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 S O M M A I R E

46
QUI ÉTAIT
VRAIMENT
MARIE ?
56
SUR LES TRACES
DE LA PANTHÈRE
DES NEIGES

9 L’ÉDITORIAL de Guillaume Roquette QUARTIERS LIBRES

11 NOUS & VOUS Contributeurs et le forum 78 EN VUE Le temps des cathédrales
12 CLUB FIGARO Actualités du Figaro 80 À L’AFFICHE et les passe-temps d’Eric Neuhoff
15 ARRÊTS SUR IMAGES 82 CINÉMA et l’apostrophe de J.-Ch. Buisson
84 LE THÉÂTRE de Philippe Tesson
ENTRÉ ES LIBRES 85 LA PAGE HISTOIRE de Jean Sévillia
24 EN VUE Jordan Bardella 86 LITTÉRATURE et le livre de Frédéric Beigbeder
26 LES INDISCRÉTIONS de Carl Meeus
28 MISE À JOUR 88 SAINT-DOMINGUE
30 QUERELLE EN INITIÉ Carnets de voyage
32 LES CLÉS POUR COMPRENDRE 98 ÉVASION
33 DITES-NOUS TOUT Pierre Gagnaire 100 LA TABLE de Maurice Beaudoin
34 INITIATIVE & TECHNOLOGIE 102 VINS & SPIRITUEUX
37 LES RENDEZ-VOUS de J-R Van der Plaetsen 104 STYLE et le sur-mesure de Scavini
106 AUTO-MOTO
ESPRITS LIBRES 107 ENVIES et la tendance de Laurence Haloche
38 Yoram Hazony « Les nouveaux universalistes 108 PATRIMOINE
vouent aux gémonies l’indépendance nationale »
110 LA GRILLE de Michel Laclos
41 LA CHRONIQUE de François d’Orcival
112 LES MOTS FLÉCHÉS
42 LECTURE / POLÉMIQUE Censure et
LE SUDOKU de Bernard Gervais
WORRADIREK/STOCK.ADOBE.COM, VINCENT MUNIER

intimidation
114 BRIDGE
44 LA CHRONIQUE d’Eric Zemmour
122 LE BLOC-NOTES de Philippe Bouvard
MAGAZINE
46 QUI ÉTAIT VRAIMENT MARIE ?
En couverture
56 SUR LES TRACES DE LA PANTHÈRE
DES NEIGES Reportage
68 LA BOURSE DE COMMERCE Ce numéro compor te un encar t national hors abonnés de 2 pages « Promo
CHANGE DE VISAGE Culture Abonnement » jeté en page 51.

7/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 É D I T O R I A L

ASPIRATIONS FRANÇAISES

P
endant trois semaines, le pays a vacillé. Le
frisson d’insurrection propagé par les
« gilets jaunes » a effrayé l’Etat jusqu’à son
sommet. Et maintenant que la fièvre est
retombée, on mesure combien le pouvoir
en place est fragile. Non pas les institu-
tions elles-mêmes, dont personne n’a pu
croire sérieusement qu’elles étaient en danger, mais la
capacité d’action de ceux qui les incarnent.
Car Emmanuel Macron peut bien concentrer entre ses
mains plus de pouvoir que n’importe quel autre chef
d’Etat occidental, il a beau avoir derrière lui une majorité
parlementaire pléthorique, tous ces instruments d’auto-
rité se sont révélés inopérants face à la colère populaire.
Tant pis pour le cap qu’il fallait garder, tant pis pour
l’urgence écologique et la maîtrise des finances publiques :
en démocratie, Il n’y a pas de gouvernement possible sans
consentement des citoyens.
Ce sont eux, maintenant, qu’il faut écouter. En se focalisant
sur le nombre de participants aux manifestations succes-
sives (bizarrement appelées « actes » comme s’il s’agissait
d’une pièce de théâtre), en condamnant à juste titre les blo-
cages, les violences et les pillages, on a sous-estimé la
dimension civique du mouvement des « gilets jaunes ». Pen-
dant des semaines, sur des centaines de ronds-points, des
Français ont parlé de tout ce qu’il fallait changer dans le
pays, et pas seulement du niveau insupportable des taxes. Ils
ont brandi le drapeau tricolore et chanté La Marseillaise.
Bref, ils ont fait de la politique, en redécouvrant le plaisir
d’être ensemble pour essayer de bâtir un projet commun.
Cet élan était sans doute désordonné, brouillon dans son
expression et souvent contradictoire dans ses revendi-
cations, mais il n’en était pas moins estimable.
Emmanuel Macron jure qu’il a pris la mesure de cette
aspiration démocratique. Il s’est engagé à y répondre à
travers une « grande concertation nationale » qui se met
en place ces jours-ci. Mais les quatre thèmes retenus
pour ces débats publics laissent songeurs : transition
écologique, fiscalité, organisation de l’Etat, démocratie
et citoyenneté. Franchement, ça ressemble plus à l’ordre
du jour d’un séminaire d’En marche qu’à un cahier de
doléances des « gilets jaunes ». Où sont les sujets dont
les Français parlent tous les jours : l’immigration, l’insé-
curité, la montée du communautarisme, les dérives de
l’assistanat, l’étouffement bureaucratique d’une
administration tatillonne… ? Depuis un an et demi, la
nouvelle majorité s’est montrée incapable de saisir les
aspirations des milieux populaires, préférant les thèmes
à la mode (parité homme/femme, lutte contre les
« discriminations », transition énergétique…). L’occa-
sion lui est donnée aujourd’hui d’entendre le peuple.
C’est maintenant ou jamais.
Un signe « % » incongru a rendu incompréhensible une phrase de
mon éditorial précédent. J’essayais d’expliquer qu’avant les prélè-
vements fiscaux et le versement des diverses allocations, les 10 %
des Français les plus riches gagnent 22 fois plus que les 10 % les
moins favorisés, alors qu’après redistribution les plus riches ne
gagnent plus que 5,6 fois plus.

Guillaume Roquette
OLIVIER CAILLEAU

Directeur de la rédaction du Figaro Magazine

groquette@lefigaro.fr
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9/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

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ans l’univers des photographes du monde
animal, le Français Vincent Munier (photo)
rayonne autant par son talent que par son
humilité et sa discrétion. La constance de
son travail force le respect : des célèbres
grues d’Hokkaido au Japon jusqu’au loup blanc
surnommé « le fantôme de la toundra » par les Inuits, cet
amoureux de la nature est passé maître dans l’art délicat
de saisir le fameux instant T, même dans les milieux les
plus sauvages et les plus reculés. Dans son dernier
ouvrage Tibet, minéral animal (Kobalann), dont nous
publions des extraits, il nous emmène en haute altitude
avec l’écrivain-voyageur Sylvain Tesson sur les traces de
la panthère des neiges. Au cœur d’un monde suspendu
entre ciel et terre encore très peu accessible et balayé par
des conditions climatiques difficiles, leur aventure se
double aussi d’une quête de soi. Jusqu’à se demander qui,
de l’homme ou l’animal, traque et trouve l’autre.

CE QUE VOUS EN DITES

Vos réactions sur lefigaro.fr Courrier

INSÉCURITÉ :
QUELLE SOLUTION ?

Q uelques rares bavures ont suffi pour

promouvoir un désarmement
général. La criminalité s’est alors
considérablement amplifiée, malgré
l’embauche de toujours plus de policiers
et la multiplication des condamnations
à de la prison ferme… peines qui
aujourd’hui ne sont plus exécutées pour
LE SUJET DE L’IMMIGRATION NE DOIT PAS ÊTRE TABOU les durées inférieures à deux ans faute
VINCENT MUNIER, JEAN PIERRE REY/ LE FIGARO MAGAZINE, SÉBASTIEN SORIANO/LE FIGARO

● Le même jour où Emmanuel Macron
nous dit : « Mon seul souci, c’est vous !
Notre seule bataille, c’est pour la
France », il signe le pacte de Marrakech
sans prendre l’avis ni des Français
ni de leurs représentants. Or, il sait très
bien que la prise en charge des
immigrés coûte très cher à l’Etat et à la
Sécurité sociale et que l’arrivée de
cette main-d’œuvre tire les salaires vers
le bas… Lovergnat
● L’immigration est un sujet de si
grande importance qu’il devrait en être
débattu non autour d’une table, mais
dans le cadre d’un projet de
référendum. Qu’on sache une bonne
fois pour toutes ce que le peuple
français – lui qui est le seul concerné –
souhaite à cet égard. Pourquoi refuser
de lui poser la question ? Macedoine
● Il faut un référendum sur ce thème ; de places carcérales (72 000 détenus) !
Première question : « Etes-vous pour A partir du moment où les forces de
une limitation de l’immigration ? » l’ordre ne peuvent plus se défendre elles-
Deuxième question : « Faut-il imposer mêmes, elles ne peuvent plus protéger
la pratique courante de la langue autrui. La répétition des émeutes,
française avant toute démarche de voire des insurrections, se poursuivra.
naturalisation ? » Rugir11 Le Président n’est pas responsable
● Et pourquoi le sujet de l’immigration de cette situation, héritage de 1968 et de
serait-il tabou ? Quand dans notre tous ses prédécesseurs. Quelle solution ?
pays il y a près de 3 millions de Albert Kuhlmann (Moselle)
chômeurs, je ne vois pas pourquoi
nous aurions besoin de bras
supplémentaires. Jpbal
● Un « grand débat national » !
Quiconque a participé à une assemblée
générale de copropriétaires ou assisté
à un débat avec six ou sept personnes
sur une chaîne d’infos du matin, sait
qu’il est impossible qu’il en ressorte
quelque chose. PatricJL

11/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 C L U B F I G A R O

“LE FIGARO LITTÉRAIRE”

À VOS PLUMES !
GRÉGOIRE DELACOURT OUVRE LE BAL

L
es Ateliers d’écriture du Figaro
littéraire inaugurent l’année 2019
avec Grégoire Delacourt. Auteur à
succès avec notamment La Liste de
mes envies, Grégoire Delacourt
anime depuis trois ans les Ateliers d’écriture
avec le même succès et un enthousiasme “LE FIGARO LITTÉRAIRE”
communicatif. Ils se déroulent en petit comité “TROIS HOMMAGES
d’une dizaine d’apprentis motivés pour sur- À LA LANGUE
passer leur appréhension d’écrire à travers des FRANÇAISE” RÉUNIS
jeux, des échanges et de la pédagogie. DANS UN COFFRET
Les séances auront lieu les lundis 21 janvier,
4, 11 et 18 février, 11 et 18 mars 2019 de 18 h à A vec la complicité
de Jean-Loup Chiflet,
Le Figaro propose un séduisant
22 h au sein du Figaro, à Paris. Les ateliers qui
coffret à s’offrir ou à offrir
suivent seront animés par Etienne de Montety,
à tous les amoureux de la
écrivain et directeur du Figaro littéraire, puis langue de Molière. Dans
par Mohammed Aïssaoui, écrivain et journa- ce coffret, trois ouvrages tirés de
liste au Figaro littéraire. la collection « Mots & Cætera » :
Ces mots perdus au fond
Inscriptions sur www.lefigaro.fr/ateliers-d-ecriture
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littéraire parmi les figures
de style et Les Nuances de la
langue française. L’occasion
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MICHEL ONFRAY de l’auteur, qui aborde les
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de l’université populaire de Caen, le mardi 22 janvier les grands shows du moment : de la d’inspiration ou de temps
2019. Auteur de plus de 80 ouvrages qui vont de pièce de théâtre incontournable aux avec ses 50 recettes chics et
la philosophie à la poésie en passant par l’histoire cabarets parisiens… En quelques faciles ainsi que ses recettes
et la littérature, Michel Onfray retracera son itinéraire clics, vous choisissez le montant à fondantes, craquantes ou
intellectuel et évoquera les auteurs qui l’accompagnent offrir, et la carte cadeau, disponible voluptueuses qui donneront
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12/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

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A R R Ê T S S U R I M A G E S

Eternelle Pétra / Jordanie

Taillée dans la roche vers la fin du
VIIIe siècle avant J.-C. par les Nabatéens, l’im-
mense cité antique de Pétra en Jordanie, entre
la mer Rouge et la mer Morte, est inscrite au
patrimoine mondial de l’Unesco. Visitée
chaque année par de nombreux touristes, la
ville a fait l’objet en 2016 d’une campagne de
recherches aériennes qui a révélé les contours
d’une vaste plate-forme encore inconnue,
située à 800 mètres au sud du plus célèbre
temple de Pétra, la Khazneh.
Photo : Muhammad Hamed / Reuters

15/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

16/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
 Vol au vent / Exercice anglo-américain
Pour ces deux membres d’équipage de ce
Lockheed MC-130J Commando II du 67th Special
Operations Squadron de l’U.S. Air Force, Noël est au balcon.
En vol tactique à bord de cet appareil destiné au soutien des
forces spéciales, ils profitent du splendide paysage du Parc
national de Snowdonia, au pays de Galles (Royaume-Uni),
qui se dévoile devant eux à seulement quelques dizaines de
mètres. Un exercice classique effectué régulièrement par
les pilotes de la Royal Air Force et leurs homologues
américains lors de manœuvres communes.
Photo : Swns / Abaca

17/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

18/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
 Prière de pierre / Sagrada Família / Barcelone
Enchâssée dans le paysage minéral de Barcelone,
la capitale catalane, l’étrange et splendide basilique de la
Sagrada Família, imaginée par Antoni Gaudí, domine les alen-
tours. Toujours inachevé après 136 ans de travaux, l’un des
sites touristiques les plus visités d’Espagne a enfin obtenu un
permis de construire. Une situation folle depuis la pose de la
première pierre, sans aucune autorisation officielle, en 1882.
Les responsables du chantier espèrent désormais terminer
les travaux en 2026, pour le centenaire de la mort de Gaudí.
Photo : Air Pano / Onlyworld.net

19/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

20/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
 Mille-feuille congolais / RDC
Chaque jour, des centaines de véhicules surchar-
gés de fruits, de légumes, de charbon de bois et des
marchandises les plus diverses quittent la zone du port de
Matadi, en République démocratique du Congo, pour
rejoindre les marchés et les commerces de Kinshasa, la
capitale du pays. Un périple de 350 kilomètres vers le
nord-est sur des routes défoncées où les seules règles qui
s’appliquent sont celles du système D. Un « salaire de la
peur » version congolaise…
Photo : Junior D. Kannah / AFP

21/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

E N T R É E S L I B R E S

OLIVIER CORET/DIVERGENCE

24/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 EN VUE
JORDAN BARDELLA
Le pari jeune de Marine Le Pen
Proche de la présidente du Rassemblement national, l’élu régional d’Ile-de-France
de 23 ans est pressenti pour être la tête de liste aux prochaines européennes de mai 2019.
J
Un rajeunissement sur lequel misent la plupart des partis, de LFI aux LR.
ordan Bardella sera-t-il en mai
prochain le plus jeune député européen français ? A
seulement 23 ans, il est pressenti pour être la tête de liste
du Rassemblement national aux élections européennes.
Officiellement, rien n’est encore définitivement acté. Le
parti de Marine Le Pen doit réunir son bureau exécutif le
7 janvier prochain pour voter sur le nom de la future tête
de liste. Mais il semble que le choix de la présidente du RN
soit déjà fait. Il faut dire que Jordan Bardella a toutes les
qualités pour elle : le jeune conseiller régional d’Ile-de-
France, qui a adhéré au Front national dès l’âge de 16 ans,
est un fidèle de l’ancienne candidate à la présidence de la
République qui l’a nommé porte-parole du Rassem-
blement national.
Or, c’est bien de cela qu’il s’agit. Son premier choix était de
placer Louis Aliot, son compagnon, en première place,
mais celui-ci préfère se consacrer aux prochaines échéances
municipales à Perpignan. Marine Le Pen a tout fait pour
éviter de mettre Nicolas Bay à cette place. Il avait pour-
tant la légitimité, en tant que député européen sortant,
coprésident du groupe au Parlement européen et cadre
dirigeant du RN. Mais il n’a pas la confiance de la prési-
dente, qui se méfie de lui. Selon un député européen qui
observe attentivement les manœuvres, Marine Le Pen
redoute une alliance future entre Marion Maréchal, sa
nièce, et Nicolas Bay.
En choisissant Jordan Bardella, Marine Le Pen mettrait la
pression sur la liste de La République en marche. Alors que,
du côté de LREM on n’a pas encore, visiblement, trouvé la
perle rare et qu’on évoque toujours le nom de Daniel
25/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
Cohn-Bendit, 73 ans, la liste du RN avec à sa tête un jeune
homme de 23 ans, incarnerait ce nouveau monde tant
vanté en 2017 par Emmanuel Macron. Ce faisant, elle ne
fait que suivre une tendance lancée par Jean-Luc
Mélenchon. Le patron de La France insoumise pousse un
très proche de lui, Manuel Bompard, 32 ans, pour codiriger
la liste avec Manon Aubry, 29 ans, ancienne porte-parole
d’Oxfam. Les militants ont quinze jours pour voter sur la
liste et confirmer ce choix. Chez Les Républicains, Laurent
Wauquiez a bien senti la tendance et met en avant le jeune
philosophe de 33 ans, François-Xavier Bellamy. L’élu
versaillais fait en ce moment la tournée des élus européens
et dirigeants du parti. Là encore, le choix définitif ne se fera
pas avant le mois de janvier, voire février 2019. Avec un tel
renouvellement, Ian Brossat, tête de liste pour le Parti
communiste, fait figure d’ancien à 38 ans.
SCRUTIN DE « MIDTERM »
Derrière ce rajeunissement se cache aussi la volonté des
principaux dirigeants de ne pas aller siéger au Parlement
européen. En France, il n’a jamais tenté les responsables
des partis politiques. Et, quand ils se sont présentés, ils
ont généralement quitté leur mandat assez rapidement.
Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Laurent
Wauquiez n’ont, comme les autres, aucune envie de
« s’exiler » à Strasbourg et Bruxelles, alors même qu’ils
savent que la campagne sera politique et se fera médiati-
quement avec eux. Nicolas Dupont-Aignan fait le raison-
nement inverse. Pour lui, ce sera une sorte de scrutin de
« midterm » à la manière des Etats-Unis et une répétition
pour la présidentielle de 2022.
Les sondages semblent lui donner raison pour le
moment. Le dernier en date (Ipsos) accorde au patron de
Debout la France un score de 8 %, pas très loin de la liste
LR (11 %). Loin derrière LREM (18 %) et surtout de la
liste du RN (24 %). Si cette tendance devait se confirmer
dans les urnes en mai prochain, ce serait un incroyable
bouleversement politique. Si la liste conduite par Jordan
Bardella arrive en tête, Marine Le Pen aura permis au RN
de redevenir « le premier parti de France » deux ans à
peine après son échec à la présidentielle et le traumatisme
de son débat raté de l’entre-deux-tours. C’est dire si la
pression qui pèse sur les épaules du jeune élu est forte. On
comprend mieux aussi pourquoi Marine Le Pen veut
absolument éviter la constitution d’une liste « gilets
jaunes » qui lui ferait perdre des voix. Carl Meeus
 E N T R É E S
“
Ce que fait
Emmanuel Macron, c’est du
mauvais chiraquisme !
.
Eric Woerth
P
résident Les Républicains de la commission
des Finances de l’Assemblée nationale, Eric
Woerth n’est pas tendre avec Emmanuel
Macron. « C’est du mauvais chiraquisme »,
dénonce-t-il à la lecture des mesures prises
pour calmer les « gilets jaunes ». « C’est ce que fait l’Etat
depuis toujours : il donne des chèques et se demande
ensuite comment il va payer. » Evidemment, en tant
qu’opposant politique au chef de l’Etat, Eric Woerth ne
va pas lui tresser des louanges. Mais sa critique est plus
large : « Je conteste la profondeur des réformes. Emmanuel
Macron s’est trompé de priorité. Il réfléchit en statisticien.
Sa politique manque d’humanité. » Surtout, le député de
l’Oise regrette que la majorité n’écoute pas davantage
l’opposition. Pour l’ancien ministre, si elle l’avait fait,
elle se serait économisé une crise de plusieurs semaines.
« Il y a un peu plus d’un an, en septembre-octobre 2017, on
a proposé de réduire la trajectoire carbone. On a dit qu’elle
serait insupportable pour les Français. » Le gouverne-
ment n’a pas tenu compte des avertissements. Tenace,
Eric Woerth récidive en octobre dernier, avant le
soulèvement des « gilets jaunes » : « Je redépose un amen-
dement pour geler la hausse des carburants. Le gouverne-
ment le rejette et en gros me dit que je ne comprends rien. »
C’est la raison pour laquelle rien n’irrite plus Eric
Woerth que d’entendre Emmanuel Macron ou Edouard
Philippe dire que la France a été immobile depuis trente
ans. « Emmanuel Macron a montré qu’il était capable de
faire autant de bêtises que les autres. Et nous, on a évité une
crise sociale de cette nature. Cette crise, c’est de son
unique faute. »
26/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
L I B R E S
LES INDISCRÉTIONS
DE CARL MEEUS
“
J’ai peur que ça recommence
en janvier prochain”
Un élu de la majorité
J
e ne serai pas le même avant et après les « gilets jau-
nes », assure un élu de la République en marche !
Les violences des manifestations le samedi dans la
capitale, les vitrines brisées, les voitures incendiées ont
ouvert les yeux de la plupart des députés LREM. « C’est
une leçon d’humilité. On n’a pas su faire passer les messages
depuis dix-huit mois. » S’il prend sa part de responsabi-
lité, cet élu de la majorité en veut aussi au gouvernement
et au président de la République. « A pensée complexe,
message complexe, mais échec simple », fustige celui qui
n’en revient pas de ne pas être écouté quand il prévient
que le prélèvement à la source va être une nouvelle
source de polémiques. « On me répond : c’est géré ! Moi
j’ai peur que ça recommence en janvier prochain ! » S’il se
veut « bon soldat » de la majorité et votera sans état
d’âme les mesures du projet de loi « gilets jaunes », il ne
peut que constater les dégâts d’un retour en arrière par
rapport au discours du Président. « La seule chose qu’il
nous faut en ce moment : être clair. »
“
Tu le connais aussi bien
que Zadig & Voltaire ?
Carla Bruni
T
oucher à Nicolas Sarkozy, c’est s’exposer à une
réplique cinglante de Carla Bruni. L’épouse
d’origine italienne de l’ancien président n’a pas
apprécié que Frédéric Lefebvre s’en prenne à lui dans Le
Figaro Magazine de la semaine dernière, estimant, lui
qui le connaît « par cœur », que Nicolas Sarkozy n’avait
« jamais abandonné l’idée de revenir » dans le jeu poli-
tique. « Tu le connais aussi bien que Zadig & Voltaire ? »
a lancé la chanteuse dans une « story » sur son compte
Instagram, où l’on voyait son avatar lever les yeux au
ciel. Une double signification dans ce message humoris-
tique mais acerbe : premièrement, puisque l’ancien pré-
sident a depuis longtemps coupé les ponts avec celui qui
FRANCOIS BOUCHON/LE FIGARO
fut son bras droit, ce dernier peut difficilement
aujourd’hui se faire le porte-parole de ses intentions. En
prime, Carla Bruni rappelle cruellement le lapsus qu’il
avait fait, voilà quelques années, en évoquant « Zadig &
Voltaire » comme livre qui l’avait marqué dans sa vie, au
lieu de parler de Zadig, de Voltaire.
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Nos pommes sont sélectionnées pour leurs
qualités, sans rien gaspiller et font l’objet
de contrôles réguliers par l'organisme
de certification Bureau Veritas.

Pour nos producteurs

Un modèle qui rémunère équitablement les 2600
producteurs adhérents et sécurisent leurs revenus
grâce à la signature de contrats annuels.

Pour nos terroirs

Notre production est cultivée sur des terroirs d’exception
choisis pour leur climat et la qualité de leurs sols.
Elle contribue également au maintien d’une activité sociale
et économique locale et à la préservation
© Illustration : Eiko Ojala • Pink Lady®

des paysages traditionnels.

Tellement plus qu’une pomme

 E N T R É E S L I B R E S

MISE À JOUR

OUESSANT : L’ÎLE INTELLIGENTE

« Le joyau » de la mer d’Iroise, se métamorphose en smart island.
D’une énergie produite à 100 % par du fioul,
elle s’oriente vers une production 100 % renouvelable.
Par Charles Lescurier
OUESSANT

1 L’ADIEU AU FIOUL 860

habitants
150 000 de700
touristes par an
kW
consommation
Jusqu’à présent, l’île située à 20 km au large en 2018 d’énergie moyenne avec
de la Bretagne, qui n’est pas connectée au réseau une forte variation saisonnière
électrique du continent, produisait son énergie allant de 200 à 2 000 kW
grâce à une centrale thermique. En 2015,
un plan de transition énergétique a été engagé Centre de pilotage intelligent Eclairage public
pour arriver en 2030 à une production Adapte, à la seconde près, l’offre utilisant des lampes LED
100 % renouvelable, totalement décarbonée. et la demande d’électricité
Part d’énergie renouvelable
100 % Eolienne
de 900 kW
70 % Unité de stockage
par batteries lithium-ion
Prévisions

palliant l’intermittence
15 % des énergies
renouvelables
2018 2023 2030
Bornes
de recharge
pour véhicules
Centrale électriques
Habitat individuel thermique
Optimisation de l’isolation utilisée en cas
des résidences, remplacement de secours
Lampaul Câble
des matériels énergivores sous-marin
de 2 km
L’installation de capteurs
sur les compteurs

INFOGRAPHIE : LE FIGARO
électriques encourage
l’utilisation en heures
creuses, liées aux
marées et à
500 m
l’ensoleillement
2 hydroliennes
Développement de 1 000 kW
Panneaux immergées dans
d’applications intelligentes Ouessant en 2030 photovoltaïques
le passage
pour affiner le pilotage De 500 kW en 2023
SOURCES : MAIRIE DE OUESSANT, AIP, EDF-SEI, AKUOENERY

du Fromveur

2 LE RECOURS AUX COURANTS,

AU VENT ET AU SOLEIL
3 UN ESPACE NATUREL
A l’horizon 2030, un réseau composé de deux
hydroliennes, d’une éolienne, de panneaux solaires et
PROTÉGÉ
d’un système de stockage reliés à un centre de pilotage La position exceptionnelle de l’île, au cœur du Parc
est progressivement mis en place. Ce mix multiénergie naturel marin d’Iroise et en zone Natura 2000, impose
intelligent a été dimensionné pour remédier à l’inconstance un respect drastique de la biodiversité. L’hydrolienne
des courants, des vents et de l’ensoleillement. Il sera aussi en test a notamment été bardée de capteurs et de caméras
capable de répondre aux pics de fréquentation touristique afin d’observer le comportement des mammifères marins
de l’été. et des oiseaux plongeurs.

28/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Fini les mots de passe
Déverrouillez votre PC d’un seul geste

HP ENVY 13
Avec lecteur d’empreintes digitales

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Avec processeur Intel® Core™ i7.

© Copyright 2018 HP Development Company, L.P. Intel, le logo Intel, Intel Inside, Intel Core et Core Inside sont des marques commerciales
d’Intel Corporation ou de ses filiales aux États-Unis et/ou dans d’autres pays.
* keep reinventing = réinventez sans cesse
 E N T R É E S L I B R E S

FACE À FACE

RACHEL PICARD / ANNE RIGAIL

L’une dirige Voyages SNCF, l’autre vient d’être nommée à la direction générale
d’Air France. Si elles ont en commun de faire voyager les Français,
particulièrement en ce week-end de départ en vacances,
elles ont pourtant des profils très opposés.
Par François Delétraz

Rachel Picard Anne Rigail

doit redonner veut garder
aux Français un haut niveau
le goût de de service
prendre le train. tout en baissant
les coûts.

133 51,3
millions millions
de passagers de passagers
transportés transportés
en TGV en Europe par Air France
en 2017. en 2017.

R N
achel Picard est une grande
voyageuse, passant de la direc-
tion d’une station de ski au
7,7 Chili à celle d’hôtels à Eurodisney...
millions quand elle ne s’occupe pas du site web
de passagers
transportés
de la SNCF. D’une énergie débor-
par l’offre dante, Rachel Picard déteste qu’on lui
low cost Ouigo marche sur les pieds. Sa pugnacité l’a
propulsée à la tête de Voyages SNCF.
ommée patronne d’Air
France la semaine dernière,
Anne Rigail a été à bonne
école : celle d’Air Inter d’abord, la 14,7
compagnie franco-française qui, millions
de passagers
bien avant EasyJet, avait inventé transportés par
« l’avion facile ». La preuve : la ma- la compagnie low
jorité des compagnies low cost ont cost Transavia
repris son modèle et sa simplicité en 2017

411 Ancienne de HEC, elle est plus à l’aise
rames de TGV dans le marketing et le commercial
que dans la production proprement
en service
dite. Mais elle sait qu’un TGV en
tarifaire. A la tête ensuite, pour Air
France, d’Orly puis de Roissy, elle a
appris à jongler avec tous les métiers
306
avions
d’une escale, et approcher au mieux en service

800 000 retard peut suffire à anéantir tous les les attentes des passagers. Rigail en
adhérents efforts de marketing. Dès son arrivée a retenu la leçon : pour les clients, les 15
au programme dans la compagnie, elle s’est donc choses simples sont les plus effi- millions
de fidélité attaquée aux principaux défauts du caces. Aujourd’hui, la satisfaction d’adhérents
Grand Voyageur TGV : sa cherté et sa complexité de ses usagers est devenue son idée au programme
FRANÇOIS MARECHAL, PHOTOTHÈQUE AIR FRANCE

tarifaire. Elle a créé des nouveaux pro-
duits, dont TGV Max pour les jeunes,
qui sont d’incontestables succès. Pour
la complexité, elle a encore du travail.
Qu’on songe au problème du change-
ment de réservation : un vrai parcours
du combattant, surtout quand il est
devenu impossible de négocier avec
les nouveaux portiques automatiques
d’accès aux trains…
fixe. La concurrence n’a qu’à bien se de fidélité
tenir : elle est imbattable sur cette Flying Blue
question. Certes, Anne Rigail devra
calmer le jeu social avec des pilotes,
parfois jusqu’au-boutistes. Mais
avec eux, elle partage une volonté
fa ro u c h e d e g a rd e r u n e h a u te
qualité de service, alliée à une baisse
des coûts. Une bouffée d’air pour
Air France…

30/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018


EMMANUEL MACRON DE RETOUR AU SAHEL
Le Président effectue ce week-end une visite au Tchad,
impliqué dans la lutte contre les djihadistes.
L’occasion de constater l’état de l’opération Barkhane.
1 UNE EXTENSION
GÉOGRAPHIQUE DE LA
MENACE DJIHADISTE
En cette fin d’année 2018, le tableau
du djihadisme au Sahel ne s’est guère
amélioré par rapport à l’an dernier.
Le 13 décembre 2017, en évoquant
l’opération Barkhane, Emmanuel
Macron avait exigé des victoires. Ses
soldats en ont obtenu en reprenant
le contrôle de la région de Ménaka
(nord-est du Mali), en réduisant
plusieurs groupes armés et en éliminant
leurs chefs lors d’opérations d’ampleur,
dont la dernière a eu lieu le
23 novembre dans la région de Mopti
(centre du Mali). Dirigé contre le Front
de libération du Macina, un groupe
armé d’ethnie peule qui avait fait fuir les
responsables locaux de l’Etat malien, ce
raid a décimé son commandement, dont
leur chef Hamadoun Kouffa. Néanmoins,
ces résultats positifs doivent être mis
en balance avec la « contamination »
d’autres zones virtuellement passées
sous contrôle djihadiste. Les semaines à
venir diront si l’élimination de
Hamadoun Kouffa a permis aux forces
maliennes de restaurer l’Etat sur cette
partie de son territoire. Autres régions
où les islamistes armés imposent leur
violence, le nord et l’est du Burkina Faso
qui échappent en partie au contrôle
du gouvernement de Ouagadougou.
E N T R É E S L I B R E S
LES CLÉS POUR COMPRENDRE
Par Jean-Marc Gonin
2 DES DIFFICULTÉS
À CONSTITUER UN
CONTINGENT AFRICAIN
Dans l’espoir de désengager petit à petit
ses 4 500 hommes déployés dans la zone,
la France compte sur les forces du G5
Sahel, organisation de coopération
économique et de sécurité lancée en
2014, associant Mali, Niger, Tchad,
Mauritanie et Burkina Faso. Mais divers
facteurs se sont combinés pour retarder
la constitution de cette force de
5 000 soldats. Le 29 juin dernier, un
attentat contre son quartier général situé
à Sévaré (15 km à l’est de Mopti) a porté
un coup fatal au commandement. Les
failles de sécurité ainsi révélées ont
conduit au renvoi du général malien
Dacko, patron du G5 Sahel, et à son
remplacement par le Mauritanien
Hanena Ould Sidi. En outre, le QG a dû
déménager à Bamako, à 600 km au sud-
ouest. Selon le général François
Lecointre, chef d’état-major des armées
françaises, les opérations ajournées
devraient être lancées au début de 2019.
Néanmoins, les troupes souffrent aussi
de lacunes en matière de formation et
d’équipement. Le retard pris n’explique
pas tout. Le G5 Sahel manque de
financement, comme l’a expliqué
le secrétaire général des Nations unies
António Guterres dans un document
publié le mois dernier (voir point n° 3).
32/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
3 L’INDIFFÉRENCE
DE LA COMMUNAUTÉ
INTERNATIONALE
Parfois, les missions de l’ONU
ressemblent au Téléthon. Les membres
des Nations unies effectuent des
promesses de dons et se font tirer
l’oreille pour les concrétiser. Selon
António Guterres, sur les 420 millions
d’euros promis à l’ONU pour le G5 Sahel,
seulement 45,9 % ont été versés
(193 millions d’euros). Cela occasionne
des retards qui s’ajoutent à la lourdeur
des procédures d’achat d’équipement
(appels d’offres, mise en concurrence),
nécessaires pour réduire les risques de
corruption.
Fait aggravant : la nouvelle stratégie des
Etats-Unis à l’égard de l’Afrique
annoncée la semaine dernière par John
Bolton, conseiller à la sécurité nationale
de Donald Trump, ne va inciter personne
à se précipiter au secours du G5 Sahel.
Ce faucon, proche du président, a
expliqué que Washington donnerait
dorénavant la priorité à damer le pion
de la Chine dont l’influence ne cesse
de grandir sur le continent noir. En
FRED MARIE / HANS LUCAS
Afrique, selon John Bolton, la principale
menace ne provient ni de la pauvreté
ni de l’extrémisme islamiste mais d’une
Chine expansionniste. Pas de quoi
pousser la communauté internationale à
épauler la France.

