Beruflich Dokumente
Kultur Dokumente
Résumé
Le comportement rhéologique est étudié en relation avec la physico-chimie des boues résiduaires
pâteuses et son évolution au cours du stockage. On montre que bien que des phénomènes de
fermentation modifie la composition du matériau, il existe systématiquement trois régimes
d’écoulement, séparés par deux seuils de contrainte. Seules les caractéristiques non-
hydrodynamiques sont affectées par le vieillissement, ce qui implique que des similitudes de
comportement existent, à l’origine du courbe maîtresse représentative du comportement de la boue
quel que soit son âge. Par des tests simples et rapide, on montre enfin qu’il est possible de
déterminer in situ les paramètres de la courbe maîtresse pour faire de la rhéologie de terrain.
Introduction
Pour être valorisées en agriculture, les boues d’épuration doivent avoir un intérêt agronomique,
présenter des risques limités et être d’emploi aisé. Par facilité d’emploi, on entend qu’une boue doit
pouvoir être stockée, reprise, transportée et épandue facilement. Plus que la connaissance en matière
sèche, la viscosité et la composition physico-chimique sont nécessaires à l’optimisation des
procédés de stockage et des techniques d’épandage, notamment en ce qui concerne les boues
pâteuses. Le stockage, le pompage ou l’épandage de ces boues demeurent problématiques étant
donné leur comportement, ni liquide, ni solide. Une étude rhéologique préalable s’avère nécessaire.
Cependant, la qualité variable des boues en sortie de station d’épuration rend hétérogènes les
volumes totaux stockés et mis en jeu dans le cadre de la valorisation agricole et il apparaît illusoire
de tenter une description exhaustive des caractéristiques, mécanique ou physico-chimique, des
matériaux. Aussi, l’objectif de ce travail a été d’établir un cadre précis, fondé sur des bases solides,
1
Cemagref, Domaine des Palaquins, 03150 Montoldre
2
LMSGC, 2 allée Kepler, 77420 Champs sur Marne
1
des caractéristiques rhéologiques communes des boues résiduaires pâteuses afin d’ouvrir la voie au
développement d’applications pratiques. Deux aspects ont focalisé notre attention : d’une part, le
comportement au stockage, où les vitesses de déformation sont lentes et les temps
d’expérimentation longs de plusieurs semaines et d’autre part, le comportement à l’épandage où les
vitesses de déformation sont élevées et les temps d’expérimentation courts, de l’ordre de quelques
minutes.
Les quelques travaux précédemment réalisés dans le domaine de la rhéologie des boues résiduaires
aboutissent à des résultats parfois contradictoires, souffrant souvent d’imprécisions relatives à la
méconnaissance des techniques expérimentales et des précautions inhérentes à la rhéométrie. Les
boues sont présentées comme des fluides non-newtoniens, parfois à seuil, (c’est à dire qu’une
contrainte minimum non nulle est nécessaire pour initier l’écoulement) et souvent thixotropes,
(c’est à dire que les caractéristiques rhéologiques dépendent du temps) (Campbell et Crescuollo,
1982 ; Colin et al., 1976), pour lesquels la concentration solide est l’élément clé du comportement,
(Slatter, 1997). A l’achèvement de cette étude, on peut désormais affirmer que les boues résiduaires
pâteuses sont des fluides viscoélastiques, à seuil et non thixotropes, dont les caractéristiques
mécaniques dépendent davantage des interactions entre constituants solides que de la concentration
en matière sèche.
Dans un premier temps, nous avons analysé les différents constituants de la boue, dont l’eau et la
matière organique, et leurs évolutions au cours du stockage. Ensuite, le comportement rhéologique a
été étudié en mettant d’abord en évidence les différentes facettes (communes à toutes les boues
pâteuses) du comportement. L’influence du temps de stockage sur chacune de ces composantes a
été mise en valeur, mais en décomposant la contrainte de cisaillement, nous avons montré que les
courbes d’écoulement présentent des similitudes utiles à la détermination d’une courbe maîtresse.
Enfin, l’étude est achevée sur la mise au point d’une méthode simple et rapide pour déterminer la
courbe d’écoulement in situ, par exemple sur un chantier d’épandage.
2
bactérien, et le fluide porteur nécessaire aux déplacements des bactéries. Naturellement, sous
l’action des bactéries, la boue fermente et sa composition évolue.
Cependant, la disponibilité de l’eau diminue : celle-ci devient de moins en moins extractible par des
systèmes mécaniques avec le temps de stockage, (figure 2). On montre de surcroît (Baudez, 2001)
que la quantité d’eau extraite dépend davantage de la durée pendant laquelle la pression est
appliquée que de l’intensité de la pression. La consolidation (ou la compressibilité) n’est alors
fonction que du temps de compression, c’est à dire du réarrangement lent des particules, (fluage).
