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Apocalypse

La mémoire
du futur
1 L’Agneau les conduira

Egbert Egberts
2

© Egbert Egberts
www.croiretcomprendre.be
2011
3

Vue d’ensemble du livre

Introduction
(Première partie)
Cinq caractéristiques
Comment interpréter lřApocalypse
Quatre grands courants dřinterprétation
LřApocalypse et le reste de lřEcriture
Le Millenium
Lřenlèvement de lřEglise
La structure de lřApocalypse
Le symbolisme dans lřApocalypse
Notre approche

L’Agneau les conduira


Le témoignage de Jésus 1.1-20
Sept lettres de Jésus aux églises de tous les temps
La terreur et la tendresse 2.1-11
Ephèse : Lřéglise de lřamour perdu
Smyrne : Lřéglise de lřamour éprouvé
La lente descente vers la mort 2.12-3.6
Pergame : Lřéglise de lřamour compromis
Thyatire : Lřéglise de lřamour corrompu
Sardes : Lřéglise de lřamour mort
Les deux portes 3.7-22
Philadelphie : Lřéglise de lřamour zélé
Laodicée : Lřéglise de lřamour vaincu
Une porte dans le ciel 4.1-11
A lřAgneau sur son trône 5.1-14
Les cavaliers de lřApocalypse 6.1-17
Qui peut subsister ? 7.1-17
4

Le septième sceau
(Deuxième partie)

Le septième sceau 8.1-5


Un tiers en moins 8.6-9.21
Comment subsister ? 10.1-11.14
La dernière trompette 11.15-19
La femme, lřenfant et le dragon 12.1-18
Les bêtes qui montent 13.1-18
Le temps des moissons 14.1-20
Louange et terreur 15.1-8
Les raisins de la colère 16.1-21
La prostituée et lřépouse 17.1-19.10

Grâce et gloire
(Troisième partie)

LřAgneau et la bête 19.11-21


Mille ans de paix 20.1-10
La fin et le commencement 20.11-21.8
La nouvelle Jérusalem 21.9-22.5
En attendant 22.6-21

Conclusion
La mémoire du futur
5

Références
Voici les commentaires auxquels nous nous référons souvent sous le nom de
leur auteur. Les autres références figurent dans les notes de bas de page :
Alexander John H. ALEXANDER, L’Apocalypse, Genève: Maison de la Bible,
1979
BA Bible Annotée, Louis BONNET, Apocalypse, 1876.
BAe La Bible annotée, version téléchargeable gratuitement sur :
http://epelorient.free.fr/ba_page.html. Elle est différente de la
version de Louis Bonnet.
Barclay William BARCLAY, The Revelation of John, volume 1,2, Edimbourg:
St Andrew Press 1959
Beasley-Murray G. R. BEASLEY-MURRAY, Apocalypse, in: le Nouveau Commentaire
Biblique, St Légier: Emmaüs, 1978
Fausset A.R. FAUSSET, Revelation, in: JAMIESON, FAUSSET et BROWN,
A commentary critical, experimental and practical on the Old and New
Testaments, Grand Rapids, Mi: Eerdmans, réédition de 1973
Gardner Paul GARDNER, Revelation, The compassion and protection of
Christ, Ross-shire: Christian Focus Publications, 2002.
Kuen, Intro Alfred Kuen, L’Apocalypse, Introduction au Nouveau Testament,
volume 4, St Légier: Emmaüs, 1997.
Kuen, Labyrinthe Alfred KUEN, Le labyrinthe du Millénium, St Légier: Emmaüs, 1997
Ladd George Eldon LADD, A commentary on the Revelation of John,
Grand Rapids, Mi: Eerdmans, 1972.
Lindsey Hal LINDSEY, There’s a new world coming, Santa Ana, Ca: Vision
House, 1973.
Morris Leon MORRIS, Revelation, Tyndale NT commentaries, Leicester:
IVP, 1987.
Wilcock Michael WILCOCK, The message of Revelation, Leicester: IVP 1984.

Les références bibliques : Les citations du texte de lřApocalypse au début de chaque


chapitre du commentaire proviennent de la Bible dite à la Colombe (Société Biblique).
Les autres références, sauf mention différente, proviennent essentiellement de la Bible
du Semeur, parfois de la Bible dite à la Colombe.
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Introduction

Est-il seulement possible dřavoir une mémoire du futur ? En dehors des


fantaisies dřun voyage dans le temps, une seule possibilité sřoffre à nous, la
même qui rend possible le phénomène biblique, et seulement biblique, de la
prophétie : Dieu existe et communique avec nous par les prophètes. Lřapôtre
Jean est, en ce sens, le dernier des prophètes. LřApocalypse est ainsi réelle-
ment une Ŗmémoire du futurŗ, un dévoilement de ce qui sera, une réinjection
dans notre histoire dřun savoir qui appartient, encore, à lřavenir.
Pourtant, le voile se lève.
Est-ce prétentieux de le dire ainsi ? Pas vraiment. ŘLe voile se lèveř est
dřabord et surtout une simple traduction du mot Apocalypse, littéralement :
dévoilement. Pourtant, ce livre qui déroute tant de gens semble davantage voi-
ler que dévoiler. Et il y a autant de visions de lřApocalypse que dřauteurs de
livres, de films1, ou dřarticles. Malgré tout cela, le texte nous est donné pour dé-
voiler. Donné. Pas recherché, ou imaginé, mais donné. Jean a bien écrit le livre
de lřApocalypse, et pourtant, il nřen est pas lřauteur. Il ne lřa pas tant écrit : il
lřa transmis. Jean ne choisit pas dřécrire dans un langage apocalyptique parce
que cřest à la mode. Il reçoit. Il transcrit plus quřil nřécrit. Plus quřaucun livre,
lřApocalypse se présente dřemblée comme une révélation venue dřailleurs : Ce
livre contient la révélation que Jésus-Christ a reçue. Dieu la lui a donnée pour qu’il montre
à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt. Le Christ a envoyé son ange à son serviteur Jean
pour lui faire connaître cela. (Apocalypse 1.1, BFC) Ce livre est donné pour dévoi-
ler, pour montrer. ŘLe voile se lèveř veut dire cela.
Mais il y a un élément supplémentaire. Plus le temps avance et plus ap-
proche lřaccomplissement des prophéties concernant le retour de Christ, plus

1
Il suffit de penser au film tout récent 2012…
7

le voile se lève. Nous voyons aujourdřhui plus clair quřil y a 100 ans, ou 1900
ans. Notre monde va dans le mur à très grande vitesse. Les problèmes devien-
nent ingérables, et nous sommes de plus en plus prisonniers de notre progrès.
Les avancées technologiques ont été pour nous à la fois un bienfait et une
cause de destruction, même si on ne lřavait pas vu tout de suite. La nature
humaine nřa pas évolué avec la technologie, et les monstruosités de la guerre
sont pires à chaque nouvelle édition. La grande confrontation finale entre
Christ et lřAntichrist ne peut pas être loin. Le voile se lève. Non que tout soit
devenu limpide. Mais certains contours se dessinent sinon plus nettement, du
moins de manière nettement moins floue !
LřApocalypse est un livre déroutant. Tout dřabord parce quřil y a à peu près
autant dřinterprétations que de lecteurs, et que, malgré cela, le livre semble res-
ter hermétique. Autant le thème du livre, la fin des temps, fascine les gens de
tous les temps, autant le contenu semble se refuser à toute analyse temporelle.
Le résultat est que la plupart des chrétiens, et probablement des responsables
dřéglise, disent ne rien y comprendre au-delà de quelques remarques très géné-
rales. On a peur dřenfermer le livre dans un schéma et de se trouver ridicule
quand la réalité aura rattrapé nos interprétations fallacieuses.
LřApocalypse déroute à cause de ses images nombreuses qui résistent à
tout effort de compréhension. Faut-il les prendre dans un sens littéral, ou dans
un sens symbolique ? Mais ni lřun, ni lřautre ne semblent pouvoir déverrouiller
le livre. Cřest le comble : le livre qui est sensé dévoiler, révéler, a un effet exac-
tement opposé : il voile, il cache.
LřApocalypse déroute pour une autre raison. Ce livre annonce sans ver-
gogne la fin du monde actuel. Des milliards de gens mourront suite à des ca-
tastrophes terrifiantes, la terre entière se mettra à suivre un charlatan qui se
prendra pour le Christ, et pour couronner le tout, le Christ reviendra en per-
sonne, annihilera les armées du monde massées au Moyen-Orient et établira
son règne de justice et de paix sans demander lřavis de qui que ce soit. Cřest
intolérable ! Mettre le message des Evangiles au goût du jour avec son accent
sur lřamour nřest pas bien difficile. La foi, une fois libérée de tout ancrage dans
lřhistoire, peut servir à quelques leçons joliment spirituelles sans aucune exi-
gence morale au-delà de ce qui est généralement admis. Le spirituel a de
lřavenir. Mais le livre de lřApocalypse rompt cette harmonie moderne. Il rap-
pelle trop clairement que lřunivers est soumis au Dieu judéo-chrétien dans
8

tout ce quřil a de rébarbatif : un Dieu moral, aux exigences absolues, et avec


une tendance appuyée à intervenir dans les affaires de notre planète. Ce mes-
sage est non seulement indigeste pour les temps dans lesquels nous vivons,
mais il le sera de plus en plus. Plus le temps des accomplissements sřapproche
de nous, plus ce livre deviendra intolérable.

Cinq caractéristiques
Cinq particularités sautent aux yeux dès quřon se met à la lecture de ce
livre :
CřEST UN LIVRE ETRANGE : Il ne se compare vraiment à aucun autre livre
biblique, même si les liens avec Daniel, Ezéchiel, Zacharie et des parties
dřEsaïe sont évidents. Mais dès que lřon cherche à intégrer ces livres dans une
compréhension commune, dans un schéma commun, on rencontre des pro-
blèmes énormes ! Quelquřun a dit de lřApocalypse : ŖCřest un livre qui rend le
lecteur fouŗ et de nombreux lecteurs ne le contrediraient pas ! Luther le traita
avec dédain. Cřest un livre hermétique, fermé, mais où en est la clef ? Ne vaut-
il pas mieux le laisser à dřautres générations et nous contenter des quelques
chapitres compréhensibles ? Dřailleurs, nřavons-nous pas assez souffert
dřinterprétations rapides et autoritaires rattrapées par lřhistoire ? Même avant
dřécrire un commentaire sur ce livre, tout auteur devra accepter quřaprès avoir
terminé son commentaire, le livre sera toujours un livre étrange, effleuré, mais
non maîtrisé.
CřEST UN LIVRE BIBLIQUE : Sur 404 versets, seuls 126 ne contiennent pas
dřallusion à lřAncien Testament. Son auteur est imbibé de lřAncien Testament.
Il nřen a pas réalisé un collage, mais son livre respire celui-ci par ses quelques
500 allusions à 24 livres de lřAncien Testament. Il est donc important de lire le
reste de la Bible avant dřessayer de comprendre celui-ci ! Bien connaître le reste
de la Bible ne garantit pas une compréhension claire de lřApocalypse. Mais mal
connaître le reste de la Bible rend toute compréhension juste de lřApocalypse
hasardeuse. A cela, il faut ajouter une autre remarque : Jean est un visionnaire.
Il nřécrit pas une étude en empruntant fréquemment et consciemment à
lřAncien Testament (contrairement à ce que lřon affirme un peu facilement !).
Il écrit ce quřil a vu pendant quřil était prisonnier sur lřîle de Patmos. Ainsi, par
9

exemple, quand il décrit ce quřil voit au ciel, il ne tire pas son imagerie
dřEzéchiel, mais il raconte ce quřil a réellement vu. Il nřa pas non plus copié
les plaies des trompettes et des coupes sur les plaies dřEgypte. Ainsi, ses des-
criptions ne sont pas des choses quřil Ŗinventeŗ, ou compose savamment, mais
des descriptions de ce quřil a vu, souvent sans les comprendre. Du moins,
cřest ainsi quřil présente les choses. Car si nous devions prendre lřApocalypse
comme une Ŗmise en scèneŗ, une forme littéraire choisie par Jean, le livre de-
viendrait un faux …
CřEST UN LIVRE PROPHETIQUE : Cela est dit clairement dans les passages
suivants : 1.3 : Heureux celui qui lit et ceux qui écoutent les paroles de la prophétie, et
22.7,10,18,19.2 Le sens ici tombe plutôt sur le côté prédiction de la prophétie bi-
blique que sur le côté prédication. Il est davantage question de lřannonce de ce
qui doit arriver que de lřappel au lecteur de changer son comportement. Mais
ce dernier sens nřest pas absent. Il suffit de penser aux nombreux avertisse-
ments moraux éparpillés dans le livre.
CřEST UN LIVRE UNIVERSEL : Il achève ainsi le message universel de
lřensemble de la Bible. Lřordre missionnaire dřaller à toutes les nations pour
leur apporter le message que Jésus-Christ s’est offert en sacrifice pour le pardon de nos
péchés, et non seulement des nôtres, mais aussi de ceux du monde entier (1 Jean 2.2, BFC)
trouve ici sa conclusion et son aboutissement. Dřune part, des gens de toute
tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation se trouvent dans la
présence de Dieu, dřautre part, la bête reçoit autorité sur toute tribu, tout
peuple, toute langue et toute nation pour les entraîner avec lui, avec les rois de
toute la terre, dans sa chute irréversible. Toute la terre est atteinte par les ju-
gements apocalyptiques et le monde entier est convoqué devant le trône de
Dieu pour y être jugé.
CřEST UN LIVRE APOCALYPTIQUE : Cela semble une évidence, mais quřest-
ce que cela veut dire ? Au sens général, cela implique que lřaccent tombe sur la
condition irrémédiable du genre humain devant Dieu, sur la dissolution future

2
Heureux celui qui garde les paroles de la prophétie de ce livre ! (…) Ne ferme pas d’un sceau les pa-
roles de la prophétie de ce livre ! (…) Je l’atteste à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce
livre : Si quelqu’un y ajoute, Dieu ajoutera (à son sort) les plaies décrites dans ce livre. Et si quelqu’un
retranche des paroles du livre de cette prophétie, Dieu retranchera sa part de l’arbre de vie et de la ville
sainte, décrits dans ce livre.
10

de toutes choses, sur la venue du grand Jour de lřEternel, sur le Messie qui
viendra dans un temps de terreur, au milieu de bouleversements cosmiques,
sur le jugement de Dieu, le tout avec un usage fréquent dřimages et de sym-
boles. Le genre apocalyptique est bien représenté dans le Judaïsme avant la
venue de Jésus. LřApocalypse de Jean ne doit pourtant pas être comparée
avant tout avec cela. La comparaison est avec les passages apocalyptiques de
lřAncien Testament, et particulièrement avec le livre de Daniel. Jean ne cite
pas les Apocalypses juives, ne les connaissant peut-être que partiellement, si
toutefois il les connaissait. Y faire dévier notre interprétation de son livre nous
conduirait dans une impasse.

Comment interpréter l’Aoocalyose ?

Avant dřaller plus loin, il nřest pas inutile de considérer comment ce livre a
été interprété dans le passé. Dřabord, et surtout, parce que nous sommes re-
devables à ceux qui nous précèdent, ensuite parce que nous sommes au risque
de répéter les mêmes erreurs.
Il est donc utile de passer en revue les quatre grands courants
dřinterprétation du livre. Cela permet de considérer les approches possibles de
ce livre difficile ainsi que les raisons pour lesquelles nous favorisons la nôtre. Il
va de soi que lřapproche théologique générale de quelquřun détermine son in-
terprétation de ce livre. En raccourci, et en caricaturant quelque peu, on pour-
rait dire que plus on adhère à une théologie libérale, plus on a tendance à favo-
riser une interprétation symbolique de lřensemble du texte, interprétation par-
fois encore plus compliquée que le livre, tandis que là où lřon tient à une théo-
logie plus évangélique, lřinterprétation sřen ressent et devient plus littérale.
Mais on sřouvre alors au risque de vouloir placer lřaccomplissement de ces
prophéties en son propre temps. Un exemple connu en est lřidentification du
pape avec la bête dřApocalypse 13 au temps de la Réforme. Un autre, plus in-
quiétant, est résumé par le seul titre évocateur dřun livre maintenant désuet :
11

Jésus revient en 1988.3 Sřil est naturel et même louable de vouloir appliquer le
texte biblique à son époque, il faudra rester à la fois vigilant devant les pièges
dřune actualisation forcée, et modeste dans les interprétations possibles.
Deux autres questions se glissent dans le débat exégétique : lřinterprétation
du Millénium et, dans une moindre mesure, lřinterprétation de lřenlèvement de
lřEglise.