“ En tant que responsable, on a un devoir moral
vis-à-vis des gens qui nous entourent
A
voir 3 étoiles depuis
vingt-cinq ans n’a pas
entamé l’envie d’entre-
prendre de Pierre
G ag n a i re. A l a t ê t e
d’une quinzaine d’établissements en
France et à l’étranger, il vient de
déménager de quelques rues son
restaurant Gaya, à Paris, et inaugu-
rera en janvier une adresse italienne
rue du Bac. Dans un contexte éco-
nomique et social difficile, ce chef
iconoclaste réagit sans mâcher ses
mots et impose la tendresse dans sa
cuisine comme dans la vie.
Difficile de ne pas évoquer la crise
sociale qui frappe la France…
Un commentaire ?
Je ne vais pas rajouter un commen-
taire aux analyses fantaisistes ou
très sérieuses qui sont déjà nom-
breuses. Mais, quand toute cette his-
toire a commencé, j’ai pensé au syn-
drome de la vache folle (maladie
causée par les farines animales,
ndlr). Quand on tire trop sur le fil,
ça casse ! En tant que responsable,
on a un devoir moral vis-à-vis des
gens qui nous entourent : il faut être
attentif, les respecter, les aimer, la
tendresse n’est pas un vilain mot,
même dans le boulot ! Ici, on tra-
vaille beaucoup mais tout le monde
bénéficie de cet engagement dans
l’entreprise, en faisant bien sûr
attention aux bons équilibres, aux
investissements nécessaires…
Y a-t-il déjà un impact sur la fréquen-
tation de vos restaurants ?
JACQUES GAVARD
C’est encore un peu tôt, mais claire-
ment, ça va faire mal ! On était bien
repartis. Dans les milieux d’affaires,
E N T R É E S L I B R E S
DITES-NOUS TOUT
PIERRE GAGNAIRE
tout le monde se réjouissait des déci-
sions politiques prises par Macron
qui n’étaient pas là pour alimenter
les riches mais pour créer de la
richesse : une richesse à partager,
c’est important !
Qu’est-ce qui vous rend fier d’être
français ?
Je me sens complètement français.
On a un pays magnifique, avec des
atouts incroyables, il faut juste que
chacun écoute l’autre. J’ai été extrê-
mement choqué d’entendre Jean-
Luc Mélenchon dire : « La République,
c’est moi ! »
Pour votre métier, vous voyagez ré-
gulièrement à l’étranger. Le charme
français opère-t-il toujours ?
Ce qui marche, c’est la gastronomie
et les maisons de luxe qui incarnent
le savoir-faire français, le dyna-
misme, la qualité d’un service
incroyable… Et tout ça, derrière,
c’est beaucoup d’emplois !
Avec une quinzaine d’établisse-
ments dans le monde, vous sentez-
vous l’âme d’un bâtisseur ?
Dassault, Bouygues le sont. Moi, je
suis un artisan, un artiste, un peu
33/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
”
chef de meute. Gamin, j’aimais bien
les scouts. Et j’ai beaucoup aimé
l’armée, dans la marine, parce qu’il
y avait cette volonté commune qui
permet d’aller très loin. Cohésion,
respect, humilité, partage… C’est
un peu des mots à la con mais diffi-
ciles à appliquer avec exigence.
Il y a vingt-deux ans, vous perdiez
tout. Comment repart-on de zéro ?
Je n’avais plus rien, juste un métier,
un peu de talent et un environne-
ment qui m’a aidé à me relancer. J’ai
appris qu’il fallait prendre sa vie en
main, affronter les problèmes, anti-
ciper… Il n’y a pas de recette, mais
quelques fondamentaux : avoir une
bonne santé psychologique, c’est
important, la santé physique, évi-
demment, et être sincère dans ce que
l’on fait. Il y a des gens qui ne
m’aiment pas, mais ce que je fais, j’y
crois. C’est ce qui donne un sens à
ma vie.
Pour Noël, une alternative au foie
gras, au saumon et au chapon ?
Quand j’étais gamin, mon père nous
cuisinait un saucisson qui avait
passé au moins trois ans dans la cen-
dre, sous le toit. Il le servait avec du
riz blanc. Avec un petit peu de
beurre demi-sel, c’est un vrai bon-
heur ! Les moules, le haddock, une
salade avec une huile particulière ne
coûtent pas cher. Il faut juste ne pas
cumuler ce qui est onéreux.
Etes-vous optimiste pour l’avenir ?
Oui, il le faut : être optimiste, réaliste
et surtout ne pas devenir cynique.
C‘est important de garder une fraî-
cheur face à la vie.
Propos recueillis par Laurence Haloche
LE FIGARO MAGAZINE partner
HYUNDAI KONA
ELECTRIC
MA VIE EN ÉLECTRIQUE
Plus réaliste que jamais, la voiture
électrique vient frapper à nos portes.
Difficile de lui résister quand elle prend
l’aspect d’un séduisant SUV citadin à
la conduite épatante et à l’autonomie
record. Cela valait bien une balade vers la
Normandie au départ de Paris.
7 h du mat’, je n’ai pas de frisson… mon Kona electric
a chargé toute la nuit. Le tableau de bord affiche 450
kilomètres d’autonomie. Largement de quoi envisager
un périple dominical en direction du bord de mer après
une semaine d’intense utilisation urbaine. A première
vue, ce pimpant SUV, au gabarit ramassé (4,17 m),
ressemble, à s’y méprendre, à sa version thermique. Mais
en y regardant de plus près, on constate que sa calandre
fermée accueille une trappe, destinée à recevoir une
autre forme de carburant. L’attachant crossover se
caractérise également par ses jantes spécifiques, ses
boucliers argentés, l’inscription “electric“ apposée sur
le hayon et l’absence de pot d’échappement, autant
d’éléments distinctifs lui conférant une personnalité
propre, mais non disruptive.
A la “mise à feu“, dans la froideur matinale de
décembre, le Kona electric n’émet pas le moindre
bruit où comment quitter son stationnement parisien
sans perturber les voisins. En dépit de sa vocation
principalement citadine et d’un plancher, rehaussé
de trois centimètres pour permettre l’installation
d’une grosse batterie de 64 kWh, l’espace habitable
est suffisant, à l’avant comme à l’arrière et même
dans le coffre dont le volume (332 litres) demeure
sensiblement équivalent à celui du Kona classique.
La sobriété de l’aménagement intérieur, la clarté
de l’instrumentation et le confort avéré des sièges
entretiennent une atmosphère apaisante, en symbiose
avec la vertueuse motorisation.
tr
Riche en assistances à la conduite, le Kona electric dispose d’un régulateur de vitesse adaptatif avec maintien dans la voie trè
A son aise dans le dédale des rues de la Capitale, le SUV
“zéro émission“ de Hyundai ne tarde pas à révéler toute
l’étendue de ses qualités dynamiques à mesure que le trafic
s’éclaircit. La douceur des commandes et l’absence d’à-coups
et de vibration facilitent la prise en main tandis que la
qualité de l’amortissement donne envie de partir loin. Agile,
vif et maniable, le Kona electric distille un agrément de
conduite insoupçonnable d’une telle mécanique. Si les 204 ch
du moteur électrique délivrent une réponse immédiate
à l’accélérateur, son astucieux système de récupération
d’énergie au freinage permet de ne quasiment plus faire
usage de la pédale de frein. Durant la traversée encombrée
de l’agglomération rouennaise, puis, sur les départementales
moins fréquentées menant à Deauville, cette technologie
aboutie permet, en outre, d’augmenter l’autonomie.
Aux vitesses réglementaires et sur un parcours alternant
ville, route et voies rapides, l’ordinateur de bord affiche
encore près de 300 kilomètres “potentiels“ à mon arrivée sur
les planches. En réservant principalement l’utilisation du
Kona electric aux déplacements urbains et péri-urbains, on
peut parcourir jusqu’à 500 kilomètres entre deux charges… et
se contenter d’un branchement hebdomadaire sur une prise
domestique. Mais on peut aussi le connecter à une borne
de charge rapide (50 kW) et recouvrer, en l’espace d’une
heure, le temps de déguster un plateau de fruits de mer, près
de 300 kilomètres d’autonomie… moyennant 8 € (source
IONITY), le coût imbattable de l’électricité comparé à celui
de l’essence.
Il ne reste plus qu’à regagner Paris, l’esprit tranquille, au
volant du premier SUV capable d’élargir l’horizon de la
voiture “zéro émission“.
 en collaboration avec

© Crédit photos : Thomas Cortesi

rès
ès appréciable en parcours péri-urbain.

CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES

Moteur : électrique PLAISIR DE CONDUITE

GARANTI
Puissance : 204 ch
ET PAS QUE...
0 à 100 km/h : 7,6 s
Vitesse maxi : 167 km/h Véritable alternative
Dimensions (m) : 4,18 m x 1,80 m x 1,57 m pratique et dynamique
CO2 : 0 g/km (CO2) à ses rivaux à moteur
Autonomie (cycle WLTP) : 449 km thermique, le Kona
Prix : 42 400 € electric se décline
en deux niveaux
Bonus : 6 000 €
de puissance (136
et 204 ch), la plus
modeste étant facturée
38 400 €. Garanties
5 ans, kilométrage
illimité, ces deux
versions bénéficient
d’un bonus de 6 000 €,
qui peut être augmenté
de 2 500 € en cas de
mise au rebus d’un
véhicule essence,
immatriculé avant
1997, ou d’un diesel
d’avant 2001. La
batterie lithium-ion,
elle, est garantie 8 ans
Publi-communiqué

ou 200 000 kilomètres.

De quoi lever les
derniers doutes…
 E N T R É E S L I B R E S

INITIATIVE

LA CRÈME DES CHOCOLATIERS FRANÇAIS

SUR UN MÊME SITE MARCHAND

A
Marc Valat et Patrice Calot ont convaincu u moment où les commerces de bouche
23 grands maîtres du cacao de proposer réunissant plusieurs signatures se multi-
ensemble leurs produits sur internet. plient, comme Fou de Pâtisserie, à Paris,
le principe gagne aussi internet avec la nais-
sance du premier et unique site européen
proposant les créations de 23 artisans chocolatiers français.
Et pas des moindres… Cinq meilleurs ouvriers de France,
trois champions du monde figurent dans le casting
composé par Marc Valat et Patrice Calot, à l’origine de
BonsChocolatiers.com. Issus du monde de la mode et du
luxe, ces deux épicuriens ont mis les technologies numériques
au service de maîtres du cacao reconnus pour qu’ensemble
ils valorisent, au-delà de leur région, des savoir-faire arti-
sanaux parmi les meilleurs au monde. Voilà désormais les
vitrines du Parisien Christophe Michalak, de l’Auxerrois
Olivier Vidal, du Cannois Jérôme de Oliveira, du Quiberon-
nais Henri Le Roux, du Lillois Quentin Bailly… à portée de
clic. Cette chocolaterie 2.0 dévoile plus d’un millier de gour-
mandises, toutes fabriquées maison, et permet notamment
de découvrir des spécialités méconnues comme le mini-
23
MARQUES SONT
1 000
CHOCOLATS
250
TABLETTES
calisson au chocolat noir IGP de Philippe Segond. Livraison
dans toute l’Europe sans surcoût par rapport à la vente en
REPRÉSENTÉES ET CONFISERIES DIFFÉRENTES
boutique. Laurence Haloche
BonsChocolatiers.com

SCIENCES

VOYAGER 2, VOYAGE AU BOUT DE L’ESPACE

La sonde lancée il y a 41 ans par la Nasa vient de pénétrer dans l’espace interstellaire.
Un moment magique et historique pour la plus longue mission spatiale de l’Histoire.

L
orsque Voyager 2 prit son Lancées à quelques jours d’écart,
envol, le 20 août 1977, Voyager 2 et sa sœur jumelle Voyager 1
Jimmy Carter était à la accomplissent les plus longues missions
Maison-Blanche et Valéry spatiales encore en activité. A leur
Giscard d’Estaing à l’Elysée. bord, un disque en cuivre plaqué or
Cette même année où Steve Jobs contenant des sons et des images
lançait sa société Apple Inc. et représentant la diversité de la vie et de
Charlie Chaplin nous quittait, la la culture sur Terre. On y trouve notam-
sonde construite par le mythique Jet ment des schémas scientifiques et
Propulsion Laboratory de Pasadena mathématiques, la chanson de
partait explorer notre système solaire. Chuck Berry Johnny B. Goode ou encore
Le 5 novembre dernier, quarante et un Le Sacre du printemps de Stravinsky
ans après son départ et plus de et La Flûte enchantée de Mozart, à ja-
18 milliards de kilomètres plus tard, mais flottant dans le grand vide. Là
Voyager 2 quittait l’héliosphère (la où elles sont, ces sondes mettent plus
COLINE SENTENAC, JPL/NASA

bulle protectrice constituée de parti- de 16 heures à envoyer un message

cules dépendant de l’activité solaire)
et entrait dans l’espace interstellaire.
Un espace qu’elle devrait mettre
30 000 ans à traverser avant de s’appro-
cher d’une nouvelle étoile, même si le
plutonium servant aujourd’hui de
source d’énergie pour faire fonc-
tionner ses instruments s’épuisait
aux alentours de 2025, comme le
prévoit la Nasa.
sur Terre. A titre de comparaison,
InSight, la sonde qui vient de se poser
sur Mars, n’a besoin que de 8 minutes
pour effectuer la même tâche…
Vincent Jolly

36/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 E N T R É E S L I B R E S

LES RENDEZ-VOUS DE
UN HOMME, UNE VOIX J-R VAN DER PLAETSEN

PÈRE MICHEL-MARIE ZANOTTI-SORKINE

L’ÉVANGILE AU CŒUR
Avec la force des prédicateurs, ce prêtre sait trouver les mots qui parlent aux foules.
Il rêve d’un christianisme qui réconcilierait le catéchisme des élites et la foi du charbonnier.

I
l chante le Christ, au sens pro-
pre du terme, dans les récitals
qu’il donne un peu partout en
France. Il Le loue dans tous
ses écrits, qu’il égrène avec la
régularité de l’auteur de best-sellers
qu’il est devenu. Et il Le prie chaque
jour en célébrant la messe. Il s’agit du
père Michel-Marie Zanotti-Sorkine,
que le grand public a découvert lors-
qu’il est apparu que, par son action
pastorale, il était parvenu à remplir
chaque dimanche sa paroisse, située
en terre de mission puisqu’elle était
implantée dans un quartier à majo-
rité musulmane de Marseille.
Quel étrange itinéraire que celui de
cet homme, un peu artiste, un peu
intello, assez extravagant et, malgré
tout, très homme d’Eglise. Juif
converti au catholicisme, à l’image
du cardinal Lustiger, très marqué
par l’enseignement du père Joseph-
Marie Perrin, qui fut le directeur spi-
rituel de la philosophe Simone Weil,
encouragé dans sa vocation de
chanteur par Tino Rossi, le père
ILLUSTRATION : ANDRÉ DE CHASTENET D’APRÈS UNE PHOTO DE JEAN-PHILIPPE NOLLE, VULCANUS/STOCK.ADOBE.COM
La phrase du livre à retenir (p. 462)
“A défaut de faire le bien,
ne faisons aucun mal,
et Jésus sera comblé
par sa création décevante”
L’ÉVANGILE À CŒUR OUVERT,
de Michel-Marie Zanotti-Sorkine.
Robert Laffont, 515 p., 22 €.
Michel-Marie ne correspond en rien
au portrait-robot du prêtre
d’aujourd’hui. Ce qui explique sans
doute les ennuis qu’il rencontre par-
fois auprès de sa hiérarchie.
Son idée fixe ? Remplir les églises qui
se vident. Et, sur ce sujet difficile, il
parle sans fard : « Nous ne sommes
plus que 3,5 millions de catholiques
pratiquants en France. Ce qui fait de
nous une minorité – la plus impor-
tante, certes, mais une minorité quand
même. Il faut donc aller chercher la re-
lève en montrant que le catholicisme,
c’est : 1) la démesure de l’amour 2) la
charité absolue 3) la beauté de la
liturgie. » Ecoutant cet homme qui
parle avec la force d’un prédicateur,
on comprend mieux l’enthousiasme
qu’il suscite auprès des foules, ainsi
que l’entrain et la joie qui émanent de
son Evangile à cœur ouvert, très beau
livre à lire d’urgence. Le père Michel-
Marie s’adresse à ceux qui croient,
bien sûr, mais aussi, et surtout, à ceux
qui ont perdu l’idée même de Dieu.
On forme le vœu qu’il soit entendu !

NOUS VIVONS UNE ÉPOQUE

FORMIDABLE,
PAR NICOLAS UNGEMUTH
PLAISIR D’OFFRIR

C
haque année, c’est la
même plaie : il faut
faire des courses
pour Noël… Des cadeaux, y
compris pour ceux qu’on
n’aime pas, car dans les
familles, tout le monde n’est
pas également aimable. Le
Figaro Magazine a repéré ce
qu’il faut acheter aux
indigents réunis autour de la
table le 25 décembre. Pour la
belle-mère qui se pique de
lectures, on recommande Un
tournant de la vie de Christine
Angot et Qui a tué mon père
d’Edouard Louis. Ces deux-là
sont des valeurs sûres :
chacun de leurs nouveaux
livres est garanti d’être
encore plus nul que le
précédent. Au sexagénaire
fan des sixties, on offrira
Enfin !, de Michel Polnareff,
un album tellement mauvais
qu’il en devient presque
fascinant (il y a même une
chanson consacrée au Père
Noël, L’Homme en rouge, qui
mettra tout le monde de
bonne humeur : « Sapin
éteint, les boules tombent et
cassent au son des ohohoh
(…) Y a pas d’soleil dans ma
misère, l’homme en rouge ne
m’réchauffera pas »).
Au jeune morveux adepte
des « musiques urbaines » –
les musiques rurales se font
rares par les temps qui
courent –, on ne se ruinera
pas en achetant le dernier
album de Jul, une authentique
diarrhée (40 morceaux)
rappée par le comique
marseillais. C’est un rebelle
(il y a une chanson intitulée
Je vais tout casser), mais il peut
faire preuve de tendresse
(une autre s’appelle Sur Pépé,
et s’il y a un Pépé à table,
il appréciera). Quant à l’oncle
cinéphile, étant donné que
le chef-d’œuvre de Didier
van Cauwelaert, J’ai perdu
Albert, avec le grand
comédien Stéphane Plaza,
n’est pas encore disponible
en DVD, il se contentera d’un
bon d’achat.

37/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

E S P R I T S L I B R E S

YOCHANAN KATZ

38/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Yoram Hazony
“LES NOUVEAUX UNIVERSALISTES
VOUENT AUX GÉMONIES
L’INDÉPENDANCE NATIONALE”
Le nationalisme est sur toutes les lèvres, et pourtant, affirme Yoram Hazony,
ce concept n’a jamais été aussi mal compris. Le philosophe entend réhabiliter
la « vertu du nationalisme », qu’il oppose à la « tentation impérialiste », et promouvoir
la vision d’un monde fondé sur l’indépendance et la liberté des nations.
Propos recueillis et traduits par Paul Sugy

Y
oram Hazony est spécialiste de la Bible et
docteur en philosophie politique. Il a fondé
le Herzl Institute et enseigne la philosophie
et la théologie à Jérusalem. Ce penseur de la
droite israélienne est également auteur de
nombreux articles publiés dans les journaux américains
les plus prestigieux, du New York Times au Wall Street
Journal. Presque inconnu en France, son livre The Virtue
of Nationalism a suscité un vif débat aux Etats-Unis.
Le 11 novembre dernier, Emmanuel Macron déclarait
aux chefs d’Etat du monde entier : « Le nationalisme est
la trahison du patriotisme. » Qu’en pensez-vous ?
Aujourd’hui, on ne cesse de nous répéter que le nationa-
lisme a provoqué les deux guerres mondiales, et on lui
impute même la responsabilité de la Shoah. Mais cette
lecture historique n’est pas satisfaisante. J’appelle « natio-
naliste » quelqu’un qui souhaite vivre dans un monde
constitué de nations indépendantes. De sorte qu’à mes
yeux, Hitler n’était pas le moins du monde nationaliste.
Il était même tout le contraire : Hitler méprisait la vision
nationaliste, et il appelle dans Mein Kampf à détruire les
autres Etats-nations européens pour que les Allemands
soient les maîtres du monde. Dès son origine, le nazisme
est une entreprise impérialiste, pas nationaliste.
Quant à la Première Guerre mondiale, le nationalisme
est loin de l’avoir déclenchée à lui seul ! Le nationalisme
serbe a fourni un prétexte, mais en réalité c’est la visée
impérialiste des grandes puissances européennes (l’Alle-
magne, la France, l’Angleterre) qui a transformé ce conflit
régional en une guerre planétaire. Ainsi, le principal
moteur des deux guerres mondiales était l’impérialisme,
pas le nationalisme.
Donald Trump, lui, avait déclaré il y a quelques semaines :
« Je suis nationaliste. » Y a-t-il aujourd’hui un retour du
nationalisme ?
Le nationalisme est en effet en vogue en ce moment :
c’est du jamais-vu depuis 1990, date à laquelle Margaret
Thatcher a été renversée par son propre camp à cause de
son hostilité à l’Union européenne. Depuis plusieurs
décennies, les principaux partis politiques aux Etats-
Unis et en Europe, de droite comme de gauche, ont
souscrit à ce que l’on pourrait appeler « l’impérialisme
libéral », c’est-à-dire l’idée selon laquelle le monde
entier devrait être régi par une seule et même législation,
imposée si besoin par la contrainte. Mais aujourd’hui,
une génération plus tard, une demande de souveraineté
nationale émerge et s’est exprimée avec force aux Etats-
Unis, au Royaume-Uni, en Italie, en Europe de l’Est et
ailleurs encore.
Avec un peu de chance et beaucoup d’efforts, cet élan
nationaliste peut aboutir à un nouvel ordre politique,
fondé sur la cohabitation de nations indépendantes
et souveraines. Mais nous devons aussi être lucides : les
élites « impérialistes libérales » n’ont pas disparu, elles
sont seulement affaiblies. Si, en face d’eux, le camp
nationaliste ne parvient pas à faire ses preuves, elles ne
tarderont pas à revenir dans le jeu.
Quel est ce « nouvel empire libéral » dont vous parlez ? Et
qu’entendez-vous exactement par « impérialisme » ?
Historiquement, le « nationalisme » décrit une vision
du monde où le meilleur système de gouvernement
serait la coexistence de nations indépendantes, et libres
de tracer leur propre route comme elles l’entendent. On
l’oppose à « l’impérialisme », qui cherche à apporter
au monde la paix et la prospérité en unifiant l’huma-
nité, autant que possible, sous un seul et même régime
politique. Les dirigeants de l’Union européenne, de
même que la plupart des élites américaines, croient dur
comme fer en l’impérialisme. Ils pensent que la démo-
cratie libérale est la seule forme admissible de gouverne-
ment, et qu’il faut l’imposer progressivement au monde
entier. C’est ce que l’on appelle souvent le « mondia-
lisme », et c’est précisément ce que j’entends par
« nouvel empire libéral ».
Bien sûr, tous les « impérialistes libéraux » ne sont pas
d’accord entre eux sur la stratégie à employer ! L’impéria-
lisme américain a voulu imposer de force la démocratie
dans un certain nombre de pays, comme en Yougoslavie, ____ u

39/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 E S P R I T S L I B R E S

“Le conflit entre nationalisme et impérialisme est aussi vieux

que l’Occident lui-même. La vision nationaliste est
l’un des enseignements politiques fondamentaux de la Bible”

en Irak, en Libye ou en Afghanistan. En Europe, on se en Europe après les traités de Westphalie signés en 1648,
désolidarise du militarisme américain : les impérialistes et qui ont permis l’existence d’une grande diversité de
allemands ou bruxellois préfèrent d’autres formes de points de vue politiques, institutionnels et religieux. Ces
coercition… mais leur objectif est le même. Regardez traités ont donné aux nations européennes un dynamisme
comment l’Allemagne cherche à imposer son programme nouveau : grâce à cette diversité, les nations sont devenues
économique à la Grèce ou à l’Italie, ou sa vision immi- autant de laboratoires d’idées dans lesquels ont été
grationniste à la République tchèque, la Hongrie ou la expérimentés, développés et éprouvés les théories philo-
Pologne. En Italie, le budget a même été rejeté par la sophiques et les systèmes politiques que l’on associe
Commission européenne ! aujourd’hui au monde occidental.
Est-ce que, selon vous, le nationalisme et l’impérialisme A l’évidence, toutes ces expériences ne se valent pas et
sont deux visions de l’ordre mondial qui s’affrontaient déjà certaines n’ont bien sûr pas été de grands succès. Mais
dans la Bible ? la réussite de l’une seule d’entre elles – la France, par
Le conflit entre nationalisme et impérialisme est aussi exemple – suffit pour que les autres l’imitent et appren-
vieux que l’Occident lui-même. La vision nationaliste est nent grâce à son exemple. Tandis que, par contraste, un
l’un des enseignements politiques fondamentaux de la gouvernement impérialiste comme celui de l’Union
Bible hébraïque : le Dieu d’Israël fut le premier qui donna européenne tue toute forme de diversité dans l’œuf. Les
à son peuple des frontières, et Moïse avertit les Hébreux élites bruxelloises sont persuadées de savoir déjà avec
qu’ils seraient punis s’ils tentaient de conquérir les terres exactitude la façon dont le monde entier doit vivre. Il est
de leurs voisins, car Yahvé a donné aussi aux autres pourtant manifeste que ce n’est pas le cas…
nations leur territoire et leur liberté. Ainsi, la Bible Mais ce « nouvel ordre international » n’a-t-il pas permis,
propose le nationalisme comme alternative malgré tout, un certain nombre de progrès en
aux visées impérialistes des pharaons, mais facilitant les échanges marchands ou en créant
aussi des Assyriens, des Perses ou, bien sûr, des une justice pénale internationale, par exemple ?
Babyloniens. Et l’histoire du Moyen Age ou Peut-être, mais nous n’avons pas besoin d’un
de l’époque moderne montre que la plupart nouvel impérialisme pour permettre l’essor
des grandes nations européennes – la France, du commerce international ou pour traîner
l’Angleterre, les Pays-Bas… – se sont inspirées en justice les criminels. Des nations indé-
de l’exemple d’Israël. pendantes sont tout à fait capables de se
Mais le nationalisme de l’Ancien Testament coordonner entre elles. Alors, certes, il y aura
ne fut pas tout de suite imité par l’Occident. toujours quelques désaccords à surmonter,
La majeure partie de l’histoire occidentale et il faudra pour cela un certain nombre de
est dominée par un modèle politique inverse : négociations. Et je suis tout à fait capable
celui de l’impérialisme romain. C’est de là « The Virtue of de comprendre que d’aucuns soient tentés
qu’est né le Saint Empire romain germanique, Nationalism », de se dire que, si on crée un gouvernement
qui a toujours cherché à étendre sa domina- de Yoram Hazony,
Basic Books,
mondial, on s’épargne toutes ces frictions.
tion, tout comme le califat musulman. Les 304 p., 19,49 $. Mais c’est là une immense utopie. La diversité
Français aussi ont par moments été tentés par des nations rend strictement impossible de
l’impérialisme et ont cherché à conquérir le monde : convenir, universellement, d’une vision unique en matière
Napoléon, par exemple, était un fervent admirateur de de commerce et d’immigration, de justice, de religion,
l’Empire romain et n’avait pour seul but que d’imposer de guerre ou de paix. La diversité des points de vue, et,
son modèle de gouvernement « éclairé » à tous les pays partant, chacun de ces désaccords, sont une consé-
qu’il avait conquis. Ainsi a-t-il rédigé de nouvelles consti- quence nécessaire de la liberté humaine, qui fait que
tutions pour nombre d’entre eux : les Pays-Bas, l’Alle- chaque nation a ses propres valeurs et ses propres inté-
magne, l’Italie, l’Espagne… Son projet, en somme, était le rêts. La seule manière d’éviter ces désaccords est de faire
même que celui de l’Union européenne aujourd’hui : régner une absolue tyrannie – et c’est du reste ce dont
réunir tous les peuples sous une seule et même législation. l’Union européenne se rend peu à peu compte : seules les
Pourquoi le modèle nationaliste est-il meilleur, selon vous ? mesures coercitives permettent d’instaurer une relative
Parce que ce modèle permet à chaque nation de décider uniformité entre les Etats membres.
ses propres lois en vertu de ses traditions particulières. Ne redoutez-vous pas la compétition accrue à laquelle se
Un tel modèle assure une vraie diversité politique, et livreraient les nations dans un monde tel que vous le souhai-
permet à tous les pays de déployer leur génie à montrer que tez ? Au risque de renforcer le rejet ou la haine de ses voisins ?
leurs institutions et leurs valeurs sont les meilleures. Un tel Dans mon livre, je consacre un chapitre entier à cette
équilibre international ressemblerait à celui qui s’est établi objection qui m’est souvent faite. Il arrive parfois qu’à

40/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 E S P R I T S L I B R E S

LA CHRONIQUE
DE FRANÇOIS D’ORCIVAL

force de vouloir le meilleur pour les siens, on en vienne

à haïr les autres, lorsque ceux-ci sont perçus comme
L’IMMIGRATION : CHANCE
des rivaux. Mais nous devons alors reconnaître, tout POUR LA PLANÈTE ?
aussi humblement, que les mouvements universalistes La gigantesque opération juridique
ne sont pas exempts non plus d’une certaine inclina- de l’ONU en faveur des droits des migrants
tion à la haine ou au sectarisme. Chacun des grands
courants universels de l’histoire en a fait montre, qu’il est potentiellement explosive.
s’agisse du christianisme, de l’islam ou du marxisme.
En bâtissant leur empire, les universalistes ont souvent
rejeté les particularismes nationaux qui se sont mis en
travers de leur chemin et ont refusé d’accepter leur
D u pacte mondial
des Nations unies
pour les migrations signé
des migrants » en persuadant
les opinions publiques
qu’il s’agit de « rendre
prétention à apporter à l’humanité entière la paix et la à Marrakech, on commence les migrations bénéfiques
prospérité. par dire qu’il est à tous ».
Cette détestation du particulier, qui est une constante « juridiquement non L’Immigration, une chance
dans tous les grands universalismes, est flagrante contraignant », qu’il pour la France : le livre
aujourd’hui dès lors qu’un pays sort du rang : regardez respecte « la souveraineté de Bernard Stasi fut publié
le torrent de mépris et d’insultes qui s’est répandu des Etats », qu’il les autorise en 1984. Soit il y a
même à « opérer la distinction trente-quatre ans !
contre les Britanniques qui ont opté pour le Brexit, entre migrations régulières Depuis, l’immigration
contre Trump, contre Salvini, contre la Hongrie, et irrégulières ». n’a cessé de poser
l’Autriche et la Pologne, contre Israël… Les nouveaux Mais l’objectif affiché par un défi majeur à la société
universalistes vouent aux gémonies l’indépendance ce pacte dans sa déclaration française, défi social,
nationale. finale est de rendre sécuritaire, identitaire,
En quoi le nationalisme est-il une « vertu » ? caduques ces dispositions communautaire, politique :
Dans le sens où un nationaliste ne prétend pas savoir ce qui – puisqu’il s’agit elle a fabriqué l’expansion
est bon pour n’importe qui, n’importe où dans le monde. Il de désarmer politiquement du salafisme, l’explosion
fait preuve d’une grande humilité, lui, au moins. N’est-ce les Etats devant de l’antisémitisme, et triplé
pas incroyable de vouloir dicter à tous les pays qui ils l’irréversibilité des les voix du Rassemblement
mouvements migratoires. national.
doivent choisir pour ministre, quel budget ils doivent voter, Et ce sont ces mêmes Etats L’opération de l’ONU
et qui sera en droit de traverser leurs frontières ? qui signent – y compris qui vise à faire des migrants
Face à cette arrogance vicieuse, je considère en effet le la France ! « une chance pour
nationalisme comme une vertu. Le nationaliste, lui, Au chapitre « Ambitions la planète », en leur
dessine une frontière par terre et dit au reste du monde : communes » de la accordant tous les droits
« Au-delà de cette limite, je renonce à faire imposer ma déclaration finale, il est « quel que soit leur statut
volonté. Je laisse mes voisins libres d’être différents. » Un indiqué qu’il faut « mobiliser migratoire » et en favorisant
universaliste répondra que c’est immoral, car c’est la la société civile, les milieux le principe d’« unité
marque d’une profonde indifférence à l’égard des universitaires, le secteur familiale » (le regroupement
privé, les parlementaires, familial, dont on sait
autres. Mais c’est en réalité tout l’inverse : le nationa-
les syndicats, les institutions ce qu’il nous a coûté),
liste est vertueux, car il limite sa propre arrogance et nationales de défense des fera les mêmes dégâts.
laisse les autres conduire leur vie à leur guise. droits de l’homme, les En balayant les questions
Que vous inspirent les difficultés qu’ont les Britanniques médias et autres acteurs » identitaires, elle les provoque.
à mettre en œuvre le Brexit ? N’est-il pas déjà trop tard pour favoriser les migrations. Contre la voix des majorités
pour revenir en arrière ? Quel Etat s’autoriserait hostiles, l’ONU compte
Non, il n’est pas trop tard. Si les différents gouverne- à « mobiliser » les médias, sur l’action persuasive des
ments nationalistes aujourd’hui au pouvoir dans le avec les syndicats et minorités. Les migrants,
monde parviennent à prouver leur capacité à diriger un les parlementaires, pour dit-on à son siège,
pays de manière responsable, et sans engendrer de haine quelque cause que ce soit ? c’est comme le droit
Ici, l’ONU, financée par les au mariage pour tous
ou de tensions, alors ils viendront peut-être à bout de
contributions de ses Etats ou ceux des LGBT, ce doit
l’impérialisme libéral. Ils ont une chance de restaurer un membres, se lance dans être considéré comme un
ordre du monde fondé sur la liberté des nations. Il ne une gigantesque opération phénomène non seulement
YOCHANAN KATZ ; DR

tient désormais qu’à eux de la saisir, et je ne peux prédire de propagande pour souhaitable mais inévitable.
s’ils y parviendront : j’espère seulement qu’ils auront « démonter les discours Le but est de tétaniser
assez de sagesse et de talent pour cela. ■ trompeurs qui donnent les opinions. Pour le moment,
Propos recueillis et traduits par Paul Sugy une image négative c’est en vain.

