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1. Professeur Agrégé, Docteur en sciences de l’éducation- Centre Régional des métiers de l’Education et de
Formation Meknès- Tafilalt.
2. Docteur en littérature française Centre Régional des métiers de l’Education et de Formation Meknès-
Tafilalt.
3. Professeur Agrégé au Centre Régional des métiers de l’Education et de Formation Gharb-Chrarda-Bani
Hassen.
4. Docteur en littérature arabe Centre Régional des métiers de l’Education et de Formation Meknès- Tafilalt
1
I- Introduction
L’adoption de l’ApC est impulsée par les orientations de la charte nationale de l’éducation
et la formation parue en 1999 dont le but est de former un citoyen capable de faire face et de
s’adapter à son environnement socio-économique et culturel, ouvert sur la civilisation
universelle mais surtout comme un acteur de développement. Les travaux des commissions,
chargées de la révision des curricula de tous les cycles de l’enseignement scolaire, ont abouti à
la production du livre blanc1, préconisant cette approche comme choix pédagogique officiel.
Jusqu’aujourd’hui, l’implantation de l’ApC dans le système éducatif marocain a connu des
moments de continuité ou de rupture dépendant de la vision du Ministre de l’Education
Nationale de chaque époque. Ainsi, on peut distinguer quatre phases majeures :
- Phase d’adoption (2001-2003) où l’approche par compétence est intégrée dans le livre
blanc lors de la révision des curricula ;
Les deux premières phases n’ont pas connu de réactions de la part des enseignants vu
que l’introduction de l’approche par compétence est faite en « douceur » à travers les
documents de travail des enseignants. La troisième phase, quand elle, a connu des réactions des
différents acteurs tantôt en faveur de l’instauration de la pédagogie de l’intégration, tantôt en
sa défaveur. La quatrième phase marquée par un flottement qui a perturbé les acteurs éducatifs.
Jusqu’à aujourd’hui, l’ApC est mise en œuvre avec plus ou moins de succès selon les systèmes
éducatifs et les pays qui l’adoptent, bien que les concepteurs et les acteurs approuvent en général
la philosophie qui sous-tend cette approche. D’où vient donc cette appréhension à l’égard de
cette approche pédagogique ? S’agit-il des difficultés inhérentes à l’appropriation conceptuelle
de cette approche ou de son usage par les acteurs en classe? Pourquoi l’ApC n’a-t-elle pas été
1 2
Le livre blanc est un document de référence composé de 8 volumes contenant les curricula de tous les cycles de
l’enseignement scolaire.
instaurée comme on l’a souhaité lors de la réforme du modèle pédagogique ? L’ApC est-elle
exigeante quant à la qualité des ressources humaines, et coûteuse quant aux moyens dont
dispose le MEN ? L’analyse des réformes récentes qu’a connues le système éducatif marocain
peut apporter des éléments de réponses à ces questions. Cette étude s’inscrit dans une
perspective historique exploratoire. Elle se base sur l’analyse documentaire des différents
rapports et documents produits à chaque époque. L’objet est de monter comment l’ApC est
instaurée et quel impact elle a produit au niveau du processus l’enseignement-apprentissage.
Rappelons que les centres de formation des enseignants ont adopté cette approche dans leur
dispositif de formation au début des années 90.
Le choix de l’ApC est presque universel. Beaucoup de pays adoptent cette démarche
dans leur système éducatif. Elle est devenue un élément incontournable dans l’élaboration des
programmes scolaires. Son objet est de mettre l’accent sur les potentialités de l’apprenant à
utiliser ce qu’il a appris à l’école dans des situations complexes. Il s’agit de doter chaque
apprenant d’outils pour affronter les situations de la vie, de l’école, et du monde professionnel.
Elle exige certaines pratiques d’enseignement notamment :
La notion de compétence est devenue le mot clé de la conduite des apprentissages par
les enseignants. Elle constitue aussi le socle sur lequel repose la construction des programmes
scolaires et l’élaboration des curricula. Chaque pays choisit la stratégie de mise en œuvre qu’il
lui convient. Le Maroc, à l’instar de ces pays, a adopté l’ApC et a consenti à l’intégrer dans les
curricula de son système éducatif. Mais, quelle stratégie de mise en application de cette
approche a-t-elle préconisée ?