Quatre grands courants d’interprétation :


1) Les visions de l’Apocalypse concernent exclusivement le passé. Selon cette com-
préhension, le livre contiendrait une histoire achevée, finie. Le livre sřadresse
aux gens de lřépoque de Jean et décrit le triomphe du Christ dans leur histoire.
LřAntichrist est Néron, ou Néron revenu en Domitien, ou lřimage des empe-
reurs persécuteurs en général, pour déboucher sur Dioclétien et sa persécution
virulente au début du IVe siècle. Le livre sřachève sur la conversion de Cons-
tantin. Mais la clef de son interprétation est perdue. Si cela constituait
lřexplication du livre, il aurait donc tout au plus une valeur dřexemple pour au-
jourdřhui. Mais il ne pourrait rien nous apprendre sur lřavenir. Cřest en vain
quřon y rechercherait des lumières sur une éventuelle fin des temps.4
2) L’Apocalypse décrit le combat de l’Eglise depuis ses origines jusqu’à maintenant. Il
sřagirait alors dřune histoire qui est en train de sřachever. LřApocalypse décrit
le déroulement de lřHistoire de ces derniers deux mille ans jusquřà son apogée
lors du retour de Christ. Ainsi, pour certains, nous vivrions maintenant au
temps de la septième coupe, assez près du dénouement final. Mais comment
lire les événements historiques dans ce livre avec certitude ? On devra avoir
recours à des interprétations symboliques qui nous laissent avec autant
dřinterprétations que dřinterprètes ! La clef serait dans une connaissance pous-
sée de lřhistoire.

3
Harold WHISENANT, 88 Reasons Why Christ Will Come Back In 1988. Je n’en possède pas les références
bibliographiques.
4
Sur l’ensemble de ces questions de compréhension générale, on lira avec profit : Kuen, Intro 171-207.
La BA (Volume IV, Introduction, p 284. Nous citons la version originale. L’introduction de la version
électronique est différente) cite trois méthodes d’interprétation : le système rationaliste, l’école histo-
rique et la méthode exégétique. L’auteur, Louis Bonnet, préconise la dernière : “… l’interprétation de
l’Apocalypse doit avoir pour base la prophétie de l’Ancien Testament et pour guide une pleine con-
formité avec tout l’ensemble des révélations de Dieu.” (p 287)
12

3) L’essentiel de l’Apocalypse concerne des événements futurs. Le gros du livre décri-


rait des choses qui ne sont pas encore arrivées. Nous serions, pour certains, au
temps des sept églises, ou au temps de la dernière, Laodicée. Parfois, cela va
de pair avec lřenseignement de lřenlèvement de lřEglise au début du chapitre 4.
Dans ce cas, le livre serait donc sans vraie utilité pour les générations précé-
dentes, un livre fermé, scellé ? Il y a aussi un vrai risque de sacrifier la sainteté
pour aujourdřhui à la curiosité pour demain. Lřécole dřinterprétation qui a par-
ticulièrement insisté sur une compréhension future du livre est le dispensatio-
nalisme. Sřil faut lui attribuer certaines dérives, il faut au moins reconnaître
que les écrits de ce mouvement ont ranimé lřintérêt pour lřApocalypse. Un
livre comme L’agonie de notre vieille planète5 a été, pour beaucoup de chrétiens, le
départ dřune vraie sensibilité aux questions de la fin des temps. Dřautres au-
teurs étaient allés dans une direction semblable, comme René Pache6 dans le
monde francophone.
4) L’Apocalypse est un livre entièrement symbolique. Il ne faut pas chercher une
interprétation quelque part liée à lřhistoire, on nřirait que dřerreur en erreur. Le
livre est écrit dans un langage imaginaire pour transmettre des vérités spiri-
tuelles.7
Aucune de ces interprétations nřest satisfaisante en soi. Il nřest pas accep-
table de se limiter à une interprétation qui exclut des générations de lecteurs,
ou qui limite le livre à des généralités. On ne peut être dřaccord ni avec un
symbolisme qui fermerait la compréhension actuelle du livre, ni avec une de-
vinette historique où tout le monde peut gagner. Nous devons être sensibles à
lřaboutissement avoué du livre qui débouche sur le retour de Christ, et donc
sur le futur, même aujourdřhui à presque deux mille ans de sa rédaction. Mais
nous devons aussi noter la différence importante entre lřApocalypse et le livre
de Daniel qui lui ressemble tant par ailleurs. En Daniel, il est question dřune
longue attente, un temps durant lequel le livre demeure scellé, Daniel 12.9,10.8

5
Hal LINDSEY, L’agonie de notre vieille planète, Braine-l’Alleud : ELB, 1974.
6
René PACHE, Le retour de Jésus-Christ, St Légier : Emmaüs 1968.
7
C’est typiquement une interprétation libérale, mais d’autres abondent dans le même sens.
8
Il répondit : Va, Daniel, car ces paroles seront secrètes et scellées jusqu’au temps de la fin. Beaucoup
seront purifiés, blanchis et épurés; les méchants feront le mal et aucun des méchants ne comprendra,
mais ceux qui auront de l’intelligence comprendront.
13

Mais lřApocalypse nřest justement pas scellé, Apocalypse 22.10 : Ne ferme pas
d’un sceau les paroles de la prophétie de ce livre ! Car le temps est proche. Le livre a donc
une portée pour la génération à qui il sřadresse en premier lieu, et pour toutes
les générations par la suite. Mais cela nřexclut aucunement un accomplisse-
ment futur dřune partie considérable du livre. Il nous faut sans doute accepter
que le fait de ne pas encore vraiment comprendre une bonne partie du texte
provienne justement de ce que ces choses ne sont pas encore devenues réalité.
Lřaccomplissement en est encore futur.9 Il est alors tout aussi vraisemblable
que notre compréhension en soit aujourdřhui plus grande que dans le passé. Il
est dès lors pour le moins étonnant, et inquiétant, que plus le temps approche,
moins on croit réellement aux prophéties de ce livre, et plus on dit ne rien y
comprendre !
Il est important de discerner entre interprétation et application. Le fait
dřinterpréter certaines choses comme étant futures ne veut pas dire quřil nřy a
rien à apprendre de ces textes. Il y a des leçons spirituelles à tirer de tout le
livre. Cřest là quřune certaine interprétation symbolique a toute sa place. Par
exemple, les deux témoins du chapitre 11 ne sont pas encore apparus. Mais
comme eux combien de témoins de Jésus-Christ ont payé leur témoignage
avec leur sang ? Et tous attendent la résurrection. Cependant, penser quřainsi,
on aura tout dit changerait en platitudes ce livre percutant. Mais lřapplication
est dřune importance continuelle. Ainsi, lřAntichrist nřest pas encore apparu.
Mais chaque époque a eu ses types avant-coureurs de la Bête de la fin. Les
derniers cent ans nřont pas été pauvres dans ce domaine. Staline, Hitler, Mao,
Amin Dada, Pol Pot et combien dřautres encore ont montré lřhorreur de ce
que sera lřAntichrist final. Le grand rassemblement dřHarmaguédon est encore
futur. Mais combien dřarmées nřont pas été rassemblées pour des causes fu-
tiles conduisant au carnage ? Laquelle des guerres du dernier siècle échappe à
la logique de la boucherie insensée ? On pourrait continuer ainsi pour tout le
livre. Les applications sont légion et actuelles à tout moment de lřhistoire.
Mais un jour, les prophéties sřaccompliront, et pas une seule ne fera défaut.

9
Nous notons qu’aucun commentateur n’a encore donné une interprétation réellement satisfaisante
des chapitres 8,9 et 16 qui permette aux générations précédentes, à commencer avec celle de Jean lui-
même, de mieux comprendre leur époque. Une référence au futur nous semble la seule conclusion
vraiment tenable.
14

Lřinterprétation est avant tout concernée par lřaccomplissement final. Elle sera
donc nécessairement marquée par lřincertitude. Elle devra se contenter du
Řprobablementř et du Řpeut-êtreř. Non parce quřelle joue aux devinettes, mais
parce quřelle demeure interprétation faillible et humaine. Un jour viendra où
tous les vivants comprendront les images de ce livre et diront combien elles
décrivent exactement la réalité. Alors, tous les symboles et toutes les images
seront compréhensibles, et lřHistoire recevra son éclairage final et définitif par
le projecteur de ce livre.
La prophétie est à la fois prédiction et prédication. Nous pouvons faire une
comparaison avec la météo. LřInstitut de météorologie nous donne des prédic-
tions parfois générales, parfois très précises, sur le temps. Quand le délai est
court, lřannonce est plus précise, mais quand on nous donne la prévision sur
une semaine, cřest plus général. Nous en tirons nos conclusions sur la con-
duite à adopter (prendre un parapluie, oui ou non). Cela constitue notre appli-
cation. Nous tenons aussi un langage assez soutenu sur le temps, nourri à la
fois des prédictions et de notre vécu. Cela correspond à la prédication. Bien
sûr, la météo se trompe parfois, et parfois plus souvent !, tandis que la prophé-
tie biblique ne se trompe jamais. Mais plus les prédictions concernent un
temps lointain, plus son explication devient approximative et prudente. Nous
nous préoccupons de lřapplication pour aujourdřhui. Comment cela doit-il dé-
terminer notre comportement aujourdřhui ? La certitude sur lřexplication de ce
qui est futur sera nécessairement plus modeste.
Nous ne devons pas oublier non plus que le temps de la fin a, dans un sens
biblique, déjà commencé avec la Pentecôte (Actes 2.16, mais cf. 3.21; Romains
13.11,1210). La fin des temps est déjà là, parce que Christ est déjà venu. Il a
inauguré ce temps de la fin qui débouchera sur son retour. Cela donne de la
force à notre prédication. Il y a urgence. Mais en même temps, lřhorloge
égrène les minutes du temps de Dieu. Nous sommes aujourdřhui plus près,

10
Mais maintenant se réalise ce qu’avait annoncé le prophète Joël (Actes 2.16).
En attendant, il doit demeurer au ciel jusqu’au jour où l’univers entier sera restauré, comme Dieu l’a
annoncé depuis des siècles par la bouche de ses saints prophètes. (Actes 3.21).
Faites ceci d’autant plus que vous savez en quel temps nous vivons. C’est désormais l’heure de sortir de
votre sommeil, car le salut est plus près de nous que lorsque nous avons commencé à croire. La nuit tire
à sa fin, le jour va se lever. Débarrassons-nous de tout ce qui se fait dans les ténèbres, et revêtons-nous
de l’armure de la lumière. (Romains 13.11,12).
15

disait déjà lřapôtre Paul. A plus forte raison devons-nous sentir lřurgence du
moment. Nous sommes sensés lire les événements. Matthieu 24.32,33 le dit
avec force par lřimage du figuier dont Jésus se sert. Lřimage de la femme en-
ceinte va dans le même sens. Nous ne sommes pas nécessairement sensés
croire à tout moment que lřaccouchement est peut-être pour demain. Mais il y
a des signes annonciateurs qui sont là pour nous permettre dřavoir une idée un
peu plus précise, même si nous ignorons lřéchelle exacte de ce temps.
Pouvons-nous, devons-nous, chercher à nous placer quelque part dans le
déroulement du livre ? Autrement dit, faut-il poser la question : ŖOù en
sommes-nous aujourdřhui ?ŗ ? Pour certains, la question fait sourire. Ils nřen
croient rien ou nřy croient plus rien. Chat échaudé craint lřeau chaude. ŖLais-
sons le livre à ses symbolismes indéchiffrables, disent-ils, et occupons-nous à
vivre aujourdřhui comme Dieu le demande. Si le livre décrit toute époque, les
leçons sont spirituelles et non temporelles.ŗ
Quřil y ait du vrai dans cela, chacun le comprend. Mais est-ce toute la véri-
té ? Est-ce que cela épuise le sujet ? Est-ce que cela correspond à la lecture des
premiers lecteurs ?
Dřailleurs, qui sont ces premiers lecteurs ? Cřest la question de la date qui
détermine cela. Avec Irénée et Eusèbe, nous croyons que Jean a écrit son livre
sous le règne de lřempereur Domitien. Eusèbe écrit que ce fut sous la quator-
zième année de son règne.11 Il nřy a pas vraiment de dispute à ce sujet. Parfois,
on peut entendre que Jean aurait écrit sous lřempereur Vespasien, selon une
certaine interprétation du chapitre 17. Nous y reviendrons courtement à cet
endroit-là.

Lřinterprétation ne doit pas être détachée dřune application à tout âge.


Dans ce sens, les leçons de ce livre doivent retentir à toute époque. Donald
Guthrie12 indique trois de ces applications dans son introduction à
lřApocalypse. Les voici en résumé :

11
Voir les sources dans la BA, Introduction, p 266 du volume IV. L’introduction de la version électro-
nique cherche à prouver une date sous Vespasien.
12
Donald GUTHRIE, New Testament introduction, Londres : IVP 1970, pp 975s.
16

1. La foi triomphe du monde. Toutes les forces réunies de lřennemi ne peuvent


vaincre le Christ. LřAgneau de Dieu est victorieux et nous vaincrons en lui et
avec lui.
2. Le jugement est inévitable. En fin de compte, tout péché est amené en juge-
ment, et tout pécheur devra rendre des comptes à son Créateur. Chacun est
responsable de ses actes et hors de Christ, il nřy aura pas de pardon.
3. Il n’y a qu’en Christ qu’on peut comprendre l’histoire. Il nřy a quřen lui que
lřhistoire sera amenée à son point final, à son aboutissement. Sans lui, elle nřa
pas de sens durable.
Mais ces généralités, aussi importantes et vraies quřelles soient, ne disent
pas tout. Il faut donc chercher plus loin.

L’Apocalypse et le reste de l’Ecriture


Faut-il chercher à tout prix à cadrer lřApocalypse avec le reste des prophé-
ties bibliques ? Notamment, faut-il sřefforcer à harmoniser ce livre avec les
annonces de Jésus en Matthieu 24 ?13
Ce serait imposer à lřApocalypse un carcan, un cadre inutilement serré. Jé-
sus nřa pas tout dit, et lřinterprétation de ce chapitre nřest pas particulièrement
simple. Quel est le lien entre 24.14 et 24.1514 ? 24.15-20 concerne-t-il les évé-
nements de lřannée 70 et le terrible siège de Jérusalem ? Y a-t-il en même
temps, ou seulement, une référence aux temps les derniers et les agissements
de lřAntichrist ? Comment comprendre le lien entre 24.27,29 et 30 ?15 Le Ŗaus-
sitôt aprèsŗ du verset 29, se situe-t-il en fait avant le verset 27 ? Lřensemble de
ce texte, exclut-il vraiment le détail des trois fois sept plaies de lřApocalypse ?

13
C’est notamment le cas de Wilcock, p. 181 : L’Apocalypse “doit être pris comme une répétition dans
un langage très coloré de la séquence des événements déjà rendue suffisamment claire dans
l’enseignement non-symbolique des Evangiles et des Epîtres.”
14
Cette Bonne Nouvelle du règne de Dieu sera proclamée dans le monde entier pour que tous les
peuples en entendent le témoignage. Alors seulement viendra la fin. Quand donc vous verrez
l’abominable profanation annoncée par le prophète Daniel s’établir dans le lieu saint …
15
En effet, comme l’éclair part de l’orient et brille jusqu’en occident, ainsi sera l’avènement du Fils de
l’homme. Où que soit le cadavre là s’assembleront les aigles. Aussitôt après ces jours de tribulation, le
soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa clarté, les étoiles tomberont du ciel et les puissances des
cieux seront ébranlées. Alors le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel, toutes les tribus de la
terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l’homme venir sur les nuées du ciel avec beaucoup de
puissance et de gloire.
17

Nřest-il pas possible que ces textes résument assez rapidement ce qui est dit
avec bien plus de détails dans lřApocalypse ? En plus, Jésus lui-même atteste
que sa connaissance était limitée au moins sur un point : Quant au jour et à
l’heure où cela se produira, personne ne les connaît, ni les anges du ciel, ni même le Fils; per-
sonne, sauf le Père, et lui seul. (Matthieu 24.36) Il faudrait ajouter à cela le fait que
le livre de la fin (le rouleau dřApocalypse 5) est encore scellé à ce moment-là.
Lřimportant est quřil ne doit pas y avoir de contradiction entre notre interpré-
tation de Matthieu et de lřApocalypse.
Quant à lřharmonie entre lřApocalypse et lřAncien Testament, elle est par-
ticulièrement problématique sur la question du Millénium par rapport à Esaïe
65. Il faudra y revenir plus loin.
Nous ne croyons pas que les dernières révélations de la Bible annulent les
premières. La particularité de la Bible est de former un tout. Chercher une cer-
taine harmonisation est donc indispensable. Mais la prophétie devient toujours
plus claire. Il serait alors plus juste dřinterpréter lřApocalypse à la lumière du
reste des Ecritures sans lui imposer de rester enfermé dans notre interprétation
particulière des autres textes, et de voir comment ce livre éclaire les autres
textes.

Deux questions précises ont une influence directe sur lřinterprétation du


livre : Comment considérer le Millénium et où situer lřenlèvement ?
Lřimportance de ces questions ne correspond pas à la place quřelles occupent
dans le livre. Le Millénium nřest mentionné que dans le chapitre 20, et
lřenlèvement nřest pas mentionné du tout, du moins en apparence. Mais
lřinterprétation de ces deux événements en dit long sur les présuppositions de
lřinterprète et sur sa manière de comprendre le cadre général de la prophétie
biblique.

