctionnement à
réduire. C’est ce qui explique que la case 11 (orthographe, conjugaison, syn­
taxe de la phrase...) obtient un ratio de 0,76 chez les élèves R et de 0,7 chez
les élèves nR.
Si on note une homologie globale entre R et nR, quelques distorsions sont à
examiner. D’une manière générale, les ratios de R sont plus élevés que ceux
de nR (supra, 4.3.1.). La supériorité est patente dans les cases 6 et 10 qui
relèvent toutes deux du sémantique. En revanche, les nR l’emportent pour
les cases 3 (grâce aux corrections relatives au choix des temps verbaux), 8 et
12 (en raison des corrections de ponctuation et de majuscules).
6.2.2. U CEI
Le CLID relatif aux élèves de CEI ne figure pas ici ; ce tableau, trop lacu­
naire, ne permet pas de tirer des conclusions d’ensemble. On se bornera à
constater que la tendance relevée au CM2 n ’est pas contredite : les réécri­
tures sont relativement plus nombreuses “en bas à droite”. En revanche, les
élèves nR obtiennent parfois des ratios plus élevés que les élèves R ; il s’agit
toujours des cases 10, 11 et 12, relevant de l’unité “Phrase”. On peut faire
l’hypothèse que les élèves nR du CEI sont plus familiers des tâches de “cor­
rection” portant sur des problèmes locaux dans le cadre de la phrase que de
tâches auto-évaluatives, qui impliquent une problématique tout autre :
notamment une certaine pratique distanciée de la production d’écrits. Cela
pourrait expliquer la différence, déjà constatée entre CEI et CM2.

7. ÉLÈVES BONS / MOYENS / FAIBLES


La comparaison ne peut être faite que pour les élèves de CM2, où les don­
nées recueillies permettent ce travail : sur le total de 42 élèves R et 42 élèves
nR, on dispose dans chaque cas de 14 B, 14 M, 14 F.

122
Nature des critères mobilisés par les élèves

7.1. Nombre de critères mobilisés


Dans les classes nR, les différences entre B / M / F sont plus tranchées
que dans les classes R.
7.1.1. Nombre de critères (+) mobilisés

R nR
B M F B M F
Eval. 154 159 109 129 112 83
% 36,5% 37,5% 26% 40% 34,5% 25,5%
Auto. 104 91 87 79 52 57
% 37% 32% 31% 42% 27,5% 30,5%

Tableau n° 16 : Critères (+). B/M/F

On a totalisé, pour l’évaluation (“Eval.”) et l’auto-évaluation (“Auto.”) les


critères (+) mobilisés à l’écrit et au cours des entretiens (supra, 2.1.2.). Le
pourcentage est calculé sur le nombre total des critères B + M + F. Ainsi, le
premier nombre indique que 154 critères ont été mobilisés par les élèves B
de CM2, pour évaluer l ’écrit problématique ; le pourcentage qui figure au-
dessous (36,5%) indique que ces 154 critères représentent 36,5% des cri­
tères mobilisés par les élèves B, M et F.
Des tendances apparaissent nettement :
- la différence entre les pourcentages obtenus par les B et ceux obtenus
par les F est moins prononcée chez les élèves R ;
- le pourcentage obtenu par les M est supérieur chez les élèves R ;
- le pourcentage obtenu par les F est très légèrement supérieur chez les
élèves R ;
- le pourcentage obtenu par les B est supérieur chez les élèves nR.
Pour interpréter correctement ces résultats, il ne faut pas perdre de vue que
les pourcentages ne portent pas sur un total de critères R égal au total des
critères nR : les bons élèves R, bien que présentant un pourcentage inférieur
à celui des bons élèves nR, ont néanmoins mobilisé un nombre de critères
supérieur.
On peut avancer les conclusions suivantes :
- dans tous les cas, les élèves R, qu’ils soient B, M ou F ont mobilisé un
nombre de critères supérieur à celui des élèves nR correspondants ;
- dans les classes R, l’écart est moins creusé entre les bons et les faibles,
et les moyens constituent un groupe relativement plus performant.

123
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

7.1.2. Nombre de critères (-) mobilisés

R nR
B M F B M F
Eval. 20 13 15 19 22 33
% 42% 27% 31% 25% 30% 45%
Auto. 5 13 10 9 10 12

Tableau n° 17 : CM2. Critères (-). B/M/F.

Pour les critères (-), la base de calcul est sensiblement plus faible. Par
ailleurs, on en relève moins chez les élèves R que chez les élèves nR.
Pour l’évaluation, les bons élèves R mobilisent plus de critères (-) que les
faibles ; chez les élèves nR, le résultat est nettement inversé, avec une forte
différence entre B et F.
Pour l’auto-évaluation, la base de calcul est insuffisante pour que l’on puisse
faire figurer des pourcentages.
7.1.3. Comparaison du nombre de critères (+) et(-) mobilisés

R nR
B M F B M F
Eval. 174 172 124 148 134 116
(-) % 11% 8% 12% 13% 16% 28%
Auto. 109 104 97 88 62 69
(-)% 4% 12% 10% 10% 16% 17%

Tableau n° 18 : CM2. Critères (+) et (-). B/M/F.

Successivement, pour l’évaluation et l’auto-évaluation, on a additionné (pre­


mière ligne) le nombre des critères (+) à celui des critères (-) ; puis on a cal­
culé (deuxième ligne) le pourcentage des critères (-) sur le total ainsi obtenu.
Ce calcul permet d’apprécier le poids relatif des critères (-) par rapport à
l’ensemble des remarques.
Des tendances intéressantes apparaissent :
- le pourcentage des critères (-) est toujours plus élevé chez les nR que
chez les R : c’est vrai pour chaque groupe B, M, ou F, aussi bien que
pour évaluation ou auto-évaluation ;
- dans tous les cas, la différence entre B et F est plus marquée chez nR
que chez R ;
- dans les classes nR, on constate que la “hiérarchie” est bien respectée :
le pourcentage de critères (-) augmente en allant des B aux M et des M
aux F : les “bons” commettent moins d’erreurs que les “moyens”, qui

124
Nature des critères mobilisés par les élèves

eux-mêmes en commettent moins que les “faibles ; en revanche, dans


les classes R, le groupe des M vient perturber le classement : ils se
situent tantôt au-dessus des deux autres groupes, tantôt au-dessous.

7.2. Nature des critères mobilisés selon les catégories


du CLID
Les écarts entre bons, m oyens, faibles sem blent plus fluides
dans les classes R.

R nR R nR R nR

B 30 25 15 B © ©
M 30 18 13 Ê 11 1
F 23 20 9 © © 11
B 40 35 25 23 22 26
M 44 27 26 14 23 23
F 36 27 15 16 19 13
B 22 11 12 13 30 38
M 17 4 9 6 34 39
F 13 5 4 2 31 35

B 13 11 17 5 27 26
M 13 © 14 3 24 25
F 15 © 2 1 29 21

Tableau n° 19 : CM2. Nature des critères (+). B/M/F.

Conventions typographiques :
-italique : catégories dans lesquelles les F mobilisent plus de critères que
les B ;
- gras : différence B - F plus forte chez les nR que chez les R ;
- standard : différence B - F sensiblement égale chez R et nR ;
- souligné : différence B - F plus forte chez les R que chez les nR ;
- ©ira roMMT â BsugmaBirtis.
En général, les bons élèves mobilisent plus de critères (+) que les faibles ;
on ne relève que trois contre-exemples, tous chez les R : catégories “aspect
matériel-texte”, “morphosyntaxique-phrase” et “aspect matériel-phrase”.
Chez les élèves nR, la hiérarchie entre B et F est toujours respectée, souvent
par des différences nettes, dans lesquelles viennent s ’intercaler les élèves
moyens. Chez les élèves R, en revanche, il arrive fréquemment que le
groupe des moyens se signale par des scores soit supérieurs à celui des bons,
soit inférieur à celui des faibles.

125
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

En ce qui concerne la différence B - F, on a pu caractériser quatre cas :


- différence B - F plus forte chez les élèves nR que chez les élèves R :
“sémantique-texte”, “morphosyntaxique-texte”, “morphosyntaxique-
inteiphrastique”, “sémantique-phrase”, “aspect matériel-phrase” ;
- différence B - F sensiblement égale chez les élèves R et nR : catégories
“pragmatique-texte” et “moiphosyntaxique-phrase” ;
- différence B - F plus forte chez les élèves R que chez les élèves nR :
catégories “sémantique-interphrastique” et “aspect matériel-interphras-
tique” (avec pour cette dernière, un déséquilibre important entre R et
nR quant au nombre de critères) ;
- cas très particulier des cases presque vides ou lacunaires.
La tendance déjà observée est donc confirmée : dans les classes nR, les
écarts sont généralement plus creusés que dans les classes R entre les élèves
considérés comme bons et ceux considérés comme faibles. On observe en
outre plus de fluidité dans le classement des groupes dans les classes R : la
hiérarchie annoncée est moins figée ; les moyens, par certaines de leurs per­
formances, constituent un groupe plus mobile.

7.3. La réécrîture chez les élèves bons / moyens / faibles


Dans les classes nR, les élèves B, M, F opèrent à peu près le même
nombre de réécritures ; dans les classes R, les bons se détachent plus
nettement.
7.3.1. Nombre de modifications selon les élèves B / M /F

R nR

B M F B M F
Modif. 48 26 34 24 28 24
Modif. 2 2 6 3 9 6

Tableau n° 20 : CM2. Réécritures B/M/F

L’importante différence en faveur des élèves R (108 modifications positives


contre 76) se retrouve surtout chez les bons, mais aussi chez les faibles. En
revanche, les moyens R et nR accusent des scores comparables, avec une
nette distorsion en défaveur des élèves nR en ce qui concerne les modifica­
tions (-).

126
Nature des critères mobilisés par les élèves

7.3.2. Nature des modifications opérées : cyest dans la zone du


sémantique que les bons élèves R se détachent.

R nR R nR R nR

5 0 0 3 0 0
2 2 1 2 2 0
3 1 0 3 2 1
6 8 8 2 1 3
4 2 4 3 2 3
2 3 4 3 2 1
1 5 8 2 3 9
0 2 5 2 1 6
1 1 10 2 1 6

B 1 2 4 0 0 1
M 0 1 3 0 1 6
F 2 1 7 0 0 3

Tableau n° 21 : CM2. Nature des réécritures B/M/F

Bien que les nombres figurant dans de nombreuses cases soient faibles, et
donc à interpréter avec circonspection, la tendance notée ci-dessus se
retrouve dans les différentes catégories du CLID. Un cas intéressant est à
relever, celui des trois catégories de l ’entrée sémantique (indiquées en
caractères gras) ; c ’est dans cette zone que se manifeste fortement la diffé­
rence en faveur des bons élèves R : leurs scores sont supérieurs, d’une part à
ceux de leurs condisciples faibles et moyens, d’autre part à ceux des bons
élèves nR.

7.4. Discours auto-évaluatif et réécriture : comportements


divers des élèves bons, moyens, faibles
La comparaison du nombre de remarques auto-évaluatives et des modifica­
tions apportées aux textes n ’est établie qu’à partir des nombres globaux,
sans considérer les catégories du CLID. En effet, l ’éclatement qui résulte de
la prise en compte de toutes les variables (B/M/F, cases du CLID...) conduit
à atomiser les nombres relevés. On se trouve souvent devant des cases vides
ou contenant des nombres dérisoires ; dans ces conditions, il serait peu réa­
liste de calculer pourcentages ou ratios.

127
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

nR
B M F B M F

Modif (+) 48 26 34 24 28 24
Rem. (+) 104 91 87 79 52 57
Ratio M /R 0,46 0,29 0,39 0.3 0,54 0,42

Modif (-) 2 2 6 3 9 6
Rem. (-) 5 13 10 9 10 12
Ratio M/ R 0,4 0,15 0,6 0,33 0,9 0,5

Tableau n° 22. CM2. Auto-évaluation et réécriture. B/M/F

Le tableau n°22 présente, pour chacun des groupes d’élèves B, M, F des


classes R et nR d ’abord les nombres des modifications positives - ligne
“Modif (+)”- et des remarques auto-évaluatives acceptables - ligne “Rem
(+)”, puis, dans la deuxième partie, les nombres des modifications erronées
et des remarques fondées sur des critères (-). Les ratios sont calculés en fai­
sant le rapport des deux nombres Modif / Rem.
Pour les éléments positifs, on constate que, chez les élèves R, le ratio des B
est légèrement supérieur à celui des F ; c’est l’inverse chez les élèves nR,
avec une différence plus marquée ; cela vient du fait que, le nombre des
modifications positives étant le même chez les élèves nR B et F, le nombre
de remarques auto-évaluatives est nettement supérieur chez les B. Pour les
éléments (-) (deuxième partie du tableau) on note un parallélisme presque
parfait entre B et F des classes R et nR. Le cas des M est plus difficile à
caractériser : l’écart atteint sa valeur maximum entre M R et M nR, à l ’avan­
tage des élèves nR.

CONCLUSIONS
Au terme du chapitre IV, les conclusions suivantes peuvent être rassemblées.
Nombre de critères mobilisés
* D’une manière générale, les élèves des classes R, qu’ils soient du CM2 ou
du CEI, ont mobilisé plus de critères différents utilisés à bon escient que
les élèves des classes nR dans les tâches évaluatives qui leur étaient pro­
posées ; corollairement, ils ont commis moins d’erreurs.
* Dans tous les cas, les remarques justes l ’emportent largement sur les
erreurs ; c’est encore plus net pour les élèves R, au niveau CM2.

128
Nature des critères mobilisés par les élèves

Nature des critères


* Les différences les plus nettes se situent “en haut à gauche” du CLID : les
élèves R ont été prioritairement attentifs aux aspects pragmatique et
sémantique, concernant le texte dans son ensemble ; les élèves nR se sont
principalement investis dans les catégories “en bas à droite”, notamment
morphosyntaxique-phrastique ; cette zone n ’est pas pour autant abandon­
née par les élèves R.
Évaluation et auto-évaluation
* L’évaluation de l ’écrit problématique produit par un pair a suscité un
nombre de remarques nettement plus élevé que l’auto-évaluation de son
propre écrit par chaque élève.
* L’écart entre évaluation et auto-évaluation est moins important chez les
élèves des classes R que chez ceux des classes nR.
Réécriture
* Les tendances relatives aux compétences évaluatives se retrouvent partiel­
lement dans les modifications apportées au texte que les élèves avaient à
écrire, et éventuellement à améliorer.
* Les élèves R ont opéré un nombre plus important de modifications posi­
tives et commis moins d’erreurs que les élèves nR.
Discours auto-évaluatif et réécriture
* Pour tous les élèves, R et nR, le nombre des modifications effectuées est
nettement inférieur (moins de la moitié) au nombre de remarques auto­
évaluatives critériées portant sur leur propre texte.
* Les modifications les plus nombreuses affectent les problèmes situés “en
bas à droite” du CLID : il s’agit le plus souvent de remédiations locales ou
de portée restreinte.
Élèves bons / moyens / faibles
* On a pu observer, sur certains points, des performances différentes chez
les élèves signalés comme bons, moyens et faibles des classes R et ceux
des classes nR. Dans tous les cas, les bons, moyens, faibles des classes R
ont mobilisé plus de critères, commis moins d’erreurs, opéré plus de modi­
fications positives sur leurs écrits que les élèves nR des groupes corres­
pondants.
* Bien souvent, on a pu remarquer que dans les classes R, l’écart est moins
creusé entre bons et faibles.
* Dans les classes nR, la “hiérarchie” bons-moyens-faibles semble souvent
stable dans les performances ; en revanche, dans les classes R, il arrive
assez fréquemment que les moyens se signalent par des résultats variables,
plus mobiles par rapport à la hiérarchie annoncée.

129
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

Il est donc possible d ’affirmer que, conformément à l ’hypothèse de la


recherche, la variable didactique R / n R a des effets perceptibles sur les
compétences des élèves à évaluer et réécrire des récits.

130
Chapitre V

STRATÉGIES ÉVALUATIVES DES


ÉLÈVES DE CE / CM
Leur discours évaluatif

Catherine TAUVERON

Alors que les chapitres précédents ont mis T accent sur la nature différente
des critères mobilisés globalement par les élèves R et nR dans la production
d’un écrit narratif et dans leurs commentaires sur cette production, le présent
chapitre, fondé sur des études de cas et des analyses fines, cherche à catégo­
riser les stratégies évaluatives des élèves et à les mettre en rapport avec la
nature des critères d’évaluation mobilisés. Les questions qui se posent et
auxquelles les chapitres précédents n’ont pas encore répondu, sont les sui­
vantes : les élèves R et nR ont-ils une manière différente d ’aborder l’évalua­
tion d’un écrit, c’est-à-dire de repérer les dysfonctionnements, de formuler
et d ’appuyer leur jugement ? de quels types d’aides disposent-ils pour repé­
rer et catégoriser les problèmes d ’écriture ? si la nature des critères mobili­
sés n ’est pas la même dans les deux groupes, pour autant les comportements
évaluatifs sont-ils semblables ? s’ils ne le sont pas, n ’est-ce pas parce que
les représentations de l’évaluation, de l’écriture et de la réécriture sont diffé­
rentes ? au bout du compte, la nature des critères et les stratégies évaluatives
ne sont-elles pas en interrelation ?
Pour répondre à ces questions, on s’appuiera exclusivement sur le discours
évaluatif des élèves. Par discours évaluatif, il faut entendre l’ensemble des
remarques écrites et orales faites par les élèves sur leur propre texte ou celui
du pair. Sur leur propre production, les élèves ont répondu par écrit aux
questions suivantes : Qu’est-ce qui va bien dans ce texte ? Qu’est-ce qui ne
va pas bien ? Souhaites-tu modifier ton texte ? Si oui,fais-le, et sur l’écrit

131
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

du pair, aux questions suivantes : Qu’est-ce qui va bien dans ce texte ?


Qu’est-ce qui ne va pas bien ? Que dirais-tu à l’enfant qui a écrit cette his­
toire pour l’aider à améliorer son texte ? Ils ont eu la possibilité d’expliciter
leurs réponses écrites au cours d’un entretien individuel.
D’une façon très générale, les élèves appartenant au groupe R sont nette­
ment plus prolixes que les élèves du groupe nR, tant sur le texte du pair que
sur leur propre texte : doit-on interpréter le fait comme le signe d ’une
aisance plus grande dans la tâche demandée ? L’objet de ce chapitre est de
répondre à cette question et aux précédentes en comparant, dans le discours
des deux groupes d ’élèves, les stratégies d’approche des problèmes d’écri­
ture, la nature des conseils de réécriture, le mode de formulation des critères,
et le rôle, dans cette formulation, de la métalangue disponible et des outils
consultés.