3
Ce réarrangement explique la quantité de lixiviats récupérée pendant six mois sur un stockage
couvert de boue résiduaire, (environ 8 tonnes), possédant un fond drainant, (Wiart et Effendiaz,
1998). Les couches supérieures exerçant une pression sur les couches inférieures, une importante
quantité d’eau est recueillie, notamment en début d’essai, (cf. tableau II-1).
Le passage d’un état « eau mobile » vers un état « eau immobile » est ainsi la conséquence de cet
accroissement micellaire (les AGV) qui s’auto-organise pour minimiser les contacts avec l'eau.
La boue résiduaire est donc un matériau évolutif, composé d’eau, de polymères hydrophiles et/ou
hydrophobes, connus pour leurs propriétés épaississantes et/ou gélifiantes, et de particules
minérales, ayant chacun leurs caractéristiques rhéologiques.
4
FIG. 3: Décomposition de la matière organique et
évolution en fonction du temps de stockage, pour deux
boues d'origines différentes. Les indéterminés représentent
essentiellement les acides humiques et l'ADN, (pour les
protocoles expérimentaux, voir Baudez, 2001.
Plusieurs échantillons ont été prélevés dans différentes stations d’épuration, juste après l’étape de
déshydratation, en amont de l’aire de stockage. La boue est stockée en récipients hermétiques, à
température ambiante, (20°C), pour reproduire les conditions anaérobies des couches non
superficielles des stockages.
Des mesures de fluage et d’écoulement en régime permanent à contraintes contrôlées ont été
réalisées avec un rhéomètre Paar Physica MC1+ équipé d’une géométrie à cylindres coaxiaux à
larges entrefers et à surfaces rugueuses pour éviter les glissements aux parois (Coussot et Ancey,
1999). L’étude des effets du vieillissement sur la courbe d’écoulement en régime permanent a été
effectuée à vitesse imposée, en utilisant une géométrie à plans parallèles et à surfaces rugueuses. Au
préalable, nous avons vérifié que les deux protocoles avec les deux géométries donnent les mêmes
résultats (Baudez, 2001). Avant chaque série de test, le matériau est homogénéisé à 800 tours/mn
puis laissé au repos pendant une heure avant de prélever un échantillon pour effectuer les mesures
rhéométriques.
5
contrainte critique τ1 , la courbe représentant l’angle de déformation ϕ en fonction du temps
d’application t de la contrainte considérée τ est purement concave et le comportement est linéaire :
la réponse ne dépend que du temps d’application de la contrainte, (cf. figure 4), assimilable en
γ 1 t
première approximation à un modèle de Maxwell ( = + ) après un temps d’application de la
τ G µ
Soumise à une contrainte échelon, la réponse d’une boue résiduaire pâteuse se caractérise
géométriquement en trois groupes.
§ ∀τ < τ1 , la courbe ϕ = f (t ) est concave,
§ ∀τ1 < τ < τ 2 , la courbe ϕ = f (t ) possède un point d’inflexion,
§ ∀τ 2 < τ , la courbe ϕ = f (t ) est convexe.
On peut alors définir une et une seule courbe d’écoulement qui prend soit la forme d’un modèle de
Herschel-Bulkley lorsqu’on considère toute la gamme de contraintes supérieures à τ1 soit la forme
d’un modèle de Ostwald si on se limite aux contraintes supérieures à τ 2 , (cf. figure 7).
7
Ces résultats attestent que les différents modèles rencontrés dans la littérature peuvent représenter le
comportement rhéologique des boues résiduaires, mais dans des gammes bien précises de gradients
de vitesse ou contraintes de cisaillement.
Ce comportement, en plusieurs phases, se vérifie pour toutes les boues résiduaires analysées, bien
que de composition extrêmement variable. Comme nous allons le montrer par la suite, il se vérifie
aussi pour un échantillon donné, quel que soit son âge, alors que sa composition évolue. Nous avons
enfin observé les mêmes résultats sur d’autres fluides, tels que des gels de coiffure, (Baudez, 2001;
Baudez et Coussot, 2001), ce qui nous amène à conclure que ce type de comportement,
viscoélastique linéaire, puis non linéaire et enfin visqueux, est générique des suspensions de
polymères.
la matière, et une composante non hydrodynamique, ηnon− hydr , représentative des interactions entre
négative, λ = a ⋅ exp(− b ⋅ Φ v ) .