3
III- Implantation de l’APC dans les curricula du système éducatif
marocain
2
La définition de L’éducation au choix est proposée dans les programmes et orientations pédagogiques du cycle 4
secondaire collégial - langue française- Ministère de l’éducation 2009 comme suit : "L’éducation au choix est
une entrée principale de la révision des programmes scolaires. Elle rappelle, évidemment, les choix d’orientation
scolaire ou professionnelle, mais elle concerne aussi les choix de formation de manière générale. Elle est ainsi
associée de manière naturelle au projet personnel de l’élève."
3
Ministère de l’Education Nationale(MEN). Guide de l’approche par compétences. Maroc. 2009. Page 3.
dévouement au pays. Cette commission avait pour tâche la validation et la proposition des
orientations permettant de guider les réflexions menées par les autres commissions.
- La commission bicycle de nature interdisciplinaire, est composée d’acteurs
pédagogiques (enseignants, inspecteurs, formateurs, universitaires…) de spécialités différentes.
Elle est chargée d’élaborer les socles de compétences pour chaque cycle de l’enseignement, de
réviser le programme et de proposer les conditions de son instauration.
- La commission dite technique rassemble les acteurs d’une même discipline qui avaient
pour mission l’élaboration des compétences spécifiques à chaque matière d’enseignement et
pour chaque cycle. A ceci s’ajoute la production du contenu du programme scolaire.
Faute de moyens financiers, les ambitions des acteurs sont confrontées à l’incapacité de
mettre en œuvre ce qu’ils ont produit dans les premières versions du livre blanc. M.Saaf, qui
4
C’est la typologie des domaines de compétence instituée lors de la révision des curricula : 5
- Compétences « communicatives » désignant la maîtrise des langues, du discours, connaissance des écoles de pensée
littéraires...
- Compétences « stratégiques » désignant la connaissance de soi, l’expression de son identité, la capacité de se positionner
par rapport aux autres, et aux institutions...
- Compétences « méthodologiques » désignant le développement d’un mode de pensée, de capacités de réflexion,
d’organisation...
- Compétences «culturelles» désignant connaissances de culture générale, capacités symboliques...
- Compétences « technologiques » désignant tout ce qui est relatif à l’utilisation des TIC...
était ministre du MEN à cette époque, disait, dans une réunion avec les membres de la
commission bicycle, que la mise en œuvre des recommandations du livre blanc est entravée par
des difficultés majeures en présentant deux exemples : Pour instaurer la philosophie en tant que
matière programmée au lycée, il nous faut 900 enseignants, pour l’informatique, il faut 700
enseignants. Ainsi, la révision des curricula a pris un autre virage où il fallait adapter les
productions à la réalité du contexte.
Par la suite, la phase d’implémentation des nouveaux curricula fut escamotée. Les actions
de vulgarisation entreprises laissent à désirer. Les enseignants sont livrés à eux-mêmes sans
qu’aucune session de formation ne soit programmée. Et pourtant, l’apport de cette période reste
remarquable au niveau de :
Toutefois, faute d’une définition claire du concept de compétence dans le livre blanc,
les débats que qu’ont connus connaissent les rencontres pédagogiques et les séminaires se
sont focalisés sur la définition du concept plutôt que sur sa mise en œuvre dans les pratiques
d’enseignement.
Cette période est marquée par la mise en place des forums de réforme pour évaluer les
acquis des cinq années passées dans l’opérationnalisation de la charte nationale de l’éducation
et de la formation (CNEF. Ces forums ont débuté sous le slogan « réalité et perspective de la
réforme du système éducatif et la promotion de la qualité de l’enseignement en 2005 ». Comme
la majorité des membres des commissions de ces forums n’ont pas participé l’élaboration du
livre blanc, il a fallu revoir encore le contenu des curricula qui -aux yeux de ces membres-
nécessite un réajustement. L’inspection générale réagit en invitant les commissions à faire de
légers remaniements au livre blanc et d’axer le travail sur sa mise en œuvre. Les travaux des
6
commissions disciplinaires ont abouti au renouvellement des orientations pédagogiques,
ensuite à la production des cahiers des charges des manuels scolaires.