1. LE S S T R A T É G IE S D ’É V A L U A T IO N .
L E U R R E L A T IO N A V E C LA R E P R É S E N T A T IO N
D E S P R O B L È M E S D ’É C R IT U R E
ET LA D É F IN IT IO N D E LA T Â C H E S O U S -J A C E N T E

1.1 Les types de stratégies d ’évaluation


On dispose actuellement d ’un certain nombre de modèles psycholinguis­
tiques des processus de révision dans la composition écrite. (Brassait 1989).
Le groupe EVA retient du modèle de Hayes, Flower et alii (1987), qui paraît
le plus complet, l ’idée que la révision (et plus précisément le sous-processus
Évaluation) est déterminée par la représentation du problème (ou identifi­
cation plus ou moins précise de la nature du problème et des moyens de le
résoudre) qui peut différer d’un réviseur à l’autre, allant dans un continuum,
“de la représentation lacunaire qui contient peu d’informations sur le pro­
blème (détection) à des représentations richement élaborées qui offrent à la
fois des informations conceptuelles et procédurales sur le problème (dia­
gnostic)”.
L’analyse du corpus a permis de cerner des étapes à l ’intérieur de ce conti­
nuum et de reconstruire 8 types de stratégies évaluatives (qui peuvent éven­
tuellement cohabiter dans le discours d ’un élève donné) :
A - Non repérage des dysfonctionnements
Le non repérage se caractérise par l ’absence d ’indices et a fortiori de
critères.

132
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

Il conduit
- à des jugements contradictoires :
(BnRl) déclare que le texte problématique " est bien". Quand on lui
demande de s’expliquer, il répond : "c’est bien écrit et puis je ne sais pas”,
ce qui, plus tard, l’entraîne à dire qu’il est plutôt bien, plutôt mal, entre les
deux, successivement. Sur son propre texte ( "Tout va bien, rien ne va pas
bien"), il ne fournit pas d’autres justifications.
- à des aveux d ’impuissance :
(BnR2) "Qu’est-ce qui va bien dans ce texte ?
- J’en sais rien, j ’en sais rien... Je vais lui dire qu’il faut rajouter
des choses, des...des..., je sais pas moi, j ’en sais rien ...Je rajoute­
rais peut-être des choses mais je sais pas quoi”
(EnR3) "A la 1ère question, tu as répondu "tout va bien”
- Oui, parce que je savais pas quoi répondre.”
- ou à des raisonnements tautologiques :
(HnR3) "J’aime bien le début... parce que...je sais pas comment l’expli­
quer...parce que j ’aime bien moi”
(LnR5) "Il était une fois”, ça va bien. Ça va bien parce qu’il a écrit "Il
était une fois”. "Trois petits lapins s’amusaient”, ça va bien parce
que "s’amusaient”, ça veut dire qu’ils s’amusaient"
B - Non repérage de dysfonctionnements mais application automatique
(mécanique) de conseils du maître ou reproduction d’attitudes
supposées attendues dans la circonstance
a) le “diagnostic” sans examen
Quel que soit son état particulier, le texte fait l ’objet d’un "diagnostic” stan­
dard : des répétitions, des mots "pas assez développés” , "faire des phrases
moins longues pour faire moins de fautes"... Des classes entières répètent,
aussi bien à propos du texte problématique que de leurs productions, les
mêmes exigences (ex. JnR : "Ne pas faire de répétitions, faire attention à la
concordance des temps, ne pas faire de fautes d’orthographe") alors même
qu’aucun manquement n ’est objectivement constaté : (DnR4) "Je lui ferais
corriger les fautes de mots. - Par exemple, quels mots corrigerais-tu ? -
(Silence) J’en vois pas.”
b) le traitement sans examen et sans diagnostic
Les élèves se livrent à des substitutions :
(InR2) "J’ai corrigé mon texte. J’ai enlevé des mots et j ’en ai ajouté
d’autres à la place. - Pourquoi ? - Pas de réponse .
(InR5) "J’ai rajouté des phrases puis des mots, j ’en ai barré. -
Pourquoi ? - Parce que ça allait pas. - Pourquoi ça n’allait pas ?
- Bof...comme ça.”
ou à des suppressions aléatoires (LnR5 barre des phrases entières sans se
justifier)

133
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

C - Repérage diffus d’un dysfonctionnement non localisé, non désigné,


non explicité
(BnR4) " Qu’est-ce qui va bien ? - Tout - Comment doit-on comprendre
“tout" ? - Sais pas, moi. Y a quelque chose que je veux changer,
mais j ’arrive pas. Je sais pas comment expliquer pour changer."
D - Détection du dysfonctionnement - Désignation imprécise du pro­
blème - Pas de solution
(EnR2) “La fin se passe trop vite. Il aurait fallu des explications” (ne dit
pas lesquelles)
E - Passage direct de la détection au traitement du problème
(EnRl) “Pourquoi as-tu mis “il n’y eut plus d’eau” plutôt qu’ “il n’y avait
pas d’eau" ? - Oui, j ’ai mis à...au passé composé. - Mais ce n’est
pas le passé composé, c’est le passé simple. - Ah ! Oui. - Et ça te
semble aller mieux ? - Qu’avec l’imparfait ? Oui. - Mais tu ne sais
pas pourquoi ? Ça te semble comme ça ? - Oui.”
(KnR5) “Je mets “Il était une fois un cochon” ici, là, et je fais une autre
phrase à la suite. Oui, je mettrais “Il était une fois un cochon qui
avait une queue toute droite” puis je mettrais qu’elle est devenue
en tire-bouchon” (ne va pas au-delà)
F - Diagnostic appuyé sur une norme linguistique (implicite ou expli­
cite) - Proposition de solution
* Norme implicite
(BnR3) “J’ai mis “Mal” parce que “pouvait”, c’est “les oiseaux", alors
c’est (a.i.e.n.t) et puis “volait”, ils ont mal écrit : ils ont mis (a.i.t)
et puis c’est (e.r)”
(LnRl) “Si j ’ai marqué “les lapins" et que j ’ai pas mis de “s”, je la vois
la faute. Parce que à “lapins”, si c’est “les”, il faut un “s”...
parce qu’il y en a plusieurs”
* Norme explicite
(AnR2) “Le participe passé employé avec l’auxiliaire être s’accorde avec
le sujet.”
G - Diagnostic appuyé sur un raisonnement par rapport aux présuppo­
sés du texte et aux connaissances du monde - Proposition de solution
(BnR3) “J’ai mis “plus d’eau” (à la place de “pas d’eau”) parce
qu’avant ils vivaient dans l’eau, c’est donc qu’il y en avait puis ça
peut pas s’arrêter comme ça."
H - Diagnostic appuyé sur des connaissances textuelles - Explicitation
(sans/avec métalangue technique) - Solution
(VR2) Normalement dans les histoires, il y a une aventure et puis on
résolut le problème. Je vois pas où serait l’aventure là-dedans. Il y
a un problème, un petit, c’est que le cochon, il ronfle. Mais à la
fin, on ne sait pas comment il ronfle plus. Mais on lui donne à

134
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

manger et après il a la queue en tire-bouchon. Je trouve pas ça


très logique” (propose ensuite une solution pour assurer la clôture
textuelle)
Dans le groupe nR, les stratégies sont tendanciellement de type 1, 2, 3, 4, 5
et 6. On note que l ’explicitation des critères de quelque nature qu’ils soient
est peu poussée (cas 1, 2, 3, 4, 5) et que l ’explicitation la plus poussée (cas
6) concerne des critères morphosyntaxiques-phrastiques (critères en relation
avec une nonne enseignée et intégrée). La stratégie de type 7 ou 8, appli­
quée à un problème sémantico-textuel, n ’est attestée que dans la classe
AnR :
(AnR2) “Le milieu ne va pas. on passe des poissons aux crocodiles sans
savoir pourquoi, comment. On parle trop longtemps des crocodiles
puis après, ils redeviennent oiseaux, comme ça... non, ils boivent
une potion magique et ils deviennent tout de suite oiseaux tandis
qu’entre le crocodile et l’oiseau, il y a une grosse différence”.
L’élève suggère ensuite de passer par un animal plus petit que le
crocodile.
Mais l ’exemple est suspect dans la mesure où la classe entière fait la même
remarque (biaisage de l ’intervention du maître qui devait pourtant rester
silencieux ?).
On peut avancer l ’idée que l’embarras des élèves du groupe nR devant la
tâche demandée s’explique par sa nouveauté relativement aux pratiques tra­
ditionnelles de correction (HnR2 :”J’ai pas l’habitude de le relire après
mon texte”) et par une représentation normative de la tâche, partagée par
l’ensemble du groupe. Hayes et Flower (1987) appellent “définition de la
tâche”, la représentation que se fait le “réviseur” de ce que signifie pour lui
évaluer et améliorer un texte. Elle spécifie a) les buts (réviser pour ne pas
redoubler la classe ou pour satisfaire le destinataire ou pour rendre le texte
conforme aux normes en usage...) ; b) les niveaux du texte qui doivent être
examinés (éléments de surface ou mode général d ’organisation) ; c) les
moyens pour atteindre l’objectif posé (corriger mot à mot en une seule lec­
ture ou regrouper les problèmes de nature identique, par des lectures sélec­
tives successives...).
Or le discours des élèves montre que :
- l ’évaluation est d’abord une opération de détection des fautes, qui sont
une donnée première et ne peuvent qu’exister : (JnR4) “J’ai dabord
essayé de trouver des fautes” ;
- les dysfonctionnements constatés ne sont pas rapportés à la non-effi­
cience communicationnelle de l ’écrit mais relativement à leur inci­
dence sur le devenir scolaire de leur auteur {“Faire des ratures, c’est
pas beau, on peut redoubler” -InR4) et à l’âge du scripteur {"Il faut
allonger le texte... ça aurait été mieux surtout pour un CM2” -AnR4).

135
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

On peut parler dans ces cas d ’évaluation externe au texte conditionnée


par les exigences supposées du monde scolaire.
On note également de nombreuses contradictions entre les intuitions du lec­
teur et son jugement final :
(GnR4) “Ça me surprend... C'est que comme ils leur ont donné à manger
(aux cochons), ça leur fait la queue en tire-bouchon ! - Alors,
essaie de m’expliquer. - ... - Ça ne te paraît pas bien ? - Ça me
paraît bien cette histoire. - Alors, qu’est-ce qui ne va pas dans ce
texte ? - C’est qu’il y a un peu de fautes dans ce texte, sinon l’his­
toire est bien.’’
Tout se passe comme si l’élève ne tirait pas les conclusions logiques de ses
intuitions ou plutôt comme si ses intuitions (sur la cohérence sémantique)
n ’entrant pas dans le cadre habituel du discours évaluatif étaient rapportées à
un système d’évaluation connu et officialisé dans la classe (quand quelque
chose ne va pas, il ne peut s’agir que d’orthographe). Le même phénomène
se retrouve chez GnR5 : “Je n’ai pas compris pour le cochon. - Pour quelles
raisons ? - A cause des fautes d’orthographe." Le repérage effectué à un
niveau donné conduit à un traitement à un autre niveau.
Remarque incidente sur l’existence d’un facteur qui peut biaiser les constats
et dont l’incidence n’a pu être mesurée : au CEI, la compétence évaluative
est dépendante de la compétence en lecture. Tel enfant qui ne comprend pas
le texte problématique à évaluer ne peut évidemment pas l ’évaluer objecti­
vement. C’est le cas de FnR5 qui compte autant de personnages dans l’his­
toire du cochon qu’il y a de noms ou de pronoms cités, soit environ une
dizaine...
Dans le groupe R, les élèves se distinguent des élèves de l’autre groupe sur
les point suivants.
Ils utilisent tous les types de stratégies, à l’exception de 1 non attesté, et sin­
gulièrement les stratégies 6, 7 et 8 . Ce qui signifie que, comme chez les
élèves nR, la phase de diagnostic peut être escamotée dans un passage direct
du repérage au traitement sans possibilité d’explicitation : (TR4) “Un jour”,
là j ’ai rajouté “que” parce que je trouvais que ça n’allait pas bien”. Ce qui
signifie aussi qu’on trouve, dans le groupe, des élèves qui appliquent auto­
matiquement des critères (cas 2) sans repérage préalable : ils appartiennent à
la classe TR (voir infra) et ne se distinguent des élèves nR qu’en ce que les
critères appliqués sont des critères qui portent sur le texte ou les relations
interphrastiques et non des critères phrastiques. Ce qui signifie enfin
qu’aussi bien pour les problèmes d’écriture qui relèvent de la dimension
phrastique que pour ceux qui concernent la globalité du texte, ils sont
capables de faire un diagnostic précis.
Le diagnostic (énoncé de la nature du critère, facilité par la possession
d ’une métalangue appropriée, comme on le verra) est souvent établi après
un examen systématique du texte (est appelé “examen systématique” un

136
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

examen ordonné, que l ’élève se serve ou non d ’un outil de guidage : TR2
"J’ai regardé si mes phrases étaient bien accrochées, et puis après j ’ai
regardé si les organisateurs de temps étaient bons puis la ponctuation...”) et
un recoupement de symptômes : les critères sont alors constitués par le
regroupement de plusieurs indicateurs en faisceaux convergents.
Soit l ’exemple de deux faisceaux d’indicateurs constituant le critère d’inco­
hérence énoncé par les élèves TRI et SR2 :
(TRI ) “Par exemple, il mettait "unjour il n’y avait pas d’eau”, l’organi­
sateur de temps est mal choisi étant donné qu’il n’en a pas mis, à
part “avant” là, mais ce n’est pas très précis. Et puis, on a fait
plusieurs leçons sur les adaptations des hommes et des animaux à
leur environnement et on remarquait qu’ils s’étaient tous très bien
adaptés au milieu dans lequel ils vivaient, donc je me suis dit que
ça pouvait pas être des poissons s’il n’y avait pas d’eau... Et puis,
pourquoi a-t-il appelé les oiseaux des oiseaux si ce n’est qu’à la
fin qu’ils en deviennent vraiment ?”
(SR2) “Parce qu’il y a une suite comme ça sans phrases... on n’explique
pas la potion magique... tout à coup ça passe d’un crocodile à...ça
se précipite trop, c’est vrai que s’il avait développé, ça serait peut-
être plus cohérent.”
Le diagnostic n ’est possible que parce que les élèves ont une représentation
élaborée du texte à produire et de la finalité de l’évaluation elle-même.
Si l ’on excepte une forme de dérive que constitue dans la classe PR l’obliga­
tion de faire “un projet” avant d ’écrire, transmuée en critère d ’évaluation
( “Mon texte est bien parce que j ’ai fait un projet” = j ’en ai tracé les étapes
avant d ’écrire), les élèves comparent implicitement le texte à évaluer à une
image du texte réussi qui repose sur :
- certaines connaissances du monde : (MR5 : “Les crocodiles, ça ne
saute pas, il faut dire comment ils ont pu sauter”) ;
- des connaissances relatives au fonctionnement de la langue mais
aussi et surtout au fonctionnement des textes en général et du texte
narratif en particulier : clôture narrative, intégration des actions dans
une structure unifiante, par exemple.
Soit deux extraits du discours de VR2, déjà cité partiellem ent
“Normalement dans les histoires, il y a une aventure et puis on résolut le
problème. Je vois pas où serait l’aventure là-dedans. Il y a un problème, un
petit, c’est que le cochon, il ronfle. Mais à la fin, on ne sait pas comment il
ronfle plus. Mais on lui donne à manger et après il a la queue en tire-bou­
chon. Je trouve pas ça très logique.”
“Souvent dans les histoires, on présente au début du texte les personnages
et à quel endroit ça se passe. Par exemple, ça pourrait être (...), j ’aurais mis
(..r
137
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

L’enfant opère une confrontation consciente entre les informations conte­


nues dans le texte et sa base de connaissances, il fait référence à une norme
de composition textuelle (normalement, souvent dans les histoires), compare
explicitement cette norme avec le texte produit dans lequel il repère des
indicateurs (je ne vois pas... là-dedans), énonce un critère (logique), propose
un éventail de solutions possibles (par exemple), sélectionne, parmi les pos­
sibles, en tenant compte des paramètres du texte étudié, une seule solution.
La référence à des normes de composition textuelle (du récit en général)
peut être complétée par une référence aux caractéristiques supposées du
genre “conte étiologique” (par ailleurs mal connu) : QR2 "J’ai mis des dia­
logues mais pour ce genre de texte, je ne pense pas” ... “c’estplutôt un texte
instructif, qui même si c’est fondé sur rien, une supposition quoi, c’est pas
un conte, La Belle au Bois Dormant quoi, c’est pas... Il vaut mieux ne pas
mettre de dialogues dans ce genre de texte” ; WR2 "C’est bien qu’il
remonte à la préhistoire pour expliquer la vie des oiseaux... pour expliquer
dès le début ce qu’ils étaient avant.”
- des connaissances métapragmatiques
A une image du texte visé s’ajoute l’image du lecteur visé et des effets
visés sur le lecteur. En ce sens le “Je ne comprends pas” des élèves nR est,
malgré les apparences, radicalement différent du "Le lecteur ne comprendra
pas” des élèves R. Dans le deuxième cas seulement, il y a conscience claire
du contrat de parole à l’origine de tout acte discursif. De nombreux élèves R
instaurent le lecteur, l’autre, dans l’acte de narrer comme partenaire obliga­
toire et élément central de régulation. L’évaluation n ’est pas pour eux l ’acte
de lecture particulier d’un lecteur particulier donc sans effet en retour sur la
stratégie d’écriture mais un échange momentané de rôle qui permet simulta­
nément le contrôle des deux pôles, celui de la réception et celui de l’émis­
sion. La décentration de QR2, qui par ailleurs fait des calculs sur les
capacités d ’inférence du lecteur, est d’autant plus remarquable qu’elle
s ’exerce sur son propre texte et l ’entraîne à se donner à lui-même des
conseils, sur le mode objectif et détaché : “Ça allait trop vite. Et puis ça
n’expliquait pas assez quoi. Quand on lit ce texte , quoi il fallait réfléchir,
pourquoi les chats étaient du côté de la famine maintenant, enfin il fallait
réfléchir quoi. Alors je pense qu’il vaudrait mieux quand même qu’on aide
le lecteur quoi.” (C’est aussi en ce sens qu’est traité le problème des répéti­
tions : SR3 "Ce qui ne va pas, c’est les répétitions” —» exemples : “beau­
coup trop de "il”, "mien”, "tien”, "sien”.” —» raison : "C’est pour le
lecteur, des fois, il peut confondre avec d’autres” —» proposition de remédia­
tion :”on pourrait mettre "celui-ci” à la place de "il”, remplacer “les
tiens” par "ceux de ta tribu”...”). D’autres élèves se guident sur le désir
supposé d ’informations du lecteur (SR2 lisant son propre texte énonce le
critère suivant “Manque d’informations” , qu’il explicite par un relevé
d’indicateurs : "Là, j ’aurais dû dire que le cochon était un grand dormeur,
un goinfre, qu’après avoir mangé, il s’endormait sous un arbre... J’aurais

138
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

dû rajouter des informations sur le cochon” et rapporte en dernière instance


aux conditions de réception “parce que ça apporterait au lecteur de savoir
quelle est la nature du cochon”), sur le confort du lecteur (SR2- “J’ai
essayé de bien écrire pour le lecteur... le lecteur doit pouvoir lire le texte
sans qu’il relise plusieurs fois parce qu’il comprend pas de mots”) ou sur
l’intérêt du lecteur (SR4- “J’ai mis “Était-ce le prince le vainqueur ?” donc
le lecteur se réveille un peu plus. Il se dit : “On m’interroge !”, s’il dort un
peu.” ... “J’aurais dû mettre un autre titre, pour que ça intéresse davantage
le lecteur. J’aurais mis un titre qui parlerait un peu. Où il y aurait à la fin,
par exemple, un point d’exclamation.” ; OR6- “Il pourrait mettre un peu
plus de détails... pour qu’il intéresse un peu les gens").
En somme, dans leur travail d ’évaluation, les élèves conçoivent, organisent
et mettent en scène leurs intentions, de façon à produire certains effets, de
conviction ou de séduction sur le lecteur, intentions qui se manifestent sous
la forme de certains savoir-faire dont la pertinence n ’est pas discutée ici :
rajout d’un titre, de dialogues, de descriptions, dilatation des actions, empa­
quetage des propositions, travail de la présentation matérielle, respect des
conventions orthographiques...