Le Millénium (20.1-10)
Quatre approches différentes du Millénium existent dans le monde chré-
tien :
LE PREMILLENARISME CLASSIQUE : Christ revient avant le Millénium, qui
est une période de 1000 ans. Cette approche est liée à une interprétation qui
18

voit lřaccomplissement futur du livre selon une chronologie plus ou moins


suivie des jugements annoncés. Une approche semblable était probablement
celle des premiers chrétiens. Ainsi, Papias, disciple de lřapôtre Jean, et un des
très rares témoins de cette période, avait une théologie millénariste : Ŗ… il a
dit quřil y aura mille ans après la résurrection des morts et que le règne du
Christ aura lieu corporellement sur cette terre. Je pense quřil suppose tout cela
après avoir compris de travers les récits des apôtres, et quřil nřa pas saisi les
choses dites par eux en figures et dřune manière symbolique …ŗ selon la cita-
tion dřEusèbe de Césarée, historien du IVe siècle qui nřétait pas du tout
dřaccord avec lui (Histoire ecclésiastique, III, 39).
LE DISPENSATIONALISME : Cřest un développement de lřapproche précé-
dente. Lřhistoire se divise en une suite de sept dispensations. Le Millénium en
est la septième. Dieu agit différemment en chaque dispensation. Habituelle-
ment, cette interprétation est liée à une insistance sur lřenlèvement de lřEglise
avant lřentrée dans les temps de la fin, donc avant la tribulation. Cette inter-
prétation a surtout été développée depuis lřAnglais John Nelson Darby au
XIXe siècle. Elle est développée dans la Bible ŖScofieldŗ en langue française et
par de nombreux auteurs évangéliques.
LE POSTMILLENARISME : Christ revient après le Millénium, qui est une pé-
riode donnée, peu importe sa durée, où lřEvangile aura triomphé, où lřEsprit-
Saint aura le dessus, où les nations suivront le Christ. Alexander le retrace à
Daniel Whitby (1638-1726). Le XXe siècle et ses guerres mondiales ont-ils ter-
ni définitivement lřoptimisme de cette conception du Millénium ? On pouvait
le croire pendant un temps, mais aujourdřhui, cette idée revient dans dřautres
contextes. On cherche ainsi une interprétation future à la prophétie de Joël
que cite lřapôtre Pierre le jour de la Pentecôte : Maintenant se réalise ce qu’avait
annoncé le prophète Joël : Voici ce qui arrivera, dit Dieu, dans les jours de la fin des temps :
Je répandrai de mon Esprit sur tous les hommes. Vos fils, vos filles prophétiseront, vos
jeunes gens, par des visions, vos vieillards, par des songes, recevront des révélations. Oui, sur
mes serviteurs, comme sur mes servantes, en ces jours-là, je répandrai de mon Esprit : ils
prophétiseront. Je ferai des miracles et là-haut, dans le ciel, et ici-bas sur terre, des signes
prodigieux : sang, feu, colonne de fumée. Et le soleil s’obscurcira, la lune deviendra de sang,
avant la venue du jour du Seigneur, ce jour grand et glorieux. Alors seront sauvés tous ceux
qui feront appel au Seigneur. (Actes 2.16-21) Certains se fondent sur ce passage
19

pour encourager la prière pour un grand réveil qui amènerait le règne du


Christ sur notre société. Un exemple récent dřun tel sujet de prière : ŖPriez
pour Bruxelles, notre capitale, siège dřorganisations puissantes et internatio-
nales, que Christ puisse y construire son trône.ŗ Mais Christ nřaura jamais son
trône à Bruxelles. LřApocalypse se lève contre pareil angélisme.
LřAMILLENARISME : Le Millénium correspond au temps de lřEglise, Satan
est lié (Marc 3.27 : En fait, personne ne peut pénétrer dans la maison d’un homme fort
pour s’emparer de ses biens sans avoir d’abord ligoté cet homme fort : c’est alors qu’il pillera
sa maison) pour permettre que lřEvangile soit prêché à toutes les nations, et il
ne peut pas nous atteindre au-delà de sa chaîne. Les saints dans la gloire rè-
gnent déjà avec Christ. Jésus revient à la fin de cette période. Ceci va souvent
de pair avec une interprétation plus symbolique de lřApocalypse.
Lřamillénarisme est surtout lié à St Augustin au Ve siècle et a été lřapproche
dominante dans lřEglise chrétienne du Moyen Age jusquřau XIXe siècle.
Chacune de ces approches a trouvé des défenseurs à lřintérieur de la com-
munauté chrétienne, et il serait mal venu de se diviser sur ce point. Cependant,
cela ne veut pas dire que ces approches soient équivalentes et également va-
lables. Chaque approche prête le flanc à des questions importantes.
Commune à lřapproche prémillénariste et dispensationaliste est la question
du rapport avec Israël. Dieu, a-t-il deux peuples ? Le Juif a-t-il le même besoin
impérieux de se tourner vers le Christ de la Bible que le païen ? Dans le Millé-
nium, retournera-t-on au culte lévitique ? Le dispensationalisme nřa pas de
place pour une persécution mondiale de ceux qui suivent le Christ. Avant la
tribulation, ceux-ci seront enlevés. On ne prépare donc guère le chrétien à la
dure réalité de la persécution.
Le postmillénarisme semble aujourdřhui un doux rêve. La brutalité des
temps modernes et le recul international de la foi chrétienne nous interdisent
de penser que lřeffort missionnaire transformera un jour notre monde en pa-
radis.
Lřamillénarisme est redevenu plus populaire en ces derniers temps parmi
les déçus et les critiques du dispensationalisme. On entend parfois que cette
approche serait la seule qui ferait droit à lřensemble des textes bibliques. Mais
cette compréhension donne lieu à des questions importantes : LřEglise a-t-elle
remplacé Israël comme peuple de Dieu ? La théologie qui a prôné cela porte
20

une part de responsabilité non négligeable dans le développement de


lřantisémitisme. Le seul texte clair sur le Millénium dans le Nouveau Testa-
ment se trouve en Apocalypse 20, et cřest donc plus loin quřil faudra revenir
sur la question. Mais voici quelques-unes des questions à soulever : Ce texte
nous dit-il que Satan est sévèrement limité, ou quřil est lié ? Depuis la croix,
voyons-nous lřeffet de cela dans le monde des relations internationales ?
LřEglise, règne-t-elle aujourdřhui avec Jésus-Christ ? La Bible dit justement le
contraire en 1 Corinthiens 4.8-13 ! Nřest-elle pas plutôt lřEglise sous lřautel,
comme en Apocalypse 6.9-11 ? Nous régnerons, futur, lors du retour de Christ.
Et si nos églises sont lřéquivalent du règne de paix et de justice du Christ,
pourquoi en voyons-nous si terriblement peu ? Et sur qui est-on sensé ré-
gner ? Dřoù vient que cette approche ait suscité si peu de vigilance et de dis-
cernement parmi les Chrétiens ? Les premiers lecteurs du livre auraient-ils tout
logiquement compris quřils étaient en train de vivre les gloires du Millénium ?
Cřest plus que douteux !

L’enlèvement de l’Eglise
Il existe trois conceptions sur lřenlèvement de lřEglise, qui est la doctrine
qui enseigne que Jésus viendra chercher son Eglise avant la fin. Les deux
textes principaux qui le mentionnent sont 1 Corinthiens 15.51-53 et 1 Thessa-
loniciens 4.15-17. Voici ces deux textes dans la version du Semeur :
“Voici, je vais vous révéler un mystère : nous ne passerons pas tous par la mort, mais nous
serons tous transformés, en un instant, en un clin d’œil, au son de la trompette dernière.
Car, lorsque cette trompette retentira, les morts ressusciteront pour être désormais incorrup-
tibles, tandis que nous, nous serons changés. En effet, ce corps corruptible doit se revêtir
d’incorruptibilité et ce corps mortel doit se revêtir d’immortalité.”
“Car voici ce que nous vous déclarons d’après une parole du Seigneur : nous qui serons res-
tés en vie au moment où le Seigneur viendra, nous ne précéderons pas ceux qui sont morts.
En effet, au signal donné, sitôt que la voix de l’archange et le son de la trompette divine re-
tentiront, le Seigneur lui-même descendra du ciel, et ceux qui sont morts unis au Christ
ressusciteront les premiers. Ensuite, nous qui serons restés en vie à ce moment-là, nous se-
rons enlevés ensemble avec eux, dans les nuées, pour rencontrer le Seigneur dans les airs.
Ainsi nous serons pour toujours avec le Seigneur.”
21

Quand aura lieu lřenlèvement de lřEglise ?


AVANT LA TRIBULATION : Cřest lřinterprétation dispensationaliste. LřEglise
est enlevée avant les jugements de lřApocalypse, et certains le situent dans les
mots dřApocalypse 4.1. Apocalypse 6 à 18 concerne donc un monde sans
chrétiens. Dans ce cas, lřinterprétation de ces textes nřa que peu dřintérêt pour
les chrétiens !
PENDANT LA TRIBULATION : Christ arrache son église en pleine tribulation
avant que se déverse la colère de Dieu par les jugements des coupes.
Lřenlèvement est alors à lřépoque de la septième (la dernière) trompette. On
aura donc à y revenir en interprétant Apocalypse 10 à 12.
APRES LA TRIBULATION : LřEglise est enlevée au moment même du retour
de Christ sur terre. Sřil faut le rechercher en Apocalypse, ce serait donc en
19.11-16, ou, à la rigueur, en 19.6-8. Mais, en général, on ne cherche pas à re-
placer lřévénement dans un contexte précis. En général, ceux parmi les prémil-
lénaristes et amillénaristes qui adhèrent à cette interprétation en parlent peu.
Il y a donc une influence double : celle de la théologie sur lřinterprétation
de ce livre difficile, et celle de lřinterprétation de ce livre sur la théologie. Une
interprétation objective nřexiste pas. Il faudra toujours faire des choix. Seul
lřaccomplissement constituera une interprétation infaillible ! Mais cela ne doit
pas nous encourager à un agnosticisme bienveillant au sujet de la prophétie en
général et de ce livre en particulier. Plus les temps avancent, plus il faut juste-
ment ouvrir ce livre afin de ne pas se laisser séduire par le serpent ancien. Mais
notre interprétation sera toujours marquée par nos choix théologiques.

La structure de l’Aoocalyose

Faut-il voir un développement essentiellement chronologique entre les visions


ou sřagit-il dřune structure cyclique ? Les trois visions des sceaux, des trom-
pettes et des coupes se suivent-elles dans lřaccomplissement, ou sont-elles des
quasi répétitions où chaque dernier élément nous conduit à la fin de lřâge ?
Faut-il comprendre des scènes successives comme un drame, où il faut chaque
22

fois évaluer quel lien la scène a avec lřensemble ? Ou faut-il renoncer à lřidée
dřavoir un plan qui sous-tend le livre ?

W J Grier16, dans un livre écrit pour convaincre du bien fondé des thèses
amillénaristes, argumente en faveur dřun parallélisme, et donc dřune lecture
cyclique de lřApocalypse. Selon lui, Ŗil suffit dřexaminer la finale [des diffé-
rentes parties du livre], pour constater que le livre avance, dans un crescendo
ininterrompu, vers lřévénement suprême qui constitue son sommet.
En effet, le chapitre 6 nous conduit tout près de la fin, avec ces hommes
qui supplient montagnes et rochers en disant : « Tombez sur nous et cachez-
nous loin du regard de celui qui est assis sur le trône et loin de la colère de
lřAgneau. Car le grand jour de sa colère est venu. »
Le chapitre 11 à son tour débouche sur les temps de la fin avec la dernière
trompette qui annonce le Jugement.
Le chapitre 14 décrit à nouveau la fin des temps sous lřaspect dřune double
récolteŕla moisson et la vendange.
Le chapitre 16 nous amène jusquřau moment où lřon entend la voix qui
vient du trône déclarer « cřen est fait ! », et où Dieu donne à Babylone la coupe
où bouillonne le vin de sa colère.
Le chapitre 19, lui, nous conduit à lřapparition, sur un cheval blanc, du
Conquérant vainqueur de tous ses ennemis, du Roi des rois et du Seigneur des
seigneurs.
Le chapitre 20 enfin place sous nos yeux le grand trône blanc, et tous les
morts, grands ou petits, qui se tiennent devant Dieu; à cette scène succède le
glorieux tableau des nouveaux cieux et de la nouvelle terre : cřest la consom-
mation des temps.
On le voit : il y a ici une montée vers un sommet.ŗ
A première vue, cela peut sembler assez concluant. Mais dès quřon regarde
plus dans le détail, les problèmes dřune telle lecture apparaissent. Tout
dřabord, on est frappé par la différence entre les cycles. Y en a-t-il réellement
sept en tout ? A quel cycle appartient le chapitre 7 ? Les chapitres 10 et 11.1-
14 interrompent le cycle des trompettes. Ensuite, et nous y reviendrons plus
loin en parlant du cycle des trompettes, le sixième sceau à la fin du chapitre 6

16
W. J. GRIER, Le grand dénouement, Mulhouse : Grâce et Vérité, 1977, pp 103,104.
23

n’est pas la fin. Le texte nous dit que le temps de la colère va seulement arriver,
6.17. Ce texte est suivi par le septième sceau qui, tel quel, ne semble corres-
pondre à rien, et cřest plutôt déroutant ! En fait, le septième sceau nřa du sens
que si on le voit comme contenant toute la suite qui décrit justement les évé-
nements que pressentent les gens en 6.15-17.
De même, la septième trompette annonce que le temps de détruire ceux
qui détruisent la terre est venu. Lřaccomplissement de cela est décrit dans la
suite, par les jugements des coupes.
Le chapitre 14 fait clairement partie dřune parenthèse dans le déroulement
du texte. Entre les jugements des trompettes et des coupes, ce chapitre donne
en effet un aperçu de ce qui arrivera plus tard. Mais cela ne plaide pas néces-
sairement pour un parallélisme dans la structure.
La fin du chapitre 16 nous amène forcément à la fin et au retour de Christ,
décrit au chapitre 19. La parenthèse qui suit, chapitres 17 et 18, élabore cette
chute de Babylone, objet de la septième coupe.
Il est évident que le chapitre 19 aboutit au retour de Christ, mais dire que
le chapitre 20 recommence aussi vite un nouveau cycle est tout de même un
peu rapide. La révolte contre Dieu a été lřeffet du dragon dřabord, de la bête et
du faux prophète ensuite. La fin du chapitre 19 raconte la fin des deux der-
niers. Ne sřattend-on pas justement à lire la fin du dragon ? Cřest ce que fait le
début du chapitre 20. Il nřy a donc aucune trace dřun début dřun nouveau
cycle.
Bien sûr, il y a une montée vers un sommet. Mais cette montée est lřeffet
du livre dans son ensemble.
Pour les amillénaristes, les sceaux décriraient les jugements vus dans leur
effet global, les trompettes ces mêmes jugements vus de la part des incroyants.