41/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018


ESSAIS
CENSURE
ET INTIMIDATION
L’avocat Emmanuel Pierrat dénonce les « nouveaux
censeurs » mais ferme les yeux sur la prospérité
d’un « discours intimidant », véritable terrorisme intellectuel
que Laurent Fidès analyse, lui, en détail.
L
e ridicule psychodrame
de l’affaire Aubade (lire
ci-contre)montre avant
tout une chose : au siècle
de la publicité et du consu-
mérisme sans frein, on a les batailles
d’Hernani qu’on peut.
Plus inquiétant est le bannissement
par Facebook de L’Origine du monde,
ce célèbre nu de Courbet que les algo-
rithmes du réseau social assimilent à
de la pornographie. La censure dans
l’art, précisément, l’avocat Emma-
nuel Pierrat y consacre son dernier es-
sai : dans Nouvelles morales, nouvelles
censures (1), ce spécialiste du
droit de la culture étrille les
« ligues de vertu du IIIe millé-
naire » dont il recense les
multiples atteintes à la liberté
d’expression et de création.
Et de les énumérer : Tintin,
Orelsan, Gainsbourg, la ciga-
rette de Sartre, Delacroix,
Céline, Carmen…
Les nouveaux moralistes
dont la bonne conscience
est d’autant plus légitime
qu’elle épouse chacune des
dernières luttes en vogue
(du mouvement #MeToo
à la défense des droits des
animaux) réécrivent telle
œuvre qui passe pour une
légitimation de la culture
du viol, ou frappent d’inter-
dit tel auteur au passé judi-
c i a i re ( m ê m e ex p i é ) j u g é t ro p
lourd… On frise parfois le ridicule :
ainsi le chanteur Damien Saez, qui
pourtant dénonce la marchandisation
des corps et la société de consom-
mation, voit sa pochette d’album
censurée : elle montre le corps dénudé
d’une femme dans un Caddie. L’artiste
est condamné au motif qu’il pro-
mouvrait cela même qu’il entend
dénoncer ! C’est ne rien comprendre
E S P R I T S L I B R E S
à l’art, qui bien souvent représente
pour mieux critiquer.
Hélas, Emmanuel Pierrat s’arrête
trop vite en chemin : s’il défend la
liberté d’expression des artistes, il
reconnaît toutefois au principe des
« limites communément admises
(racisme, antisémitisme…) ». Mais
comment ne pas voir que ces limites, si
elles sont légitimes, sont trop souvent
employées comme instrument idéolo-
gique pour neutraliser tout discours
contraire à la « nouvelle morale » ?
Encore un petit effort, Maître !
Les ressorts de cette culpabilisation
de la pensée politiquement
incorrecte sont analysés
avec précision, cette fois,
par Laurent Fidès. Cet
agrégé de philosophie
décrypte de manière très
convaincante, dans Face
au discours intimidant (2),
les procédés qu’emploient
ces mêmes moralistes pour
exclure tous les mal-pensants.
« Le discours intimidant,
écrit-il, est un discours
culpabilisant, qui diabolise,
criminalise, anathémise,
déshonore toute pensée non
conforme en la désignant
comme fasciste, négation-
niste, monstrueuse et patho-
logique. »
Le talent de Laurent Fidès
est de décrire avec préci-
sion les procédés d’intimidation qui
pèsent sur la pensée pour faire taire
les récalcitrants. A ce titre, ce livre
est un manuel d’autodéfense intel-
lectuelle, plus que jamais salutaire.
Paul Sugy
(1) Nouvelles morales, nouvelles censures,
d’Emmanuel Pierrat, Gallimard, 165 p., 15 €.
(2) Face au discours intimidant. Essai sur
le formatage des esprits à l’ère du mondialisme,
de Laurent Fidès, L’Artilleur, 220 p., 12 €.
42/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
CULTURELLEMENT CORRECT
UNE HISTOIRE
DE FESSES
A
insi donc, les vestales
du culte des élégances
féminines peuplant les
couloirs de la mairie de Paris
ont hurlé au scandale sexiste
en voyant sur la façade des
Galeries Lafayette, boulevard
Haussmann, à Paris, une
affiche de lingerie de la
marque Aubade. Pensez donc :
on y montrait une jolie culotte
recouvrant joliment de jolies
fesses. Mais pas de tête
de femme à l’horizon.
Pour le commun des mortels,
vanter les mérites de sous-
vêtements en les plaquant
sur un visage n’a guère de sens
mais chez les Chiennes de
garde et autres féministes
vigilantes, si. D’où protestations,
admonestations et tweets
rageurs. Par chance,
la découverte de ce scandale
a été faite par une élue
communiste, Hélène Bidard :
fidèle à la réputation d’un parti
toujours autant en avance
sur son époque, elle l’a donc
signalé le 11 décembre.
C’est-à-dire le dernier jour
de la campagne d’affichage
d’Aubade. C’est ballot.
Pour lui éviter d’autres chocs
si la nudité féminine l’effraie
à ce point, on lui conseille
de fuir les parcs et les musées
de la capitale qui regorgent
JULES WESOLOWSKI/LE PARISIEN/MAXPPP ; DR
de fesses peintes ou sculptées
(et rarement culottées,
de surcroît). On y trouve aussi
parfois des seins nus. Par
exemple au Louvre, sur un
tableau de Delacroix. Ils sont
la propriété d’une femme qui
porte un joli nom : Liberté.
Jean-Christophe Buisson
 E S P R I T S L I B R E S

ÉRIC ZEMMOUR

LE RÉFÉRENDUM D’INITIATIVE CITOYENNE,

CE CHIFFON ROUGE POUR LES ÉLITES

R
IC. C’est le nouveau sigle à la mode. Ce sont
les « gilets jaunes » qui l’ont popularisé. Le
Référendum d’initiative citoyenne est leur
marque de fabrique, leur revendication
politique, leur réponse à leur sentiment de
dépossession démocratique. Le gouvernement, les
parlementaires, les élites médiatiques et administratives
font mine d’accueillir favorablement cette idée. Mais
c’est pour mieux l’enterrer. Déjà, il y a dix ans, lors de
la révision constitutionnelle, Nicolas Sarkozy avait agi de
même : avaliser le concept pour mieux
le rendre impossible.
Pourtant, le référendum est une des
grandes innovations de la Ve République.
Mais seul le Président avait jusqu’alors
le droit de poser la question. Le général
de Gaulle avait conçu le référendum
comme un moyen de contourner et de
vaincre la résistance des élites, qu’elles
soient partisanes, parlementaires, écono-
miques ou syndicales. La Ve Républi-
que était conçue dans son esprit pour établir le contact
direct entre le monarque élu et le peuple, par-dessus
les « notables et les notoires ». Et quand le peuple se
détournait du roi, celui-ci s’en allait.
Mais depuis lors, l’esprit des institutions a été dévoyé : les
présidents n’organisent plus de référendum ; et quand
ils le perdent, ils ne partent pas (Chirac) ; et quand le
peuple vote non à la Constitution européenne (2005), le
pouvoir la lui impose quand même (Sarkozy 2007). Les
élites, qu’elles soient administratives, politiques, média-
tiques, ont retourné l’efficacité des institutions de la Ve
contre le peuple. Avec le scrutin majoritaire, on empêche
la représentation des partis d’opposition. Au nom de
l’Europe, on a donné à Bruxelles d’innombrables compé-
tences qu’on ne peut plus discuter à Paris. Au nom de
l’Etat de droit, on a donné au juge, qu’il soit français ou
étranger, le pouvoir d’établir ce qui était conforme ou
pas aux grands principes. La démocratie n’est plus le
pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple, mais
le pouvoir des oligarchies par la technostructure pour
les minorités et les lobbys.
Déjà, on nous explique que le RIC
devrait d’abord passer par le filtre du
Conseil constitutionnel et du Conseil
d’Etat. Une bonne manière de le tuer
dans l’œuf. Ensuite, on interdit d’avance
des sujets comme l’immigration ou la
peine de mort. Ce sont pourtant les
sujets qui intéressent le peuple.
Nos élites veulent bien de la démocratie si
le peuple ne peut rien dire. Elles appellent
démagogie ou populisme ce qui est désaccord idéologique
ou philosophique avec leurs conceptions du monde, du
pays, de l’Homme. Elles veulent bien reconnaître que le
référendum fonctionne en Suisse ou en Californie. Mais
pas en France. Elles pensent que les Français sont des imbé-
ciles, des ploucs, des racistes. Elles sont comme les élites
bourgeoises sous Louis-Philippe qui s’accrochaient au
suffrage censitaire par peur du suffrage universel. Le RIC
serait le seul moyen de rétablir un authentique suffrage
universel. Eric Zemmour

LA MINUTE PHILO
DU COMMERCE AVANT TOUTE CHOSE

I l est probable que les dealers

de la cité du Londeau
à Noisy-le-Sec ne sont pas
des grands lecteurs de Bernard
Mandeville. Ils ont pourtant
parfaitement compris sa Fable
des abeilles, dont la morale est
que « les vices privés font le bien
public ». Autrement dit que
« la main invisible du marché »
régule d’elle-même, pour le
meilleur, les passions égoïstes
des individus. En revanche,
les élèves du lycée Olympe-
ni Mandeville ni Adam Smith,
qu’ils sont pourtant censés
avoir lu. C’est sans doute
pourquoi, il y a quelques jours,
ils manifestaient bruyamment,
incendiant quelques poubelles
et perturbant l’ordre public.
Ils perturbaient surtout la liberté
du commerce. La libre circulation
des personnes et des biens.
Entendons qu’ils entravaient
la liberté d’entreprendre
d’industrieux dealers épris
de réussite. Ceux-ci tentèrent
à leur business » et que rien
ne saurait s’opposer à « la main
invisible du marché ». Rien n’y fit.
Des échanges animés
s’ensuivirent, au cours desquels
les poings bien visibles
du marché rétablirent l’ordre.
Depuis, le commerce a repris
ses droits et les écoliers sont
redevenus sages. Infortune de la
vertu ? Pas si simple ! Les lycéens
ne sont-ils pas un cœur de cible
pour les dealers ? Comment
pourraient-ils déplorer les effets
ISA HARSIN/SIPA

de-Gouges jouxtant la cité bien d’expliquer aux enragés dont ils chérissent les causes ?
n’ont manifestement compris de la vertu « qu’ils nuisaient Paulin Césari

44/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 CANN ES AU CTIO N
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 QUI
ÉTAIT
VRAIMENT
MARIE ?
Celle qui donna naissance à Jésus il y a un plus de 2 000 ans est l’objet
d’une piété populaire universelle qui se manifeste notamment par de grandioses
pèlerinages et l’exécution de nombreuses œuvres d’art.
Mais qui était vraiment cette femme au cœur de la foi chrétienne
et pourtant à peine évoquée dans les Evangiles ?

Par Jean Sévillia

46/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 En couverture

Vénérée dès le
IIe siècle, Marie
WORRADIREK/STOCK.ADOBE.COM

– Mère du Christ,
Vierge et Sainte – vit
sa figure s’imposer
pleinement dans
l’Eglise d’Occident à
partir du XIe siècle.

47/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 En couverture
Autochrome de Bethléem
en 1900. C’est dans ce village
au sud de Jérusalem, devenu
aujourd’hui une ville de
Cisjordanie de 200 000 habitants,
que Marie mit au monde
Jésus de Nazareth.
MARIE N’EST PAS UN PERSONNAGE DE FICTION,
LES TEXTES EN ATTESTENT
F
êtée depuis le IIIe siècle à la date du
25 décembre, la naissance du Christ,
qui met Jésus en scène dans la crèche,
entouré de Joseph et Marie, est l’un
des sujets les plus traités de l’art
religieux occidental. Paradoxale-
ment, pourtant, la Nativité fait l’ob-
jet, par les évangélistes, d’un récit
laconique. Matthieu se contente de
s i g n a l e r q u e Jé s u s e s t n é « à
Bethléem de Judée aux jours du roi Hérode » et que,
convoqués par ce dernier, les mages se rendirent sur les
lieux, virent « l’Enfant avec Marie sa mère » et se proster-
nèrent devant lui (Mt 2, 1-12). Luc, à peine plus expli-
cite, raconte que l’Enfant est venu au monde au cours
d’un voyage imposé à Joseph par un recensement et que,
n’ayant pas trouvé de place à l’hôtellerie, à Bethléem,
Marie a dû accoucher dans des conditions précaires, et
coucher le nouveau-né « dans une mangeoire » (Lc 2, 1-7).
Par milliers, peintures, dessins et sculptures, depuis au
moins seize siècles, ont représenté Marie et son enfant.
Nous ignorons néanmoins le vrai visage de cette femme,
même si une tradition soutient que l’apôtre saint Luc
aurait peint une icône de la Mère de Dieu qu’il aurait
donnée à son disciple Théophile, et que l’impératrice
Eudoxie, veuve de Théodose le Jeune, au Ve siècle, aurait
48/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
récupérée en Palestine : une copie de cette icône se
trouve dans la basilique Sainte-Marie-Majeure (1).
Marie, cependant, n’est pas un personnage de fiction : dès
lors que l’existence de Jésus est attestée, celle de sa mère,
par définition, l’est aussi. Les faits nous sont connus par
les Evangiles. Jésus est né au temps du roi Hérode le
Grand, qui est mort en 4 avant J.-C. Le début de notre ère
ayant été fixé, au VIe siècle, par Denys le Petit, avec une
erreur de quelques années par rapport à la chronologie
romaine, la venue au monde du Christ a eu lieu avant cette
date. Huit jours après sa naissance, il a été nommé Jésus et
circoncis, conformément à la loi juive. Puis Joseph et
Marie, afin d’échapper aux poursuites d’Hérode qui avait
commandé de tuer les enfants de moins de 2 ans à
Bethléem, se sont enfuis en Egypte avant de revenir en
Galilée après la mort du roi.
NOUS EN SAVONS PEU
SUR L’ENFANCE DE JÉSUS
De l’enfance de Jésus, évoquée seulement par Matthieu et
AKG-IMAGES / ULLSTEIN BILD
Luc, nous ne savons presque rien. Les quatre Evangiles,
en revanche, évoquent Jean-Baptiste, prédicateur popu-
laire qui, installé sur les bords du Jourdain en l’an 27 de
notre ère, annonce l’arrivée imminente du royaume de
Dieu et en donne pour signe le baptême par immersion
dans le fleuve. A son tour, Jésus vient se faire baptiser ____
u
 Grand prix
du livre d’histoire

En haut, « L’Annonciation » d’Orazio Gentileschi
(1623) ; ci-dessus, « L’Adoration des bergers »,
du Caravage (1609). La naissance du Christ
demeure un des sujets les plus représentés
dans l’art religieux occidental.
50/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
LE NOM DE MARIE N’APPA
DANS LES ÉVANGILES.
IL FAUT RECOURIR AUX
par lui, mais Jean le désigne comme le messie annoncé
par les prophètes et attendu par les Juifs. Vers l’an 28, au
terme d’un séjour dans le désert, Jésus commence son
ministère en prêchant en Galilée et en Judée, multipliant
les miracles. Son premier voyage à Jérusalem peut être
daté de la Pâque de l’an 28 (expulsion des marchands du
Temple). La multiplication des pains, selon les exégètes,
a lieu un an plus tard, lors de la Pâque de l’an 29. A ce
moment-là, la foule veut le proclamer roi d’Israël et dé-
clencher la révolte contre les Romains qui occupent le
pays. Confronté à cette attente, Jésus répond que son
royaume « n’est pas de ce monde ». En compagnie de ses
disciples, il se rend quatre fois encore à Jérusalem. Les
historiens s’accordent sur le fait qu’il a été arrêté, jugé et
condamné à mort, à Jérusalem, pendant la Pâque de
l’an 30, sous le règne de l’empereur Tibère et sous
l’administration romaine du préfet Ponce Pilate. La vie
publique de Jésus a duré trois ans.
A l’égard de Marie, en revanche, les Evangiles sont d’une
grande discrétion. Luc cite douze fois son nom, Matthieu
cinq et Marc une seule fois. Jean, pour sa part, ne l’appelle
que la « mère de Jésus ». Marie – Myriam en hébreu ou en
araméen, Mariam ou Maria en grec – apparaît aussi dans
les Actes des Apôtres, un livre du Nouveau Testament
généralement attribué à Luc, ainsi que dans les apo-
cryphes, écrits du début de l’évangélisation auxquels
l’Eglise ne reconnaît pas le statut canonique et dont les
auteurs ne sont pas reconnus ou réellement identifiés,
mais dont l’ancienneté et l’authenticité ne sont pas
contestés, ce qui leur confère une valeur historique.
Le Protévangile de Jacques, qui date du IIe siècle, reprend
ainsi des récits populaires qui ne peuvent être négligés,
venant d’une société où les connaissances se transmet-
taient souvent oralement. Ce texte relate que Marie était
née de parents âgés, Anne et Joachim. Jean-Christian
Petitfils rappelle que ceux-ci appartenaient au même
clan davidique que Joseph, le charpentier de Nazareth,
considéré comme l’héritier direct de la dynastie, auquel
ils accordèrent leur fille en mariage (2). A l’époque, chez
les Juifs, les fiançailles revêtaient un caractère d’engagement
définitif, obligeant à la fidélité : la cohabitation n’était
permise qu’au bout d’un an, lors du mariage. Or, Marie,
jeune fille de 14 ou 15 ans, avait fait, pour des raisons
religieuses, un vœu de virginité perpétuelle, sans qu’on
sache si ce vœu était secret.
Dans la scène de l’Annonciation, Luc décrit l’appel que,
fiancée, Marie reçoit à Nazareth. L’ange Gabriel lui
annonce la naissance de Jésus : « Il sera grand et sera appelé
 En couverture

RAÎT QUE DIX-SEPT FOIS

POUR EN SAVOIR PLUS,
TEXTES APOCRYPHES

Fils du Très-Haut. Et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de

David son père. » Marie s’étonne, puisqu’elle est vierge ;
l’ange répond : « L’Esprit saint surviendra sur toi […] L’être
saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu. » Marie consent
alors : « Je suis l’esclave du Seigneur, qu’il m’advienne selon
ta parole » (Lc 1, 26-38). Plus tard, en visite chez sa cousine
Elisabeth, qui est enceinte du prophète Jean-Baptiste, sa
joie éclate, lors de l’épisode de la Visitation, dans le chant du
Magnificat : « Mon âme magnifie le Seigneur et mon esprit
exulte en Dieu mon sauveur, parce qu’il a jeté les yeux sur la
bassesse de son esclave » (Lc 1, 39-56).
Joseph, cependant, apprend l’état de sa future épouse,
enceinte « avant qu’ils eussent habité ensemble ». Selon
l’évangéliste Matthieu, cet « homme juste, qui ne voulait
pas la bafouer, résolut de la répudier en cachette ». Il reçut « Pietà » de Luis de Morales (XVIe siècle, Salamanque).
cependant en songe la visite de l’ange du Seigneur :
« Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre avec toi
Marie, ton épouse ; car ce qui a été engendré en elle est de
par l’Esprit saint » (Mt 1, 18-20). L’humble charpentier
comprit ainsi que le dessein de Dieu était que Marie eût
un mari protecteur, et son fils un père nourricier.
Luc a conté la suite : la naissance de Jean-Baptiste, suivie,
six mois plus tard, de celle de Jésus et de l’arrivée des
bergers, la circoncision de l’enfant au huitième jour, sa pré-
sentation au Temple le quarantième jour après l’accouche-
ment, et la prophétie du vieillard Syméon à Marie : « Vois :
cet enfant est là pour la chute et le relèvement de beaucoup en
Israël, et pour être un signe en butte à la contradiction – et toi-
même, une épée te transpercera l’âme ! – afin que de bien des
cœurs soient révélés les raisonnements. » (Lc 2, 1-35).

MARIE ET JÉSUS
AUX NOCES DE CANA
Dans le silence de Nazareth, Marie « gardait toutes ces
LUISA RICCIARINI/LEEMAGE ; ALFREDO DAGLI ORTI ; DEAGOSTINI/LEEMAGE

choses en son cœur », écrit saint Luc (2, 51). Ce n’est que
graduellement qu’elle mesurera le sens de ce qu’elle
méditait, jusqu’au Calvaire auquel Syméon avait fait
allusion. Quand Jésus grandit, Marie partage sa vie à Au service des communautés religieuses
Nazareth, près de l’atelier de Joseph. Quand il commence chrétiennes et de leur patrimoine
sa prédication, elle accompagne ses deux premières
montées à Jérusalem. Invitée avec lui aux noces de Cana, Legs et donations
en exonération de droits de mutation
c’est elle qui lui suggère son premier signe – changer Agnès Larnaudie-Eiffel – 01 45 31 62 81 – 14, rue Brunel 75017 Paris
l’eau en vin. Elle est avec lui à Jérusalem, durant la Fondation reconnue d’utilité publique
Pâque de l’an 30, et se trouve au pied de la Croix où son
fils, avant de mourir, la confie à son disciple Jean (Jn 19, Dons en ligne sur
26-27). A la Pentecôte, Marie se tient dans la chambre www.fondationdesmonasteres.org
haute où les disciples, qui forment l’Eglise naissante,
reçoivent l’effusion de l’Esprit. Le Nouveau ____ u
 En couverture
Le puits de Sainte Marie
à Jérusalem (peinture
de Polenov, 1882).
L’ÉGLISE PRIMITIVE NE LUI RENDAIT PAS UN CULTE,
EXCLUSIVEMENT RÉSERVÉ AU CHRIST
Testament ne précise pas quand ni comment elle quitta
ce monde, mais la tradition rapporte qu’elle a achevé sa
vie auprès de l’apôtre Jean – à Ephèse (aujourd’hui en
Turquie), selon certaines sources que contredisent les
données archéologiques, ou plus sûrement à Jérusalem.
Le seul titre que Marie s’est donné par deux fois (Lc 1,
38 et 48) est celui d’« esclave » ou de « servante ». Avec
humilité et simplicité, cette femme pauvre a accepté sa
mission : donner une existence humaine au fils de Dieu.
Mais l’Eglise primitive ne lui rendait pas un culte. Pour
René Laurentin (3), les raisons en sont l’exclusivité du
culte rendu au Christ, les préjugés ambiants atténuant
l’attitude novatrice du christianisme qui, par le bap-
tême, plaçait à égalité les hommes et les femmes, et la vo-
lonté de ne pas assimiler la Vierge aux déesses païennes.
C’est donc par un long travail de structuration théologi-
que, effectué à partir des Ecritures et de la Tradition, que
la mère du Christ prendra sa place dans la religion
chrétienne. Vénérée dès le IIe siècle, Marie est qualifiée,
dès le IIIe siècle, de Theotokos, du grec theos, « dieu »,
et tokos, « enfantement » : celle qui a enfanté Dieu. Mais
en 428, Nestorius, le patriarche de Constantinople,
conteste ce qualificatif, au prétexte de distinguer en
Jésus une personne divine et une personne humaine :
Marie, dès lors, ne peut être mère que de la personne
humaine. En 431, le concile d’Ephèse condamne la doc-
trine de Nestorius – le nestorianisme – et confirme le
52/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
titre de Theotokos de Marie. En 451, le concile de
Chalcédoine précise la double nature du Christ, vrai
Dieu et vrai homme, engendré du Père en vertu de sa
nature divine et engendré par Marie Theotokos en vertu
de sa nature humaine.
POUR L’ÉGLISE CATHOLIQUE,
MARIE A ÉCHAPPÉ AU PÉCHÉ ORIGINEL
A partir du XIe siècle, sous l’appellation de « Notre-
Dame », la figure de Marie s’impose dans l’Eglise
d’Occident. La mariologie, discipline théologique à part
entière, remplit des bibliothèques de traités savants. En
1854, le pape Pie IX proclame le dogme de l’Immaculée
Conception. Celui-ci, contrairement à l’erreur
FINEARTIMAGES/LEEMAGE ; THOMAS GOISQUE LE FIGARO MAGAZINE
courante, n’a rien à voir avec la naissance de Jésus, mais
affirme que la Vierge, par une grâce unique, a été préser-
vée du péché originel. Mère du Christ, Vierge et Sainte,
Marie, par son fiat, marque spontanée d’obéissance à
Dieu, exerce un rôle dans l’économie du salut, puisque
c’est par elle que le Sauveur est venu parmi les hommes.
Des centaines de titres et de dignités lui sont attribués par
les écrits des Pères de l’Eglise, les textes liturgiques, les
documents pontificaux ou la dévotion populaire :
Temple de Dieu et Porte du Ciel, Arche qui a porté Dieu
en elle, Fille de Sion, Reine des apôtres, Reine des cieux,
Reine des prodiges, Nouvelle Eve, Mère de Dieu,
Sainte-Mère, etc. ____u
 Le monastère orthodoxe
de Mar Saba, en Judée, près
de Bethléem, est dédié à
Marie Mère de Dieu.

