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LIMMANENCE: UNE VIE... Gilles Deleuze Qu'est-ce qu'un champ transcendantal? Il se distingue de Vexpérience, en tant qu'il ne renvoie pas & un objet ni n’appartient & un sujet (représentation empirique). Aussi se présente-til comme pur courant de conscience =-subjectif, conscience pré- réflexive impersonnelle, durée qualitative de la conscience sans moi. Il peut paraitre curieux que le transcendantal se définisse par de telles données immédiates : on par lera d’empirisme transcendantal, par opposition & tout ce qui fait le monde du sujet et de objet. Ily a quelque chose de sauvage et de puissant dans un tel empirisme trans- cendantal. Ce n'est certes pas Pélément de la sensation (empirisme simple), puisque la sensation n’est qu'une coupe dans le courant de conscience absolue. C'est plut si proches que soient deux sensations, le passage de l'une & Pautre comme deveni comme augmentation ou diminution de puissance (quantité virtuelle), Dis lors, faut il défini le champ transcendantal par la pure conscience immédiate sans objet ni moi, en tant que mouvement qui ne commence ni ne finit? (Méme la conception spino- iste du passage ou de la quantité fait appel & la conscience). Mais le rapport du champ transcendantal, avec Ia conscience est seulement de droit. La conscience ne devient un fait que si un sujet est produit en méme temps que son objet, tous hors champ et apparaissant comme des « transcendants ». Au contraire, tant que la conscience traverse le champ transcendantal 3 une vitesse infinie partout diffuse, i n'y a rien qui puisse la révéler', Elle ne s’exprime en fait qu’en se réfléchis- sant sur un sujet qui la renvoie & des objets. C'est pourquoi le champ transcendantal ne peut pas se définir par sa conscience pourtant coextensive, mais soustraite & toute révélation. Le transcendant n'est pas le transcendantal. A défaut de conscience, le champ transcendantal se définirait comme un pur plan d'immanence, puisqu’il échappe & toute transcendance du sujet comme de lobjet?, L’immanence absolue est en elle- méme : elle n'est pas dans quelque chose, 2 quelque chose, elle ne dépend pas d’un Philosophie, no. 47, seprembne 1995, p. 47 I sagic du dernier ceste publié par Deleuze avant qu'il se donne la mort le 4 novembre 1995, La suite de ‘ce texte eat pare en annexe de a rédition de poche des Dislges vee Clire Paret), Pais, Fmmarion, coll, «Champs», 1996, Ces textes appartensient 4 un projet sur « Ensembles et mubipliieés » dont il existe que ces dews textes. Deleuze volait y approfondile concept deverel sr equ! il estima sre peu expliqué. 1. H. BeRGSOw, Maitre er Mémoire: «comme si nous réféchisions sur les surfaces fa humie quien mane lute guise propagant woujous rivélée», Givers, PUF, p. 186 . SAiTRE, La Transcendence de 'Ego, Vein: Saree pose un champ transcendantal sans sit, aqui reavoie une conscience impersonnelle,absolue, immanent: par rapport celle, le sue et Vobet sont des « ranscendants»(p. 7487) ~ Sur ames, of analyse de D. LAPOUJADE, « Le Fax intensif de a conscience chez Wiliam James, Philowophi, no. 46, juin 1995, objet et n’appartient pas 4 un sujet. Chez Spinoza l’immanence n’est pas @ la sub- stance, mais la substance et les modes sont dans Pimmanence. Quand le sujet et Pob- jet, qui tombent hors du plan dimmanence, sont pris comme sujet universel ou objet quelconque auxquels Pimmanence est elle-méme attribuée, e’est toute une dénacura- tion du transcendantal qui ne fait plus que redoubler Pempirique (ainsi chez Kant), et une déformation de Pimmanence qui se trouve alors contenue dans le transcen- dant. L’immanence ne se rapporte pas 4 un Quelque chose comme unité supérieure A toute chose, ni un Sujet comme acte qui opére la synthése des choses : c’est quand, Pimmanence nest plus immanence & autre chose que soi qu’on peut parler d’un plan fimmanence. Pas plus que le champ transcendantal ne se défini par la conscience, le plan d’immanence ne se définit par un Sujet ou un Objet capable de le contenir. On dira de la pure immanence qu’elle est UNE VIE, et rien d’autre. Elle n’est pas immanence 3 la vie, mais immanence qui n’est en rien est elle-méme une vie. Une vie est Pimmanence de limmanence, 'immanence absolue : elle est puissance, béa- titude completes. C’est dans la mesure ott il dépasse les apories du sujet et de objet que Fichte, dans sa dernigre philosophie, présente le champ transcendantal comme une vie, qui ne dépend pas d'un Etre et n’est pas soumis un Acte : conscience immé- diate absolue dont Pactivité méme ne renvoie plus & un étre, mais ne cesse de se poser dans une vie®. Le champ transcendantal devient alors un véritable plan d’immanence qui réintroduit le spinozisme au plus profond de Popération philosophique. N’est-ce pas une aventure semblable qui survenait 4 Maine de Biran, dans sa «derniére phi- losophie » (celle qu'il était trop fatigué pour mener & bien), quand il découvrait sous la transcendance de Peffort une vie immanente absolue ? Le champ transcendantal se définit par un plan d'immanence, et le plan d’immanence par une vie. Queest-ce que Pimmanence? une vie... Nul mieux que Dickens n’a raconté ce 4qu’est une vie, en tenant compte de l'article indéfini comme indice du transcendantal. Une eanaille, un mauvais sujet méprisé de tous est ramené mourant, ct voild que qui le soignent manifestent une