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11-940-K-40
Cardiopathies et grossesse
C Almange
JM Schleich
M Laurent
Résumé. – La grossesse entraîne d’importantes modifications cardiocirculatoires, en particulier une
expansion volémique et une augmentation du débit cardiaque d’environ 50 %. Ces phénomènes, bien
supportés par un cœur normal, peuvent retentir de façon importante sur une cardiopathie préexistante.
Les malformations congénitales sont maintenant au premier rang des cardiopathies associées à une
grossesse. Celle-ci a le plus souvent une évolution favorable mais peut être compliquée en cas de cardiopathie
cyanogène, de sténose aortique et plus encore de syndrome d’Eisenmenger où elle est formellement contre-
indiquée. Les valvulopathies rhumatismales sont moins fréquentes actuellement et le plus souvent bien
supportées ; le rétrécissement mitral peut faire l’objet d’une dilatation percutanée au cours de la grossesse.
Les prothèses valvulaires posent le problème délicat des anticoagulants. Les cardiopathies ischémiques sont
très rares à l’âge de la procréation. Les cardiomyopathies du péri-partum sont également rares et de pronostic
incertain. La contraception mérite d’être sérieusement envisagée chez la femme ayant une cardiopathie, car
elle pose des problèmes délicats. Quant aux médicaments cardiovasculaires, si certains peuvent être prescrits
sans réticence au cours de la grossesse, d’autres sont susceptibles d’entraîner des complications fœtales et
sont contre-indiqués (amiodarone, inhibiteurs de l’enzyme de conversion) alors que d’autres méritent une
surveillance particulière (bêtabloquants).
À l’heure actuelle, dans la plupart des cas, et grâce à une étroite collaboration obstétrico-cardiologique, la
plupart des femmes ayant une cardiopathie peuvent avoir une grossesse dans des conditions satisfaisantes.
© 2003 Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Almange C, Schleich JM et Laurent M. Cardiopathies et grossesse. Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cardiologie, 11-940-K-40, 2003, 12 p.
11-940-K-40 Cardiopathies et grossesse Cardiologie
part au développement de la circulation placentaire à basses souvent corrigées par l’inspiration. Une tachycardie sinusale est très
résistances et d’autre part à des facteurs hormonaux et humoraux fréquente. Des extrasystoles atriales sont enregistrées dans plus de
(sécrétion de prostaglandines, facteur natriurétique atrial, oxyde 50 % des cas ; des extrasystoles ventriculaires isolées sont observées
nitrique) entraînant une importante augmentation de la compliance avec la même fréquence. Ces arythmies sont le plus souvent
artérielle à partir du premier trimestre [76] . Cette baisse des asymptomatiques et seulement 10 % des épisodes de palpitations,
résistances systémiques a été évaluée à 34 % à la 20e semaine de lipothymies ou syncopes sont contemporains d’anomalies
grossesse. rythmiques [94].
Pendant le travail, le débit cardiaque augmente encore du fait de À l’échocardiogramme, il existe une augmentation progressive de la
l’accélération de la fréquence cardiaque et de l’augmentation du taille des cavités cardiaques, atteignant environ 20 % pour l’oreillette
volume d’éjection. Lors des contractions, le débit cardiaque droite et le ventricule droit, 12 % pour l’oreillette gauche et 6 % pour
augmente en moyenne de 34 % [45]. La pression artérielle augmente le ventricule gauche [12]. Le retour aux dimensions antérieures
pendant les contractions et la consommation d’oxygène double, s’effectue progressivement dans le post-partum mais peut demander
voire triple, l’anxiété et la douleur ajoutant leurs effets. Les plusieurs mois. Les anneaux valvulaires, surtout tricuspidien et
techniques anesthésiques ont pour effet de limiter ces modifications pulmonaire, mais aussi mitral, sont également dilatés pouvant
hémodynamiques. entraîner de discrètes régurgitations. La fonction systolique
Immédiatement après la délivrance, la décompression de la veine ventriculaire gauche est en règle inchangée et quelquefois
cave inférieure, surajoutée au transfert du sang de l’utérus dans la discrètement augmentée. À noter cependant que l’utilisation d’index
circulation systémique, entraîne une augmentation supplémentaire indépendants des conditions de charge fait suspecter une légère
des pressions de remplissage, du volume d’éjection et du débit baisse de la contractilité [67]. La fonction diastolique ventriculaire
cardiaque. La fréquence cardiaque et le débit cardiaque retrouvent gauche n’a été que peu étudiée. La paroi ventriculaire gauche et la
leurs valeurs habituelles dans les jours suivant la délivrance. Il masse ventriculaire sont en général augmentées pendant les
semblerait que les adaptations cardiocirculatoires de la grossesse deuxième et troisième trimestres [45, 67]. Un épanchement péricardique
soient de plus grande amplitude lors de grossesses ultérieures. minime est assez souvent observé en fin de grossesse [ 3 9 ] .
L’échographie transœsophagienne peut être pratiquée si nécessaire,
Un cœur normal s’adapte facilement à ces contraintes ; en revanche,
car bien tolérée.
un cœur pathologique pourra supporter difficilement la surcharge
de travail imposée par la grossesse et l’accouchement. Par ailleurs, Un cathétérisme cardiaque peut être réalisé en cas de nécessité
la cardiopathie maternelle est toujours susceptible de retentir sur le (surveillance hémodynamique de l’accouchement ou nécessité d’une
fœtus, par insuffisance de la circulation placentaire ou insuffisance intervention ou d’une valvuloplastie). Il faut alors protéger le fœtus
d’oxygénation. des radiations, limiter le plus possible le temps d’irradiation et
privilégier l’abord par le membre supérieur. Malgré l’augmentation
Il faut ajouter à ces modifications hémodynamiques celles de du volume circulant, la pression veineuse centrale et les pressions
l’hémostase qui font de la grossesse un état d’hypercoagulabilité, lié pulmonaires n’augmentent pas au cours de la grossesse, du fait
d’une part à l’augmentation de certains facteurs de la coagulation vraisemblablement de la baisse des pressions systémiques et
(facteurs VII, VIII, X, fibrinogène, résistance à la protéine C et baisse pulmonaires.
de la protéine S) et d’autre part à une diminution de l’activité
fibrinolytique [37].
Les risques thromboemboliques se trouvent ainsi majorés, en Cardiopathies congénitales
particulier dans la période du post-partum.
Les progrès des thérapeutiques médicales et chirurgicales
permettent maintenant à la plupart des femmes ayant une
Examen physique pendant la grossesse cardiopathie congénitale d’atteindre l’âge de la procréation.
L’importance de ce groupe parmi les cardiopathies observées chez
L’auscultation révèle souvent un premier bruit augmenté et la femme enceinte n’a cessé de croître au cours de ces dernières
dédoublé, qui peut être interprété à tort comme un B4. Le deuxième décennies et en constitue actuellement la majorité [97].
bruit est souvent augmenté et dédoublé en fin de grossesse. Un D’une manière générale, l’évolution maternelle est bonne dans les
troisième bruit est parfois entendu. cardiopathies non cyanogènes. Elle est déterminée par le type de
Un souffle systolique innocent est très fréquent au bord gauche du cardiopathie, l’état fonctionnel, la fonction ventriculaire gauche, les
sternum irradiant vers le cou ; de temps mésosystolique et de timbre résistances vasculaires pulmonaires, les antécédents d’arythmies ou
doux, il est lié à l’hypercinésie circulatoire. Un souffle systolique ou d’autres événements cardiaques. Un score de risque cardiaque a
continu, lié à l’augmentation du flux dans les vaisseaux mammaires, ainsi été proposé par Siu [79] retenant comme facteurs prédictifs : les
peut être perçu en fin de grossesse ou chez la femme allaitante. Il a antécédents d’insuffisance cardiaque ou d’arythmie, le score New
pour caractéristiques de diminuer, voire de disparaître, avec la York Heart Association (NYHA) ou la cyanose, une obstruction
pression du stéthoscope ou en position debout. gauche, une fraction d’éjection inférieure à 40 %. Il faut cependant
L’examen peut également mettre en évidence une augmentation des également prendre en compte le type de la cardiopathie.
pulsations jugulaires due à l’augmentation du volume sanguin, des L’évolution fœtale est également déterminée par l’état fonctionnel
battements artériels amples et un choc apexien ou un ventricule maternel et l’existence ou non d’une cyanose. Les décès fœtaux
droit bien palpables. atteignent 45 % des cas chez les mères cyanosées ; les faibles poids
de naissance et la prématurité sont fréquents chez ces femmes et
corrélés avec leur taux d’hémoglobine et d’hématocrite.