1.2 Stratégies d ’évaluation et représentations de l’écriture


et de la réécriture
Les observations montrent que la stratégie d’évaluation est en relation avec
la nature des critères mobilisés, qu’elle est aussi directement dépendante de
la représentation que le relecteur se fait de la tâche d’évaluation. Plus large­
ment il semble que la conception qu’il se fait, en amont, du bon élève en
expression écrite, en aval, de la réécriture est aussi déterminante. L’analyse
des conseils de réécriture et du discours sur la rature vont aider à voir si, sur
ce point aussi, les élèves R se distinguent des élèves nR.
1.2.1 Nature des conseils de réécriture
L’étude s’appuiera sur les réponses écrites et orales à la troisième question
posée sur le texte problématique (“Quels conseils donnerais-tu à cet élève
pour qu’il réécrive son texte ?”). Les conseils donnés peuvent être regroupés
en trois types : les conseils portant sur l’amélioration directe du produit,
les conseils portant sur la conduite rédactionnelle à tenir et les conseils
sur l’attitude scolaire et extra-scolaire à adopter. On en dégagera un
modèle d’analyse contrastive du bon élève, en R et en nR.
a) Conseils portant sur l’amélioration directe du produit
- Classes nR
“Écrire mieux, éviter les fautes d’orthographe et les répétitions” est l’arché­
type du conseil portant sur l’amélioration du produit : sur 107 conseils de ce
type relevés, 69 portent sur l ’écriture, l ’orthographe, la ponctuation et la

139
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

répétition. Plus de la moitié des remarques se présentent donc sous la forme


de conseils universels, valant pour tout type de situation d ’écriture et d’écrit
et référant clairement à la norme scolaire du bon texte (sans fautes d ’ortho­
graphe, sans ratures, sans répétitions, bien calligraphié...). Une des stratégies
proposées, qui est une stratégie d’évitement, (faire des phrases courtes pour
limiter le nombre d’erreurs orthographiques) souligne la subordination de la
mise en texte aux considérations orthographiques. Seules 11 remarques sur
107 portent sur la planification et plus précisément sur la planification du
texte (spécifique, unique) étudié, du type : “Préciser où sont les croco­
diles", “Refaire le passage du crocodile", “Donner l’explication de la
queue", “Remettre une phrase avant l’avant-dernière et la dernière",
“Qu’elle donne une meilleure raison pour que les cochons aient la queue en
tire-bouchon”, “Allonger le texte”, “Améliore ta conclusion" . Elles sont le
fait d’élèves des classes AnR et FnR et d’un élève isolé de la classe GnR.
- Classes R
Les conseils qui portent sur la mise en texte (aspects morphosyntaxiques-
phrastiques et graphiques-phrastiques) sont semblables à ceux relevés dans
le groupe nR :
(WR5) “Ne pas faire de fautes d’orthographe"
(UR2) “Faire attention auxfautes d’orthographe”
(QR6) “Corriger ses fautes”
(QR5) “Faire attention aux temps"
(SR2) “Mieuxformer ses phrases"
(TR3) “Mettre toujours un verbe dans une phrase"
(QR4) “Écrire plus lisiblement”
(SR6) “Écrire mieux”
(SR5) “Mettre des virgules, mieux écrire certains mots"
(MR6) “Mettre la ponctuation"
(UR2) “Mettre une majuscule au début des phrases et aux noms des
dames et des messieurs”
Mais à la différence de ce qui se passe dans le groupe nR où elles consti­
tuent l’essentiel du discours évaluatif, ces remarques ne sont, dans le groupe
R, que des éléments parmi d’autres du discours évaluatif.
S’y ajoutent des remarques portant sur l’efficacité du texte sur le lecteur
(accommodation constante du discours en fonction de la représentation du
lecteur déjà rencontrée au point 1.1.):
(OR2) “Mettre le décor, les détails"
(OR4) “Décrire les poissons-oiseaux”
(PR6) “Mettre plus de décors “
(UR5) “Présenter les personnages et les lieux”
(OR2) “Rendre le texte plus gai"
(OR1) “Ajouter des choses intéressantes qui font un peu peur ou rire”
(PR6) “Refais ton titre”

140
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

(PR2) “Refaire son titre (en faire un plus incitatif)”


(UR5) “Mettre un titre”
Plus fortement discriminante encore est la présence massive, dans toutes les
classes, aussi bien au CE qu’au CM, aussi bien chez les élèves “faibles” ou
“moyens” que chez les élèves “bons” de conseils portant sur la planification
globale du type d ’écrit “conte étiologique” attendu. De manière plus poin­
tue, 28 élèves sur les 47 qui donnent des conseils (certains ne répondent pas
à la question posée) en ont saisi l’enjeu explicatif. Expliquer :(quoi), pour­
quoi, comment sont des termes récurrents. Voici quelques occurrences choi­
sies pour montrer que le fait est attesté dans toutes les classes R :
- demandes d ’explicitations sur le “quoi”
(ORô) “Expliquer où se trouve la potion”
(QR4) "Mettre un peu plus d’explications dans le texte"
(SR2) “Donner plus d’informations, c’est trop précipité”
(SR6) "Préciser pour les oiseaux, faire plusieurs phrases parce que là
tout est direct, on ne comprend rien”
(PR3) “Nepas aller si vite d’une action à l’autre"
(TR3) “Ajouter une solution” (= phase IV du schéma quinaire)
(WR2) “Expliquer mieux les détails (un seul boit la potion magique et
tous les oiseaux volent)”
(VR4) “Il faut mieux expliquer son texte"
(VRI) “Il faut faire une aventure pour que le cochon, il ait une queue en
tire-bouchon”
(QR6) “Compléter la fin du texte” (pour passer logiquement du crocodile
à l’oiseau)
(QR5) “Faire attention à la logique”
(QR2) “Décrire plus, expliquer la venue des ailes"
“Préciser d’où vient la potion magique”
- demandes d ’explications sur le “comment”
(OR3) “Rajouter des morceaux : comment le poisson est devenu croco­
dile”
(SR3) “Expliquer comment l’aventure d’un crocodile particulier peut
avoir une incidence sur toute l’espèce des oiseaux"
(PR5) “Dire comment le crocodile est tombé dans le ravin, comment il a
fait sa potion magique”
(PR6) "Mettre comment les oiseaux se transforment”
(WRI) “Expliquer comment les poissons sont devenus crocodiles"
(URI) “Mets un événement, dis comment les cochons auront la queue en
tire-bouchon”
- demandes d ’explications sur le “pourquoi”
(MRI) “Expliquer pourquoi il n’y a plus d’eau unjour”
“Expliquer pourquoi les oiseaux ils ont des ailes maintenant”

141
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

(UR5) “Dire pourquoi on donne à manger au cochon et il a la queue en


tire-bouchon”
(0R5) “Expliquer pourquoi les crocodiles veulent sauter, pourquoi l’eau
a disparu”
(MRI) “Expliquer pourquoi il n’y a plus d’eau un jour”
“Expliquer pourquoi les oiseaux ils ont des ailes maintenant”
(UR5) “Dire pourquoi on donne à manger au cochon et il a la queue en
tire-bouchon”
Relativement à cet enjeu, les élèves pointent à travers leurs conseils le
défaut principal du texte à évaluer : son incohérence sémantique (absence de
lien entre propositions, contradictions inférentielles pour le texte CM,
absence de clôture narrative pour le texte CE). Par ailleurs, les conseils, qui
portent toujours sur des rajouts au CM, sont donnés en référence au texte
précis étudié et non dans l’absolu (comme en nR “Ilfaut allonger le texte”).
Le lieu du rajout à opérer est souvent précisément signalé.
b) Conseils portant sur la conduite rédactionnelle à tenir et 1’attitude
scolaire et extra-scolaire à adopter
- Classes nR
On relève dans ce groupe les conseils suivants :
(BnR4) “Il faut pas qu’il oublie des mots. Il faut pas qu’il fasse des fautes.
Et qu’il réfléchisse.”
(JnR2) “Il faudrait réfléchir avant d’écrire”
(BnR3) “Apprendre mieux, avoir plus d’imagination et puis relire”
(JnR2) “Il faudrait que tufasses un brouillon, cela éviterait de barrer des
mots, que tu fasses un plan (Introduction, développement, conclu­
sion), que tu prennes un dictionnaire, que tu mettes la ponctuation
et que tu relises ton texte plusieurs fois"
(AnR6) “M’appliquer”
(AnR4) “Relire”
(GnR5) “Qu’elle fasse attention”
(BnR3) “Apprendre mieux”
(HnR2) “Faire plus de dictées”
(HnR5) “Qu’il lise un peu plus de livres pour lui faire imaginer des trucs”
(GnR2) “Revoir ses fiches de verbes et faire des lignes de “Monsieur””
(JnR3) “Pour progresser tu devrais lire etfaire des dictées avec ta mère”
" “Je devrais plus lire et plus regarder le dictionnaire”
(GnR2) “Qu’elle revoie des choses... par exemple les verbes... des fiches
de mots pour qu’elle les save bien par exemple “Monsieur”. Je lui
dirais de le revoir et defaire des lignes de “Monsieur”.

142
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

- Classes R
Les conseils relevés en R présentent un certain nombre de similitudes avec
ceux relevés en nR : la relecture et la réflexion préalable sont aussi considé­
rées comme des facteurs de réussite. Mais on note aussi des différences. Le
recours à des outils de référence classiques est plus souvent suggéré :
(TR6) "Chercher dans le dictionnaire”
(SR3) "Utiliser le dictionnaire"
(TR5) "Regarder dans le dictionnaire”
“Chercher les temps des verbes dans le Bescherelle"
(QR5) "Regarder le Bescherelle pour les fautes d’orthographe sur les
verbes”
Certains types de conseils, qui n ’apparaissent pas en nR, apparaissent en R :
ainsi SR4 conseille la relecture “distanciée” pour l’amélioration globale du
texte : "Ça l’aiderait à améliorer son texte" ; "Il ne faudrait pas qu’il pense
"c’est moi qui l’ai fait”, il faudrait qu’il puisse s’imaginer à la place du lec­
teur. Il verrait son texte autrement”.
QR5 conseille dans la même perspective l’échange des productions : “Se
faire relire par un copain, nous, c’est ce qu’on fait et puis ça arrange notre
texte”.
Six élèves conseillent le recours à des outils de révision spécifiques :
(PR1) "Regarder la fiche qu’on a fait en classe, l’outil, parce que c’est
fait spécialement pour un récit”
(PR3) "Se servir des outils s’il en a”
(TRI) "Utiliser beaucoup plus les outils qu’il a à sa disposition (diction­
naires...)”
(TRI) “Faire avec sa classe des questionnaires de réécriture (question­
naires parlant de ce qui ne va pas)"
(TR2) "Faire des guides ou des choses comme ça sur la structure, le
temps des verbes”
(TR2) “Essayer de se poser des questions par exemple sur la structure ou
les temps des verbes ou ses phrases mal accrochées"
Un élève fournit des procédures pour déterminer des critères d’évaluation :
(TR4) “Comparer avec d’autres textes d’élèves”
"Lire pour observer" (les caractéristiques des textes)
Deux élèves invitent l’auteur à une reprise globale de sa production :
(TR4) “Faire une réécriture”
(VR1) “Recommencer complètement”

143
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

D est possible de recomposer, à partir de cet ensemble de remarques, un


modèle du bon scripteur tel que se le représentent virtuellement les deux
groupes :
nR
Son processus rédactionnel
• Il réfléchit avant d’écrire (et pour cela il mobilise son imagination).
• Il planifie (entendu comme : il fait une introduction, un développement,
une conclusion).
• Il fait sa première version au brouillon (pour éviter les ratures).
• Il s’applique.
• Il fait attention.
• Il relit (plusieurs fois), consulte le dictionnaire pour vérification.
(et implicitement recopie au propre).
. Ses stratégies d’apprentissage
• Il apprend (dans l’absolu, le quoi n’est pas précisé).
• Il travaille son orthographe (dictées + révision de fiches + lignes de mots).
• Il lit beaucoup.
Dans ce portrait se manifestent de manière sous-jacente un certain nombre
des critères privilégiés dans le groupe nR : l ’imagination, la correction
orthographique, la propreté considérée indépendamment d’un enjeu particu­
lier de communication. Transparaissent aussi l’absence de critères spéci­
fiques à un écrit donné (plan-type à suivre) et l’indétermination des lieux
d’intervention possibles (“apprendre”, “faire attention” dans l ’absolu, l’objet
d’apprentissage n’est pas précisé).
R
Sa stratégie d ’apprentissage
• Il apprend ses conjugaisons
• Il lit beaucoup et prête attention aux caractéristiques des textes
Son processus rédactionnel
• Il réfléchit avant d’écrire.
• Il fait un brouillon.
• Il fait attention
... en quoi il est semblable à l’élève nR.
• Il relit tout en essayant de se décentrer = met en oeuvre “une instance
interactive de contrôle du discours narratif” (Fayol, 1985, p.133) : le
lecteur est-il intéressé, sait-il, peut-il savoir, peut-il inférer ? - car il sait
que l’implicite n’est pas toujours décodable.
• E t/o u se fait relire par un pair : il pratique l’échange des copies.
• Pour écrire, relire, réécrire, il recourt à des outils standards ou des outils
sp é cifiq u e s (à un é c rit, un problèm e d ’ é critu re ) que la classe a
préalablement construits.
• Il dispose d’une méthodologie d ’observation des textes à évaluer (lieux
possibles d’intervention et ordre d’intervention).
• Il connaît des procédures pour dégager les règles de fonctionnement des
écrits (observation d’écrits sociaux, comparaison d ’écrits d’élèves).
• Il distingue correction de surface et réécriture (la révision peut intéresser
la totalité du texte)
... en quoi il est différent de l’élève nR.

144
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

1.2.2 Conceptions de la réécriture et statut de la rature


• Conceptions de la réécriture
Il ne s’agit pas ici d’étudier la réécriture en soi mais de noter que le discours
sur la réécriture (et donc la finalité qu’il assigne à l’acte d’évaluation) condi­
tionne dans une certaine mesure le choix des éléments à évaluer et les cri­
tères à mettre en oeuvre, tout autant que les stratégies à adopter.
Une simple mise en parallèle des termes utilisés par les deux groupes pour
désigner les opérations de réécriture ne permet pas de cerner une opposition
signifiante :

nR R
Changer Changer
Corriger Corriger
Barrer
Arranger
Modifier Modifier
Continuer
Rajouter Rajouter
Agrandir Rallonger
Mettre plus Préciser
Développer

En surface, les élèves réclament les mêmes opérations de substitution ou


d’addition.
Toutefois, ces opérations ne portent pas sur la même quantité de texte.
- Elles concernent en nR d ’abord les mots (InR2 "Corriger = enlever
des mots, en rajouter à la place” - InRl “Rectifier = rectifier les
verbes”) ou si elles concernent un niveau supérieur du texte, la nature
de la substitution et surtout de l’addition est rarement précisée : chan­
ger s’emploie dans l ’absolu chez BnR4, BnR2 veut rajouter "des
choses” ... L’on peut à nouveau supposer que les élèves nR, indépen­
damment du savoir possédé ou non sur les textes, ne s’imaginent pas
qu’évaluer en situation scolaire puisse signifier autre chose que comp­
tabiliser les fautes d’orthographe ou de ponctuation.
- Elles concernent aussi les mots en R mais surtout l’au-delà de la phrase
( “rajouter des morceaux” dit OR1). En outre, à la liste précédemment
établie s’ajoutent, dans le groupe R, des verbes non attestés en nR :
Recommencer
Refaire
Changer tout
Réécrire (tout)

qui soulignent l’ampleur que peut théoriquement prendre la réécriture. Dès


lors que pour lui réécrire signifie aussi reprendre, reformuler, replanifier le

145
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

texte, l’évaluateur est poussé à mobiliser d ’autres critères que la correction


orthographique ou la pertinence locale du vocabulaire et, par exemple à
prendre en compte les caractéristiques fondamentales du conte étiologique,
singulièrement le fait qu’il tient un discours sur l ’espèce et non sur l ’indi­
vidu (VR3 "Oh ! J’aurais dû parler des oiseaux de tout le monde... Il faut
que je le reécrive tout... Là, il faut que je change toute mon histoire... parce
que même si j ’avais mis que les oiseaux avaient des ailes, je serais toujours
obligé de mettre "Et c’est depuis ce jour que ses enfants volent..." Il faut
pas que ça parle d’une famille et tout, ilfaut que ça parle des oiseaux qui ne
volent pas et puis des aventures et puis il se passe quelque chose qui les fait
voler... et là j ’aurais pu écrire "et c’est depuis ce jour que les oiseaux
volent"). De ce point de vue, certains élèves font une nette distinction entre
les aménagements de surface et la réécriture : (SRI) "L!orthographe, je
pense pas que c’est important par rapport à ce que vous nous avez demandé
défaire. - C’est-à-dire ? - Bé, de modifier le texte si on voulait” ou (SR2)
"Un mot oublié ou un verbe oublié, c’est pas vraiment modifier” , sans tou­
jours pouvoir mettre en oeuvre la réécriture elle-même.
• Statut de la rature
Les discours sur la rature sont restreints dans les deux groupes et ne se dis­
tinguent pas de manière signifiante contrairement aux attentes :
nR
(BnR6) "Il enfaut pas tant... une entre parenthèses.”
(InR4) "Faire des ratures, c’est pas beau, on peut redoubler."
(JnRl) "Çafait pas beau, pas propre.”
(LnR4) “Ça veut dire quand on écrit quelque chose et on se trompe, c’est
pas joli.”
R
(SR5) "J’aimerais avoir une belle écriture et pas raturer.”
(SR4) "On dirait qu’il a pas fait de brouillon, parce qu’il barre partout
ici, il y a beaucoup de ratures, alors... tandis que dans un texte, on
barre au brouillon et après on recopie proprement.”
(VR4) “Elle a beaucoup barré.”
(QR6) “C’est barbouillé, on comprenait pas, enfin, c’est pas propre.”
L’hypothèse de la recherche, en ce point, était que les élèves R allaient ne
pas sanctionner la rature, et même la valoriser, comme signe d ’un travail
d ’écriture. Or dans l ’ensemble des deux groupes, la rature est associée à la
notion de saleté et de laideur. A titre d’explication, on peut imaginer que les
élèves R pensent avoir sous les yeux, non un premier jet, mais une version
définitive : dans ces conditions, la rature, ne pouvant être considérée comme
signe d’un travail de réécriture, devient signe d’un défaut d’édition. Il se
peut aussi que les élèves R comme les élèves nR aient la même représenta­
tion dévalorisante de la rature. Soit que les élèves des deux groupes ne se

146
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

distinguent effectivement pas sur ce point, soit que les conditions dans les­
quelles ils sont mis ne leur permettent pas d’affirmer leurs éventuelles diffé­
rences, la variable ne se révèle pas pertinente.

