Métallurgie

Importance du nickel et
du molybdène dans les aciers
Au cours des dernières années, les prix des éléments d’addition tels que le
nickel et le molybdène ont connu une augmentation dramatique, ce qui a de
considérables incidences sur toutes les pièces et tous les composants dont
les matériaux contiennent ces éléments d’addition. La question de savoir s’il
n’est pas possible, pour certaines applications, de renoncer à ces deux fac-
teurs de coûts revient donc sans cesse.

Anja Dwars
Illustration 1 : Molybdène
Illustration 2 : Nickel
En cas de changement prévu de matériau, il faut
toujours tenir compte de l’influence essentielle de
ces deux éléments d’addition sur la qualité d’un
matériau et son applicabilité.
Molybdène (Illustration 1)
Le mot molybdène vient du grec « molybdos »
qui signifie « plomb ». Au Moyen-Âge, ce mot
était employé pour désigner tous les matériaux
semblables au plomb (anglais : molybdenum). La
part du molybdène dans la croûte terrestre est
estimée à environ 0,00015 pour-cent en poids - un
métal certes relativement rare, mais présent dans
le monde entier. Dans la nature, il ne se trouve
qu’à l’état lié. Le molybdène vient des U.S.A.,
de la Chine, du Chili, du Canada et de la Russie.
Les minéraux essentiels contenant du molybdène
sont la molybdénite (ou molybdine), la powellite
et la wulfénite qui sont fréquemment des produits
secondaires de l’extraction du cuivre. Le molyb-
dène est un métal lourd, mou, malléable, à l’éclat
argenté, à grille cubique centrée dans l’espace.
Protégé par une fine couche d’oxyde, il est résis-
tant à l’air. L’eau et la plupart des acides et des
lessives ne l’attaquent pas non plus. Toutefois, il
est décomposé par l’acide sulfurique ou l’acide
nitrique concentrés. En termes de propriétés chi-
miques, il est proche du tungstène. L’oxyde de
molybdène et le sulfure de molybdène sont des
composés importants du molybdène. En 2003,
la production annuelle mondiale de molybdène
était d’environ 129 000 tonnes. A la fin du XIXe
siècle, lors de la mise au point de blindages pour la
construction de navires de guerre, on a découvert
que l’addition de petites quantités de molybdène
suffisait à améliorer considérablement les pro-
priétés de l’acier en termes de dureté, de résistance
à la corrosion et de résistance à la chaleur. Le
molybdène pur est utilisé dans les supports de
filaments incandescents. Autre domaine de mise
en œuvre : les catalyseurs dans l’industrie chimi-
que. C’est ce qui explique l’énorme demande en
provenance de tous les domaines de la technique
et le prix élevé à payer pour cet élément. Le prix
d’une tonne de molybdène était de 5 900 dollars
US en 1999 et de 73 300 dollars US en janvier
2005 (Source: Office fédéral des géosciences et
des matières premières).
Nickel (Illustration 2)
Au Moyen-Âge, on appelait « nickel » les minerais
de nickel sans valeur. Certes, les alliages de nickel
étaient déjà connus dans la Grèce antique, mais
on les fabriquait sans connaître le métal lui-même.
Pour les mineurs de l’Europe moyenâgeuse, c’était
un accompagnateur indésirable de l’extraction
du minerai de cuivre. Après la présentation par
l’Anglais Michael Faraday d’un procédé de nic-
kelage galvanique en 1843, ce métal acquit pour
la première fois une importance économique. La
part du nickel dans la constitution de la croûte
terrestre est d’environ 0,009 pour-cent en poids.
Ses minéraux sont présents pratiquement par-
tout en petites quantités. Les plus connus sont
la garniérite, la millérite, la magnétopyrite au
nickel, la pyrrhotine et la nickéline. L’extraction
de magnétopyrite et de garniérite présente une
importance économique. Les gisements exploi-
tables se trouvent au Canada (magnétopyrite),
dans la C.E.I., en Australie et à Cuba. En 2003,