Cette étape s’inscrit dans la continuité puisqu’elle reprend l’étape précédente du fait
qu’elle se réfère au contenu du livre blanc : les orientations pédagogiques et les manuels
scolaires adoptent l’ApC comme cadre d’entrée dans les apprentissages. Ces nouvelles
orientations, bien qu’elles soient indispensables pour les enseignants, sont rarement exploitées
et appliquées. Ceci est dû, en grande partie, au déficit de la formation continue des enseignants.
Ce déficit "fait que la pratique de l’enseignement en classe s’est peu adaptée aux changements
d’orientations pédagogiques décidés par les autorités éducatives et pour lesquels les
enseignants n’ont pas reçu de formation spécifique. Ceci constitue un frein à l’amélioration de
la qualité de l’enseignement et conduit à un réel décalage entre les nouvelles orientations et
les pratiques pédagogiques en classe. Il en résulte un décalage entre le niveau attendu des
élèves et leur niveau réel "5.
L’approche par les compétences constitue à cette période, et même auparavant, un effet
de mode et un outil privilégié dans le discours pédagogique. La majorité des rencontres
scientifiques et pédagogiques ayant eu pour objet l’étude de l’enseignement focalisent leur sujet
sur des problématiques relatives à l’approche par les compétences. Cependant, faute d’une
harmonisation des concepts relatifs à cette approche et aux modalités de sa mise en œuvre, les
acteurs se sont trouvés devant "une jungle terminologique «et une diversité d’interprétations
subjectives. De plus, les rapports nationaux et internationaux (le rapport CSE, 2008 ; rapport
Unesco, 2010 ; PNEA6, 2008 ; TIMMS, 2003, 2007 ; Bilan à mi-parcours de la réforme, MEN,
2005 ; PIRLS, 2001, 2006) montrent implicitement l’existence de défaillances dans l’usage de
cette approche par les acteurs étant donné le classement du Maroc aux tests internationaux de
référence qui dressent un tableau sombre de la qualité de l’enseignement marocain. Les résultats
obtenus par le Maroc à ces tests d’évaluation des apprentissages sont préoccupants. Le premier
rapport du Conseil Supérieur de l’Enseignement (CSE, 2008) a souligné que "la révision des
curricula selon l’ApC n’a pas débouché sur un référentiel de compétences et de connaissances
5
Conseil Supérieur de l’Enseignement (CSE).Rapport sur l'état et les perspectives du système d'éducation et de 7
formation au titre de l'année 2008.Rapport synthétique, Programme National d’Evaluation des acquis PNEA.
2008. P. 33-34.
6
Le PNEA (Programme National de l’Evaluation des acquis) est un programme lancé par le Conseil Supérieur de
l’Enseignement, en collaboration avec le Centre National des Examen et d’Evaluation (CNEE), il se veut une contribution à
la mise en place d’un système efficace de pilotage de la qualité pédagogique du système d’éducation et de formation au niveau
de l’enseignement fondamental et ce, par la mise à disposition d’un outil d’évaluation nouveau, efficace, régulier et périodique
(…) pouvant servir aux chercheurs et aux acteurs du champs éducation et formation.
de base à maîtriser à la fin de l’enseignement obligatoire ; encore moins sur la rénovation des
méthodes d’apprentissage et d’évaluation" 7 .En général, on peut dire que l'adoption de
l'approche par compétences n'a pas contribué, globalement, à réaliser le changement escompté
dans les méthodes et les pratiques pédagogiques, et n'a pas réussi à limiter les effets négatifs
des enseignements morcelés et éparpillés et à centrer l'opération d'enseignement autour de
l'apprenant, en l’encourageant à prendre des initiatives, à être capable d'user de l'esprit critique
et à se réaliser"8.