LA RENCONTRE
DE LA PHILANTHROPIE

ET DE L’ESPÉRANCE
Selon l’Eglise, Marie, mère du Christ, est restée vierge en
raison de la dignité de sa mission et de sa place auprès de son
Fils dans l’œuvre de la Rédemption. Comment aurait-elle
pu avoir d’autres enfants ? Les « frères de Jésus » nommés
par l’Evangile sont en réalité des cousins, des parents dont
les mères ne se confondent pas, d’ailleurs, avec Marie de Na-
zareth. Les premiers chrétiens, par conséquent, n’ont pas
douté que Marie de Nazareth fût la mère de Dieu, et pas
douté de sa virginité. A leur suite, l’Eglise n’a jamais cessé
d’affirmer que Marie était vierge avant et après la naissance
du Christ, car cette femme « très sainte et très pure charnelle-
ment et spirituellement, n’a été conçue par Dieu que pour don-
ner naissance à un seul fils, le sien », observe Jean-Christian
Petitfils, parlant ici en chrétien (4). Mais, parlant en histo-
rien, celui-ci souligne que non seulement « la conception vir-
ginale était aussi peu crédible à l’époque qu’aujourd’hui »,
mais qu’en plus « elle allait à contre-courant du contexte
culturel du Premier Testament, où la virginité était perçue de
manière négative ». Et Petitfils de poursuivre : « Matthieu et
Luc, loin d’avoir inventé l’idée de la conception virginale, en
ont hérité de récits antérieurs, oraux ou écrits », ce qui prouve
la force de cette version des faits, « plus embarrassante que
valorisante dans le contexte juif du moment » (5).
LA VIRGINITÉ ET LA MORT DE LA VIERGE MARIE SONT
MAIS SA PUISSANCE D’ATTRACTION UNIVERSELLE
54/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
L’enfantement virginal de Jésus, mythe ou vérité histori-
que ? Répondant à cette question, Joseph Ratzinger
observait que la naissance par la Vierge et la résurrec-
tion de Jésus sont tous deux « un scandale pour l’esprit
moderne » parce qu’on concède à Dieu d’opérer « sur les
idées et les pensées, dans la sphère spirituelle, mais non
dans la sphère matérielle ». Or, ajoutait le pape théolo-
gien, « si Dieu n’a pas aussi pouvoir sur la matière, il n’est
pas Dieu », observation lui permettant de conclure que
« la conception et la naissance de Jésus de la Vierge Marie
sont un élément fondamental de notre foi » (6).
LA MORT DE MARIE
EST UN MYSTÈRE
Autre mystère au regard de l’esprit moderne : on ne sait
rien de la fin de Marie, qui a pu être inhumée à Gethsé-
mani, dans la vallée du Cédron, à Jérusalem. Pour évo-
quer sa fin glorieuse et son passage à la vie céleste, les
catholiques parlent d’Assomption, les orthodoxes de
Dormition. Ces formules recouvrent des significations
théologiques assez voisines, qui supposent que le corps
de Marie, préservé de la corruption, ait été élevé au Ciel.
Rapportée dès le IIe siècle, érigée en dogme par Pie XII
A gauche, le pèlerinage marial de Lourdes, qui accueille
chaque année des millions de fidèles. En haut,
la grotte de la Nativité, à Bethléem. Ci-dessus, le pape
François devant une représentation de la Vierge,
dans la basilique Sainte-Marie-Majeure, à Rome, en 2013.
 En couverture
en 1950, la tradition de l’Assomption rencontre ce fait
historique : à aucun moment, même au Moyen Age
chrétien qui a produit des milliers de fausses reliques, on
n’a vénéré de relique corporelle de Marie.
SUR 2 400 APPARITIONS MARIALES,
PEU SONT RECONNUES
Sans doute la mère de Jésus a-t-elle suscité très tôt une
ferveur et des excès appelant un discernement critique.
En réaction à certains débordements, le protestantisme
aura une approche plus réservée de Marie, même si
Luther et Calvin ont reconnu en elle « celle qui a engen-
dré Dieu ». Au XXe siècle, toutefois, le théologien Karl
Barth s’est efforcé de réhabiliter Marie au sein de la
Réforme. En Islam, en revanche, la vénération envers
Marie se porte non sur la mère de Dieu, mais sur la mère
d’Issa (Jésus), qui est un simple prophète.
Sur les 2 400 apparitions de la Vierge documentées par les
historiens, une infime partie a été officiellement reconnue
par l’Eglise (7). Parmi celles-ci brillent Guadalupe au
Mexique, Lourdes en France, Fatima au Portugal, Zeitoun
en Egypte ou Kibeho au Rwanda. Les apparitions mariales
ne sont pas un article de foi – nul chrétien n’est obligé d’y
DES MYSTÈRES AU REGARD DE L’ESPRIT MODERNE,
VA BIEN AU-DELÀ DU CERCLE DES SEULS CROYANTS
WOJTEK BUSS/CIRIC ; THOMAS GOISQUE LE FIGARO MAGAZINE ; FRANCO ORIGLIA GETTY IMAGES
55/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
croire – mais nourrissent de fait une piété populaire qui
traverse les siècles et les frontières.
Telle est la puissance d’attraction de Marie qu’elle est
présente non seulement dans la prière des chrétiens, mais
parfois de ceux qui ont perdu la foi, comme le rappelle un
poète mort il y a cent ans, Guillaume Apollinaire (8) :
« Quand j’étais un petit enfant/Ma mère ne m’habillait
que de bleu et de blanc/O Sainte Vierge/M’aimez-vous en-
core/Moi je sais bien que je vous aimerai/Jusqu’à ma mort/
Et cependant c’est bien fini/Je ne crois plus au ciel ni à
l’enfer/Je ne crois plus je ne crois plus/Le matelot qui fut
sauvé/Pour n’avoir jamais oublié/De dire chaque jour un
Ave/Me ressemblait me ressemblait. » ■ Jean Sévillia
(1) Pascal-Raphaël Ambrogi et Dominique Le Tourneau, Dictionnaire
encyclopédique de Marie, Desclée de Brouwer, 2015.
(2) Jean-Christian Petitfils, Dictionnaire amoureux de Jésus, Plon, 2015.
(3) Dictionnaire des religions, sous la direction de Paul Poupard, PUF, 2007.
(4) Dictionnaire amoureux de Jésus.
(5) Jean-Christian Petitfils, Jésus, Fayard, 2011.
(6) Joseph Ratzinger – Benoît XVI, L’Enfance de Jésus, Flammarion,
2012.
(7) René Laurentin et Patrick Sbalchiero (dir.), Dictionnaire des
« apparitions » de la Vierge Marie, Fayard, 2007.
(8) In Le Guetteur mélancolique.
Jérusalem depuis le mont des
Oliviers, au pied duquel se trouve
Gethsémani, où Marie aurait été
inhumée avant son Assomption.
Tibet
SUR LES
TRACES
DE LA
PANTHÈRE
DES NEIGES
La trouver est un graal pour bien des voyageurs. Sa quête ensorcelle :
il faut se brûler les yeux sur la roche, sur la neige pour espérer l’apercevoir
au milieu des autres animaux qui peuplent les montagnes du plateau
tibétain. L’écrivain voyageur Sylvain Tesson a accompagné le photographe
naturaliste Vincent Munier à la recherche du plus fascinant des félins.
Le livre qu’ils viennent de publier est une ode au monde sauvage.
Par Sylvain Tesson (texte) et Vincent Munier (photos)

56/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Reportage

57/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Reportage

Terrés au fond d’une grotte ou dans des bivouacs de fortune, l’écrivain Sylvain Tesson et le photographe Vincent Munier
sont restés à l’affût le temps d’un hiver dans l’attente d’une apparition, apercevant un jour ces loups gris en ordre de bataille.

58/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

Dans la désolation glaciale des contreforts de l’Himalaya, le silence et la grâce, la ruse, la patience et l’abnégation
sont les armes du prédateur, une question de survie pour la panthère des neiges.

59/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

E
n février 2018, le photogra-
phe animalier Vincent
Munier reprenait le che-
min du plateau tibétain
pour la quatrième année
consécutive. Au cœur de l’hiver, par
des températures descendant sous les
– 30 °C, il retournait dans le haut bassin
du Mékong et sur les franges septen-
trionales du plateau du Chang Tang
afin de pister deux de ses animaux
fétiches : le yack sauvage et la pan-
thère des neiges. Du premier il ne reste
que 15 000 spécimens sur la Terre. De
la seconde, moins de 6 000. L’aire
d’habitation du félin recouvre les reliefs
de la haute Asie, dans un quadrilatère
bordé au nord par l’Altaï russe, au sud
par la chaîne de l’Himalaya, à l’ouest
par le plateau du Pamir et à l’est par
les contreforts du Thibet (par conser-
vatisme j’use de la vieille orthographe,
celle de Victor Segalen).
LA FIN DU MONDE SAUVAGE
Quelques mois après le séjour de
Munier, en octobre 2018, le WWF
publiait un rapport annonçant la
disparition de 60 % des espèces
Se poster à l’affût,
c’est disparaître
dans l’espace et
oublier le temps
jusqu’à l’apparition
d’une créature
d’animaux sauvages à la surface du
globe en cinquante ans. L’homme, lui,
se porte bien, entretient ses propres
malheurs, bâtit brillamment çà et là
les conditions de son enfer, et s’ap-
prête à franchir dans l’allégresse la
barre des 9 milliards d’individus. Les
plus optimistes natalistes caressent
l’hypothèse d’un globe peuplé de
14 milliards d’hommes. Si la vie se
résume à l’assouvissement des besoins
biologiques en vue de la reproduction
de l’espèce, la perspective est encoura-
geante : nous pourrons vivre dans des
cubes de béton en mangeant des insec-
tes. Mais si l’on demande à notre pas-
sage sur la Terre sa part de poésie, de
mystère et de beauté (d’« altérité »
diront les Modernes), le rapport du
60/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
WWF est une nouvelle dramatique.
La pire de l’année 2018.
Munier, né en 1976, est un Vosgien de
souche. (Nous espérons que l’expres-
sion est autorisée par les comités de
vigilance sémantique pour désigner
les habitants des forêts primaires.)
Dès l’âge de 12 ans, initié par son père
et inspiré par les lectures du philosophe
naturaliste Robert Hainard, Munier
apprit l’art de l’affût dans ses forêts
natales. Se poster à l’affût consiste à
disparaître dans l’espace et à oublier
le temps jusqu’à l’apparition d’une
créature. Munier observa des tétras-
lyres, des lynx et des grues cendrées.
Il comprit que la richesse de l’exis-
tence se tenait là : dans le miracle de la
rencontre. Il prit ses premières photos
et développa un style inégalé, une ma-
nière, dirait-on d’un peintre.
QUAND LA VIE SE MAINTIENT
Il est aujourd’hui l’un des plus presti-
gieux artistes animaliers, publié dans
les revues du monde entier, fêté dans
les galeries des capitales.
Au Thibet, en cet hiver 2018, Munier
me fait l’honneur d’accepter que je ____ u
 Reportage

Loin de toute présence humaine, chaque jour propose ses rencontres animales : le spectacle enchanteur de gazelles du Tibet
survolées par des niverolles de Taczanowski (page de gauche), ou le face-à-face impressionnant avec un yack sauvage en furie.

61/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Reportage
Au Tibet, les bêtes l’accompagne. Nous gagnons la tête
d’une vallée sinuant entre les Kun Lun
sont rares, résistantes, et le Chang Tang, parcourue par des
individuées. troupeaux d’ânes sauvages et d’anti-
Elles ont la vie dure, lopes chiru. Dans les années 1960, en
pleine Révolution culturelle, la solda-
longue. Les prédateurs tesque maoïste lança d’importantes
rentrent souvent campagnes d’abattage de ces animaux
pour nourrir les troupes. Puis, un bra-
bredouilles connage intense décima les troupeaux
de leurs campagnes. de chiru dont la laine soyeuse vêtait les
clients des duty free planétaires. Les
Ils relanceront lois de protection des espèces sauvages
leurs attaques promulguées par le gouvernement de
Pékin répriment désormais la chasse
plus tard, illégale. Elles ont contribué à ralentir
plus loin, la disparition des antilopes. Il en reste-
rait 60 000 aujourd’hui. « On peut au
égaillant d’autres moins reconnaître cela à l’autocratisme
troupeaux chinois », murmure Munier, l’œil rivé à
sa lunette. Munier a raison : l’homme
ne protégera jamais la nature de lui-
même. La sauvegarde des derniers
arpents sauvages de la Terre ne vien-
dra que de la coercition d’Etat.
« Il y a un troupeau là-bas, il se déplace
vers le nord », dit Munier. Soulevant
un voile de poussière, des ombres
62/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
d’antilopes fusent sur le plateau. Les
nuages voilent le soleil. Des charo-
gnards planent. Ils affublent d’une
auréole le cadavre d’un yack que des
loups ont dévoré pendant la nuit.
L’horizon est vide, l’air glacé. La
steppe s’étend, bordée par les relève-
ments, traversée par un herbivore.
C’est là, à 4 500 mètres d’altitude, que
se déploie la quintessence de l’héral-
dique de Munier : des mondes perdus,
vides, venteux où la vie se maintient,
remarquablement adaptée, pareille à
une marqueterie. Ici, l’évolution bio-
logique n’a pas tablé sur le principe de
multitude.
UNE EXPÉRIENCE ANTIMODERNE
Dans les écosystèmes tropicaux, la vie
se répand par profusion. L’existence y
est courte, rapide, explosive, et la
nature répare en prodigalité ce qu’elle
disperse dans le gâchis. Au Thibet, les
bêtes sont rares, résistantes, indivi-
duées. Elles ont la vie dure, longue.
Les herbivores tondent une herbe
maigre. Les vautours coupent un air
vide. Les prédateurs rentrent souvent
bredouilles de leurs campagnes. Ils re-
lanceront leurs attaques plus tard,
plus loin, égaillant d’autres trou-
peaux.
Munier a l’habitude des confins
déserts. Il a photographié le loup
arctique et son congénère abyssinien,
l’ours de la terre d’Ellesmere et celui du
Kamtchatka, les manchots de l’An-
tarctique, les bœufs musqués et je n’ai
pas trop de nos soirées dans les cahutes
de bergers thibétains, dont nous avons
consolidé les structures, pour l’enten-
dre me raconter ses affûts par des tem-
pératures de – 48 °C. Parfois, son espé-
rance de voir l’animal le poussait à
rester immobile plus longtemps que ne
l’exigeait la prudence. Ses orteils gelés
s’en souviennent. C’est là toute l’es-
sence de l’affût : en s’incorporant au
substrat géographique, on finit par
s’oublier soi-même, dans l’attente
d’une apparition dont l’infinie splen-
deur réparera la peine. Mais il est pos-
sible que personne ne surgisse. Pas
même un lièvre ou un grand corbeau.
C’est la noblesse de tout acte gratuit, si
loin de nos épilepsies contemporaines.
Nos époques accélérées exigent le
« tout, tout de suite ». L’affût exerce au
« peut-être rien, jamais ». Dans nos
mondes utilitaires, si l’on n’obtient pas
immédiatement ce que l’on requiert,
on a encore la liberté de mettre un gilet
et de détruire tout ce qui n’est pas soi-
même. A l’affût, on attend la survenue
d’un autre, dans le froid, le silence. On
se contentera d’une ombre. Le
contemplateur, n’étant pas blessé
qu’un être mieux adapté que lui, plus
gracieux, et sexuellement plus puis-
sant évolue dans ces espaces, il ne lui
destinera pas une balle de calibre 7x64.
Si personne ne vient, il s’en retournera
au bivouac, riche d’avoir attendu.
L’affût et l’approche sont les plus anti-
modernes des expériences. En outre,
elles diffuseront, plus tard, l’écho de
leurs vertus : elles apprennent à être
plus attentif aux rayonnements de
l’existence, à se tenir aux aguets, à
considérer avec vigilance tout signal
organique.
Chaque jour livre sa moisson de ren-
contres. Des yacks sauvages roulent
sur les versants. Des onagres galopent
63/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
sur le glacis, poursuivis par leur
propre nuage de lœss, des chevêches
rythment la nuit de leurs messages,
des gypaètes tracent dans le ciel les
cercles de la mort. C’est ici le grand jeu
du sacrifice, de la souffrance et de la
beauté. Chaque bête se tient là où elle
doit être, prête à mourir ou à tuer pour
que l’édifice de chair, d’écaille et de
plume perpétue ses lignées. L’homme
débarqué ici armé d’un fusil ne joue-
rait pas à armes symétriques et serait
comme ces nouveaux riches qui
confondent les musées avec des maga-
sins de souvenirs.
ORDRE ET CARNAGE
Munier sait lire un paysage comme un
urbaniste analyse une ville ou un
archéologue déchiffre une ruine. Il
identifie les coulées de passage, détecte
les lieux où les carnassiers progresse-
ront. Il y a le lieu, il détient la formule.
A l’écouter, la nature est un livre
d’heures médiéval que les créatures
enluminent. Nous tenons les affûts,
couchés dans les rocailles, à 4 500 mètres
d’altitude, l’œil rivé à la lunette. ____ u

Parfois, les prévisions du photographe
s’exaucent. Ici, un renard passe. Là, un
chat de Pallas maraude, là encore un
loup vaque à ses affaires.
Munier module le chant des loups. Les
membres de la meute répondent. Le
dialogue dure une demi-heure. L’un
des fauves galope vers nos positions,
intrigué par les modulations. A
50 mètres, il s’arrête, comprend que le
chant n’émane pas d’un congénère et
prend la tangente vers un vallon
secourable.
Munier nous entraîne vers les trou-
peaux de yacks sauvages. Ces vais-
seaux de laine noire enduite d’un mu-
cus qui les protège des – 40 °C, sont les
totems des vallées vides. Ils paissent
lentement et meuvent leur masse dans
des froufroutements de fanons. « Ils
appartiennent à la préhistoire et à la
solitude, dit Munier. Leurs mœurs sont
conformes à celles des grands herbivo-
res du paléolithique. Un chasseur mag-
dalénien ne serait pas dépaysé ici. » Les
autorités chinoises ponctionnent des
yacks sauvages sur les versants des
Kun Lun. Les bêtes serviront à fouetter
l e s g è n e s d e l a r a c e d e s ya c k s
domestiques croisés avec des bovins,
Les yacks sauvages appartiennent à la préhistoire et à la solitude.
Un chasseur magdalénien ne serait pas dépaysé ici
Reportage
dont les troupeaux ont été destinés à
la production de viande. Nourrir
1,5 milliard d’humains exige de
vigoureuses mesures vétérinaires !
LA PANTHÈRE POSE
A la fin de février, nous partons pour
la haute vallée du Mékong et prenons
nos quartiers dans un campement de
Thibétains semi-nomades, sur les
rives du fleuve à 4 600 mètres d’alti-
tude, au débouché d’un petit affluent
serpentant dans un canyon. Nos
hôtes veillent sur un troupeau de
200 yacks et dorment la nuit près d’un
poêle de fonte, axe de la vie domes-
tique. Les bougies au beurre de yack
font chatoyer les icônes de Padma-
sambhava qui diffusa le bouddhisme
sur le plateau thibétain. Les enfants
aident aux travaux de force. Le garçon
de la famille peut espérer intégrer un
jour le monastère voisin. Munier a
repéré au cours de ses précédents
séjours un défilé propice aux circula-
tions de la panthère.
Pendant des jours, nous raclons le
vallon, fouillons les cavités, remon-
tons les versants, planquons dans les
cailloutis. Elle apparaît un soir,
64/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
couchée au pied d’une falaise,
presque invisible, incorporée à la
roche. L’image de la panthère sou-
dain captée par l’œil est la récom-
pense de la patience. Sa présence
modifie l’essence de l’air. Le pelage
tacheté a convoqué tous les blasons
de la montagne tous les motifs de la
neige, du ciel, de la roche et des step-
pes y ont agencé leurs nuances. Ses
pattes, larges comme des soucoupes,
lui autorisent à marcher dans la
neige. Parfaitement camouflée,
capable de couvrir des distances de
50 kilomètres à plus de 5 000 mètres
d’altitude, elle approche ses proies
jusqu’à leur sauter sur l’encolure
d’un bond de cinq mètres. Les chè-
vres bleues, les cerfs à museau blanc,
les yacks et les mouflons se laissent
difficilement surprendre. La pan-
thère peut rater ses attaques et rester
quinze jours le ventre vide.
En février, période de rut, les canyons
s’emplissent de l’écho de ses miaule-
ments. Le grand duc, perché dans les
parois, s’arrête alors de chanter car
l’appel d’amour de la panthère,
lamento lugubre, mérite que le public
écoute religieusement. ____u
 ON PEUT SE SENTIR TOUT PETIT
ET ACCOMPLIR DE GRANDES CHOSES
POUR LA PLANÈTE

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Apercevoir une panthère des neiges
est une expérience qui relève de la révélation mystique
L’once – panthère des neiges, de son
nom scientifique – possède des
concurrents mais pas d’adversaires.
Les ours, les lynx et les loups ne se
montrent pas autour d’elle. Dans le
vallon, nous verrons des panthères à
cinq ou six reprises. Parfois fugace-
ment, parfois de très près et le dernier
jour, nous assisterons au festin de
l’une d’entre elles qui dévorera un
yack à quelques dizaines de mètres de
notre affût, où nous resterons
quarante-huit heures, terrés au fond
d’une grotte.
LOUPS, NE VENEZ JAMAIS EN FRANCE
Apercevoir une panthère des neiges
est une expérience qui relève de la
révélation mystique. C’était l’idée
exposée par Peter Matthiessen dans
Le Léopard des neiges, paru chez
Gallimard en 1983. L’Américain
s’était lancé sur les traces de la bête, au
Dolpo népalais en compagnie du
célèbre biologiste George Schaller. Il
ne la croisa jamais mais s’initia au
bouddhisme auquel le paysage désolé
de l’Himalaya offre la meilleure clé
d’accès. Comment, en ces plateaux
harassés de tempêtes, ne pas croire que
le monde n’est qu’une vibration fra-
Reportage
gile et notre vie un passage absurde sur
la poussière. En vérité, les paysages
déterminent la foi. Les déserts appel-
lent un Dieu unique. Les îles grecques
font chatoyer les déesses. Les villes
poussent à l’athéisme. Les vallons du
Thibet annulent tous désirs et dé-
clenchent l’idée du grand cycle.
Voir des bêtes sauvages lave l’esprit.
Les savoir en vie console de bien des
douleurs. Munier a expérimenté cette
théorie depuis trente ans qu’il se tient à
l’affût. Penser que les animaux se
maintiennent en liberté dans des
espaces préservés est une jouvence, une
eau lustrale. Même si l’on ne parcourra
jamais ces royaumes ni ne rencontrera
leur faune, on peut s’y réfugier en
imagination. Il y avait le recours aux
forêts d’Ernst Jünger, il y a la convoca-
tion des panthères de Vincent Munier.
Ce mouvement intérieur constitue
le motif des Racines du ciel, de Romain
Gary : au début du roman, la des-
cription des troupeaux d’éléphants
soutient spirituellement les prisonniers
des camps de la mort. La seule évoca-
tion de l’existence des pachydermes est
un baume pour les cœurs meurtris. Peu
importe de voir la bête, la certitude de
son existence suffit.
66/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
En France, on ne souffre pas que le
loup soit revenu d’Italie dans les
années 1995. Qu’on se risque à s’en
féliciter, on sera traité de « bobo
déconnecté » (c’est le terme né de toute
absence de réflexion) par les éleveurs et
les chasseurs vêtus de gilets orange.
Loups, ne venez jamais en France !
Ce pays a trop de goût pour l’adminis-
tration et l’aménagement, trop de
passion pour les troupeaux et la
législation. Il ne peut souffrir la
présence d’un chef de la nuit.
La panthère du Thibet rassemble ce
à quoi l’homme des villes a renoncé :
la liberté violente, la sensualité
sanglante, la puissance et la grâce,
l’autonomie totale et la souveraineté.
Ce sont là vertus de prince et de poète,
d’ivrogne et de fauve. Munier connaît
les accès de la loge d’où l’on peut
encore assister aux toutes dernières
représentations d’un spectacle de
solitude, de gloire et de silence. ■
Sylvain Tesson
Tibet. Minéral animal,
de Vincent Munier
et Sylvain Tesson,
Editions Kobalann,
240 p., 60 €.
 Culture

Démarré début 2017,

ce chantier pharaonique
s’achèvera dans un an.

68/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Paris
LA BOURSE DE
COMMERCE CHANGE
DE VISAGE
Le site, en cours de restauration, accueillera l’année prochaine
une partie de la collection de François Pinault. « Le Figaro Magazine »
a pu visiter en avant-première tous les espaces
de ce futur lieu artistique d’envergure idéalement situé entre
le Centre Georges-Pompipou et le Louvre.
Par Pierre de Boishue (texte)
et Pierre-Olivier Deschamps pour Le Figaro Magazine (photos)

69/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 APRÈS LE PALAZZO GRASSI
ET LA POINTE DE
LA DOUANE, TADAO ANDO
ENCORE À LA MANŒUVRE

L
e décor, encombré d’échafaudages
impressionnants et parcouru par le
bruit incessant des marteaux-
piqueurs et des scies à métaux, est
pour l’heure futuriste. Dans un an,
presque jour pour jour, il aura des
allures très contemporaines. Prêt à
accueillir un public qui découvrira la
beauté de ce bâtiment du XIXe siècle
imaginé par Henri Blondel, recelant
des trésors patrimoniaux insoupçonnés bientôt magnifiés
par des créations architecturales d’un âge nouveau et des
œuvres d’art moderne d’exception.
D’emblée, un sentiment enthousiasmant emporte le vi-
siteur. Cet édifice, en plein chantier, n’a pas vocation à
rester plus longtemps méconnu des Français. C’est en
effet là que l’homme d’affaires breton François Pinault,
sur proposition de la maire Anne Hidalgo, a choisi d’im-
planter le nouveau musée de sa fondation et d’y présen-
ter une partie des 3 500 œuvres majeures composant sa
collection exceptionnelle. Choc des époques assuré !
Devant une fresque d’Alexis-Joseph Mazerolle, auteur
du plafond de la Comédie-Française, les perspectives
réjouissent. Après avoir fait de Venise l’une des places
fortes de la culture, à travers la restauration du palazzo
Grassi et de la pointe de la Douane par l’architecte
Tadao Ando, le célèbre mécène et son principal
conseiller, Jean-Jacques Aillagon (lire p. 74) remettent
la capitale et ses environs au centre du jeu en matière
d’art. Oublié, le projet avorté, il y a une dizaine d’années,
de s’installer sur l’île Seguin de Boulogne-Billancourt !

UN SPECTACLE SAISISSANT
Comme dans la cité des Doges, François Pinault a fait ap-
pel au génial bâtisseur japonais, prix Pritzker en 1995. Un
homme qui, à l’unisson de tous les protagonistes, entend
faire prochainement de la Bourse (qui abritait jusque-là le
siège de la chambre de commerce et d’industrie et
occasionnellement… un bureau de vote du Ier arrondisse-
ment !) « l’épicentre de la culture mondiale ». Signe de l’atta-
chement d’Ando à sa nouvelle conception – magnifiée par
la réalisation d’un imposant cylindre en béton au sein du-
quel figureront probablement des œuvres de Jeff Koons,
Charles Ray ou Philippe Parreno –, il a placé la maquette
du lieu dans la première salle de l’exposition que lui consacre
le Centre Pompidou. Sur place, le spectacle est saisissant.
Parfaitement délimité, l’emplacement exact de l’œuvre de
9 mètres de haut et de 29 mètres de diamètre donne ____ u

70/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Culture

Le cœur de l’enceinte,
encore en travaux,
sera dédié
à l’art contemporain.

71/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Culture

Accessible depuis la rue du Louvre (Ier arrondissement), le bâtiment abrite une fresque exceptionnelle du XIXe siècle.

Hippolyte Lucas s’était vu confier la réalisation de la partie Europe dans un panorama dédié aux échanges entre les continents.
LUDOVIC MARIN/AFP

La technique de Désiré Laugée (à gauche), en charge de la Russie et du Nord, n’avait rien à envier à celle de Lucas (à droite).

72/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

Victimes de l’usure du temps, ces œuvres ont été l’objet de tous les soins, à l’image de cette représentation d’Alexis-Joseph Mazerolle.
DEMEURER FIDÈLES AUX SPLENDEURS DU BÂTIMENT EST
UNE PRIORITÉ POUR LES ARCHITECTES ET LES ARTISANS
un aperçu grandeur nature de ce projet pharaonique. « Je
veux réaliser quelque chose d’exceptionnel avec un matériau
commun et dont l’accès est illimité », confiait-il récemment
au Figaro. Tout doit couler de source et de béton. L’heure
est aujourd’hui à la satisfaction. Alors que Tadao Ando est
habitué à faire venir ses propres experts pour mettre ses
projets en forme, il a été convaincu par les essais effectués
par leurs homologues français. Sur place, un coup d’œil
vers le sommet permet de contempler la majesté du cadre
: une rotonde de 38 mètres de diamètre et une verrière de
35 mètres de hauteur…
1 400 MÈTRES CARRÉS DE FRESQUES RESTAURÉS
Le privilège de découvrir le travail terminé de l’équipe
chargée de redonner tout leur lustre aux 1 400 mètres
carrés de fresques dédiées aux échanges de marchan-
dises entre les continents (et qu’il sera possible d’admirer
de près grâce à la coursive de 91 mètres de long située en
haut du cylindre) se savoure. Le résultat est à la hauteur
des ambitions affichées au début de ce « chantier dans le
chantier » il y a six mois. Entourée de 25 personnes, cou-
vrant chaque secteur de cette zone de 140 mètres de long,
Alix Laveau dirigeait alors les opérations de restaura-
tion. Une entreprise de longue haleine… et d’une diffi-
culté rare. En cause : le manque d’espace des artisans
franco-italiens, presque voûtés dans leurs aménage-
73/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
ments de fortune situés à une dizaine de mètres du sol,
et l’absence d’une vue d’ensemble de ce panorama aussi
surprenant que somptueux réalisé par cinq peintres
différents… et trop oubliés, eux aussi.
Pénétrer dans cette enceinte offre l’occasion d’en
apprendre beaucoup sur eux. Outre Mazerolle, qui
supervisa les travaux : Georges Clairin, auteur des pla-
fonds de l’Hôtel de Ville ; Désiré Laugée, grand artisan
des merveilles recensées au palais du Luxembourg et à la
basilique Sainte-Clotilde ; Evariste-Vital Luminais, spé-
cialiste des représentations du Moyen Age ; et Hippolyte
Lucas, qui œuvra à la décoration du casino de Monte-
Carlo. A chacun son continent. Au hasard de cette
« promenade autour du monde », il est plaisant de
découvrir un lion triomphant dans la partie Afrique, un
narguilé superbe dans l’espace réservé à l’Orient, un
charmant ours polaire dans le secteur consacré au
Grand Nord… Une œuvre décrite en ces termes par la
presse de l’époque : « Toutes ces peintures, reliées par leur
ciel, s’harmonisent parfaitement et produisent le plus
grand effet. L’élévation de la coupole est telle qu’il a fallu
donner aux personnages des proportions énormes : les
têtes du premier rang n’ont pas moins d’un demi-mètre. »
Pas question de rompre avec la période d’alors : il a été
décidé que ce témoignage du passé ne devait pas être rayé
de la carte. Demeurer fidèle à l’esprit et à la splendeur ____ u
 LE SITE ACCUEILLERA
SEPT ESPACES D’EXPOSITION
ET UN AUDITORIUM
MAIS AUSSI UN RESTAURANT

des lieux est, depuis le début, un souci constant pour

François Pinault et son entourage. On dirait un circuit.
Où est le nord ? Où est le sud ? Les apparences sont
trompeuses. Jamais l’endroit n’aura paru aussi grand.
Chaque centimètre carré a été étudié et traité avec le plus
grand soin. Les mauvaises surprises n’ont pas manqué,
en dépit d’une rénovation survenue en 1995 à la suite
d’un incendie. Parmi les missions assignées à ces méca-
niciens de l’art, dont les doigts manient les pinceaux
avec une délicatesse extrême sur les fresques : en finir
avec l’encrassement général, qui avait tellement voilé
l’ensemble d’une couche blanchâtre qu’il était devenu
impossible de déceler les nuances de ton, renforcer une
toile mise à mal par l’intensité des rayons ultraviolets et
par les mauvaises conditions climatiques, et puis effacer
les marques « résultant d’une réaction entre le métal et la
poussière, attirée par la force magnétique sur la struc-
ture », dixit une restauratrice. Mission accomplie. Il est
grisant d’observer ces œuvres, préparées en atelier et
réalisées à l’huile sur toile puis marouflées sur enduit à
la céruse, le nez presque collé dessus. Les futurs visiteurs Jean-Jacques Aillagon
n’en seront pas très éloignés non plus. De quelques
mètres seulement. « Elles pourront être observées comme
“UN BEL
elles ne l’ont jamais été auparavant », se félicite Alix
Laveau, conquise par les plans de Tadao Ando.
ET TONIFIANT
FIERS D’ŒUVRER POUR UN MÉCÈNE FRANÇAIS
ENJEU”
Dans les coins et recoins des 13 000 mètres carrés de surface Président du conseil d’orientation
totale (7 700 mètres carrés seront dédiés à l’accueil du pu- de la Collection Pinault-Paris, l’ancien
blic), chacun s’attelle encore et encore à la tâche. Le travail ministre est associé depuis le premier jour
est loin d’être fini, le projet comprenant également la à toutes les étapes du projet.

construction de six autres espaces d’exposition du rez-de-
chaussée au deuxième étage, voire d’un auditorium de
288 places et d’un restaurant ! Sans parler des bureaux…
Petit tour rapide à l’extérieur. Même effervescence. En ce
jour de novembre, des ouvriers de la société Bouygues, qui
a mobilisé jusqu’à 500 hommes, jouent les acrobates dans
les hauteurs. A quelques mètres seulement du sommet, ils
viennent de remplacer une par une 44 000 ardoises plom-
bées (soit environ 60 tonnes) et s’apprêtent à poser des
décorations en zinc d’une longueur de 8 mètres autour du
bâtiment… avant de poser les quelque 750 vitrages de la
verrière. « Nous sommes heureux de remettre cet endroit en
valeur, explique un responsable du chantier. Mais ce qui
nous satisfait davantage encore, c’est que ce soit un
Français qui permette cette restauration. Ce n’est pas
fréquent, ce sont souvent des étrangers qui œuvrent pour la
conservation de notre patrimoine. Il s’agit d’une motiva-
tion supplémentaire pour nous. »
Quelques mètres plus bas, le regard se pose sur un vaste
espace encore recouvert de bâches. Il s’agit de la zone ____ u
E
n quoi était-il primordial pour François
Pinault de faire d’un site français un des
carrefours majeurs de l’art contemporain
dans le monde ?
Jean-Jacques Aillagon – En 2005, quand
François Pinault annonçait qu’il met-
trait un terme à son projet de musée à
Boulogne-Billancourt et installerait l’activité publique
de sa collection à Venise, au palazzo Grassi, il déclarait
également que, lorsque les circonstances le permet-
traient, il serait attaché à ouvrir un musée en France, et
plus particulièrement à Paris. La disponibilité de la
Bourse de commerce et la volonté de la Ville de Paris, qui
en est propriétaire, d’en faire un lieu pour l’art contem-
porain, lui en ont donné la possibilité.
Un lieu méconnu du grand public…
C’est un lieu peu connu, en effet, mais son histoire est
extraordinaire. Bâti au XVIIIe siècle, dans l’esprit des