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la production annuelle mondiale était d’environ
128 000 tonnes. Le nickel est un métal malléable,
ductile, blanc argenté présentant une structure
réticulaire très dense. En surface, le nickel forme
une fine couche d’oxyde. Il est donc très résistant
à l’air et à l’eau. Le métal entre aisément dans des
alliages avec le fer, le cuivre ou le manganèse. Les
réserves de nickel exploitables sont d’environ 63
millions de tonnes. Actuellement, la production
annuelle mondiale est comprise entre 500 000 et
900 000 tonnes. Le nickel est un métal d’alliage
important, utilisé pour l’affinage de l’acier. Le
« nickelage » permet de rendre les surfaces des
métaux résistantes à la corrosion. Mais le nickel
est également utilisé en grandes quantités par l’in-
dustrie électrique pour la fabrication de batteries
et d’accumulateurs. Le prix d’une tonne de nickel
était de 4 269 dollars US en 1999 et de 16 300
dollars US en janvier 2005 (Source : Office fédéral
des géosciences et des matières premières).
Les matériaux sans molybdène résistent mal
aux acides et aux fluides chlorurés
La question de savoir s’il est possible de réaliser
des économies en utilisant des matériaux plus
faiblement alliés dépend de l’adéquation des
« matériaux de substitution » aux applications
prévues. L’utilisation d’un matériau de pompe ou
de robinetterie moins coûteux n’est judicieuse que
si ce matériau présente la résistance nécessaire à la
corrosion face au fluide à transporter et offre les
propriétés mécaniques et technologiques requises.
La substitution pourrait notamment se faire par
des aciers spéciaux contenant une teneur moindre
en molybdène, un élément d’addition coûteux. Le
matériau forgé 1.4541 sans molybdène en est un
exemple. Ci-dessous, cet alliage sans molybdène
est comparé en termes de résistance à la corrosion
et de propriétés mécaniques avec le matériau forgé
1.4571 contenant du molybdène et avec l’acier
duplex 1.4462.
Une grande partie des aciers spéciaux transfor-
més est mise en œuvre dans des fluides corrosifs.
La résistance à la corrosion est donc un critère
essentiel de la sélection du matériau. Cette résis-
tance dépend en premier lieu de la composition
chimique du matériau. Outre le chrome, le molyb-
dène est l’élément d’addition le plus important
pour les propriétés des aciers inoxydables en ma-
tière de corrosion. La teneur en molybdène cons-
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titue une différence sensible entre les matériaux
1.4571 et 1.4541. Ainsi qu’il ressort du Tableau Matériau
Matériau forgé moulé
1, le matériau 1.4571 contient un pourcentage équivalent
de molybdène de 2,00 % à 2,50 %, tandis que
1.4571 1.4408
le matériau 1.4541 n’en contient pas. En ce qui
1.4541 1.4308
concerne les autres éléments d’addition, les deux
1.4462 1.4593 ou 1.4517
matériaux ne présentent pas de différences essen-
tielles. D’une manière générale, le molybdène aug-
mente la résistance des aciers exposés aux acides.
Si le fluide transporté contient des ions halogènes,
par exemple du chlorure (Cl-) et du fluorure (F-),
c’est surtout le molybdène qui augmente la résis-
tance à la corrosion caverneuse et à la corrosion
en fissures.
L’indice PRE, critère de résistance
du matériau
L’indice PRE de résistance à la corrosion par
piqûre (en anglais : Pitting Resistance Equiva-
Matériau Indice PRE
lent) donne la mesure de la résistance d’un acier
inoxydable exposé à des fluides chlorurés. Cette
1.4571 24,9
grandeur est fonction des éléments d’addition que
1.4541 18,0
sont le chrome, le molybdène et l’azote. Plus l’in-
dice PRE est élevé, et meilleure est la résistance
du matériau à la corrosion, ce qui lui assure un
domaine d’utilisation encore plus large.
PRE = %Cr + 3,3 % Mo + 16 % N
L’influence des éléments d’addition sur la ré-
sistance à la corrosion est présentée sur les illus-
trations 3 à 5 à l’exemple des acides sulfurique
et phosphorique. Les matériaux métalliques à
base de fer sont considérés comme résistants à
un fluide quand le taux de corrosion est inférieur
à 0,1 mm/an. Les lignes continues caractérisent les
conditions dans lesquelles le taux de corrosion est
de 0,1 mm/an. Les diagrammes montrent que les
matériaux exempts de molybdène sont nettement
moins résistants aux acides que les matériaux qui
en contiennent. L’illustration 4 présente l’influence
du taux de chlorure contenu dans le fluide sur la
résistance à la corrosion dans l’acide sulfurique.
Dans ce domaine aussi, l’influence positive du
molybdène est mise en évidence. L’addition de
200 ppm de chlorures suffit à empêcher la mise
en œuvre du matériau 1.4541 dans ce fluide quelle
17
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que soit la concentration. En cas de comparaison
de la résistance des matériaux 1.4571 et 1.4541
à la corrosion, il convient de souligner les points
suivants :
Le matériau 1.4541 est un acier austénitique
au chrome-nickel dont la résistance à la corrosion
dans les acides et les chlorures est sensiblement
moindre que celle du matériau 1.4571 qui contient
du molybdène. Exception : les acides oxydants,
tels que l’acide nitrique, pour lequel des versions
de matériau exemptes de molybdène conviennent
au cas par cas. Dans les fluides alcalins sans chlo-
rures, tels que la soude caustique, la résistance des
matériaux 1.4571 et 1.4541 peut être considérée
comme équivalente.
Les aspects mentionnés s’appliquent également
à d’autres matériaux hautement résistants à la cor-
rosion, par exemple le matériau austénoferritique
1.4462 (Tableau 1) qui, en termes de résistance à
la corrosion, est à la fois sensiblement supérieur
au matériau 1.4571 et au matériau 1.4541.
Comparabilité des propriétés
mécano-technologiques ?
En ce qui concerne les propriétés mécano-tech-
nologiques, telles que la résistance et la ténacité,
les matériaux 1.4571 et 1.4541 (sans molybdène)
sont comparables (Tableau 2). Si l’on considère
par contre la résistance à température élevée et la
résistance à la traction pour une durée déterminée,
le matériau contenant du molybdène présente de
meilleures propriétés (Illustrations 6 et 7). Il en va
autrement du matériau austénoferritique 1.4462.
Grâce à sa structure diphasique de ferrite et d’aus-
ténite, dans une proportion approximative de un
pour un, ce matériau se caractérise, par rapport
au matériau austénitique 1.4541 exempt de mo-
lybdène, par une résistance à la traction et une