2 - F O R M U L A T IO N D E S C R IT È R E S :
R Ô L E D E LA M É T A L A N G U E E T D E S O U T IL S
Il ne peut y avoir mobilisation de critères et diagnostic sans conscience
métalinguistique. J. E. Gombert (Gombert 1990, p .ll) définit la conscience
métalinguistique comme “l’adoption d’une attitude réflexive sur les objets
langagiers et leur manipulation’’ et précise (p. 15) que si “le linguiste dépiste
le métalinguistique en identifiant dans les productions verbales des marques
linguistiques traduisant des processus d ’autoréférenciation (utilisation du
langage pour référer à lui-même), le psychologue cherche dans le comporte­
ment (verbal ou non) du sujet des éléments qui lui permettent d ’inférer des
processus cognitifs de gestion consciente (de réflexion sur, ou de contrôle
délibéré), soit des objets langagiers en tant que tels, soit de leur utilisation”.
La possession d’une métalangue technique n ’est pas une condition néces­
saire et suffisante pour attester de cette compétence métalinguistique. De
nombreux élèves montrent qu’ils ont une conscience métalinguistique (attes­
tée par leur capacité à expliciter les déterminants de leur comportement sans
métalangue canonique : ainsi en est-il d ’une élève de la classe OR qui
désigne les propositions et expansions possibles du récit par la formule idio-
lectale “petits couplets’’ ( “La suite se passe un peu vite quand même, il
manque des petits couplets qui expliquent un peu sur l’animal" ).
Inversement, la possession d’une métalangue n ’assure pas automatiquement
une compétence métalinguistique. Elle constitue même un obstacle à l’ana­
lyse quand le vocabulaire n’est pas assimilé ou renvoie à une représentation
figée et réductrice. C’est dans une certaine mesure le cas de la classe TR où
tous les élèves se comportent extérieurement comme des linguistes en herbe,
parlent de changements thématiques, dforganisateurs de temps, de système
des temps dans le récit et le discours sans toujours savoir ce que recouvrent
précisément ces mots, ce qui conduit certains à tirer des conclusions hâtives.
TR3, par exemple, affirme que “sa progression thématique est bonne".
Quand on lui demande de s ’expliquer, il répond : "J’ai regardé si mes
phrases étaient bien accrochées, c’est-à-dire qu’il y ait le même thème entre
toutes les phrases et c’était bon.”
Il parle de récit et de discours. Quand on lui demande comment il a repéré
le récit et le discours, il répond : “Ben, j ’ai vu qu’il y avait des guillemets
qui affirmaient qu’il y allait y avoir un dialogue, puis j ’ai vu que personne
ne parlait, alors, si personne ne parle, c’est du récit. ’’

147
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

A cela deux explications possibles d’ordre différent : d’une façon générale,


il s’agit de deux problèmes d ’écriture particulièrement épineux pour le trai­
tement desquels le pédagogue dispose certes de référents théoriques nom­
breux mais dont l ’opérationalisation didactique à l’école primaire n ’est sans
doute pas au point ; d ’une façon plus particulière, l’élève TR3 appartient au
groupe des élèves “moyens” dont le chapitre IV a montré la “mobilité” : son
discours peut témoigner d’un itinéraire propre, d’un cheminement non for­
cément rectiligne vers l’évaluation critériée.
On postule cependant que la métalangue (entendue comme lexique institué
dans la sphère des linguistes ou plus simplement dans la sphère d’une classe
donnée), parce qu’elle est la trace visible d’un apprentissage antérieur et
pour autant, bien entendu, que les élèves soient capables d’en expliciter le
référent, est une aide au guidage de l’observation des textes et à la formula­
tion du diagnostic, en d’autres termes, que, si les élèves R parviennent plus
aisément que les élèves nR à formuler des diagnostics, c ’est aussi parce
qu’ils possèdent une métalangue plus étendue.
Les outils pour écrire et réécrire (qui constituent en principe une spécifi­
cité des classes R), dans la mesure où ils attestent d’une réflexion métalin-
guistique préalable, devraient de la même manière (et sans doute avec les
mêmes réserves que pour la métalangue) jouer un rôle facilitateur dans le
repérage et l’explicitation des problèmes. Par “outils “, il faut entendre des
“objets matériels facilitant la production ou la relecture” (Mas et coll.,
1989). Ils portent sur un écrit particulier ou un problème d ’écriture particu­
lier à un type d’écrit ou commun à plusieurs types, ils sont construits par la
classe et se présentent comme une mise en forme des critères et de leurs
indicateurs découverts au cours d ’observations, ils peuvent prendre des
formes diverses Ciste d ’indicateurs, questionnaire de relecture, schémas...).

2.1 La métalangue utilisée par les deux groupes d’élèves


et ses référents
L’analyse distinguera les termes qui renvoient directement à des critères
d’évaluation des termes désignant les domaines où se situent les problèmes
d’écriture ou les problèmes d’écriture eux-mêmes.
2.1.1 Termes dont le référent exprime des critères d’évaluation
Plusieurs cas de figure se présentent.
a) La métalangue réfère à des jugements de valeur :
le référent n ’est pas explicité.
Les exemples sont massivement plus nombreux dans le groupe nR que dans
le groupe R : Pas mal, faux, (avoir)tout faux, joli, correct, beau (mon texte
est), bien inventé, bonnes idées, clair, imaginaire, (il y a) de /' imagination,

148
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

original, normal, brave... sont des termes flous et interchangeables dans le


discours nR. Quand l’observateur insiste, l’élève :
- se tait ;
- ou propose une équivalence { “Mon texte est beau ...ça veut dire qu’il
est bien inventé” - FnR6) qui ne clarifie rien dans la mesure où le
terme synonyme n’est pas lui-même défini ou résume le texte évalué
(" bonnes idées” est ainsi systématiquement “explicité” parla reformu­
lation des idées du texte, ce qui revient à préciser “idées" mais non
“bonnes”) ;
- ou recourt à une tautologie {“Mon texte est bien parce qu’il est bien”) ;
- ou enfin, croyant définir le mot, définit en fait la conduite à tenir quand
le mot apparaît sur la copie {’’Bien”, ça veut dire qu’il faut les laisser
et “mal”, ça veut dire qu’il faut mettre autre chose” - BnR6).
Le terme “faux” est emblématique d’une certaine conception de l’écriture
confondue avec l’exercice scolaire (de grammaire, d’orthographe, de mathé­
matique...) et à ce titre répondant au critère de justesse ou de fausseté : LnR5
barre des phrases entières sans s’expliquer et met “tout faux" dans la marge.
Une conception que partage aussi l’élève TR5 appartenant à l’autre groupe,
à la différence près qu’il est capable d ’expliciter sa norme de référence :
“C’est que...si dans l’état initial les crabes n’ont pas de pinces et qu’à l’état
final ils n’ont pas de pinces non plus, c’est que le texte il est faux. C’est que
si à l’état initial, ils ont pas de pinces, ils sont obligés d’avoir des pinces à
l’étatfinal, sinon, ça n’a pas de sens.”
Le lexique évaluatif pointé ici est traditionnellement attesté dans les pra­
tiques évaluatives des maîtres (Mas et coll., 1991). On en trouve des traces
chez les élèves R, surtout dans le discours tenu sur leur propre texte qu’ils
ont plus de difficultés à analyser que le texte du pair, comme on l’a vu au
chapitre IV : belle (mon histoire est), bien écrit, original, imaginaire , des
idées sont des termes attestés avec le même flou que dans le groupe nR. Il
est impossible ici de dire s’il s’agit de vestiges d’un passé scolaire ou si les
élèves sont influencés par les représentations de leur maître. Toutefois MR5
parvient (cas unique) à mettre un référent derrière “bonnes idées” manifes­
tant par là une conscience métasémantique : “J’ai dit c’est bien de dire que
le bonhomme est gentil et qu’il y avait un grand jardin de légumes et aussi
que c’était bien d’appeler le vétérinaire. - Pourquoi c’était bien tout ça ? -
Parce que c’est des idées pour dans le texte. - Pourquoi ce sont de bonnes
idées ? - Parce que c’est des idées qui servent pour que les oiseaux y puis­
sent voler”.
b) La métalangue est inadéquate.
Elle réfère à d’autres critères que ceux qu’elle désigne.
Certaines définitions données ne sont pas conformes à la définition attendue
parce que le critère énoncé relève d’un autre domaine que les indicateurs

149
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

repérés. C’est ainsi que, en nR, “bien expliqué” ne renvoie pas à l’enjeu
explicatif du conte étiologique mais à une vague correction syntaxique-
phrastique ; "maladroit”, “bien écrit” ne renvoient pas à l’élégance du style
ou de la construction mais à la calligraphie (" maladroit” = “J’ai écrit de
travers, ça redescend” -LnR4 ; “bien écrit” = “Les lettres sont bien” -
LnR4).
c) La métalangue est partiellement adéquate.
Elle réfère à des critères en cours d ’élaboration, non entièrement catégorisés
Un critère de réussite globale est énoncé à partir d’un relevé d’indicateurs
pertinents mais hétérogènes :
UR1- Correcte : “C’est qu’on mélange pas trop les mots et qu’on sache
ce que le cochon est devenu et ce que les autres personnages sont
devenus aussi.”
d) La métalangue est inadéquate mais les indicateurs relevés et le
critère sous-jacent convoqué sont pertinents.
GnR4 - “Mon histoire est belle : au début je dis que les crabes ont pas de
pinces et à la fin ils en ont”.
Un élève R repère et explicite ainsi l’une des caractéristiques du conte étio­
logique demandé (État initial et État final en opposition) : “C’est que... si
dans l’état initial les crabes n’ont pas de pinces et qu’à l’état final ils n’ont
pas de pinces non plus, c’est que le texte, il estfaux. C’est que si à l’état ini­
tial, ils ont pas de pinces, ils sont obligés d’avoir des pinces à l’état final,
sinon, ça n’a pas de sens.”
e) La métalangue est adéquate et explicitée par référence à des
indicateurs pertinents renvoyant à des critères précis.
Seuls les élèves du groupe R sont capables d’expliciter les critères manifes­
tés en référence à des indicateurs précis et pertinents relevés dans le texte.
Quelques exemples :
- Pas clair (QR2) : le critère pragmatique de “clarté” est jugé satisfait si la
structure du texte est mise en évidence linguistiquement par des organisa­
teurs textuels et matériellement par des alinéas {“J’ai mis les mots-char­
nières mais je n’ai pas fait assez quoi...je n’ai pas assez marqué les
paragraphes pour délimiter les trois parties du texte, ce qui fait que mon
texte n’est pas assez clair”) ;
- Bien construit (SR4) : “Il y a une situation initiale, un développement, une
situation finale” ;
- Incohérent (SR2) : le critère sémantique de “cohérence” est jugé satisfait
s’il est possible au lecteur d’établir un lien entre les différentes parties du
texte ( “Il y a une suite comme ça, sans phrases, ça suit, comme ça... on
n’explique pas... la potion magique... on dit qu’il trouve la potion magique
et tout à coup, ça passe d’un crocodile à... moi, je trouve ça incohérent. Y a
pas assez d’explications, voilà ! Y a pas assez d’informations.”) ;

150
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

- Aéré (SR5) : bien disposé, il y a des paragraphes, c’est bien écrit pour le
lecteur ;
- Avec du suspense (QR1) : le contexte permet de comprendre qu’il y a du
suspense quand il y a des expansions qui retardent l’avancée du récit, que le
scripteur “met un peu d’attente un moment et que ça pose une question,
quoi”.
Pour donner une vision globale des deux groupes :
- dans le groupe nR, on rencontre les cas a), b), c) et d) avec une domi­
nante du cas a) ;
- dans le groupe R, on rencontre tous les cas de figures, le cas a) restant
le moins fréquent.
Par ailleurs, si, dans l ’ensemble des termes communs aux deux groupes, l’on
considère ceux qui sont définis et par les uns et par les autres, on constate :
- une polysémie des termes selon le contexte didactique
Les mêmes mots ne renvoient pas aux mêmes critères. ï est ainsi l’expres­
sion d’un critère phrastique normatif dans le groupe nR (il renvoie au voca­
bulaire, signifie explicitement qu’il y a des mots “trop courants” et
implicitement que le vocabulaire doit, en toute circonstance, être “riche”)
alors que chez les élèves R, qui prennent en compte la dimension discursive,
la remarque est liée au souci affirmé d ’assurer un liant sémantique entre les
propositions du texte : “On ne comprend pas très bien. La fin par exemple,
il montre pas comment les crocodiles deviennent oiseaux, moi, j ’aurais
développé ce passage là, en mettant qu’un peu plus tard, ça se transforme
en oiseaux.” (QR6)
- une utilisation différente des mêmes critères
Trop court/Pas assez long, dans le groupe nR, est un critère qui vaut absolu­
ment (DnR4 - “C’est mieux quand c’est plus long”) et/ou relativement à
l ’âge du scripteur ( “pour un CM2”), c ’est-à-dire indépendamment de la
nature de la tâche demandée et de son enjeu. En revanche, chez ceux des
élèves R qui utilisent l ’expression, même si la considération de l ’âge n ’est
pas tout à fait absente, le critère est modulé en fonction d’un calcul sur les
capacités du lecteur à construire l ’information ( “Le lecteur n’est pas inté­
ressé, le lecteur n’a pas assez d’informations” -SR2) et d’une réflexion sur
l’effet de lecture à produire ( “Quand même pour un CM2, c’est vrai, le texte
est assez court. On a le droit bien sûr, mais il faut que ça soit assez long,
parce qu’un texte court, c’est pas... pour le lecteur, c’est pas très marrant !
On voudrait que ça continue. Mais un texte peut être long et mauvais”).
En somme, dans le dictionnaire nR Court = Mauvais toujours,
dans le dictionnaire R Court ne se confond pas nécessairement
avec Mauvais , il prend son sens contextuellement
alors même que les textes produits sont plus courts dans le groupe nR que
dans le groupe R (voir chapitre III).

151
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

Chez les uns comme chez les autres, toutefois, les termes référant directe­
ment à des critères sont peu nombreux en regard des termes désignant sim­
plement des lieux d’intervention possibles dans le texte.
2.1.2 Termes servant à désigner les domaines où se situent les
problèmes d*écriture ou les problèmes d’écriture eux-mêmes

Dans les deux groupes, la métalangue technique pour les problèmes


d’ordre phrastique est globalement identique :
Faute (de mots, d'orthographe, de verbes),
A ccord : verbe + sujet - participe passé - singulier/pluriel,
Temps des verbes : passé simple, passé com posé, infinitif, imparfait,
Accents,
Construction des phrases , Phrases interrogatives,
Vocabulaire,
Ponctuation : point, virgule, majuscule,
Écriture.

Pour ce qui concerne l’au-delà de la phrase, le lexique est extrêmement


réduit dans le groupe nR :
- Dans les relations entre phrases
Répétitions, C oncordance des temps
- Dans l’ensemble du texte
Titre, Histoire, Épreuve (mot systématiquement employé par tous les élèves HnR et
qui ne renvoie pas à une réalité précise, vague synonyme d’action),
Aventure (une occurrence, AnR6)
Début-m ilieu-fin : une occurrence (GnR2 : “Le début et la fin vont bien ensembl” ...
mais ce n’est pas le cas),
Introduction-Développem ent-Conclusion : “Trois parties obligatoires”.

Il est en revanche plus étendu et plus diversifié dans le groupe R. Il couvre


toutes les zones matérialisées par le CLID. A l’exception de "changement
thématique" et “pronominalisation ’ dont la définition n’est pas exactement
adéquate, ces termes renvoient chez les élèves à une réalité précise.
- Pour les relations entre phrases
Répétitions : condamnées absolument en nR, relativement en R (“C 'e s t p o u r le
lecteur... des fois, il p e u t confondre avec d'autres, p a r exemple, si je mets tout le
temps “il” sans préciser, on confond entre les personnages” SR3),
Pronominalisation : comme moyen éventuel de supprimer une répétition mais QR1
en fait un contre-emploi (“E t puis les “H”, il pourrait les pronom inaliser p o u r changer
un peu, les pronom inaliser ou trouver autre chose p o u r les m ettre, quoi”),
Paragraphes, Parties délimitées,
Accrochage des phrases, Mots-charnières, M ots de liaison,
O rg an isateu rs de te m p s , m arq u eu rs de te m p s (TR4 “ça s e rt à e n c h a în e r des
élém ents de phrases”),
Changem ents thématiques ou thématisation (employés l’un pour l’autre, utilisés par
l’ensemble de la classe TR. TR2 explicite ainsi : “Ça change tout le temps, on ne
p e u t p as se repérer dans le texte. P a r exem ple, s ’il parle des crocodiles après il

152
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

parle des oiseaux e t puis on ne com prend pas tellem ent”, et TR6 complète l’essai
de définition : "La thématisation, c'est un p e u l’accrochage des phrases, la phrase,
ça reparle de ce que ça parlait a v a n t... un p e tit p e u ...e t puis on repart sur un autre
sujet").
- Considérations sur la planification
* Situation de communication et effet visé
Lecteur, Incitation à la lecture
* Type d’écrit
Genre de texte f ’J ’a i mis des dialogues mais p o u r ce genre de texte, je ne pense
p a s ”), Catégorie de textes, Texte scientifique, Histoire, Récit, Légende .C onte (“J 'a i
mis un titre, parce que dans un conte, il y a souvent un titre" -OR6).
* Structure et clôture narratives
Titre, Construction du texte, Structure (“La structure es t mauvaise, il n 'y pas de
solution” - TR3) T ra m e , Fil de l ’histoire,
D é b u t - Fin (mise en relation : “Le d é b u t va avec la fin ”, “A vant les oiseaux ne
pouvaient pas voler, c 'est un bon début p o u r une fin com m e ça, E t c ’est depuis ce
jo u r que les oiseaux volent” WR1) ; D ébu t - P roblèm e - Aventure - Fin : terminologie
VR (VR1- “Son problèm e, c ’est q u ’il ronfle, e t à la fin, j ’attendais q u ’il ronfle p lu s”) ;
État initial - Problèm e - Dynam ique d ’actions - Solution - État final : terminologie TR
(“L ’é ta t in itial se te rm in e à “dans l ’e a u ”. E nsuite, c ’e s t le c o m m e n c e m e n t du
pro blèm e e t la fin du problèm e, c ’es t q u a n d le crocodile voulait sauter. L ’action,
c ’est q u ’un autre crocodile a essayé. La solution, c ’est q u ’il réussit e t puis l ’é ta t final,
c ’e s t la dernière p h ra s e .” TR2) ; S itu atio n de d é p a rt - Situation interm édiaire -
Situation finale ; Situation de départ - Conflit - D éveloppem ent - Rebondissem ent -
Fin, (avec parfois un flou sur le mot “conflit” dont le sens se rapproche de celui
d’“action”),
É v é n e m e n t : terme rencontré deux fois, assimilé dans un cas ( “j ’a im e b ie n
l ’é v é n e m e n t, le c o c h o n q u i r o n fle ”), non assimilé dans l’autre ( “Il n ’y a p a s
d ’événem ent, un événem ent c ’est p o u r que l ’histoire soit correcte, c ’est q u ’on ne
m élange pas trop les mots e t q u ’on sache ce que le cochon est devenu e t ce que
les autres personnages sont devenus” UR1),
Étape,
Personnage principal - Héros, Traits des personnages, Narrateur, Destinataire.
* Mode de narration
Expansion du récit
Présentation des personnages, Décors, Description, Dialogues, Étapes = dilatations,
catalyses (“Ça fait m ettre de l ’action dans m on texte”) ;
Perspective d’énonciation
R écit / Discours,
Systèm e des tem ps : TR1 “L ’élève a utilisé le tem ps des verbes qui correspondent
au systèm e dans lequel il s ’est p lacé (le récit) bien q u ’il y a it des erreurs” ; “Il a
b e a u co u p utilisé aussi le passé co m p osé q u i e s t un tem ps du discours q u i es t
interdit dans le récit”. Propose “l ’imparfait p o u r les descriptions e t le passé simple
p o u r les actions”.),
M aintien du “rô le” = de la perspective narrative (QR1 “Il narre e t puis p a r exem ple, il
y e n a là, à la fin, ils m etten t “J e ” ... je suis l ’auteur, c ’est m o i qui raconte l ’histoire, je
suis le n arrateu r quoi, je rentre p as dans l ’histoire e t je suis p as un oiseau p a r
exem ple. ”),
Adresse au lecteur,