sorte d'empressement, de respect, d’amour pour le moindre signe de vie du moribond. Tout le monde saffaire & le sauver, au point qu’au plus profond de son coma le vilain homme sent lui-méme quelque chose de doux le pénétrer. Mais & mesure qu’il revient 4 la vie, ses sauveurs se font plus froids, et il retrouve toute sa grossidreté, sa méchanceté. Entre sa vie et sa mort, il y a un mo- ment qui n'est plus que celui d'sme viejouant avec la mort. La vie de Pindividu a fait place & une vie impersonnelle, et pourtant singuligre, qui dégage un pur événement libéré des accidents de la vie intéricure ct extérieure, c’est-cdire de la subjectivité et de Vobjectivité de ce qui arrive. « Homo tantum » auquel tout le monde compitit et qui atteint 4 une sorte de béatitude. C'est une hecceité, qui n’est plus d'individua- tion, mais de singularisation : une vie de pure immanence, neutre, audeld du bien et du mal, puisque seul le sujet qui Pincarnait au milieu des choses la rendait bonne ou mauvaise. La vie de telle individualité s’ettace au profit de la vie singuliére imma- nente 4 un homme qui n’a plus de nom, bien qu'll ne se confond avec aucun autre 3. Daj dansla deusitme introduction & la Doctrine de la scence: « intuition de Vactvieé pre qui n'est rien de fixe, mais progr, non pas un étee, mais une vie » (p.274, Cores choses de philosophie premire, Vein). Sur la vie selon Fichte, of Initiation & le oe benbeurease, Aubier (et le commentaire de GUEROULT, PS) 4. C. DICKENS, LAmi comma, ch. 3, Pid, Essence singuliére, une vie. .. Il ne faudrait pas contenir une vie dans le simple moment ott la vie individuelle affronte Puniverselle mort. Une vie est partout, dans tous les moments que traverse tel ou tel sujet vivant et que mesurent tels objets vécus : vie immanente emportant les événements ou singularités qui ne font que s'actualiser dans les sujet et les objets. Cette vie indéfinie n’a pas elleméme de moments, si proches soientils les uns des autres, mais seulement des entre-temps, des entre-moments. Elle ne survient nine succtde mais présente Pimmensité du temps vide oi Pon voit Pévénement encore & venir et dgji arrivg, dans Vabsolu d'une conscience immédiate. L’ceuvre romanesque de Lemet-Holenia met ’événement dans un espace-temps qui peut engloutir des rég- ments ntiers. Les singularités ou les événements constitutifs dune vie coexistent avec les accidents de la vie correspondante, mais ne se groupe ni ne se divisent de la méme fagon. Ils communiquent entre eux de tout autze fagon que les individus. Il apparait méme qu’une vie singulitre peut se passer de toute individualité, ou de tour autre concomitant qui l’individualise. Par exemple les tout-petits enfants se ressemblent tous et n’ont guére d’individualité ; mais ils ont des singularités, un sourire, un geste, une grimace, événements qui ne sont pas des caractéres subjectfs. Les tour-petits en- fants sont traversés d’une vie immanente qui est pure puissance, et méme béatitude 4 travers les soutfrances et les faiblesses. Les indéfinis d’une vie perdent toute indécer- mination dans la mesure of ils remplissent un plan d'immanence ou, ce qui revient strictement au méme, constituent les éléments d’un champ transcendantal (la vie in- dividuelle au contraire reste inséparable des déterminations empiriques). L’indéfini comme tel ne marque pas une indétermination empirique, mais une détermination immanence ou une déterminabilié transcendantale, L’artile indéfini n'est pas 'in- ddétermination de la personne sans ée la décermination du singulier. L’un n’est pas le transcendant qui peut contenir méme limmanence, mais immanent contenu dans tun champ transcendantal. Un est toujours Pindice d’une multiplicité : un événement, tune singularité, une vie... On peut toujours invoquer un transcendant qui tombe hors du plan d’immanenee, ou méme qui se Patribue, reste que toute transcendance se constitue uniquement dans le courant de conscience immanent propre 3 ce plan}. La transcendance est toujours un produit d’immanence: ‘Une vie ne contient que des virtuels. Elle est faite de virtualités, événements, sin- gularités. Ce qu'on appelle virtuel n'est pas quelque chose qui manque de réalité, mais «qui sengage dans un processus d’actualisation en suivant le plan qui lui donne sa réa- lite propre. L’événement immanent 'actualise dans un état de choses et dans un état vécu qui font qu'il arrive. Le plan d'immanence lui-méme s’actualise dans un Objet et tn Sujet auxquels il s'attribue. Mais, si peu séparables soientils de leur actualisation, le plan d’immanence est lui-méme virtuel, autant que les événements qui le peuplent sont des virtualités. Les événements ou singularités donnent au plan toute leur virtua- lité, comme le plan d’immanence donne aux événements virtuels une pleine réalité. L %événement considéré comme non-actualisé (indéfini) ne manque de rien. Il suffit de le metire en rapport avec ses concomitants : un champ transcendantal, un plan “Meme Huser le econnait = « L'ere da monde ee névesaiement trnscendant 4 a conscience, mime dans lévidence originate, € y este nvessirement ranscendant, Mais cosine change tien au fait {que toute transcendance se constite dans la ved lr conscionce comme inséparablement lige (Méditation cartsiennes, Ed. Vein, p. 52) Ce sera le point de départ du texte de Sarre

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