En Mars 2008, le MEN adopte la pédagogie de l’intégration. Ila confié au BIEF9, sous la
direction de X. Roegiers, l’instauration de la pédagogie de l’intégration et sa généralisation au
niveau des cycles de l’enseignement primaire et secondaire collégial. Parmi les closes de la
convention, le BIEF se charge de l’accompagnement et de l’instauration de cette pédagogie en
quatre phases durant trois ans: la phase 0: préliminaire (mai – mi-septembre 2008), la phase 1 :
expérimentation réduite (2008/2009), la phase 2: expérimentation étendue (2009/2010), et la
phase 3 : diffusion large (2010/2011). "L’installation de la pédagogie de l’intégration de façon
7
MEN. Guide de l’approche par compétences.2009.P4.Maroc. 8
8
Conseil Supérieur de l’Enseignement (CSE).Rapport sur l'état et les perspectives du système d'éducation et de
formation au titre de l'année 2008.Rapport synthétique, Programme National d’Evaluation des acquisPNEA.
2008. P. 26
9
Bureau d’Ingénierie en Education et en Formation, Place des Peintres, 5 1348 Louvain-la-Neuve - Belgique –
site : http://www.bief.be
progressive en vue d’en faire une pratique effective par une sensibilisation adéquate et une
formation professionnalisante des enseignants"10.
Chaque phase est caractérisée par la réalisation d’un ensemble d’actions que ce soit au
niveau de la production d’outils de travail (modules de formation, guides de formation, guides
de la pédagogie de l’intégration, cahiers de situation…), ou au niveau de la formation des
acteurs (Experts nationaux, formateurs régionaux, inspecteurs, directeurs, enseignants,…)ou au
niveau de l’accompagnement des enseignants sur le terrain. La formation a concerné 127 500
enseignants 11 du cycle primaire (soit un pourcentage 98%) et 17 944 enseignants 12 du cycle
collègial (soit un pourcentage 37,3%). Le dispositif prévu pour cette formation avait comme
objectif l’instauration de nouvelles pratiques d’enseignement pour la conduite des
apprentissages de l’intégration. Il visait l’harmonisation des concepts, la planification, la
gestion et la conduite de la situation de l’intégration. Ainsi, les pratiques requises par la
pédagogie de l’intégration se focalisent sur :
10
Ministère de l’Education Nationale (MEN). Guide la pédagogie de l’intégration dans l’école marocaine. 9
CNIPE. Maroc. 2009. P 4-5
11
Source Ministère de l’Education Nationale- Maroc.
12
Ibid
13
Chaque palier est composé de six semaines pour l’installation des ressources et deux semaines pour leur
intégration.
- la consolidation des acquis et la remédiation des lacunes constatées lors de
l’évaluation de la production de l’apprenant.
Dans l’esprit des concepteurs de la pédagogie de l’intégration, celle-ci "n'est pas en
rupture totale avec les pratiques habituelles. Au contraire, elle permet de faire évoluer celles-
ci en introduisant des modules d’intégration dans les programmes scolaires actuels. En
conséquence, cela exige de la part des enseignants des compétences professionnelles
spécifiques liées à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation des situations
d’intégration"14. La définition attribuée à la compétence dans le cadre de l’instauration de la
Pédagogie de l’intégration est celle de X.Roegiers, elle " est la possibilité, pour un individu, de
mobiliser un ensemble intégré de ressources en vue de résoudre une situation- problème qui
appartient à une famille de situations"15. Bien qu’un dispositif de formation et de suivi soit
installé et les moyens importants déployés pour l’instauration de la pédagogie de l’intégration,
les réactions négatives des acteurs ne manquent pas. En effet, à côté de ceux qui sont pour
l’apport de la pédagogie de l’intégration, il y a ceux qui sont contre son application. Les raisons
des uns et des autres sont divergentes quelque fois non défendables. Néanmoins, la pédagogie
de l’intégration a suscité un débat autour de la problématique de l’enseignement au Maroc
notamment au niveau des pratiques d’enseignement et les contextes dans lesquels s’effectuent
les apprentissages.
