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Mediapart, le préfet des Pyrénées-Atlantiques indique,


sans plus de détail, qu’il a effectué un « signalement »
Lola, 19 ans, victime d’un tir de flashball
au ministère de l’intérieur.
au visage: «Rien ne justifiait cette
violence»
PAR ANTTON ROUGET
ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 8 JANVIER 2019

Lola Villabriga, après avoir reçu un tir de flashball, le


18 décembre, à Biarritz. © Capture d'écran Facebook

De fait, les images et les témoignages de manifestants


peinent à justifier l’usage d’un flashball – de surcroît
Lola Villabriga, après avoir reçu un tir de flashball, le
18 décembre, à Biarritz. © Capture d'écran Facebook en tir tendu et en pleine tête – à la fin d’une
En marge du déplacement du ministre Jean-Yves Le manifestation sous contrôle.
Drian à Biarritz, le 18 décembre, Lola Villabriga, une Le 18 décembre, face à Jean-Yves Le Drian, dépêché
étudiante de 19 ans, a été victime d'une triple fracture au pied levé pour représenter Emmanuel Macron à
de la mâchoire suite à un tir de flashball intervenu une réunion de préparation du G7, quelques centaines
en fin de manifestation. Le préfet des Pyrénées- de manifestants s’étaient donné rendez-vous place
Atlantiques annonce à Mediapart qu’il a effectué un Clemenceau, dans le centre-ville.
« signalement » au ministère de l’intérieur.
Un cortège composite, rassemblant des gilets jaunes,
Une triple fracture de la mâchoire et une balafre de des lycéens, mais aussi des militants altermondialistes
quarante points de suture sur la joue droite : Lola du mouvement Bizi !, des syndicalistes, des
Villabriga porte deux plaques qu’elle devra conserver antifascistes ou encore des indépendantistes basques,
pendant de longs mois. décidés à se faire entendre du ministre des
À 19 ans, elle symbolise cette nouvelle génération
qui se politise à la faveur du mouvement des «
gilets jaunes ». Une entrée en politique aussi soudaine
que brutale : le mardi 18 décembre, à Biarritz, cette
étudiante en école d’art a reçu un tir de lanceur de balle
de défense (LBD, communément appelé flashball)
en pleine tête, lors d’une manifestation organisée en
marge du déplacement du ministre Jean-Yves Le Drian
pour la préparation du G7.
« Rien ne justifiait cette violence, encore moins l’usage
d’une arme de guerre », dénonce Lola Villabriga,
qui en portera longtemps les stigmates. Sollicité par

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affaires étrangères, qui présentait les grandes Quelques mètres plus loin, deux cordons de gendarmes
orientations de la diplomatie française devant cent mobiles bloquent finalement les protestataires, sans
cinquante ambassadeurs réunis au casino Bellevue. accrochage, comme en témoignent les vidéos
disponibles sur les réseaux sociaux (voir une longue
séquence, à partir d’une heure de vidéo ici, plus courte
là).
Lola est grande (1,75 m), elle ne porte pas de gilet
jaune, n’a pas de cagoule, de casque ou de masque.
Elle monte sur un banc pour filmer les forces de
l’ordre, une petite caméra à la main. Marie, 19 ans
aussi, l’accompagne : « Il y avait un décalage ridicule
entre nous et les CRS, bien plus nombreux et prêts à
tirer alors qu’il ne se passait rien. La situation était
sous contrôle, la manifestation terminée. »
« D’un coup, j’ai entendu une détonation, j’ai vu Lola
tomber du banc, du sang sur le visage », ajoute-t-
elle. Les manifestants courent. L’étudiante vient de
recevoir un tir de flashball, sans que personne explique
ce qui a pu déclencher ce tir. Seule hypothèse possible,
Lola Villabriga a été opérée d'une triple fracture de la mâchoire. © DR
selon Marie : « Un peu avant, un mec a lancé une
Lola Villabriga s’est jointe à la manifestation en tant
crotte de chien en direction des policiers, en criant :
que citoyenne. Depuis l’automne, elle se politise et
“Attention, grosse merde !” 20 secondes plus tard,
marche pour le climat, pour les droits des femmes
j’ai entendu le tir de flashball. » Lola tente une autre
ou contre les violences policières. « Je ne suis pas
explication : « Peut-être qu’ils ne voulaient pas que je
gilet jaune, c’est un mouvement large et je ne veux
filme. Ils m’ont tiré dessus en pleine tête, même pas
pas avoir de position ambiguë, mais je suis d’accord
dans les jambes. J’étais seule, en évidence sur mon
avec beaucoup de leurs revendications », ajoute-t-
banc. »
elle, lucide sur l’hétérogénéité de ce mouvement social
d’un nouveau genre. Aux urgences, le diagnostic des médecins est sans
appel : triple fracture de la mâchoire avec perte de
Après plusieurs tirs de gaz lacrymogène, consécutifs
matière (45 jours d’ITT). Lola Villabriga a été opérée
à une tentative de forcer un barrage de policiers, « on
en urgence pour la pose de deux plaques, qu’elle devra
s’est très vite dispersé dans les petites rues », se
garder de huit mois à un an et demi. Sa joue droite est
souvient Lola Villabriga. La manifestation se prolonge
désormais balafrée, à tout juste 19 ans.
alors en petits groupes dispersés, sans consigne ni
meneur. Dans son malheur, l’étudiante parvient tout de même
à relativiser : « J’ai de la chance, j’ai mes mains,
L’étudiante rejoint une quarantaine de personnes qui
mes yeux, je ne serai pas handicapée à vie… » Un
descendent vers le front de mer. « Il n’y avait pas de
sentiment que ne partage pas son père. Rencontré
barrage policier. On a pu accéder à la grande plage.
deux jours plus tôt, Frédéric Villabriga, 57 ans,
On n’était pas violents, on ne commettait aucune
employé chez Dassault, couve une colère profonde.
dégradation, on voulait juste se faire entendre de
La rage contenue d’un père qui ne s’est pas joint à la
Le Drian », retrace-t-elle.
manifestation organisée en soutien de sa fille de peur
de perdre son sang-froid. « Lola souffre beaucoup, elle