74/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Culture
L’entrée
de la Bourse, vue
depuis l’intérieur,
où sont mobilisés
entre 300
et 500 ouvriers.
architectures du siècle des Lumières, le bâtiment a
d’abord accueilli la Halle au blé et fut couvert, en 1812,
de la première coupole métallique de France. Le
bâtiment fut transformé en 1889 pour l’exposition
universelle du centenaire de la Révolution. Il accueillit
ensuite la Bourse de commerce de Paris, le lieu, donc, où
se faisaient les transactions sur les marchandises et les
matières premières. Quand l’avènement de l’informa-
tique rendit la localisation de ces activités en un lieu
physique inutile, le bâtiment fut occupé par la Chambre
de commerce et d’industrie de Paris, qui y resta jusqu’au
début de l’année 2017. De ce bâtiment formidable, le
grand public ne connaissait que l’enveloppe extérieure
et la formidable composition urbaine qui l’encadre.
C’était dommage. Raison de plus pour être heureux que
ce bâtiment redevienne un lieu ouvert au public.
Quels sont ses atouts ?
Ses atouts sont sa qualité architecturale mais aussi, sa
localisation au cœur de Paris, dans le quartier des
Halles, entre le Louvre et le Centre Pompidou, dans l’un
des plus formidables concentrés de public de la capitale.
L’architecte de sa rénovation, Tadao Ando, a été très
sensible à ces caractéristiques.
Son nom s’est-il imposé naturellement ?
François Pinault cultive un long compagnonnage avec
cet architecte qui avait conçu le projet de musée pour l’île
Seguin et qui avait été chargé de l’aménagement magistral
du palazzo Grassi et de la pointe de la Douane, deuxième
site d’activité de la Collection Pinault, à Venise. Autour
de lui, nous avons constitué une jeune et talentueuse maî-
trise d’œuvre avec Lucie Niney et Thibault Marca de
75/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
l’agence NeM, Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef
des Monuments historiques et Setec Bâtiment.
Bâtir un décor moderne dans un lieu chargé d’histoire
constitue-t-il toujours un pari ?
Oui, c’est un bel et tonifiant enjeu que de concilier une in-
tervention architecturale du XXIe siècle avec un bâtiment
qui a des caractéristiques patrimoniales aussi fortes. C’est
ce qui a été fait à Venise, dans le strict respect des règles
fixées par la surintendance des monuments historiques
italiennes dont on sait combien elle est pointilleuse et
vigilante. Nous avons procédé de la même façon à Paris
en nous attachant à prendre en compte les prescriptions
et observations des instances nationales et municipales en
charge du patrimoine.
Y a-t-il un lien « secret » entre ces édifices ?
François Pinault ne cesse de souligner qu’en associant le
carré du palazzo Grassi et le triangle de la pointe de la
Douane au cercle de la Bourse de commerce, on allait
réunir les trois figures fondatrices de la géométrie eucli-
dienne. Mais le lien le plus fort, c’est que ces trois lieux
seront consacrés à l’art de notre temps.
La structure était-elle parfaitement adaptée aux
contraintes d’un musée d’art moderne ?
Pas entièrement. Il a notamment fallu renforcer la résis-
tance des sols de façon à ce qu’ils puissent accueillir des
œuvres de grande taille et de poids important, données
qui caractérisent souvent la production contemporaine.
Il a également fallu adapter le bâtiment à des contraintes
réglementaires de sécurité et de sûreté, tout en le dotant
de circulations verticales plus performantes, tant pour les
visiteurs que pour les œuvres. Le bâtiment nous a aussi
réservé quelques belles surprises comme l’existence, dans
le sous-sol, de machines qui servaient à produire de la
glace pour les Halles.
Qu’y verrons-nous de la Collection Pinault ?
Le meilleur, bien entendu, le plus inédit, le moins attendu.
Afin de renouveler sans cesse l’intérêt du public, nous n’y
présenterons pas la même collection en permanence, mais
nous renouvellerons sans cesse des accrochages monogra-
phiques ou thématiques, à travers une programmation
intense qui bénéficiera également de la création d’un bel
auditorium de 300 places. La programmation d’ouverture
sera « signée » par François Pinault lui-même qui, comme il
le fait toujours, consulte beaucoup d’artistes internationaux.
Quelles seront les passerelles entre les sites ?
François Pinault souhaite établir entre Paris et Venise une
relation dynamique, chaque site conservant son identité
et sa personnalité. C’est ainsi qu’il aura réussi à réaliser ce
que font peu d’institutions privées, un véritable réseau
européen de lieux pour l’art de notre temps.
Peut-on parler de « musées » à proprement dit ?
Le beau mot de musée n’est pas réservé aux seuls lieux qui
présentent des œuvres des siècles lointains. Depuis long-
temps et, peut-être même depuis leur origine, ils se sont in-
téressés à l’art en train de se faire et, donc, ont fait
confiance aux artistes. Quant à la question de savoir ce qui
restera, à l’avenir, de nos choix et de nos enthousiasmes, il
faut faire confiance au temps et à l’histoire, qui sont les ju-
ges suprêmes de ce qui appartient de façon irréversible au
patrimoine de l’humanité. Mais ce n’est pas parce que l’on
ne sait pas encore qu’il ne faut pas oser et entreprendre. ■
Propos recueillis par P. d. B.
 Culture

du restaurant du dernier étage. Depuis différents échafau-
dages (il y en a au total 800 tonnes), des immeubles de la rue
du Louvre apparaissent. D’abord inquiets devant l’am-
pleur des travaux, les riverains ont vite compris leur intérêt
de voir bientôt le bâtiment renaître de ses cendres. Notam-
ment les commerçants. « Dans tous les alentours, il est arrivé
que des habitants demandent à François Pinault de s’occuper
d’autres monuments un peu délaissés », fait remarquer un
cadre de l’équipe. Sur la gauche, une petite partie de la
colonne Médicis entre dans le champ de vision. Avec ses
31 mètres de hauteur, elle fait partie du décor. Accolée à la
Bourse de commerce et visible par les promeneurs depuis le
jardin des Halles, elle a été érigée en 1574 sur ordre de
Catherine de Médicis et a échappé à de nombreuses des-
tructions. Dont celle de la Halle aux blés, remplacée en 1889
par la construction actuelle, qui devint vite une institution.
UNE FUTURE PLACE FORTE DE LA CULTURE MONDIALE
« A l’époque, il y avait la tour Eiffel et la Bourse de
commerce », souligne Pierre-Antoine Gatier, architecte
en chef des Monuments historiques, chargé de lui rendre
son prestige d’antan. Même si le travail de rénovation ne
se voit pas toujours à l’œil nu. « Quand nous restaurons
les façades, par exemple, nous conservons tous les joints
d’époque : il y en a de 1889, de 1927, de 1970… »,
précise-t-il. Rien n’a été laissé au hasard. Exemple : les
colonnes des planchers ont été renforcées ou remplacées
par des modèles identiques fabriqués par la fonderie
d’art du Val d’Osne, en Haute-Marne. Rien, jusqu’à la
couleur grise d’origine de la charpente de la verrière,
n’est négligé dans l’enceinte. Un labeur qui n’allait pas
de soi. De nombreuses recherches ont été entreprises ici
et là, depuis des mois et des mois, pour connaître l’état
exact des structures en cette fin de XIXe siècle. Et plus
particulièrement au musée Carnavalet, détenteur de
certains clichés de la plus grande utilité aux architectes.
Une politique de conservation qui redonne tout son sens
à cette réplique tenue par le personnage campé par
Philippe Noiret évoquant les contours de la Bourse de
commerce dans Touche pas à la femme blanche ! :
« Belle fresque n’est-ce pas ? C’est notre chapelle Sixtine
à nous. ■ Pierre de Boishue

DES FRESQUES UNIQUES, PRÉPARÉES EN ATELIER

ET RÉALISÉES À L’HUILE SUR TOILE, PUIS MAROUFLÉES

Une restauratrice redonne des couleurs aux secteurs Afrique et Asie peints par Georges-Victor Clairin (à gauche) qui,
comme Lucas (peinture de droite), Mazerolle, Laugée et Evariste-Vital Luminais, fit partie de l’aventure au XIXe siècle.

76/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

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Tête d’un roi de

l’Ancien Testament
provenant de l’abbatiale
de Saint-Denis.
THE WALTERS ART MUSEUM

78/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 EN VUE
LE TEMPS DES CATHÉDRALES
Au musée de Cluny, à Paris, une spectaculaire exposition
dédiée à la naissance de l’art gothique révèle les découvertes dues
à de récentes restaurations à Saint-Denis et à Chartres.
L
e 11 juin 1144 est consacré
en présence du roi, de cinq archevêques et quatorze évêques,
le chœur de l’abbatiale de Saint-Denis entrepris par Suger
sur un plan ambitieux à double déambulatoire. C’est dans ce
déambulatoire – qui seul subsiste aujourd’hui – que s’affir-
mera une nouvelle esthétique, l’art gothique, qui supplantera
l’art roman. Le passage d’un style à l’autre est subtil et le
nouvel art de bâtir, comme la sculpture qui lui est associée,
va s’imposer entre 1135 et 1150. De récents travaux archéolo-
giques portant sur les deux monuments les plus célèbres de
l’éclosion de la période gothique – l’abbatiale de Saint-Denis
et la cathédrale de Chartres – font l’objet de la passionnante
et savante exposition qui se tient au musée de Cluny, illustrée
par les magnifiques têtes en pierre de prophètes et de rois de
l’Ancien Testament, dispersées entre musées français et
musées américains et les vitraux et manuscrits enluminés
prêtés par la Bibliothèque nationale de France. Le thème de
la naissance de la sculpture gothique n’avait encore jamais
fait l’objet d’une exposition. Réunis en un même lieu pour la
première fois, ces chefs-d’œuvre relatent la grande floraison
des cathédrales au XIIe siècle.
La première innovation de ces églises est l’emploi systéma-
tique de la voûte sur croisée d’ogives qui se combine avec
l’usage général de l’arc brisé. Cette conception nouvelle de
l’architecture, les ogives supportant le poids des voûtes,
va permettre aux murs de s’ouvrir largement à la lumière.
Elles vont vaincre le plein cintre roman, le poids vertical qui
écrasait le vaisseau, elles permettront l’invention de verrières
immenses par où pénètre le jour : dès que le ciel se découvre,
le grand vaisseau tressaille d’allégresse. A ce nouvel art de
bâtir correspond une vision nouvelle de la sculpture. Elle
envahit les façades, s’anime de longues statues étirées et
79/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
hiératiques adossées à des colonnes, assimilant les rois, les
prophètes et les apôtres qu’elle représente aux piliers de la
cathédrale. Le meilleur exemple de ces statues-colonnes est
le célèbre portal Royal de la façade occidentale de Chartres
vers 1145-1155 (Prophète de l’Ancien Testament, Reine de
Saba), dont on retrouve presque simultanément l’icono-
graphie à Saint-Denis. Emblème de la première sculpture
gothique, le portail de Chartres ne la résume pourtant pas :
il semble même parfois contemporain de l’art roman.
Comme le fait remarquer Jannic Durand, conservateur en
chef au musée du Louvre, « on observe un grand décalage
entre la précocité des formes gothiques en Ile de France où la
nouvelle esthétique s’impose ponctuellement et la résistance
plus ou moins forte de régions entières à toute innovation. »
Ces écarts, subtilement mis en évidence dans l’exposition,
enrichissent le propos. Il faudra attendre 1200 pour que le
premier art gothique amorce une évolution décisive.
Les proportions allongées, supranaturelles des corps des
statues des portails de Chartres et de Saint-Denis, les
longues stries de leurs vêtements drapés, obéissent à des
codes de représentation d’un hiératisme anguleux, presque
abstrait. En revanche, et c’est la nouveauté de l’art gothi-
que, les détails des costumes, des bijoux et des coiffures
évoquent les coutumes alors en usage. Philippe Plagnieux
et Damien Berné, commissaires de l’exposition, précisent
que « l’art gothique laisse discrètement sourdre les volumes
du corps par un fin réseau de plis… et parvient à suggérer
le mouvement et l’action et jusqu’à approcher le sentiment
humain dans l’expression du visage ». Cette véritable révo-
lution stylistique s’accomplit aussi dans les arts précieux,
émaux, vitraux, enluminures (« Bible dite de Saint-Denis »).
L’étape suivante, le gothique classique, s’épanouira sous le
règne de Philippe Auguste pour atteindre son apogée sous
celui de Saint Louis. Avec lui s’étend le rayonnement de
l’art religieux en France. Véronique Prat
« Naissance de la sculpture gothique », musée de Cluny, Paris Ve,
jusqu’au 7 janvier 2019.
 Q U A R T I E R S L I B R E S / À L ' A F F I C H E

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CINÉMA
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EMILY BLUNT SOUS LE PARAPLUIE

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ENCHANTÉ DE MARY POPPINS

Cinquante-trois ans après Julie Andrews, l’actrice britannique
prouve que le costume mythique de la super-nanny est indémodable.

JAY MAIDMENT © 2018 DISNEY ENTERPRISES ; FANNY-LATOUR-LAMBERT-@-WALTER-SCHUPFER-MANAGEMENT ; DR

O
En quatorze ans de n l’avait quittée, en juin, dans un film d’horreur interdit aux moins de
carrière, l’actrice affiche 12 ans, voilà qu’on la retrouve en héroïne pour enfants dans la comédie
à son CV 43 films et
séries et 6 nominations
de Noël la plus attendue des familles ! Cette ironie du sort, Emily Blunt
aux Golden Globes. la doit à son pouvoir de se glisser dans tous les rôles, y compris les plus
emblématiques. La preuve avec Le Retour de Mary Poppins, où l’actrice
britannique incarne l’irrésistible nurse devenue célèbre pour son autorité naturelle et
ses pouvoirs surnaturels. Après avoir assuré l’éducation de Jane et Michael Banks –
mais aussi celle de tous les cinéphiles en herbe –, voilà qu’elle réatterrit, cinquante-
trois ans plus tard, au 17 allée des Cerisiers, à Londres, pour veiller sur la génération
suivante…
L’occasion pour miss Blunt d’être dirigée par le cinéaste-chorégraphe Rob Marshall
(Chicago, Nine) et de porter un film fantastique exaltant doté d’un scénario bâti sur
les mêmes ressorts et la même émotion que le classique de Disney, d’un mélange de
dessins d’antan et d’effets spéciaux à la pointe, et de chansons inédites reprenant les
thématiques et les gimmicks des tubes que sont devenus Supercalifragilisticexpialido-
cious, Chem’Cheminée ou C’est bon de rire.
Avec un charme et une assurance évidents, la comédienne a tout pour séduire les
enfants d’aujourd’hui mais aussi ceux d’hier, inconditionnels de Julie Andrews.
Preuve que Disney y croit, il a aussi misé sur l’Anglaise pour être la star de Jungle
Cruise, film inspiré d’une attraction des parcs de la franchise. L’avenir dira si la firme
aux grandes oreilles a eu du nez. Clara Géliot

80/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Q U A R T I E R S L I B R E S / À L ' A F F I C H E

LIVRE MUSIQUE BEAU LIVRE

MÉNÉGOL TOUJOURS RADIO ELVIS RALLUME SE SOUVENIR DES
DE BON HUMOUR LA MÈCHE CHRÉTIENS D’ORIENT

A vec plus de 1 300 dessins

sélectionnés par l’équipe du
Figaro.fr pour illustrer notre site depuis
2010, et une centaine diffusés dans
l’émission de Laurent Ruquier « On n’est
pas couché », Olivier Ménégol est
devenu un acteur du paysage
humoristique français. Chaque année,
son recueil de Moments chauds * est
l’occasion de se remémorer les
événements qui ont fait l’actualité mais
aussi de goûter à l’esprit de cet artiste
volontiers décalé. Quand « le plein
d’aisance » réclamé par un ours polaire
échoué sur un bloc de banquise évoque
l’actuelle mobilisation des « gilets
jaunes », une supportrice généreuse
prend « la clé Deschamps » pour raviver
la ferveur de juillet alors que l’équipe
de France célébrait sa victoire en Coupe
du monde. Et, quand le procès Cahuzac
du mois de mai fait résonner les vers
de La Fontaine (« Selon que vous serez
puissant ou misérable… »), la
succession de Johnny met en vedette
« Mamie Rock » en mars. L’année 2018
avait de quoi inspirer, en effet… C. G.
* Les Moments chauds de l’année 2018, 72 p.,
19 €. En vente sur Ledessindelasemaine.fr
F idèle au poste ! Composé de trois
Parisiens à la pop puissante
et aux textes poétiques, Radio Elvis
confirme avec Ces garçons-là * tous
les espoirs placés en lui lors de la sortie
de son premier disque, Les Conquêtes
(sacré album révélation aux Victoires
de la musique 2017). La principale
force du groupe, porté par la voix solide
de son leader Pierre Guénard sur
le son viril des guitares ? Il s’appuie
sur des influences diverses et variées
pour affirmer sa propre identité.
A l’image des Talking Heads, il possède
le goût des rythmes accrocheurs
et chics. Comme Noir Désir, il mise
à la fois sur l’intensité des titres
et la mélancolie réaliste des paroles.
Résultat : une alchimie plaisante et
réussie, qui permet au trio d’incarner
le renouveau d’un rock français en
perte de vitesse.
Particulièrement efficace sur scène
– Radio Elvis entamera le 12 janvier
à Echiré une tournée qui le conduira
notamment le 4 avril au Trianon, à
Paris –, la musique de ces garçons-là
fait mouche. Pierre de Boishue
* Pias/Le Label.
C ’est un « dictionnaire amoureux »
aussi poignant que nécessaire * :
à l’initiative de Marie Thibaut de Maisières,
membre du CSCO, des dizaines de
personnalités (écrivains, enseignants,
chercheurs, prêtres, militants associatifs,
historiens, journalistes, etc.) racontent
cette chrétienté orientale souffrante mais
vivante et emplie d’espérance, que
l’actualité tend à effacer de nos
mémoires. Syriens, Libanais, Irakiens,
Arméniens, Français, Belges : tous
évoquent, avec passion et enthousiasme,
cette mosaïque de peuples miraculeuse
et miraculée. Alep, coptes, danse, icône,
islam, Jésus, mixité, Ninive, patrimoine,
musique, vin, Yézidis… : aucun lieu,
aucun thème, grave ou léger, n’est oublié
dans cet ouvrage très complet,
superbement illustré par les photographes
Johanna de Tessières et Olivier
Papegnies. Parmi les signataires ;
Mgr Gollnisch, Joseph Yacoub, Gabriel
Ringlet, Marie-Armelle Beaulieu,
Raphaëlle Ziadé, Georgia Makhlouf, le
père Michaeel Najeeb, etc.
Jean-Christophe Buisson
* Chrétiens d’Orient. Mon amour, Mardaga,
272 p., 34,90 €.

LES PASSE-TEMPS
MADAME DE D’ÉRIC NEUHOFF

L
’hiver n’est plus ce qu’il était. Ils seront presque obligés de lire. Julie Andrews. Sait-on qu’elle était
Il n’y a pas assez de neige. C’est dire si la météo est cruelle. l’épouse de Blake Edwards ?
Le Père Noël va prendre On va retraduire L’Ile au trésor. Espérons que personne n’a oublié
des RTT. Il ira aux Seychelles. Les Ulysse, Gatsby, Lolita, L’Attrape- qu’Anne Bancroft (Mrs Robinson !
rennes se doreront sur la plage. cœurs ont déjà subi le même sort. Simon et Garfunkel sont priés de
Dans les Alpes et les Pyrénées, Holden Caulfield parle comme quitter ces lignes, SVP) était mariée
on fera des randonnées en forêt. Coluche. Leopold Bloom chante à Mel Brooks. Quant à la superbe
On portera des anoraks jaunes. du rap. Dolores Haze a des Patricia Neal, elle était dans le civil
C’est l’année qui veut ça. Les skis tatouages. Long John Silver boira Mme Roald Dahl. Les grandes
ne bougeront pas de leur casier. de la vodka française. On repeint bringues piquantes aiment les
Les enfants s’ennuieront. Ils ont les monuments de couleurs vives. comiques. En France, les actrices
l’habitude. Les plus paresseux La folie de la nouveauté s’empare préfèrent vivre avec d’anciens
prétexteront une grippe pour de tout. Mary Poppins est de retour. présidents de la République.
rester devant la cheminée. Emily Blunt aura du mal à éclipser Ce qui revient peut-être au même.

Retrouvez Eric Neuhoff dans l’émission « Ça balance à Paris »,

présentée par Eric Naulleau tous les samedis à 19h40 sur
Paris Première. L’émission incontournable pour tout savoir sur l’actualité culturelle. 81/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
 Q U A R T I E R S L I B R E S

L’APOSTROPHE
DE JEAN-CHRISTOPHE
GARE AU GARREL ! BUISSON

Meilleur acteur que réalisateur, Louis Garrel s’est entêté

à mettre en scène un second film après « Les Deux Amis ». Inutilement.

C
HER LOUIS GARREL, à quoi bon ?
A quoi bon tourner un film (L’Homme fidèle,
en salles le 26 décembre) et en interpréter le
rôle principal pour ne rien dire, ne rien
montrer, ne rien expliquer, ne rien conclure, ne
rien faire ressentir ?
A quoi bon gâcher par le cinéma un talent d’auteur de
romans pour les Editions P.O.L et de réalisateur de
documentaires sur les chambres de
bonne aménagées (avec leurs plafonds
bas, leurs vues sur les toits et leurs
escaliers étroits) ?
A quoi bon faire en images glacées et pro-
pres le récit d’un couple se défaisant, se
refaisant, se re-défaisant, se re-refaisant
si ce n’est pas pour en faire une histoire
tragique ou comique, malheureuse ou
joyeuse, déprimante ou enthousiaste ?
A quoi bon prétendre créer une œuvre originale quand on
multiplie les clins d’œil plus ou moins légers à Jean-Luc
Godard, François Truffaut, Eric Rohmer et François
Ozon ?
A quoi bon imposer une voix off pour décrire ce qui se
passe dans la tête des personnages – a priori, ils ont un
visage, un corps et des centaines d’heures au Cours
Florent ou dans une école d’art dramatique pour le faire
eux-mêmes directement ?
A quoi bon faire jouer Lily-Rose Depp qui exprime
autant d’émotion devant une caméra qu’un cobra devant
une mangouste bien dodue ? Et à quoi bon la ridiculiser
ainsi face à une Laetitia Casta délicieusement intrigante
(et remarquable) de bout en bout ?
A quoi bon insérer dans les dialogues, la mise en scène et
la musique (signée Philippe Sarde) des petites plages d’an-
goisse et de suspense faisant croire à un glissement vers le
polar si c’est pour en éliminer la perspec-
tive excitante dix minutes plus tard ?
A quoi bon filmer Paris pour montrer
une ville où ne semblent vivre que des
enfants jouant au foot sur un trottoir (en
outre sans policier à proximité pour les
protéger des djihadistes dont on sait
depuis l’excellent Timbuktu d’Abderrah-
mane Sissako qu’ils détestent ce sport) ?
A quoi bon prétendre à l’impossibilité du
couple (à cause des maîtresses, des amants et/ou des en-
fants) alors qu’on a tous besoin d’y croire, bon sang ? !
A quoi bon, surtout, singer les grands anciens de la nou-
velle vague en voulant soi-même écrire, réaliser et jouer
quand on est, et ce n’est déjà pas si mal, un excellent
acteur ? La preuve : les films des autres.
Post-apostrophum : au crédit du film, cette belle définition du sentiment
amoureux : « J’essayais d’oublier Marianne le soir même avec une autre
femme, et c’est cette autre femme que j’oubliais dès le lendemain. »

LA VISION TÉLÉ
DE STÉPHANE HOFFMANN
LES CHANSONS POPULAIRES
Grâce à Jacques Pessis, nous gardons la mémoire de l’éphémère.

A la télé, il n’y a que des

héritiers. Les pionniers
ont trouvé leurs idées au
cabaret, au théâtre et au music-
hall. Leurs successeurs les
quelques-unes des grandes
pages du divertissement. De
« 36 chandelles » et « La Joie de
vivre », toutes deux créées
en 1952, à « Champs-Elysées »,
Mortimer (surnommée
« Mémé morte hier » par
les mauvais esprits) et du
« Petit Conservatoire » de Mireille,
on est arrivé à « The Voice ».
SHANNA BESSONWHY NOT PRODUCTIONS, PHOTO BY CARLOS SOMONTE, PRESSE

ont mises au goût du jour. « On
n’a rien inventé, confie Michel
Drucker. Tout a été fait.
Et souvent beaucoup plagié. »
Seul inventeur d’un langage
télévisuel : Jean-Christophe
Averty. C’est pourquoi il n’est pas
mauvais de commencer l’année
en regardant un instant d’où
l’on vient. Jacques Pessis est
une mémoire de la télévision.
Avec lui, nous feuilletons
créée en 1982, plusieurs Mais c’est la même chose,
décennies défilent sous nos yeux. toujours : des artistes
Ce qui a changé ? La technique qui cherchent la lumière.
et les personnalités des « Chaque temps en sa chose »,
présentateurs. Des caméras telle pourrait être la devise des
lourdes on est passé aux caméras émissions de divertissement où,
légères. Des bateleurs à la Jean sous les tics des modes, on
Nohain ou Guy Lux à la neutralité cherche uniquement l’émotion
bienveillante de Michel Drucker. vraie des chansons populaires.
Les concours ont toujours eu la Télétransmissions, des variétés
cote. De « L’Ecole des vedettes », aux divertissements, France 5,
ouverte en 1956 par Aimée mardi 1er janvier à 15 h 05.

Retrouvez Jean-Christophe Buisson chaque semaine dans

l’émission « On refait le monde » présentée par Marc-Olivier Fogiel et
82/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018 Stéphane Carpentier, du lundi au vendredi de 19 h 15 à 20 h.
 Q U A R T I E R S L I B R E S / C I N É M A

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DRAME DRAME

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★ ★ ★ ROMA, d’Alfonso Cuarón, avec Yalitza Aparicio, Marina de ★★ MAYA, de Mia Hansen-Løve, avec Roman Kolinka,
Tavira, Nancy García (disponible sur Netflix). Aarshi Banerjee, Alex Descas.
LA VIE ET RIEN D’AUTRE GUERRE ET PAIX

E n resserrant la focale sur son enfance, au début des années 70,

dans une famille de la classe moyenne de Mexico, Alfonso
Cuarón (Gravity, Les Fils de l’homme) met son talent de cinéaste au
service d’une chronique personnelle et parvient à capter l’attention
pendant 2 h 15 avec plus d’éléments insignifiants que de
rebondissements. Les fanas d’action pourront trouver le temps
★★★★ long, mais les âmes sensibles risquent d’être bouleversées de voir,
Excellent dans chaque grain de sa sublime image noir et blanc, des petites
★★★ bougies rappelant une époque, un état ou un sentiment. Car c’est
Très bien dans cette existence presque ordinaire que se raconte la vie. Ici, elle
★★ rassemble une mère, ses enfants et leur nourrice, mais leurs joies,
Bien
★ leurs chagrins, leurs peurs ou leurs frustrations sont universels.
Moyen Avec cette apparente simplicité, Cuarón signe un film brillant qui
✖ remporta le lion d’or à la Mostra de Venise et qu’on regrettera, une
A éviter fois n’est pas coutume, de voir sur petit écran… Clara Géliot
G abriel est reporter de guerre. Après quatre mois
de captivité en Syrie, il retrouve le sol français.
Est-il prêt à retourner sur le terrain ? Il s’interroge. Seule
certitude, il ressent le besoin de quitter Paris. Destination
Goa où il s’installe dans la maison de son enfance. Sur
place, il noue une belle complicité avec une charmante
Indienne… Avec une telle matière, Mia Hansen-Løve aurait
pu réaliser deux films, l’un consacré au dur retour à la vie
quotidienne d’un ex-otage et l’autre dédié à une romance
a priori impossible. Mais la cinéaste parvient à lier
les deux parties, sans nuire à la cohérence de l’ensemble.
Si Roman Kolinka semble presque trop parfait en
aventurier sauvage, l’hommage rendu à ces journalistes
en zone de conflit est vibrant et la romance traitée tout
en délicatesse émeut vraiment. Pierre de Boishue

Pour Noël, offrez(-vous) les Mémoires d’Alain Duhamel

« Son jugement toujours en quête

de sens est sans équivalent. »
Gérard Courtois, Le Monde

« La Ve République par les coulisses,

avec les éclairages
d’un de ses meilleurs analystes. »
Nicolas Barré, Les Échos week-end

« Le témoignage rare du confesseur

de huit des neuf présidents
de la Ve République. »
Laurent Joffrin, Libération
 Q U A R T I E R S L I B R E S / S P E C T A C L E S

LE THÉÂTRE
DE PHILIPPE TESSON
HAMLET COMME SI VOUS Y ÉTIEZ…
Au cœur de Paris, dans le château d’Elseneur, une version originale
d’Hamlet par Léonard Matton, salle, scène, acteurs et spectateurs confondus.

I
l y a quelques années, les Anglo-Saxons ont ouvert le mais rapidement conquis par cette étrange osmose, cette
chemin du théâtre immersif, qui a l’ambition d’im- confusion entre réalité et illusion. On aura compris que la
merger le spectateur au cœur de l’œuvre théâtrale par scène est ici abolie. Quoi ? Un théâtre sans scène ? Mais
des procédés de mise en scène tels que la confusion de curieusement, on est ici encore plus au théâtre qu’ailleurs.
la scène et de la salle, la déambulation du public de Pendant un moment on craint pour le texte. Forcément, il
salle en salle, etc. Ce n’est pas nouveau, et c’est intéressant, perd de son unité avec ce procédé scénographique. Mais les
encore faut-il que la pièce et l’espace se prêtent à l’exercice. extraits choisis sont les meilleurs, dans la merveilleuse tra-
C’est le cas avec Hamlet, qui est une tragédie violente et duction de Jean-Michel Déprats, et de surcroît ils sont par-
active. Tel est justement le choix du jeune metteur en scène faitement enchâssés dans le cours de l’action. Il est toutefois
Léonard Matton pour sa première expérience en la matière, préférable qu’on ait lu un jour Hamlet ! Reste l’interpréta-
et c’est une incontestable réussite, que l’on doit à son éner- tion. Cet exercice est une expérience incomparable pour de
gie, à son invention et à son talent. jeunes comédiens, à plus forte raison lorsqu’il
L’espace, d’abord, et la scénographie. Il a On est ici encore concerne Hamlet. La troupe que dirige Léo-
trouvé un hangar immense, de 1 200 m2, qui lui plus au théâtre nard Matton met à cette épreuve une extraor-
a permis de reconstituer, dans l’esprit sinon la qu’ailleurs dinaire énergie, aux limites de l’excès. Mais tel
lettre, le château d’Elseneur (Helsingor) et d’y est le risque, telle est la loi de l’immersion, qui
aménager à travers un dédale de couloirs quelques grandes est une plongée au fond de l’inconnu. On est ici tellement
salles – trois chambres, une salle du trône, une chapelle et un loin du théâtre conventionnel. On n’a jamais vu un Hamlet
cimetière – où se jouent dans une pénombre angoissante les aussi peu métaphysique. Le jeune acteur qui joue le
plus belles scènes du drame de Shakespeare. Le public est rôle-titre, Stanislas Roquette, est excellent. Il a une ardeur
libre du parcours qu’il poursuit de pièce en pièce, il assiste à sauvage. Bref, voilà un spectacle qu’il faut voir. Jeune,
la tragédie à mesure qu’elle se fabrique et en quelque sorte nouveau, intelligent, original.
comme s’il en était l’auteur, l’acteur. Il est parmi les Helsingor. Château d’Hamlet, de William Shakespeare. Adaptation et mise
comédiens, spectateur figurant, les perdant de vue et les en scène de Léonard Matton. Avec Stanislas Roquette… (Billetterie :
retrouvant, d’abord troublé par cette démarche nouvelle Le.secret.paris5@gmail.com).