14
Ministère de l’Education Nationale (MEN). Guide la pédagogie de l’intégration dans l’école marocaine. 10
CNIPE. Maroc. 2009.P.5.
15
BIPOUPOUT, J.-C, BOULHAN, N, DIALLO, I. N. (et all). Former pour changer l'école. Paris : EDICEF -
Organisation internationale de la Francophonie.254 p. P. 57
- Retarder le travail par la pédagogie de l’intégration au collège jusqu’à l’évaluation de
son application au cycle primaire.
La suspension est prise sous la pression des groupements syndicaux lors des réunions
qui ont lieu après la désignation du ministre. Les événements du "printemps arabe" ont eu une
influence directe ou indirecte sur le climat social déjà tendu. Beaucoup de settings dans les
départements ou dans les annexes du ministère à la fin de l’an 2010ont eu lieu. Beaucoup
d’encre a coulé à ce sujet en faveur ou en défaveur de la pédagogie de l’intégration, accusant
souvent le ministre d’avoir pris une décision hâtive, précipitée et irréfléchie. Une chose est
certaine, la prise d’une telle décision en l’absence de toute alternative préalable a laissé un vide
pédagogique, et les acteurs du terrain (enseignants, directeurs et inspecteurs) se sont trouvés
désemparés. Le ministre n’a jamais cessé d’être invité par les différentes chaînes nationales et
par les journaux, et d’être présenté, comme "le héros" qui a annulé l’adoption officielle de cette
pédagogie.
Le socle de compétence, après avoir été défini dans le cadre de la pédagogie de
l’intégration, est parti en fumée avec la suspension du projet. Le modèle pédagogique est revenu
à à son état de 2008.Et le comble, c’est que les acteurs dévoués parlent d’un "fiasco
pédagogique". C’est une phase sombre dans l’histoire du système éducatif marocain. La
stratégie des feux d’artifice et de terreur adoptée par le ministre donne l’image d’une réforme à
l’interne, dictée par une vision chauviniste et populiste. Cette stratégie a, en réalité, pour objectif
l’inhumation de la quasi-totalité des projets du programme d’urgence, à cause de leur coût
financier jugé "exorbitant" par le ministre qui n’a de cesse de répéter que sa principale mission
est de veiller sur la stabilité du système.
Cette période est en rupture totale avec celles qui la précèdent. AMAQUEN16, dans son
rapport sur la situation de la gestion du système éducatif, déplore les décisions du ministre en
l’accusant de perturber le système éducatif marocain. Selon AMAQUEN, le ministre prétend
que la pédagogie de l’intégration a créé la sédition du corps enseignant au Maroc et qu’elle a
été rejetée par une grande majorité de praticiens tout en sachant que le ministère de l’éducation
nationale n’a pas commandité d'étude pour déterminer le pourcentage de ceux qui sont pour et
de ceux qui sont contre. Après six mois de sa nomination au sein du gouvernement, le ministre
procède à l’évaluation du plan d’urgence durant la période Juin/Juillet 2012 au niveau des
16
Association Marocaine pour Améliorer la Qualité de l'Education. Rapport sur la situation de la gestion du 11
système de l’éducation. Avril 2012 en ligne https://groups.google.com/forum/#!topic/maqagroupe/teUO7mu-
kvQ consulté le 10 Novembre 2013.
AREF aboutissant à la présentation d’un rapport maigre et mitigé. Le rapport est présenté en
quelques pages comparé au programme d’urgence dont la version initiale avoisine le millier de
pages. Après six mois de diagnostic, les résultats sont présentés sous forme d’exposés lors des
réunions des conseils administratifs des AREF.