153
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

2.1.3 Confrontation de la nature des critères mobilisés et de la


nature de la métalangue utilisée
Il a été constaté au chapitre IV que les élèves R mobilisent positivement plus
de critères que les élèves nR et qu’ils sont plus attentifs aux aspects pragma­
tiques et sémantiques textuels. On constate parallèlement que la métalangue
technique des élèves R, utilisée pour désigner des critères proprement dits,
des indicateurs ou des lieux d ’intervention possibles constitutifs des critères,
est plus étendue et particulièrement développée pour les aspects pragma­
tiques et sémantiques textuels, qu’elle est en outre non un trait de surface
mais la trace objective d ’une conscience métalinguistique. Les élèves nR,
qui n ’ont pas de métalangue appropriée pour les problèmes dépassant le
cadre de la phrase, ne parviennent pas avec autant d ’aisance à localiser les
dysfonctionnements textuels. Dans ces conditions, peut être avancée l ’idée
que la nature des critères mobilisés dans l ’acte d ’évaluation est en relation
de dépendance avec un ensemble de connaissances assimilées ou en cours
d ’assimilation sur le fonctionnement des textes, ensemble de connaissances
construites dans le cadre d’un apprentissage scolaire. Secondairement, la
possession d’une métalangue appropriée (qui réfère à divers cadres d’ana­
lyse de l’oiganisation des textes dont certains sont même clairement affichés
par les élèves eux-mêmes : TRI- “S’il a déjà fait de la grammaire de texte,
il faudrait qu’il l’utilise un peu plus, ça sert beaucoup - C’est ça qui t’a fait
avancer dans l’écriture de textes ? - Oui, parce qu’avant, c’étaitfigé dans la
grammaire de phrase et je pense que la grammaire de texte, c’est une très
bonne chose”) guide la perception et la catégorisation.
Seul l’élève sensibilisé au problème des organisateurs textuels, sachant les
nommer, peut manifester la gestion consciente qu’il en fait : TR5 "Pour
l’état initial, j ’ai mis quand ça se passait - "avant”, "autrefois” . Pour
l’arrivée du problème, j ’ai mis "Mais un jour”. Ensuite pour la dynamique
d’action, c’est "Alors”, ça évoque quelque chose qui va se passer autre­
ment. "Le lendemain matin”, c’est quand il sera prêt pour partir chez fui.”
De la même façon, seul l’élève disposant d’un schéma explicite du récit (et
du vocabulaire correspondant) est apte à repérer la partie manquante dans le
texte problématique et donc à signifier à l’auteur le lieu où il devra interve­
nir et la nature de ce qu’il devra rajouter (TR5 "Il manque la solution” =
passage direct de l’action à la situation finale, "C’est quand il y a un pro­
blème, il y a des actions, et les actions, c’e st... ça évoque une solution pour
arriver à l’état final"). Sous des manifestations verbales de surface variées
(Début-Problème-Aventure-Fin / État initial-Problème-Dynamique
d’actions-Solution-État final / Situation de départ-Confiit-Développement-
Rebondissement-Fin ...), il apparaît que le savoir sur la superstructure narra­
tive, dont on connaît désormais le rôle de guidage en compréhension et en
production, est aussi très opératoire dans les activités d’évaluation, ce qui ne
fait que confirmer les résultats de récentes recherches sur le rôle, en ce

154
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

domaine, des connaissances relatives au schéma de texte et à la cohérence


textuelle (Espéret, 1984, 1991-Roussey, 1990 par exemple).
En ce sens, on peut supposer que la maîtrise métalinguistique et ses implica­
tions au niveau des savoir-faire sont un effet des apprentissages scolaires, et
donc de la variable didactique.

2.2 Les outils utilisés par les deux groupes d ’élèves


Certains élèves, spontanément, déclarent avoir utilisé un outil et/ou
conseillent au pair de faire de même. Lorsque tel n’est pas le cas, il se trouve
que l’observateur ne demande pas systématiquement à l ’élève s’il s’est servi
d’un outil : l ’étude qui suit ne peut donc s’appuyer que sur des données par­
tielles.

2.2.1 Nature des outils


Les élèves font référence à plusieurs sortes d’outils dans leur discours :
a- les outils standards (susceptibles d ’apporter une aide pour régler des
problèmes d ’ordre phrastique) comme le Bescherelle consulté par 5 élèves R
(QR5, TRI, TR2, TR3, QR6) ou le dictionnaire consulté par les élèves des
deux groupes mais plus massivement par ceux du groupe R (WR1, WR2,
WR5, TRI, TR2, TR3, TR4, TR5, SRI, SR2, SR3, SR4, SR6, PR2, PR3,
PR6, QR5, QR6), le livre de français ou le classeur de conjugaison consulté
par deux élèves R, “pour la terminaison des verbes” ;
b- les outils spécifiques (à une classe, à une tâche déterminée)
On ne trouve qu’un seul exemple d’outil spécifique dans le groupe nR, celui
de la classe JriR dont rien ne dit qu’il soit précisément conçu pour le récit et
qui se présente comme une liste de critères absolus, non assortis d’indica­
teurs mais accompagnés d’un barème détaillé :

construction /3
concordance des temps /3
correction des phrases /3
ponctuation /2
orthographe /3
imagination /3
richesse du vocabulaire /3

Il est reproduit en marge de la production du pair par JnR2 avec la note chif­
frée sur 20.
L’étude du discours et du comportement d ’un élève de la classe permet
d’inférer qu’il s’agit là d ’une grille d’évaluation du maître (tentative d’éva­
luation critériée mais avec un certain nombre de critères dont il est difficile

155
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

d ’expliciter le référent), dont s’emparent momentanément et par mimétisme


les élèves mis dans la situation inédite pour eux d’évaluateurs.
L’étude du corpus R permet d’affirmer que cinq classes ont à leur disposi­
tion un ou des outils pour écrire et relire les productions : VR, PR, QR, SR
et TR. Ces outils n ’étant pas cités exhaustivement, le commentateur ne peut
qu’essayer de les reconstituer par recoupements :
VR : l ’outil porte sur la superstructure narrative (nécessité d ’un élément
déclencheur, clôture narrative...) ;
PR : un outil “Problèmes d’écriture” qui parle du destinataire, du décou­
page des phrases, des répétitions gênantes” ; un outil “Questions pour
un récit imaginaire” dont on ne peut déterminer le contenu ;
QR : quelque chose comme “J’ai fait un projet avant d ’écrire mon texte ;
mon texte est bien aéré, bien ponctué ; je parle de qui, quoi, où ; il y a
cinq parties ; mon texte est cohérent ; je garde le même rôle jusqu’à la
fin.”
TR : l ’importance des outils dans le discours des élèves de cette classe a
conduit à demander au maître de bien vouloir fournir l ’état effectif
des outils construits collectivement. Les élèves disposent de panneaux
affichés au mur :

O util 1 : Structure du récit


Récit
État initial État final
Problèm e Dynam ique d ’action Solution
Une structure simple
(en 5 parties)

O util 2 : Les tem ps du récit


Im parfait Passé simple
Plus que parfait Passé antérieur (In terd its : p ré s e n t , p a s s é
composé)

les tem ps du discours


Présent Im parfait Futur simple
Passé com posé Plus que parfait Futur antérieur
(Interdits : passé simple, passé antérieur)

Les élèves ont en outre un questionnaire-guide de relecture, suivi très scru­


puleusement et qui invite à regarder successivement :
- la structure,
- le découpage en paragraphes,
- le rapport description/narration,
- les temps des verbes,

156
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

- les organisateurs de temps et l’accrochage des phrases,


- la construction des phrases,
- les répétitions,
- la ponctuation.

2.2.2 Utilisation et effets des outils

* Utilisation des outils standards


Cas du dictionnaire et des classes R (les seules où les élèves tiennent un
discours sur l’utilisation qu’ils ont faite du dictionnaire)
Le dictionnaire est consulté pour s’assurer de l’orthographe, de l ’existence
ou du sens d ’un mot (par exemple " volage” dans le titre du texte probléma­
tique de CM : "Le volage des oiseaux"). Il est utilisé pour combler une
lacune dans le savoir ou pour confirmer une intuition linguistique préalable.
Mais si la stratégie du recours au dictionnaire est judicieuse, elle n ’est rien si
elle n ’est doublée d’une stratégie de lecture efficace, or : TR2 affirme qu’ "il
n’a rien trouvé" à l ’entrée "volage” ("Je crois que le dictionnaire ne met­
tait pas la définition”) ; WR2, lui, trouve le mot mais déclare que la défini­
tion lue lui permet de penser que, dans "Le volage des oiseaux”, "volage,
ça va " ; PR3 trouve le mot, constate que la définition ne convient pas mais
ne se souvient pas du sens exact ("Ça veut pas dire tout-à-fait ça = vol”) ;
seul TR4 se souvient que "c’est en amour”... ; TR5, à la recherche du mot
"quête”, rencontre deux définitions et "ne sait pas s’il a pris la bonne” ;
enfin SR3 cherche à savoir si l’expression "sans scrupules” qu’il aimerait
employer a bien le sens qu’il lui donne mais ne comprend pas la définition.
En somme les élèves R savent qu’ils doivent recourir au dictionnaire en cas
de doute ("Si on n’est pas sûr d’un mot, on prend le dictionnaire, ça nous
aide beaucoup”) mais n ’ont semble-t-il pas été entraînés suffisamment à ce
type de lecture. Ils ont des difficultés à retrouver une entrée dans le cas d’un
doute orthographique (SR6 "J’ai essayé de trouver un mot dans le diction­
naire et puis il y était pas. C’était "atroce” - écrit “atrosse” - . J’ai essayé
par A et T, mais je l’ai pas trouvé”), à se repérer dans les différentes accep­
tions, à sélectionner la seule acception recherchée, à décoder les définitions.
En cas de non-satisfaction, ils n’explorent pas les voies d ’information paral­
lèles que constituent l ’exemple d’emploi ou le renvoi : la quête s’interrompt
au premier obstacle rencontré. A. Lehmann (1990), qui s’interroge sur les
possibilités, pour un lecteur expert, de parvenir à “comprendre” un mot
inconnu en suivant l’enchaînement des renvois (ouvertures, boucles, rup­
tures, dilution du sens, profusion des données, dénivellation des données)
souligne la complexité de l’opération de décodage et l ’aspect artisanal que
prend finalement la procédure. Il souligne également le rôle des facteurs
extra-linguistiques qui composent l’univers du locuteur dans la compétence
à déchiffrer une définition : il ne s’agit pas seulement de trouver des infor­

157
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

mations pour élucider / élaborer le signifié de l’unité mal connue, il s’agit


aussi d’identifier le référent dans son expérience du monde, difficulté sup­
plémentaire pour les élèves aux prises avec “volage” et qui n’ont sans doute
qu’une faible expérience de l’inconstance amoureuse... Il y a là, en somme,
“un type de lecture active, créatrice, difficile” pour les experts, d’autant plus
difficile pour les novices et qui, cependant, à notre connaissance, n ’est pas
un objet d’étude systématique, y compris dans les classes R.
* Utilisation des outils spécifiques
- L’outil nR est utilisé comme outil d’évaluation sommative et probable­
ment aléatoire : l’élève JnR2 le reproduit en marge de la copie du pair
comme doit le faire le maître et en tire une note... sans que soit précisé
comment ont été évaluées les qualités de l’imagination et de la construc­
tion et la richesse du vocabulaire, ce qui donne :
Construction 0 ,5 /3
Concordance des tem ps 0 /3
Correction des phrases 1/3
Ponctuation 0 ,5 /2
Orthographe 1,5/3
Richesse vocabulaire 0 /3
Imagination 2 ,5 /3

6 ,5 /2 0

- Les outils R
L’utilisation qui en est faite est mécanique et sans efficacité dans le cas de
QR1 (bonne élève) qui récite “le tableau que la maîtresse a fait apprendre”
mais n ’a pas le savoir-faire correspondant. Elle est aussi stratégique dans
d’autres cas et les élèves disposent alors d’une grille de lecture ou de relec­
ture souvent efficace.
Mais si l ’outil fournit un cadre de lecture (et un métalangage approprié), il
peut aussi empêcher certains de sortir du cadre ainsi posé, qui se révèle par­
fois trop étroit : le questionnaire de relecture TR ne dit rien de la cohérence
sémantique globale qui n ’est de ce fait pas abordée par les élèves (on ne
relève aucune remarque sur l’incohérence du passage poissons-crocodiles-
oiseaux par exemple, dans le texte problématique du CM, comme si la
concentration sur l ’enchaînement formel des phrases auquel la classe est
sensibilisée oblitérait la conscience métasémantique). Le cadre de lecture
imposé par l ’outil peut aussi se révéler inadapté à l’écrit observé : c’est à
nouveau le cas du questionnaire TR. Élaboré après l’étude d’un texte pro­
blématique rencontré antérieurement dans la classe, il garde, si ce n’est dans
sa nature, du moins dans son utilisation par les élèves, certains des éléments
circonstanciels (et donc non pertinents pour l’étude des textes du jour) qui
ont présidé à sa naissance, et dont les élèves font une application générali­
sée. Ainsi en est-il de la question “La première phrase a-t-elle un verbe ?”

158
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

Cette question a été introduite dans l’outil parce que : (TR5) "On avait éva­
lué un texte et on avait trouvé que sur la 1ère phrase, il y avait pas de verbe.
Alors, on a remarqué que si y avait pas de verbes dans la phrase, la phrase
était pas bonne”. Ce qui conduit TR3 à émettre le conseil suivant à propos
de l’écrit problématique qu’on lui soumet : "Je lui dirais de mettre un verbe
dans une phrase " alors même que son auteur n ’a commis aucune faute de
ce type ("Il n’a pas fait la faute, mais je lui dirais quand même ça”).
L’outil peut enfin ériger une norme (les maîtres R ne sont pas à l ’abri de ten­
dances normatives, voir Mas et coll., 1991) et/ou être érigé en norme par ses
utilisateurs (passage obligé à un moment donné de l ’apprentissage ?). J.
Gadeau (1989) signalait déjà, au terme de la description des pratiques éva­
luatives des maîtres, le “danger d ’une dérive vers une cristallisation des cri­
tères” qu’elle imputait à plusieurs causes parmi lesquelles “la tentation de
l’orthodoxie théorique” (“fidélité excessive à un modèle théorique d ’analyse
qui peut conduire à anticiper ou figer les représentations des élèves sur
l ’écriture et le fonctionnement des textes”) et invitait à une “vigilance
constante sur ce qui se passe du côté des élèves”. Soit, une fois encore, le
cas des outils TR, dont l ’existence est constamment rappelée dans le dis­
cours des élèves, dont le contenu est scrupuleusement observé, bref qui ont
un rôle majeur dans la procédure d’évaluation. Il n ’est pas aisé de détermi­
ner si c’est le discours accompagnateur du maître ou seulement le discours
inteiprétatif des élèves qui est normatif (Ex : Il faut aller à la ligne après
chaque phase du récit) et formaliste (la vérification de la présence de l ’élé­
ment noté importe plus que sa pertinence). Il n ’en reste pas moins que les
outils, qui se référent tous à des analyses théoriques des textes, sont perçus
par la classe comme des outils en ‘II faut” / “Il ne faut pas “ :
- “la structure” devant obligatoirement comprendre “5 parties”, "les 5
parties réglementaires” (TRI), les élèves se contentent souvent de
vérifier leur nombre sans s’intéresser à leur relation ;
- à chacune de ces parties correspond automatiquement un paragraphe
TR3 : "Il y avait écrit qu’il fallait faire des paragraphes pour chaque partie
(...) Les découpages en paragraphes sont bien effectués. J’ai fait un
espace pour séparer chaque partie. Je vais à la ligne quand j ’ai ter­
miné une partie.”
Plus net encore TR5 "J’ai bien découpé en paragraphes, mais en relisant, je
me suis rendu compte que j ’en ai mis que 4 au lieu de 5. Alors j ’ai cherché
où ça n’allait pas.”
- la séparation du discours et du récit et la répartition des temps selon les
deux systèmes sont impératives (l’inclusion du discours dans le récit
n ’est pas - encore ?- envisagée)
TR5 : "C’est le système du récit, alors il n’y a pas le droit de mettre du pré­
sent, alors j ’en ai pas mis”

159
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

TR3 : "Je me suis servi du panneau de la classe. C’était avec les verbes.
Ben, les temps des verbes qu’il fallait pas prendre et ceux qu’ü fallait
prendre quand on est dans le système du récit...”
Ces “devoirs et interdits” peuvent à la limite générer des conduites aber­
rantes (remise en cause de la phrase imposée par la consigne) :
"Je me suis servi du panneau de la classe. C’était avec les verbes. Ben, les
temps des verbes qu’il fallait pas prendre et ceux qu’il fallait prendre quand
on est dans le système du récit... Comme le passé composé et le présent qu’il
faut pas prendre. Et puis j ’ai regardé si j ’avais mis du présent et du passé
composé... Et puis j ’ai remarqué qu’il y avait du passé composé. Mais aussi
à la fin, il y a du présent, mais comme c’était une phrase qui était donnée Je
savais pas s’il fallait changer ou pas... et puis j ’ai laissé.”
ou pour le moins semer le doute chez le scripteur dont l’intuition linguis­
tique est contredite par l’outil qui devrait la conforter :
TR3 : "Le texte se place dans le récit et j ’ai mis au passé composé à un
moment parce que j ’ai mis "que j ’ai citées”... parce que j ’avais mis
quelques noms de couleurs et puis après, j ’ai mis "que j ’ai citées”
mais... après, pour corriger, je trouvais pas trop les temps des verbes
qui pouvaient aller, parce que, quand je mets Je cita”, ça fait un peu
drôle, mettre le passé simple.”
Sacralisé et utilisé de manière “descendante”, l ’outil fonctionne alors
comme grille de lecture appliquée sur le texte antérieurement à tout repé­
rage ("J’ai regardé l’outil et puis après j ’ai regardé mon texte” , "J’ai lu
toutes les questions, enfin tous les points et puis j ’ai regardé si c’était
bon”).
La classe TR n ’est pas représentative de l’ensemble des classes R, elle
met cependant en évidence le fait que l’outil pour écrire et réécrire, s’il
est bien une spécificité des classes R, reste un point fragile et sensible du
dispositif d’évaluation formative des écrits mis en place par le groupe
de recherche.
Pour résumer l’ensemble de ces points, conformément aux hypothèses
du groupe EVA, il y a opposition régulière, à quelques nuances près qui
ont été soulignées, selon la variable didactique R / nR : les stratégies
d’évaluation des élèves varient selon leurs représentations de l’évalua­
tion, leurs représentations des problèmes d ’écriture, c’est-à-dire selon la
nature de leurs connaissances sur le fonctionnement des textes et des
écrits et donc la nature des critères qu’ils peuvent mobiliser et explici­
ter. La métalangue et les outils de relecture disponibles jouent un rôle
(moindre pour les outils que pour la métalangue) dans la mobilisation
des critères et leur explicitation.