Indice
Matériau C Si Mn P S Cr Ni Mo N Cu Ti
PRE moyen
1.4541 ≤ 0,08 ≤ 1,00 ≤ 2,00 ≤ 0,045 ≤ 0,015 17,00-19,00 9,00-12,00 ------- ------ ------ 5xC- 0.70 18,0

1.4571 ≤ 0,08 ≤1,00 ≤ 2,00 ≤ 0,045 ≤ 0,015 16,50-18,50 10,50-13,50 2,00-2,50 ------ ------ 5xC- 0.70 24,9

1.4462 ≤ 0,030 ≤ 1,00 ≤ 2,00 ≤ 0,035 ≤ 0,015 21,00-23,00 4,50-6,50 2,50-3,50 0,10-0,22 ------ ------ 34,5

Tableau 1 : Compositions chimiques (MA-%)

Propriétés mécaniques (valeurs de référence à T°ambiante)

Matériau Désignation abrégée Résistance à la Allongement Résilience ISO-V AV
Limite d‘élasticité Rp0,2
traction Rm à la rupture A5 sens sens longitudinal (J)
(N/mm²)
(N/mm²) longitudinal (%) longitudinal transversal
1.4541 X6CrNiTi18-10 500,0 –700,0 ≥ 190,0 ≥ 40,00 ≥ 100,00 ≥ 60,00 (-196 °C)

1.4571 X6CrNiMoTi17-12-2 500,0 –700,0 ≥ 200,0 ≥ 40,00 ≥ 100,00 ≥ 60,00 (-196 °C)

1.4462 X2CrNiMoN22-5-3 650,0 – 880,0 ≥ 450,0 ≥ 25,00 ≥ 100,00 ≥ 40,00 (-40 °C)

Tableau 2 : Propriétés mécaniques (conformément à DIN EN 10272)

Gamme
Fluide Concept de matériau Mul-
KRT / HGM Mul-
CPK ETA KWP HGM titec- UPA SEZ RDLO OMEGA RPH
Amarex - RO titec
RO
Acier – Duplex
Très corrosif X X X X X X X X X X
1.4593 od. 1.4517/1.4462
Acier au Cr-Ni-Mo
Corrosif X X X X X (X) X
1.4408/1.4571
Acier au chrome 13%
Peu corrosiv X X
1.4317 od. 1.4008/1.4313 od. 1.4021
Acier Cr-Ni (sans mobybdène)
Fluide spécial X
1.4308/1.4301 (Applicatio spéciale chimie)
de peu à non Fonte grise JL-1040 ou GP240GH+N etc.
X X X X X X X X X X
corrosif (partiellement roue bronze ou 1.4408)
Tableau 3 : Vue d’ensemble des concepts de matériaux pour des gammes sélectionnées (Source : Livrets techniques actuels KSB)

