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CHAPITRE
12.1 INTRODUCTION
La fonte rapide des neiges et les pluies diluviennes provoquent parfois des phénomènes spec-
taculaires d’érosion tels que l’apparition des ravins, le sectionnement d’une route ou l’affouil-
lement d’un pont ou d’un ponceau. Généralement, les phénomènes d’érosion par l’eau sont
réguliers et presque imperceptibles, mais leur action n’est pas moins dévastatrice à la longue
que les quelques phénomènes spectaculaires que nous avons pu observer.
Il importe d’identifier deux principaux types d’érosion, l’érosion géologique et l’érosion accé-
lérée. L’érosion géologique est le processus normal de dégradation de la roche mère, de forma-
tion des sols, de leur destruction sous les conditions environnantes, tant climatiques que biolo-
giques. Par ses activités et son intervention, l’homme accélère le processus de détérioration
des sols. On dit alors qu’il provoque une érosion accélérée qui s’additionne à l’érosion géolo-
gique. Dans l’usage courant, le terme érosion fait généralement référence à cette érosion pro-
voquée par l’homme qui est beaucoup plus importante que l’érosion géologique et qui dété-
riore le milieu. C’est de cette érosion accélérée dont nous traiterons sous les aspects des
processus, des effets, des mécanismes qui la provoquent, des facteurs qui l’influencent et des
mesures qui permettent de la contrôler.
L’érosion se produit lorsque les forces d’arrachement en présence sur les particules de sol sont
plus grandes que leurs forces de résistance. Le phénomène est d’autant plus important que le
déséquilibre est grand. La déposition survient lorsque les forces de transport sont plus faibles
que le poids des particules.
Ce sol enlevé devient à un moment ou l’autre des sédiments qui envasent les cours d’eau et les
réservoirs. Ils amènent des nettoyages plus fréquents et nécessairement des coûts supplémen-
taires. Lors de l’utilisation de l’eau d’un cours d’eau comme source d’alimentation, la pré-
sence de sédiments oblige une plus grande filtration et des coûts additionnels.
Ces éléments nutritifs sont une cause principale de pollution en diminuant la qualité de l’eau.
La présence de phosphates stimule la croissance des algues. Certains herbicides ou insectici-
des délavés peuvent atteindre des niveaux de toxicité élevés pour les utilisateurs éventuels.
0 sec
1 sec
1400
1 sec
700
1 sec
400
1 sec
150
1 sec
70
Figure 12.1 Les étapes de la création d’un cratère lors de l’impact d’une goutte de pluie su
le sol (Mihara, 1952).
La force d’impact d’une goutte d’eau est égale à sa décélération multipliée par sa masse. Son
énergie est proportionnelle à sa masse et à sa vitesse au carré. En chute libre, la vitesse de cette
goutte d’eau est d’autant plus grande qu’elle est grosse. Les gouttes de pluie possèdent une
distribution de grosseur qui dépend de l’intensité de la pluie (I). L’énergie d’une pluie (E) a été
évaluée par Wischmeier et Smith (1958) :
S si l’eau s’infiltre, elles seront déposées et formeront une croûte (phénomène de bat-
tance) qui deviendra peu perméable lors de la prochaine précipitation.
S si l’eau ruisselle, elles seront, pour un grand nombre, emportées par l’eau et le proces-
sus dynamique d’érosion est amorcé.
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174 ÉROSION ET CONSERVATION DES SOLS
T = ∂V [12.2]
∂x
T = force de traction
∂V = gradient de vitesse
∂x
µ = viscosité
L’augmentation de la quantité de sédiments accroît la viscosité de l’eau et nécessairement cette
force de traction. En un sens, l’érosion est génératrice d’érosion. Le gradient de vitesse pour un
écoulement uniforme est généralement proportionnel à la vitesse d’écoulement. Cette vitesse
d’écoulement est influencée par la pente du sol, l’épaisseur de la lame d’eau et la rugosité de la
surface. L’équation de Manning montre bien l’importance de chacun des termes.
12.4.4 Le ravinement
Par la suite, l’eau des rigoles se concentre avec leurs sédiments dans de plus grandes dépres-
sions topographiques ou les talwegs du terrain. Avec les grandes vitesses d’écoulement, les
masses d’eau importantes et la faible résistance du sol, le sol peut être profondément entaillé.
Le processus survient généralement comme ceci:
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176 ÉROSION ET CONSERVATION DES SOLS
S l’érosion de surface (ou au champs) qui inclut l’érosion par les gouttes de pluie et par
rigoles et le concept théorique d’érosion en nappe;
S le ravinement;
S l’érosion dans les cours d’eau.