IV-Discussion
Bien que l’approche par les Compétences soit appréciée par les concepteurs et les acteurs
éducatifs pour son apport scientifique et pédagogique, elle devient périlleuse lorsqu’on veut
l’instaurer. Car " les savoirs théoriques ne prennent une réelle signification que s’ils donnent
naissance à des pratiques. Inversement du reste, une pratique ne prend toute sa signification
que dès lors qu’elle est analysable avec des savoirs théoriques. (Develay, 1994, p. 74)". Les
difficultés rencontrées lors de l’instauration de l’ApC sont universelles que ce soit en Europe,
en Afrique ou en Amérique. Non seulement au Maroc, mais aussi dans d’autres pays. Ainsi,
"Robert BISAILLON (2005, Université de Montréal) estimait qu’au Canada
« l’implantation était réalisée à 30% au primaire et évidemment, pas du tout au secondaire».
Un autre exemple : qu’en est-il en 2010 en France, de l’implantation dans les classes, de la
Réforme Jospin de 1989, Loi d’orientation, et de la Publication de 1992 : « Les cycles à l’école
primaire », qui préconisaient l’Approche par les Compétences. En l’absence d’éléments
quantitatifs, un rapide sondage auprès d’enseignants et de formateurs-chercheurs du CEPEC,
12
laisse ainsi entendre que l’implantation dans les classes est loin, parfois très loin d’être
réalisée"17.
Souvent dans les projets de réforme du système éducatif marocain, et surtout avec
l’avènement d’un nouveau ministre, on procède à des diagnostics comme seules alternatives
pour innover, rénover ou réformer. De plus, on fait appel pour le diagnostic à des acteurs
nouveaux qui n’ont pas été sollicité dans la réforme précédente. Il arrive souvent que ces
derniers n’épuisent même pas dans les rapports et les productions de ceux qui les ont précédés.
Selon "Fullan (1985), il faut environ trois ans pour que le changement pédagogique ait acquis
18 19
une certaine permanence" .Dennery. M (2000) identifie trois phases pour assurer
l’instauration d’une pratique pédagogique : la capitalisation de la connaissance par la formation,
l’application sur le terrain pour la prise de conscience des points forts et des points faibles et
enfin la généralisation des connaissances pour pouvoir les transférer dans d’autres situations.
Car, selon Dennery20, 20 à 30 % est le taux estimatif qui reste des connaissances acquises
quelques mois après la formation.
Le fait de disposer d’un temps raisonnable pourrait aboutir à l’adhésion des enseignants tout
en tenant compte des obstacles qu’ils rencontrent lors de la mise en œuvre du projet. Le temps
permet de faire le suivi, le partage, des alliances pouvant amener à créer un climat de confiance
entre les décideurs, les concepteurs et les acteurs.
17
DELORME, C. Assises sur les réformescurriculaires. Brazzaville (Congo). CEPEC International : Education 13
pour le développement. Juillet 2010.en ligne in http://www.cepec-international.org/ressources-documentaires/en-
telechargement/799-assises-sur-les-reformes-curriculaires-brazzaville consulté 5 septembre 2013.
18
TARDIFN,J. Vers un plus haut degré de professionnalisation : un scénario d’interventions avec des enseignants
du primaire et du secondaire. Cahiers de la recherche en éducation, vol. 2, no 1, 1995, p. 57 à 88 en ligne
http://ncre.educ.usherbrooke.ca/articles/v2n1/04_Tardif.pdf consulté le 3 Mars 2012.
19
Dennery, M. Organiser le suivi de la formation : méthodes et outils. Paris.2ème édition ESF 2000.
20
ibid
soit le modèle choisi pour l’innovation du dispositif pédagogique, la décision d’un tel choix
stratégique devrait être en cohérence avec le paradigme de la consolidation des acquis et de la
modernisation du processus enseignement-apprentissage. Une mobilisation très importante en
ressources humaines et un investissement matériel et financier ont été mis en place pour cette
implémentation. Le fait d’annuler le projet, sans aucun diagnostic préalable, constitue une
erreur fatale dans l’histoire des réformes du système éducatif marocain. De plus, aucune
orientation pédagogique, présentant un semblant d’alternative envisageable, n’a été produite.