Gardner donne un tableau de comparaison pour prouver la nature cyclique


du livre :

Sixième sceau Septième trompette Septième coupe


Il y eut un violent tremblement Les nations s’étaient soulevées Une voix forte, venant du
de terre. Le soleil devint noir dans leur fureur, mais ta colère trône, sortit du Temple. C’en
comme une toile de sac, la lune est arrivée. L’heure est venue où est fait, dit-elle. (16.17)
tout entière devint rouge tous les morts seront jugés et où Alors, il y eut des éclairs, des
comme du sang. Les étoiles du tes serviteurs les prophètes, voix et des coups de tonnerre,
24

ciel s’abattirent sur la terre, tous ceux qui t’appartiennent, et un violent tremblement de
comme font les fruits verts tous ceux qui te révèrent, petits terre; on n’en avait jamais vu
d’un figuier secoué par un gros et grands, seront récompensés. d’aussi terrible depuis que
coup de vent. Le ciel se retira C’est aussi le moment où ceux l’homme est sur la terre. La
comme un parchemin qu’on qui détruisent la terre seront grande ville se disloqua en trois
enroule, et toutes les mon- détruits. Alors s’ouvrit le Temple parties et les villes de tous les
tagnes et toutes les îles furent de Dieu qui est dans le ciel, et le pays s’écroulèrent. Alors Dieu
enlevées de leur place. (6.12- coffre de son alliance y apparut. se souvint de la grande Baby-
14) Il y eut des éclairs, des voix, des lone pour lui donner à boire la
Septième sceau coups de tonnerre, un tremble- coupe pleine du vin de son ar-
Il y eut alors des coups de ton- ment de terre et une forte grêle. dente colère. (16.18,19)
nerre, des voix, des éclairs et (11.18,19) Toutes les îles s’enfuirent et les
un tremblement de terre. (8.5) montagnes disparurent. Des
grêlons énormes, pesant près
d’un quintal, s’abattirent du
ciel sur les hommes. (16.20,21)

Le fait de comprendre la structure de base du livre comme cyclique favo-


rise lřinterprétation qui voit dans le chapitre 20 un nouveau cycle, commen-
çant à la croix, où Satan est lié et qui débouche sur le jugement dernier. Mais
en même temps, le fait de voir dans le chapitre 20 un nouveau cycle encourage
la recherche des cycles ailleurs dans le livre.
Nous notons le problème du septième sceau. La fin du monde, selon cette
interprétation, arrive avec le sixième sceau. Cřest la raison que dans le schéma,
le beau parallélisme est mis à mal. A quoi peut donc servir le septième sceau ?
La question ne trouve pas vraiment de réponse. Le Ŗrefrainŗ (8.5; 11.19 et
16.18) ne conduit pas forcément à une lecture cyclique. Il sřaccommode tout
aussi bien dřune lecture linéaire. En fait, sřil nřy avait pas la ressemblance évi-
dente entre les quatre premières trompettes et les quatre premières coupes, et
la ressemblance, moins forte, entre la sixième trompette et la sixième coupe,
personne ne proposerait un parallèle entre les trompettes et les coupes dřune
part, les sceaux dřautre part. Dès quřon admet quřil nřy a pas de parallélisme
entre les sceaux et les jugements suivants, le septième sceau retrouve sa place
logique. On est alors dans de meilleures conditions pour faire justice aux diffé-
rences entre les trompettes et les coupes. Une lecture cyclique est un peu réduc-
trice de la complexité du livre. Dire que les trompettes décrivent les mêmes
jugements que les sceaux, mais dřun autre point de vue, est une affirmation
25

gratuite, suscitée par le carcan exégétique, mais sans aucun fondement dans le
texte.17
Notons par contre le refus assez généralisé des interprètes amillénaristes
devant lřexplication typiquement dispensationaliste des sept églises (ces églises
représenteraient sept périodes dans lřhistoire). Ne serait-il pas bien plus lo-
gique, pour eux, de voir ici comme un premier cycle qui sřachève, lui aussi,
avec la fin ?
Il nous semble plus raisonnable de voir dans ce livre une structure chrono-
logique18, tout en acceptant que ce développement linéaire se trouve réguliè-
rement interrompu par des parenthèses afin de répondre à certaines questions.
Ainsi, par exemple, et nous lřavons déjà rappelé, 17.1 montre que le passage
qui suit est bien une telle parenthèse.
Voici la structure du livre qui sous-tend notre interprétation :

APOCALYPSE
Introduction et thème 1.1-20
Les lettres aux sept églises 2.1-3.22
Ephèse : L’église de l’amour perdu
Smyrne : L’église de l’amour éprouvé
Pergame : L’église de l’amour compromis
Thyatire : L’église de l’amour corrompu
Sardes : L’église de l’amour mort
Philadelphie : L’église de l’amour zélé
Laodicée : L’église de l’amour vaincu
Le livre scellé 4.1-16.21
1. Les sceaux Les signes avant-coureurs
er
1 sceau, 6.1,2 : La séduction
e
2 sceau, 6.3,4 : La guerre
e
3 sceau, 6.5,6 : La famine
e
4 sceau, 6.7,8 : La mort
e
5 sceau, 6.9-11 : La persécution

17
Ladd arrive à la même conclusion que nous sur l’intensification des jugements entre les sceaux, les
trompettes et les coupes.
18
Nous aurons à y revenir à plusieurs endroits : lors du sixième et du septième sceau, comme au cha-
pitre 20.
26

e
6 sceau, 6.12-17 : Le grand séisme
e
1 parenthèse, 7.1-17 QUI PEUT SUBSISTER ?
e
7 sceau, 8.1-6 : Le grand silence.
Annonce des 7 trompettes
2. Les trompettes Les jugements des tiers
ère
1 trompette, 8.7 : La terre
e
2 trompette, 8.8,9 : Les mers
e
3 trompette, 8.10,11 : L’eau potable
e
4 trompette, 8.12,13 : Le soleil
e
5 trompette, 9.1-12 : Abaddon et ses sauterelles
er
= fin 1 malheur
e
6 trompette, 9.13-21 : 200 millions de soldats à
l’Euphrate
e
2 parenthèse, 10.1-11.14 COMMENT SUBSISTER ?
1° Le petit livre 10.1-11
2° Les deux témoins 11.1-14
e
= fin 2 malheur
e
7 trompette, 11.15-19 Christ entre dans son règne
e
3 parenthèse, 12.1-14.20 LE DRAGON ET LA BETE
1° L’histoire du grand conflit 12.1-18
2° Les deux bêtes 13.1-18
3° Le jugement 14.1-20
e
7 trompette, 15.1-16.1 Annonce des 7 coupes
3. Les coupes La colère de Dieu
ère
1 coupe, 16.2 : La terre
e
2 coupe, 16.3 : La mer
e
3 coupe, 16.4-7 : L’eau potable
e
4 coupe, 16.8,9 : Le soleil
e
5 coupe, 16.10,11 : Les ténèbres
e
6 coupe, 16.12 : L’Euphrate
e
7 coupe, 16.17-21 : La chute de Babylone
e
= fin 3 malheur (?)
27

e
4 parenthèse, 17.1-19.10 LA PROSTITUEE ET L’EPOUSE
1° La grande Babylone 17.1-18.24
2° Les noces de l’Agneau 19.1-10
Les sept visions du dénouement final 19.11-21.8
Le retour de Christ 19.11-16
Le grand festin de Dieu 19.17,18
La fin de la bête 19.19-21
L’enchaînement de Satan 20.1-3
Le Millénium et la fin du diable 20.4-10
Le jugement dernier 20.11-15
La nouvelle création 21.1-8
e
5 parenthèse, 21.9-22.5 LA NOUVELLE JERUSALEM

Exhortations finales 22.6-21 - Viens, Seigneur Jésus !

Il y a un enchaînement logique entre les trois séries de jugements, sceaux,


trompettes et coupes, et cet enchaînement se poursuit dans lřensemble des
sept visions suivantes. Le retour de Christ et la destruction de lřAntichrist avec
ses armées survient après la chute de Babylone. Satan est lié après cela, tout
comme il était manifestement et terriblement libre avant cela. Le règne millé-
naire du Christ suit la disparition momentanée de lřadversaire de Dieu et des
hommes. Autrement dit, le passage dřApocalypse 20.1-10 ne constitue pas une
autre parenthèse. Il nřy a pas de question particulière soulevée par le récit à ce
moment précis à laquelle ce texte doit offrir une réponse. Bien au contraire, la
question qui vient logiquement est : ŖEt quřadvient-il alors du dragon qui était
le maître chanteur de lřAntichrist et la cause de tout le malheur qui a terrassé la
planète ?ŗ Par contre, 21.9-22.5 constituent une vraie parenthèse, qui inter-
rompt le texte, et lřamène à sa conclusion. Après avoir montré la prostituée,
voici lřépouse. Cette nouvelle Jérusalem descendra-t-elle sur la terre du Millé-
nium, ou sur la nouvelle terre de 21.1 ? Nous aurons à y revenir bien sûr au
moment de parler de ce texte.
Pour mieux saisir ce développement chronologique, le voici résumé :
28

Le symbolisme dans l’Aoocalyose

Cřest quoi, un symbole ? Cřest un signe qui relie deux réalités (du Grec
sumbalein, mettre ensemble, joindre). Ainsi, le symbole de la croix relie la réa-
lité de la mort de Jésus à notre appréhension de cette réalité.
LřApocalypse utilise souvent des symboles, mais il nřest pas très facile de
distinguer où sřarrête cet usage. Autrement dit : Où y a-t-il manifestement
symbole et où avons-nous une description, étonnante certes, mais peut-être à
prendre à la lettre ?
Avant dřessayer de le préciser, posons la question suivante : Que veut dire
quřune chose est symbolique ? La question a son importance dans ce livre
chargé de symbolique. Pour certains, cela veut dire quřune chose nřa pas
dřexistence réelle. Elle est symbolique signifierait : ne cherchez pas plus loin,
cela veut dire ceci ou cela. Ainsi, le dragon est Satan et la nouvelle Jérusalem
est lřEglise. Une telle interprétation ne fait pas tout à fait justice aux textes. Le
sens symbolique ne remplace pas la chose vue, elle la complète et en donne le sens. Le
dragon est toujours Satan. Cřest ainsi quřil faut le comprendre. Mais le dragon
est réel dans toute sa terreur. Cřest ainsi quřil frappe la rétine de Jean. La nou-
29

velle Jérusalem est lřEglise de Jésus-Christ dans toute sa splendeur. Mais la


ville est pourtant réelle. Cřest ainsi que Jean lřa vue, et cřest probablement ainsi
que nous la verrons … de lřintérieur, et quřil sera peut-être possible à certains
de lřappréhender de lřextérieur. Le sens symbolique ne remplace donc pas,
mais il approfondit la compréhension. Que certains chiffres puissent être
chargés dřun sens symbolique (le 7, le 12) nřenlève donc rien à leur réalité, à
leur justesse en tant que chiffre. Les sept églises sont sept églises. Elles sont en
plus image de lřEglise de tous les temps.
Parmi les symboles sur lesquels il nřy a pas de discussion nous trouvons les
suivants : Le lion qui est lřagneau, le dragon, la femme, la prostituée…, mais
aussi les chandeliers et les sept étoiles. Le déchiffrement de ces symboles nřest
pas vraiment très difficile, et parfois indiqué dans le texte, comme en 1.20 et
12.9. Cependant, même là, il faut se comprendre. Jean voit bien un dragon,
des chandeliers etc. Ces signes renferment un symbolisme, mais il est impor-
tant de tenir la réalité vue et la réalité signifiée ensemble. Cela nous amène à
une constatation importante. Là où il y a manifestement un symbole on peut
remplacer ce symbole par la chose symbolisée, tout en sachant que le symbole
ajoute un sens à la réalité et enrichisse cette réalité. Par exemple, on peut sans
peine remplacer le mot chandelier par le mot église dans les chapitres 1 à 3.
On peut remplacer le mot dragon par le mot Satan, même si le mot dragon
enrichit la compréhension que nous avons du diable.
Les choses sont moins simples lorsquřun symbole supposé se trouve mis à
mal par le détail du texte. Prenons deux exemples : Les quatre êtres vivants du
chapitre 4, sont-ils des êtres spirituels identifiables, tout comme les anges, ou
sont-ils le symbole des forces vives de la création, image de toute la puissance
du monde aux ordres de Dieu ? Si dans le contexte du chapitre, le sens symbo-
lique nřest guère en évidence, le vrai problème vient en 15.7 où l’un des quatre
êtres donne les coupes de la colère aux sept anges. Le détail du texte rend le
sens symbolique très artificiel. Mieux vaut donc les prendre pour des êtres spi-
rituels au-dessus des anges comme le suggère le texte dřApocalypse 4. Bien
sûr, en soi, cet exemple ne porte pas à conséquence pour la lecture du livre. Il
en va autrement pour lřexemple suivant. La femme en 12.1 est présentée par
nombre dřexégètes comme le symbole de lřEglise. En dehors du problème réel
que lřEglise nřest pas la ŘMèreř du Christŕelle est son épouse, ce sens symbo-
30

lique est vraiment mis à mal par 12.17 où les mêmes exégètes voient dans le
reste de la descendance de la femme également lřEglise. Comment lřEglise
peut-elle être en même temps la femme et la descendance de la femme ? Là en-
core, le détail du texte pose problème à lřexplication du symbole. Il nous faut
donc faire beaucoup dřattention aux détails du texte.
Un des problèmes avec une lecture trop symbolisante du texte est quřon
opère ainsi, à plusieurs endroits, à un certain réductionnisme de lřApocalypse.
On lisse le sens. Lřénorme variété du livre est ramenée à quelques interpréta-
tions limitées. Ainsi, dans les chapitres 11 et 12, presque tout est ramené à
lřEglise dans certains commentaires : le temple, la ville, les deux témoins, la
femme et sa descendance, tout est ramené à lřEglise. Un tout autre exemple de
ce genre de lissage se trouve en 9.1, où un astre reçoit la clé de lřabîme. En
1.18, il est dit que Jésus possède les clés de la mort et du séjour des morts. Ce
serait donc Jésus qui donne la clé en 9.1 ! (Gardner) Une telle manière de lire
est sûre de se heurter souvent au texte.
Quřen est-il des chiffres ? Les 144.000, les 1.260 jours… ? Sont-ils symbo-
liques ? Mais de quoi ? En quoi cela nous aide-t-il à comprendre quelque
chose dřimportant à travers le symbole ? 144.000 = 12x12x1.000 ? Le calcul
est au-dessus de tout reproche, mais rien ne nous assure que cřest là ce que le
livre cherche à nous dire ! Quant aux 1.260 jours, ils correspondent aux 42
mois, et plus que probablement au Řun temps, des temps et la moitié dřun
tempsř que nous rencontrons ailleurs dans le texte, comme dřailleurs dans le
livre de Daniel. Cela renforce plutôt lřidée dřune durée littérale. Y voir un
symbolisme ne nous amène nulle part. Il nous semble plus que probable que
les chiffres qui se réfèrent au temps sont à prendre au pied de la lettre. Il fau-
dra dřailleurs toujours se reposer la question : symbole de quoi ? Nous aurons
à y revenir dans le commentaire du chapitre 11.
Et les mille ans du règne messianique ? Grier19 écrit ceci :
ŖCeux qui, dans ce texte, prennent au pied de la lettre le chiffre mille ne
tiennent absolument pas compte de lřutilisation des nombres dans le livre de
lřApocalypse. … Le chiffre « mille » apparaît au moins vingt fois dans le livre
de lřApocalypse : pas une seule fois il nřest employé littéralement. Il est em-
ployé en tant que symbole de perfection. Milligan a pu dire que « si nous in-

19
Op. cit. p. 110.
31

terprétons ces mille ans de façon littérale, alors nous sommes en présence du
seul exemple où lřon voie un nombre utilisé dans son sens littéral dans
lřApocalypse, et cette objection suffit, à elle seule, à démolir cette interpréta-
tion. »ŗ
Celui qui veut découvrir ces vingt références au chiffre mille se rend vite
compte quřon y arrive seulement en tenant compte de lřensemble des chiffres
dépassant le nombre Řmilleř : 144.000, 1.260. Grier raisonne à partir dřun sens
symbolique non avéré de ces autres chiffres pour démontrer un sens symbo-
lique pour le chiffre Řmilleř au chapitre 20. Ce nřest pas très satisfaisant comme
raisonnement. Nous pourrions conclure avec autant de panache que Milligan,
cité par Grier, que si on veut interpréter les mille ans de façon symbolique,
nous sommes en présence du seul exemple où lřon voie un nombre utilisé
dans son sens symbolique dans lřApocalypse.
La géographie est-elle réelle ou symbolique ? Par exemple, lřEuphrate en
9.14 ? Nous serions bien téméraires dřy voir seulement un symbolisme. De
quoi dřailleurs ? De la limite entre lřOrient et lřOccident ? Etait-ce vraiment
vécu ainsi au temps de Jean ? Quant à la nouvelle Jérusalem qui descend sur
terre, représente-t-elle un lieu géographique ? Disons quřelle peut très bien re-
présenter une localisation sans être un fait matériel de la géographie du mo-
ment. Nous aurons à y revenir. Harmaguédon, en 16.16, par contre, est néces-
sairement une localisation géographique.20
Quřen est-il du contenu des sceaux, des trompettes et des coupes ? Nous
devons de nouveau nous poser la question : si tout cela est symbolique, alors
de quoi ? Que veut dire le symbole ? Des descriptions qui paraissent au pre-
mier regard plus fantastiques que symboliques peuvent très bien nřêtre quřun
langage primitif par lequel Jean essaie de décrire avec le vocabulaire et la com-
préhension du premier siècle ce qui appartient à une époque encore future
même de nos jours. Parfois, quand on a recours à une interprétation symbo-
lique, on nřexplique rien. On donne plutôt lřimpression de simplement évacuer
les choses dans le monde de lřirréel : Ŗcřest symbolique, ne cherchez pas à
comprendre.ŗ Or, le but du livre nřest pas de voiler, mais de dévoiler.

20
Contre la BA qui voit en ces endroits des lieux symboliques, comparable à l’expression “trouver en
tel lieu son Waterloo’.
32

Ce traitement symbolique est poussé bien plus loin dans le passage qui
touche à lřenchaînement de Satan. Gardner suggère que Satan ne peut plus sé-
duire les nations à croire quřil est leur unique seigneur. Son enchaînement se-
rait la condition qui rend possible la Mission de lřEglise. Avant, les nations al-
laient leur propre chemin (Actes 14.16), mais maintenant, la mort et la résur-
rection de Christ ont changé les choses parce que Satan est lié. Ses pouvoirs
ont été réduits de façon dramatique, bien que ses émissaires continuent à œu-
vrer contre lřEvangile. Il peut encore conduire la Bête, mais il ne sera vraiment
actif quřune fois délié. Mais peut-on vraiment maintenir tout cela ? Le lion ru-
gissant qui cherche à dévorer (1 Pierre 5.8), donne-t-il impression dřêtre un
chat dompté ? Pourquoi ne faut-il donner aucune prise au diable, Ephésiens
4.27 ? Comment peut-il continuer à accuser les frères, jour et nuit, devant
Dieu, Apocalypse 12.10 ? La conclusion claire de lřEcriture est que lřennemi,
bien que vaincu, nřest pas encore lié.
Certains auteurs veulent aussi voir un sens symbolique dans la première ré-
surrection dřApocalypse 20.5. Il faudrait la comprendre comme le symbole de
la conversion qui ressuscite le nouveau croyant de la mort du péché à la vie
éternelle. La résurrection à venir serait alors la deuxième résurrection, corpo-
relle celle-là. Nous expliquerons notre désaccord avec une telle lecture plus
loin. Les versets 4 et 5 ne permettent pas de donner un sens spirituel à la
mort. Une lecture normale du texte permet à quiconque de conclure que non
seulement le sens y est littéralŕmort et résurrection corporelleŕmais il nřest que
littéral. Aucun sens symbolique nřy est en évidence. Une telle lecture nřest pas
la conclusion du texte, mais la conséquence dřune doctrine préalable. Ce nřest
pas une très bonne manière de faire de lřexégèse !
Pour conclure : Nous nous imposons la règle suivante : le remplacement
du symbole par la chose symbolisée, donne-t-il un sens clarifiant partout où le
symbole est utilisé ? Si ce nřest pas le cas, il nřy a probablement pas de sym-
bole et il faudra chercher dans une autre direction pour lřinterprétation du
texte.
33

Lire l’Aoocalyose

La clé du livre est donnée dès le début.


