La bloekehain nous pend au nez
Une vraie révollltion teclznologiqlle, comme on nolls le pro1net ? En tout cas,
INI le lait infantile
F contaminé aux salmo-
nelles, le fipronil dans
les œufs ou les lasagnes pur
bœuf à base de viande de che-
val ? Des enseignes de la
grande distribution comme
Carrefour ou Casino ont dé-
cidé de reprendre les choses
en main ct de redonner
confiance aux consommateurs.
Leur solution magique : lu
blockchain («chaîne de blocs "•
en français).
Créée en 2008 par un mys-
térieux personnage au patro-
nyme japonisant, connu avant
tout pour être le support du
bitcoin et autres cryptomon-
naies, la blockchain est un sys-
tème de stockage et de trans-
mission de données censé
s'auto-organiser ct être in-
falsifiable. Plus besoin d'un
organe de contrôle ni d'une
plateforme centralisée, ça
marche tout seul. Vous lancez
une information, la voilà cryp-
t6e en un bloc, distribué à une
multitude d'ordinateur:; répar-
tis dans le monde entier, ap-
partenant à des particuliers
ayant téléchargé le logiciel ap-
proprié ou à des entreprises
spécialisées.
Ceux-ci, les •< mineurs "• va-
lident ces blocs ct les ins-
crivent dans la chaîne contre
rémunération (ils reçoivent
quelques bitcoins en échange
du minage). Ainsi distribuée
sur toute la planète, l'info de-
vient impossible à modifier ou
à supprimer. La blockchain
form<' alors une sorte do " su-
JWrcloud , (réservoir virtuel
de données) inviolable et ac-
cessible à tous.
Gonflés
à blocs
Grâce à elle, Carrefour et
Casino se vantent de pouvoir
suivre à la trace chaque pou-
let, chaque kilo de tomates,
chaque pot de miel. Et de per-
mettre à leurs clients de
consulter le dossier complet de
ces produits (lieu d'élevage,
d'abattage ou de transforma-
llll
tion) sur leur smartphone
après avoir scanné un code QR
placé sur l'emballage des pro-
duits. Génial, non ?
Mais la blockchain ne se
contente pas de cet exploit.
Elle promet beaucoup plus.
C'est le dernier défi technolo-
gique à la mode. En mars,
Brw1o Le Maire l'a clamé (Nu-
merama, 19/3): <<Nous ne ra-
terons pas la révolution de la
blockchain ! » Il faut rattraper
notre retard sur les Améri·
cains ! sur les Chinois ! !<;n
France, seule une centaine de
start-up sc sont placées sur ce
créneau. dans des domaines
variés comme la finance, la
santé ou l'énergie. Parmi ces
pépites françaises, Adents
promet de lutter contr e letra-
fic de mt'dicaments en traçant
ces derniers via la blockchain,
quand CryptoCorals souhaite
financer la plantation de vrais
coraux pour chaque achat d'un
corail virtuel sur leur pla-
teformc ... Mais il faut aller
plus loin. Et vite !
Il y ajuste un hic. La block-
chain est un gouffre énergé-
tique. Le protocole de consen-
sus nécessaire à la validation
d'un bloc exige des serveurs
informatiques ayant une
grande puissance de calcul,
donc oxtrêmement voraces en
énergie. Cette consommation
gouffre é nergétique .
est amplifiée avec la multipli-
cation des « fermes de mi-
nage», où les ordinateurs tour-
nent nuit et jour pour valider
les blocs.
Vorace,
ô désespoir!
Pour l'instan t, il n'existe en
France qu'une poignée de ser-
veurs, dont le plus important
se t r ouve à Orvault, près de
Nantes. Ce n'est qu'un début:
.. Le Canard " (28/2) a déjà
racont é comment l'Islande
consommait désormais plus
d'énergie pour la production
de bitcoins que pour chauffer
et éclairer la totalité de ses
340 000 h abitants. Dans un
rapport daté du 20 juin, l'Of-
fice parlementaire d'évalua-
tion des choix scientifiques et
technologiques (Opcest) estime
que l'ensemble des blockchains
publiques consommeraient
entre 45 et 200 TWh par an.
A titre de comparaison , la
consommation énergétique de
la France s'élève à 530 TWh
par an.
Mais, pour que les clients de
Carrefour soient sûrs que
leurs œufs sont garantis sans
fipronil, rien n'est trop beau...
Professeur Canardeau