La déroute générale en est arrivée au point où les avis divergent même concernant le curriculum
officiel du cycle primaire par exemple. En effet, certains assurent qu’il faudrait s’en tenir à celui
édité en 2011par la direction des curricula du MEN, car c’est le dernier en date, tandis que
d’autres sont convaincus que c’est plutôt celui de 2002, car le dernier est devenu obsolète avec
l’annulation de la PI sachant qu’il a été élaboré dans la logique de cette pédagogie.
Le projet E3P1 du programme d’urgence prévoyait 1875000 jours de FC en 2012, soit cinq
jours par an pour chaque enseignant. Ce projet de généralisation de la FC à tout le personnel de
l’enseignement scolaire (plus de 200000 fonctionnaires) a connu quelques dérapages inhérents,
entre autres, à la lourdeur de la tâche et à l’inexpérience des managers du système dans des
actions d’une telle envergure. Mais est-ce une raison suffisante pour stopper net ce processus
de généralisation juste avant sa maturité ? Alors qu’il est déterminant pour la qualité de tout
système éducatif en général et pour l’aboutissement de toute réforme pédagogique en
particulier.
Aujourd’hui, plus que jamais, il faut renforcer les bonnes pratiques à l’école. Certains
enseignants sont loin d’assurer cette tâche. Les situations proposées, comme activités
d’apprentissage, sont décontextualisées et présentées d’une manière formelle visant en priorité
la restitution du savoir. Les résultats d’un questionnaire, dont nous avons assuré la réalisation
et le dépouillement, et que nous avons adressé à un échantillon de 600 enseignants du cycle
primaire, montrent que la faiblesse du niveau des élèves constitue, pour tous ces enseignants,
une entrave importante à la bonne conduite des apprentissages en classe. Au même temps, ces
14
résultats précisent que les pratiques des enseignants de l’échantillon se focalisent
paradoxalement sur l’apprenant. Ce constat mériterait d’être analysé vu que l’apprenant est
considéré, par ces même acteurs, d’une part comme le centre d’intérêt du processus
d’enseignement-apprentissage au niveau des convictions, et d’autre part comme le premier
accusé des défaillances que connait la conduite des apprentissages au niveau des pratiques.
V- Conclusion
L’implantation de l’approche par les compétences s’est étalée sur quatre périodes. Chacune
d’elle est caractérisée par la continuité ou par la rupture avec celle qui la précède, suivant la
politique entreprise par chaque ministre : une période qui peut être qualifiée de l’intronisation
de l’ApC (2001- 2003), une période de supputation (2003-2008), une période opérante (2008-
2011), et enfin une période de la trêve (2011- 2013). Si les trois premières ont veillé à la
continuité de la réforme, la dernière est marquée par une rupture totale avec les autres sans
aucune alternative proposée. Durant les trois premières périodes, la résistance au changement a
toujours été présente. Elle est forte face aux exigences de la réforme surtout lors de
l’instauration de la pédagogie de l’intégration. La dernière période a enregistré une résistance
presque nulle, vu qu’aucune exigence n’a été édictée, sauf d’assurer l’entrée des élèves en
classe.
Il est clair que devant ce qu’ est qualifié comme échec de la dernière réforme pédagogique
qu’a connue le système éducatif marocain, il est difficile de ne pas être d’accord avec Perrenoud
quand il affirme que "les réformes se heurtent à la fois aux limites de ceux qui les pilotent et
aux résistances de ceux qui les refusent, les dénaturent ou les détournent à leur profit…L'échec
manifeste plutôt les limites de la toute-puissance de ceux qui veulent changer l'école. Elles ne
trahissent pas a priori une incompétence : les contraintes, les rapports de force, la conjoncture
rendent parfois la réussite improbable"21. La chronologie évènementielle des faits historiques
relatés dans la présente étude tend à confirmer les propos de Perrenoud, même quand il rajoute,
non sans défaitisme, que "Certaines réformes apparaissent objectivement impossibles à
certains moments de l'histoire, quelles que soient l'ingéniosité et l'énergie déployées par les
réformateurs"22.
21 15
Perrenoud,P. Peut-on réformer le système scolaire ?.2003. en ligne
http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2003/2003_24.html consulté le 13 Février
2013
22
Ibid.
Bibliographie :
Webographie :