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- Aurélien Marion -

- Structuralisme -

Au sujet des structures inconscientes


“montrer comment procède la méthode structuraliste”

Formé à partir du latin structura, dérivé du verbe struere -qui donna aussi
“construire” (comme constituant/bâti universalisant) et “instruire” (comme transmission de
connaissance)-, la structure se présente en disposition, rangement et cohérence nés de la
jonction dʼéléments (ainsi enchaînés, tissés ou noués).
La structure ne fait pas forcément système; elle nʼexige ni unicité, ni identité, ni totalité. La
structure est fondamentalement langagière, différentielle, et, particulière.
Dès lors, « le structuralisme est-il ou non ce qui nous permet de poser notre expérience
comme le champ où ça parle ? »1
Chez Jacques Lacan, cette expérience, cʼest toujours dʼabord celle des structures
inconscientes, celle de “lalangue” qui ek-siste en langage (parole et écrit), celle des
réseaux symboliques qui se topologisent à partir de ce que nous définirons comme Autre :

« Le premier réseau, du signifiant, est la structure synchronique du matériel du langage en


tant que chaque élément y prend son emploi exact d'être différent des autres; tel est le
principe de répartition qui règle seul la fonction des éléments de la langue à ses différents
niveaux, depuis le couple d'opposition phonématique jusqu'aux locutions composées dont
c'est la tâche de la plus moderne recherche que de dégager les formes stables.
Le second réseau, du signifié, est l'ensemble diachronique des discours concrètement
prononcés, lequel réagit historiquement sur le premier, de même que la structure de celui-
ci commande les voies du second. Ici ce qui domine, c'est l'unité de signification, laquelle
s'avère ne jamais se résoudre en une pure indication du réel, mais toujours renvoyer à
une autre signification. C'est-à-dire que la signification ne se réalise qu'à partir d'une prise
des choses qui est d'ensemble.
[…] Le signifiant seul garantit la cohérence théorique de l'ensemble comme ensemble. » 2

Ce sont la métaphore (substitution syntagmatique temporalisante) et la métonymie


(substitution paradigmatique spatialisante) qui articulent structuralement les réseaux
symboliques quelconques de ce que Lacan appellera “sujet inconscient”.
Ce sont les procès des structures inconscientes que nous tenteront donc dʼidentifier dans
leurs rapports subjectifs, quʼils soient symboliques, imaginaires ou réels.
Pour y arriver, trois temps sont à nouer :

I - Lʼarticulation signifiante comme structure symbolique


II - La structure symptomatique des jouissances
III - Les nouages réels et la consistance imaginaire

1 Jacques Lacan, Écrits, éd. Seuil, 1966, P. 649 (in “Remarque sur le rapport de Daniel Lagache”)
2 Ibidem, P. 414 (in “La Chose freudienne”), nous soulignons.

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I - Lʼarticulation signifiante comme structure symbolique

« Un signifiant se distingue d'un signe d'abord en ceci, qui est ce que j'ai essayé de vous
faire sentir, c'est que les signifiants ne manifestent d'abord que la présence de la
différence comme telle et rien d'autre. La première chose donc qu'il implique, c'est que le
rapport du signe à la chose soit effacé. »3

a - Lʼenchaînement syntagmatique

Lʼarticulation signifiante, en traçant un enchaînement différentiel, efface la symétrie


saussurienne du signe (s/s) et ainsi le rapport de celle-ci aux étants. Le syntagme comme
présence différentielle est sans commune mesure avec le paradigme comme absence
identifiante de la chose (S/s) : la barre (un trait) topologise la structure symbolique.
« Qu'est-ce à dire ? Sinon que nous nous trouvons là dans tout ce qu'on peut appeler la
batterie du signifiant, confrontés à ce trait unique, à cet einziger Zug que nous
connaissons déjà, pour autant qu'à la rigueur il pourrait être substitué à tous les éléments
de ce qui constitue la chaîne signifiante, la supporter, cette chaîne à lui seul et simplement
d'être toujours le même. Ce que nous trouvons à la limite de l'expérience cartésienne
comme telle du sujet évanouissant, c'est la nécessité de ce garant, du trait de structure le
plus simple, du trait unique si j'ose dire, absolument dépersonnalisé, non pas seulement
de tout contenu subjectif, mais même de toute variation qui dépasse cet unique trait, de ce
trait qui est un d'être le trait unique. La fondation de l'un que constitue ce trait n'est nulle
part prise ailleurs que dans son unicité. Comme tel on ne peut dire de lui autre chose
sinon qu'il est ce qu'a de commun tout signifiant, d'être avant tout constitué comme trait,
d'avoir ce trait pour support. »4 Le “trait unaire” de lʼAutre se donne ainsi comme “trait de
structure le plus simple” car il fait tenir tout signifiant en une structure symbolique
commune, une “dit-mension” syntagmatique où ça sʼenchaîne. LʼAutre articule la structure
symbolique par différentiation identifiante (A = non-A). Or, justement, le propre de
lʼinconscient, cʼest de mettre en jeu lʼidentité (A = A et/ou non-A, ce que nous pouvons
écrire : A ◊ A). Ce qui veut dire aussi quʼil nʼexiste pas dʼUn identifié, fixe, figé : “il nʼy a pas
dʼAutre de lʼAutre” ou de signifiant du signifiant car lʼAutre est vide (faille dʼoù jaillit lʼ@) et
le signifiant ne signifie rien (il erre, comme Un pour lʼautre).

« On ne parle que de ça depuis longtemps, de l'Un. Y a d' l'Un, c'est de cet énoncé que j'ai
supporté mon discours de l'année dernière, et certes pas pour confluer dans cette
confusion originelle, car le désir ne nous conduit qu'à la visée de la faille où se démontre
que l'Un ne tient que de l'essence du signifiant. Si j'ai interrogé Frege au départ, c'est pour
tenter de démontrer la béance qu'il y a de cet Un à quelque chose qui tient à l'être, et,
derrière l'être, à la jouissance. »5 Les trous de la jouissance font dériver
métaphoriquement les signifiants dans leur opposition active, à partir de laquelle
seulement, une expérience langagière peut tenir ontologiquement.

3 Jacques Lacan, Séminaire IX, L’Identification, éd. AFI, publication libre, P. 58 (séance du 06/12/1961)
4 Ibidem, P. 32 (séance du 22/11/1961)
5 Jacques Lacan, Séminaire XX, Encore, éd. Seuil, P. 12 (séance du 21/11/1972)

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Le trait unaire barre donc, aussi fondamentalement, tout sujet : “je ne suis pas je” car je ne
signifie rien, sinon que “je est un autre” (Rimbaud) et que lʼautre est un jeu pour lʼun de
lʼAutre. Y a dʼ lʼUn qui sʼidentifie symboliquement au trait unaire de lʼAutre, et cʼest ce que
Lacan nomme “structure du fantasme” ($ ◊ @), où lʼ@6 est lʼob-jet (inspécularisable)
cause du désir (“métonymie du manque-à-être” spatialisant le vide) et telos de la
jouissance (métonymie du manque-à-avoir spatialisant le phallus 7). Le sujet barré par la
jouissance (le trait phallique) est donc en même temps évanoui par le désir (le trait
unaire). Cʼest ce sujet-du-désir qui définit ce que Lacan appelle “structure de la pulsion”8
($ ◊ D), où “la demande se déchire du besoin” et où lʼ@ détourne la jouissance de son
terme, cʼest-à-dire de la mort (présentifiée par lʼangoisse).
Lʼenchaînement syntagmatique se retrouve ainsi à la source de lʼidentification symbolique
et donc détermine le réseau paradigmatique où lʼidentification imaginaire se soutient du
désir (impossible) dʼêtre Un. Lʼexpérience du je se joue alors de la jouissance par la parole
désirante : « Le signifiant, à l'envers du signe, n'est pas ce qui représente quelque chose
pour quelqu'un, c'est ce qui représente précisément le sujet pour un autre signifiant. Ma
chienne est en quête de mes signes et puis elle parle, comme vous le savez; pourquoi est-
ce que son parler n'est point un langage ? Parce que justement je suis pour elle quelque
chose qui peut lui donner des signes, mais qui ne peut pas lui donner de signifiant. La
distinction de la parole, comme elle peut exister au niveau préverbal, et du langage
consiste justement dans cette émergence de la fonction du signifiant. »9