Révélation de Jésus-Christ, que Dieu lui a donnée pour montrer à ses serviteurs ce qui
doit arriver bientôt, et qu’il a fait connaître par l’envoi de son ange à son serviteur Jean, ce-
lui-ci a, comme témoin, annoncé la parole de Dieu et le témoignage de Jésus-Christ : tout ce
qu’il a vu. Heureux celui qui lit et ceux qui écoutent les paroles de la prophétie et gardent ce
qui s’y trouve écrit ! Car le temps est proche.
Nous devons lire ce livre. Comme le reste des Ecritures, nous ne devons
pas chausser dřabord nos lunettes théologiques, mais lire ce livre pour ce quřil
est, le dernier livre de la Bible. Nous devons le comprendre dans lřharmonie
du texte de toute la Bible, cela va de soi, mais nous devons commencer par le
lire sans doctrine préconçue. Ce livre ne doit pas confirmer nos conclusions
mais nous aider à parvenir à nos conclusions. Nous ne devons pas interpréter
ce livre pour le faire cadrer, tant que faire se peut, avec nos théologies déjà
établies, mais suspendre nos conclusions jusquřà ce que la lecture de ce livreŕ
lecture sur laquelle repose une bénédiction particulièreŕait pu nous pénétrer.
Nous ne pouvons simplement suivre ce que dřautres ont dit. Nous devons
lire ce livre, écouter ce que dit lřEsprit aux églises, avant de choisir une ma-
nière dřinterpréter qui nous semble à la fois pertinente quant à lřensemble de la
question dans la Bible, et qui fait honneur au texte. Par contre, si les temps de
lřaccomplissement final de ce livre sont proches, et nous le croyons, nous ne
pouvons pas nous permettre une simple attitude dřignorance. Cela traduirait
trop facilement une certaine paresse intellectuelle ou une crainte de se démar-
quer du consensus théologique.
Notre lecture ne sera ni amillénariste, ni dispensationaliste, même si elle a
une dette importante envers ce dernier courant dřinterprétation. Cřest lui le
premier qui nous a rendus attentifs à lřurgence du moment, et à la possibilité
dřinterpréter la prophétie dřune manière actuelle.
34

L’Agneau les conduira

Apocalypse 1-7

Le témoignage de Jésus
1.1-20
1 1Révélation de Jésus-Christ, que Dieu lui a donnée pour montrer à ses servi-
teurs ce qui doit arriver bientôt, et quřil a fait connaître par lřenvoi de son ange à
son serviteur Jean, 2celui-ci a, comme témoin, annoncé la parole de Dieu et le té-
moignage de Jésus-Christ : tout ce quřil a vu. 3Heureux celui qui lit et ceux qui
écoutent les paroles de la prophétie et gardent ce qui sřy trouve écrit ! Car le temps
est proche.
4Jean aux sept églises qui sont en Asie : Que la grâce et la paix vous soient

données de la part de celui qui est, qui était et qui vient, de la part des sept esprits
qui sont devant son trône, 5et de la part de Jésus-Christ, le témoin fidèle, le pre-
mier-né dřentre les morts et le souverain des rois de la terre ! A celui qui nous
aime, qui nous a délivrés de nos péchés par son sang, 6et qui a fait de nous un
royaume, des sacrificateurs pour Dieu son Père, à lui la gloire et le pouvoir aux
siècles des siècles ! Amen ! 7Voici quřil vient avec les nuées. Tout homme le verra,
même ceux qui lřont percé; et toutes les tribus de la terre se lamenteront à son su-
jet. Oui, amen ! 8Je suis lřAlpha et lřOméga, dit le Seigneur Dieu, celui qui est, qui
était et qui vient, le Tout-Puissant.
9Moi Jean, qui suis votre frère et qui prends part à la tribulation, à la royauté et

à la persévérance en Jésus, jřétais dans lřîle appelée Patmos, à cause de la parole de


Dieu et du témoignage de Jésus. 10Je fus [ravi] en esprit au jour du Seigneur, et
35

jřentendis derrière moi une voix, forte comme le son dřune trompette, 11qui disait :
Ce que tu vois, écris-le dans un livre, et envoie-le aux sept églises : à Ephèse, à
Smyrne, à Pergame, à Thyatire, à Sardes, à Philadelphie et à Laodicée.
12Je me retournai pour découvrir la voix qui me parlait. Après mřêtre retourné,

je vis sept chandeliers dřor, 13et au milieu des chandeliers quelquřun qui ressem-
blait à un fils dřhomme. Il était vêtu dřune longue robe et portait une ceinture dřor
sur la poitrine. 14Sa tête et ses cheveux étaient blancs comme laine blanche,
comme neige. Ses yeux étaient comme une flamme de feu, 15ses pieds étaient
comme du bronze qui semblait rougi au four, et sa voix était comme la voix des
grandes eaux. 16Il avait dans sa main droite sept étoiles, de sa bouche sortait une
épée aiguë à deux tranchants, et son visage était comme le soleil, lorsquřil brille
dans sa force. 17Quand je le vis, je tombai à ses pieds comme mort. Il posa sur
moi sa main droite en disant : Sois sans crainte ! 18Moi je suis le premier et le der-
nier, le vivant. Jřétais mort, et me voici vivant aux siècles des siècles. Je tiens les
clés de la mort et du séjour des morts. 19Ecris donc ce que tu as vu, ce qui est et
ce qui va se produire ensuite. 20Quant au mystère des sept étoiles que tu as vues
dans ma main droite, et aux sept chandeliers dřor : les sept étoiles sont les anges
des sept églises, et les sept chandeliers sont les sept églises.

Le mot Řapocalypseř a deux connotations bien différentes. Pour les chré-


tiens, le mot nřa rien de sinistre. Bien au contraire, Christ se révèle et il dévoile
lřaboutissement de lřhistoire, certes terrible en jugements, mais heureux pour
eux. Christ nřavait-il pas promis quřil reviendrait ? Nřavait-il pas dit à ses dis-
ciples de lever la tête quand ils verraient le début de ces choses parce que leur
délivrance approchait ? Mais dans le monde, le mot est devenu lřéquivalent de
lřembrasement final, le cataclysme total contre lequel il faudra se prémunir tant
que faire se peut. Empruntée par le cinéma, lřApocalypse se transforme en
science-fiction. Cela ne peut arriver, dit-on, et on la refoule parmi les cauche-
mars de lřhumanité. Nřy a-t-il pas que les sectes qui la manient pour augmenter
la peur et manipuler les gens à se réfugier en leur sein ? Non, la science saura
éviter le pire. Lřapocalypse nřaura pas lieu. Lire ce livre compliqué ? Mais à
quoi bon ? De toute façon, soit on ne peut rien y comprendre, soit il nřy a rien
à comprendre. Passez donc votre chemin
Pourtant, cřest le seul livre de la Bible qui contienne des bénédictions parti-
culières pour le lecteur, pour celui qui lřécoute et pour celui qui le met en pra-
tique, 1.3. Dans la conclusion du livre, cette bénédiction revient : Voici, dit Jé-
36

sus, je viens bientôt ! Heureux celui qui garde les paroles prophétiques de ce livre (22.7).
Parce que le temps est proche (peut-on dire aussi : plus le temps est proche ?),
il faut ouvrir le livre et se laisser avertir. Bien sûr, ce livre nřest pas avant tout
écrit comme un commentaire des actualités, mais plutôt comme un guide du
savoir résister. Son but est dřaider et dřencourager les chrétiens à résister
contre la séduction, à lutter contre la peur et à tenir ferme jusquřau bout.
Le témoignage de Jésus est une expression relativement fréquente dans le livre.
Il revient ici en 1.2,9, et plus loin, en 6.9; 12.11,17; 19.10 et 20.4. Cela forme
dřailleurs un des nombreux multiples de sept qui émaillent ce texte. Il nřest pas
possible de perdre de vue la place centrale de Jésus dans ce livre. LřApocalypse
nřest pas simplement une annonce des terreurs à venir. Le comprendre ainsi
prouverait quřon nřa rien compris. Jésus-Christ est la clé qui ouvre ce livre,
même si lřouverture ne nous semble guère plus quřun entrebâillement. Tout
tourne autour de Ŗla Parole de Dieu et le témoignage de Jésusŗ, ce qui rappelle
par ailleurs que ces deux sont ainsi revêtus dřune importance semblable. Ce
témoignage est lřesprit de la prophétie (19.10). Autrement dit, la prophétie se
dérobe à notre compréhension tant que nous ne la voyons pas centrée sur Jé-
sus-Christ. Vouloir se servir de la prophétie biblique en dehors de Jésus-Christ
est une entreprise condamnée dřavance.

LřADRESSE (vv. 4,5). Lřapôtre Jean21 adresse ce livre aux sept églises dřAsie
Mineure : Ephèse en tant quřéglise mère, où Jean a résidé longtemps, et où,
selon la tradition, il est mort, et les six églises dépendantes de celle-ci, et énu-
mérées au verset 11. Cette liste nřest pas nécessairement complète. Y man-
quent par exemple les églises de Colosses et de Hiérapolis. Ces sept églises
étaient peut-être plus particulièrement sous la responsabilité de Jean. On a
aussi suggéré quřune route reliait ces sept villes et quřun messager aurait suivi
logiquement ce circuit pour distribuer ces lettres. Faut-il prendre le chiffre
sept ici comme le symbole de la plénitude ? Il faut probablement répondre par
oui et non en même temps ! Il y a certainement eu sept églises littérales à qui

21
La question de l’auteur a préoccupé pas mal de commentateurs. Le témoignage de l’Eglise ancienne
est très largement en faveur de l’apôtre Jean. Kuen (Intro 30) cite Tertullien (160-220) qui dit que
l’apôtre “aurait été amené à Rome par ordre impérial, interrogé et torturé là, puis banni dans une île”
(De Praescriptione XXXVI, Paris, Ed. Picard, 1907, p. 79). Nous acceptons cette attribution à l’apôtre
que rien n’a encore vraiment contredit.
37

lřApocalypse a été envoyé. Mais que ces sept églises représentent en même
temps la totalité de lřEglise de Jésus-Christ de tous les temps et en tout lieu est
une évidence.
Jean a probablement écrit son livre sous le règne de lřempereur Domitien,
vers la fin du premier siècle de lřère chrétienne.
Lřadresse a bien sûr son importance. LřApocalypse devait être lue par des
chrétiens vivant dans un contexte précis et historique. Ce livre était écrit pour
les encourager, les corriger et les stimuler. Leur compréhension de ce texte ne
doit alors jamais être loin de notre esprit quand nous essayons de lřinterpréter.
Mais cela ne veut pas dire quřils ont pu tout comprendre. Même Jean nřen a
pas été capable ! Lřadresse ne doit donc pas créer un carcan hors duquel toute
interprétation est impossible.
Une salutation trinitaire. ŖIl est, il était et il vientŗ. Cette salutation reflète le
sens profond du nom de Dieu. A Moïse, Dieu sřétait ainsi révélé : ŖJe suis ce-
lui qui suisŗ, Exode 3.14. Il est Dieu à toute époque, et sur lui le temps nřa pas
de prise. Il nřest pas un Dieu statique, mais dynamique, toujours avant nous et
avant tout, toujours présent et jamais excluŕsinon de la vie de ceux qui veu-
lent vivre sans luiŕet toujours au-delà de nous, toujours un pas plus loin. Les
sept esprits sont peut-être une référence à Esaïe 11.2, où le prophète décrit le
Messie comme lřhomme sur qui repose lřEsprit de lřEternel : Esprit de sagesse et
d’intelligence, Esprit de conseil et de vaillance, Esprit de connaissance et de crainte de
l’Eternel. Cette septuple description (six qualificatifs plus le titre ŖlřEsprit de
lřEternelŗ) a pu conduire Jean à parler des sept esprits de Dieu. La même
mention revient en 4.5, où le renvoi au chandelier à sept branches nous
semble évident. Mais Jean nřest pas en train de feuilleter lřAncien Testament :
il transmet ce quřil a vu. La plénitude impliquée par le chiffre sept indique la
plénitude de lřEsprit de Dieu. Que cela ait un lien avec les sept églises (sept
églises donc sept esprits) nous semble moins probable. Par contre, ce qui est
original est le fait dřune salutation trinitaire où lřEsprit figure en deuxième po-
sition. Mais dans lřordre de la révélation de Dieu, lřEsprit précède le Fils. Le
Fils est révélé après lui.
Trois titres décrivent Jésus-Christ : Le témoin fidèle. Il est vrai dans ce quřil
nous dit de Dieu. Nous pouvons donc fonder notre foi sur ce quřil a dit et vé-
cu. Cřest dřailleurs ce que Jésus a maintenu lui-même : Jésus leur répondit : Oui, je
me rends témoignage à moi-même : mais mon témoignage est vrai, car je sais d’où je suis ve-
38

nu et où je vais; quant à vous, vous ne savez pas d’où je viens ni où je vais. Vous jugez se-
lon des critères purement humains, moi, je ne juge personne. Et à supposer que je porte un
jugement, ce jugement est vrai, car je ne suis pas seul pour juger, mais avec moi, il y a aussi
le Père qui m’a envoyé. Le témoignage commun de deux personnes n’est-il pas vrai ? C’est ce
qui est écrit dans votre Loi ! Eh bien, moi, je suis mon propre témoin; et le Père qui m’a
envoyé me rend aussi témoignage. (Jean 8.14-18) Nous pouvons donc fonder notre
foi sur lui sans crainte de nous tromper ou dřêtre trompés.
Le premier-né d’entre les morts. Il est le vainqueur de la mort, le premier dřune
nouvelle humanité. Cřest ici que le Christianisme véhicule un message totale-
ment unique. Non seulement Christ est mort, mais il est ressuscité, sorti cor-
porellement du tombeau, trois jours après y avoir été enterré après une mort
attestée officiellement. Avec lui commence alors le futur dont ce livre décrit
lřaboutissement. Nous pouvons donc bâtir notre avenir sur lui.
Le souverain des rois de la terre. Il aura le dernier mot, et nul ne pourra lui ré-
sister. Tout pouvoir finira par devoir se soumettre à lui. Si nous ne voyons pas
encore aujourdřhui que tout lui est soumis, Hébreux 2.8, ce livre nous fait en-
trevoir cette réalité. Tout genou fléchira devant lui. Nous pouvons donc sans
crainte risquer notre vie pour lui.

LE CHANT (vv. 5-8). Dès le début, ce livre étonnant sřexprime en louange.


Ce sera un de ses motifs récurrents.22 Il nřy a pas de place ici pour le découra-
gement : Christ est victorieux. Il va mener lřHistoire à sa fin selon son projet. Il
ne laisse aucune place à lřincertitude. Nous pouvons donc nous mettre à chan-
ter même si tout semble encore obscur à nos yeux. Il nous a délivrés de nos péchés
par son sang. Le Roi qui vient est le sacrifice qui nous a mis au large. Dieu nřagit
pas selon les méthodes humaines : ruse, force brutale, orgueil. Cřest son
amour qui nous a attirés. Nřest-ce pas là le secret des martyrs : le Fils de Dieu
mřa aimé et il a donné sa vie pour moi ? Lřamour divin aura le dernier mot ! Si
cela nřest pas notre témoignage, ce livre restera incompris. Christ remplace les
royaumes de ce monde par un royaume de sacrificateurs, cf. Exode 19.6, ŖQuant à
vous, vous serez pour moi un royaume de sacrificateurs et une nation sainte …ŗ. Lřavenir
nřest ni aux armées, ni aux économistes, mais à ceux qui suivent ce Jésus à qui
appartiennent le règne, la puissance et la gloire.