LES VARIATIONS
DE FRANÇOIS DELÉTRAZ MUSIQUE : NOËL EN 10 COFFRETS

A
lors que le streaming poursuit
sa course en avant, les
maisons de disques
continuent d’éditer pour Noël de
beaux coffrets, puisant dans un fond
de catalogue souvent absent des
bases de données. Commençons par
un superbe objet musicalement
exceptionnel : une intégrale de Bach
en 222 CD (420 €) qu’Universal
publie 333 ans après la naissance du
compositeur. Un travail colossal qui
va très au-delà des archives de Decca
et Deutsche Grammophon. De son
côté, Sony Classical poursuit ses
rééditions de Bernstein. Cette année,
voici le coffret The Vocal Works de
56 CD (80 €) avec des
enregistrements de ce grand chef
d’orchestre dont certains datent des
années 1940.
Warner aborde les fêtes avec deux
Debussy avec un panorama complet
de l’œuvre aussi bien pour piano que
de musique de chambre (33 CD,
70 €). L’autre, dédiée à Rossini, où
l’on retrouve ses grands opéras ainsi
qu’une sélection d’œuvres moins
connues comme le Stabat Mater ou
des Sonates pour cordes (50 CD, 80 €).
Autre coffret historique, celui que
consacrent à Boris Vian : 100 chansons
interprétées par Reggiani,
Mouloudji, Higelin… Un très beau
travail de remastérisation (6 vinyles
et 4 CD, 85 €).
Le label Harmonia Mundi, lui, retrace
sa propre histoire avec deux coffrets
célébrant 60 ans de passion de cette
maison de disques pour le classique
(16 et 18 CD, 25 € chacun). En jazz,
Universal se livre à l’exercice facile
mais efficace de regrouper
25 albums légendaires dans une Jazz
Box où figurent les anciens comme
les modernes (50 €). Pour les
enfants, France Musique propose
un quiz, dés et jeu de cartes en
700 questions pour s’amuser en
famille (20 €). A noter aussi, ce livre-
disque intitulé La Plume enchantée,
que l’on suit des yeux et des oreilles
(Bayard Musique, 15 €). Une belle
UNIVERSAL

intégrales. L’une consacrée à les Productions Jacques Canetti manière de découvrir Mozart.

84/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Q U A R T I E R S L I B R E S / H I S T O I R E

LA PAGE D’HISTOIRE
DE JEAN SEVILLIA
LA FOI DES ANCIENS JOURS
Le médiéviste Jean Verdon montre que nos lointains ancêtres du Moyen Age
étaient obnubilés par l’idée de gagner leur salut au Ciel.

D
ans l’Europe médiévale, juifs et musulmans
représentaient une très petite minorité, tan-
dis que les non-croyants, s’ils existaient, ne
se manifestaient d’aucune manière, tant la
religion était au cœur de la vie
sociale. Le Moyen Age, par conséquent, était
un monde chrétien. Un monde chrétien, mais
un monde où la foi n’était pas seulement un
héritage culturel et sociologique : nos
ancêtres croyaient réellement en Dieu et
même au diable, hantés qu’ils étaient de faire
leur salut afin d’éviter, ce qui était leur pire
crainte, de finir en enfer.
Comment se traduisait cette puissante reli-
giosité ? C’est ce qu’expose, dans un livre de
synthèse clair et méthodique, Jean Verdon.
Professeur d’histoire médiévale à l’université
de Limoges, il a déjà publié, chez Perrin, une douzaine
d’ouvrages décrivant, thème par thème, la vie quoti-
dienne dans la société médiévale : Le Plaisir au Moyen
Age, Voyager au Moyen Age, Rire au Moyen Age, Boire
au Moyen Age, L’Amour au Moyen Age, Les Superstitions
au Moyen Age, etc. Afin de décrire comment on était
chrétien au Moyen Age, l’auteur commence, dans un
utile chapitre introductif, par planter le décor en rappelant
les grandes divisions chronologiques d’une époque
étalée sur un millénaire : du Ve au Xe siècle, installation
des institutions chrétiennes, du XIe au XIIIe siècle, apogée
du Moyen Age chrétien, aux XIVe et XVe siècles,
confusion consécutive aux crises alimen-
taires, à la Grande Peste, à la guerre de Cent
Ans, au Grand Schisme. Ces distinctions
permettent d’introduire des nuances dans la
façon dont les hommes du Moyen Age, selon
les périodes, ont pratiqué leur religion. Baptême,
paroisses – la France de la fin du XIIIe siècle
en compte 32 000, pour un territoire corres-
pondant au tiers de la superficie actuelle –,
éducation religieuse, mariage, prière, sacre-
ments, charité… Jean Verdon explore des
rites et des usages qui seront, pour ses lec-
teurs, à la fois familiers s’ils sont de culture catholique,
et déroutants par la différence des mentalités, en tout cas
des priorités. Ce tableau n’idéalise rien, pour autant, car
il montre également les failles de cette époque : hier
comme aujourd’hui, avancer vers la sainteté n’est pas un
chemin facile.
Etre chrétien au Moyen Age, de Jean Verdon, Perrin, 400 p., 22,50 €.
TIO
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BIOGRAPHIE ESSAI

ZI
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L’AUTRE LE CAS DES

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COOK KAMIKAZÉS RO
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★ ★ ★ THOMAS COOK. romanesque ★★ ★ LES KAMIKAZÉS l’élite de la

1808-1892. L’INVENTEUR que celle JAPONAIS DANS LA société
DES VOYAGES, de Béatrix d’un héros GUERRE DU PACIFIQUE japonaise.
de l’Aulnoit et Philippe de cape (1944-1945) , de Christian Combattants
Alexandre, Robert Laffont, Kessler, Editions Economica
270 p., 20,50 €. et d’épée. 173 p. + cahier photo, 29 €. du désespoir,
Cook, homme visionnaire, deux tiers d’entre eux

C ertains noms semblent

être prédestinés. Celui
de Cook l’est aux voyages.
Béatrix de l’Aulnoit et
Philippe Alexandre auraient
pu brosser le portrait du
célèbre navigateur James
Cook, personnage
romanesque s’il en est ; ils
ont préféré s’intéresser à
Thomas Cook, l’inventeur du
voyage organisé – autrement
dit le voyage moderne.
Sans doute parce que la vie
de cet homme parti de rien,
mais qui est allé jusqu’aux
bouts du monde, est aussi
DR
contemporain de l’auteur du
Tour du monde en 80 jours,
aurait pu, avec sa vie
trépidante, être le héros
du célèbre roman de Jules
Verne. L’un et l’autre
possédaient cette
imagination sans bornes qui
leur a permis de repousser
les limites du possible. Cook
a inventé la brochure de
voyage, l’agence, le coupon
d’hôtel, le traveller’s
cheque, etc. Lire le récit de
sa vie, c’est se plonger dans
un livre d’histoire… et de
géographie. J-R VdP
P arer les djihadistes
assassins de civils du
titre de « kamikazés », c’est
leur prêter indûment une
noblesse guerrière. Raison
de plus pour revisiter
l’histoire des authentiques
kamikazés nippons comme
nous y invite Christian
Kessler, professeur à
l’Athénée français de Tokyo.
Ces 3 500 à 4 000
adolescents sacrifiés des
« corps spéciaux d’assaut »
provenaient en majeure
partie de la jeunesse
lycéenne et étudiante, soit
étaient volontaires contre un
tiers de mobilisés d’office.
Leur double mission en dix
mois d’opérations suicides :
desserrer l’étau militaire
américain tout en réaffirmant
les valeurs ancestrales des
bushi, ces guerriers
démontrant jadis une fidélité
mystique au mikado et à
« l’âme nipponne ». Pour
quelle efficacité ? Moins du
quart du tonnage américain
coulé pendant toute la durée
de la guerre : bien trop peu
pour en modifier le cours…
Rémi Kauffer

85/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Q U A R T I E R S L I B R E S / L I T T É R A T U R E

REPORTAGES POÉSIE
★★ ★ ★ LES GRANDS POÈMES,
de Marina Tsvetaeva, Editions des Syrtes,
1 120 p., 29 €. Traduit du russe, préfacé
et annoté par Véronique Lossky.
Edition bilingue.
QUELQUES VERS
AVANT LES FÊTES

U ne enfiévrée couvrant les murs

de fragments de poèmes, une
amoureuse cherchant l’entente des
cœurs comme une mendiante dans
la nuit, une révoltée forgeant la langue
nouvelle d’un XXe siècle né en Russie
dans le sang : autant de facettes du
diamant noir que fut Marina Tsvetaeva.
Le public français n’avait jamais pu
avoir accès à l’intégralité de sa création
poétique : c’est enfin chose faite avec
la parution du recueil clôturant le travail
★★★ L’ANDALOUSIE ROUGE ET “LA BLANCHE COLOMBE”, de Manuel titanesque entrepris par la regrettée
Chaves Nogales, Quai Voltaire, 176 p., 18 €. Traduit de l’espagnol par Catherine Vasseur. Véronique Lossky. Cette traductrice
LES ROUGES ET LES BLANCS d’exception aura consacré sa vie entière

D
à faire entendre hors du russe les vers
e l’écrivain et journaliste espagnol Manuel Chaves Nogales foudroyants de cette guerrière du verbe
(1897-1944), on a pu découvrir ces dernières années des œuvres qui rêvait d’inventer la « langue des
remarquables – romans, nouvelles, récits, chroniques – dont anges ». C’est la même poétesse – sa vie,
le recueil de nouvelles A feu et à sang, l’un des plus beaux livres son œuvre, ses gouffres – que Frédéric
Pajak nous restitue magnifiquement dans
sur la guerre civile espagnole. Le nouveau titre, aujourd’hui
le clair-obscur hypnotique d’un Manifeste
exhumé, rassemble trois longs reportages réalisés entre 1931 et juin 1936, incertain 7 (Noir sur Blanc, 250 p., 23 €).
à la veille de l’insurrection militaire, pour le journal Ahora qu’il dirigeait. Rien d’étonnant à cela : quand on s’est
Chaves Nogales plonge dans l’Andalousie profonde auprès des manœuvres consacré à Nietzsche, Pavese, Pound
agricoles, suit la Semaine sainte à Séville et le pèlerinage d’El Rocío. et Van Gogh, comment ne pas s’emparer
Rencontrant le petit peuple, souvent miséreux, subissant une exploitation de cette grande brûlée qui abrégea
quasi féodale, il voit « de braves gens qui vivent mal et qui, un jour ou l’autre, ses jours au bout d’une corde ?
consentiront bêtement à devenir de la chair à Mauser, conduits au sacrifice Cet écrivain dessinateur
par des agitateurs professionnels cultivant de viles ambitions politiques a ceci d’unique que
ou des fantasmes délirants ». Dès 1931, il ressent un désir de « révolution le désespoir chez
lui accouche toujours
extraordinaire que les uns espèrent fomentée à gauche, les autres à droite »,
d’un incandescent
une « aspiration commune à une explosion subversive et protestataire », désordre.
un « élan de destruction ». Intuitions, hélas, visionnaires. Homme de centre L’immense Marina
gauche, républicain et libéral, Manuel Chaves Nogales s’exila dès la fin s’y serait sentie
de 1936 car il savait que dans l’Espagne future, quel que soit le vainqueur comme chez elle.
du conflit, il n’aurait plus sa place. Christian Authier Elisabeth Barillé

POLAR ★ ★ ★ LE POINT ZÉRO, de Seichô Matsumoto,

Atelier Akatombo, 272 p., 18 €. Traduit du japonais par Dominique et Frank Sylvain.
LE SIMENON NIPPON

T okyo, 1958. La jeune Teiko

vient d’épouser, via un
entremetteur, un homme qu’elle
connaît à peine, Kenichi, de dix
jours de vaine attente, la jeune
épouse se rend alors sur place, et
entame de longues et fastidieuses
recherches, émaillées de
Levant), comme une des grandes
voix du roman policier japonais.
Le Point zéro, jusqu’ici inédit,
est un classique. C’est aussi le
PRESSE ; ÉDITIONS DE LA TABLE RONDE

ans son aîné. Après un bref
voyage de noces, ce publicitaire,
qui dirige une agence à Kanazawa,
dans le nord du pays, et vient
d’être promu au siège tokyoïte,
retourne une dernière fois à ses
bureaux provinciaux. On ne le
reverra pas. Au bout de quelques
rencontres troublantes et de bien
déconcertantes révélations…
A la fin des années 1950, ce polar
fouillant dans les blessures encore
mal cicatrisées de la guerre et de
l’occupation américaine, devait
confirmer Seichô Matsumoto
(un Simenon au pays du Soleil-
second volume (après le très
tortueux Loup d’Hiroshima) d’une
formidable collection nippo-
policière, dirigée par la romancière
Dominique Sylvain et
son mari Frank, tous deux fins
connaisseurs de littérature en
kimono. Philippe Blanchet

86/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Q U A R T I E R S L I B R E S / L I T T É R A T U R E

LE LIVRE
DE FRÉDÉRIC
MÊME LA DÉCADENCE FOUT LE CAMP BEIGBEDER

David Hepworth s’est pris pour Kenneth Anger et publie

le « Hollywood Babylon » du rock.

T
out fout le camp, même les rock stars. C’est la
décadence de la décadence ! Tel est le message
de ce bilan de quarante années de rock’n’roll,
où le célèbre journaliste David Hepworth
– fondateur des magazines Q et Mojo – passe
en revue toutes les extravagances des chanteurs les plus
disjonctés, de Little Richard en 1955 au suicide de Kurt
Cobain en 1994. La thèse de son catalogue de
dingues est assénée lourdement dans l’avant-
propos : il n’y a plus de rock stars au XXIe siècle.
Elles auraient été remplacées par des DJ frigides,
des rappeurs débiles et ce crétin de Justin Bieber.
L’idée se défend. Il est vrai que Beyoncé ressemble
de plus en plus à Kim Kardashian et que Rihanna
a encore du travail pour arriver à la cheville
d’Amy Winehouse. L’on pourrait arguer que
Jesse Hughes, le chanteur des Eagles of Death
Metal, a vécu en 2015 plus de violence que Jimi
Hendrix, Jim Morrison et Sid Vicious réunis.
Mais il faut reconnaître que Mick Jagger, Bob Dylan,
Paul McCartney, Neil Young, Bono, Robert Plant, Iggy
Pop, Bruce Springsteen ou Elton John datent du siècle
précédent… David Hepworth est tout simplement géron-
tophobe. C’est un punk nostalgique comme Nicolas
Ungemuth, le responsable de ces pages, lequel m’a
ordonné de parler de ce livre en me faisant une clé de bras
très convaincante. Sa théorie est que la rock’n’roll attitude
a disparu. Iggy et Mick font de la gym, Bob a le Nobel,
Paul fait du karaoké à la télé, Elton tourne son propre biopic,
Bono se prend pour le dalaï en personne… et Emmanuel
Macron a enterré Johnny à la Madeleine. Le dernier scan-
dale du rock est la bagarre entre les frères Gallagher au
festival Rock en Seine… il y a dix ans ! La musique est deve-
nue pire qu’une industrie : du streaming. C’est-à-dire
qu’au lieu d’incarner un idéal de jeunesse rebelle,
une contre-culture provocante, ou seulement un
spectacle autodestructeur, les chanteurs popu-
laires sont devenus des contenus sexy pour meu-
bler votre tuyauterie numérique, des chorégra-
phies pour instagrammeuses et de la soupe
R & B pour écouteurs d’adolescents. Ce constat
discutable n’est pas le principal intérêt de
Rock’n’roll Animals, qui emprunte son titre à un
des meilleurs disques de rock de tous les temps
(un concert de Lou Reed). Ce manifeste est
surtout le Hollywood Babylon du rock, c’est-à-
dire qu’il énumère tous les plus ignobles ragots dégoûtants
sur les musiciens les plus adulés de la planète au siècle
dernier. Vous l’aurez compris : ce tombeau de l’ancien
monde est évidemment une succulente manière de rem-
placer les « gilets jaunes »… par des blousons noirs.
Rock’n’roll Animals. Grandeur et décadence des rock stars 1955-1994,
de David Hepworth, Rivages Rouge, 345 p., 23 €.
Traduit de l’anglais par Jean-François Caro.

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LE MARQUE-PAGE DE NICOLAS UNGEMUTH EC N
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NOIR C’EST NOIR

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★ ★★ ★ ENCYCLOPÉDIE DU FILM NOIR – VOLUME I - USA 1912-1960,

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de Patrick Brion, Télémaque, 700 p., 63 €.

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RO
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C ’est un genre qui n’existe

quasiment plus : même si
tout n’est pas rose, le film
noir est en voie de disparition.
S’il a connu son âge d’or aux
Etats-Unis durant les années
1930, 1940 et 1950, ce n’est pas
parce qu’il succédait à une crise
sans précédent, mais parce
qu’il coïncidait avec l’arrivée
d’auteurs révolutionnant
le roman policier : Dashiell
Hammett, David Goodis,
Raymond Chandler ou James
M. Cain ont sorti le genre
d’un tiroir étriqué pour en faire
de la littérature de haute volée.
Le cinéma s’en est emparé et
en a fait des chefs-d’œuvre par
dizaines. Le film noir évoque
d’abord des acteurs et des
actrices : Humphrey Bogart,
Richard Widmark, Robert
Mitchum, Jack Palance, Victor
Mature, Ray Milland, Robert
Taylor, Lana Turner, Gene
Tierney, Lauren Bacall, Ava
Gardner, Rita Hayworth…
Il a été chéri par des réalisateurs
importants : John Huston, Orson
Welles, Alfred Hitchcock, Howard
Hawks, Raoul Walsh, Fritz Lang,
Jacques Tourneur, Billy Wilder,
Josef von Sternberg, Otto
Preminger, etc. Il a lancé la
mode du trench, du feutre mou,
des bagarres et
des cigarettes
omniprésentes.
Patrick Brion,
le créateur
du « Cinéma
de minuit » lui consacre
une somme hallucinante
qui fera date : une encyclopédie
détaillant 1 120 films – des plus
connus aux plus obscurs – et
réunissant plus de 800 photos
et reproductions d’affiches. Un
travail de titan recouvrant l’âge
d’or du film noir de 1912 à 1960
(un second volume est prévu pour
la suite), qui tombe à point : il
reste quelques jours avant Noël.

87/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

SAINT-DOMINGUE
EN INITIÉ
Inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, le quartier colonial
de la capitale de la République dominicaine est un trésor de villégiature
dans les Grandes Antilles. Une destination vivante et colorée où 500 ans
d’histoire affleurent, et sur les ruines desquels on danse avec respect.
Par Valérie Sasportas (texte)
et Eric Martin pour Le Figaro Magazine (photos)

88/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Carnets de voyage

La calle El Conde est

la rue piétonne la
plus longue et la plus
fréquentée de la zone
coloniale, à la fois par
les touristes et par
les Dominicains.

89/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Carnets de voyage
La casa del Diseñador
est imprégnée du style
du couturier Oscar
de la Renta, d’origine
dominicaine, auquel
elle rend hommage.
Sur le mur du patio :
un tableau de Patricia
Reid, l’architecte
de cet intérieur.
SÉJOURNER DANS LA ZONE COLONIALE,
C’EST DÉCOUVRIR LE BERCEAU DE L’AMÉRIQUE
P
rincipe ! » (prononcer « prinne-
cipé ! »), lance Carlos Batista
d’une voix pleine de sourires dans
cet espagnol nonchalant qu’on
parle à Saint-Domingue. Origi-
naire du sud-ouest du pays, Carlos
est connu comme le loup blanc
dans la capitale où il s’emploie à
promouvoir les trésors de la vieille
ville qui échappent à ceux qui n’y
séjournent pas. Que peuvent-ils en voir, ces touristes qui
ne lui consacrent que quelques heures, déambulant par
grappes à pied, à vélo ou sur un Segway reliés par un
casque à leur guide, la photographiant en toile de fond de
leurs selfies ? C’est un manège quotidien : chaque fin de
matinée, les cars déversent des flots de vacanciers comme
échappés d’un séjour tout compris au bord d’une plage
paradisiaque de sable blanc avec des cocotiers. Et puis ils
s’éparpillent comme une volée de moineaux après la
fermeture des « sites remarquables », laissant à ceux qui
restent le sentiment d’être enfin seuls avec la ville. Mais on
exagère : puisque les masses convergent toutes au même
endroit au même moment, rien ne nous interdit de
voyager autrement. Entrer dans les églises, les temples, les
couvents, les boutiques et les maisons comme le font les
90/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
Capitaleños, les Dominicains de Saint-Domingue. Il faut
y séjourner pour saisir toute l’épaisseur de l’histoire de ce
quadrilatère de « 106 hectares délimités par des murailles,
des bastions et des forts en partie rénovés, et de 32 rues,
116 pâtés de maisons composées d’un ou deux étages en
pierre, brique ou pisé », selon un passionnant dossier de la
revue Etudes caribéennes intitulé « La ville coloniale de
Santo Domingo, entre patrimonialisation et gentrifica-
tion », publié dans le numéro d’avril-août 2018. Y résident
seulement 1,2 % des 965 040 habitants de la ville, au
dernier recensement de 2010, soit 0,11 % du pays.
LA VILLE DES PREMIÈRES FOIS
La « zone coloniale » a été inscrite au Patrimoine mondial
de l’Unesco en 1990, parce qu’elle est « la ville des premières
fois » : première ville du Nouveau Monde, première cité
coloniale aux rues larges en damier avec la première église,
première cathédrale, première université, premier régime
d’Amérique doté d’institutions politiques, religieuses et
juridiques… Et que dire de la musique qui rythme la vie
jusque dans les transistors des policiers en faction ? Le són
et le merengue ont résonné à Saint-Domingue bien avant
Cuba. Ce sont des fiertés nationales qui font danser la ville.
Il faut aller un dimanche soir sur les hauteurs du sous-
quartier pavé de San Antón. Sur l’incroyable rue en côte, les ____
u
Une troupe traditionnelle
danse le merengue lors
du bal du dimanche soir sur
les ruines du monastère
de San Francisco.

C’est la nuit que la zone

coloniale s’éveille.
Ses habitants, les
Capitaleños, sortent en
famille, en couple ou
avec de nombreux amis
pour se promener,
prendre un verre, danser.

91/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 LES “CAPITALEÑOS” CLAMENT EN DANSANT
LEUR AMOUR POUR LA NATION
hommes claquent les talons et les femmes se déhanchent
sur une piste improvisée, devant des centaines de chaises en
plastique blanc disposées à la va-comme-je-te-pousse, face
à la scène hissée pour l’orchestre qui joue devant les ruines
du monastère de San Francisco. Ils sont jeunes et vieux,
maigres et gros. Sapés et sensuels. Les partenaires tournent
comme les bières Presidente au-dessus de nos têtes.
Soudain, la musique s’arrête. Minute de recueillement.
Pour qui ? Pour la patrie. Dans le silence, l’orchestre exalte
la fibre d’un public pour qui Nation n’est pas un vain mot
mais une victoire qu’il a toujours fallu défendre, face à la
couronne d’Espagne, puis face aux Français qui l’occu-
pèrent vingt ans, face aux velléités américaines au début du
siècle dernier et, face au dictateur Trujillo qui, de 1930 à son
assassinat en 1961, fit main basse sur la ville. Sans parler des
craintes persistantes chez beaucoup de voir Haïti réaliser le
rêve longtemps inscrit dans sa Constitution d’un seul pays
pour la même île. On croit qu’ils vont chanter leur hymne
si proche de La Marseillaise, mais c’est un poème qu’ils
déclament, les vers du poète Gastón Fernando Deligne,
Arriba el Pabellón, à la gloire du drapeau.
C’est la nuit que s’éveille la zone coloniale, quand les
terrasses des cafés accueillent les noceurs, quand les
églises ouvrent enfin leurs portes ouvragées en grand pour
y laisser entrer des jeunes mariés. S’unir devant Dieu sous
la voûte étoilée. Il y a un côté merveilleusement intime et
poétique à voir ainsi rayonner une jeune épousée sur le pas
d’une église éclairée par la lune.
« Principe ! » L’interjection lancée par Carlos à l’ami fait
mouche. Kin Sánchez Fernández sourit. Le frêle petit
homme s’est glissé comme une ombre dans le couvent de
l’ordre des Prêcheurs, le Convento de la Orden de los Predi-
cadores, à l’angle des calles Duarte et Padre-Bellini. C’est
un lieu essentiel pour comprendre l’architecture si spéciale
de la ville et la philosophie de vie de ses habitants.
DES MURS BLANCS COMME DANS UN PUEBLO ANDALUZ
Ce premier couvent des Amériques, bâti en 1510, qui abrita
aussi la première université du Nouveau Monde, recèle en
son sein l’univers tout entier. Elle est belle, cette église
baroque dont la façade ocre tranche avec la blancheur des
murs des maisons basses alentour. Les rayons du soleil y
tracent comme les poils d’un pinceau les ombres des bar-
reaux, des feuilles d’acacia et de bougainvillier qui ornent
les fenêtres. « On dirait un pueblo andaluz maintenant », re-
grette Kin, conseiller culturel du Cluster de tourisme de la
zone coloniale (c’est écrit comme cela sur le fronton de la
porte), qui est né à deux pas. « Quand j’étais petit, les
maisons n’étaient pas de cette couleur-là. Pour des raisons
92/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
climatiques, à cause de la luminosité aveuglante de notre
puissant soleil caribéen, elles étaient peintes en jaune, en vert,
en rouge ou en bleu. » Il en reste. Et c’est bien plus joyeux
dans ce quartier dont l’enchevêtrement des fils électriques
qui pendent sur les rues témoigne d’un habitat longtemps
réservé aux classes populaires.
LES GRANDS CONQUISTADORS VÉCURENT ICI
Théâtre incroyable de mise en scène des croyances et idéaux
des premiers peuplements européens, le couvent de l’ordre
des Prêcheurs émeut. Qu’importe alors si l’air n’y est pas
rafraîchi par un ventilateur comme dans la très touristique
cathédrale Primada de America, sur la place Christophe-
Colomb où se retrouvent d’indécrottables « claqueurs » de
dominos. Tête renversée, on scrute l’étonnante voûte de sa
chapelle sculptée d’étoiles, d’un soleil flamboyant, de
quatre dieux et des douze signes du zodiaque. « Que
ressentez-vous ? » interroge Kin. « Certains éprouvent des
frissons en se plaçant au centre, paumes des mains vers le ciel.
Il faudra que vous reveniez seule après que je vous aurai
expliqué ces symboles. Il y a deux interprétations à ce que
vous voyez et elles se superposent, celle des chrétiens et celle
des francs-maçons. » Jaugeant l’effet de surprise, Kin se
lance patiemment dans son exposé. En Europe, cette acco-
lade est peu probable. Mais pas à Santo Domingo, où la
multiplicité des temples témoigne d’une foi décloisonnée
par le choc initial des civilisations. Dans la calle Jose Reyes,
une loge américaine jouxte ainsi une église sur la rue, et
même à l’intérieur, avec un portail mitoyen.
Kin nous guide avec panache dans les entrelacs de
l’Histoire. « Mais je ne suis pas un historien », affirme celui
qui a écrit un éloquent Guide des anecdotes, contes, chroni-
ques et légendes de la ville coloniale de Saint-Domingue que
l’on peut trouver, assure-t-il, en version française à l’office
de tourisme de la République dominicaine à Paris. « Les
historiens s’expriment sur la guerre, la politique, les monu-
ments, l’archéologie. Moi, je m’intéresse aux savoirs des
hommes. »
Et Dieu sait s’ils sont nombreux depuis que Christophe
Colomb a découvert Hispaniola, cette île que se partagent
Haïti et la République dominicaine. Le navigateur génois
y mouilla une première fois peu avant la Noël 1492, dans
un port situé dans l’actuel Haïti. Puis il revint quatre ans
plus tard fonder Nueva Isabela (en hommage à la reine
Isabelle de Castille), rebaptisée Santo Domingo à la suite
d’un ouragan en 1502, sur la rive orientale du fleuve
Ozama. C’est alors qu’il entraîna dans son sillage les
grands conquistadors qui firent de Santo Domingo le
centre du Nouveau Monde. « Des héros de bonne et de ____ u
 Carnets de voyage

Construit entre 1510

et 1514 pour Diego
Colomb et son
épouse Marie
de Tolède, l’Alcazar
de Colón est le
monument le plus
visité de la ville.

93/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Carnets de voyage

Edifié sur la rive orientale du fleuve Ozama (en haut à gauche), l’Alcazar de Colón est le premier palais fortifié d’Amérique
et le premier de style Renaissance. Balade street-art sur les traces des artistes du mouvement Transitando (en haut à droite).
Calle Hostos (en bas à gauche), les maisons colorées tranchent avec la blancheur éclatante de l’église Nuestra Señora de la
Altagracia. La peintre muraliste Xaivier Ringer (en bas à droite) pose dans une rue typique du quartier.