b - LʼAutre comme trésor de signifiants

LʼAutre est vide, cʼest pourquoi il est source de tout trait, mais lʼAutre est fermé (A barré),
cʼest pourquoi il met toute identité en “instance” (lieu de procès et de pression de lʼinstant).
Il nʼy a pas de réponse définitive à la demande du je car lʼAutre est un trésor de
signifiants : « Si le signifiant se définit comme représentant le sujet auprès d'un autre
signifiant, renvoi indéfini des sens, et si ceci signifie quelque chose, c'est parce que le
signifiant signifie auprès de l'autre signifiant cette chose privilégiée qu'est le sujet en tant
que rien. C'est ici que notre expérience nous permet de mettre en relief la nécessité de la
voie par où se supporte aucune réalité dans la structure identifiable en tant qu'elle est
celle qui nous permet de poursuivre notre expérience. L'Autre ne répond donc rien, si ce
n'est que rien n'est sûr, mais ceci n'a qu'un sens, c'est qu'il y a quelque chose dont il ne
veut rien savoir, et très précisément de cette question. A ce niveau, l'impuissance de
l'Autre s'enracine dans un impossible, qui est bien le même, sur la voie duquel nous avait
déjà conduit la question du sujet. Pas possible était ce vide où venait surgir dans sa valeur
divisante le trait unaire. » 10 Si le je est rien (trait phallique), il nʼen reste pas moins lien
(trait unaire) car lʼ@ change au gré des rapports singuliers à lʼAutre : nous passons ici

6 Nous écrivons l’ob-jet a avec l’@, après Joseph Rouzel et Guy Massat, afin d’ôter toute identification à une lettre
donnée ou à un commencement de quelque chose, mais aussi pour symboliser ses aspects de “reste de réel” (par sa
fonction -relative/fractionnelle- d’arobase) et de “soutien de l’image” (par son graphisme : spirale/cercle ouvert).
7 Le phallus est le seul signifiant (signifiant de la jouissance en l’occurrence) à être aussi symbole (sexuant).

8 Lacan traduit ainsi le “Trieb” freudien, cette poussée du vide, synonyme de “dérive” (il la traduit ainsi dans

Télévision) mythique (et donc psychique) du circuit réel du corps.


9 Jacques Lacan, Séminaire IX, L’Identification, éd. AFI, publication libre, P. 60 (séance du 06/12/1961)

10 Ibidem, P. 197 (séance du 21/03/1962)

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dʼune structure symbolique quelconque à une structure symbolique particulière. Le renvoi


infiniment paradigmatique du sens dépend donc de la vectorialisation pulsionnelle de lʼ@
par le rien, cʼest-à-dire du rapport entre métaphore et métonymie, entre instance
temporalisante et trésor spatialisant.

Des traits phallique et unaire viennent la castration (S) et lʼélision (I) : “effort de
significantité” (syntagmatique) et “fatigue imaginaire” (paradigmatique), pour le sujet
inconscient (ouvert). Le sens “insiste”, mais ne consiste que par lʼ@. La trace de lʼeffort à
être Un fatigue toute identité subjective, intensifiant les fantasmes. Ces derniers sont la
“résistance” imaginaire à la coupure signifiante : le sens tisse (par la signification) le vide
qui articule intrinsèquement la dimension symbolique. Relation (sans réflexivité) entre
identification symbolique et identification imaginaire, la marque de lʼeffort inscrit la fatigue
comme poinçon ( ◊ ), nouage structural fondamental ($ ◊ A) du sujet inconscient.
« L'interruption dans le successif fait partie de sa structure. Cette dimension temporelle du
fonctionnement de la chaîne signifiante que j'ai d'abord articulée pour vous comme
succession, a pour suite que la scansion introduit un élément de plus que la division de
l'interruption modulatoire, elle introduit la hâte que j'ai insérée en tant que hâte logique.
C'est un vieux travail Le temps logique. Le pas que j'essaye de vous faire franchir a déjà
commencé d'être tracé, c'est celui où se noue la discontinuité avec ce qui est l'essence du
signifiant, à savoir la différence. Si ce sur quoi nous avons fait pivoter, nous avons ramené
sans cesse cette fonction du signifiant, c'est à attirer votre attention sur ceci que, même à
répéter le même, le même, d'être répété s'inscrit comme distinct. Où est l'interpolation
d'une différence ? Réside-t-elle seulement dans la coupure, c'est ici que l'introduction de la
dimension topologique au-delà de la scansion temporelle nous intéresse, ou dans ce
quelque chose d'autre que nous appellerons la simple possibilité d'être différent,
l'existence de la batterie différentielle qui constitue le signifiant et par laquelle nous ne
pouvons pas confondre synchronie avec simultanéité à la racine du phénomène,
synchronie qui fait que, réapparaissant le même, c'est comme distinct de ce qu'il répète
que le signifiant réapparaît, et ce qui peut être considéré comme distinguable, c'est
l'interpolation de la différence, pour autant que nous ne pouvons poser comme fondement
de la fonction signifiante l'identité du A est A, à savoir que la différence est dans la
coupure, ou dans la possibilité synchronique qui constitue la différence signifiante. En tout
cas, ce qui se répète comme signifiant n'est différent que de pouvoir être inscrit. »11
Différentielle et discontinue, la structure symbolique produit les conditions temporelles du
sens : la “hâte logique” en marque le désir dans lʼexpérience. Cela signifie que la
différence dans la répétition est extrinsèque à lʼAutre : paroles ou écrits.

c - Topologie de la dimension symbolique

Si lʼ@ donne sens à lʼexpérience langagière par la consistance imaginaire, cette dernière
ne sʼactive que de la dérive phallique (et fantomatique) de ce qui est refoulé. Le sujet
inconscient ne se topologise donc pas seulement par la négation de lʼidentité et de la
totalité (via la castration et lʼélision) : « Le rien, que j'essaie de faire tenir à ce moment
initial pour vous dans l'institution du sujet est autre chose. Le sujet introduit le rien comme
tel, et ce rien est à distinguer d'aucun être de raison qui est celui de la négativité

11 Jacques Lacan, Séminaire IX, L’Identification, éd. AFI, publication libre, P. 297 (séance du 16/05/1962)

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classique, d'aucun être imaginaire qui est celui de l'être impossible quant à son existence,
le fameux Centaure qui arrête les logiciens, tous les logiciens, voire les métaphysiciens, à
l'entrée de leur chemin vers la science, qui n'est pas non plus l'ens privativum, qui est à
proprement parler ce que Kant, admirablement, dans la définition de ses quatre riens, dont
il tire si peu parti, appelle le nihil negativum, à savoir, pour employer ses propres termes,
leerer Gegenstand ohne Begrif, un objet vide, mais ajoutons, sans concept, sans saisie
possible avec la main. C'est pour cela, pour l'introduire, que j'ai dû remettre devant vous le
réseau de tout le graphe, à savoir le réseau constitutif du rapport à l'Autre avec tous ses
renvois. » 12 Lacan se réfère ici à son graphe de lʼAmourir, où parmi les cinq éclats dʼ@, le
rien seul peut créer positivement un changement de sens dans le désir. Le rien dʼoù naît le
pulsionnel (poussée du vide) fait advenir lʼ@, il constitue le joint nécessaire entre la
structure symbolique et la consistance imaginaire :
« Mais ce vide est différent de ce dont il s'agit concernant a, l'objet du désir. L'avènement
constitué par la répétition, l'avènement métonymique, ce qui glisse, est évoqué par le
glissement même de la répétition de la demande; a, l'objet du désir, ne saurait
aucunement être évoqué dans ce vide cerné ici par la boucle de la demande. Il est à situer
dans ce trou que nous appellerons le rien fondamental pour le distinguer du vide de la
demande, le rien où est appelé à l'avènement l'objet du désir. Ce qu'il s'agit pour nous de
formaliser avec les éléments que je vous apporte, c'est ce qui permet de situer dans le
fantasme le rapport du sujet comme $, du sujet informé par la demande, avec ce a, alors
qu'à ce niveau de la structure signifiante que je vous démontre dans le tore, pour autant
que la coupure la créée dans cette forme, ce rapport est un rapport opposé, le vide qui
soutient la demande n'est pas le rien de l'objet qu'elle cerne comme objet du désir, c'est
ceci qu'est destiné à illustrer pour vous cette référence au tore. »13 Le tore topologise le
passage du vide intrinsèque (reste négatif) au vide extrinsèque (rien positif).