18 Technique compact 12e édition , janvier 2006 © KSB Aktiengesellschaft

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limite apparente élastique plus élevées, sa ténacité
étant par ailleurs bonne (Tableau 2). Toutefois, en
raison de sa tendance à la fragilisation, le maté-
riau 1.4462, conformément à la norme DIN EN
10088-1, ne peut être mis en œuvre à des tempé-
ratures supérieures à 280°C. En cas d’un éventuel
changement de matériau, il convient de vérifier et,
le cas échéant, d’adapter le dimensionnement de
la construction en ce qui concerne les propriétés
mécano-technologiques susmentionnées.
Résumé
Le passage du matériau 1.4571 au matériau
1.4541 exempt de molybdène en cas d’utilisation
dans les acides et les fluides chlorurés n’est possi-
ble que si, parallèlement, les limites d’utilisation
admissibles sont abaissées (Illustrations 3 à 5).
Pour les éléments qui ne sont pas en contact avec le
fluide, il est possible de remplacer le 1.4571 par le
1.4541, étant donné que la résistance et la ténacité
de ces matériaux sont comparables. Cette règle
ne s’applique que si la résistance thermique et la
résistance à la traction réduites de la variante sans
molybdène ne jouent aucun rôle pour l’applica- Désignations des matériaux
tion. Dès que l’atmosphère est corrosive, comme à comparer :
c’est par exemple le cas sur les installations chi- « 18-10 » correspond à l’acier 1.4541 et
miques, les installations de traitement de potasse « 17-12-2,5 » à l’acier 1.4571.
ou de sel, de même qu’en présence d’eau de mer,
il convient, dans chaque cas particulier, de vérifier
si une substitution est possible.
Le matériau austénoferritique 1.4462 est su-
périeur aux matériaux austénitiques 1.4571 et
1.4541, tant en termes de résistance à la corrosion
qu’en termes de propriétés mécano-technologi-
ques. Le Tableau 3 présente une vue d’ensemble
des concepts de matériau pour des gammes de
produits sélectionnées. L’eau potable, l’eau démi-
néralisée, le perméat ou l’eau d’alimentation de
chaudière sont des domaines potentiels de mise
en œuvre d’aciers inoxydables sans molybdène Illustration 3 : Résistance des aciers spéciaux
fortement alliés. En ce qui concerne la sélection dans l’acide sulfurique (Source : « Corrosion
du matériau, les spécifications du client devront, Handbook Stainless Steel » (Sandvik Steel))
en cas de projet, faire l’objet d’une vérification.
Il est donc nécessaire de vérifier au cas par cas
les coûts et les avantages d’une substitution de
matériau.

N/mm2 1.4571: Limite d‘allongement 0,2 %

240 1.4571: Limite d‘allongement 1,0 %
1.4541: Limite d‘allongement 0,2 %
220
1.4541: Limite d‘allongement 1,0 %
200

180

140
Illustration 4 : Résistance des aciers spéciaux
120
dans l’acide sulfurique chloruré (Source : « Corro-
100
100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 sion Handbook Stainless Steel » (Sandvik Steel))
Température en °C

Illustration 6 : Comparaison de la résistance thermique minimum des matériaux 1.4571 et 1.4541 conformément à la norme
EN 10272

N/mm2
300 1.4571: Résistance à la traction à 104 h
1.4571: Résistance à la traction à 105 h
250
1.4541: Résistance à la traction à 104 h
200 1.4541: Résistance à la traction à 105 h

150

100

50

0
550 560 570 580 590 600 610 620 630 640 650 Illustration 5 : Résistance des aciers spéciaux
Température en °C
dans l’acide phosphorique (Source : « Corrosion
Illustration 7 : Comparaison de la résistance moyenne à la traction des matériaux 1.4571 et 1.4541 conformément à la Handbook Stainless Steel » (Sandvik Steel))
norme EN 10272

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