La porosité du sol influence indirectement le potentiel d’érosion des sols. Une plus grande
porosité favorise une plus grande infiltration et un volume de ruissellement moindre, ce qui
diminue les possibilités d’érosion. Lorsque le sol possède une plus grande capacité de stoc-
kage de la pluie, cela diminue le volume de ruissellement et l’érosion. Cette capacité est favori-
sée par une plus grande épaisseur de la couche arable, une teneur en eau faible avant la précipi-
tation et la capacité intrinsèque de stockage du sol.
FACTEURS INFLUENÇANT L’ÉROSION HYDRIQUE 177
Début de la submersion
Coefficient de rugosité ”n”
Submergé à 30%
Submersion
totale
Figure 12.2 Rugosité d’un canal enherbé (”bermuda grass” de longueur moyenne) possé-
dant une pente de 5% (adapté de Ree, 1949).
La végétation possède un taux d’évapotranspiration supérieur à celui d’un sol nu, ce qui contri-
bue à diminuer les réserves en eau du sol et augmente sa capacité de stockage pour la pluie
suivante. Le ruissellement potentiel et l’érosion seront alors moindres.
Face à l’érosion, la végétation joue plusieurs rôles : elle absorbe l’énergie de la pluie, protège le
sol et influence positivement les propriétés physiques du sol.
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178 ÉROSION ET CONSERVATION DES SOLS
En climat sec ou chaud, où l’évapotranspiration est plus grande que les précipitations, le sol
possède un plus grand déficit, ce qui augmente sa capacité d’absorber une précipitation et
diminue le ruissellement et l’érosion. Pour deux précipitations identiques, les conditions
météorologiques antérieures jouent un rôle important sur leur potentiel respectif d’érosion.
Une longue période sans pluie augmente les capacités de stockage du sol et d’absorption de la
précipitation et diminue le ruissellement et l’érosion. Tous les facteurs qui influencent positi-
vement l’évapotranspiration contribuent à diminuer le potentiel d’érosion. Une mauvaise
répartition des précipitations provoquent une concentration de celles--ci qui augmentent le
volume de ruissellement et le potentiel d’érosion.
Les micros dépressions du terrain provoquent une concentration de l’écoulement qui aug-
mente le potentiel érosif par rapport à un même volume de ruissellement coulant selon une
lame uniforme. Par contre, les dépressions fermées limitent les effets de l’érosion en permet-
tant aux sédiments en suspension de se déposer au lieu de poursuivre leur chemin.
Comme l’érosion est générée par l’impact des gouttes de pluie et l’écoulement de l’eau qui
ruisselle, nous devons, si nous voulons la minimiser, intervenir sur ces deux causes. Pour avoir
une action efficace, l’analyse des facteurs influençant l’érosion montre que les moyens d’in-
tervention doivent favoriser un des objectifs suivants :
1. augmenter la stabilité et la résistance des agrégats;
2. absorber l’énergie de la pluie;
3. limiter ou ralentir les vitesses d’écoulement;
4. réduire le ruissellement en favorisant l’infiltration.
Les deux premiers ont un effet sur l’impact des gouttes de pluie et les deux derniers sur l’écou-
lement. Nous devrions toujours avoir ces principes en tête lors de toutes nos interventions. Au
niveau du champ, l’érosion peut être minimisée en intervenant au niveau de la régie des cultu-
res et des sols, des méthodes de culture et des méthodes de conservation.
Le choix de la période et des types de travaux du sol peut être important. Sur les sols couverts
de résidus ou de végétation, les labours de printemps (quand ils sont possibles) soustraient le
sol nu de la fonte des neiges. Les techniques de travail du sol laissant des mottes plutôt grossiè-
res en surface sont préférables à une pulvérisation fine des mottes. Ces grosses mottes sont plus
difficiles à briser par la pluie et offrent une meilleure infiltration. Le degré de pulvérisation des
sols est un point important à surveiller. Les techniques qui travaillent peu les sols telles que le
travail minimum du sol et le no--till permettent de diminuer considérablement l’érosion car
elles soustraient le sol de la possibilité d’être nu.
Les cultures herbagères de graminées ou de légumineuses sont très efficaces pour réduire
l’érosion. Elles absorbent presqu’entièrement l’énergie de la pluie, favorisent considérable-
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180 ÉROSION ET CONSERVATION DES SOLS
Pour être efficace, cette technique doit être utilisée avec soin. Elle exige la mise en place de
lignes de référence après un relevé topographique. Ces lignes de référence doivent être suffi-
samment rapprochées pour que les labours suivent une pente située entre 1 et 2%. Le labour est
la clef de tous les autres travaux et demande le plus d’attention. Les raies et les ados sont géné-
ralement utilisés comme lignes de référence permanente. Pour labourer entre deux lignes de
niveau, deux méthodes peuvent être utilisées et elles sont présentées à la figure 12.3.