Ainsi, lʼarticulation signifiante rend la structure symbolique ambiguë car lʼévénement du


désir répétant le paradigme est ouvert à lʼéquivoque touchant aux aléas de lʼeffort de
significantité : «a, l'objet du désir, au point de départ où le situe notre modèle, est, dès qu'il
y fonctionne..., l'objet du désir. Ceci veut dire qu'objet partiel il n'est pas seulement partie,
ou pièce détachée, du dispositif imaginant ici le corps, mais élément de la structure dès
l'origine, et si l'on peut dire dans la donne de la partie qui se joue. En tant que sélectionné
dans les appendices du corps comme indice du désir, il est déjà l'exposant d'une fonction,
qui le sublime avant même qu'il l'exerce, celle de l'index levé vers une absence dont l'est-
ce n'a rien à dire, sinon qu'elle est de là où ça parle. »14 Le silence réel de toute structure
langagière joue de la signification au gré des hiatus désidentifiant, ou, pour le dire
autrement, les trous du symbolique créent leurs bords : « La structure de ce qui se ferme,
s'inscrit en effet dans une géométrie où l'espace se réduit à une combinatoire : elle est
proprement ce qu'on y appelle un bord. » 15

12 Jacques Lacan, Séminaire IX, L’Identification, éd. AFI, publication libre, P. 211 (séance du 28/03/1962)
13 Ibidem, P. 320 (séance du 30/05/1962)
14 Jacques Lacan, Écrits, éd. Seuil, 1966, P. 682 (in “Remarque sur le rapport de Daniel Lagache”)

15 Ibidem, P. 828 (in “Position de l’Inconscient”)

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II - La structure symptomatique des jouissances

« De sorte qu'il y a un certain naturel à la référence au tore comme à la forme la plus


simple intuitivement, la plus accessible.
Ceci peut nous enseigner quelque chose. Là-dessus je vous ai dit la signification que nous
pouvions donner par convention, artifice, à deux types de lacs circulaires, pour autant
qu'ils y sont privilégiés. Celui qui fait le tour de ce qu'on peut appeler le cercle générateur
du tore, s'il est un tore de révolution, pour autant que susceptible de se répéter
indéfiniment, en quelque sorte le même et toujours différent. Il est bien fait pour
représenter pour nous l'insistance signifiante, et spécialement l'insistance de la demande
répétitive. D'autre part, ce qui est impliqué dans cette succession de tours, à savoir une
circularité accomplie tout en étant inaperçue par le sujet, qui se trouve pour nous offrir une
symbolisation facile, évidente et en quelque sorte maxima quant à la sensibilité intuitive de
ce qui est impliqué dans les termes mêmes de désir inconscient, pour autant que le sujet
en suit les voies et les chemins sans le savoir. À travers toutes ces demandes, il est en
quelque sorte à lui seul, ce désir inconscient, la métonymie de toutes ces demandes. Et
vous voyez là l'incarnation vivante de ces références auxquelles je vous ai assouplis,
habitués tout au long de mon discours, nommément à celui de la métaphore et de la
métonymie. »16

a - Contingence et répétition

Ce qui se répète, cʼest la demande (dʼamour) : ce qui du réel fait toujours retour, par le
signifié (pour lʼautre, à lʼAutre) : cʼest lʼeffet pulsionnel du signifiant, la spatialisation
paradigmatique par insistance du sens. La métonymie localise la structure symbolique
dans ce que Freud appelait “formations de lʼinconscient” : lapsus, actes manqués, rêves,
et donc fondamentalement, symptômes. La répétition, passant par la jouissance, tend à
faire destin des pulsions, réduisant ainsi -vers lʼUn- lʼéquivoque jouant entre symbolique et
imaginaire, par ses effets sur le réel :
« Qu'est-ce que le signifiant ?
Le signifiant - tel que le promeuvent les rites d'une tradition linguistique qui n'est pas
spécifiquement saussurienne, mais remonte jusqu'aux Stoïciens d'où elle se reflète chez
Saint Augustin - est à structurer en termes topologiques. En effet, le signifiant est d'abord
ce qui a effet de signifié, et il importe de ne pas élider quʼentre les deux, il y a quelque
chose de barré à franchir.
[…] N'oublions pas qu'au départ on a, à tort, qualifié d'arbitraire le rapport du signifiant et
du signifié. C'est ainsi que s'exprime, probablement contre son cœur, Saussure - il pensait
bien autre chose, et bien plus prés du texte du Cratyle comme le montre ce qu'il y a dans
ses tiroirs, à savoir des histoires d'anagrammes. Or, ce qui passe pour de l'arbitraire, c'est
que les effets de signifié ont l'air de n'avoir rien à faire avec ce qui les cause.
[…] Les effets de signifié ont l'air de n'avoir rien à faire avec ce qui les cause. Cela veut
dire que les références, les choses que le signifiant sert à approcher, restent justement
approximatives - macroscopiques par exemple. Ce qui est important, ce n'est pas que ce

16 Jacques Lacan, Séminaire IX, L’Identification, éd. AFI, publication libre, P. 205 (séance du 28/03/1962)

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soit imaginaire - après tout, si le signifiant permettait de pointer l'image quʼil nous faut pour
être heureux, ce serait très bien, mais ce n'est pas le cas. Ce qui caractérise, au niveau de
la distinction signifiant/signifié, le rapport du signifié à ce qui est là comme tiers
indispensable, à savoir le référent, c'est proprement que le signifié le rate. Le collimateur
ne fonctionne pas.
Le comble du comble, c'est qu'on arrive quand même à s'en servir en passant par d'autres
trucs. Pour caractériser la fonction du signifiant, pour le collectiviser d'une façon qui
ressemble à une prédication, nous avons quelque chose qui est ce d'où je suis parti, la
logique de Port-Royal. Recanati vous a évoqué l'autre jour les adjectifs substantivés. La
rondeur, on l'extrait du rond, et, pourquoi pas, la justice du juste, etc. C'est ce qui va nous
permettre d'avancer notre bêtise pour trancher que peut-être bien elle n'est pas, comme
on le croit, une catégorie sémantique, mais un mode de collectiviser le signifiant.
Pourquoi pas? - le signifiant est bête.
Il me semble que c'est de nature à engendrer un sourire, un sourire bête naturellement.
Un sourire bête, comme chacun sait - il n'y a qu'à aller dans les cathédrales - c'est un
sourire d'ange. C'est même là la seule justification de la semonce pascalienne. Et si l'ange
a un sourire si bête, c'est parce qu'il nage dans le signifiant suprême. Se retrouver un peu
au sec, ça lui ferait du bien - peut-être qu'il ne sourirait plus. »17
Ce que Lacan appelle “bêtise” du signifiant réside dans sa propension à faire revenir le
réel comme symptôme, jouissance répétitive, routine posant, reposant, ressassant
lʼexpérience : ainsi, je est parlé -ou même écrit- par la structure symptomatique. Ici, le
sujet devient trajet du symbolique dans le réel.