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est sous morphine. Elle se réveille plusieurs fois la nuit pas parler, j’avais envie de hurler. Il n’a pas même
», souffle ce gaillard, économe en mots. « Le visage, eu un mot pour dire que c’est malheureux que
pour une jeune fille… » ajoute-t-il, la mâchoire serrée. quelque chose comme cela survienne en France.
Depuis, les marques de soutien se multiplient. Les » L’étudiante ajoute : « Je me sens humiliée. C’est
gilets jaunes s’organisent pour récupérer vidéos et tellement injuste. Le gouvernement n’a aucun mot
témoignages. La famille envisage de porter plainte, pour nous. » Conséquence, selon elle : « Cela génère
comme ce voisin de Bayonne, Antoine Boudinet, 26 de l’incompréhension. Je le vois autour de moi, la
ans, qui a eu la main arrachée par une grenade le jeunesse est en train de se radicaliser. »
8 décembre. Les Villabriga ont aussi constitué une Si les manifestations de gilets jaunes se poursuivent,
cagnotte « Leetchi », sur proposition d’inconnus qui tous les regards sont aussi tournés vers la tenue du
voulaient effectuer des dons. G7, fin août, dont les préparatifs agitent déjà la côte
L’École supérieure d’art Pays basque (ESAPB), où basque. Explosif, ce dossier a suscité de vifs débats
Lola est étudiante, a rapidement fait part de sa au sein du conseil municipal de Biarritz, qui a voté à
« consternation » et de sa « révolte » contre « l’arraché la rénovation de l’hôtel du Palais, le palace
cette violence policière ». Les messages pleuvent qui doit accueillir l’événement, pour un coût total
sur les réseaux sociaux. « On découvre toute cette estimé à 85 millions d’euros.
solidarité », salue Frédéric Villabriga, « touché » par Sur Internet, plusieurs appels à manifester circulent,
ces initiatives. mais les activistes spéculent sur l’importance du
Les autorités sont, elles, restées silencieuses. Les élus dispositif policier pour empêcher toute protestation.
locaux de la majorité présidentielle n’ont pas sollicité Lola Villabriga s’en inquiète : « Le tir dont j’ai été
la famille, dans la droite ligne de leurs représentants victime laisse imaginer ce qui se passera cet été… »
nationaux, qui détournent le regard des victimes Boite noire
manifestantes. Nous avons rencontré Frédéric Villabriga lundi 24
Le maire Modem de Biarritz, Michel Veunac, a décembre et Lola Villabriga mercredi 26 décembre.
bien rendu visite à Lola Villabriga, lors de son Lola Villabriga a relu ses déclarations avant
hospitalisation. Mais l’étudiante en garde un mauvais publication, sans apporter de modification.
souvenir : « Il a haussé les épaules et m’a dit qu’il
n’avait pas donné d’ordre pour que cela se passe La préfecture des Pyrénées-Atlantiques nous a indiqué
comme ça. Il a de la chance que je ne pouvais avoir fait un « signalement » aux services du ministère
de l'intérieur.

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