Examens complémentaires Le risque de cardiopathie congénitale est notablement accru chez les
enfants avec une incidence allant de 4 à 14 % [11, 69, 112].
La radiographie peut montrer un arc moyen gauche aligné en raison
de la dilatation de l’infundibulum pulmonaire. Le cœur peut ACCOUCHEMENT
sembler élargi en raison de sa position horizontale secondaire à la Le déclenchement du travail quand la maturité fœtale est atteinte
surélévation du diaphragme. La vascularisation pulmonaire peut peut être pratiqué chez les patientes à haut risque pour que
paraître parfois un peu accentuée. Un discret épanchement pleural l’accouchement ait lieu dans le meilleur environnement médical
n’est pas exceptionnel dans le post-partum précoce. possible.
Sur l’électrocardiogramme, l’axe de QRS peut être modifié, mais il L’accouchement par les voies naturelles doit être la règle et la
reste généralement dans les limites de la normale. Une petite onde césarienne chez des patientes stables n’a que des indications
Q est parfois observée en DIII, de même qu’une onde P négative, obstétricales. Le travail en décubitus latéral gauche atténue les
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Cardiologie Cardiopathies et grossesse 11-940-K-40
fluctuations hémodynamiques liées aux contractions [97]. L’oxygène – La sténose aortique (valvulaire, sous- ou sus-valvulaire) fait courir
doit être administré aux malades cyanosées ; le monitoring des le risque de syncope, d’insuffisance cardiaque et de mort subite. Un
pressions est parfois nécessaire. Les pertes sanguines doivent être travail d’Arias en 1978 [3] rapportait quatre décès chez 23 patientes
rapidement compensées. L’utilisation de forceps ou de ventouses au cours de 38 grossesses (et une mortalité fœtale de 36 %). Une
sera large pour diminuer les efforts expulsifs maternels. étude plus récente de Lao [51] est moins pessimiste : au cours de 25
L’antibioprophylaxie n’est recommandée « officiellement » pour les grossesses, chez 13 patientes (dont sept déjà opérées), il n’y a aucun
accouchements non compliqués que chez les patientes ayant une décès maternel, mais quatre détériorations de l’état cardiaque
prothèse valvulaire ou un shunt systémicopulmonaire. Cependant, nécessitant une valvuloplastie et deux interruptions de grossesse.
la difficulté de prévoir les complications de l’accouchement et les En pratique, il faut tenir compte de l’état fonctionnel et surtout du
conséquences catastrophiques possibles d’une endocardite rend degré de sténose, en considérant la surface aortique et non le
raisonnable l’antibioprophylaxie chez la plupart des femmes ayant gradient. Si la surface est inférieure ou égale à 1 cm 2 , il faut
une cardiopathie congénitale. envisager un geste thérapeutique. Celui-ci s’impose en cas de
mauvaise tolérance au cours de la grossesse. La valvuloplastie
SHUNTS GAUCHE-DROITE semble préférable à l’intervention chirurgicale.
Les effets de la surcharge volumique du ventricule droit sont – Les patientes ayant une cardiomyopathie hypertrophique sont
contrebalancés par la baisse des résistances vasculaires considérées comme tolérant médiocrement la grossesse, avec
périphériques et la grossesse est en général bien tolérée (en l’absence détérioration clinique et hémodynamique dans environ 20 % des
d’hypertension artérielle pulmonaire [HTAP]) si la classe cas [25] ; quelques décès ont été rapportés. En cours de grossesse, un
fonctionnelle est I ou II et la fonction ventriculaire correcte [114]. traitement bêtabloquant cardiosélectif sera administré aux malades
symptomatiques. En cas d’obstruction, il faut éviter les situations
¶ Communication interauriculaire augmentant la contractilité ou diminuant la taille du ventricule
Cardiopathie congénitale la plus fréquemment rencontrée au cours gauche, c’est-à-dire l’hypovolémie, les vasodilatateurs et les
de la grossesse, la communication interauriculaire isolée tolère bien sympathicomimétiques (et notamment les tocolytiques). L’anesthésie
celle-ci en règle générale [ 6 5 ] . Une large communication péridurale doit être évitée pour ces mêmes raisons. Un travail
interauriculaire peut cependant se compliquer d’insuffisance coopératif français est plus optimiste puisque aucune complication
cardiaque à l’occasion de troubles du rythme. L’évolution vers grave n’a été observée [79], alors qu’une étude italienne récente évalue
l’HTAP, habituellement observée seulement après la quatrième ou la mortalité maternelle à 10 pour 1 000 naissances [4].
la cinquième décennie, semble cependant dans certains cas être – La coarctation aortique a classiquement une mauvaise réputation ;
accélérée par la grossesse et un bilan est nécessaire après celle-ci. dans l’étude de Melcalfe [65] sur 230 patientes ayant une coarctation
Une thrombose veineuse peut, en cas de communication et 565 grossesses, 13 sont décédées (de dissection ou rupture d’une
interauriculaire, se compliquer d’embolie paradoxale et il faut donc aorte fragilisée par les modifications hormonales, ou insuffisance
apporter une attention particulière à l’état veineux. La récurrence de cardiaque). Par ailleurs, la diminution du flux placentaire altère le
la cardiopathie est évaluée entre 6 % en cas d’ostium secundum [69] développement fœtal. Les complications étant plus fréquentes
et 14 % en cas d’ostium primum. pendant la grossesse que pendant le travail, la correction
chirurgicale est proposée pendant celle-ci si la tension artérielle
¶ Communication interventriculaire systolique atteint ou dépasse 200 mmHg, ou en cas d’insuffisance
Rarement observée maintenant chez l’adulte, la communication cardiaque. Dans la série lyonnaise [35], 16 patientes non opérées ont
interventriculaire supporte en général bien la grossesse. 31 grossesses avec 25 enfants vivants ; aucun accident maternel n’a
Whittemore [111] n’a observé aucun décès maternel chez 50 patientes été observé mais trois HTA ont compliqué la grossesse. La série de
ayant 98 grossesses avec 80 % d’enfants vivants. Quelques cas la Mayo Clinic [6] fait état de 118 grossesses chez 50 femmes dont 34
d’insuffisance cardiaque ont été observés chez des malades ayant, ont été opérées ; un décès est survenu par dissection aortique chez
avant la grossesse, un stade fonctionnel « moyen à médiocre ». Le une patiente ayant un syndrome de Turner. Une HTA a été souvent
risque d’inversion du shunt en cas d’hypotension (hémorragies de observée et rapportée à un gradient de coarctation supérieur à
la délivrance) paraît exceptionnel. Les patientes ayant été opérées 20 mmHg. Son traitement est délicat car le contrôle de la tension
de leur communication interventriculaire ont des grossesses sans artérielle au membre supérieur peut entraîner une hypotension sous-
problème. Cependant, lorsqu’il persiste une HTAP modérée après la stricturale compromettant le fœtus. Quatre cardiopathies
réparation chirurgicale, elle peut être aggravée par la grossesse [87] et congénitales ont été observées chez les enfants. La question reste
il faut éviter à ces patientes les facteurs susceptibles d’augmenter posée de la grossesse après dilatation par ballonnet, qui ne supprime
les résistances artérielles pulmonaires (hypoxie, acidose, stress). La pas la zone pathologique ; la césarienne est sans doute plus sûre
récurrence de la cardiopathie est évaluée entre 2 % [114] et 6 % [69]. chez ces patientes [24]. Le risque d’endocardite n’existe qu’en cas de
bicuspidie associée.