b - Les traits de la jouissance

Cʼest de lʼAutre que toute expérience sʼinscrit, et cʼest par lui que la structure
symptomatique risque de nous aliéner. Ainsi, lʼAutre, cʼest le “lieu de la parole dʼoù la
vérité se marque”, et, cʼest la source des traits qui, littéralisés, font lʼécrit : « L'Autre est à
être, il n'est donc pas. Il a tout de même quelque réalité, sans cela je ne pourrais même
pas le définir comme le lieu où se déploie la chaîne signifiante. Le seul Autre réel, puisqu'il
n'y a nul Autre de l'Autre, rien qui garantisse la vérité de la loi, le seul Autre réel étant ce
dont on pourrait jouir sans la loi. Cette virtualité définit l'Autre comme lieu. La Chose en
somme, élidée, réduite à son lieu, voilà l'Autre avec un grand A. »18 LʼAutre, cʼest ainsi le
virtuel de toute jouissance, et par là, lʼinscription potentielle de toute expérience. LʼAutre
“légalise” la structure symbolique et la consistance imaginaire en les “légiférant” par les
traces symptomatiques qui nous structurent : « Dire que l'Autre c'est la loi ou que c'est la
jouissance en tant qu'interdite, c'est la même chose. » 19

Mais « Revenons à notre point de départ, à notre signe, au point électif où nous pouvons
le saisir comme représentant quelque chose pour quelqu'un, dans la trace. Repartons de
la trace, pour suivre notre petite affaire à la trace. Un pas, une trace, le pas de Vendredi
dans l'île de Robinson, émotion, le cœur battant devant cette trace. Tout ceci ne nous
apprend rien, même si de ce cœur battant il résulte tout un piétinement autour de la trace.

17 Jacques Lacan, Séminaire XX, Encore, éd. Seuil, P. 22-24 (séance du 19/12/1972)
18 Jacques Lacan, Séminaire IX, L’Identification, éd. AFI, publication libre, P. 223 (séance du 04/04/1962)
19 Idem.

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Cela peut arriver à n'importe quel croisement de traces animales. Mais si, survenant, je
trouve la trace de ceci qu'on s'est efforcé d'effacer la trace, ou si même je n'en trouve plus
trace, de cet effort, si je suis revenu parce que je sais -je n'en suis pas plus fier pour ça-
que j'ai laissé la trace, que je trouve que, sans aucun corrélatif qui permette de rattacher
cet effacement à un effacement général des traits de la configuration, on a bel et bien
effacé la trace comme telle, là je suis sûr que j'ai affaire à un sujet réel. Observez que,
dans cette disparition de la trace, ce que le sujet cherche à faire disparaître, c'est son
passage de sujet à lui. La disparition est redoublée de la disparition visée qui est celle de
l'acte lui-même de faire disparaître. Ceci n'est pas un mauvais trait pour que nous y
reconnaissions le passage du sujet quand il s'agit de son rapport au signifiant, dans la
mesure où vous savez déjà que tout ce que je vous enseigne de la structure du sujet, tel
que nous essayons de l'articuler à partir de ce rapport au signifiant, converge vers
l'émergence de ces moments de fading proprement liés à ce battement en éclipse de ce
qui n'apparaît que pour disparaître, et reparaît pour de nouveau disparaître, ce qui est la
marque du sujet comme tel.
Ceci dit, si la trace effacée, le sujet en entoure la place d'un cerne, quelque chose qui dès
lors le concerne, lui, le repère de l'endroit où il a trouvé la trace, eh bien!, vous avez là la
naissance du signifiant. Ceci implique, tout ce processus comportant le retour du dernier
temps sur le premier, qu'il ne saurait y avoir d'articulation d'un signifiant sans ces trois
temps. Une fois le signifiant constitué, il y en a forcément deux autres avant. Un signifiant,
c'est une marque, une trace, une écriture, mais on ne peut pas le lire seul. Deux
signifiants, c'est un pataquès, un coq à l'âne. Trois signifiants, c'est le retour de ce dont il
s'agit, c'est-à-dire du premier. C'est quand le pas marqué dans la trace est transformé
dans la vocalise de qui le lit en pas que ce pas, à condition qu'on oublie qu'il veut dire le
pas, peut servir d'abord, dans ce qu'on appelle le phonétisme de l'écriture, à représenter
pas, et du même coup à transformer la trace de pas éventuellement en le pas de trace. » 20

Lʼeffacement inconscient des traces de la jouissance, cʼest le refoulement. Mais ces


“piétinements” symboliques reviennent en symptômes : les traces réapparaissent,
subjectivement. La structure symptomatique fait de tout sujet une “éclipse”, un
basculement constant entre lʼexpérience langagière et le désir de sens. Lorsque les traits
passent dans lʼécrit, cʼest la routine des effets de signifié qui fixe le symbolique dans le
réel, cʼest-à-dire que ce dernier devient retour du même. Le symbolique peut néanmoins
déborder par lʼexpérience de lʼécrit : la structure syntagmatique se réduit alors par la
puissance symptomatique, cʼest le ravinement. Jouissance de lʼécriture plutôt quʼécriture
de la jouissance : « Pour litturaterrir moi-même, je fais remarquer que je nʼai fait ici dans le
ravinement, image certes, mais aucune métaphore : lʼécriture est ce ravinement. Ce que
jʼai écrit là y est compris. Quand je parle de jouissance, jʼinvoque légitimement ce que
jʼaccumule dʼauditoire, et pas moins naturellement ce dont je me prive; ça mʼoccupe, votre
affluence. Le ravinement, je lʼai préparé. » 21
Lʼécrit, comme “toute lettre possible” (Milner), est cet os de la jouissance donné à rogner
pour lʼimaginaire, mathème (transmettant une constante) -mais instable-, trace fixant le
trajet pulsionnel -mais débordable-, littoral effaçant toujours déjà les choses dans leur

20Jacques Lacan, Séminaire IX, L’Identification, éd. AFI, publication libre, P. 124 (séance du 24/01/1962)
21Jacques Lacan, Séminaire XVIII, D’un Discours qui ne serait pas du Semblant, éd. AFI, publication libre, P. 111
(séance du 12/05/1971 dite “Lituraterre”)

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ravinement, littéral identifiant la jouissance : « Alors, à ce niveau de fonctions déterminées


par un certain discours, je peux établir lʼéquivalence que lʼécrit, cʼest la jouissance. » 22

c - Le symptôme comme “effet du symbolique dans le réel”

Mais, plus précisément, comment la structure symptomatique des jouissances pèse sur un
sujet inconscient ? Comment le sujet peut-il consciemment sʼen sortir ?
Lacan prend une exemple (presque paradigmatique) :

« La demande de l'enfant ne pourra être reconnue pour rien d'autre qui ne soit demande
de nourriture; la dimension désir au niveau du sujet doit être niée, et ce qui caractérise la
mère du psychotique c'est l'interdiction totale faite à l'enfant d'être le sujet d'aucun désir.
On voit alors dès ce moment comment va se constituer pour le psychotique sa relation
particulière à la parole, comment, dès le début, il lui sera impossible de maintenir sa
relation à la demande. En effet, si la réponse ne s'adresse jamais à lui qu'en tant que
bouche à nourrir, qu'en tant qu'objet partiel, on comprend que pour lui toute demande, au
moment même de sa formulation, porte en elle la mort du désir. Faute d'avoir été
symbolisée par l'Autre, il sera, lui, amené à faire coïncider dans la réponse symbolique et
réel. Puisque, quoi qu'il demande, c'est de la nourriture qu'on lui donne, ce sera la
nourriture en tant que telle qui deviendra pour lui le signifiant clef. Le symbolique dès ce
moment fera irruption dans le réel. Au lieu que le don de nourriture trouve son équivalent
symbolisé dans le don d'amour, pour lui tout don d'amour ne pourra se signifier que par
une absorption orale. Aimer l'autre ou en être aimé se traduira pour lui en termes d'oralité,
l'absorber ou en être absorbé. » 23 La structure symptomatique du psychotique tue encore
et encore le désir car elle répète et maintient le “manque de manque”, cʼest-à-dire la
mêmeté dʼ@. La consistance imaginaire sʼen trouvera spectralisée par les traits de la
jouissance, lʼunaire réduit à lʼunien (ennui de lʼun) et le phallique réduit au signifiant
(forclusion du symbole). Ainsi : « le symptôme n'est pas définissable autrement que par la
façon dont chacun jouit de l'inconscient en tant que l'inconscient le détermine. »24

La structure symptomatique agit donc comme un siphon, faisant du symptôme la


puissance unifiante de la tridimension (RSI). Dès lors, si le sujet sʼen sort, ce sera par le
ravinement (via lʼimaginaire) du symptôme en “sinthome”.