22
Voir à ce sujet Robert COLEMAN, Chanter avec les anges, Braine l’Alleud : ELB, 19..
39

Il vient avec les nuées. Cette citation du prophète Daniel 7.13,14, se retrouve
aussi dans la bouche de Jésus en Matthieu 24.30 et 26.64. Apocalypse 1.13 est
un autre reflet dans ce chapitre de ce texte messianique. Lřallusion à Zacharie
12.10 complète la phrase. Non seulement le peuple Juif, ou les habitants de
Jérusalem, mais toutes les tribus de la terre se lamenteront. Tout œil le verra et
saisira à lřinstant même ce qui se passe. Ce qui pouvait étonner les premiers
lecteurs, nous est devenu familier : un événement peut sřobserver en temps
réel de par le monde par des milliards de spectateurs. Est-ce par ce genre de
moyen médiatique que se verra le retour de Jésus ? Ce nřest pas impossible,
surtout si on met ce texte dans le contexte historique du chapitre 19. De toute
évidence, les caméras du monde entier seront braquées sur cette partie du
monde à cette époque. Je suis l’Alpha et l’Oméga, nous dirions : le A et le Z. Le
Dieu qui a commencé lřhistoire lřachèvera. Le Créateur tient toute lřHistoire
entre ses mains. Il est le Tout-Puissant et rien ne pourra se soustraire à son
pouvoir. Si dans ce texte, ces mots sřappliquent à Dieu, 22.13 les applique à
Jésus-Christ. Lřimplication est évidente.
Les chrétiens du temps de Jean étaient peu nombreux, méprisés et persécu-
tés. On dit que sous le règne de Domitien, contemporain de lřapôtre, et qui a
rendu le culte à lřempereur obligatoire, 40.000 chrétiens sont morts. Cela pro-
voque-t-il chez nous une tendance à devenir dépressifs ? A nous décourager ?
Il est vrai que souvent, les chrétiens ont été éparpillés et seuls, traqués et mal-
traités. Une tradition rapporte que Timothée, le disciple de Paul et plus tard
responsable de lřéglise dřEphèse, fut battu à mort dans cette ville. Pourtant,
voici de quoi être encouragé. Même Rome est entre les mains du Tout-
Puissant. Comme Pierre, marchant sur lřeau, nous sommes tentés de nous lais-
ser effrayer par les vagues. William Booth donna un jour ce conseil à une de
ses filles : regarde donc aux marées ! Regardons à la grande marée de Dieu qui
balayera le mal, la corruption, le deuil et la souffrance et qui amènera son
règne. Oui, il y a de quoi chanter au cœur de ce livre terrifiant !

PATMOS (vv. 9-20). Chanter sur lřîle de Patmos ? Les Romains en avaient
fait un bagne, où les condamnés travaillaient dur dans les carrières. Du moins,
cřest ce que beaucoup pensent, et lřavis de Tertullien déjà cité concorde avec
cela. Mais la question reste controversée. De toute façon, Jean nřy était pas
pour son plaisir. Il y était de par sa fidélité à Christ, pour la cause du Royaume
40

de Dieu.23 Il décrit cela très sobrement en disant quřil partage, lui aussi, avec
les églises à qui il adresse son livre, la tribulation, le royaume et la persévérance, et
cela à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus.24
Jean dit partager la tribulation. La Bible dit clairement deux choses à ce su-
jet. Premièrement, la tribulation est le lot normal du croyant. Le Nouveau Tes-
tament voit la tribulation comme lřexpérience fréquente du chrétien (par
exemple : Romains 5.3; 8.35; 12.1225). Mais, deuxièmement, Christ nous a sau-
vés de la colère à venir (1 Thessaloniciens 1.10; 5.926). Or, Apocalypse 15.1
semble bien dire que cřest dans le jugement des coupes que se concentre cette
colère. Ailleurs, le sixième sceau annonce que lřheure de la colère va sonner,
6.1727. La tribulation concerne les chrétiens. Mais la colère à venir vise ceux
qui ont refusé de plier le genou devant le Fils de Dieu. Alors, et nous y revien-
drons bien sûr, il devient assez logique de conclure que lřenlèvement de
lřEglise devrait se situer après la tribulation et avant la colère, ce qui nous amène
de le situer lors de la septième trompette en Apocalypse 11.15 et 12.5.
Quelquřun a dit que Ŗla persévérance est lřalchimie spirituelle par laquelle
nous pouvons transformer la tribulation en royaume.ŗ Cřétait lřexpérience
commune des chrétiens sous les persécutions romaines. Mais ils ne se voyaient
pas pour autant comme des gens à plaindre : ils étaient heureux de pouvoir
souffrir pour le Christ. Paul capte cela dans ses lettres de prison. En ce qui con-
cerne le Christ, Dieu vous a accordé la grâce, non seulement de croire en lui, mais encore de
23
“J’étais dans l’île”. Jean a peut-être mis par écrit ses visions (ou une partie de celles-ci ?) après sa
captivité.
24
Jean n’est donc pas tranquillement assis dans son bureau. Il est dans une situation de détresse que
cherche à rendre Leo BAK dans sa Bande dessinée L’Apocalypse de Jean, Peyrus: Huskey Productions,
2005. Le trait y est forcée, mais peut-être plus proche de la réalité que ce qu’on croit généralement.
25
Bien plus, nous nous glorifions même dans les tribulations, sachant que la tribulation produit la per-
sévérance, (Rom 5.3)
Qui nous séparera de l’amour de Christ ? La tribulation, ou l’angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou
le dénuement, ou le péril, ou l’épée ? (Rom 8.35)
… Soyez patients dans la tribulation. Persévérez dans la prière. (Rom 12.12)
26
… et pour attendre que revienne du ciel son Fils qu’il a ressuscité des morts, Jésus, qui nous délivre
de la colère qui vient. (1Th 1.10)
Car Dieu ne nous a pas destinés à connaître sa colère, mais à posséder le salut par notre Seigneur Jé-
sus-Christ (1Th 5.)
27
Puis je vis dans le ciel un autre signe grandiose qui me remplit d’étonnement : sept anges portant
sept fléaux, les sept derniers par lesquels se manifeste la colère de Dieu. (Ap 15.1)
Car le grand jour de leur colère est arrivé, et qui peut subsister ? (Ap 6.17)
41

souffrir pour lui. (Philippiens 1.29) Et plus loin : C’est ainsi que je pourrai connaître le
Christ, c’est-à-dire expérimenter la puissance de sa résurrection et avoir part à ses souf-
frances, en devenant semblable à lui jusque dans sa mort, afin de parvenir, quoi qu’il arrive,
à la résurrection d’entre les morts. (3.10,11) Si nous persévérons, nous régnerons aussi avec
lui (2 Timothée 2.12).
Jean reçoit sa vision initiale au jour du Seigneur, définissant ainsi le premier
jour de la semaine (dimanche, Domini dies), célébré comme le jour où Jésus
apparut après la résurrection, et où lřéglise avait lřhabitude de se réunir28. Ce
nřétait bien sûr pas encore un jour chôméŕil faudra attendre quelques siècles
pour quřil le soitŕmais Jean sřétait probablement isolé pour rendre un culte
au Seigneur. Là, et à ce moment précis, le Seigneur lui apparaît. Derrière lui, il
entend une voix. Il est assez probable que Jean faisait face à la mer. La tradi-
tion a retenu quřil était dans une grotte au bord de la mer, et sur une île
comme Patmos, il nřest pas invraisemblable de se lřimaginer ainsi. Ce qui est
clair cřest que Jésus lui vient par derrière. Pas par devant, là où on le cherche,
mais par derrière, où on ne lřattend pas. Nřest-ce pas souvent ainsi que le Sei-
gneur vient à notre rencontre là où on sřy attend le moins ?
La description. Jean est incapable de vraiment décrire ce quřil a vu. Il ex-
prime quelque chose de la puissance, de la divinité, de la gloire du Christ
transfiguré. En fait, il voit la personne quřil décrira plus tard au verset 5. Le
Sauveur quřil avait côtoyé est révélé ici comme le Seigneur. Les emprunts à
Daniel 7.9-13, déjà cité, sont évidents, et ce texte a peut-être inspiré lřapôtre
dans sa description. La description est assez semblable à celle de Daniel
10.5,629. Cřétaient sans doute des textes messianiques très connus des disciples
juifs. Mais ce qui dans ce premier passage était attribué au Dieu éternel est ici
transféré vers le Fils. Son aspect révèle la gloire divine. Il nřest plus le Jésus

28
Le dimanche, nous étions réunis pour rompre le pain. Comme il devait partir le lendemain, Paul
s’entretenait avec les assistants et prolongea son discours jusque vers minuit. (Actes 20.7)
Que tous les dimanches chacun de vous mette de côté, chez lui, une somme d’argent selon ce qu’il aura
lui-même gagné, pour qu’on n’ait pas besoin d’organiser des collectes au moment de mon arrivée. (1
Corinthiens 16.2)
29
Je levai les yeux, et j’aperçus un homme vêtu d’habits de lin qui portait une ceinture d’or d’Ouphaz
autour des reins. Son corps luisait comme de la topaze, son visage flamboyait comme l’éclair, ses yeux
étaient pareils à des flammes ardentes, ses bras et ses pieds avaient l’éclat du bronze poli. Quand il
parlait, le son de sa voix retentissait comme le bruit d’une grande foule. (Daniel 10.5,6)
42

que Jean avait connu et lřapôtre tombe comme mort à ses pieds. Et pourtant,
cřest le même Jésus dès quřil se met à parler, comme autrefois à Marie-
Madeleine dans le jardin de la résurrection. On le reconnaît à sa voix, à ses pa-
roles. Il est le même qui est mort et ressuscité. Il est le premier et le dernier, et
donc égal à Dieu. Il est le vivant. Pas de trace ici dřun Jésus historique qui se-
rait distinct du Christ éternel. Non, il est le même, hier, aujourdřhui et pour
lřéternité, Hébreux 13.8. Cřest lui qui détient les clés de la mort et de lřau-delà.
Ni Pierre, ni Marie, ni personne dřautre. Il est le Vainqueur ultime de lřennemi
ultime. LřHomme de douleurs est le Maître de lřHistoire.
Le thème du livre. Lřordre dřécrire au verset 19 contient trois éléments dis-
tincts. Ce que tu as vu semble clairement faire référence à la vision du Christ
dans ce chapitre. Mais que veut dire le Seigneur quand il parle dřécrire ce qui est,
et ce qui va se produire ensuite ? Ce qui est, faut-il comprendre par là le contenu
des chapitres 2 à 5, la réalité actuelle des églises dřAsie mineure et cette autre
réalité, elle aussi actuelle, de lřAgneau sur le trône ? Par rapport au ce qui va se
produire ensuite, cela semble assez logique. Il est clair que ces mots indiquent le
dénouement de lřhistoire : les jugements de la fin, la venue de lřAntichrist et le
retour de Jésus. Où se situe la séparation entre ces deux parties ? Nous aurons
à y revenir.
Jésus explique ensuite le sens de deux choses que Jean vient de voir : les
sept chandeliers et les sept étoiles (versets 12 et 16). Cřest une des rares expli-
cations des symboles du livre, à comparer avec 12.9. Les chandeliers sont les
églises. Toute église chrétienne est un porte-lumière, implanté par le Seigneur.
Il a aussi autorité pour lřenlever, 2.5. Il faut peut-être penser aux premiers dix
chapitres de la prophétie dřEzéchiel, où la gloire de lřEternel quitte le temple
et abandonne Jérusalem. Quand une église locale ne répand plus la lumière de
Dieu, cette église court le risque de disparaître. Les lettres qui suivent mon-
trent que le Seigneur ne le fera pas facilement, ou rapidement, mais le juge-
ment est inéluctable pour toute église qui ne sert plus à éclairer la gloire de
Dieu sur le visage de Jésus-Christ.
Les sept étoiles sont les anges des sept églises. Ces anges, ou messagers, sont pro-
bablement les responsables des églises. Nous pouvons penser à Ignace
dřAntioche, contemporain de lřapôtre, qui, peu de temps après Jean est connu
comme lřévêque de lřéglise dřAntioche, plus ou moins au sens où nous parlons
43

aujourdřhui dřun pasteur dřéglise. Déjà dans lřAncien Testament, en Malachie


2.730, le sacrificateur est appelé un ange du Seigneur. Certains les prennent
pour de vrais anges, comme partout ailleurs dans le livre, mais il serait assez
étonnant que Jésus ait besoin de demander à un être humain dřécrire des
lettres à lřadresse dřanges ! Dřautres voient dans ces anges un symbole pour
lřéglise, en quelque sorte sa représentation au ciel, mais alors, quelle vraie dif-
férence reste-t-il entre le chandelier et lřétoile ? Et peut-on vraiment écrire une
lettre à un symbole ?
En conclusion, pourquoi accepter la tribulation ?
Nous savons que le royaume nous est préparé.
Nous savons que Christ est le souverain des rois de la terre.
Nous savons que nos péchés nous sont pardonnés.
Nous savons que la mort est un ennemi vaincu.
Levons les yeux : notre délivrance approche !

30
Car les lèvres du sacrificateur gardent la connaissance, et c’est à sa bouche qu’on demande la loi,
parce qu’il est un messager de l’Eternel des armées. (Malachie 2.7) En Hébreu comme en Grec, les
mots ange et messager se confondent.
44

Sept lettres de Jésus


aux églises de tous les temps

LřApocalypse est un livre accompagné de sept lettres, 1.11. Quel est le rôle
de ces lettres ? Pour le découvrir, regardons la prophétie de lřAncien Testa-
ment. La prophétie, nous lřavons vu, est à la fois prédiction et prédication. En
fait, elle est d’abord prédication. Dieu parle au cœur de son peuple, souvent en
lui adressant des reproches. Les prophètes devaient transmettre au peuple le
jugement de Dieu sur son comportement. Avant dřannoncer le jugement des
nations, celui-ci touchait son propre peuple. Pierre rappelle cela lorsquřil écrit
que c’est le moment où le jugement va commencer par la maison de Dieu (1 Pierre 4.17).
Dieu est juste. Avant de juger ceux qui nřont jamais voulu avoir à faire avec
lui, il juge ceux qui ont contracté une alliance avec lui.
Cela peut prendre des formes diverses. A Osée, Dieu dit de se marier avec
une prostituée, pour faire comprendre à Israël la gravité et lřétendue de sa
prostitution spirituelle. Ezéchiel décrit de manière très visuelle comment la
gloire de Dieu quitte le temple et abandonne la ville de Jérusalem. Le même
prophète doit mettre en scène le siège de Jérusalem. Plus tard encore, il com-
pare Israël et Juda à deux sœurs dépravées. Esaïe parle de la vigne ruinée
dřIsraël et de Jérusalem assiégée par Dieu lui-même. Jérémie se lamente des
citernes crevassées qui déçoivent tous ceux qui ont soif.
Les sept lettres sont lřavertissement de Dieu à son peuple sous une forme
facilement comprise à cette époque. Avant lřannonce et la description des ju-
gements contre les ennemis de Dieu, il y a lřannonce du jugement de Dieu sur
son peuple, de Christ sur son Eglise. Ces lettres sont lřéquivalent de la charge
des prophètes dřautrefois. Leur but nřest pas seulement de condamner ce qui
ne peut résister à lřépreuve, mais aussi dřencourager, dřappeler à la repentance,
de purifier, de préparer un peuple bien disposé. Ces sept lettres révèlent
comment il voit son Eglise. Elles nous étonnent tant par ce quřelles ne men-
tionnent pas que par ce quřelles révèlent. Manifestement, le Christ voit ce que
45

nous ne voyons pas, et il ne se laisse pas impressionner par les choses qui ont
tant dřimportance à nos yeux.

Les lettres de Jésus aux sept églises sont bien sûr adressées à toute église
(Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux églises !). Lřabsence de plu-
sieurs églises de la même région va dans ce sens. Le chiffre sept est ici chiffre
de plénitude. Elles sřadressent aux églises de tous les temps et de tout lieu.
Elles décrivent ce que le Seigneur recherche en tout temps dans son Eglise.
Elles doivent donc toujours être lues ensemble. Mais il faut peut-être aussi
considérer ces lettres comme des billets accompagnant chacune des sept co-
pies de lřApocalypse, adressées à chacune des sept églises. Cela voudrait dire
que le message général de la fin doit toujours être accompagné dřun message
particulier aux lecteurs, aux églises réceptrices. Il nřy a pas de place pour une
simple curiosité des choses de la fin. Le Seigneur nous interpelle et veut nous
réveiller.
Parfois, on a vu en ces lettres une description cachée de lřHistoire de
lřEglise.31 Chacune de ces lettres sřadresserait à lřEglise dřune époque précise.
Ainsi, on a cru discerner dans lřéglise dřEphèse lřEglise des temps aposto-
liques, des années 33 à 100. Smyrne représenterait lřEglise persécutée des an-
nées 100 à 313. La lettre à lřéglise de Pergame décrirait lřEglise triomphante de
lřépoque constantinienne des années 313 à 590. Thyatire serait lřimage même
de lřEglise décadente romaine du Moyen Age, de 590 à 1517. Lřéglise de
Sardes correspondrait à lřEglise issue des temps de la Réforme, de 1517 à
1792. Lřéglise de Philadelphie ressemblerait plutôt au réveil missionnaire de la
période allant de 1792 à 1914. Et Laodicée, nřest-elle pas lřillustration frap-
pante de lřEglise apostate des temps modernes ?
La concordance a assez de plausibilité pour être intéressante. Mais il est
clair que les caractéristiques des ces sept églises du temps de Jean se retrou-
vent à toute époque. Nous devons les entendre à tout moment et en tout en-
droit. En plus, au fur et à mesure que lřEvangile est propagé et que des églises
sont implantées, le cycle recommencerait. Du coup, le schéma sřécroule. Inu-
tile dřajouter quřun tel schéma est inutilement blessant pour certains. Des

31
C’est la conception dispensionaliste, mais on la trouve déjà chez Vitringa en 1627 et chez Bengel en
1740, cf. BA, introduction de la version électronique.
46

églises mortes, corrompues et apostates se trouvent tristement à tout moment


de lřhistoire et dans toute dénomination.