¶ Canal artériel – Sténoses pulmonaires : la grossesse est généralement bien
Les femmes ayant un petit canal artériel persistant tolèrent supportée malgré la surcharge volumétrique surajoutée à la
parfaitement la grossesse (citons une observation de Perloff [73] avec surcharge barométrique. Whittemore [111] a rapporté 46 grossesses
20 grossesses). Une insuffisance cardiaque peut être observée en cas chez 24 femmes avec 78 % d’enfants vivants ; l’insuffisance
de shunt important. Dans tous les cas, le risque d’endocardite existe cardiaque est très rare. En cas de mauvaise tolérance, une dilatation
durant la délivrance, justifiant l’antibiothérapie. Le risque de percutanée peut être proposée pendant la grossesse [77].
récurrence est de l’ordre de 4 %.
CARDIOPATHIES CYANOGÈNES
¶ Canal atrioventriculaire La grossesse, abaissant d’une part les résistances périphériques et
Le plus souvent, il a été opéré avant la grossesse et la tolérance augmentant d’autre part le retour veineux, a pour effet d’augmenter
dépend du résultat opératoire et notamment de l’importance de le shunt droite-gauche et donc l’hypoxie et la cyanose.
l’insuffisance mitrale résiduelle éventuelle. À noter que c’est la
cardiopathie congénitale ayant le plus fort taux de récurrence (10 % ¶ Tétralogie de Fallot
en moyenne). La tolérance maternelle de la grossesse a été totalement modifiée
par la chirurgie. Avant celle-ci, on considérait que 25 % des
CARDIOPATHIES PAR OBSTACLES grossesses étaient mal tolérées, avec une mortalité maternelle de 4 %.
Dans les obstructions de la voie gauche, l’incapacité du cœur à Les anastomoses palliatives avaient très nettement amélioré la
augmenter le débit cardiaque peut se traduire par une tolérance, et les interventions correctrices ont amené la mortalité
symptomatologie fonctionnelle à type de dyspnée ou d’angor. maternelle aux environs de 0 % avec une morbidité très faible [38]. Le
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retentissement fœtal a également été transformé : il y a 30 ans, d’Eisenmenger avec une mortalité maternelle de 30 à 40 % [108, 110],
seulement 27 % d’enfants naissaient à terme vivants et aucune survenant principalement dans le post-partum. Le décès survient le
grossesse n’aboutissait si l’hématocrite était à 65 %. Il est évident plus souvent sous forme d’une mort subite, parfois du fait d’une
que dans les rares cas où la tétralogie n’a pas été opérée dans défaillance ventriculaire droite. Le risque est imprévisible pouvant
l’enfance, elle doit l’être avant la grossesse. En cas de shunt résiduel concerner des malades a- ou paucisymptomatiques. La grossesse est
avec un rapport débit pulmonaire sur débit systémique supérieur à donc formellement contre-indiquée et la stérilisation conseillée. En
1,5, ou en cas de sténose pulmonaire résiduelle significative, ou cas de grossesse, les anticoagulants sont préconisés en raison de
encore en cas d’insuffisance pulmonaire massive, une réintervention l’hypercoagulabilité et des risques thromboemboliques. L’utilisation
devrait être envisagée avant la conception [24]. d’antagonistes calciques et de prostaglandines a été tentée dans
quelques cas au cours de la grossesse et peut être intéressante [22].
¶ Autres cardiopathies cyanogènes L’administration de NO a également été essayée [ 8 5 ] .
Dans les autres cardiopathies cyanogènes avec sténose de la voie L’accouchement, de préférence spontané et par voie vaginale, doit
pulmonaire (ventricule unique, atrésie tricuspide, double avoir lieu sous monitoring et oxygénothérapie ; une analgésie
discordance), la tolérance maternelle peut être assez bonne si la efficace est nécessaire et les pertes sanguines doivent être
cardiopathie est équilibrée, mais elle est souvent médiocre : 32 % de immédiatement compensées.
complications cardiovasculaires dans la série de Presbitero [78], dont
près de la moitié d’insuffisance cardiaque. En cas de dilatation de CARDIOPATHIES DIVERSES
l’oreillette droite, il existe un risque accru d’arythmie atriale et de
thrombose intra-auriculaire. Le retentissement fœtal est important ¶ Anomalie d’Ebstein
avec seulement 43 % de naissances vivantes, dont près de la moitié La tolérance de la grossesse par une jeune femme ayant une
sont prématurées. Les facteurs principaux à considérer sont le taux anomalie d’Ebstein n’a fait l’objet que de rares publications.
d’hémoglobine et la saturation oxygénée ; une hémoglobine Donnely, en 1991 [21], a rapporté une série de 12 patientes ayant eu
inférieure à 20 g/dL et une saturation du sang artériel en oxygène 42 grossesses qui ont abouti à la naissance de 36 enfants vivants
supérieure à 85 % sont nécessaires pour permettre d’envisager la (dont quatre prématurés). Deux cas de mauvaise tolérance
naissance d’un enfant vivant. Les mesures à prendre sont le repos, maternelle ont été observés, avec augmentation de la cyanose pour
l’oxygénation lors du travail et 48 heures après, l’antibiothérapie lors l’un et passage en fibrillation auriculaire pour l’autre qui avait un
de l’accouchement et l’aide à l’expulsion. syndrome de préexcitation. Presbitero [78], dans une étude consacrée
Dans les atrésies pulmonaires complexes, c’est-à-dire avec à la grossesse au cours des cardiopathies cyanogènes, a rapporté
collatérales systémicopulmonaires, le risque de perte fœtale est huit cas d’anomalie d’Ebstein avec 14 grossesses, aboutissant à la
important ; la mère est exposée aux complications naissance de 12 enfants vivants ; trois complications
thromboemboliques et à la défaillance cardiaque [68]. cardiovasculaires ont été observées dont une tachycardie
supraventriculaire. Dans cette série particulière d’Ebstein avec
¶ Syndrome d’Eisenmenger cyanose, la saturation oxygénée artérielle apparaît le facteur essentiel
C’est une contre-indication formelle à la grossesse. Celle-ci aggrave du pronostic fœtal. La série la plus importante est celle de
en effet de façon constante l’état maternel (dyspnée, cyanose). Connolly [16], qui rapporte 44 patientes (dont dix opérées) ayant eu
Surtout, la grossesse conduit à la mort dans 30 à 50 % des cas. Les 111 grossesses, aboutissant à la naissance de 85 enfants vivants (75 %
mécanismes invoqués sont la baisse des résistances systémiques des cas) ; 23 d’entre eux étaient prématurés, et cinq avaient des
(notamment lors de la délivrance) associée à une augmentation des cardiopathies mais aucune anomalie d’Ebstein. Il est étonnant de
résistances pulmonaires du fait de l’hypercoagulabilité et des constater qu’il n’y a pas de différence entre les grossesses des
phénomènes thromboemboliques. La revue de la littérature de malades non cyanosées et celles des malades cyanosées : 26 malades
Gleicher en 1979 [33] faisait état de 70 grossesses chez 44 femmes avec non cyanosées ont eu 59 grossesses avec 44 enfants vivants (75 %) ;
une mortalité de 52 %. Le décès survient surtout lors du travail ou 18 malades cyanosées ont eu 52 grossesses avec 39 enfants vivants
plus encore dans le post-partum. Le pronostic s’est un peu amélioré (75 %). Le poids de naissance des enfants diffère cependant : 3,1 kg
au fil des années : 36 % de décès dans l’étude rétrospective de dans le premier cas contre 2,5 kg dans le deuxième. Il n’y a eu
Weiss [110] ; 27 % dans l’étude de Daliento [19]. Les décès sont tous aucune complication maternelle sérieuse. Aucune des patientes
survenus dans le post-partum immédiat et chez des femmes ayant un syndrome de préexcitation n’a eu d’arythmie significative
paucisymptomatiques. Toutes les femmes survivantes ont une au cours de sa grossesse.
détérioration de leur état cardiaque.