Finalement, en régime permanent, le comportement des boues résiduaires pâteuses, matériau de
n
τ γ&
composition complexe, se matérialise par = 1 + λ ⋅ avec n ≈ 0 ,45 .
τ1 τ1
9
où le seuil matérialise une transition entre un régime viscoélastique linéaire et un régime
viscoélastique non linéaire.
Il s’agit de démouler un échantillon de boue, le laisser s’effondrer sous l’action de son propre poids
et d’une masse supplémentaire, (cf. figure 10) pour relier la hauteur d’effondrement s et le seuil de
2τ 1 ρg (H + z0 )
contrainte τ1 par l’équation s = H + z0 − 1 + ln où ρ représente la masse
ρg 2τ 1
Cette méthode permet d’approcher la courbe d’écoulement par le calcul, (cf. figure 11). Simple et
rapide, elle ouvre de nombreuses perspectives quant aux travaux de recherches appliqués à
l’épandage et à l’optimisation des procédés, in situ.
10
FIG. 11 : Courbes d'écoulement obtenues avec le rhéomètre, avec le slump test et l'équation de la
courbe maîtresse, avec le slump test et le calcul du paramètre λ = f (Φ v )
Conclusion
Les boues résiduaires sont des fluides de composition complexe, mélange concentré de polymères
organiques et de particules colloïdales, qui fermente au cours du stockage. La matière organique
devient de plus en plus hydrophobe et s’auto-organise de manière à minimiser les contacts avec
l’eau, ce qui influence quantitativement le comportement sans le modifier qualitativement.
En effet, systématiquement, quel que soit l’âge de la boue, en dessous d’une première contrainte
critique, τ1 , le comportement est viscoélastique linéaire. Au-delà, il est viscoélastique non linéaire,
jusqu’à une seconde contrainte critique, τ 2 , au-delà de laquelle le comportement est purement
visqueux. En régime permanent, le comportement obéit à un modèle de Herchel-Bulkley pour les
contraintes supérieures à τ1 .
Au stockage, tous les paramètres liés aux interactions non-hydrodynamiques diminuent en fonction
du temps selon une loi-puissance de même exposant tandis que la composante hydrodynamique est
invariante. De plus, toutes les courbes d'écoulement peuvent être matérialisées, sous forme
adimensionnelle, par une courbe maîtresse, ce qui montre que les interactions au sein de la matrice
solide présentent des similitudes pendant la fermentation.
Finalement, à partir de ces similitudes, il devient possible d’approcher rapidement la courbe
d’écoulement pas des tests simples consistants à mesurer le seuil de contrainte τ1 et la teneur
volumique solide en matières organique et minérale.
BIBLIOGRAPHIE
CAMPBELL, H. W., CRESCUOLLO, P. J., 1982. The Use of Rheology for Sludge
Characterization. Wat. Sci. Tech., 14, 475-489.
11
COLIN, F., CORNIER, J. C., DANIEL, J. L., JACQUART, J. C., LEFORT, D., MATHIAN, R.,
BRAUNSTEIN, J. P., 1976. Caractérisation des Boues Résiduaires. Travaux Français dans le cadre
de l’action européenne. Tech. Sci. Mun., 1, 3-23.
PASHIAS, N., BOGER, D. V., SUMMERS, J., GLENISTER, D. J., 1996. A fifty cent rheometer
for yield stress measurement. J. Rheol, 40, 6, 1179-1189.
SLATTER, P. T., 1997. The Rheological Characterisation of Sludges. Wat. Sci. Tech., 36, 11, 9-18.
TANAKA, H., WHITE, J. L., 1980. Experimental investigations of shear and elongational flow
properties of polystyrene melts reinforced with calcium carbonate, titanium dioxide and carbon
black. Polym. Eng., Sci., 20, 949-956.
JORAND., F., ZARTARIAN, F., THOMAS, F., BLOCK, J. C., BOTTERO, J. Y., VILLEMIN, G.,
URBAIN, V., 1995. Chemical and structural (2D) linkage between bacteria within activated sludge
flocs. Water Res., 29, 7, 1639-1647.
KEIDING, K., NIELSEN, P. H., 1995. Separations of microorganisms from Water and Wastewater.
Workshop Amsterdam.
ERIKSSON, L., HARDIN, A. M., 1984. Water Sci. Tech., 16, 55.
WIART, J., EFFENDIATZ, M., 1998. Evolution des Boues d’Epuration Pâteuses au cours d’un
Stockage prolongé et importance des Lixiviats produits : Comparaison entre un Stockage couvert et
non couvert. TSM, 10, 67-85.
BAUDEZ, 2001
BAUDEZ, COUSSOT, 2001
12