Dans chacune de ces lettres, Jésus semble faire allusion aux caractéristiques
typiques des lieux où se trouvaient ces églises.32 Ephèse était un port en risque
permanent dřensablement, tout comme lřamour de son église. Smyrne était une
ville ressuscitée après 400 ans dřabandon, où le culte de lřempereur avait une
grande importance. Cřétait aussi la ville de Polycarpe, évêque exécuté en 155.
Pergame, la ville du trône de Satan, était la Lourdes du monde antique. Escu-
lape, le dieu des médecins, y était vénéré et la ville se targuait de sa grande cul-
ture, notamment à cause de sa bibliothèque de parchemins renommée. Thya-
tire, ville commerciale du textile (cf. Actes 16.14), était gérée par ses corpora-
tions. Sardes avait été à deux fois conquise par manque de vigilance et excès de
prétention. Philadelphie était, avant lřépoque romaine, une ville frontière de la
culture grecque, investie dřune mission de la répandre au loin. Laodicée était
connue pour lřeau tiède qui y arrivait des sources chaudes un peu plus loin.
Elle était fière de son importance financière et industrielle.
Nos églises sont-elles encore aujourdřhui influencées par ce qui caractérise
les villes et les villages où elles sont implantées ? Notons alors que cela peut
autant devenir une influence négative, comme à Ephèse, ou néfaste, comme à
Sardes ou à Laodicée, quřune occasion pour se démarquer, comme à Smyrne
et contrairement à Pergame ou à Thyatire. Cela peut aussi devenir lřoccasion
dřune saine émulation, comme à Philadelphie.
LES 7 LETTRES EN UN COUP DřŒIL. Voici, en schéma, les ressemblances et
les différences entre ces sept lettres.

32
Les caractéristiques de ces sept villes sont décrites avec une abondance de détails par William BAR-
CLAY.
47

Ephèse Smyrne Pergame Thyatire


L’amour perdu L’amour éprouvé L’amour compro- L’amour corrompu
mis
Celui qui Tient les 7 étoiles Le premier & Tient l’épée à deux Yeux comme une
parle dernier, le mort tranchants flamme, pieds de
qui vit bronze
Positif Travail, persévérance, Riche en Tu retiens mon Amour, foi, service,
discernement l’essentiel nom, tu n’as pas persévérance, pro-
renié ma foi grès
Négatif Abandonné ton pre- - Doctrine de Ba- Jézabel, immoralité,
mier amour laam, Nicolaïtes idolâtrie
Christ vient Je viendrai pour enle- - Bientôt pour com- Jusqu’à ce que je
ver le chandelier battre avec l’épée vienne
de sa bouche
Promesse au Manger de l’arbre de Couronne de vie, Manne, nouveau Autorité sur les
vainqueur vie pas de seconde nom nations, l’étoile du
mort matin
A faire Souviens-toi, repens- Sois fidèle jus- Repens-toi Repens-toi / tiens
toi, agis qu’à la mort ferme
Avertisse- Risque que Christ Tribulation vient Risque que Christ Christ sera le Juge
ment ferme l’église combatte l’église de l’église
Progrès de Commence dans le - Fausse doctrine Séduction ram-
l’apostasie cœur pante

Sardes Philadelphie Laodicée


L’amour mort L’amour zélé L’amour vaincu
Celui qui A les 7 esprits de Dieu Le Saint qui a la L’Amen, l’auteur de
parle et les 7 étoiles clef, qui ouvre et la création
ferme
Positif Quelques hommes Gardé la parole -
purs sans renier mon
nom
Négatif Mort - Tiède, pauvre, nu,
aveugle
Christ vient Comme un voleur, Bientôt A la porte
surprise
Promesse au Vêtements blancs, pas Colonne dans le Assis sur mon trône
vainqueur le nom effacé temple, nom de
Dieu, de Jérusa-
lem
A faire Rappelle-toi, garde, Tiens ferme Sois zélé et repens-
repens-toi toi
Avertisse- L’absence de vigilance - Risque d’être vomi
ment est mortelle par Christ
Progrès de Seulement quelques - Christ est dehors
l’apostasie exceptions

Quelle lettre Jésus écrirait-il à notre église ? Que voit-il que nous ne voyons
plus ?
Nous regarderons ces sept lettres en trois groupes. Les deux premières et
les deux dernières forment deux groupes de contrastes. Le groupe du milieu
décrit cette lente descente vers la mort quřentraîne le compromis.
48

La terreur et la tendresse
2.1-11

Ephèse : L’église de l’amour perdu

2 1Ecris à lřange de lřéglise dřEphèse : Voici ce que dit celui qui tient les sept
étoiles dans sa main droite, celui qui marche au milieu des sept chandeliers dřor :
2Je connais tes œuvres, ton travail et ta persévérance. Je le sais, tu ne peux suppor-

ter les méchants, tu as éprouvé ceux qui se disent apôtres et ne le sont pas, et tu
les as trouvés menteurs. 3Tu as de la persévérance, tu as souffert à cause de mon
nom et tu ne třes pas lassé. 4Mais jřai contre toi que tu as abandonné ton premier
amour. 5Souviens-toi donc dřoù tu es tombé, repens-toi et pratique tes premières
œuvres, sinon je viendrai à toi et jřécarterai ton chandelier de sa place, à moins que
tu ne te repentes. 6Cependant tu as ceci pour toi, cřest que tu as de la haine pour
les œuvres des Nicolaïtes, pour lesquelles moi aussi jřai de la haine. 7Que celui qui
a des oreilles écoute ce que lřEsprit dit aux églises : Au vainqueur je donnerai à
manger de lřarbre de vie qui est dans le paradis de Dieu.

Dès que nous lisons cette lettre, comme dřailleurs les autres, nous nous
rendons compte que le jugement de Jésus est assez différent du nôtre. Cřest
que Jésus regarde à lřintérieur, aux motivations, aux pensées profondes. Nous
avons un regard bien plus superficiel. Nous sommes vite impressionnés par
les actions et les apparences. Christ regarde au cœur et jauge lřamour.
1. Le risque de l’ensablement
Lřéglise dřEphèse a été fondée par Paul. Nous en lisons le récit en Actes
19, et sa lettre à cette église, même si elle était probablement une lettre circu-
laire, ajoute à notre appréciation de cette église encore jeune et enthousiaste.
Ephésiens 3.17-19 est peut-être particulièrement pertinent à lřimage de la lettre
de Jésus : Que le Christ habite dans votre cœur par la foi. Enracinés et solidement fondés
dans l’amour, vous serez ainsi à même de comprendre, avec tous ceux qui appartiennent à
49

Dieu, combien l’amour du Christ est large, long, élevé et profond. Oui, vous serez à même de
connaître cet amour qui surpasse tout ce qu’on peut en connaître, et vous serez ainsi remplis
de toute la plénitude de Dieu. Plus tard, Timothée et Jean y ont travaillé. Cela fait
un passé illustre ! Lřéglise avait eu le privilège dřavoir été servie par des
hommes dřune grande qualité spirituelle. Mais lřensablement, à lřimage de celui
du port dřEphèse, menace lřéglise. On ne peut se confier dans un passé glo-
rieux. Sans dragage incessant, le sommeil de la mort envelopperait lřéglise.
Lřhistoire nous apprend quřEphèse est morte. Le port sřest définitivement en-
sablé. Lřéglise aussi a fini par mourir. Le chandelier a été enlevé…
2. Le nouveau miroir
La lettre de Jésus ressemble à un miroir. Elle reflète ce que Jésus apprécie
et valorise dans lřéglise : sa peine et son labeur, le fait quřon y payait de sa per-
sonne pour traduire lřEvangile en actes. Sa persévérance est mentionnée à
deux reprises. Malgré la tentation dřabandonner, qui devenait forte en cette fin
de siècle, elle sřest accrochée à sa foi. Jésus apprécie sa résistance aux courants
de pensée hérétiques du moment. Les Nicolaïtes représentaient ces chrétiens
qui voulaient vivre avec leur temps et avec la moralité de leur temps. Ils
croyaient probablement quřil ne fallait pas enfermer lřEvangile de la liberté en
Christ dans le carcan dřune morale démodée. Lřéglise, ou ses responsables,
avait détecté et rejeté cette fausse doctrine. Les loups nřavaient pas gagné à
Ephèse. Enfin, Jésus note sa souffrance à cause de son nom sans se découra-
ger.
3. L’ensablement de l’amour
Pourtant, à côté de ce palmarès remarquable, Jésus a détecté autre chose.
Une lente érosion de lřamour, un ensablement inexorable des sentiments qui
liaient ces chrétiens à leur Maître. Contrairement à Smyrne, la foi semble être
devenue peu à peu une religion, un ensemble de pratiques et de coutumes en-
core louable, mais déjà rongé de lřintérieur. Comment cela aurait-il pu être vi-
sible ? Probablement en ce quřil y avait un peu moins dřenthousiasme pour Jé-
sus, un peu moins dřamour fraternel, un peu moins de service spontané. Pour
eux, cela était sans doute tout au plus une tendance très légère, à peine détec-
table. Il y avait tant de bonnes choses, tant dřactivités, tant de vigueur dans
lřenseignement, tant de résistance aux faux docteurs ! Mais Jésus nřen est pas
satisfait. Et cřest là le point essentiel. Lřéglise est là pour lui. Le premier amour
50

renvoie aux sentiments qui animaient lřéglise à ses débuts. En ce temps, les
chrétiens dřEphèse rayonnaient dans toute la province pour y fonder de nou-
velles communautés, comme les six autres églises mentionnées dans ces cha-
pitres. On envoyait des jeunes pour porter lřEvangile au loin (Actes 20.433).
Avait-on fini par se contenter de gérer lřéglise, de se glorifier des acquis ?
Christ qualifie cet état de choses comme une chute. Ils sont tombés. Lřamour
sřest ensablé. Comment le dessabler ? Jésus propose trois remèdes, ou plutôt,
un remède en trois étapes : le souvenir, le repentir et lřaction. Ils devaient cou-
per dans les habitudes mortelles et se réveiller. Leurs œuvres étaient bonnes,
mais insuffisantes aux yeux de Christ. Lřenjeu est de taille. Sans réaction de
leur part, Christ viendrait, non pour les prendre avec lui dans la gloire, mais
pour écarter le chandelier et fermer lřéglise. Le texte terrible de Romains 11.22
devrait nous venir en mémoire : Considère donc, à la fois, la bonté et la sévérité de
Dieu : sévérité à l’égard de ceux qui sont tombés, bonté à ton égard aussi longtemps que tu
t’attaches à cette bonté. Sinon, toi aussi, tu seras retranché.
4. Et nous ?
Christ est le Chef de lřEglise, comme lřimplique le premier verset. Nous
devons placer notre confiance en lui, et chercher à entendre son jugement sur
nos églises. Les sept lettres sont données pour nous transmettre ses critères.
Car nous sommes responsables devant lui. Draguer un chenal coûte cher.
Mais le prix dřun ensablement total est vertigineux. Quand un chandelier dis-
paraît, les ténèbres engloutissent les hommes. Lřhistoire de cette région du
monde au cours des siècles qui nous séparent de cette lettre est tragique à ce
sujet. Nous devons donc avoir des oreilles et discerner ce que lřEsprit nous
dit. La victoire est possible, mais elle nřest pas automatique. Comme dans cha-
cune des lettres suivantes, Jésus utilise le singulier : A celui qui vaincra … Cřest à
la fois un encouragementŕmême à Sardes, et même à Laodicée, on peut être
vainqueurŕet un avertissement. On nřest pas vainqueurs en groupe, sur le
mérite dřautres. Chacun doit chercher à vaincre. Le chemin interdit du paradis
perdu se rouvrira devant le vainqueur. Lřarbre de vie est réservé à ceux qui
sauront écouter le Christ. Ce nřest pas une promesse vaine. Jésus dit à chaque
église de regarder au-delà du présent à la récompense. Ne pas lřécouter, cřest

33
Ses compagnons étaient Sopater, fils de Pyrrhus, originaire de Bérée, Aristarque et Secondus de
Thessalonique, Gaïus, de Derbe, Timothée, et enfin Tychique et Trophime de la province d’Asie.
51

tourner le dos à lřavenir. Lřensablement de lřamour aboutit aux sables mou-


vants de la mort. Heureux ceux qui lavent leurs vêtements. Ils auront le droit de manger
du fruit de l’arbre de vie et de franchir les portes de la ville. … Si quelqu’un retranche
quelque chose des paroles prophétiques de ce livre, Dieu lui ôtera tout droit à l’arbre de vie et
à la ville sainte décrits dans ce livre. Apocalypse 22.14,19.

Smyrne : L’église de l’amour éprouvé

8Ecris à lřange de lřéglise de Smyrne : Voici ce que dit le premier et le dernier,


celui qui était mort et qui est revenu à la vie : 9Je connais ta tribulation et ta pau-
vretéŕet pourtant tu es richeŕet les calomnies de ceux qui se disent Juifs et ne le
sont pas, mais qui sont une synagogue de Satan. 10Ne crains pas ce que tu vas
souffrir. Voici que le diable va jeter quelques-uns dřentre vous en prison, afin que
vous soyez éprouvés, et vous aurez une tribulation de dix jours. Sois fidèle jusquřà
la mort, et je te donnerai la couronne de vie. 11Que celui qui a des oreilles écoute
ce que lřEsprit dit aux églises ! Le vainqueur ne sera point touché par la seconde
mort.

Dans toute société, lřEglise constitue un corps étranger, menacé à tout ins-
tant dřun mouvement de rejet. Le prix de sa présence dans le monde est une
insécurité permanente.
1. Le risque du rejet
Smyrne, grande rivale dřEphèse, avait le renom dřêtre Ŗla couronne
dřAsieŗ. Après une période de 400 ans où elle nřétait quřun champ de ruines,
elle avait été rebâtie et était revenue à la vie. Cřétait une ville attachée à Rome,
et le culte de lřempereur y avait une place très importante. ŖEtre fidèleŗ (à
Rome) était presque la devise de la ville, cf. v. 10. La municipalité était fondée
sur la vanité. Etre le premier était le rêve de beaucoup, cf. v. 8. Il y avait aussi
une présence juive importante, virulemment opposée aux chrétiens qui,
comme partout, devaient compter parmi eux plusieurs membres originaires de
la synagogue, cf. v. 9.
2. Trois épreuves de l’amour
A cette église qui souffre, Jésus ne fait aucun reproche. Il remarque chez
elle trois preuves éclatantes de lřamour quřon lui portait.
52

La tribulation (littéralement : Ŗêtre écrasé par un poidsŗ). Les textes suivants


ajoutent à notre compréhension du mot tribulation et son lien intime avec la foi
en Christ : Marc 4.17; Actes 14.22; 1 Thessaloniciens 3.3; Romains 8.35.34 Le
chrétien doit sřattendre à être sous pression à cause de Christ. Cřest le chemin
que Jésus a lui-même choisi pour nous sauver.
La pauvreté. Souvent les chrétiens se trouvaient parmi les esclaves. Dans un
empire où la majorité de la population était esclave, cela nřa rien pour étonner.
Ils étaient bien plus nombreux que les riches à suivre Jésus. Jésus nřavait-il pas
dit que les riches entrent difficilement dans le royaume ? Nřavait-il pas accepté
pour lui-même une vie de pauvre ? Car vous savez comment notre Seigneur Jésus-
Christ a manifesté sa grâce envers nous : lui qui était riche, il s’est fait pauvre pour vous afin
que par sa pauvreté vous soyez enrichis (2 Corinthiens 8.9). LřEglise de Jésus-Christ
a depuis toujours été une affaire de gens pauvres. Jésus lui-même connut un
plus grand suivi parmi eux que parmi les riches. Lřéglise de Corinthe était à
majorité constituée de gens simples et modestes : On ne trouve parmi vous que peu
de sages selon les critères humains, peu de personnalités influentes, peu de membres de la
haute société ! (1 Corinthiens 1.26)
La persécution. A Smyrne, alors comme encore aujourdřhui, régnait un climat
de persécution. Croire en Jésus y coûtait plus cher quřailleurs en ces temps dif-
ficiles. Hébreux 10.34 rappelle en des termes réalistes : Oui, vous avez pris part à
la souffrance des prisonniers et vous avez accepté avec joie d’être dépouillés de vos biens, car
vous vous saviez en possession de richesses plus précieuses, et qui durent toujours. Que faire
quand nous vivons des jours difficiles ? Tout dřabord nous souvenir de
lřexemple du Seigneur. Il nřa pas refusé la croix, mais a gardé les yeux fixés sur
la récompense. Il nous dit ensuite que celui qui est persécuté pour sa foi est
heureux, Matthieu 5.11. Souffrir pour Jésus est une grâce, Philippiens 1.29. Jé-
sus nous dit aussi de rechercher un style de vie où la persécution nous fera