“LES MONUMENTS COLONIAUX SONT DES MOTS TAILLÉS

DANS LA PIERRE. ILS SONT LE MODÈLE DU PREMIER
CHANGEMENT SOCIAL PRODUIT PAR LES EUROPÉENS”
mauvaise vie », comme le dit le romancier dominicain
Marcio Veloz Maggiolo.
La longue liste de leurs noms défile sur un mur du musée
des Maisons royales, Las Casas Reales, datant lui aussi du
XVI e siècle, comme au générique d’un film à grand
spectacle. Et il est incroyable de se dire que tous vécurent
ici : Vasco Núñez de Balboa conquit l’océan Pacifique ;
Hernán Cortès, le Mexique ; Juan Ponce de León, Porto
Rico ; Diego Velázquez de Cuéllar, Cuba ; Juan de Esqui-
vel, la Jamaïque ; Francisco Pizarro, le Pérou ; Gil Gon-
záles Dávila, le Nicaragua, et Juan de Grijalva, le Yucatán.
Semée d’embûches et de trésors remontés des profondeurs
des mers, leur longue route en quête de gloire et de fortune
fait, elle, l’objet d’un futur musée palpitant d’interactions :
le MAR, Museo de las Atarazanas Reales (musée des
Chantiers navals royaux). Son ouverture est prévue avant
la fin de cette année (pour l’avoir visité, cela nous paraît
jouable). Quand on sort, on tombe sur les maisons de ces
pionniers, sur des palais dignes d’un prince, comme Diego
Colomb, fils de Christophe, qui s’établit dans l’Alcázar de
Colón, au bord du fleuve Ozama. Marcio Veloz Maggiolo
dit vrai : « Les monuments coloniaux sont des mots et des
phrases taillés dans la pierre. Ils sont le modèle du premier
changement social que produisit l’implantation européenne
en terre américaine. »
UN SERMON CONTRE LE MASSACRE DES INDIENS TAÏNOS
Or, ce changement généra aussi une révolution dont le
couvent de l’ordre des Prêcheurs fut la caisse de résonance :
l’invention des droits de l’homme. Un indigné de l’époque,
le frère missionnaire Antonio de Montesínos, les proclama
le 21 décembre 1511, devant un parterre de dignitaires
espagnols. Contre le massacre des populations autochtones,
les Indiens Taïnos, il s’insurgea dans son sermon de l’Avent
que l’on lit (en espagnol) sur un mur de l’église : « Dites-moi :
quel droit et quelle justice vous autorisent à maintenir les
Indiens dans une si affreuse servitude ? Au nom de quelle auto-
rité avez-vous engagé de si détestables guerres contre ces
peuples […] Ne sont-ils pas des hommes ? N’ont-ils pas une
âme raisonnable ? » Figé dans son cri, Montesínos trône en

94/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

buste à l’entrée. Son image et sa déclaration s’affichent dans
le tout proche musée-hôtel El Beaterio, dont les anciennes
cellules des religieuses béates sont aujourd’hui des chambres
ouvertes sur l’intérieur, comme dans un riad.
Or, un autre homme d’Eglise a laissé son empreinte dans
la ville, le prêtre Bartolomé de Las Casas, dont le sermon
de l’Avent de Montesínos bouleversa le destin. Frank
Moya Pons, président de la société dominicaine de biblio-
philie située elle aussi dans la zone coloniale, le présente
comme « l’archétype de l’anthropologue moderne, capable
de se départir de ses préjugés occidentaux pour comprendre
et enseigner les autres sociétés ». Un exemplaire du tome I
de l’Histoire des Indes de Las Casas est dans la biblio-
thèque que personne ne voit à l’entrée de la Hodelpa
Nicolas de Ovando, hôtel historique en plein centre, dont
l’un des trois bâtiments fut la maison du premier gouver-
neur de la ville dont il porte le nom. Dans sa préface, Frank
Moya Pons fait siens les mots du philologue cubain José
María Chacón y Calvo : « Il faut partir de Las Casas chaque
fois que l’on parle des origines de la colonisation. »
UNE AVENTURE QUE CHAQUE HÔTE PEUT S’APPROPRIER
Alors, quand on découvre dans ce contexte les Casas
del XVI, c’est à Bartolomé que l’on pense, et non au mot
maisons, au pluriel parce qu’elles sont plusieurs à avoir été
métamorphosées en bijoux d’hôtellerie insoupçonnables.
Entre des murs chargés d’histoire, sans que l’expression
soit ici galvaudée, une architecte d’intérieur, Patricia Reid,
a créé des univers de rêve. Des décors opulents et colorés,
comme chez un antiquaire, ou comme dans sa maison
surchargée d’objets chinés partout dans le monde par cette
collectionneuse compulsive assumée. Le monde selon
Patricia Reid est fait d’étoffes, de couleurs, d’objets qui ont
une âme. Elle les arrange avec raffinement, curiosité et
érudition pour qu’ils racontent, ensemble, une aventure
que chaque hôte des lieux peut s’approprier. Ce sont les
pièces d’un puzzle d’un Nouveau Monde dont les explora-
teurs sont des artistes. La belle muraliste féministe
afro-américaine originaire de La Barbade Xaivier Ringer
est de ceux-là, qui peint la ville de street art engagé comme
cette fresque en noir et blanc honorant la mémoire des trois
sœurs assassinées par le dictateur Trujillo. Nouveaux
explorateurs eux aussi, l’artisan dominicain Manuel
Bolós, dont les miroirs en “art recyclé” de bois et de métal
ornent des salles de bains des Casas del XVI, ou la jolie
Vénézuélienne Ysabel Molinas, dont les grandes poteries
meublent certains salons des Casas.
Le nouveau monde dominicain d’hier et celui de demain se
racontent encore à la librairie Mamey, qui s’adosse à une
galerie et à un cinéma d’art et d’essai faisant vibrer le sep-
tième art dominicain ; au micro-théâtre où le public se mêle
aux comédiens ; ou chez ce glacier qui réinvente l’avocat et
la douceur du lait dans un mélange subtil dont le palais se
souviendra longtemps de la saveur sucrée. Xaivier aime
dans cette ville son côté « passionné, familial et créatif ».
Patricia Reid, figure de la cité coloniale, la juge « chaotique,
excitante, énergisante et parfumée ». Et c’est pour tout cela
qu’on a aimé y séjourner. ■ Valérie Sasportas
 LES CASAS DEL XVI SONT UN SYMBOLE
DU NOUVEAU MONDE DE LA ZONE COLONIALE
UTILE
Office de tourisme de la
République dominicaine à
Paris (01.43.12.91.91 ;
Godominicanrepublic.com).
A noter : aux prix indiqués,
il faut ajouter 28 % de taxes.
Y ALLER
Air France (3654 ; Airfrance.fr)
opère un vol direct par
semaine et 2 vols
hebdomadaires avec escale à
Punta Cana à destination de
Saint-Domingue, au départ de
Paris. A partir de 550 € l’’aller-
retour en classe Eco. La
compagnie propose aussi
6 vols directs par semaine vers
Punta Cana (à 2 h de route de
la capitale). A partir de 630 €.
NOTRE SÉLECTION
D’HÉBERGEMENTS
Las Casas del XVI
(00.1.809.688.4061 ;
Casasdelxvi.com). Au cœur
de la zone coloniale, c’est
une constellation 5 étoiles,
disséminée dans des bâtisses
du XVIe siècle, labellisée Small
luxury hotels of the world.
Un boutique-hôtel « éclaté »
en maisons de caractère
opulentes et exclusives, où
l’héritage hispanique se mêle
aux influences du monde
actuel. L’architecte d’intérieur
dominicaine Patricia Reid § Elbeaterio.fr). Propriété d’une
y a mis en scène des objets
qu’elle a rapportés de voyage
ou chinés chez des artisans du
quartier, dans l’esprit de sa
propre villa située à deux pas.
C’est une expérience de
séjourner dans une de ces
maisons de plain-pied ouverte
sur l’intérieur, à l’abri des
regards. Chacune compte 2
ou 6 chambres au charme fou,
donnant toujours sur un patio
doté (sauf un) d’une petite
piscine à l’orée d’un salon.
Côté service, les majordomes
s’occupent de tout. Les casas
portent chacune un nom
reflétant leur univers. La casa
de los Mapas, première
ouverte en 2014, évoque les
routes empruntées par les
conquistadors. La casa del
Arbol ! est construite autour
d’un manguier centenaire ;
la réception s’y trouve.
/
La casa Antillana est
joyeuse et colorée comme
un tableau du Douanier
Rousseau. La casa del
Diseñador doit son nom au
styliste de mode originaire de
Saint-Domingue Oscar de la
Renta. La collection compte
8 adresses, bientôt 21, dans la
zone coloniale. Pour la casa
del Diseñador (6 personnes),
compter 1 756 € avec les
petits déjeuners. Compter à
partir de 308 € la chambre
pour 2 dans les autres casas.
Hodelpa Nicolás de Ovando
(00.1.849.455.9740 ;
Hodelpa.com). Face au
Pantheon nacional d’un côté
et surplombant le fleuve
Ozama de l’autre, à deux pas
de la longue et très touristique
rue piétonne El Conde, c’est
l’hôtel patrimonial le plus
central de la zone coloniale.
Ex-hôtel Accor devenu
membre de la chaîne Hodelpa,
l’endroit compte 92 chambres
et 5 suites. A partir de 158 €
la nuit avec petit déjeuner.
El Beaterio.
00.1.809.687.8657 ;
famille française, ce musée-
hôtel de la zone coloniale
est lové dans une maison
de religieuses de 1530, à côté
du couvent de l’ordre des
Prêcheurs. Des objets mis
au jour par des archéologues
y sont exposés. Onze
chambres toute petites mais
cosy dans d’anciennes
cellules disposées comme
dans un riad. A partir de 88 €
la nuit avec petit déjeuner.
NOS BONNES TABLES
Mesón d’Bari (à l’angle des
calles Hostos et Salomé
Ureña). Derrière les murs bleus
de cette maison du XVIe siècle
96/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
se trouve une institution pour
les dominicains. Dans une
déco surannée de murs
surchargés de peintures est
servie une cuisine
traditionnelle de viandes et de
poissons grillés. Autour de
12 € le repas.
Lulú Tasting Bar (placette
Billini, à l’angle des calles
Arzobispo Meriño et Padre
Billini). Dîner à sa terrasse. On
y sert une cuisine branchée
avec notamment de délicieux
ceviches de poissons et du
poulpe grillé. Environ 26 €.
Pour le dessert, faites un
détour par le meilleur glacier
de la ville, Paletas (calle Isabel
la Católica, 165), vous serez
conquis par la saveur et la
texture de ses bâtons de
crèmes glacées (170 recettes).
BOIRE UN VERRE,
DANSER
En journée, à La Cafetera, sur
la rue piétonne El Conde
(no 253). Ce café dans son jus
fut le refuge des Espagnols
durant la guerre antifranquiste.
Le peintre José Cestero y a ses
habitudes. Si vous le rencontrez,
il vous racontera mille et une
légendes sur sa ville.
La Alpargatería
(Laarpargateria.com.do). Une
boutique d’espadrilles
cousues main qui fait aussi
café et restaurant à l’arrière
et dans le patio. Au soleil
couchant, sur le toit-terrasse
avec piscine de l’hôtel Billini
(Billinihotel.com) jouxtant une
émouvante église. Vers 22 h,
à El Sartén (calle Hostos),
un bar de quartier refait à neuf
où l’on danse toujours le són,
la salsa et le merengue.
À VOIR, À FAIRE
L’Alcázar de Colón (plaza de
España). Incontournable,
ce beau palais construit
entre 1510 et 1514 pour Diego
Colomb, fils de Christophe.
Ce monument donne les clés
pour comprendre les
ambitions des pionniers.
Entrée : 1,75 €.
Chez Mamey $
(809.688.9111 ; Mamey.co).
Atmosphère conviviale,
branchée et engagée dans
cette librairie-galerie d’art-
cinéma-bar au concept unique.
Alejandro Ruiz gère les livres.
Eddy Guzmàn, les expositions.
Sa fille Laura Amelia Guzmàn
promeut les films caribéens
dans la salle aux 25 chaises
longues, ou sous les étoiles.
Le Micro Théâtre (calle José
Reyes, 149). Dans une pièce
minuscule, les comédiens
évoluent au milieu du public
(10 personnes à la fois). Les
représentations tournent
toutes les 15 min (5,30 €).
A la galerie de Manuel Bolós,
dans son atelier du sous-
quartier Santa Barbara, cet
artisan aux mains d’or
récupère bois et métaux
auxquels il offre une nouvelle
vie. On craque pour ses
poissons hauts en couleur %
et pour ses miroirs, repérés
dans les Casas del XVI.
HORS LA VILLE…
A 2 h de route au sud-ouest
de Saint-Domingue, les dunes
de sable de Baní & ourlées
dans la baie de Las Calderas
par la mer des Caraïbes,
évoquent le Sahara. Une zone
protégée depuis 1996 pour
sa biodiversité unique aux
Antilles. Puis faire halte à Baní,
capitale de la mangue.
A quelques kilomètres de là
se trouvent Las Salinas @
immenses étendues de sel,
récolté comme il y a cent ans.
À LIRE
La Brève et merveilleuse vie
d’Oscar Wao, de Junot Díaz
(Plon). Un roman historique
haletant à travers les destins
de membres de la diaspora
dominicaine aux Etats-Unis.
A noter : la librairie Cuesta, à
l’extérieur de la zone coloniale,
est une mine d’or. V. S.
Carnets de voyage

1 2

3 5

6 7
 Q U A R T I E R S L I B R E S / É VA S I O N

HÔTELS DE MONTAGNE

LES MÊMES, MAIS EN MIEUX

Trois institutions des Alpes françaises font peau neuve cet hiver.
Lifting complet, nouvelle déco ou embellissement général… Régénérations au sommet.

LE CŒUR DE MEGÈVE S’EMBALLE !

F
ace au dynamisme de la concurrence, l’hôtel
Cœur de Megève ne battait plus la chamade.
Tenu par la même famille depuis trois généra-
tions, il avait besoin de sang neuf. Comme on ne
change pas une équipe qui gagne, c’est l’écrin
qui a été repensé. Aux manettes de cette transformation,
Sybille de Margerie. L’architecte d’intérieur (qui avait déjà
habillé le palace Cheval Blanc de Courchevel et relooké
l’Hôtel Mont-Blanc de Chamonix) a insufflé un « esprit
chalet » à cet établissement de village. Lové dans la rue
Charles-Feige, tout près du sapin monumental, de l’église
Saint-Jean-Baptiste et de ses ruelles au luxe feutré, Cœur de
Megève porte bien son nom. C’est là, dans l’artère princi-
pale, que bat le pouls de la vie locale. Fréquenté par des ha-
bitués, l’hôtel souhaite aussi s’ouvrir à une nouvelle clien-
tèle internationale. « Devenir un lieu de rendez-vous, vivant,
chaleureux, d’une élégante simplicité […] ; au fil des
espaces, j’ai souhaité mettre en lumière les paysages qui en-
tourent l’hôtel, tout en gardant un style authentique et spor-
tif », précise l’architecte. Une ambition exprimée à travers
des matériaux simples et raffinés comme le noyer brossé, la
pierre bleue du Hainaut, des laines colorées, des espaces
conviviaux, un bar à cocktails. Côté cuisine, on surfe sur la
tendance : recettes traditionnelles revisitées, ingrédients
bio, démarche écoresponsable. Dans la même veine, le spa
travaille avec les cosmétiques Tata Harper formulés dans
une ferme du Vermont, tandis que les chambres offrent des
amenities Grown Alchemist, une marque pointue austra-
lienne. Au comptoir des excursions, le concierge peaufine
des sorties originales mêlant sports de glisse et découvertes
du terroir. Pour cette réouverture, chacun a mis du cœur à
l’ouvrage. M.-A. O.
Cœur de Megève (04.50.21.25.30 ; Coeurdemegeve.com). A partir de 345 €
la nuit en chambre double.

VAL-D’ISÈRE COURCHEVEL
LA TOVIÈRE MONTE EN GAMME LA SIVOLIÈRE CHANGE DE DÉCOR

A u pied des pistes

et de la nouvelle
télécabine de La Daille,
l’hôtel La Tovière rouvre
après des mois de travaux
pour passer de 3 à 4 étoiles.
Dans le lobby et les
29 chambres, toutes refaites,
dont certaines
astucieusement aménagées
pour recevoir une fratrie,
souffle un vent de design
et de modernité : moquette
C haque année,
dans la déco zen. Piscine
chauffée et spa ajoutent au
confort de cet hôtel familial
Florence Carcassonne se
demande comment
surprendre les hôtes de La
Sivolière, « son » ravissant
5 étoiles installé depuis près
de trente ans à Courchevel
1850. Cet hiver, elle refait
la déco ! L’architecte
d’intérieur Sara Copeland
conjugue le style montagnard repensé. Les quadrupèdes
avec des notes British et bénéficient aussi d’un accueil
florales très rafraîchissantes. privilégié dans cet hôtel
MEGEVECOMMUNE, SDP

bicolore aux motifs zébrés
à la manière d’un Vasarely,
poufs tressés et colorés
comme des bonbons
acidulés, présence du bois
désormais luxueux, mais
toujours sans chichi. P. V.-D.
La Tovière (04.79.55.61.18 ;
Hotel-latoviere.fr). A partir de
299 € la nuit pour 2 personnes.
Par ailleurs, le chef Bilal
Amrani développe sa
délicieuse table 100 % bio
et éthique, tandis que le spa
Nuriss est complètement
autoproclamé « dog friendly ».
M.-A. O.
La Sivolière (04.79.08.08.33 ;
Hotel-la-sivoliere.com). A partir
de 590 € la nuit.

98/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018 Page réalisée par Marie-Angélique Ozanne
 De l’Histo ire, le meille ur.
La vodka Squadron 303 a une histoire, celle des pilotes Polonais de la légendaire escadrille 303 de la Royal Air Force.
Ces héros de la Bataille d’Angleterre importèrent un savoir-faire ancestral de leur pays d’origine, la distillation de vodka.
Squadron 303 vodka : King Edward Potatoes, Single Distillation, Unfiltred.
Unfiltred.
S Q U A D R O N 30 3 V O D K A. C O M

L’ A B U S D ’ A L C O O L E S T D A N G E R E U X P O U R L A S A N T É . À C O N S O M M E R A V E C M O D É R A T I O N .
 Q U A R T I E R S L I B R E S / G A S T R O N O M I E

LA TABLE DE
MAURICE BEAUDOIN

SAVEURS
DU PAIN
NATUREL
ET AUDACIEUX

A près la mode des

bouchers et des
pâtissiers stars, voici
celle des boulangers
vedettes. Dans le
secret, on se murmure
leurs adresses. Souvent,
ces boulangers hors
normes sont venus
au métier sur le tard.
C’est le cas, à Paris,
de Mattias et Fabrice.
FRÉDÉRIC SIMONIN Ils se sont rencontrés
La grande cuisine d’un disciple de Joël Robuchon à l’école primaire
avant que le premier

J
étudie à Dauphine,
’ai connu Frédéric Simonin à Londres cèpes crus et cuits, les oursins dans une gelée le second dans une
en 2006, à L’Atelier de Joël Robuchon. iodée, crème onctueuse parfumée au fenouil école d’ingénieur. Dix-
On y servait des plats magnifiques et sauvage, sont d’intenses moments. Le bar de sept ans plus tard, ils
originaux, sortis de l’imagination du ligne, cuit nacré, se déguste, cerné de couteaux découvrent ensemble
le pain au levain issu
meilleur cuisinier du monde et inter- au coco de Paimpol et condiments, coquil- de farines sans
prétés avec talent par le chef Frédéric Simonin, lages et jus au vert, comme le saint-pierre rôti, additifs et décident
qui y avait gagné 2 étoiles. jus d’arêtes au verjus, oignon confit et raisin de se lancer dans
Depuis 2010, il a ouvert un restaurant bien à rose de Moissac, noisettes et pimprenelle. Le une formation de
lui, à Paris. Meilleur ouvrier de France, pro- lièvre à la royale, salsifis au jus et frit et le per- boulanger. Ils ouvrent
motion 2018, il vient de publier un livre, dont dreau gris farci de foie gras, raisin muscat, at- Archibald, proposant
Joël Robuchon avait écrit la préface avant sa testent de la saison. On peut préférer la côte une série de pains
disparition. Sacré témoignage d’un maître à entière de veau normand cuite en cocotte, « naturels et
son disciple. Au fil des pages défilent des champignons des sous-bois. Ne pas rater les audacieux » : croûte
recettes imbibées des leçons de son mentor. croustillante, mie
figues de Solliès cuites au jus de framboise ou
moelleuse, aérée.
Un ouvrage dédié à l’association Bleu- la pistache d’Iran en parfait glacé nappé cas- Une mie qui respire,
Blanc-Cœur qui milite « pour bien nourrir les sis. Dans la discrétion de sa belle maison, étonnamment légère.
animaux, afin de bien nourrir les hommes ». Frédéric Simonin propose l’une des plus Une gamme large de
Onze portraits de producteurs apportent un belles cuisines de la capitale. huit pains et un seul
éclairage sur les produits utilisés par Frédéric Frédéric Simonin, 25, rue Bayen, Paris XVIIe objectif, l’excellence.
Simonin, dans le respect d’une agriculture (01.45.74.74.74). Menus : 44 €, 55 € (déjeuner), 105 €, M. B.
145 €. Carte : environ 150 € (sans boisson). Fermé dimanche Archibald, 28, rue des
durable et d’une restauration responsable. Fossés-Saint-Bernard,
et lundi.
Dans son restaurant-cocon, Frédéric n’a pas * Frédéric Simonin. La cuisine d’un chef engagé, textes Paris Ve. Ouvert de 16 h
trahi ses belles années. En entrée, l’ormeau, de Patricia de Figueiredo, photos de Julie Limont, Editions à 19 h 30. Fermé samedi
cuit à l’algue kombu et laqué au soja, foie gras, du Chêne, 320 p., 45 €. et dimanche.

ARTS DE LA TABLE BONBONNIÈRE BASQUE PERSONNALISABLE

P our Noël, on évitera la tragédie à la Monty

Python qui vit, dans Le Sens de la vie,
ce malheureux Mr. Creosote exploser après
avoir dégusté l’after-dinner mint de trop.
Pas question de garnir cette bonbonnière
made in Biarritz, créée par Céline Lenoir,
d’autres chocolats que ceux de la région.
au clou de girofle, à la cannelle et au piment…
Tiens, tiens ! Aujourd’hui encore, on trouve
d’excellents chocolatiers : Puyodebat, Henriet,
Cazenave, Adam, Bamas, ou Pariès qui
propose également des Mouchou et des
Kanougas dont le nom peut s’inscrire,
à la demande, sur la surface de ce coffret
JULIE LIMONT, SDP

A Bayonne, la tradition chocolatière de verre personnalisable. Tous les produits

fut initiée par les Juifs portugais au début de la marque Piment Noir sont fabriqués en
du XVIIe siècle. Epoque à laquelle le breuvage France, au Pays basque. Laurence Haloche
était amer, épicé et parfumé à la vanille, Bonbonnière, Piment Noir, 21 € (Pimentnoir.net).

100/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 Grands Vignobles

L’ ICÔNE.
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PREMIÈRES VENDANGES EN 1252

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L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération. P RO P R I É TA I R E
 Q U A R T I E R S L I B R E S / V I N S & S P I R I T U E U X

CHAMPAGNE

DOM PÉRIGNON 2008 AU GRAND JOUR

Le dernier opus de l’abbaye d’Hautvillers sort cette fin d’année.
« Le Figaro Magazine » en donne un avant-goût.

C
’est une cuvée de trans- recherche de sensualité », résume
mission, qui marque le Axelle Araud, elle-même ingé-
passage de relais entre nieur agronome, à l’instar de ceux
deux chefs de cave de la qui mettent aujourd’hui au point
m a i s o n , l ’ i n e ff abl e les superbes cuvées des maisons de
Richard Geoffroy, aux comman- ce rang. C’est sans doute cela,
des depuis trois décennies, et Dom Pérignon : la maîtrise scienti-
Vincent Chaperon, qui fut son fique – météorologique, œnolo-
assistant. Au-delà du symbole, gique… – au service d’une idée
« 2008 fut une année exceptionnelle poétique et d’un vin « qui ouvre ses
à plus d’un titre. La récolte s’an- ailes ». Un principe sublimé avec le
nonçait difficile mais elle s’est révé- vieillissement. Sur ce point, la mai-
lée durant le dernier mois. Tout son d’Hautvillers parle de pléni-
l’enjeu fut de réinterpréter le style tude. Quèsaco ? « Une plénitude est
Dom Pérignon à partir de cette sin- un plateau de maturité durant
gularité », explique Axelle Araud, lequel le champagne atteint une
œnologue de la maison (photo). certaine forme d’expression. On en
Pour y parvenir, la marque a dis- compte généralement trois, que
posé, comme toujours, d’un for- nous nommons P1, P2 et P3 »,
midable choix de raisins parmi les reprend Axelle Araud. La pre-
17 grands crus de la Champagne. mière évoque la jeunesse, la
Elle recourt toujours à au moins deuxième fait entrer dans un uni-
huit d’entre eux – quatre crus de vers plus vineux, la troisième se
chardonnay et autant de pinot révèle au bout d’un quart de siècle.
noir – pour constituer la base de l’assemblage. Ensuite, les Revenons à ce 2008, un millésime avec beaucoup d’inertie
choix de parcelles et les dosages relèvent de l’art du chef qui a eu besoin de temps pour s’exprimer. Il révèle une
de cave et de ses équipes, comparable, pour le non-initié, belle acidité, offre aujourd’hui de l’ampleur, se distingue
à celui du druide concoctant sa potion. « Dom Pérignon par des touches enrobées, toastées. En bouche, il se
est l’expression d’un idéal esthétique, le fruit d’une montre crémeux, soyeux. Fameux. Stéphane Reynaud

PAPILLES ET PUPILLES surfaces et magasins spécialisés, opter COUP DE CŒUR

pour un objet ancien est beaucoup plus CHÂTEAU TALBOT 2015
original. Adresses bien connues des
Parisiens, les boutiques Au Bain Marie
exposent de véritables trésors. Cela
fait des décennies qu’Aude Clément,
L e vignoble de Talbot, quatrième cru
classé de Saint-Julien, propriété
de la famille Cordier depuis cent ans,
créatrice et styliste qui a ouvert sa s’étend sur 110 hectares. La propriété
première maison en 1977, chine à s’est dotée il y a moins de cinq ans
travers le monde des antiquités, des d’un outil de production (cuviers et
pièces atypiques dévoilant son goût chais à barriques) époustouflant afin
expert dans l’art de recevoir. Shaker de continuer à produire
EC
TIO
N
en argent massif avec son presse- un très grand vin comme
L
agrumes intégré, modèle en bakélite le démontre le millésime
É

rouge (photo à droite), ou japonisant 2015. L’attaque est souple

- S

N E

avec des bambous gravés, style et ronde, la bouche

ZI
FI

Art déco martelé en métal argenté, est puissante, charnue,

COCKTAILS : LE CHARME
A
G

A G
RO
MA rareté signée Raphael & Lawson Clarke
DES SHAKERS ANCIENS élégante, fruitée, aux
de 1930, réédition d’une pièce de tanins fins. La finale se

A vec le retour des cocktails, la collection en forme de pingouin… révèle fraîche, longue,
LEIF CARLSSON, DR

mode des soirées « mixologie » à Le choix est vaste : un cocktail légèrement épicée.
la maison, offrir un shaker s’avère une d’élégances aussi raffinées qu’utiles. Magnifique.
bonne idée de cadeau. Si l’on peut Laurence Haloche Valérie Faust
aisément en trouver dans les grandes Shaker à partir de 65 € (Aubainmarie.fr). Prix : 64 € (Millesima.fr).

102/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 L’A I R D U T E M P S

KAVALAN - Un pop-up dédié

Du 15 novembre 2018 à la fin janvier
2019, le Golden Promise Whisky Bar
se met aux couleurs de la
distillerie taïwanaise Kavalan.
Au programme, des dégustations
du Kavalan Distiller Select, grande
nouveauté de la maison, la
découverte de quatre cocktails
autour de ce whisky exceptionnel,
de nombreuses animations avec
le chef barman Jakoub du célèbre
bar londonien le Tea Room Bun
House (27 et 28 novembre) et
la participation à la Paris Cocktail Week.
Chaque amateur de whisky pourra se procurer
l’intégralité des embouteillages de la distillerie
et pour les connaisseurs les plus exigeants, des
expressions en Single Cask seront disponibles
à travers deux thématiques : la version “Whisky
Chronicles” et une autre vieillie en fûts
de sherry. Immersion totale garantie dans
l’univers de la marque.
www.whisky.fr/marque/kavalan.html
L’ABUS D'ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, À CONSOMMER AVEC MODÉRATION
MARC FOUJOLS - Investir à Maurice
Spécialiste dans la vente de biens de prestige
et de propriétés de luxe à Paris, en France et
à l'international, l’agence immobilière Marc
Foujols présente ses lieux uniques à l’île Maurice.
Au cœur d’un cadre privilégié, la nouvelle
résidence de haut standing est située sur la
côte ouest sur le seul îlot habitable de l’île.
Avec ses lignes épurées et son jardin arboré,
le programme s’insère parfaitement dans son
milieu naturel. Appartements au rez-de-chaussée
avec piscine ou l’extraordinaire penthouse du
dernier étage, chaque nouvel habitant trouvera
son bonheur au milieu de cet espace ultra privé
à l’environnement fiscal des plus avantageux.
Ile Maurice - A partir de 702 250 ¤
ilemaurice@marcfoujols.com
Tél : 01 53 70 00 08 – www.marcfoujols.com
Photos DR
CHOPARD
Montre pour gentleman contemporain
Chopard dévoile une nouvelle interprétation
de l’emblématique L.U.C Quattro. Limitée à
50 exemplaires, la montre au cadran argenté satiné
vertical et aux aiguilles bleues et dorées s’adresse
aux gentlemen contemporains. Son élégant
boîtier en or rose à la carrure elle aussi satinée
abrite un mouvement automatique au calibre certifié
“chronomètre” et disposant du Poinçon de Genève.
Breveté Quattro, ce dernier se caractérise par
la présence de quatre barillets d’une remarquable
finesse lui offrant une autonomie de neuf jours.
Habillé d’un bracelet en cuir de veau bleu doublé
alligator brun, ce garde-temps unique témoigne encore
une fois de la qualité du travail de la Maison Chopard.
Informations sur demande – www.chopard.fr
BAOBAB COLLECTION
Décoration olfactive
Spécialiste des objets de décoration et notamment des bougies
haut de gamme, Baobab Collection propose sa nouvelle édition
de diffuseurs de grande taille. Baptisés « Totem », ils sont de
véritables objets de décoration au design épuré et contemporain
pour habiller les intérieurs d’une élégance délicate. Détail et non
des moindres, le verre utilisé est soufflé à la bouche par des
artistes verriers. Une volonté de la maison de défendre la
création artisanale. Tandis que les senteurs sont une invitation
au voyage, elles diffusent des notes mixtes (oud, musc blanc,
safran, menthe, etc) évoquant des aventures lointaines.
Diffuseurs “Totem” 2 ou 5 litres - “Black Pearls et White Pearls”,
“Aurum et Platinium” et “Feathers et Feathers Touaregsé
à partir de 335 ¤ - www.baobabcollection.com
BOURRIENNE
Chemise intemporelle
Incontournable du vestiaire masculin, la chemise blanche est
réinterprétée par la maison Bourrienne. Toute en modernité,
la marque s’inspire des détails de chemises anciennes pour donner
à ce produit monochrome une allure des plus singulières et actuelles.
Cols, plastrons, poignets, tous ces détails rappellent l’époque où
Victor Hugo, Chateaubriand ou Bonaparte débattaient dans les salons
en chemise blanche. Une façon originale de faire revivre cette pièce
indispensable de la garde-robe des hommes d’aujourd’hui.
58, rue d’Hauteville 75010 Paris - Du lundi au samedi de 10h à 19h

www.bourrienne.com

PA G E R É A L I S É E PA R L E S E R V I C E C O M M E R C I A L D U FIGARO MAGAZINE

BEAUTÉ
DES FRAGRANCES POUR RÉCHAUFFER L’HIVER
Entre épices, vapeurs d’alcool et volutes de tabac,
I
l y a un parfum
d’aventure dans ces
fragrances qui se brû-
l e n t a u x e ff l u ve s
d’alcool, de tabac et
d’épices pour réchauffer
l’hiver et mettre les sens en
f ê t e. I l y a d e u x a n s ,
Comptoir Sud Pacifique
d o n n a i t l e t o n av e c
Rhum & Tabac, devenu le
best-seller de la marque.
« C’est un rhum très terreux,
ch a u d , b o i s é, e s t i m e
Thomas Fontaine, qui a
œuvré sur le sujet avec
Vanina Muracciole. Nous
sommes dans l’univers des
comptoirs coloniaux, des
notes antillaises. » Ne
serait-ce qu’avec le tabac
cubain, qui balance entre
ambre et odeur de foin. « La
structure est forte et char-
pentée mais, en arrière-plan,
la finesse éthérée du rhum
joue sa partition. » Dans son
sillage, Jovoy vient de hisser
les voiles sur un bateau de
corsaire pour aller tutoyer
les mers du bout du monde.
Son Pavillon Rouge le
raconte dans le feu contrôlé
Q U A R T I E R S L I B R E S
eaux de parfum qui invitent au voyage.
d’une rasade de whisky.
« On a peu utilisé le whisky
en parfumerie, constate le
nez Marie Schnirer. Celui-ci
est sexy et sensuel mais en
même temps moderne et no-
vateur. » Elle y a ajouté
quelques gouttes de rhum
et, pour le côté tourbé, plu-
sieurs variétés de vétiver na-
turel dynamisées par un vé-
tiver de synthèse enveloppé
de l’odeur franche du ci-
gare. « Le musc animal ap-
porte de la sensualité et la va-
nille de Madagascar de la
gourmandise. » Son whisky
s’est frotté à la cargaison
précieuse du navire. Fruits
secs, lapsang souchong,
benjoin sont aussi de la
partie. En bon Américain
qu’il est, Tom Ford a traîné
ses bottes de cow-boy sur
les sables brûlants des
déserts du Grand Ouest. Il
enrésulte Ombré Leather,
un cuir noir composé de
patchouli et de vétiver, des
bois réchauffés de carda-
mome et de safran. Avec
Mizensir, la marque de
bougies et de parfums qu’il
104/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
/ S T Y L E
TIO
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- S
N E
ZI
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A
G
A G
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Rhum et Tabac de a créée,Albertos Morillas,
Comptoir Sud Pacific, auteur de fragrances à
101 €, le vapo 100 ml succès, nous emmène en
d’eau de parfum.
Pavillon Rouge de
Indonésie, sur les rivages
Jovoy, une fragrance des îles Célèbes. « J’ai voulu
pour corsaire décrire l’intensité du soleil
d’aujourd’hui, 130 €, sur un panier d’épices. » Ré-
le vapo 100 ml sultat, un jus boisé composé
d’eau de parfum. de cardamome, cannelle,
Celebes Wood
de Mizensir, 190 €,
poiv re bl a n c e n iv ra n t
le vapo 100 ml dont la puissance joue du
d’eau de parfum. contraste avec la fève tonka
et le labdanum à l’odeur
sensuelle, voire sexuelle.
« La vanille de Madagascar
qui possède naturellement
une facette presque animale,
est présente mais traitée
dans l’amertume. L’encens,
lui, évoque une forêt sombre.
Associé aux épices et à la
note florale du géranium, il
perd son côté mystique.
Cette écriture épicée est très
brute, très campée, définie
avec énormément de person-
nalité. Ce n’est pas une odeur
juste pour sentir bon. » Son
sillage volontairement
tenace s’adresse aux
hommes – et aux femmes –
SDP? SCAVINI
au caractère affirmé.
Catherine Saint-Jean
 Q U A R T I E R S L I B R E S / S T Y L E

HORLOGERIE

MONTRES DE CHOC
Omega vient d’étendre à cinq ans
la garantie appliquée à l’intégralité des modèles
de ses collections. Un gage de résistance.