22 Jacques Lacan, Séminaire XVIII, D’un Discours qui ne serait pas du Semblant, éd. AFI, publication libre, P. 115
(séance du 19/05/1971)
23 Jacques Lacan, Séminaire IX, L’Identification, éd. AFI, publication libre, P. 264 (séance du 02/05/1962)

24 Jacques Lacan, Séminaire XXII, RSI, éd. AFI, publication libre, P. 100 (séance du 18/02//1974)

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III - Les nouages réels et la consistance imaginaire

« C'est au point où toute signifiance fait défaut, s'abolit, au point nodal dit le désir de
l'Autre, au point dit phallique, pour autant qu'il signifie l'abolition comme telle de toute
signifiance, que l'objet petit a, objet de la castration, vient prendre sa place. » 25

a - Les nœuds borroméens et lʼob-jet @

Reste de réel, soutien à lʼimage, et cause du désir (donc aussi du sens), lʼ@ noue réel,
symbolique et imaginaire, en articulant les traits de jouissances :
« Dans cette seule articulation, qu'est-ce que le signifiant - le signifiant pour aujourd'hui, et
pour clore là-dessus, vu les motifs que j'en ai?
Je dirai que le signifiant se situe au niveau de la substance jouissante. C'est tout à fait
différent de la physique aristotélicienne que je vais évoquer, laquelle de pouvoir être
sollicitée comme je vais le faire, nous montre à quel point elle était illusoire.
Le signifiant, c'est la cause de la jouissance. Sans le signifiant, comment même aborder
cette partie du corps? Comment, sans le signifiant, centrer ce quelque chose qui, de la
jouissance, est la cause matérielle? Si flou, si confus que ce soit, c'est une partie qui, du
corps, est signifiée dans cet apport.
J'irai maintenant tout droit à la cause finale, finale dans tous les sens du terme. En ceci
qu'il en est le terme, le signifiant c'est ce qui fait halte à la jouissance. » 26 La “substance
jouissante”, cʼest la structure réelle du sujet inconscient, car sʼil jouit de son corps, ce
dernier est “totalisé” par la structure symbolique. Or, le sujet ne peut jamais jouir
absolument de son corps, un signifiant y faisant halte, avant la mort. Cʼest à partir de ce
rebours de jouissance que la structure réelle et la structure symbolique peuvent consister
imaginairement, en désir (de sens) et donc en expérience langagière. Lʼ@ noue alors
nécessairement ces dimensions (RSI) borroméennement : « La définition du nœud
borroméen part de 3. Cʼest à savoir que si, des 3, vous rompez un des anneaux, ils sont
libres tous les 3; cʼest-à-dire que les deux autres anneaux sont libérés. »27

Le problème, cʼest que le nouage ne consiste que par expérience langagières singulières,
donc soit par la parole (cʼest ici quʼintervient lʼéquivoque comme jeu imaginaire), soit par
lʼécrit (cʼest quʼintervient -nous lʼavons vu- la structure symptomatique des jouissances).
cela signifie que le passage subjectif du nouage des structures inconscientes à leur
épreuve dans lʼexpérience singulière réelle met en jeu le symptôme et sa réduction
imaginaire, et donc, nécessite un passage du borroméen à 3 au borroméen à 4.
Ainsi, dans lʼécrit : « Il me semble que j'ai justifié en quoi le nœud borroméen peut
s'écrire : puisque c'est une écriture, une écriture qui supporte un réel. Ceci déjà, à soi tout
seul, désigne que non seulement le Réel peut se supporter d'une écriture mais qu'il n'y a
pas d'autre idée sensible du réel.

25 Jacques Lacan, Séminaire IX, L’Identification, éd. AFI, publication libre, P. 387 (séance du 27/06/1962)
26 Jacques Lacan, Séminaire XX, Encore, éd. Seuil, P. 26-27 (séance du 19/12/1972)
27 Jacques Lacan, Séminaire XXII, RSI, éd. AFI, publication libre, P. 19 (séance du 10/12/1974)

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Ce Réel, ce Réel qu'est le nœud, nœud qui est une construction, ce Réel se suffit à laisser
ouvert ce trait, ce trait d'écrit, ce trait qui est écrit qui du Réel supporte l'idée. »28
Ainsi, dans la parole : « Réel, en tant que chez le parlêtre, il est affligé de la seule chose
qui fasse trou, qui du trou nous assure, c'est ce que j'appelle le Symbolique, en l'incarnant
dans le signifiant, dont en fin de compte il n'y a pas d'autre définition que c'est ça, le trou.
Le signifiant fait trou [...] Le nœud n'est pas le modèle, il est le support. Il n'est pas la
réalité, il est le Réel. Ce qui veut dire que s'il y a une distinction entre le Réel et la réalité,
c'est le nœud. »29
Donc, dans lʼespace subjectif de lʼexpérience singulière, cʼest-à-dire dans la marque dʼ@,
les nœuds borroméens tiennent en semble par les jouissances (écrit) ou le trou (parole),
lʼun et lʼautre appelant simultanément une dimension intrinsèquement unifiante quʼest le
symptôme et une liberté extrinsèquement équivoque par lʼimaginaire (nominatif), sur fond
dʼangoisse (donc sur la transformation dʼ@ par le rien). En effet, « l'Imaginaire c'est le pas-
de-jouissance »30, et donc la réduction de la structure symptomatique par le sens :

« Il y a plusieurs modes d'énoncer le sens, qui tous se rapportent au Réel dont il répond.
Pour que vous ne vous embrouillez pas quand même, je vous marque que le Réel ici
[figure IV-2], il se marque du bord d'un trou, l'Imaginaire, ici, et là le Symbolique,-ça c'est
pour que vous suiviez. Tous se rapportent, ces sens, au Réel, au Réel dont chacun
répond. C'est là où se confirme la souplesse du nœud, qui fait aussi sa nécessité. Le
principe du nœud, c'est qu'il ne se défait pas, sauf à ce qu'on le brise. Qu'est-ce que c'est
que ce dénouement du nœud, qui est impossible ? C'est le retour à une forme dite triviale
et qui est celle du rond de ficelle, justement! De sorte que c'est un nœud, c'est un nœud
au second degré, c'est un nœud qui tient, comme vous l'avez déjà maintes fois entendu
de ma voix, c'est un nœud qui tient à ce qu'il y ait trois ronds. »31

28 Jacques Lacan, Séminaire XXII, RSI, éd. AFI, publication libre, P. 29 (séance du 17/12/1974)
29 Ibidem, P. 158 (séance du 15/04/1975)
30 Ibidem, P. 131 (séance du 18/03/1975)

31 Ibidem, P. 58 (séance du 21/01/1975)

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b - Lʼessaim (S1) et le sinthome (consistant)