160
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

3 - D E S É L È V E S D E CE1 P E U V E N T -IL S D É P A S S E R
LE S T A D E D E L’É V A L U A T IO N D E S U R F A C E ?
Pour rendre compte de façon plus précise des traits qui opposent des deux
groupes dans le comportement évaluatif et replacer les constats précédents
dans la continuité du discours, deux études de cas ont paru nécessaires. Ont
été choisis deux élèves de CEI (l’un nR, l’autre R) jugés “moyens” par leurs
maîtres respectifs, révisant le texte problématique du pair. Le choix du CEI
est délibéré : si, conformément à l’hypothèse de recherche, la variable didac­
tique a une incidence majeure, cette incidence doit pouvoir s’observer dès le
début de la scolarité primaire, chez des enfants de 7-8 ans, qui, précisément,
selon les études de psychologie (qui ne prennent pas en compte la variable
didactique mais de facto mesurent les effets d ’une pédagogie traditionnelle),
auraient les plus grandes difficultés à dépasser le stade de l’évaluation
mineure. Le choix de “moyens” s ’explique par la volonté d ’écarter les
extrêmes. Parmi ces “moyens”, GnR3 et VR3 ont été retenus parce qu’ils
appartiennent à la même catégorie socio-professionnelle (IV), vivent dans la
même ville et fréquentent le même type d ’école (école d ’application du
centre ville).

E n t r e t ie n d e G n R 3 s u r le te x t e p r o b lé m a t iq u e d ’u n p a ir
(O = Observateur, E = Élève)
O - Peux-tu m ’expliquer ce qui va bien dans ce texte ?
E - C e qui va bien dans ce texte c ’est q u ’il va bien...
O - J e ne com prends p as bien... regarde le texte, q u ’e st-ce q u i te p e rm e t de
dire ça ? Quelles choses vont bien ?
E - Les mots.
O - Les m ots ?
E - E t p u is ...
O - Q uels m o ts p a r e x e m p le ? .... Tu ne sais p a s ? ..... O n te d e m a n d a it
ensuite : “Q u ’est-ce qui ne va pas bien ?”
E - C ’est q u ’elle a fait trop de fautes...
O - Elle a fait trop d e fautes ?.... P e u x -tu m e m o n tre r des fautes q u'elle a
faites ?
E - Elle n ’a pas mis de majuscule, là. Elle a oublié de m ettre un “t", elle a oublié
d ’écrire “q u e ”.
O - Oui.
E - Elle a écrit “mésié", il fallait écrire “m onsieur”.
O - C ’est tout ce que tu p eu x m e dire ?
E - E t puis, “enavai”, c ’est attaché, c ’est “en avait”.
O - Tu n ’as pas répondu à la troisième question.... Que dirais-tu à la p etite fille
p o u r q u ’elle améliore son texte ? Quels conseils pourrais-tu lui donner ?
E - .....
O - Tu ne vois pas ?
E - N on
O - Tu dis q u ’il y a des choses qui ne vont p as bien, on te dem andait ce q u ’il
fa u d ra it q u ’e lle fasse p o u r a m é lio re r so n h isto ire , c o m m e n t p e u x -tu
l ’aider ?

161
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

E - Q u ’elle fasse moins de fautes...


O - C ’est tout ce que tu vois ?... Q ue lui avait-on dem andé de faire ?
E - D ’écrire un texte.
O - Quelle était la consigne ?
E - D ’écrire la fin d ’une histoire qui se termine p a r “E t c ’est depuis ce jo u r que
les cochons ont la queue en tire-bouchon”.
O - R épète-m oi, je n ’ai pas bien compris.
E - Fallait écrire la fin d ’une histoire... Écrire la fin d ’une histoire en écrivant “Et
c ’est depuis ce jo u r qu e...”
O - E t alors ? Crois-tu q u ’elle a répondu à la consigne ?
E - Oui.
O - Alors on sait pourquoi les cochons ont la queue en tire-bouchon ?
E - Non.
O - Q u ’est-ce qui nous manque ? Q u ’aurait-elle pu dire ?
E - .......
O - O n nous d it “E t c ’est depuis ce jo u r...”. Nous a-t-elle parlé de la queue en
tire-bouchon ?
E - ......
O - A ton avis, sait-on maintenant pourquoi h s cochons ont la queue en tire-
bouchon ?
E - Non.
O - Non ?
E - C ’est parce q u ’ils sont faits co m m e ça.
O - Ah, bon, c ’est parce q u ’ils sont faits com m e ça....

E n t r e t ie n d e V R 3 s u r le t e x t e p r o b lé m a t iq u e d ’u n p a i r

O - Tu dis que le vocabulaire ne va p as com m e p a r exem ple dans “le mesie en


avait m ars”. Pourquoi refuses-tu le m o t “m ars” ?
E - C ’est pas seulem ent “m ars”, “m esie”, je croyais que ça se lisait
0 - O ui mais tu parles du vocabulaire...
E - M oi, j ’a i vu q u ’il y avait un “s ” à la fin de “m ars”
O - Mais le mot, tu l ’aurais utilisé ?
E - Oui.
O - Tu dis aussi “Le d ébu t ne va p a s ...” Explique-toi.
E - C ’est que après je l ’ai lu en entier, alors après, je voyais q u ’il ronflait e t q u ’il
fallait le faire plus ronfler mais à la fin on dit q u ’il m ange e t après il a la
queue en tire-bouchon...
O - Alors ? Q u ’est-ce qui ne te va p as là ?
E - Eh ben, c ’est que son p roblèm e, c ’est qu'il ronfle. E t à la fin, j ’attendais q u ’il
ronfle plus.
O - Tu veux dire encore autre chose ?
E - Eh ben, ce qui ne va pas... la petite fille, elle aurait dû écrire une histoire que
le cochon il avait pas de queue en tire-bouchon e t à la fin il avait une queue
en tire-bouchon. O u alors, elle aurait dû écrire l ’histoire q u ’elle avait mis e t à
la fin, le cochon ronflait plus .
O - Oui, mais la consigne, c ’était d e term iner p a r “E t c ’est depuis ce jo u r que
les cochons ont une queue en tire-bouchon”.

162
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

E - Oui, ben, cette phrase, je la garderais e t l ’histoire je la changerais to u t E t je


com m encerais p a r “le cochon n ’avait pas la queue en tire-b o uch o n " ou
plutôt, “il y a des cochons qui n ’ont p as la queue en tire-bouchon”.
O - Tu dis aussi que Sara a écrit son histoire au passé e t que, au début, il y a un
p ré s e n t
E - C ’est que “Il y a un cochon qui fait “ au d é b u t E t com m e j ’a i lu le reste de
l ’histoire e t que l ’histoire est au passé e t que le d ébu t es t au présent, il faut
écrire “qui faisait". Tous les m ots doivent être au passé. Toute l ’histoire
com plète, quoi.
0 - Tu dis q u ’il n ’y a p as de m ajuscules. Peux-tu a jo u ter quelque chose sur
cette question ?
E - Si, quan d on écrit une histoire, on com m ence toujours p a r “Il était une fois”.
O - Toujours ?
E - Oui.
O - Mais nous parlions de m ajuscules....
E - O u i, q u a n d on c o m m e n c e un te x te , d ’h a b itu d e , il y a to u jo u rs u ne
majuscule au d ébu t de la phrase. J ’en vois pas.
O - E t c ’est tout c e qui m anque ?
E - Elle a pas fait de phrases, parce q u ’elle a écrit tout en m êm e temps. Elle a
pas fait de points. Elle a écrit tout d ’un seul coup. P ar exem ple (lit le texte
du d éb u t ju s q u ’à “voisins", s ’arrête) e t là, elle devrait m ettre un p o in t e t
après une majuscule.
O - E t encore ?
E - Je viens de voir une faute d ’orthographe...
O - Où?
E - “l ’on a c é p e té ”, il faut un “t ” à “o n t” e t puis “a c é p e té ”, j ’arrive pas bien à lire.
Je pense q u ’elle a oublié des lettres.
O - Oui, tu as raison.
E - Il d evrait y avo ir plusieurs cocho n s dans l ’h istoire... C a va p a s là : elle
d evrait p a s m e ttre l ’ap o stro ph e (= “! ”’) p a rc e que, n o rm alem en t, on d it
“M onsieur Riquiqui e t m adam e Tartem pion ont accep té le cochon”. Parce
q u ’elle m ettait une apostrophe mais si elle m ettait une apostrophe, il fallait
pas q u ’elle m ette “le cochon”. E t puis “d o n é”, ça va pas, elle a oublié un
“n ” e t puis ça sonne p as aux oreilles “le donné”.
O - Tu mettrais quoi à la place ?
E - “l ’ont donné à m anger”.
O - Tu veux dire que les personnages ont fait cuire leur cochon, c ’est com m e
ça que tu com prends ?
E - Non, c ’est le cochon qui a m angé. J e vois quelque chose encore. C ’est que
quand on m e t des guillemets, ou un tiret, c ’est que quelq u ’un parie mais à
la fin, elle a mis des guillemets... C ’es t bizarre, au d é b u t elle a p as mis de
guillemets e t à la fin elle a mis des guillemets, e t personne parle...

163
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

GnR3
GnR3 est totalement démuni devant la tâche qui lui est demandée :
- l ’appréciation globale positive semble aléatoire, elle ne s’appuie sur aucun
indice concret prélevé dans le texte, le domaine linguistique où pourrait se
cerner la réussite concerne les unités de plus bas niveau : les mots ;
- les dysfonctionnements notés se situent tous au niveau orthographique ou
syntaxique : des indices sont prélevés qui ne sont rapportés à aucun cri­
tère, simple repérage suivi d’un traitement immédiat (proposition substitu­
tive) sans explicitation ;
- il fixe à l’auteur du texte un objectif (faire moins de fautes) sans en préci­
ser l’enjeu, sans donner les moyens de l ’atteindre : en ce sens le conseil de
réécriture demandé, censé fournir une aide à l ’auteur, est transmué en dis­
cours préceptorial ;
- la consigne est restituée avec un gauchissement important ( " écrire la fin
d’une histoire en écrivant...”) qui peut s’expliquer certes par un lapsus ou
par une confusion syntaxique (écrire une histoire qui se termine par =
écrire la fin d’une histoire) mais plus probablement par un malentendu : le
type d ’écrit attendu, récit explicatif d ’une part, mythique d ’autre part,
n’est pas vu.
D s’en suit que :
. la planification par induction à partir de la phrase finale imposée devient
impossible, a fortiori la replanification du texte du pair ;
. la consigne est interprétée littéralement : il faut et il suffit que la phrase
imposée soit présente à la place demandée pour que texte produit soit
jugé réussi (ainsi peut-on comprendre la focalisation de cet élève sur “la
fin de l ’histoire’’ : de son point de vue, la seule tâche à accomplir
consiste à l ’insérer à l’endroit fixé, conformément aux attentes formelles
supposées) ;
. le rapport de la phrase finale et de ce qui la précède n ’a pas à être envi­
sagé, d’autant qu’on sait déjà pourquoi les cochons ont une queue en
tire-bouchon ("Ils sont faits comme ça”), ce qui ne manque pas de
logique mais implique qu’on ne joue pas le jeu imposé par la consigne :
en ce sens la non explication de la queue, même constatée, ne peut pas
constituer un obstacle et donc un critère d’évaluation.

VR3
- L’élève localise des problèmes d ’écriture relevant de la phrase, des liai­
sons entre phrases, du texte dans son ensemble.
- Il dispose d’un certain métalangage interne à la classe ("problème” =
complication).
- Pour ce qui concerne la mise en texte et les problèmes locaux, il lui arrive
ponctuellement de ne pas pouvoir justifier ses intuitions ( "ça sonne pas
aux oreilles "le doné”). Dans l ’ensemble pourtant, il les justifie :

164
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

. par l’usage et la fréquence de ce qu’il a observé, observation forcément


lacunaire (majuscules en début de phrase "normalement’’, ancrage tem­
porel des histoires par “Il était une fois” "toujours”),
. par une norme linguistique (pour " l’ont accepté le cochon").
Il fournit toujours la solution, parfois même deux solutions au choix (sup­
pression du pronom redondant ou pronominalisation du nom).
Un même fait de surface (guillemets ouverts et non fermés) est analysé
comme relevant de deux problèmes d ’écriture : problème de norme gra­
phique d ’une part (les guillemets s ’ouvrent et se ferment), problème de
fonctionnalité d’autre part (marquage d ’un dialogue absent).
- Il aborde le texte de manière globale. A deux reprises (à propos de la clô­
ture textuelle d ’une part, de la perspective temporelle d ’autre part), il sou­
ligne sa stratégie : repérer d ’abord les règles fixées par le texte lui-même,
vérifier par la lecture intégrale que les règles fixées au départ sont respectées
jusqu’à la fin ( “C’est que après, je l’ai lu en entier”, comme j ’ai lu le reste
de l’histoire..."). Le réglage se fait donc par référence au fonctionnement du
texte et à sa norme propre. L’évaluateur rappelle à l’auteur la loi qu’il s’est
donnée à l ’origine et qu’il a perdue de vue ensuite pour en prendre une
autre. A partir de là, et parce qu’il se réfère implicitement à des critères qu’il
a intégrés (dans une histoire, le début peut être mis en relation avec la fin et
la complication doit trouver une issue, il faut choisir une perspective tempo­
relle et s’y tenir), il dessine deux pistes de réécriture possibles pour homogé­
néiser le texte. Les deux voies possibles de résolution du problème sont
dessinées à partir d’un raisonnement du type : 1) si fin “queue en tire-bou­
chon” alors début “ pas de queue en tire-bouchon” - si début “cochon qui
ronfle” alors fin “cochon qui ne ronfle plus”, 2) si début au présent alors fin
au présent - si fin au passé alors début au passé, soulignant par là l’incompa­
tibilité des deux solutions et la nécessité sémantique d ’une option. En der­
nière analyse, par référence à la consigne d ’une part, à la dominante du texte
d’autre part, il ne retient qu’une possibilité (réécrire le début en fonction de
la fin qui ne peut être changée, réécrire “toute l’histoire complète” au
passé). Il s’agit là d ’une re-planification raisonnée qui s’appuie sur une
représentation claire du texte visé. Cette représentation repose sur des
connaissances relatives au fonctionnement des textes narratifs, stratégi­
quement exercées sur l’écrit à évaluer et modulées en fonction même
des données de cet écrit par anticipation/simulation de la mise en oeuvre
du critère et évaluation pondérée de ses effets.
- Les problèmes d’écriture sont catégorisés à partir du relevé d ’indicateurs
convergents et donc traités globalement ( “Tous les mots doivent être au
passé”) La réécriture envisagée est une reprise totale du texte.
- Enfin, le fait est d’importance et mériterait une étude plus approfondie,
dans et par l’activité d ’évaluation, l’enfant découvre de nouveaux traits
caractéristiques de l’écrit à produire, singulièrement la nécessité de traiter

165
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

le devenir de l’espèce en général (et non d’un individu singulier) imposée


par le genre ‘‘conte étiologique” et transfère ces connaissances nouvelle­
m ent acquises dans la relecture de son propre texte. La prise de
conscience se fait en deux temps :
. l’évaluation du texte du pair conduit d’abord l ’élève à l’idée qu’il doit y
avoir plusieurs cochons (le “les” de "les cochons” dans la phrases
finale est alors compris comme reprise anaphorique des cochons particu­
liers de l’histoire) ;
. le principe découvert est transféré sur l ’étude de son propre texte jusqu’à
ce qu’il en découvre les limites (“les” est à comprendre comme article
générique) et en modifie la formulation : “Oh ! J’aurais dû parler des
oiseaux de tout le monde ... Il faut pas que ça parle d’une famille et
tout...”
On ne peut en aucune manière déduire une généralité du cas VR3 qui
reste singulier dans la classe VR et dans l’ensemble des élèves R de
CEI, pas plus qu’on ne peut affirmer que les compétences évaluatives mani­
festées par l’élève impliquent une plus grande qualité de sa production ou
des ses révisions effectives.
Il reste qu’un élève de CEI, qui se trouve être dans une classe R, peut mettre
en oeuvre un processus d ’évaluation très proche de la révision experte
décrite par Hayes et Flower (1987). Ainsi en est-il de “la capacité à
construire des représentations qui intègrent les diagnostics dans des réseaux
de problèmes situés à des niveaux différents du texte”. Plus généralement,
une performance experte se caractérise par la possibilité de désigner les pro­
blèmes essentiels, de leur trouver des solutions adaptées, et de se donner des
stratégies générales pour éviter leur reproduction. Toutes capacités obser­
vées. Dans le même temps, l’élève tire partie des constats effectués sur le
texte d’un autre pour la réécriture de son propre texte : le miroir grossissant
du texte de l’autre pour se mieux voir, la révision comme occasion d’exercer
ses compétences et peut-être aussi comme moyen d’apprentissage de nou­
velles compétences.

CONCLUSION
J.-E. Gombert (1990, p. 210) cite un certain nombre de travaux de psycho­
logues qui montreraient que “les lecteurs débutants et les mauvais lecteurs
ont une tendance à privilégier le traitement de niveau lexical. Ainsi,
lorsqu’ils ont à détecter des anomalies dans des textes écrits, le seul pro­
blème mentionné concerne la signification des mots individuels (...) Par
ailleurs, ils sont moins performants que les bons lecteurs dans toute une
série de tâches métacognitives portant sur les textes écrits : détection de
contradictions et de violations de connaissances préalables, identification de
l ’idée principale d ’un texte...” Il conviendrait sans doute de préciser la

166
Stratégies évaluatives des élèves de CE/CM

notion de lecteur débutant. Néanmoins, les données observées dans ce cha­


pitre ne permettent pas de tirer, pour les deux groupes observés, une telle
conclusion.
Les élèves nR réagissent en effet à la tâche demandée comme il est dit. Les
difficultés qu’ils rencontrent affectent l ’ensemble du processus :
- représentation limitée de la tâche d ’évaluation,
- absence d ’une représentation globale du texte visé pouvant permettre le
contrôle de l’organisation générale des textes produits ou représentation
monolithique et incomplète du texte visé,
- manque de connaissances sur le fonctionnement des discours et cadre
d ’analyse restreint pour l’établissement du diagnostic,
- recours limité à des outils.
Mais il n ’en va pas de même pour les élèves R. Le fait de posséder une
gamme plus étendue de critères implicitement ou explicitement hiérarchisés,
une métalangue permettant de désigner ces critères ou les problèmes d’écri­
ture, des outils pour relire, modifie le processus d ’évaluation dans son
ensemble, c’est-à-dire leur définition de la tâche (finalité assignée à l’éva­
luation, méthodologie pour repérer et traiter des problèmes, adaptation stra­
tégique au texte particulier à évaluer) et bien entendu leur représentation du
problème (aptitude à émettre des diagnostics).
La variable didactique, dont les analyses précédentes ont souligné l ’impor­
tance, en dégageant un faisceau de traits qui convergent avec régularité,
serait sans doute de nature à remettre en question des constats opérés sans
prise en compte de son rôle.