¶ Double discordance (transposition corrigée)
La conduite à tenir est donc la stérilisation définitive avant la
grossesse, de préférence par voie laparoscopique sous anesthésie En cas de double discordance isolée, le pronostic semble bon : 37
générale. Si la grossesse est commencée, l’interruption médicale est grossesses chez 18 patientes dans la série de la Mayo Clinic [17]
conseillée. Si elle est poursuivie, le pronostic est impossible. Les aboutissant à la naissance de 33 enfants vivants, sans aucun décès
anticoagulants sont discutés, mais le plus souvent conseillés au maternel et une seule insuffisance cardiaque liée à l’insuffisance de
cours du dernier trimestre et dans le premier mois du post-partum. la valve auriculoventriculaire systémique. Celle-ci semble le facteur
La césarienne doit être évitée si possible, car elle doublerait la principal du pronostic car elle est susceptible de s’aggraver au cours
mortalité. Le mode d’anesthésie est discuté. L’accouchement par de la grossesse. Dans une autre étude [103], cinq patientes sur 19
voie basse se fera sous surveillance des gaz du sang (de hautes développent des complications cardiovasculaires pendant la
concentrations d’oxygène peuvent être utiles), de l’hémodynamique grossesse.
(la mise en place d’une sonde de Swan-Ganz dans l’artère
pulmonaire est discutée en raison des risques [86]) et de la volémie ¶ Intervention de Fontan
dont la chute peut avoir des conséquences catastrophiques. Après intervention de type Fontan (dérivation du sang cave vers les
L’administration de NO a été utilisée avec une certaine efficacité artères pulmonaires), les patientes ont une capacité limitée à
pour diminuer les pressions pulmonaires et améliorer l’oxygénation augmenter leur débit cardiaque. Cannobio [13] a colligé 33 grossesses
dans de rares cas [57] mais les patientes sont décédées dans le post- chez 21 femmes, avec 15 naissances vivantes. Il y a eu en effet 39 %
partum. La surveillance hospitalière doit être poursuivie environ 2 de fausses couches au premier trimestre. Aucun décès maternel n’est
semaines. À noter que si une grossesse s’est déroulée sans problème à déplorer et seulement deux cas ont eu des complications
important, le risque reste majeur en cas de grossesse ultérieure. cardiaques. Au total, il apparaît qu’une malade ayant eu une
anastomose de Fontan avec un bon état fonctionnel et
¶ Hypertension artérielle pulmonaire hémodynamique, c’est-à-dire avec une fonction ventriculaire gauche
L’HTAP primitive est rarement observée chez la femme enceinte. correcte avant la grossesse, doit bien supporter la charge de celle-ci,
Elle comporte sensiblement les mêmes risques que le syndrome avec un risque cependant d’arythmie supraventriculaire.
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Cardiologie Cardiopathies et grossesse 11-940-K-40
¶ Transposition des gros vaisseaux avec réparation par voie basse doit être privilégié dans l’immense majorité des cas,
intra-atriale (Mustard ou Senning) avec facilitation de l’expulsion. Une antibiothérapie sera le plus
souvent conseillée alors que l’anticoagulation dépendra de chaque
Chez ces malades, le ventricule systémique est le ventricule droit et cas. Un échocardiogramme fœtal vers la 18e semaine permettra le
la question pouvait se poser de la tolérance de la surcharge plus souvent de rassurer les futurs parents quant au cœur de leur
volumique de la grossesse par celui-ci. En 1994, Clarkson [15] a enfant, le risque moyen de transmission de la cardiopathie étant de
rapporté 15 grossesses chez neuf femmes ayant eu une intervention 5 à 8 % [11, 69, 96].
de Mustard ; aucune n’a eu de détérioration clinique ou
hémodynamique, mais toutes étaient asymptomatiques avant la Il se pourrait, indépendamment des antécédents maternels, que
grossesse. Genoni [32] a rapporté 13 grossesses chez 11 femmes ayant l’ingestion de polyvitamines, dans les 3 mois précédant la grossesse
eu une intervention de Senning ; une seule patiente a eu une et pendant les 3 premiers mois de celle-ci, diminue l’incidence des
détérioration de son état ; c’était la seule qui n’était pas en classe cardiopathies congénitales [8].
fonctionnelle I ou II. En conclusion, les patientes ayant une
transposition des gros vaisseaux opérée à l’étage atrial et une
fonction cardiaque (c’est-à-dire ici ventriculaire droite) normale Valvulopathies rhumatismales
peuvent mener à bien une grossesse.
On ne dispose pas actuellement de série concernant des patientes Même si leur fréquence est en nette diminution dans les pays
ayant eu une réparation anatomique à l’étage artériel. occidentaux, les cardiopathies rhumatismales restent très
préoccupantes dans les pays en voie de développement. La tolérance
¶ Cardiopathies réparées par un tube ventricule lors de la grossesse dépend du type de la valvulopathie [41] et de son
droit-artère pulmonaire (truncus, atrésie pulmonaire stade évolutif.
à septum ouvert, transposition avec communication
interventriculaire et sténose pulmonaire) RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU
Très rare en Europe, il constitue un problème de santé publique en
De rares cas de grossesse se sont déroulés chez des patientes ayant Afrique du Nord, Afrique Centrale et Extrême-Orient. Le premier
eu ce type d’intervention avec des évolutions favorables, en épisode survient en général dans l’enfance, mais des rechutes sont
l’absence d’obstruction du tube. La grossesse semble cependant possibles plus tard et donc éventuellement chez la femme enceinte.
accélérer la dégénérescence de celui-ci. La grossesse ne semble pas un facteur favorisant la récidive et il n’y
a pas d’indication à instituer, lors de celle-ci, un traitement préventif
¶ Prothèses valvulaires des rechutes.
Elles posent essentiellement le problème de l’anticoagulation et sont
exposées à un risque accru de thrombose au cours de la grossesse [1] RÉTRÉCISSEMENT MITRAL
(cf infra : Cardiopathies valvulaires). C’est la valvulopathie la plus fréquemment en cause pendant la
grossesse et la plus susceptible d’entraîner des complications [41].
¶ Syndrome de Marfan L’augmentation du volume sanguin et du débit cardiaque
Il était considéré comme comportant un risque élevé de dissection accentuent le gradient oreillette-ventricule gauche et en moyenne la
aortique et de décès depuis le travail de Pyeritz en 1981 [80] : 16 décès grossesse détériore l’état fonctionnel de 1 à 2 classes de la NYHA.
sur 32 femmes, en fin de grossesse, lors du travail ou dans le post- La dyspnée survient généralement au deuxième trimestre et peut
partum, par dissection aortique. Il est apparu que la plupart des aboutir rapidement à l’œdème aigu du poumon., notamment à
patientes avaient une dilatation aortique ou une insuffisance l’occasion d’un passage en fibrillation auriculaire. La valvulopathie
valvulaire. Une évaluation prospective de 45 grossesses chez est parfois découverte lors de cette décompensation.