Le sens (et avec lui la conscience du sujet à propos de ses structures) nʼarrive que par le
“hiatus” de lʼ@ jouant du paradigmatique (comme “syntagmatique actualisé” -dixit Milner-
par lʼexpérience langagière), soit par ruissellement (ou “ravinement”) -débord symbolique
du trait unaire (traces nominatives de lʼessaim de signifiants)-, soit par équivoque
fantasmatique (ou “sinthome”) -création imaginaire du trait phallique (traces associatives
du savoir érotique, par le rien)-.
Commençons par le ruissellement de lʼessaim : « Quʻest-ce que cʼest que ça, le
ruissellement ? Cʼest un bouquet. Ça fait bouquet, de ce quʼailleurs jʼai distingué du trait
premier et de ce quʼil efface. Je lʼai dit en son temps, mais on oublie toujours une partie de
la chose, je lʼai dit à propos du trait unaire, cʼest de lʼeffacement du trait que se désigne le
sujet. Ça se remarque donc en deux temps. Il y faut donc que sʼy distingue la rature.
Litura, lituraterre. Rature dʼaucune trace qui soit dʼavant, cʼest ce qui fait terre du littoral.
Litura pure, cʼest le littéral. Là, produire cette rature, cʼest reproduire cette moitié dont le
sujet subsiste. […]
Entre centre et absence, entre savoir et jouissance, il y a littoral qui ne vire au littéral quʼà
ce que ce virage, vous puissiez le prendre le même à tout instant. Cʼest de ça seulement
que vous pouvez vous tenir pour agent qui le soutienne.
Ce qui se révèle de ma vision de ruissellement, à ce qui domine la rature, cʼest quʼà se
produire dʼentre les nuages, elle se conjugue à sa source; cʼest bien aux nuées
quʼAristophane me hèle de trouver ce quʼil en est du signifiant, soit le semblant par
excellence, si cʼest de sa rupture quʼen pleut cet effet à ce quʼil sʼen précipite, ce qui y était
matière en suspension.
[…] comment se peut-il que ces [artistes japonais] qui savent dessiner, éprouvent-ils le
besoin dʼentremêler [leurs traits] de ces amas de nuages, si ce nʼest précisément que cʼest
ça qui introduit la dimension de signifiant; et la lettre qui fait rature, sʼy distingue dʼêtre
rupture donc, du semblant, qui dissout ce qui faisait forme, phénomène, météore, cʼest ça,
je vous lʼai déjà dit, que la science opère au départ de la façon la plus sensible sur des
formes perceptibles. Mais du même coup ça doit être aussi que ce soit dʼen congédier ce
qui de cette rupture ferait jouissance, cʼest-à-dire dʼen dissiper ce quʼelle soutient de cette
hypothèse pour mʼexprimer ainsi de la jouissance, qui fait le monde en somme, car lʼidée
de monde, cʼest ça. Penser quʼil soit fait de pulsions telles quʼaussi bien sʼen figure le vide.
Eh bien ! ce qui de jouissance sʼévoque à ce que se rompe un semblant, voilà, ce qui,
dans le réel, cʼest là le point important, dans le réel, se présente comme ravinement. Cʼest
là vous définir par quoi lʼécriture peut être dite dans le réel le ravinement du signifié, soit
ce qui a plu du semblant en tant que cʼest ça qui fait le signifié. Lʼécriture ne décalque pas
le signifiant. Elle nʼy remonte quʼà prendre nom, mais exactement de la même façon que
ça arrive à toutes choses que vient à dénommer la batterie signifiante après quʼelle les a
dénombrées. Comme bien entendu, je ne suis pas sûr que mon discours sʼentende, il va
falloir quand même que jʼy fasse épingle dʼune opposition. Lʼécriture, la lettre, cʼest dans le
réel et le signifiant, dans le symbolique. Comme ça, ça pourra faire pour vous ritournelle.
»32 Tout discours conscient sʼappuyant sur du semblant, cʼest-à-dire sur la fixation
symptomatique des jouissances, le “ravinement” en fait déborder le symbolique : du sens
blanc au sens conscient, donnant signification actuelle à lʼexpérience langagière.

32Jacques Lacan, Séminaire XVIII, D’un Discours qui ne serait pas du Semblant, éd. AFI, publication libre, P. 108-109
(séance du 12/05/1971 dite “Lituraterre”)

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Plus précisément : « [lʼécriture] ne décalque pas [le signifiant], mais ses effets de langue,
ce qui sʼen forge par qui la parle. » 33, ce qui signifie que lʼexpérience singulière, actuelle et
réelle de la parole vient, par la nomination, faire ruisseler ce que le semblant avait
symptomatiquement fixé en une structure continue. Mais comprendre comment lʼessaim
peut faire déborder la structure symptomatique pour la réduire (et donc, par là, saisir le
passage du borroméen à 3 au borroméen à 4), nécessite de passer par une autre
distinction : « on voit que le processus du mouvement comme “plus un” dans le Yijing
correspond à la structure discontinue. Son propre Réel est représenté par l’infini. Celui de
l’immobile correspondant à la structure continue est à considérer comme une
manifestation de l’“Un” aux multiples niveaux. » 34 Ju Fei compare ici le classique chinois
du “changement” (Yijing) à la topologie lacanienne, pour en éclairer les structures : la
structure “continue” (lʼUn) correspond à la structure symptomatique des jouissances alors
que la structure “discontinue” (plus-Un) correspond à la structure symbolique trouée de
réel. Le point “hors ligne” (à lʼinfini) -le rien ouvert en trait unaire (ici)- transforme lʼ@ pour
faire déborder le symbolique en essaim “sinthomatique” : le Un serait ainsi réduit (par le
moins-Un) ce qui permettrait dʼéquilibrer le “plus-Un” par une dimension supplémentaire.

Mais passons à lʼéquivoque fantasmatique : « Le signifiant est signe d'un sujet. En tant
que support formel, le signifiant atteint un autre que ce qu'il est tout crûment, lui, comme
signifiant, un autre qu'il affecte et qui en est fait sujet, ou du moins qui passe pour l'être.
C'est en cela que le sujet se trouve être, et seulement pour l'être parlant, un étant dont
l'être est toujours ailleurs, comme le montre le prédicat. Le sujet n'est jamais que ponctuel
et évanouissant, car il n'est sujet que par un signifiant, et pour un autre signifiant.
C'est ici que nous devons revenir à Aristote. Par un choix dont on ne sait ce qui l'a guidé,
Aristote à pris le parti de ne donner d'autre définition de l'individu que le corps - le corps en
tant qu'organisme, ce qui se maintient comme un, et non pas ce qui se reproduit. La
différence entre l'idée platonicienne et la définition aristotélicienne de l'individu comme
fondant l'être, nous sommes encore autour. La question qui se pose au biologiste est bien
de savoir comment un corps se reproduit. Ce dont il s'agit dans toute tentative de chimie
dite moléculaire, est de saisir comment il se fait que par la combinaison d'un certain
nombre de choses dans un bain unique, quelque chose se précipite, et qu'une bactérie
par exemple se reproduise.
Le corps, qu'est-ce donc ? Est-ce ou n'est-ce pas le savoir de l'un ?
Le savoir de l'un se révèle ne pas venir du corps. Le savoir de l'un pour le peu que nous
en puissions dire, vient du signifiant Un. Le signifiant Un vient-il de ce que le signifiant
comme tel ne soit jamais que l'un-entre-autres référé à ces autres, n'étant que la
différence d'avec les autres ? La question est si peu résolue jusqu'à présent que j'ai fait
tout mon séminaire de l'année dernière pour mettre l'accent sur ce Y a d'l'Un.
Qu'est-ce que veut dire Y a d'l'Un ? Du un-entre-autres, et il s'agit de savoir si c'est quel
qu'il soit, se lève un S1, un essaim signifiant, un essaim bourdonnant. Ce S1 de chaque
signifiant, si je pose la question est-ce d'eux que je parle ? je lʼécrirai d'abord de sa
relation avec S2. Et vous pourrez en mettre autant que vous voudrez. C'est l'essaim dont
je parle.
S1 (S1 (S1 (S1 → S2)))

33 Jacques Lacan, Séminaire XVIII, D’un Discours qui ne serait pas du Semblant, éd. AFI, publication libre, P. 166-167
(“Lituraterre” - version réécrite par Lacan)
34 Ju Fei, “le Yijing et la topologie de Lacan”, consultable ici : http://www.lacanchine.com/Ju_01fr.html, 2010, P. 11