167
Chapitre VI

LES AVANCÉES DE LA RECHERCHE :


acquis et perspectives

Maurice MAS

La fin de cette recherche coïncide, à quelques mois près, avec les débuts de
la mise en œuvre de l’organisation en cycles de l ’école primaire. Cette
modification institutionnelle, qui a pour objet de “mettre l’enfant au cœur du
système éducatif’, implique une transformation profonde non seulement des
structures et des habitudes de fonctionnement de la classe mais surtout des
aspects essentiels des pratiques d’enseignement : expliciter des objectifs
pour le cycle, articuler l’acquisition de contenus de savoirs et la maîtrise de
compétences, mettre en place des démarches d ’enseignement / apprentissage
et des modalités d’évaluation cohérentes, constantes et progressives dans le
temps.
Il paraît donc utile, au terme de cet ouvrage précisément focalisé sur les
compétences évaluatives d ’élèves de l’école élémentaire en matière de pro­
duction de récit, de faire une brève synthèse des ap p o rts de cette
recherche aux problèmes de la didactique de la production d ’écrits à
l’école, à partir de différents points de vue :
- théorique : quels savoirs nouveaux a-t-elle contribué à construire dans le
champ de la didactique de la production et de l’évaluation d ’écrits ?
- pratique : quels sont ses apports à l’enseignement et en particulier à la for­
mation des maîtres ?
- heuristique : quels problèmes de recherche nouveaux, dans le champ
concerné, permet-elle de (mieux) poser ?

169
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

1. QUELS SAVOIRS NOUVEAUX A CONSTRUITS


LA RECHERCHE ?
Dans les dernières lignes d’un précédent ouvrage du Groupe EVA consacré
à la description des pratiques évaluatives des maîtres (Mas & al., 1991),
G. Turco concluait en ouvrant les perspectives de la recherche actuelle.
“La Recherche-description montre que la nature des critères utilisés par les
maîtres diffère selon les classes R et nR. La recherche-évaluation aura pour
objectif d ’identifier et de décrire la nature et le degré d ’élaboration des cri­
tères mobilisés par les élèves dans ces classes dans des tâches de révision de
récits.
Nous faisons l ’hypothèse que la capacité des élèves à réviser des récits dif­
fère selon la nature des critères d’évaluation utilisés par les maîtres dans les
classes. La recherche se propose de vérifier l’existence de cette relation et,
le cas échéant, de l’analyser de manière contrastive, dans les classes R et
dans les classes nR.”
Les résultats qui viennent d’être exposés dans les chapitres précédents per­
mettent de définir des profils contrastifs d’élèves selon la nature des critères
qu’ils mobilisent et les stratégies qu’ils mettent en œuvre dans des situations
d’évaluation d’écrits. Ils confirment ainsi deux hypothèses de la recherche.

1.1. Il existe une relation entre profils d ’élèves


et profils didactiques des maîtres.
Cette relation, attendue, entre pratiques évaluatives des élèves et pratiques
des maîtres en matière de didactique de la production d’écrits, se manifeste
en particulier à travers quelques indicateurs brièvement rappelés ici :
* le nombre de critères d’évaluation mobilisés : en référence au modèle
d’analyse du CLID, les élèves des classes R utilisent, à bon escient, plus
de critères que ceux des classes nR ;
* la nature des critères mobilisés : sans négliger pour autant les autres cri­
tères, les élèves R sont prioritairement attentifs à l’ensemble du texte, des
points de vue pragmatique, sémantique, morphosyntaxique ; ils peuvent
ainsi traiter efficacement les aspects morphosyntaxiques (grammaire,
orthographe...) d’un point de vue textuel et/ou interphrastique ; les élèves
nR privilégient plutôt les aspects phrastiques d’un point de vue morpho­
syntaxique, ce qui les gêne pour identifier l’origine des dysfonctionne­
ments, dans la mesure où ceux-ci concernent souvent l’ensemble du texte ;
* les stratégies d’évaluation : certes, chez les uns et les autres, l’explicita­
tion des critères est peu poussée, sauf lorsqu’elle concerne les critères
morphosyntaxiques phrastiques. Cependant, ce n ’est que chez les élèves R

170
Les avancées de la recherche : acquis et perspectives

qu’on trouve en outre des stratégies évaluatives caractérisées par la capa­


cité à :
- catégoriser, hiérarchiser les dysfonctionnements observés en vue
d’identifier les problèmes, d’émettre un diagnostic, s’appuyant sur des
savoirs d ’ordre linguistique, textuel et/ou sur leur connaissance du
monde ;
- proposer des solutions allant dans le sens d ’une amélioration globale
du texte (non limitée aux aspects morphosyntaxiques) pouvant impliquer
une réécriture d ’ensemble.

1.2. L’hétéro-évaluation est plus réussie que Pauto-évaluation


D’une manière générale et dans des proportions indiscutables, l’évaluation
d’un écrit de pair apparaît aux élèves des classes R et nR comme plus facile
que l ’évaluation de leur propre écrit. Ce résultat - lui aussi attendu - peut
s’expliquer par la difficulté de jeunes élèves à se décentrer par rapport à leur
propre écrit : comment, comme le remarque l’un d ’entre eux dans un entre­
tien, pourraient-ils repérer des problèmes qu’ils ne se sont pas posés ou
qu’ils n ’ont pas su résoudre au moment de la production ?
Il faut cependant noter que l’écart entre auto-évaluation et hétéroévaluation
est moindre chez les élèves R que chez les élèves nR. Ceci tend à montrer
qu’une évaluation formative des écrits, qui implique un ancrage de la pro­
duction d’écrits dans des projets et qui associe les élèves à la construction et
l’explicitation des critères, des savoirs et des savoir-faire mis en jeu, favo­
rise la distanciation constitutive de la compétence d ’auto-évaluation ; or l’un
des objectifs à long terme de l ’enseignement de la maîtrise de l’écrit est bien
de rendre le scripteur capable d’évaluer son propre écrit.

2. QUELS APPORTS POUR LA FORMATION


DES MAÎTRES ?
Au delà de son enjeu théorique de connaissance scientifique, cette recherche
avait également pour objectif de répondre aux besoins de la formation de
maîtres, à qui l ’institution demande de plus en plus (et plus instamment avec
la mise en place des cycles à l’école) de prendre en compte les représenta­
tions, les savoirs et les savoir-faire des élèves. Il n’est pas difficile de mon­
trer que les outils conceptuels qui ont été élaborés pour répondre aux
besoins de la recherche, en particulier pour le traitement des données
recueillies [Cf. chapitre II. 5.3.2] constituent, de par leur nature, des outils
potentiellement utilisables dans la formation des maîtres.

171
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

2.1. La grille d ’explicitation des variables [Cf. chapitre II. 3.2]


Elle concerne les critères d’évaluation des élèves. La recherche précédente
sur les pratiques d’évaluation des maîtres avait permis d’expliciter, à propos
de la nature des critères d’évaluation mobilisés par les maîtres et des straté­
gies d’évaluation auxquelles ils ont recours, des variables accompagnés de
leurs indicateurs contrastés (R / nR). Un travail semblable a pu être fait,
concernant les critères d’évaluation utilisés par les élèves. La grille pré­
sente, pour chacune des composantes de ces variables, ses différentes moda­
lités avec leurs indicateurs les plus fréquents en R et en nR. Un modèle de
ce type peut servir de matrice pour construire / faire construire, en situation
de formation de maîtres, des outils afin d ’observer, analyser, catégoriser les
savoirs, savoir-faire, représentations des élèves en matière d’évaluation des
écrits et, les connaissant mieux, mettre en place des situations, des activités
de production / évaluation / réécriture allant dans le sens d’une évaluation
formative des écrits.

2.2. Le modèle d’analyse du savoir-écrire des élèves


[Cf. chapitre II]
Ce modèle, ébauché au début de la recherche, a peu à peu été mis au point et
complété en fonction des apports et des besoins de la recherche. Tel qu’il est
aujourd’hui (mais il peut encore évoluer), l ’inventaire organisé des pro­
blèmes d ’écriture qu’il propose, fournit aux maîtres un cadre pour la ges­
tion des activités d’enseignement / apprentissage de la production d ’écrits :
* il aide au repérage des savoirs et savoir-faire susceptibles d’être mobili­
sés, induits, construits par les élèves dans l’activité de production et d’éva­
luation de récits ;
* de même que le CLID sert à localiser dans un texte des lieux d’émergence
de problèmes et à définir leur(s) point(s) d’ancrage plus profond(s), ce
modèle d ’analyse du savoir-écrire facilite le repérage des lieux de bon
fonctionnement et de dysfonctionnement dans le processus de production
d’écrits, et permet de focaliser, le cas échéant, des interventions et des
aides didactiques, appropriées et centrées par exemple sur tel ou tel
aspect de la planification, ou de la mise en texte ;
* il invite à réfléchir à la détermination d’objectifs et de contenus d’ensei­
gnement adaptés à chacun des types de problèmes rencontrés et peut ser­
vir de base à l’élaboration de programmations à moyen terme (l’année ou
le cycle, par exemple) pour la didactique de la production d’écrits, dans le
cadre de la mise en place des cycles à l’école élémentaire.

172
Les avancées de la recherche : acquis et perspectives

2.3. La grille d ’indicateurs de maîtrise du récit étiologique


[chapitre III. 1]
Cette grille d ’analyse des contenus didactiques des écrits des élèves, élabo­
rée spécialement pour la situation d’écriture proposés aux élèves (écrire un
récit étiologique dont la consigne fournit la phrase finale), ne peut pas en
principe être utilisée telle quelle dans d ’autres situations. Cependant, en
situation de formation de maîtres, elle peut être l’objet d ’une analyse des
choix qui la rendent pertinente et servir ainsi d’exemple qui peut être trans­
posée à d ’autres situations de production.

3. QUELLES PERSPECTIVES POUR


DE NOUVELLES RECHERCHES ?
Toute recherche apporte dans ses résultats, avec des réponses aux questions
initialement posées, de nouvelles interrogations, voire des infirmations
d’hypothèses.
Dans cette recherche, l ’hypothèse concernant l’existence d ’une relation
entre compétences évaluatives et compétences de production n ’a pas été
confirmée : si les compétences évaluatives des élèves R et des élèves nR dif­
fèrent nettement, la qualité des productions initiales des deux groupes tout
comme la pertinence et l’étendue des modifications apportées après relec­
ture ne sont que partiellement différenciées. Il apparaît que les compétences
évaluatives et les compétences d’évaluation (incluant non seulement un dia­
gnostic mais aussi une réécriture plus ou moins importante) seraient relati­
vement indépendantes et auraient donc à relever d ’apprentissages,
d’enseignements spécifiques.
Pour cette raison et dans l’espoir de contribuer à une meilleure connaissance
de cet aspect crucial de la production d ’écrits qu’est la révision, les membres
du Groupe EVA ont projeté une nouvelle recherche portant sur la révision
des écrits, considérée comme un ensemble complexe de compétences éva­
luatives et de compétences de réécriture qui interviennent dans le cours
même de la production d’écrits. L’objectif de cette recherche, dont la pre­
mière phase exploratoire a été mise en route à la rentrée 1991, est de mettre
au point des modules d’enseignement / apprentissage de la révision et de
produire des outils pour la classe (cycle des approfondissements). On peut
penser que les résultats d’une telle recherche apporteront une contribution
didactique, en matière de production d ’écrits, à la mise en place des cycles à
l’école primaire.

173
ÉLÉMENTS
BIBLIOGRAPHIQUES

Cette bibliographie, qui comporte essentiellement les titres cités dans les
divers chapitres de cet ouvrage, est complétée par les publications des
membres du groupe EVA en relation avec ses recherches et postérieures à
1987.

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PIOLAT A. & ROUSSEY J. Y. (à paraître). “Stratégies et procédures de révi­
sion de textes narratifs et descriptifs”, in BOSCOLO P, ESPERET E. et
FAYOL M. (eds) : Writing. European Journal of Educational
Psychology. Numéro spécial.
POSTIC M. & DE KETELE J.M. (1988). Observer les situations éduca­
tives. PUF.
RINGOT C. (1988).’’Enseigner l ’écriture”, in Rencontres Pédagogiques
n° 19 : Problèmes d’écriture. Paris, INRP, pp 86-108.
ROMIAN H. (1979). Pour une pédagogie scientifique du français. PUF.
ROMIAN H. (1983). “Pluriels, quelle(s) problématique(s) de recherche
aujourd’hui ?” in Repères n° 60. Paris, INRP, pp.3-11.
ROMIAN H. (1987). “Aux sources des savoirs à enseigner : traditions sco­
laires, pratiques sociales, référents théoriques”, in Repères n° 71. Paris,
INRP.
ROMIAN H. (1989). “Des recherches-action sur l ’enseignement du
Français” et “Eléments pour construire une didactique du Français” in
Didactique du français et recherche-action, op. cit.
ROMIAN H. (1990). “Propositions pour construire une relation entre
recherches et formation des maîtres en didactique du Français” in
Repères n° 1 nouvelle série. INRP, pp.l 19-140.
ROMIAN H. (1991). “Contextes de la recherche EVA” et “Observer, décrire
des classes d ’un point de vue didactique” in MAS (Dir.) & al. (1991),
op. cit. p. 11-36 et 171-183.
ROMIAN H:(1992). “Recherche, formation en didactique du Français et
praxéologie”. Etudes de Linguistique Appliquée. n°87. Didier Erudition.

180
Bibliographie

ROMIAN H. , BARRE DE MINIAC C. , DUCANCEL G. & LAFOND A.


(1983). Performances linguistiques d’élèves de CM1, facteurs sociolo­
giques et variables pédagogiques. Essai d’évaluation des effets d’une
pédagogie du Français. INRP.
ROMIAN H. & DUCANCEL G. (1984). “Une enquête sur les besoins de
recherche en didactique et pédagogie du français”, in Repères n° 62.
Paris, INRP, pp.105-110.
ROMIAN H., DUCANCEL G., GARCIA-DEBANC C., MAS M., TREI-
GNIER J., YZIQUEL M. (1989). Didactique du Français et recherche­
action. Paris, INRP.
ROMIAN H. & coll. (1992). Maîtrise de la langue et cycles. INRP.
ROUSSEY J.Y. (1990). “Révision d’un texte écrit : rôle des connaissances
relatives au schéma de texte”, in SCHNEUWLY B. (éd) (1990) op. cit.
pp 218-225.
SCARDAMALIA M. & BEREITER C. (1983). “The developpment of éva­
luation, diagnostic and remédiai capabilities in children’s composing”,
in MARTLEW M. (ed) : The psychology ofwritten language, developp­
ment and educational perspectives. Chichester, John Wiley and sons.
SCHNEUWLY B. (1988). Le langage écrit chez l’enfant. Neuchâtel/Paris,
Delachaux & Niestlé.
SCHNEUWLY B. (ed) (1990). Diversifier Venseignement du français écrit.
Actes du IVème colloque international de didactique du français langue
maternelle. Neuchâtel-Paris, Delachaux & Niestlé.
SEGUY A. (1989). “Un classement des lieux d’intervention didactique : le
CLID, mode d ’emploi (s)”, in Repères n° 79. Paris, INRP, pp 77-90.
SEGUY A. (1991). “Les critères textuels pris en compte par les maîtres” in
MAS (dir.) & al. (1991), op. cit. p. 53-72.
SEGUY A. (1992). “Programmation des apprentissages de la production
d’écrits : du projet d ’école aux projets de cycles”, in Repères (nouvelle
série) n° 5 : Problématique des cycles et recherche. Paris, INRP, pp
185-202.
SEGUY A. & TAUVERON C. (1991). “Discours évaluatifs d’élèves de CE-
CM, selon des contextes didactiques différents”. Repères (nouvelle
série) n° 4 : Savoir écrire, évaluer, réécrire. Paris, INRP, pp 111-138.
SUBLET F. (1983). Créativité et poésie dans des textes d’enfants du CM1.
Essai d’évaluation des effets d’une pédagogie du Français. Paris, INRP.
TAUVERON C. (1988). “Le nom propre des personnages. Bilan de diffé­
rentes approches. L’onomastique dans la littérature pour enfants”, in
Cahiers de recherches en didactique du français n° 2 : Les personnages
dans les récits, CRDC de l ’Université de Clermont II. CRDP de
Clermont-Ferrand [Article repris en partie dans la revue Lire au Collège
n° 24, CRDP de Grenoble, 1989].

181
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

TAUVERON C. (1989). “Critères d ’évaluation et conceptions de l’appren­


tissage”, in Repères n° 79. Paris, INRP, pp 23-48.
TAUVERON C. (1990). “L’entrée dans la diversification : à quels signes la
reconnaît-on dans les pratiques d ’évaluation des écrits ?” , in
SCHNEUWLY B. (ed.) (1990) op. cit. pp 186-194.
TAUVERON C. (1991). “Mode d ’émergence/d’utilisation des critères et
conceptions de l ’apprentissage” in MAS (dir.) & al. (1991), op. cit.
p.109-148.
THURLER M. & PERRENOUD PH. dir. “Savoir évaluer pour mieux ensei­
gner”. Genève, Cahiers du Service de la Recherche Sociologique n° 26.
TURCO G. (1987). “Elaboration et utilisation d’un outil d’évaluation forma­
tive des écrits d ’élèves : classer/agir”, in Repères n° 71. Paris, INRP. pp
45-56.
TURCO G., COLTIER D. (1988). “Des agents doubles de l ’oiganisation
textuelle, les marqueurs d ’intégration linéaire”, in Pratiques n° 57, pp
57-79.
TURCO G. et l’équipe de l’E.N. d ’Ille-et-Vilaine (1988). Ecrire et réécrire
au cours élémentaire et au cours moyen. Rennes, CRDP, 152 p.
TURCO G. (1989a). “Décrire les pratiques d ’évaluation des maîtres”, in
Repères n° 79. Paris, INRP, pp 3-5.
TURCO G. (1989b). “Pour transformer les pratiques évaluatives des
maîtres”, in Repères n° 79. Paris, INRP, pp 91-105.
TURCO G. (1991). “Les critères, lieu de diversification des pratiques selon
des cheminements diversifiés” et “Les avancées de la recherche : acquis
et perspectives”, in MAS (dir.) & al. (1991) op. cit. pp 149-164.

182
ANNEXES

COMPOSITION DU GROUPE DE
RECHERCHE “EVA”

* Le Groupe EVA fait partie des Équipes Français 1er degré (responsable :
Hélène ROMIAN), qui fonctionnent dans le cadre du Département
“Didactiques des Disciplines” de 1TNRP (responsable : Jacques COLOMB).
* Responsables du Groupe EVA :
Maurice MAS, professeur à l’IUFM de Grenoble, Centre de Privas.
Catherine TAUVERON, professeur à T IUFM de Clermont-Ferrand.
* Membres du Groupe (les noms des membres de l’équipe de Recherche­
Evaluation sont écrits en gras) :
Fadette BAILLY, professeur d’IUFM et l ’équipe de l’IUFM de Bonneville.
Jacques DROUAR, professeur d’IUFM et l ’équipe de l’IUFM d ’Angers.
Colette FINET, CPAIDEN et l’équipe de la ZEP de HAM, circonscription
de Péronne.
Josette GADEAU, IEN et l ’équipe de la circonscription de Fontenay-le­
Comte.
Claudine GARCIA-DEBANC, 3ème cycle (linguistique), professeur
d’IUFM et l ’équipe de l’IUFM de Rodez.
Paulette LASSALAS, Directeur-adjoint d ’IUFM et l ’équipe de l ’IUFM de
Poitiers.
Jean MACCARIO, Directeur-adjoint d ’IUFM et l ’équipe de l ’IUFM de
Cahors.
Maurice MAS et l’équipe de l’IUFM de Privas.
Janine RECOURCE, professeur d ’IUFM et l ’équipe de l ’IUFM de
Bonneuil.
André SEGUY, professeur d’IUFM et l ’équipe de l’IUFM d’Agen.
Catherine TAUVERON, professeur d ’IUFM et l ’équipe de l ’IUFM de
Clermont-Ferrand.
TURCO Gilbert, 3ème cycle (stylistique), professeur d’IUFM et l ’équipe
de l ’IUFM de Rennes.