21 femmes ayant un syndrome de Marfan a permis de définir une Les patientes ayant une sténose mitrale serrée devraient faire l’objet
règle de conduite reposant sur la mesure du diamètre aortique [88]. d’un geste thérapeutique avant la grossesse. Si celle-ci est
Si celui-ci est supérieur à 40 mm, la grossesse est contre-indiquée ; commencée, une surveillance rigoureuse est nécessaire ; les malades
s’il est inférieur à 40 mm, la grossesse est généralement bien tolérée. peuvent bénéficier d’un traitement bêtabloquant qui améliore
Il est recommandé de prescrire un traitement bêtabloquant et une l’hémodynamique et joue un rôle préventif vis-à-vis de la survenue
surveillance échographique toutes les 6 à 10 semaines, car l’absence d’une fibrillation auriculaire [29] ; l’adjonction de diurétiques est
de complication ne peut être garantie. Une intervention chirurgicale nécessaire si la dyspnée s’accentue.
peut être nécessaire pendant la grossesse en cas d’augmentation de Si le traitement médical est inefficace, il apparaît légitime de
la dilatation aortique et bien entendu de dissection, avec un risque proposer un geste thérapeutique : la valvuloplastie mitrale
fœtal important. L’accouchement sera effectué de préférence par percutanée a aujourd’hui supplanté la commissurotomie à cœur
voie basse en l’absence de dilatation aortique et par césarienne en fermé ; si les conditions anatomiques sont bonnes (rétrécissement
cas d’anévrisme. Le risque accru de dissection persiste 6 à mitral pur à valves souples), cas le plus fréquent chez les femmes
8 semaines après l’accouchement. Dans tous les cas, la transmission jeunes, cette procédure est efficace, améliorant l’état de la mère et
du syndrome est de 50 % des cas. étant bien tolérée par le fœtus. Il faut bien entendu utiliser une
protection abdominale et pelvienne et raccourcir au maximum la
¶ Conclusion procédure. Les résultats sont le plus souvent très bons avec un
Au total, chez la plupart des femmes ayant une cardiopathie gradient transmitral baissant en moyenne de 21 à 5 mmHg et une
congénitale, opérée ou non, la grossesse a une évolution favorable surface mitrale passant de 0,9 à 2,1 cm2 [77] ; la mortalité fœtale est
pour la mère et pour le fœtus. Les exceptions concernent les quasi nulle [48]. Le risque de créer une fuite mitrale justifie de
syndromes d’Eisenmenger, les cardiopathies cyanogènes sévères, les réserver la procédure aux patientes qui restent symptomatiques
sténoses aortiques serrées et les syndromes de Marfan avec malgré le traitement médical. Si la valvuloplastie percutanée n’est
dilatation aortique. Dans tous les cas, une évaluation précise de la pas possible, la commissurotomie à cœur ouvert peut être nécessaire,
cardiopathie doit être faite avant la grossesse, concernant en avec un risque fœtal de 10 à 33 % [ 7 7 ] . Dans tous les cas,
particulier la fonction du ventricule systémique (échocardiographie, l’accouchement par voie basse doit être privilégié, avec recours
éventuellement épreuve d’effort). Un score de risque cardiaque peut fréquent aux forceps ou à la ventouse [41].
être calculé à partir de facteurs prédictifs simples comportant les
antécédents, le stade NYHA, la cyanose, l’obstruction de la voie INSUFFISANCE MITRALE
gauche, la fraction d’éjection. Elle est beaucoup plus rare que le rétrécissement mitral et beaucoup
Un suivi rigoureux doit être exercé au cours de la grossesse, mieux tolérée. La surcharge volumétrique consécutive à la grossesse
associant étroitement cardiologue et obstétricien. L’accouchement est en effet contrebalancée par la baisse des résistances périphériques
5
11-940-K-40 Cardiopathies et grossesse Cardiologie
qui diminue le volume régurgité [29]. En cas de symptomatologie Société française de cardiologie [99], cette attitude est à discuter avec
fonctionnelle, un traitement digitalodiurétique peut être institué ; si l’administration d’héparine sous-cutanée pendant le premier
un vasodilatateur paraît nécessaire, il vaut mieux utiliser trimestre, relayée par les antivitamines K jusqu’à la 36e semaine où
l’hydralazine qu’un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) en l’héparine est reprise ; Elkayam [23] a proposé une stratégie prenant
raison du retentissement fœtal possible de celui-ci. La chirurgie est en compte le niveau de risque estimé des patientes, fonction du type
exceptionnellement nécessaire en cours de grossesse ; elle fait courir et du siège de la prothèse. Dans tous les cas, le choix du type
un risque de mortalité fœtale de l’ordre de 25 à 30 % [71]. d’anticoagulation doit être effectué après information complète de
Le prolapsus valvulaire mitral est bien toléré et peut même la patiente et de son conjoint sur les risques inhérents aux différentes
disparaître au cours de la grossesse en raison de l’augmentation de modalités thérapeutiques. L’utilisation des héparines de bas poids
volume du ventricule gauche. L’accouchement ne pose pas de moléculaire (HBPM) permettra peut-être de résoudre prochainement
problème non plus ; si la valve est épaisse ou fuyante, ce difficile problème. Cependant, s’il est certain que l’énoxaparine
l’antibiothérapie semble souhaitable [24]. est bien tolérée pendant la grossesse [53, 90], son efficacité pour
prévenir la thrombose de valve n’est pas démontrée [55, 90] .
INSUFFISANCE AORTIQUE L’American College of Obstetricians and Gynecologists (AGOG)
Elle est également, comme l’insuffisance mitrale, bien tolérée en déconseille l’utilisation des HBPM chez la femme enceinte ayant une
raison de la baisse des résistances vasculaires qui diminue le volume prothèse valvulaire. L’héparine est arrêtée au début du travail et
régurgité, ainsi qu’en raison de la tachycardie qui raccourcit la reprise 6 heures après l’accouchement ; la voie basse doit être
diastole. Un traitement digitalodiurétique peut être prescrit en cas privilégiée, la césarienne exposant à des difficultés hémodynamiques
de symptomatologie fonctionnelle. L’intérêt d’un traitement et à des complications thromboemboliques.
vasodilatateur chez la femme enceinte n’a pas été établi [29]. L’antibioprophylaxie de l’endocardite apparaît nécessaire chez ces
porteuses de prothèse, bien que les recommandations de
RÉTRÉCISSEMENT AORTIQUE l’ACC/AHA la considèrent comme facultative [7].
Il est rarement sévère chez une femme en âge de procréer en raison
de la lenteur d’évolution des formes rhumatismales, et de la plus
grande fréquence des formes congénitales chez l’homme. Les Troubles du rythme
problèmes du rétrécissement aortique rhumatismal sont bien
entendu les mêmes que ceux des sténoses congénitales (cf supra). Les troubles du rythme n’ont d’autres caractères particuliers au
En cas de rétrécissement serré (gradient maximal ≥ 100 mmHg [77]), cours de la grossesse que leurs conséquences éventuelles pour
un geste thérapeutique doit être envisagé. En cas de lésion l’enfant.
rhumatismale, il existe souvent un certain degré de fuite qui peut
être aggravé si l’on pratique une valvuloplastie percutanée. TACHYCARDIES
Dans toutes ces valvulopathies, l’accouchement par voie basse est
¶ Étage atrial
préférable et le traitement antibiotique paraît souhaitable, même si
la conférence de consensus de 1992 et les recommandations de Tachycardie sinusale
l’American College of Cardiology/American Heart Association
(ACC/AHA) [7] ne le considèrent pas comme nécessaire. L’anesthésie La tachycardie sinusale est physiologique et maximale vers le
péridurale est recommandée et l’extraction doit être facilitée par huitième mois, pouvant atteindre par instants 130, voire 140/min.
forceps ou ventouse. Les tocolytiques sont contre-indiqués en cas de Elle est sensible aux influences du système nerveux végétatif.