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L'S1, l'essaim, signifiant-maître, est ce qui assure l'unité, l'unité de la copulation du sujet
avec le savoir. L'est dans lalangue, et pas ailleurs, en tant qu'elle est interrogée comme
langage, que se dégage l'existence de ce qu'une linguistique primitive a désigné du terme
de στοιχεϊν, élément, et ce n'est pas pour rien. Le signifiant Un n'est pas un signifiant
quelconque. Il est l'ordre signifiant en tant qu'il s'instaure de lʼenveloppement par où toute
la chaîne subsiste.
[...] Le Un incarné dans lalangue est quelque chose qui reste indécis, entre le phonème, le
mot, la phrase, voire toute la pensée. C'est ce dont il s'agit dans ce que j'appelle signifiant-
maître. C'est le signifiant Un, et ce n'est pas pour rien qu'à l'avant-dernière de nos
rencontres, j'ai amené ici pour l'illustrer le bout de ficelle, en tant qu'il fait ce rond, dont j'ai
commencé d'interroger le nœud possible avec un autre. » 35 Ce rapport de lʼessaim au
savoir, cʼest lʼéquivoque fantasmatique ouverte par le trait phallique transformant lʼ@ afin
de créer une consistance autrement quʼune, lalangue sʼincarnant par le corps : « Le
langage est moins un outil du sujet que l’engagement de l’existence du sujet dont le pari
est l’objet a. En ce sens, l’espace impliqué extrinsèquement par le signifiant est à
considérer comme un espace subjectif qui se différencie de l’espace intrinsèque du
signifiant. Lalangue en tant que le corps du Symbolique fait la structure subjective
s’installer sur la borde portant la jouissance. […] Par conséquent, la topologie de Lacan
qui est vraisemblablement différente de celle de topologue, fait indispensablement la
structure intrinsèque de l’espace “objectivée” extrinsèquement. »36 Lʼextrincéité de la
consistance imaginaire équivoque du corps (par lʼambiguïté du trait phallique) fait
sinthome du symptôme et peut libérer du sinthome; il “suffit” de « jouer de cette équivoque
qui pourrait libérer du sinthome. Car cʼest uniquement par lʼéquivoque que lʼinterprétation
opère. Il faut quʼil y ait quelque chose dans le signifiant qui résonne. » 37

c - Consistances du sujet et structure réelle

Que reste-t-il du sujet inconscient lorsquʼil se libère du sinthome (du symptôme, a fortiori),
et, peut-il y parvenir ? Déjà, pour commencer : « Le signifiant détermine le sujet, le sujet
en prend une structure […] »38 Mais il ne saurait en rester là puisquʼil peut, par lʼ@ et le
désir/le sens, se libérer/prendre conscience de ses structures :
« Le sujet, ce n'est rien d'autre - qu'il ait ou non conscience de quel signifiant il est l'effet -
que ce qui glisse dans une chaîne de signifiants. Cet effet, le sujet, est l'effet intermédiaire
entre ce qui caractérise un signifiant et un autre signifiant, à savoir d'être chacun, d'être
chacun un élément. […]
Dans l'amour, ce qui est visé, c'est le sujet, le sujet comme tel, en tant qu'il est supposé à
une phrase articulée, à quelque chose qui s'ordonne ou peut s'ordonner d'une vie entière.
Un sujet, comme tel, n'a pas grand-chose à faire avec la jouissance. Mais, par contre, son
signe est susceptible de provoquer le désir. Là est le ressort de l'amour. […] » 39
Sʼil “glisse”, cʼest dʼabord par les débords symbolique (ruissellement) et imaginaire
(équivoque fantasmatique -traces corporelles en particulier). Mais lorsquʼil se libère du

35 Jacques Lacan, Séminaire XX, Encore, éd. Seuil, P. 130-131 (séance du 26/06/1973)
36 Ju Fei, “le Yijing et la topologie de Lacan”, consultable ici : http://www.lacanchine.com/Ju_01fr.html, 2010, P. 13
37 Jacques Lacan, Séminaire XXIII, Le Sinthome, éd. AFI, publication libre, P. 11 (séance du 18/11/1975)

38 Jacques Lacan, Séminaire IX, L’Identification, éd. AFI, publication libre, P. 313 (séance du 30/05/1962)

39 Jacques Lacan, Séminaire XX, Encore, éd. Seuil, P. 48 (séance du 16/01/1973)

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glissement, lorsquʼil déstructure/restructure son inconscient (bouleversant les nouages),


cʼest quʼil déborde réellement (par lʼamour, par le toucher ou par lʼorgasme). Dès lors, lʼ@
se trouve subjectivement marqué par le rien, rendant créateur et signifiant le désir :
« L’objet a en tant que l’espace subjectif, d’une part, représente la troisième dimension par
laquelle le sujet vise au Réel. D’autre part, du fait que l’inscription du sujet ne se fait que
dans l’ordre du signifiant, l’espace intrique indispensablement les deux dimensions
intrinsèques du signifiant. Par ailleurs, quand Lacan appelle l’objet a le Vide coupé par le
signifiant, on en arrive à considérer le Vide comme l’espace subjectif même, parce que ce
qu’une surface coupe n’est qu’un espace aux dimensions hautes.
Mais dans le cas extrême où l’objet réel apparaît comme le déchet, le sujet n’arrive pas à
trouver son pivot de jouissance et graver la valeur signifiante sur l’objet, le sujet va se
perdre, comme la mélancolie perd l’objet du désir et sa propre existence. Il n’existe que
l’objet réel comme une substance à une dimension. » 40 Nous pouvons en déduire le
passage de la structure réelle (substance jouissance) au sujet réel : gravure valorisante de
lʼexpérience langagière singulière actualisée réellement par la consistance imaginaire des
débords déstructurants/restructurants. Cet événement -comme surgissement réellement
subjectif car libre- peut sʼécrire ainsi (en une espèce de mathème) : “S-I-◊St(R)@-I-S”.

Le sens structural arrivant par ce que Ju Fei nomme (mathématiquement) “chiralité” des
dimensions (par le sinthome), et le trait phallique permettant au sujet réel de déborder
consciemment de ses structures inconscientes, la consistance subjective nʼest pas quʼune
libération (réduction puis résolution), cʼest aussi une sexuation :
« […] Du côté de l'homme, j'ai inscrit ici, non certes pour le privilégier d'aucune façon, le $,
et le Φ qui le supporte comme signifiant, ce qui s'incarne aussi bien dans le S1, qui est,
entre tous les signifiants, ce signifiant dont il n'y a pas de signifié, et qui, quant au sens, en
symbolise l'échec. C'est le mi-sens, l'indé-sens par excellence, ou si vous voulez encore,
le réti-sens.
Ce $ ainsi doublé de ce signifiant dont en somme il ne dépend même pas, ce $ n'a jamais
affaire, en tant que partenaire, qu'à l'objet a inscrit de l'autre côté de la barre. Il ne lui est
donné d'atteindre son partenaire sexuel, qui est l'Autre, que par l'intermédiaire de ceci qu'il
est la cause de son désir. A ce titre, comme l'indique ailleurs dans mes graphes la
conjonction pointée de ce $ et de ce a, ce n'est rien d'autre que fantasme. Ce fantasme où
est pris le sujet, c'est comme tel le support de ce qu'on appelle expressément dans la
théorie freudienne le principe de réalité.
L'autre côté maintenant. Ce que j'aborde cette année est ce que Freud a expressément
laissé de côté, le Was will das Weib ? le Que veut la femme ? Freud avance qu'il n'y a de
libido que masculine. Qu'est-ce à dire? - sinon qu'un champ qui n'est tout de même pas
rien se trouve ainsi ignoré. Ce champ est celui de tous les êtres qui assument le statut de
la femme - si tant est que cet être assume quoi que ce soit de son sort. De plus, c'est
improprement qu'on l'appelle la femme, puisque comme je l'ai souligné la dernière fois, le
la de la femme, à partir du moment où il s'énonce d'un pas-tout, ne peut s'écrire. Il n'y a ici
de la que barré. Ce La barré a rapport, et je vous l'illustrerai aujourd'hui, avec le signifiant
de A en tant que barré.
L'Autre n'est pas simplement ce lieu où la vérité balbutie. Il mérite de représenter ce à quoi
la femme a foncièrement rapport. Nous n'en avons assurément que des témoignages
sporadiques, et c'est pourquoi je les ai pris, la dernière fois dans leur fonction de