I
l s’agit d’une mesure qui passera aux yeux de
certains pour un détail, mais qui en réalité ne laisse
pas les clients de marbre. Alors que la plupart des
marques garantissent leurs garde-temps entre deux
et trois ans après l’achat, les rares horlogers
capables de l’étendre au-delà de cette limite envoient un
message de qualité fort. Depuis un mois, Omega est entré
dans ce cercle fermé. Dans le sillage du développement de
sa propre certification Master Chronometer appliquée à
ses calibres, qui assure une précision chronométrique et une
résistance au magnétisme ultra-élevées, et grâce à sa nou-
velle manufacture à Bienne (Suisse), la marque portée par
James Bond peut désormais assurer une garantie de
cinq ans. Cette décision concerne donc, entre autres, la
nouvelle Seamaster Diver 300M relancée cette année,
vingt-cinq ans après sa naissance. Une montre de plongée
à mouvement automatique, best-seller de la marque, déjà
adoptée par Daniel Craig. Elodie Baërd
Seamaster Diver 300M, cadran 42 mm, 14 versions, en acier ou or et acier,
bracelet métal ou caoutchouc, à partir de 4 400 €.

LA BONNE MESURE
DU TAILLEUR SCAVINI DANS LE VESTIAIRE DU PÈRE NOËL

S
’interroger sur la
garde-robe du
Père Noël revient
à s’interroger sur sa
personnalité. Peut-être
qu’au fond, l’homme
en rouge est un marxiste
engagé dirigeant d’une
main de fer ses nains,
habillé en veste chemise
vert kaki. Amusons-nous
plutôt à l’imaginer en
« bon père de famille »,
fordiste éclairé à la
gestion de ses ateliers.
Après tout, il est une
invention américaine,
dérivée de bien des
mythes amenés par les
émigrés européens. Sa
représentation au fil du
temps évolue peu. Les
illustrations des années
1890 le montrent vêtu
d’une longue robe de
bure rouge à pèlerine
et grand capuchon, léger
signe de sa proximité
avec la religion, quand
saint Nicolas porte
encore la mitre.
Quelques anciennes
gravures le présentent
en vert, dans la lignée
du « Father Christmas »
inventé en Angleterre
sous Henri VIII. De nos
jours, la tenue semble
assez normée. Veste
à peine longue à pans
carrés, larges soutaches
en fourrure blanche
– probablement de la
fausse, le Père Noël
est plein de bons
sentiments –, épaisse
ceinture de cuir noir
comme les bottes
de sept lieues, et bonnet
long à pompon.
En dessous, suggérons
un petit Damart ! Tout de
même il fait frais dans les
airs. Les généreux festins
de la Mère Noël font
qu’il se bat hélas contre
les triglycérides. Pour ne
pas avoir la panse serrée,
il recourt à des bretelles
qui soutiennent son
pantalon de velours
à revers. Il fait collection
de gilets fantaisie,
difficile à trouver depuis
que la mode a disparu
avec les années 1990.
Des cardigans et des
chandails le protègent
du froid lapon. Enfin,
une formidable veste
d’intérieur en cachemire
aux parements en poil
de chameau, bien que
totalement élimée,
sert absolument à tout
au grand dam de
madame qui rêve de la
jeter. Mais pour l’heure
il se repose avec,
car il a bien travaillé !

105/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018


NOËL, DERNIÈRE LIGNE DROITE…
Quelques pistes pour combler les amateurs de voitures et de deux-roues.
Les berlinettes italiennes
des années 1960
Après les coupés italiens
des fifties, le photographe
Xavier de Nombel et le
journaliste Christian
Descombes nous emmè-
nent à la découverte des
sixties et des berlinettes
d a n s u n magnifique
o u v r a g e s o u s c o ff r e t
(Editions Camino Verde,
320 p., 90 €).
La course automobile
en 1965
L’horloger Richard Mille
et l’agence DPPI se sont
associés pour créer une
collection d’ouvrages sur
le sport automobile baptisée
Car Racing. Le premier
volume dédié à l’année
1965 est un témoignage du
talent du photographe
Manou Zurini. Un must
décliné en noir et blanc.
Une version luxe dans un
coffret toilé comportant
Q U A R T I E R S L I B R E S
AUTO-MOTO
un tirage photographique
est éditée à 250 exem-
plaires (Editions Cercle
d’Art, 240 p., 79 € et 250 €
la série limitée).
Un an d’automobiles
Un classique. Le 66e opus
de cette collection passe en
revue tous les événements
automobiles de l’année
2 0 1 8 . N o u ve a u t é s,
concept cars, industrie,
sport, patrimoine… rien
n’échappe à la sagacité des
collaborateurs de cet annuel
de référence supervisé par
l’historien Serge Bellu
(ETAI, 288 p., 69 €).
Une encyclopédie de la moto
Nos confrères Patrick
Boisvert et Philippe
Guillaume portent un
regard neuf et humoristi-
que sur le monde de la
moto. Après avoir lu List
A d d i c t m o t o s, a u c u n
a s p e c t d u d e u x - ro u e s
106/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018
/ E N V I E S
motorisé ne vous sera
étranger (Editions de La
Martinière, 256 p., 25 €).
La montre GPS
Avec Guidewatches on-
Tracks, l’automobiliste ou
le motard n’a plus besoin de
regarder une carte ou un
GPS pour suivre un itiné-
raire. L’utilisateur porte deux
montres (une sur chaque
poignet) et les connecte à
l’application onTracks de
son smartphone. En fonction
de la direction à emprunter,
l’une ou l’autre des montres
vibre. (199 €).
Le vélo vintage
S o u s l e l ab e l L e g e n d ,
Peugeot commercialise des
vélos rappelant les modèles
des années 1970. Disponible
uniquement en orange, le
fixie LU01dispose d’un
cadre en acier et d’une
roue libre 18 dents (599 €).
Un modèle route blanc est
également proposé avec une
transmission Shimano à
16 vitesses (749 €).
Des grandes miniatures
Pour les fanatiques de voi-
tures françaises et les col-
lectionneurs de miniatures,
Norev, fabricant réputé de
jouets de précision vient
de lancer l’Alpine Renault
A110 1600 S de 1971 à
l’échelle 1/18e (69 €). En
série limitée à 200 unités,
la marque lyonnaise pro-
pose aussi la Porsche 911
2,7 Carrera RS (69,90 €).
Gants de conduite
Tanneur depuis 1832 en
Creuse, la maison Chapal a
développé le gant de pilote
en cuir de chevreau avec
bouton-pression aux poi-
gnets et trous d’aération
sur les phalanges. Le com-
plément essentiel du pilote
élégant (300 €).
Sylvain Reisser
 Q U A R T I E R S L I B R E S / E N V I E S

TECHNO

LE SAPIN DES NOSTALGICOS BRANCHÉS

Pour les retardataires ou les indécis, voici une sélection ciblée de dernière minute.

G
uidon gainé de cuir, pédales et garde-boue en bois de
frêne, support smartphone pour profiter d’un comp-
teur de vitesse, d’un GPS ou d’une caméra de recul
arrière… Le mythique Solex 3800 de 1966 revient en
version moderne et connectée sous les mains expertes de l’Atelier
Lekki, à Paris. Entièrement personnalisable depuis un logi-
ciel 3D, il peut être customisé selon les moindres désirs des
clients. Livraison sous 8 semaines, 2 700 € (Atelierlekki.com).
Pour les fans des Rolling Stones, Pro-Ject Audio Systems
lance une platine vinyle iconique aux couleurs de leurs idoles.
Flanquée d’une cellule phono Ortofon OM10 et d’un diamant
Elliptique, elle assure une bande passante de 20 à 22 000 Hz.
Son moteur synchrone de type DC (courant continu)
minimise les vibrations parasites. Pro-Ject Rolling Stones,
375 € (Project-audio.com). Dédiée aux aventuriers, la montre
Garmin Tactix Charlie – Edition Limitée Raid intègre un
cardiofréquencemètre, un altimètre/baromètre, un compas
3 axes et la cartographie complète de 47 pays d’Europe.
Indestructible, elle est compatible avec les lunettes de vision
nocturne, 800 € (Garmin.com). Enfin, conçu pour les
smartphones et petites caméras, le stabilisateur motorisé
G6 Plus de PNJ permet de filmer dans toutes les positions
sans souffrir du moindre tremblement, 300 € (PNJ.fr).
Pascal Grandmaison

LA TENDANCE DE
T’ES DE NOËL OU PAS ? LAURENCE HALOCHE

C ertains y voient une douce

nuit en famille, d’autres
la corvée des fêtes :
« Je n’aime pas Noël ! Vivement
qu’on en finisse avec ce déballage
de cadeaux, ces agapes à vous
donner la nausée ! » Soit. Mais ce
n’est pas une raison pour envoyer
bouler les petits plaisirs dont
la présence se périme souvent
avec la nouvelle année. On aime
la bûche qui ne se déguste que le
SDP ; ZOO STUDIO ; DIRNBERGER_WOLLINGER ; MARIA SPERA /SDP
chaudes assez stimulantes pour
lutter contre les frimas de l’hiver.
Aux amateurs de rouge,
le vin chaud. Aux papilles plus
apaisées, le thé relevé d’épices
(cannelle, cardamome, clou de
girofle, gingembre…), agrémenté
d’agrumes (orange, clémentine).
Aujourd’hui, de nombreuses
marques – Dammann Frères,
Palais des Thés, Mariage Frères,
Betjeman & Barton… – proposent
des séries limitées à base de thé
noir, blanc, vert ou de rooibos.
Chacun y ajoute sa signature :
ici, de la cerise marasquin,
de l’ananas ; là, de la fève tonka,
du marron, du caramel… Le tout
étant souvent « parfumé » grâce
à des arômes naturels et des
huiles essentielles. Une maison
française toutefois se distingue

soir du réveillon, on raffole des par l’ancienneté de sa recette.

truffes au chocolat privées de C’est dans les années 1980 que
version estivale, on craque pour Compagnie Coloniale, fondée
le rituel des Escargots Lanvin et en 1848, a créé un mélange
des Pyrénéens. On apprécie aussi original spécifique pour Noël,
de retrouver, comme tous les ans, inspiré du Christmas pudding
ce divin thé de Noël, si gourmand anglais aux saveurs de cerise
et festif. La tradition remonterait et d’amande. Avec ses délicats
à l’époque victorienne où, pétales de bleuet, ce thé est
en Angleterre, mais également devenu un classique disponible
en Russie et en Allemagne, étaient jusqu’au mois de janvier.
préparées à l’occasion des Belle dégustation éphémère
tea parties royales, des boissons et meilleurs vœux de… volupté !

107/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

 P A T R I M O I N E

DONS

TROIS CONSEILS POUR BIEN AIDER

VOS ENFANTS ET PETITS-ENFANTS
Don manuel, donation-partage, pension alimentaire…
De nombreux moyens existent pour donner à vos proches,
par exemple à l’occasion des fêtes de fin d’année.

L
es fêtes de fin d’année sont propices aux
cadeaux et autres étrennes. Mais donner à ses
enfants ou petits-enfants davantage qu’un pré-
sent « modeste » ne doit pas se faire à la légère.
Les conséquences peuvent être importantes,
tant sur l’entente familiale que sur la fiscalité.
1. Soyez clair avec vos proches. Il est possible d’aider un
enfant ou un petit-enfant plus qu’un autre. Selon la
situation du bénéficiaire, ce coup de pouce peut prendre la
forme d’une aide alimentaire, d’un don manuel ou d’une
donation-partage inégalitaire. Ce dernier moyen, comme
l’aide alimentaire, grave la faveur accordée dans le mar-
bre : l’enfant aidé n’aura pas moins que les autres lors de
la succession. « Certains enfants peuvent y voir de l’injus-
tice. Pour éviter ces conflits, il faut expliquer les choses en
amont et si possible obtenir l’accord de tous », prévient
Pierre-Alain Guilbert, notaire chez 14 Pyramides.
2. Demandez-vous ce que les enfants ou petits-enfants feront
de leur don. « Si le bénéficiaire envisage de créer une entre-
prise susceptible de prendre de la valeur, mieux vaut lui faire
une donation-partage plutôt qu’un don manuel », explique
Pierre-Alain Guilbert. Le don manuel est en effet rapporté
à la succession à hauteur de la valeur qu’il a gagnée : si les
30 000 € investis sont devenus100 000 €, lors de la succes-
sion on considérera que le bénéficiaire a reçu 100 000 €. Il
peut alors avoir à partager sa plus-value !
3. Déduisez les sommes versées. Il est possible de déduire
de ses impôts l’aide alimentaire versée à un enfant dans
le besoin. « La loi ne fixe pas de seuil pour déterminer qui
est dans le besoin. Il s’agit d’une notion relative, qui peut
dépendre du train de vie auquel l’enfant a été habitué »,
précise le notaire. Il est de toute façon possible de donner
100 000 € par enfant tous les 15 ans sans payer d’impôt
et 31 865 € à un petit-enfant. S’y ajoute aussi 31 865 €
sous forme de somme d’argent (sans droits à payer).
Marie Bartnik

BANQUE

LES NOUVEAUX SERVICES QUI PERMETTENT

DE PAYER AVEC UN SMARTPHONE
Google Pay est accessible en France depuis le 11 décembre. Il vient concurrencer
les offres déjà existantes : Apple Pay, Samsung Pay ou encore Paylib.

D égainer son téléphone à la caisse

plutôt que sa carte bancaire, le
geste est encore rare dans l’Hexagone.
Pourtant, les solutions de paiement
mobile s’y multiplient. Leur principe est
simple : une application dédiée
enregistre la carte bancaire de
l’utilisateur, qui n’a plus qu’à approcher
son téléphone du terminal de paiement
sans contact du commerçant, plutôt
que sa carte bancaire. Contrairement au
paiement sans contact avec la carte,
arrivé dans l’Hexagone, Google Pay
n’est pour l’instant accessible qu’aux
clients de la banque en ligne
Boursorama et des fintech N26 et
Revolut. « Nous souhaitions mettre à la
disposition de nos clients le maximum
de solutions de paiement,
gratuitement », explique Benoît Grisoni,
le directeur général de Boursorama. La
banque en ligne propose aussi Apple
Pay aux possesseurs d’iPhone et
Samsung Pay. La plupart des grands
Caisses d’épargne…) se sont par
ailleurs alliés pour proposer à leurs
clients leur propre solution de paiement
mobile gratuite, Paylib. Outre la
possibilité de payer sans contact sans
montant maximal, Paylib permet
comme ses concurrents de payer en
ligne, et de faire un virement à ses amis
à l’aide du seul numéro de téléphone.
A ce jour, les Français préfèrent
cependant de loin la carte sans contact
au paiement par smartphone
OLIVIER CAILEAU

plafonné à 30 €, le paiement mobile ne réseaux bancaires (Crédit agricole, BNP (4,4 millions de transactions en 2017 sur
prévoit pas de montant maximum, ce Paribas, Banque postale, Société 1,2 milliard de paiements sans contact).
qui en fait son principal intérêt. Dernier générale, CIC, Banque populaire, M. B.

108/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018 Rubrique coordonnée par Carole Papazian
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HORIZONTALEMENT
1. Amusant mais pas rigolo.
Bon débarras.
2. Manœuvre. Est rarement au
courant. Possessif. Saint mais
pas pour nous.
3. Faiseur d’histoires.
C’est un parti. Base de
lancement.
4. En option. Entendu par la
droite. La moindre des choses
pour un Latin. De bouche à
oreille. Bord à bord.
5. Morceau de bravoure. Du kif.
Le drap du dessus.
6. Ranime le feu. Préposition.
Aux anges.
7. Montre tout (deux mots). Etat
du précédent. En tête pour un
cheval.
8. Mise en couches.
Indispensables aux bons
plongeurs. Pronom.
9. Poussière blanche sur la lune.
A l’envers : roule pour lui. Met le
loup au parfum.
10. Réponse rapide. Vol plané.
11. Pronom. Situation privilégiée
que l’on peut obtenir avec un peu
de galette. Pèze pas lourd au
Japon. Aurait mieux fait de jeter
le pavé dans la mare ! Maison
des livres.
12. Pratiques courantes. Une
seule pièce mais plusieurs livres.
La question se pose en
Allemagne.
13. Agent double. Cœur de bois.
Cousu de fil blanc.
14. Arrivera donc en fin de
compte. Verre de contact.
15. Plaisir interdit. Mises en
garde.
16. Mouillera. Femme au foyer.
Pronom.
17. Un gus désordonné. N’a pas
une grosse tête. Faisait bouillir.
18. Marques de pantalons. Rend
bienheureux.
19. File au jardin. Guide de la
peinture. Bat le pavé. Passage de
la Bérézina.
20. Homme d’intrigues. Plates
bandes.
VERTICALEMENT
1. Une femme qui trouble.
Elèvent des moutons.
2. Est surtout remarquable dans
la défense. Anciens
contribuables en colère. Réunit
des militaires ou des militants.
3. Le petit, c’est celui du patron.
Cuir découpé. Est sans emploi.
HORIZONTALEMENT
1. Nudistes. Etraves. Pep.
2. Enoncèrent. Ehonté. Ta.
3. Pin. Baccalauréat.
4. Ovations. Léon. Pomme.
5. Têt. Ectoplasmes. Pr.
6. Irritation. Enfilée. 7. Ssim.
Oiseaux. Io. 8. Mac-Mahon.
Savant. 9. Eleusis. MEA. Agen.
Air. 10. Nil. Teint. Entonne.
11. Ns. Illiers. Rentes. RN.
12. AE. Tee. Tissu. Arsenic.
13. Urne. Ciné. Crie. Io.
M O T S C R O I S É S
LA GRILLE DE MICHEL LACLOS
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
1 1
2 2
3 3
4 4
5 5
6 6
7 7
8 8
9 9
10 10
11 11
12 12
13 13
14 14
15 15
16 16
17 17
18 18
19 19
20 20
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
4. Sont à jours. Résultat sportif. 9. Domaine hanté. Insigne. 15. Note retournée.
Fait répéter. Blanc à côté de la 10. Note. A vu naître et mourir Comptoir anglais. Pronom.
probité. Napoléon. Nuit. Allure quelconque.
5. Leur charge n’est pas Un héritage pas convoité. 16. Jour de fête.
héréditaire. Tâta. Donnera un 11. A ses adorateurs. Organisait des réunions.
siège. Très fraîche. Excès de fraîcheur. 17. Attelage anglais.
6. Assez choquante. Mettre en 12. Jours de piété. Possessif. Bobines.
place. Pronom. Cours international. 18. Beau ou belle ?
7. Fait moins d’effet sur un 13. Outils de ferrailleurs. Lit défait. Préposition.
Japonais que sur un Français. A De bas en haut : nouvel Un homme au courant.
l’envers : vedette ou dragueur ? arrangement. Organisa Va en paix.
8. Patri… arche ! Bien-aimé du des réunions de familles. 19. Propriétaire de bouc.
précédent. Nom commun. 14. Début de la portée. Point. Erigions.
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H1 = 3-9, (b) -A2 et H2 = 1-3. On déduit alors B1 = 5 et B2 = 2
candidats uniques. Et le SDK est résolu. E2 = 5, F9 = 5, I2 = 4,
B2 = 2, E3 = 2, F3 = 3, F1 = 7, E1 = 4, D2 = 8, G3 = 8, C1 = 8,
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112/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

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 B R I D G E

Solution du problème n° 595 :

Problème n° 596 : Trop bavards ? Un docteur, s’il vous plaît !
Contrat : 4♥. ♠62
Entame : 2 de ♥ pour le 4 ♥A94
du mort et le Roi d’Est, ♦ D 10 5
qui rejoue atout (Ouest fournit). ♣ A D 10 8 4
♠ R V 10 3 ♠A9
♥62
N ♥R73
O E
♦A9743 ♦RV862
S
♣52 ♣763
♠ D63 ♠D8754
♥ R5 ♥ D V 10 8 5
♦A952 ♦-
♣D932 ♣RV9

0
Sans cette entame, vous auriez pu espérer réaliser une coupe à ♠ au mort,
votre dixième levée. Elle vous est désormais interdite : le propriétaire du
dernier atout trouvera bien à reprendre la main si vous jouez ♠ pour ouvrir
♠ ARV42 la coupe et un troisième tour de ♥ vous condamnera. Que faire, alors ?
♥ A962 Puisqu’on vous a empêché de couper du mort, il vous reste l’option de couper
Les enchères, Sud donneur, Nord-Sud vulnérables : ♦ R4 (trois fois) de votre main pour réaliser cinq levées d’atout : deux du mort et
Sud O N E ♣A6
les trois coupes de votre main. Ce traditionnel mort inversé s’assortit quand
1♠ 2♠(1) 2SA(2) passe même de conditions de rentrée au mort. Allons-y. Vous prenez le retour à ♥
4SA passe 5♦ passe du 9 et coupez un ♦. Le retour au mort ne peut se faire qu’à ♣, trois fois
6♠ fin là aussi : 9 de ♣ pour le 10, ♦ coupé, Valet de ♣ pour la Dame, encore ♦ coupé
Bicolore 5-5 Cœur-Trèfle.
(1) et enfin Roi de ♣ pris de l’As. L’As d’atout permet d’enlever le dernier atout
Trois cartes à Pique, 11-12HLD et plus.
(2) de la défense et il vous reste deux ♣ à faire. Bravo ! La seule condition de votre
succès : trouver trois ♣ dans la main du détenteur du dernier atout. Une jolie
Entame : Dame de ♥. variante de la manœuvre de Guillemard, en somme.
Vous prenez du Roi, tirez As et Roi de ♠, Ouest défausse. Il va falloir
justifier votre dynamisme à l’enchère. M. B. Retrouvez plus d’une année de problèmes de bridge
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BRIDGE Fig Mag 22 decembre.indd 1 CHARLES EDELSTENNE : PRÉSIDENT 13/12/2018 14:31
MARC FEUILLÉE : DIRECTEUR GÉNÉRAL
JEAN-LUC BREYSSE : DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT
ALEXIS BRÉZET : DIRECTEUR DES RÉDACTIONS

Guillaume Roquette : Directeur de la rédaction du Figaro Magazine MAQUETTE Cyril Delabarre : Directeur artistique adjoint
Jean-René Van der Plaetsen : Directeur délégué de la rédaction François Cachelou - Sandrine Kaufmann - Corinne Laguerre -
Philippe Gruson : Directeur de création Philippe Raillier - Bruno Signorino
Jean-Christophe Buisson : Directeur adjoint de la rédaction Philippe Lacoudre : Chef d’édition
(culture & art de vivre) RÉVISION SR Sylvie Marcovitch : Rédactrice en chef
Cyril Drouhet : Directeur de la photo & des reportages Véronique Dequatremard : Première secrétaire de rédaction
Anne-Sophie von Claer : Conseiller éditorial Anne Cadet - Hélène Froni - Pierre Ilias - Laetitia Quintano
François Delétraz : Rédacteur en chef relations extérieures Annick Chappellier : Documentaliste
ESPRITS LIBRES Vincent Trémolet de Villers : Rédacteur en chef INFOGRAPHIE André de Chastenet - Olivier Cailleau
FRANCE Carl Meeus : Rédacteur en chef Armelle Lecrevisse : Assistante de la direction de la rédaction
Christophe Doré - Ghislain de Montalembert : Rédacteurs en chef adjoints Yannick Baume : Assistante culture et art de vivre
Charles Jaigu - Guyonne de Montjou - Judith Waintraub : Adeline Sombert : Chargée de production
Grands reporters Isabelle Esserméant : Comptabilité photo
CHRONIQUEURS François d’Orcival - Eric Zemmour
REPORTAGES Jean-Marc Gonin : Rédacteur en chef Robert Mergui : Editeur
Olivier Michel - Jean-Louis Tremblais : Grands reporters Maurice Beaudoin : Directeur général adjoint
Cyril Hofstein Nathalie Hervo : Administratrice de la rédaction
CULTURE Nicolas Ungemuth : Rédacteur en chef adjoint Marie Müller : Communication & partenariats
Pierre de Boishue : Grand reporter Bénédicte Wautelet : Directrice juridique
Clara Géliot Philippe Grinberg : Directeur de la diffusion
CHRONIQUEURS Frédéric Beigbeder - Stéphane Hoffmann - Marc Tonkovic : Directeur industriel
Jean Sévillia - Philippe Tesson Emmanuelle Dauer : Responsable fabrication
TOURISME Bénédicte Menu : Rédactrice en chef adjointe Alain Penet : Responsable pré-presse
Guillaume de Dieuleveult : Grand reporter Valérie Théveniaud-Violette - Valérie Saunier - Virginie Le Trionnaire
ART DE VIVRE Laurence Haloche : Rédactrice en chef adjointe Droits de reproduction. Syndication-service@lefigaro.fr
Elodie Baërd - Pascal Grandmaison - Frédéric Martin-Bernard - Sylvain Reisser RÉGIE PUBLICITAIRE
CHRONIQUEURS Maurice Beaudoin - Philippe Bouvard - Media.figaro : 9, rue Pillet-Will 75430 Paris Cedex 9. Tél. : 01.56.52.20.00.
Eric Neuhoff Aurore Domont : Présidente
IMMOBILIER & PATRIMOINE Carole Papazian : Rédactrice en chef Chantal Follain de Saint Salvy : Directrice déléguée
SERVICE PHOTO Marie-Sylvie Demarest : Chef de service Cécile Henique-Parizet : Directrice commerciale adjointe pôle news
Isabelle Dureuil - Jean-François Guerri - Wanda Schmollgruber ABONNEMENTS 01.70.37.31.70 abo@lefigaro.fr
VIDÉO Nathalie Jérôme SITE INTERNET : www.lefigaro.fr
Société éditrice : Société du Figaro - Siège social : 14, boulevard Haussmann, 75009 Paris. Tél. : 01.57.08.50.00. Président : Charles EDELSTENNE.
Directeur général, directeur de la publication : Marc FEUILLÉE. Commission paritaire du Figaro Magazine (supplément de Le Figaro -
N° CPPAP 0421 C 83022) : 2000 C 83022 (édition nationale) et n° 0123C82655 (édition internationale). Imprimé par GROUPE MAURY
IMPRIMEUR (45330 Malesherbes). Numéro d’impression : 18M1991. ISSN 0184-9336. Imprimé en France/Printed in France. Origine du papier :
Allemagne. Taux de fibres recyclées : 42 %. Eutrophisation : Ptot 0.004 kg/tonne de papier. Cahier N° 1 : Le Figaro Magazine - Cahier n° 2 :
Le Figaro Magazine TV imprimé par HÉLIO-CORBEIL (91100 Corbeil-Essonnes) et H2D MARY (77440 Mary-sur-Marne).

114/ Le Figaro Magazine / 21 décembre 2018

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moins vivable, le salut consiste sans mesuré qu’aujourd’hui ? Quelles maladies inconnues feront
doute à tenter d’aller mieux respirer leur apparition ? Et toujours, l’interrogation lancinante : si la
ailleurs. Sachant que l’homme fit du faillite de l’écologie rend la Terre inhabitable, où les nouveaux
tourisme sur la Lune et qu’il sera migrants qui n’ont pas obtenu une parcelle du cosmos se
bientôt présent sur Mars, quelles réfugieront-ils ? Les Chinois, plus nombreux et plus actifs, ne
puissances terriennes s’adjugeront risquent-ils pas d’accaparer tous les endroits disponibles ?
le contrôle du cosmos dans ce qui, Leurs récentes incursions sur la face cachée de la Lune
pour l’instant, relève surtout du n’annoncent-elles pas des ambitions différentes que celles des
système solaire ? Car, pour l’infini, States ? Et puis, jusqu’où pourront aller les drones inter-
notre matière grise devra s’incliner devant l’intelligence arti- stellaires chargés de succéder aux dérisoires « moyens de
ficielle afin de l’imaginer. On peut s’attendre à ce que les déplacement personnels » ? Aménagera-t-on entre Mercure
Etats-Unis, la Russie et la Chine se disputent le gâteau. Mais et Saturne des « mouroirs » vers lesquels on dirigera les
la France ? Concernant les vols habités, elle avait déjà, en Terriens auxquels leur santé et leurs finances interdisent
1967, un an de retard sur l’URSS. Encore ne s’agissait-il d’aller plus loin ? Selon quelles règles se partagera-t-on à
que d’un rat alors que le camarade Gagarine tournait à défaut des planètes inaccessibles, impraticables ou trop
bord de son Vostok. Depuis les Apollo, nous avons pris un peuplées, les 175 satellites naturels ? Les Américains ne man-
peu d’altitude. Mais toujours en qualité d’invités par des queront pas de profiter de ce grand chambardement pour
pays ayant davantage maîtrisé que nous les ajouter quelques étoiles à leur drapeau tandis
nouvelles technologies. que Vladimir Poutine inaugurera la plus loin-
On suppose que ce délicat dossier de l’histoire des “Les incursions taine de ses datchas. Pour aller sur Pluton, on
hommes s’ouvrira sur le bureau des Nations des Chinois devra patienter 250 ans avant un rapprochement
unies et que les Etats ayant beaucoup investi dans sur la face avec la Terre qui autorisera l’économie d’un car-
la recherche puis dans un début d’exploration cachée de la Lune burant ayant retrouvé toutes ses taxes.
feront d’abord valoir leurs droits. La France évo- n’annoncent-elles Comment le temps politique s’accommodera-
quera le placement en orbite de ses fusées Ariane
mais n’obtiendra peut-être en contrepartie que
pas d’autres t-il du temps sidéral ? Très mal puisque, en
matière d’espace, nos principaux chefs de parti
d’organiser les visites de Vénus en souvenir de ses ambitions ?” ne connaissent que les trois étoiles où ils se
traditions amoureuses. Nous pouvons égale- gobergent aux frais des militants. Les meetings
ment espérer une ambassade sur Jupiter, un consulat sur auront-ils lieu au pied des observatoires ? Identifiera-t-on les
Uranus et quelques bureaux de PMU sur des astéroïdes leaders à leur télescope ? La ruée vers Mars constitue certai-
gazonnés. Parallèlement, tandis qu’on recourra à des sources nement une erreur. Outre sa température moyenne de 65 °C,
inédites d’énergie, les années-lumière se substitueront de plus insupportable pour nos organismes, la planète tellurique
en plus souvent aux millions de kilomètres. La grande ambi- abonde surtout en cratères de volcans difficilement trans-
tion sera de dénicher une planète où les conditions de vie formables en logements sociaux. Les aspérités de la grande
ressembleront à celles dont bénéficiait jadis une Terre deve- montagne Olympus Mons ne faciliteront pas l’extraction
nue inhospitalière à force de violences humaines, de négligen- du dioxyde de carbone, gaz incolore, inodore et à la saveur
ces climatiques et d’épuisement des énergies fossiles. On piquante. Mars ne proposerait donc qu’une base pour
regrettera une pollution croissante et une météo détériorée atteindre l’une des 3 815 exoplanètes. Pour l’heure, les
qui nous permettaient néanmoins de continuer à nous pro- ordinateurs, plus performants que les fusées, substituent le
mener le nez au vent quand ce dernier n’excédait pas calcul au voyage. Pas question de mettre le pied avant
100 kilomètres à l’heure. En attendant, il conviendra de fabri- longtemps sur les 100 milliards de planètes qui remplissent
quer des milliers de scaphandres sans lesquels on ne saurait notre galaxie et que, ayant épuisé toutes les ressources de la
goûter aux joies de l’apesanteur. Tout cela prenant beaucoup mythologie, on affuble désormais de noms chiffrés. Avouez
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de temps, il faudra essayer de déterminer la nature du soleil qu’il serait fâcheux qu’en dépit de tous nos efforts on en
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