sténose mitrale. Extrasystoles atriales
PROTHÈSES VALVULAIRES Les extrasystoles atriales sont fréquentes au cours de la grossesse,
La tolérance hémodynamique de la grossesse est en général bonne vraisemblablement favorisées par les modifications de pression
chez les patientes ayant une prothèse fonctionnant correctement. Le intrathoracique et les variations du tonus sympathique. Elles
problème essentiel est celui du traitement anticoagulant en cas de surviennent le plus souvent sur cœur sain et ne nécessitent un
prothèse mécanique. Le risque thromboembolique lié à la prothèse traitement que si elles entraînent des symptômes fonctionnels. On a
est en effet considérablement augmenté par la grossesse. Hanania [40], recours alors préférentiellement aux bêtabloquants.
dans une étude coopérative française portant sur 155 observations
Tachycardies atriales et flutter
de grossesse chez 103 patientes ayant une prothèse valvulaire,
retrouve 15 % d’accidents thromboemboliques dont 9 % de Ils sont rares en l’absence de cardiopathie sous-jacente. Le traitement
thromboses de prothèse, avec une mortalité de 4 %. Menschen- dépend de la tolérance hémodynamique. La fréquence ventriculaire
gieser [64] observe six accidents thromboemboliques sur 92 grossesses. peut être ralentie par la digoxine, ou, en cas d’inefficacité, par le
Plusieurs facteurs interviennent : le type de la prothèse (les prothèses vérapamil ou les bêtabloquants [ 5 4 ] . En cas d’échec de ces
de première génération type Starr-Edwards ou Bjork-Shiley étant médicaments, une stimulation auriculaire par voie œsophagienne est
beaucoup plus thrombogènes) ; le siège de la prothèse (mitral dans préférée à la voie endocavitaire en raison de l’irradiation que
trois quarts des cas) ; la nature du traitement antithrombotique. Il nécessite celle-ci. Si l’état hémodynamique est précaire, une
apparaît nettement qu’il y a plus d’accidents thromboemboliques cardioversion est possible.
sous héparine que sous antivitamines K [14, 40] ; celles-ci ont pour
inconvénient majeur de franchir la barrière placentaire et d’entraîner Fibrillation auriculaire
de ce fait des risques spécifiques pour le fœtus, en particulier celui Elle ne s’observe qu’en cas de pathologie préexistante (valvulopathie
d’embryopathie coumarinique lorqu’elles ont été administrées de la mitrale, cardiomyopathie, hyperthyroïdie). Le retentissement
sixième à la 12e semaine de la grossesse [113] (dans toutes ces études, hémodynamique et les complications thromboemboliques
c’est essentiellement la warfarine qui a été utilisée, alors que la augmentent la morbidité, voire la mortalité, maternelle et fœtale. Si
phénindione semblerait dénuée d’effets tératogènes [42] ). Il est l’état hémodynamique est stable, la fréquence cardiaque peut être
possible cependant que les risques des antivitamines K soient dose- ralentie par la digoxine, les bêtabloquants ou le vérapamil, seuls ou
dépendants et qu’au-dessous de 5 mg/j de warfarine, les en association. Le retour en rythme sinusal peut être favorisé par les
complications soient beaucoup plus rares [105]. quinidiniques ou l’amiodarone [54]. La cardioversion peut être utilisée
La stratégie thérapeutique est donc délicate et il n’y a pas de en cas d’hémodynamique précaire, après traitement anticoagulant.
consensus actuellement : pour la Société européenne de Le traitement préventif de la rechute fait appel aux antiarythmiques
cardiologie [34] et l’ACC/AHA [7], les antivitamines K doivent être de classe IC ou III. Il n’est pas prouvé que la grossesse augmente le
préférées pendant les 35 premières semaines de la grossesse, avec risque thromboembolique de la fibrillation auriculaire isolée et on
ensuite un relais par l’héparine jusqu’à l’accouchement ; pour la ne sait pas si le traitement anticoagulant est nécessaire dans ce cas.
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Cardiologie Cardiopathies et grossesse 11-940-K-40
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11-940-K-40 Cardiopathies et grossesse Cardiologie
– Les thrombolytiques sont en principe contre-indiqués au cours de assez fréquemment un retour rapide à la normale. À noter certains
la grossesse ; ils ont été utilisés surtout dans la maladie facteurs favorisants : l’âge : femme de plus de 30 ans, la multiparité,
thromboembolique exposant aux hémorragies maternelles et à un la gemellité, un état prééclamptique. La responsabilité d’une
accouchement prématuré. L’évolution fœtale est favorable dans la myocardite a été suggérée par certains après biopsie myocardique
majorité des cas (la streptokinase ne franchissant pas la barrière (78 % d’aspect de myocardite pour Midei [66]), mais non confirmée
placentaire, tout au moins en fin de grossesse). par d’autres [50].
– Des angioplasties coronaires [18, 107] et des poses de stents [92] ont L’évolution de la CMPP se fait vers la guérison complète dans 50 à
été effectuées en cours de grossesse en protégeant le fœtus contre 60 % des cas en 6 mois environ [104]. Dans les autres cas, il persiste
l’irradiation. une dysfonction ventriculaire gauche ou encore l’évolution se fait
vers l’aggravation et la mort ou la transplantation cardiaque.
– L’aspirine a été utilisée à posologie faible à une large échelle chez
les femmes enceintes hypertendues et peut donc être prescrite. Le traitement repose sur les médicaments habituels de l’insuffisance
cardiaque : diurétiques, digitaliques, vasodilatateurs. Les IEC sont
– Il en est de même pour les bêtabloquants, de préférence en principe contre-indiqués pendant la grossesse et il faut leur
cardiosélectifs. préférer à cette période l’hydralazine. Les anticoagulants sont
– L’anticoagulant de choix est bien entendu l’héparine qui ne recommandés en raison des risques thromboemboliques. Les
franchit pas la barrière placentaire ; elle doit être interrompue en inotropes intraveineux (dopamine, dobutamine) sont parfois
début de travail. nécessaires ; l’assistance circulatoire a été utilisée. L’administration
d’immunoglobulines intraveineuses a été signalée comme pouvant
– Les dérivés nitrés peuvent être utilisés. être efficace. Le traitement de dernier recours a été dans certains cas
– Quelques pontages aortocoronaires ont été effectués en cours de la transplantation cardiaque, avec une mortalité de 12 à 18 % [66, 104].
grossesse [59]. L’évolution de ces malades ne semble pas différente de celle des
L’accouchement aura lieu, si possible, au moins 3 semaines après femmes transplantées pour une autre indication.
l’infarctus du myocarde. La voie basse sera privilégiée (avec Le problème des grossesses ultérieures a été étudié par Elkayam [28]
facilitation de l’expulsion), la césarienne n’étant indiquée que pour chez 44 femmes ayant eu une CMPP et un total de 60 grossesses
des raisons obstétricales ou, peut-être, en cas d’angor instable. Il faut ultérieures ; 28 de ces femmes (groupe I) avaient retrouvé une
éviter l’utilisation de l’ocytocine et de l’ergonovine en post-partum. fonction ventriculaire normale alors que 16 conservaient une
On dispose de peu de données concernant la grossesse chez des dysfonction ventriculaire gauche (groupe II). Des signes de
femmes ayant des antécédents d’infarctus du myocarde. Elle semble défaillance cardiaque sont survenus dans 21 % des cas du groupe I
pouvoir être autorisée si la fonction ventriculaire est correcte. et dans 42 % du groupe II ; la mortalité fut nulle dans le groupe I et
de 19 % dans le groupe II. En conséquence, si une dysfonction
ventriculaire persiste après une CMPP, une nouvelle grossesse est
déconseillée ; une rechute de CMPP reste possible, même si la
Cardiomyopathies fonction ventriculaire est redevenue normale. Il est vraisemblable,
dans cette dernière condition, que la grossesse démasque une
CARDIOMYOPATHIE DU PÉRI-PARTUM (CMPP) altération non apparente de la réserve contractile.