40 Ju Fei, “le Yijing et la topologie de Lacan”, consultable ici : http://www.lacanchine.com/Ju_01fr.html, 2010, P. 17

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métaphore. D'être dans le rapport sexuel, par rapport à ce qui peut se dire de
l'inconscient, radicalement l'Autre, la femme est ce qui a rapport à cet Autre. Cʼest là ce
qu'aujourd'hui je voudrais tenter d'articuler de plus prés.
La femme a rapport au signifiant de cet Autre, en tant que, comme Autre, il ne peut rester
que toujours Autre. je ne puis ici que supposer que vous évoquerez mon énoncé qu'il n'y a
pas d'Autre de l'Autre. L'Autre, ce lieu où vient s'inscrire tout ce qui peut s'articuler du
signifiant, est, dans son fondement, radicalement l'Autre. C'est pour cela que ce signifiant,
avec cette parenthèse ouverte, marque l'Autre comme barré – S(A barré).
Comment concevoir que l'Autre puisse être quelque part ce par rapport à quoi une moitié -
puisque aussi bien c'est grossièrement la proportion biologique - une moitié des êtres
parlants se réfère? C'est pourtant ce qui est là écrit au tableau par cette flèche partant du
La barré. Ce La barré ne peut se dire. Rien ne peut se dire de la femme. La femme a
rapport à lʼAutre et c'est en cela déjà qu'elle se dédouble, qu'elle n'est pas toute, puisque,
d'autre part, elle peut avoir rapport avec Φ.
Φ, nous le désignons de ce phallus tel que je le précise d'être le signifiant qui n'a pas de
signifié, celui qui se supporte chez l'homme de la jouissance phallique. »41 La sexuation
précise ainsi la structure réelle, et donc influe sur le sujet réel : le sujet-femme oscille entre
deux jouissances alors que le sujet-homme nʼa affaire quʼà la libération phallique. Si ce
dernier a été explicité dans ses structures et ses libérations, le sujet féminin, en revanche,
ne peut que se comprendre si nous y ajoutons la jouissance de lʼAutre comme seconde
structure symptomatique, pouvant tracer une conjonction des jouissances, et ainsi, un
équilibre structural (libérateur) inconnu pour lʼhomme. Dans ce cas, lʼAutre est considéré
comme Deux (car barré) et le sujet se libère dʼabord par des débords réels :

« l'Autre est ainsi matrice à double entrée, dont le petit a constitue l'une de ces entrées, et
dont l'autre... qu'allons-nous en dire ? Est-ce l'Un du signifiant ? »42 Cette manière
féminine de faire avec les structures peut en outre résoudre le problème de cohérence
dynamique qui risque dʼendurer le sujet masculin dans sa libération phallique, et ce, grâce
à la chiralité : « C'est-à-dire que d’une part, le phallus en tant que point à l’infini organise la
coupure du signifiant, et fait apparaître le sujet. D’autre part, une fois que le sujet surgit
comme la bande de Mœbius, il va éprouver l’éclat du phallus dans l’objet partiel. Le
phallus devient la structure même. Mais, ce n’est pas un quelconque objet qui pourrait
représenter le phallus, il n’existe pas l’objet phallique, mais des objets fantasmatiques qui
ont une certaine valeur phallique. »43 La vectorisation phallique des débords prend ici sens
par la dissymétrie quʼil y a entre la J(A) féminine et le D(A) masculin.
« Ici, gît le point de flottement par où on voit que le terme d'Imaginaire ne veut pas dire
pure imagination, puisque aussi bien, si nous pouvons faire que l'Imaginaire ek-siste, c'est
qu'il s'agit d'un autre Réel. Je dis que l'effet de sens ek-siste, et qu'en ceci, il est Réel. Ce
n'est pas de l'apologétique, c'est de la consistance, de la consistance imaginaire, sans
doute, mais il semble qu'il y ait tout un domaine usuel de la fonction Imaginaire qui, elle,
dure et qui se tienne. »44 Ce domaine, cʼest ce quʼescamote toujours déjà toute structure :
la spectralité du sujet, hanté par ce qui est refoulé ou ce qui déborde, hantant lʼautre
aussi. Cʼest là que se touchent la libération et la sexuation.

41 Jacques Lacan, Séminaire XX, Encore, éd. Seuil, P. 74-75 (séance du 13/03/1973)
42 Jacques Lacan, Séminaire XXII, RSI, éd. AFI, publication libre, P. 62 (séance du 21/01/1975)
43 Ju Fei, “le Yijing et la topologie de Lacan”, consultable ici : http://www.lacanchine.com/Ju_01fr.html, 2010, P. 20

44 Jacques Lacan, Séminaire XXII, RSI, éd. AFI, publication libre, P. 82 (séance du 11/02/1975)

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- Aurélien Marion - - Structuralisme -

La méthode structuraliste aboutit, avec Lacan, à son acmé et à son insuffisance :


summum “hyperstructural” (Milner) dans les traits symptomatiques des jouissances puis
dans les nœuds borroméens, mais abîme déstructurant dans les débords libérateurs et la
spectralité chirale de la sexuation. Cʼest pourquoi Lacan va partiellement divorcer dʼavec
le structuralisme pour davantage parler en termes de nouages, de consistances, et de
“malentendus” (dans ses deux derniers séminaires, les XXVI et XXVII).

Dans tous les cas, le dispositif structural inconscient sʼarticule réellement par la
valorisation phallique inhérente au pas-tout signifiant de lʼAutre : « Si vous revenez à ce
que j'ai frayé cette année en essayant de vous faire consonner consistance, ek-sistence et
trou, d'autre part à Imaginaire, Réel (pour l'ek-sistence) et Symbolique, je dirai donc que le
phallus, ça n'est pas l'ek-sistence du Réel. Il y a un Réel qui ek-siste à ce phallus, qui
s'appelle la jouissance, mais c'en est plutôt la consistance : c'est le concept, si je puis dire,
du phallus. »45

Dès lors, nous pouvons repérer les changements structuraux du sujet comme la pureté
présente des pulsions : la structure symptomatique serait la puissance pure (Un), la
structure symbolique serait lʼacte pur (A), la structure imaginaire serait le virtuel pur (sens),
la structure réelle serait le réel pur (substance). Le sujet, définit par Milner comme “éclipse
incessante” serait donc aussi (avant tout ?) la marque interactive singulière dʼoppositions
purement quelconques entéléchisées en une consistance fantomatique et humide.

Bibliographie

JU, Fei, “le Yijing et la topologie de Lacan”, publié sur internet, disponible ici :
http://www.lacanchine.com/Ju_01fr.html, 2010
LACAN, Jacques, Écrits, éd. Seuil, 1966
LACAN, Jacques, Séminaire, I à XXVII, éd. AFI et/ou Seuil et/ou ELP, 1951-1980
LE GAUFEY, Guy, Cʼest à quel sujet ?, éd. EPEL, 2009
MASSAT, Guy, Séminaire & Cartel, publié sur internet, disponible ici :
http://www.psychanalyse-paris.com/_Guy-MASSAT_.html, 2003-2010
MILNER, Jean-Claude, Le périple structural, éd. Verdier (Seuil), 2008 (2002)

45 Jacques Lacan, Séminaire XXII, RSI, éd. AFI, publication libre, P. 106 (séance du 11/03/1975)

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