183
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

2
LISTE D’INDICATEURS

Classe : R □ nR □
Prénom de l'élève (suivi, en cas de risque de confusion, de l'initiale du nom)
Niveau indiqué par le maître : Bon □ Moyen □ Faible □
Catégorie socioprofessionnelle des parents : I □ II □ III □ IV □

A B c D E
EP EP Tl T2 EE
EC/OR EC /O R

L Le t e x t e en TANT QUE RECIT ETIOLOGIQUE

1. L e TEXTE
1.1. E st u n récit.....................................................................................
□ □ □ □ □
1.2. A u n rapport avec la phrase fin a le ........................................
□ □ □ □ □
2. L e TITRE
2.1. Il y a un tit r e .....................................................................................
□ □ □ □ □
2.2. Si o u i : le titre est cohérent avec le th èm e du r é c it ............ □ □ □ □ □
2.3. le titre est pertinent par rapport à l'enjeu d u récit
étio lo g iq u e ............................................................................................
□ □ □ □ □
3. L ' a n c r a g e tem porel

3.1. E xp licite [+], im p licite [-]........................................................... □ □ □ □ □


3.2. A déquat au récit étio lo g iq u e ....................................................... □ □ □ □ □
3.3. S i o u i : époqu e élo ig n ée m yth iq u e............................................ □ □ □ □ □
3.4. ép oq u e indéterm inée du con te m e r v eilleu x ........................... □ □ □ □ □
3.5. Si n on : datation historiq u e.......................................................
□ □ □ □ □
3 .6 .: un ivers con tem p o ra in .................................................
□ □ □ □ □
3.7. : autres (à p r éciser).........................................................
□ □ □ □ □
4. L ' e t a t in it ia l

pose l'absence pour l'espèce de la caractéristique f in a le ...........


□ □ □ □ □
5. L ' h is t o ir e

5.1. Fournit un e explication à la tran sform ation......................... □ □ □ □ □


5.2. C ette exp lication concerne l'esp èce.......................................... □ □ □ □ □
5.3. S i n on : e lle concerne un cas particulier a v ec [+]
san s [-] g én éra lisa tio n ................................................... □ □
□ □ □
S. L a p h a s e f in a l e

6.1. E st reprise en position f in a le ......................................................


□ □ □ □ □
6.2. exactem en t...................................................................
□ □ □ □ □
6.3. E st m od ifiée en respectant l+ ], sans respecter [-] la valeur
de g é n é ra lité ...................................................................................... □ □ □ □

IL L e s e f f e t s l it t é r a i r e s

7. T y p e s d 'e f f e t s : le cas éch éan t

7.1. L es rép étition s sont a d é q u a te s................................................... □ □ □ □ □


7.2. L es im a g es /m étaphores son t adéqu ates................................. □ □ □ □ □
7.3. L es c h o ix lexicau x sont a d éq u ats................................ .............. □ □
□ □ □

184
Annexes

111. L e texte en tant Q U E R E C IT

8. L a s t r u c t u r e n a r r a t iv e . 11 y a les ph ases canoniq ues du


récit :

8.1. U n état in itia l....................................................................................


□ □ □ □ □
8.2. Si oui : il est suffisant [+ ], elliptique [-]................................. □ □ □ □ □
8.3. U n d éclen ch em en t........................................................................... □ □ □ □ □
8.4. Si oui : il est suffisant [+ ], elliptique [-J.................................
□ □ □ □ □
8.5. U n e / d es a c tio n s ............................................................................. □ □ □ □ □
8.6. S i oui : il est suffisant [+ ], elliptique [- ] ............................... □ □ □ □ □
8.7. U n e so lu tio n ......................................................................................
□ □ □ □ □
8.8. Si oui : il est suffisan t [+ ], elliptique [-]................................. □ □ □ □ □
8.9. U n état fin a l......................................................................................
□ □ □ □ □
8 .10. Si ou i : il est su ffisan t [+], elliptique [ - ].............................
□ □ □ □ □
8.11. : il a u n rapport avec l ’état fin a l...................................
□ □ □ □ □

9. L e s e x p a n s io n s

9.1.11 y a un e / d es d e s c r ip tio n s ........................................................ □ □ □ □ □


9.2. Si oui : e lle (s) con cern e : des lie u x .......................................
□ □ □ □ □
des person nages (p o rtra its)...
□ □ □ □ □
des actions (s c r ip ts ).................
□ □ □ □ □
9.3. e lle (s) est (son t) intégrées à la tr a m e ......................... □ □ □ □ □
9.4. Il y a des d ia lo g u e s .........................................................................
□ □ □ □ □
9.5. Si oui : ils son t in tégrés à la trame........................................... □ □ □ □ □
9.6. II y a d es e x p lic a tio n s ....................................................................
□ □ □ □ □

IV . LA COHERENCE SEMANTIQUE

10. L ' u n iv e r s d u r é c it e st h o m o g è n e ................................................ □ □ □ □ □

11. L e s t e m p s d u r é c it

11.1. C h oix du couple im p arfait / passé sim p le ............................ □ □ □ □ □


11.2. C h oix d'un autre systèm e de tem ps v erb au x...................... □ □ □ □ □
11.3. H om ogén éité du sy stèm e c h o is i.............................................. □ □ □ □ □
11.4. D istin ction avant-plan / arrière-plan.....................................
□ □ □ □ □
12. A d é q u a t io n a u g e n r e n a r r a t if

12.1. H om ogén éité du p oin t d e vu e narratif.................................. □ □ □ □ □


12.2. C h oix lexicau x adéqu ats au genre [ + ] , au standard [ - ] . □ □ □ □ □
12.3. C h oix syntaxiques ad éq u ats..................................................... □ □ □ □ □
12.4. S'il y a des traits d'oralité, ils sont a d éq u a ts...................... □ □ □ □
Oh
12.5. S'il y a des ruptures locales, elles son t ju s tifié e s ..............
□ □ □ □ □
13. L e s e n c h a în e m e n t s l o c a u x sont satisfaisants........................ □ □ □ □ □

V. L a s e q u e n c ia t io n

14. L e DECOUPAGE e n parag raph es

14.1. L es retours à la lig n e correspondent glob alem en t au


d écoupage e n paragraphes......................................................... □ □ □ □ □
14.2. Si oui :sans [+] ou a v ec [-] défaillances lo c a le s ............... □ □ □ □

14.3. Si n on : pas de retour à la lig n e .............................................. □ □ □ □ □
retour à la lig n e pour chaque phrase......................................
□ □ □ □ □
retours aléatoires............................................................................
□ □ □ □ □

185
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

15. L e s o r g a n is a t e u r s t e x t u e l s

15.1. Les organisateurs correspondent globalement à une


délimitation pertinente................................................... □ □ □ □ □
15.2. Si oui : sans [+], avec [-] défaillances locales................ □ □ □ □

15.3. Si non: absence d'organisateurs..................................... □ □ □ □ □
un organisateur unique répété........................................ □ □ □ □ □
des organisateurs aléatoires............................................
□ □ □ □ □

VL LA COHESION SYNTAXIQUE

16. L e s s u b s t it u t s

16.1. Recours à la substitution là où elle est attendue............. □ □ □ □ □


16.2. Si oui : ce sont des substituts lexicaux.......................... □ □ □ □ □
16.3. pronoms............................................................ □ □ □ □ □
16.4. d'autres procédés............................................... □ □ □ □ □
16.5. La référence est toujours claire [+] / il y a une ou
plusieurs ambiguïtés[-]................................................... □ □ □ □ □
17. L e s r e f e r e n c i a t io n s p a r l e s d é t e r m in a n t s

17.1. Le référent des déterminants est toujours [+] ou pas


toujours [-] présent dans le texte..................................... □ □ □ □

17.2. Le renvoi à ce référent est toujours clair [+] ou il y a une
ou plusieurs ambiguïtés [- ] ............................................. □ □ □
□ □
18. L e s c o n n e c t e u r s l o g iq u e s

18.1. Il y en a dans le texte..................................................... □ □ □ □ □


18.2. Si oui : ils sont utilisés de façon pertinente...................
□ □ □ □ □

V II. L a m o r p h o -s y n t a x e

19. L a m o r p h o l o g ie v e r b a l e : nombre d'erreurs................... □ □ □ □ □


20. C o n s t r u c t io n d e ph r a se s : nombre d'erreurs................... □ □ □ □ □

V II. L e s m a r q u es d e surfa ce

21. L a p o n c t u a t io n

21.1. Elle est présente [+] ou absente [-]................................. □ □ □ □ □


21.2. Elle est complète [+] ou lacunaire [-]............................ □ □ □ □ □
21.3. Elle est, dans l'ensemble, adéquate [+] ou inadéquate [-] □
□ □ □ □
22. L ' o r t h o g r a p h e

22.1. Nombre de mots du texte...............................................


22.2. erronés................................................
22.3. Pourcentage de mots erronés......................... ...............
23. L a g r a p h ie

23.1. Le texte ne présente dans l'ensemble aucun problème de


lisibilité............................................................................ □ □ □ □ □
23.2. Si non : quelques défaillances locales [-J....................... □ □ □ □ □
23.3. problèmes locaux de lisibilité!-].......................
□ □ □ □ □

IX . A u t r e s in d ic a t e u r s

186
Annexes

Écrit proposé aux élèves de CM2 : “Le volage des oiseaux’

OXs&tCrUsïC
J f c v / a ^ t %* CrMe.OUVJ00C ffil ¿ d t -JU7WVO-J" A/Cr^O-Ct

îc ¿ o ^ j> n ï c a n r v m c 4 qû _pc?o^-oow^ » S i ' A/V-A'tu^


/

Ô ^O tv 3 t C C U s~ - CîxJV\ ^C >Q a /TV J -


OATCXvi ^ dJ â iM .

_l_(û /v^nt" Àcrth erv^uu.Il -X /icm^ dcAXYlU- cnj^Co-tLllf- .

¿/no u uJ je
i ^JLm c a *> c o o
J -Ll c
I A /
a y ^ôtwv
r '- '- Îo - ^ ï /O c x _ o -tô A v c/ - U s f'C -

.vixlLe. i f Q^lf A ^4 I qïy cL doo^> -un


,/^ va>
T ^ cV 'lrv^ /O -W A>€'C-CrY\ c / <X_ CCl/C/Vy ( jL. f ^ ¿ V 0 ^-

A JJV\ C -p o t-b v c n l -' T' V’i i X - O ^ s , e i ~ ^ CM^°v

A J ,|uaa^
J e_tUA>L& ce.
ce /J c
À nA ^
cru/'L ~ fcc
Ün CjrU.
CKx. «c- f^o cru/O CoJ-^°C

jVo^C/hl"

187
Comment les élèves évaluent-ils leurs écrits ?

Ecrit proposé aux élèves de C EI : “Il y a un cochon...”

JL

> ta w t zJt hbpJUJA oL ar-ruL

ju t ...JL T v v îA X L ..«v . Jlrn S *s\so j^ ..-'Wvcuvi o lW . 1

JlX JLk, A aayysl . / L -.(LoOrUA. .CLU, aAAA-^/Yv - j : JU

'>T\^cl^scyry^_-SBÎC_AUj-w^uo . «2/t _

.._crv\/i__ --------------- ./L _-Cocjocrcv rrruiXÀ/A — <^ola^ ..... - L .

-^ J^irUAAOJL _ c L . /vo-vv^L.

<aJLL"\JA... Arv'-axi-aAWL' a-0M>_xb |'\W^Vu-


1

JL û L r n i . . A . ..'Vv>jx ^ a ^ A -- - .- t t __ c ' . __ _________ cL ^ aH i A . .

-AAj\Xs\* -CLMJL, _L a --C*7-ct'£"VA^---OTrvt _ JL , --OXU>tA^-- .X A ^-


jU J u ...*

188
PUBLICATIONS DU GROUPE EVA

CHANGER LES PRATIQUES D'ÉVALUATION


DES ÉCRITS EN CLASSE

"Savoir évaluer : pourquoi ? comment ?"


par Claudine Garcia-Debanc
dans P r o b lè m e s d 'é c r it u r e
Gilbert Ducancel dir.
"Rencontres Pédagogiques" n°19, IN RP, 1988.

"Des critères pour une évaluation formative


des écrits des élèves...
Détermination-Élaboration-Utilisation"
par Claudine Garcia-Debanc & Maurice Mas
dans D id a c t iq u e d u F r a n ç a is e t r e c h e r c h e - a c t io n
Hélène Romian dir.
Coll. Rapports de Recherche, 1989, INRP.

Évaluer les écrits à l'école prim aire .


Des fiches pour faire la classe
Cycles II et l ll l
par Groupe EVA - Josette Gadeau & Colette Finet
Coll. Didactiques, 1991, INRP & Hachette Education

"Évaluer"
par Josette Gadeau
dans M a î t r i s e d e la la n g u e e t c y c le s
Hélène Romian dir.
INRP, 1992
PUBLICATIONS DU GROUPE EVA

DÉCRIRE CE Q U I SE PASSE EN CLASSE

Les recherches descriptives menées dans des classes de CEI, CMI par le
Croupe EVA s'inscrivent dans une dynam ique de recherche-action.
Répondant à des problèmes de form ation des maîtres en matière de
didactique de l'écrit, elles produisent des savoirs d'action pour la form a­
tion des maîtres.
L'hypothèse d'une relation entre profils didactiques des maîtres et pro­
fils d'élèves est confirmée : maîtres et élèves des classes pratiquant une
évaluation normative se polarisent sur la correction ponctuelle des fautes
de syntaxe, d'orthographe ; leurs collègues et camarades des classes en
recherche ne négligent pas ces aspects mais considèrent aussi les dys­
fonctionnements d'ordre pragmatique, sémantique dans l'ensemble du
texte et dans les relations entre phrases, qui justifieraient des réécritures
plus importantes.

C O M M E N T LES M A ÎT R E S ÉVA LU EN T-ILS LES ÉCRITS


D E LEURS ÉLÈVES E N CLASSE 1
Maurice MAS dir.
Claudine GARCIA-DEBANC, Hélène ROMIAN, André SEGUY,
Catherine TAUVERON, Gilbert TURCO
INRP - Didactiques des Disciplines -1991

"Discours évaluatifs d'élèves de CE-CM


selon des contextes didactiques différents"
par André Séguy & Catherine Tauveron
dans " Savoir écrire, évaluer, réécrire en classe ",
REPERES nouvelle série, N° 4, INRP, 1991.

C O M M E N T LES ÉLÈVES ÉVA LU EN T-ILS LEURS ÉCRITS?


Maurice MAS dir.
Hélène ROM IAN, André SEGUY, Catherine TAUVERON, Gilbert TURCO
INRP - Didactiques des Disciplines, 1993
PUBLICATIONS DU GROUPE EVA

CONCEPTUALISER LES PRATIQUES DE CLASSE

"Classer / Agir"
par Gilbert Turco
dans " Construire une didactique ", R EPERES N° 71, INRP, 1987

"Aspects du traitem ent didactique des référents.


Embarquement pour C ritère"
par Maurice Mas
dans " Décrire les pratiques d'évaluation des écrits ",
R EPERES N° 79, INRP, 1989.

"Pour transformer les pratiques évaluatives des maîtres"


par Gilbert Turco
dans " Décrire les pratiques d'évaluation des écrits ",
REPERES N° 79, INRP, 1989.

"Construction de contenus de formation


et traitem ent didactique de recherches -
Un exemple d'utilisation de modèles d'analyse
pour la formation continue de maîtres de CE2 en lecture / écriture
par Claudine Garcia-Debanc
dans "Contenus, démarche de formation des maîtres et recherche",
REPERES N° 1, nouvelle série, INRP, 1990

"Savoir écrire : c'est tout un système ! Essai d'analyse


didactique du "savoir écrire" pour l'école élémentaire"
par Maurice Mas
dans " Savoir écrire, évaluer, réécrire ", R EPERES N° 4, nouvelle série,
INRP, 1991.

" La quadrature du cycle ? Des modules


pour la production d'écrits à l'école "
par Maurice Mas
dans " Problématique des cycles et recherche ", REPERES N° 5, INRP, 1992
C O M M E N T LES ÉLÈVES ÉVALUENT-ILS LEURS ÉCRITS ?

Comment les élèves évaluent-ils leurs propres écrits et ceux de leurs


pairs ? Selon quels critères et quelles stratégies ?

Le groupe INRP-EVAluation des Ecrits (dit EVA) présente une recherche


descriptive dont l'objectif est d'évaluer les effets... de pratiques d'évaluation
des maîtres, différentes d'un point de vue didactique, sur les compétences
évaluatives d'élèves de CE1 et de C M 1 .
Celle-ci conclut un ensemble de trois recherches : la première a permis
d e m e ttre en œ u vre d an s des c la s s e s des c ritè re s , des s tra té g ie s
d'évaluation form ative des écrits, et de les conceptualiser ; la seconde
décrit et modélise les pratiques évaluatives des maîtres selon qu'elles sont
à dominante normative ou formative.

L'hypothèse d'une relation entre profils d'élèves et profils didactiques


des maîtres est confirmée : maîtres et élèves des classes pratiquant une
évaluation normative se polarisent sur la correction ponctuelle des fautes
de syntaxe, d'orthographe ; leurs collègues et camarades des classes en
rech erch e ne n égligent pas ces a s p e c ts , mais con sid èren t aussi les
dysfonctionnements d'ordre pragm atique, sém antique de l'ensemble du
texte et dans les relations entre phrases, qui justifieraient des réécritures
plus importantes.

Il s'avère que l'évaluation de l'écrit d'un pair est plus facile que celle de
son propre écrit pour l'ensemble des élèves, mais que l'écart est moindre
pour les élèves des maîtres en recherche.
La pratique d 'u n e évaluation form ative des écrits, qui im plique un
ancrage de l'activité de production dans des projets, et qui associe les
élèves à la construction progressive de critères, de stratégies diversifiés, et
à leur u tilis atio n sur les é crits d e leurs p airs, leurs p ro p res é crits ,
favo riserait d av an tag e un a p p re n tis s a g e de l'au to -é v a lu a tio n q u 'u n e
évaluation normative pratiquée après coup par le maître.

De telles conclusions intéressent directement la formation des maîtres.

In s titu t N atio n al de R e c h e rc h e P éd ag o g iq u e
29, rue d'Ulm, 75230 PARIS CEDEX 05 - TéL (1) 46 34 90 00

ISBN : 2 -7 3 4 2 -0 3 8 7 -1 C o d e : 0 0 9 BD 0 4 9 110 F ttc

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