La CMPP est une défaillance cardiaque de cause inconnue survenant
durant la grossessse ou dans la période du post-partum. Décrite CARDIOMYOPATHIES DILATÉES
pour la première fois avec précision en 1937, elle est devenue une L’association grossesse et cardiomyopathie dilatée est très rare. Le
entité reconnue avec l’étude de Meadows en 1957 [62]. Les critères risque de complications, c’est-à-dire de défaillance cardiaque,
requis pour le diagnostic varient selon les auteurs en ce qui concerne dépend du stade évolutif de la cardiomyopathie dilatée. La grossesse
la date de survenue : lors du dernier mois de la grossesse ou lors est formellement contre-indiquée en cas de stade fonctionnel III ou
des 5 mois suivant l’accouchement pour le National Heart Lung and IV ; au stade II, une surveillance rigoureuse est nécessaire pour
Blood Institute (Pearson [72]) reprenant les travaux de Demakis [20] ; optimiser la thérapeutique. En cas d’insuffisance cardiaque résistant
Meadows retient le dernier trimestre de la grosssesse ou les 3 mois au traitement, une interruption de grossesse doit être envisagée.
du post-partum ; Elkayam [24] élargit la période aux 6 derniers mois
de la grossesse et aux 6 mois suivant l’acouchement. En pratique, le CARDIOMYOPATHIES HYPERTROPHIQUES
diagnostic est porté dans deux tiers des cas au cours du premier
Cf supra : Cardiopathies congénitales.
mois suivant la naissance [104]. Les autres critères nécessaires sont
l’absence d’antécédents cardiovasculaires et l’absence d’autre cause
identifiable de défaillance cardiaque. Il n’y a pas de test diagnostique
spécifique et la CMPP est donc un diagnostic d’exclusion [24] .
Affections du péricarde
L’altération de la fonction systolique ventriculaire gauche est définie
à l’échographie par une fraction d’éjection inférieure à 45 % pour PÉRICARDITES AIGUËS
Hibbard [43] et à 40 % pour Elkayam [24]. Une péricardite aiguë peut survenir au cours de la grossesse. Elle
L’incidence de la CMPP est évaluée à 1/15 000 grossesses aux États- n’a pas de caractères particuliers et la douleur thoracique est le
Unis [82] mais peut atteindre 1/1 000 en Afrique [50]. En France, en symptôme le plus fréquent [63]. La découverte d’un épanchement
1990, Ferrière n’avait colligé que 11 cas en 10 ans [30]. Les symptômes péricardique à l’échographie ne signifie pas obligatoirement
habituels sont la dyspnée, la fatigue, les palpitations, plus rarement péricardite, car il est retrouvé à l’examen systématique dans de
des douleurs thoraciques ou des œdèmes des membres inférieurs. nombreux cas (40 % en fin de grossesse pour Halphen [39]).
L’examen retrouve un troisième bruit et souvent un souffle Toutes les étiologies habituelles peuvent être rencontrées, mais la
systolique d’insuffisance mitrale et/ou d’insuffisance tricuspide. péricardite virale ou idiopathique est la plus fréquente. Il faut
L’électrocardiogramme montre une tachycardie, des troubles de la rechercher systématiquement, par un bilan immunologique, un
repolarisation, plus rarement des troubles de la conduction ou des lupus érythémateux, celui-ci pouvant être exacerbé par la
arythmies. Sur la radiographie, il existe en règle une cardiomégalie. grossesse [63].
À l’échocardiogramme, on observe une dilatation des quatre cavités L’évolution de la péricardite virale est en règle générale favorable
et une dysfonction systolique ventriculaire gauche ; une insuffisance sous traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens (l’aspirine
mitrale et une insuffisance tricuspide sont fréquentes ; un étant utilisée de préférence en début de grossesse). Les corticoïdes
épanchement péricardique est parfois noté. ne sont utilisés que dans les formes résistantes. La tamponnade est
Le tableau clinique et hémodynamique est donc identique à celui très rare, nécessitant une péricardocentèse.
des autres formes de cardiomyopathies dilatées [24]. Le fait particulier Quelques observations de péricardites à germes figurés ont été
est le terrain : femme jeune enceinte ou venant d’accoucher, avec rapportées au cours de la grossesse.
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Cardiologie Cardiopathies et grossesse 11-940-K-40
[63]
PÉRICARDITES CONSTRICTIVES réalisée aussitôt après l’accouchement ou dans les 48 heures si l’état
Elles sont très rarement observées au cours de la grossesse ; la de la patiente le permet ; 32 interventions ont été colligées entre 1984
plupart sont consécutives à une irradiation ou à des antécédents de et 1996 par Weiss [109] avec six décès (22 %) et 11 complications (34 %).
chirurgie cardiaque. En général bien tolérées, elles ne nécessitent
qu’exceptionnellement la péricardectomie. Quelques cas de
grossesse après péricardectomie ont été rapportés. Maladie de Takayasu
Cette affection est rare, mais survenant chez des femmes jeunes, peut
être associée à une grossesse. Une cinquantaine d’observations ont
Transplantations cardiaques été rapportées [27]. Dans la majorité des cas, l’évolution maternelle a
été favorable, mais de rares montées tensionnelles ou des épisodes
La grossesse après transplantation cardiaque a longtemps été d’insuffisance cardiaque ont été décrits.
déconseillée par la plupart des centres, en raison des risques
L’évolution fœtale a également été le plus souvent bonne, malgré
potentiels pour la mère et de la possible tératogénicité des
un retard de croissance ou un accouchement prématuré fréquents.
immunosuppresseurs [106]. Cependant, la durée et la qualité de vie
L’accouchement a été le plus souvent effectué par voie basse (à noter
des patientes ayant eu une transplantation cardiaque augmentant
qu’au niveau vasculaire, la maladie de Takayasu semble plutôt
considérablement, la grossesse est devenue une question importante
améliorée qu’aggravée par la grossesse [24]).
chez les jeunes femmes transplantées. Certains problèmes sont
particuliers à cette situation : ainsi le cœur greffé, dénervé, doit
répondre aux modifications hémodynamiques générées par la Contraception
grossesse ; de plus, la prévention du rejet nécessite des procédures
invasives. Il est indispensable d’envisager la contraception chez la jeune femme
Les premiers cas de grossesse après transplantation cardiaque ont cardiaque, afin d’éviter les grossesses lorsqu’elles sont contre-
été rapportés en 1988. La plus importante série est l’étude indiquées par la gravité de la cardiopathie ou de les programmer en
multicentrique de Branch en 1998 [9] complétant celle de fonction de l’évolution de celle-ci et de la thérapeutique envisagée.