L’opération des outils aratoires et autres équipements au travers du sens de la pente accroît
l’efficacité des machines d’environ 10 % et amène une économie de carburant d’environ 10 %
(Schwab, 1966) car les machines montent peu de pente. Pour certaines récoltes telle que l’ensi-
lage de maïs, un tracteur de 25 à 30 HP de moins peut être suffisant. Cette technique tout en
étant peu dispendieuse réduit l’érosion de 30 à 50%. Par contre, elle devient moins efficace et
même dangereuse pour les pentes supérieures à 10%. Alors le danger de ravinement croît prin-
cipalement avec les cultures sur billon car le bris d’un billon amène un volume d’eau considé-
rable et risque d’engendrer le phénomène d’avalanche ou de bris successif des ”digues” for-
mer par les billons. Pour les cultures en rang, la culture selon les lignes de niveau est aussi
pratiquement limitée à des pentes de 10% car les machines deviennent plus difficiles à
conduire à cause de la poussée latérale créer par la pente.
MOYENS DE CONTRÔLE OU DE CONSERVATION 181
MÉTHODE 1 MÉTHODE 2
Labourez jusqu’à ce que la partie non En utilisant les rangs comme guide,
labourée soit d’environ 9 m dans les parties commencez par labourer la partie irré-
étroites. gulière en débutant à ce point.
Continuez de labourer les parties larges Quand les parties labourées se rejoi-
jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une bande de gnent, labourez d’une façon continue.
9 m non labourée.
Figure 12.3 Méthodes de labour et travail du sol pour les cultures en contour (adapté de
Schwab et al., 1966).
La culture en bande est surtout utilisée avec la rotation maïs--céréales--foin--foin. Elle réduit
l’érosion de 50 à 75 %. La culture en bande exige les mêmes études topographiques et un sys-
tème de lignes de référence comparable à celui des cultures en contour. La largeur des bandes
varie généralement de 15 à 40 m dépendant des pentes et des régions.
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182 ÉROSION ET CONSERVATION DES SOLS
TAMPON
BANDE
TAMPON
BANDE
1. terrasse en escalier;
2. errasse avec un fossé d’interception;
3. terrasse de conservation.
Le premier type est utilisé de concert avec l’irrigation des cultures et sert aussi bien de structure
d’irrigation comme de protection contre l’érosion. Le troisième est utilisé dans les régions
semi--arides pour conserver l’eau des rares précipitations et permettre une meilleure infiltra-
tion dans la zone aplanie. Les terrasses avec fossés d’interception sont celles qui conviennent à
nos conditions.
La largeur des terrasses est généralement déterminée à l’aide de l’équation universelle des per-
tes de sol. Leur longueur maximale peut varier de 300 à 550 m. La pente du fossé intercepteur
est généralement de 0.4%, mais peut varier de 0,1 à 2%. En aucun cas, les vitesses d’écoule-
MOYENS DE CONTRÔLE OU DE CONSERVATION 183
Excavation Remblais
6%
0 15 m 30 m
2% Horizontal
0 30 m 60 m 90 m
b ) Terrasse de conservation.
25 %
Horizontal ou
pente inverse
0 7,5 m 15 m
c ) Terrasse en escalier.
ment dans le fossé intercepteur ne doivent excéder les vitesses qui y provoqueraient l’érosion.
Ces vitesses sont les mêmes que celles utilisées pour les cours d’eau et les canaux.
En général, ces fossés intercepteurs sont cultivés et la pente des talus doit être suffisamment
faible pour permettre la circulation des machines. La pente maximale doit être alors de 4:1. La
pente des talus peut parfois être aussi faible que 12:1.
Ces fossés intercepteurs se déversent dans les voies d’eau enherbées ou protégées par la pierre.
Le design des voies d’eau enherbées est présenté au chapitre 4. Le dimensionnement d’un
canal protégé par la pierre est identique à celui d’un cours d’eau.
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184 ÉROSION ET CONSERVATION DES SOLS
Dans les conditions naturelles, le ravinement peut être souvent prévenu en maintenant une
bonne végétation dans les voies d’eau naturelles et en surveillant le moindre signe de manifes-
tation de points faibles et en les protégeant davantage. De chaque côté de ces voies d’eau, ils est
essentiel qu’une bande de 3 à 5 m soit enherbée pour retenir les sédiments, les empêcher d’em-
plir la voie d’eau ou de contribuer à augmenter le pouvoir abrasif de l’écoulement.
Lorsqu’un ravin est créé, il incombe lorsque la situation le permet, de le combler, de compacter
ce sol, de l’ensemencer le plus tôt possible et de le recouvrir d’un paillis comme protection
temporaire. Lorsque le comblement n’est pas possible, on doit l’aménager pour le stabiliser et
l’empêcher de s’agrandir.
12.8 CONCLUSION
L’érosion des sols est causé par l’impact des gouttes de pluie et l’écoulement de l’eau qui ruis-
selle. Pour lutter contre cette érosion, les moyens d’intervention devront:
BIBLIOGRAPHIE
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