Wagoner [106] ; 47 grossesses ont été colligées chez 35 femmes On dispose de peu de données objectives sur l’innocuité des
transplantées : les 35 premières grossesses ont abouti à la naissance différentes méthodes chez ces patientes [10] et beaucoup de femmes
de 26 enfants vivants (71 %) dont une paire de jumeaux ; les 12 ne reçoivent pas d’information adéquate. Une étroite collaboration
grossesses suivantes ont abouti à 11 naissances (83 %) dont entre le gynécologue et le cardiologue est à l’évidence nécessaire. La
également des jumeaux. Un taux élevé de prématurité (43 %) et de méthode contraceptive doit être efficace et sans danger.
poids de naissance bas (17 %) a été observé. Aucune malformation
– Les méthodes locales ont un taux d’échec trop élevé pour être
n’a été notée chez les enfants. Les complications maternelles ont été
préconisées si la grossesse est formellement contre-indiquée.
de 40 %, identiques dans les deux groupes et représentées
principalement par une HTA, voire une prééclampsie (20 % des cas). – Le stérilet est efficace mais comporte des risques infectieux le
Les rejets ont été traités avec succès par augmentation des doses contre-indiquant en cas de valvulopathie, de prothèse valvulaire ou
thérapeutiques conventionnelles ; il est à noter que 59 % des femmes de cardiopathie congénitale (en dehors de la communication
n’ont pas eu de rejet pendant leur grossesse. Au total, malgré ces interauriculaire). Le risque de bactériémie est en réalité faible en
complications dans une population à haut risque, la grossesse dehors de l’implantation et du retrait, actes qui justifient
apparaît bien tolérée chez les femmes transplantées cardiaques ayant l’antibiothérapie [73]. Il ne peut non plus être prescrit en cas de
une bonne fonction du greffon. L’allaitement n’est pas recommandé traitement anticoagulant en raison des risques hémorragiques.
en raison du passage des immunosuppresseurs dans le lait maternel. Risquant d’induire une infertilité, le stérilet est, de plus, contre-
L’évolution des enfants est en règle très satisfaisante et tous sont en indiqué chez la nullipare.
bonne santé à l’âge moyen de 3, 4 ans [106]. Cependant, dans une – Les œstroprogestatifs sont très efficaces mais comportent un risque
observation, une cardiomyopathie dilatée s’est révélée à l’âge de thromboembolique, lié aux modifications de l’hémostase
1 an [56]. œstrogénodépendantes. Les données concernant ces produits chez
La grossesse après transplantation cardiopulmonaire est encore plus la femme ayant une cardiopathie sont très rares et on ne dispose
rare qu’après transplantation cardiaque seule, mais possible, si elle d’aucune étude prospective [49] ; ils sont contre-indiqués en cas de
est planifiée au moins 2 ans après la greffe [5]. cardiopathie décompensée ou à risque thromboembolique élevé
(HTAP, cardiopathies cyanogènes, circulation de type Fontan,
troubles du rythme, dilatation auriculaire [101]). Il n’est pas établi que
Dissection aortique l’utilisation simultanée d’anticoagulants ou d’antiagrégants
plaquettaires diminue le risque thromboembolique [101].
La grossesse semble favoriser la dissection aortique par – Les progestatifs purs constituent souvent la meilleure solution,
l’intermédiaire de modifications de la structure de la paroi du soit macrodosés en prise discontinue comme l’acétate de
vaisseau consécutives aux changements hormonaux et chlormadinone (Lutérant), soit minidosés en prise continue
hémodynamiques. Ainsi, chez la femme de moins de 40 ans, la (lynestrénol) ; ces produits apparaissent bien tolérés sur le plan
dissection aortique surviendrait presque une fois sur deux au cours hémodynamique, vasculaire et biologique [102]. Le risque de rétention
de la grossesse ou du post-partum [47] ; cette association est hydrosodée semble faible. Les formes injectables sont très utilisées
cependant discutée. aux États-Unis ; la médroxyprogestérone (Dépo-Provera*) en
La dissection survient le plus souvent au cours du troisième injection intramusculaire fournit une couverture pendant 3 mois,
trimestre ou dans la période du post-partum. Des facteurs mais est inappropriée en cas d’insuffisance cardiaque en raison de la
favorisants, autres que le syndrome de Marfan, sont parfois tendance à la rétention liquidienne qu’elle induit. Les implants
retrouvés (coarctation isthmique, bicuspidie), mais dans 70 % des peuvent être utilisés, sous forme par exemple d’étonogestrel
cas, aucune anomalie n’est mise en évidence. (Implanon*), efficace pendant 3 ans.
Le tableau clinique n’a pas de caractère particulier. L’échographie – Les patientes anticoagulées pour une prothèse sont une exception
transœsophagienne est un moyen fiable et sans risque d’affirmer le à la non-utilisation des contraceptifs contenant des œstrogènes, car
diagnostic au cours de la grossesse. ces femmes risquent de faire des hémorragies ovulatoires
Sur le plan thérapeutique, le contrôle de la pression artérielle ne intrapéritonéales et l’inhibition de l’ovulation assure une bonne
doit pas recourir au nitroprussiate (toxicité fœtale) et il faut préférer prévention de celles-ci. [49].
l’hydralazine. La césarienne permet d’éviter la montée tensionnelle – La « pilule du lendemain » comporte des risques de rétention
liée au travail. L’intervention chirurgicale doit être, si possible, liquidienne et de thromboembolie [10].
9
11-940-K-40 Cardiopathies et grossesse Cardiologie
10
Cardiologie Cardiopathies et grossesse 11-940-K-40
mort fœtale [95]. Ils sont en conséquence contre-indiqués tout au long FIBRINOLYTIQUES
de la grossesse ; les données concernant ces produits sont limitées Ils sont en principe contre-indiqués au cours de la grossesse. Ils ont
au captopril et à l’énalapril mais il semble logique d’étendre la cependant pu être administrés en cas de thrombose de prothèse
contre-indication aux autres IEC. En revanche, leur administration valvulaire ou d’embolie pulmonaire. Dans environ un tiers des
semble compatible avec l’allaitement. observations, des complications hémorragiques sont survenues
Les antagonistes des récepteurs ATI de l’angiotensine exposent aux (ayant conduit à des hystérectomies et à des morts fœtales). La
mêmes complications [91]. surveillance biologique doit être très rigoureuse. La streptokinase a
été utilisée chez plus de 160 femmes enceintes, essentiellement pour
ANTIHYPERTENSEURS des embolies pulmonaires, sans complication pour le fœtus [84] car
elle ne franchit pas le placenta. On ne dispose pas de données
– De nombreux produits peuvent être utilisés au cours de la suffisantes concernant les autres fibrinolytiques (urokinase, altéplase,
grossesse : hydralazine, alphaméthyldopa, clonidine [60]. rétéplase, APSAC).
– Parmi les inhibiteurs calciques, la nifédipine a été utilisée sans
conséquence pour le fœtus ; il en a été de même pour la nicardipine. AUTRES MÉDICAMENTS
Le vérapamil a été utilisé dans le traitement des tachycardies – Les tocolytiques bêtamimétiques sont théoriquement des bêta-2
maternelles et fœtales, mais il existe peu de données quant à sélectifs, mais tous ont un certain effet bêta-1. Ils sont donc contre-
l’administration prolongée ; il ne semble pas y avoir d’effet indiqués en cas de cardiomyopathie hypertrophique, de sténoses
tératogène [60]. aortique, mitrale ou pulmonaire et en cas de syndrome
d’Eisenmenger, ainsi qu’en cas d’arythmies.
MÉDICAMENTS ANTICOAGULANTS
– Le sulfate de magnésie peut être utilisé (sauf en cas de syndrome
Ils ont été étudiés ci-dessus au chapitre concernant les prothèses d’Eisenmenger).
valvulaires. L’héparine standard non fractionnée est
l’antithrombotique classique de choix au cours de la grossesse [1], car – Hypolipémiants : le cholestérol étant un constituant fondamental
en raison de son poids moléculaire élevé, elle ne franchit pas la des hormones et des membranes cellulaires, les fibrates et les statines
barrière placentaire ; il en est de même des HBPM dont l’innocuité ne doivent pas être prescrits au cours de la grossesse, ni au cours de
paraît démontrée [53]. Les antivitamines K franchissent le placenta et la lactation. Les mesures diététiques restent recommandées.
peuvent entraîner des complications spécifiques chez le fœtus [113] ; – Antiagrégants : les données manquent quant à leur utilisation au
cependant, elles apparaissent plus efficaces chez les porteuses de cours de la grossesse, en dehors de l’aspirine qui peut être prescrite
prothèses valvulaires. à faible posologie sans problème [84].
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