34
… dès que survient la tribulation ou la persécution à cause de la parole, ils y trouvent une occasion de
chute. (Marc 4.17)
Ils affermissaient l’âme des disciples, les exhortaient à demeurer dans la foi, et disaient : C’est par
beaucoup de tribulations qu’il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. (Actes 14.22)
… pour que personne ne soit ébranlé dans les tribulations présentes. Car, vous le savez vous-mêmes,
c’est à cela que nous sommes destinés. (1 Thessaloniciens 3.3)
Qui nous séparera de l’amour de Christ ? La tribulation, ou l’angoisse, ou la persécution, ou la faim, ou
le dénuement, ou le péril, ou l’épée ? (Romains 8.35)
53

moins mal, Matthieu 6.19-21.35 Mais Jésus rappelle à cette église que sa tribula-
tion sera dřune durée limitée, dix jours. Ce quřil faut comprendre, très proba-
blement, cřest que ce sera un temps mesuré, un temps aux limites humaines.
Nos souffrances ne seront pas sans fin et elles ne sont pas le dernier mot. Le
diable a un pouvoir évident de nuire aux croyants, et il bien plus de liberté de
le faire que nous le pensons peut-être. Mais il ne faut pas craindre ceux qui ne
peuvent que tuer le corps, Matthieu 10.28. La tribulation et la mort conduisent
à la gloire. Le règne de demain est au prix de la croix dřaujourdřhui. La cou-
ronne de vie fera oublier la douleur.
Parmi les ennemis de cette église se trouvent ceux que Jésus caractérise de
Juifs Ŗqui ne le sont pasŗ. Celui qui se dresse contre le Christ et ses disciples
perd ses prérogatives. Que nous ne devons pas en tirer une conclusion géné-
rale sur la place du peuple Juif dans le plan de Dieu sera évident ! Et quřun tel
Juif puisse redevenir Řun vase utile à son maîtreř (2 Timothée 2.20,21), Paul
nous le rappelle par sa propre expérience.
Polycarpe, évêque de Smyrne au temps de Jean, ou peu après, y sera brûlé
vif à cause de sa foi environ 50 ans plus tard. Voici le récit de sa mort :
A lřentrée de ce saint vieillard dans lřamphithéâtre, tous les chrétiens pré-
sents entendirent une voix mystérieuse qui lui disait : ŖCourage, Polycarpe,
combats en homme de cœur !ŗ Le proconsul lui demanda : Es-tu Polycarpe ?
ŕ Oui, je le suis. ŕ Aie pitié de tes cheveux blancs, maudis le Christ, et tu
seras libre. ŕ Il y quatre-vingt-six ans que je le sers et il ne mřa fait que du
bien; comment pourrais-je le maudire ? Il est mon Créateur, mon Roi et mon
Sauveur. ŕ Sais-tu que jřai des lions et des ours tout prêts à te dévorer ? ŕ
Fais-les venir ! ŕ Puisque tu te moques des bêtes féroces, je te ferai brûler.
ŕ Je ne crains que le feu qui brûle les impies et ne sřéteint jamais. Fais venir
tes bêtes, allume le feu, je suis prêt à tout. ŕ De toutes parts, dans
lřamphithéâtre, la foule sanguinaire sřécrie : ŖIl est digne de mort. Polycarpe
aux lions !ŗ Mais les combats des bêtes féroces étaient achevés; on arrêta
quřil serait brûlé vif. Comme les bourreaux se préparaient à lřattacher sur le
bûcher, il leur dit : ŖCřest inutile, laissez-moi libre, le Ciel mřaidera.ŗ Le Saint
lève les yeux au Ciel et prie. Tout à coup la flamme lřenvironne et sřélève
par-dessus sa tête, mais sans lui faire aucun mal, pendant quřun parfum déli-

35
Ne vous amassez pas des richesses sur la terre où elles sont à la merci de la rouille, des mites qui
rongent, ou des cambrioleurs qui percent les murs pour voler. Amassez-vous plutôt des trésors dans le
ciel, où il n’y a ni rouille, ni mites qui rongent, ni cambrioleurs qui percent les murs pour voler. Car là où
est ton trésor, là sera aussi ton cœur.
54

cieux embaume les spectateurs. A cette vue, les bourreaux lui percent le cœur
avec une épée. Cřétait le 25 avril 167 [ou 155].36
3. A faire, et à recevoir
Jésus ne dit pas à cette église souffrante que tout va changer maintenant, et
que la gloire commencera déjà ici-bas. En fait, le pire est à venir. Le double
ordre quřil donne peut sembler décevant : N’aie pas peur : de la mort, de la
souffrance, de lřavenir… La peur nous paralyse, et nous fait paniquer. Mais
Jésus nous rassure par sa parole : Je vous ai parlé ainsi, pour que vous ayez la paix en
moi. Vous aurez des tribulations dans le monde; mais prenez courage, moi, j’ai vaincu le
monde (Jean 16.33) ! Sois fidèle : Lřinfidélité de cœur est depuis toujours une des
grandes tentations du croyant. La lassitude devant la souffrance et la contrarié-
té nous pousse si facilement à devenir infidèles : à notre parole et à notre en-
gagement, à nos promesses, à lřéducation à donner à la génération suivante …
Jusquřoù sommes-nous fidèles ? Jusquřà ce que cela fasse mal ?
La couronne de vie : Jacques 1.12 nous rappelle que cette couronne appartient
à ceux qui aiment le Seigneur et qui ont résisté à lřépreuve de leur foi. Comme
dans toute course, et donc aussi dans la course de la vie, la couronne est pour
les vainqueurs, et tant quřon vit, la course continue. Ce nřest pas le prix de
consolation pour ceux qui auront abandonné. Le vainqueur ne subira pas la
seconde mort : 20.14 et 21.8 nous disent quřil sřagit de lřenfer. Le risque de tout
laisser tomber existe. Notre crainte et notre lâcheté sont souvent le résultat
dřune vue trop courte : il y a pire à venir si nous abandonnons. Le choix nřest
pas entre lřabandon maintenant pour avoir la paix, et la persévérance mainte-
nant pour souffrir la guerre. Lřabandon ne procure pas la paix. Crains celui qui
peut faire périr lřâme et le corps dans la Géhenne, nous dit Jésus en Matthieu
10.28 déjà cité. Non, mieux vaut chercher à être vainqueur en Christ, comme
Paul lřaffirme dans le beau passage de Romains 8.37-39 : Mais dans tout cela nous
sommes bien plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés. Oui, j’en ai l’absolue certi-
tude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l’avenir, ni les
puissances, ni ce qui est en haut ni ce qui est en bas, ni aucune autre créature, rien ne pourra
nous arracher à l’amour que Dieu nous a témoigné en Jésus-Christ notre Seigneur.

36
Le texte du martyre de Polycarpe est facilement accessible par Wikipédia. Il se retrouve dans la plu-
part des livres sur les Pères apostoliques.
55

ŖNe crains pasŗ, Ŗsois fidèleŗ, est-ce un peu maigre devant tant de souf-
france ? Ou est-ce suffisant et réaliste dans ce monde qui a crucifié le Maître ?
Ne pas craindre lřavenir, ne pas se laisser paralyser par lřappréhension, mais
être fidèle aujourdřhui pour lřêtre aussi demain, voilà ce que Jésus nous en-
seigne. Les couronnes ne sont pas distribuées avant la course. Mais elles le se-
ront après. Cřest une chose entièrement certaine.

La lente descente vers la mort


2.12-3.6

Pergame : L’église de l’amour compromis

12Ecris à lřange de lřéglise de Pergame : Voici ce que dit celui qui a lřépée aiguë
à deux tranchants : 13Je sais où tu demeures; là est le trône de Satan. Tu retiens
mon nom, et tu nřas pas renié ma foi, même aux jours où Antipas, mon témoin
fidèle, a été mis à mort chez vous, là où demeure Satan. 14Mais jřai contre toi cer-
tains griefs : tu as là des gens qui maintiennent la doctrine de Balaam : il enseignait
à Balaq à faire en sorte que les fils dřIsraël trouvent une occasion de chute en
mangeant des viandes sacrifiées aux idoles et en se livrant à la débauche. 15De
même, tu as, toi aussi, des gens qui maintiennent pareillement la doctrine des Ni-
colaïtes. 16Repens-toi donc, sinon je viendrai à toi bientôt, et je les combattrai avec
lřépée de ma bouche. 17Que celui qui a des oreilles écoute ce que lřEsprit dit aux
églises ! Au vainqueur, je donnerai de la manne cachée et un caillou blanc; sur ce
caillou est écrit un nom nouveau que personne ne connaît, sinon celui qui le re-
çoit.

Qui ne connaît pas le désir de se réfugier ailleurs, de fuir, de laisser passer


lřorage. Mais ce nřest pas toujours possible. Nous sommes appelés à être té-
moins là où nous demeurons.
1. Le risque du compromis
Lřancienne cité royale de Pergame était la capitale politique et culturelle de
la région et un centre religieux important. Sa bibliothèque était réputée, deu-
56

xième en importance après celle dřAlexandrie. Le nom parchemin provient


dřailleurs du nom de la ville. On peut la qualifier de ŖLourdes de lřAntiquitéŗ à
cause du temple dédié au dieu Esculape, le dieu de la médecine, dont le signe,
le caducée, encore en usage, représente un serpent enroulé autour dřun tronc
dřarbre. Le rapport avec lřhistoire de la chute en Genèse 3 nřest pas bien loin
… Cřétait aussi le centre provincial du culte de lřempereur, avec le temple dé-
dié à César dressé sur la colline sacrée de la ville dès 29 avant Jésus-Christ. Jé-
sus voit derrière ce centre de lřidolâtrie le pouvoir de Satan, et le lieu de son
trône. Mais Jésus rappelle à cette église que le ius gladii, le droit du glaive, lui
appartient. Le vrai pouvoir est à lui.
2. Résistance et soumission
Satan est le prince de ce monde. En tant que chrétiens nous vivons donc
en territoire ennemi. Nous sommes appelés à nous soumettre à Dieu et à ré-
sister au diable, Jacques 4.7. Le pouvoir politique, tout en ayant son origine
dans lřautorité de Dieu, cf. Romains 13.1-5, est en même temps un pouvoir
entre les mains de lřennemi de toujours. Il cherche toujours à nouveau à enva-
hir la sphère de Dieu, et à exiger une adhésion totale. Si nous devons être
soumis aux autorités par motif de conscience, nous devons en même temps
résister lorsquřelles outrepassent leur domaine. Non bien sûr en prenant les
armes de ce monde, mais en prenant celles de la foi. Ce fut le cas à Pergame.
Jésus met en valeur que les chrétiens retiennent son nom, sřaccrochent à lui,
malgré lřopposition brutale. Ils se sont laissés inspirer par les martyrs
(=témoins). Il en coûtait de témoigner pour Jésus. Antipas, qui nous est tota-
lement inconnu, avait payé le prix de la vie.
Cependant, contrairement à lřéglise de Smyrne, cette persécution nřavait
pas eu pour seule conséquence dřenflammer la foi et lřamour des chrétiens à
Pergame. Les Nicolaïtes, qui avaient été rejetés à Ephèse, avaient trouvés un
certain accueil dans lřéglise. A quoi faut-il penser ? Selon les auteurs des pre-
miers siècles, ils étaient les descendants spirituels du diacre Nicolas, mention-
né en Actes 6.5 Il est pour le moins curieux que le nom Nicolas est
lřéquivalent en grec du nom hébreu Balaam. Les deux ont le sens de Řvain-
queur du peupleř. Une certaine tradition voudrait que Nicolas soit devenu hé-
rétique. La doctrine de Balaam et celle des Nicolaïtes seraient donc la même
sous deux noms. Leur raisonnement était probablement du genre : La Loi est
57

abolie, et la liberté chrétienne permet tout. Surtout que le corps est mauvais en
soi. On ne peut rien en tirer de bon. Ce quřun homme fait avec son corps nřa
donc pas vraiment dřimportance. De toute façon, la grâce protège lřesprit du
chrétien. Paul avait déjà rencontré un problème semblable chez les chrétiens
galates, cf. Galates 5.1337. Ces chrétiens dřun nouveau genre étaient lřennemi à
lřintérieur des portes. Ils prétendaient offrir une version améliorée de la foi.
Irénée, plus tard au IIe siècle, dira quřils vivaient une vie dřindulgence sans
frein. Ils sřétaient engagés sur le chemin du compromis avec les mœurs très
libres de la société gréco-romaine. Leurs actions constituaient un rejet public
de la règle apostolique en Actes 15.29 (Ne consommez pas de viandes provenant des
sacrifices aux idoles, du sang, des animaux étouffés, et gardez-vous de toute inconduite
sexuelle). Le Christ compare leur conduite à celle de Balaam en Nombres 25.1-
5, où le peuple dřIsraël se prostitue avec Baal-Peor, prostitution tant spirituelle
que physique. Lřidée en avait germé dans la tête de Balaam selon Nombres
31.1638.
La tentation dřune soumission facile sera toujours là quand la pression
lente et persistante de la société se fait sentir. Faut-il donc vraiment être si dif-
férent, si étroit, si Řvieillotř ? Nřest-il pas possible de trouver un terrain
dřentente à mi-chemin ? La persécution franche est une chose, lřisolation mo-
rale, spirituelle et physique en est une autre. Etre un saint coûte cher.
Sřadapter, oublier quřon est un corps étranger, se faire moins remarquer, vou-
loir une certaine reconnaissance, que cřest tentant ! La pénétration des fausses
doctrines, dřune morale moins exigeante, avait peut-être commencé avec le
simple désir de montrer quřen tant que chrétien on était normal, quřon savait
vivre avec son temps. Peut-être que la nécessaire adaptation dans les formes39
avait entraîné ce glissement sur le fond. Mais Jésus taxe ce genre de compro-
mis dřinfidélité. Nous ne pouvons entretenir lřillusion que tant que notre cœur

37
Oui, mes frères, vous avez été appelés à la liberté. Seulement, ne faites pas de cette liberté un pré-
texte pour vivre comme des hommes livrés à eux-mêmes. Au contraire, par amour, mettez-vous au ser-
vice les uns des autres.
38
Rappelez-vous que ce sont elles qui, sur les conseils de Balaam, ont incité les Israélites à être infidèles
à l’Eternel dans l’affaire de Peor, de sorte qu’un fléau a frappé la communauté de l’Eternel.
39
Cf. 1 Corinthiens 9.22,23 : Dans mes relations avec les chrétiens mal affermis dans la foi, je vis
comme l’un d’entre eux, afin de les gagner. C’est ainsi que je me fais tout à tous, afin d’en conduire au
moins quelques–uns au salut par tous les moyens. Or, tout cela, je le fais pour la cause de la Bonne
Nouvelle pour avoir part, avec eux, aux bénédictions qu’apporte la Bonne Nouvelle.
58

est au Seigneur, le reste nřa pas dřimportance. Paul rappelle en 1 Corinthiens


5.6 qu’il suffit d’un peu de levain pour faire lever toute la pâte.
3. Le retour de Christ
Christ viendra, et peut-être plus tôt que prévu. Il pourrait venir à
lřimproviste, avec le glaive de sa justice, cf. Hébreux 4.1240, et nous combattre !
Il détecte le compromis là où cette église nřavait vu que du feu. Lřappel à la
repentance résonne. Combats avec moi ou je combattrai contre toi, lui dit le
Maître. Valorise ce que je třoffrirai au temps de la victoire. Ne vends pas ton
droit dřaînesse pour un simple potage.
La manne cachée : Ce que Jésus promet est de jouir des bénédictions du
temps messianique, même sřil faut se priver de tout ici-bas à cause de lui. La
manne est aussi une image de lui-même, le pain de Dieu. Le jour viendra ainsi
où on nřaura plus jamais faim, et où nos aspirations les plus profondes seront
à jamais comblées. Le caillou blanc est peut-être la marque de lřacquittement,
comme dans les tribunaux romains. Jésus rappellerait alors à ces chrétiens me-
nacés devant le tribunal de César quřil y a un autre tribunal, bien plus impor-
tant, et quřils y sont acquittés. Quel nom est inscrit sur ce caillou ? Celui de Jé-
sus, cf. 3.12 ? Ou un nom nouveau quřil nous donne ? Un nom qui veut dire :
ŖTu třes gardé de toute souillure, je te donne la garantie que jřachèverai mon
œuvre en toi (Philippiens 1.6) : tu seras à moi.ŗ

Thyatire : L’église de l’amour corrompu

18Ecrisà lřange de lřéglise de Thyatire : Voici ce que dit le Fils de Dieu, celui
qui a les yeux comme une flamme de feu, et dont les pieds sont semblables à du
bronze : 19Je connais tes œuvres, ton amour, ta foi, ton service, ta persévérance et
tes dernières œuvres plus nombreuses que les premières. 20Mais ce que jřai contre
toi, cřest que tu laisses la femme Jézabel, qui se dit prophétesse, enseigner et sé-
duire mes serviteurs, pour quřils se livrent à lřinconduite et quřils mangent des
viandes sacrifiées aux idoles. 21Je lui ai donné du temps pour se repentir, mais elle
ne veut pas se repentir de son inconduite. 22Voici que je la jette sur un lit ainsi que

40
Car la Parole de Dieu est vivante et efficace. Elle est plus tranchante que toute épée à double tran-
chant et, pénétrant jusqu’au plus profond de l’être, jusqu’à atteindre âme et esprit, jointures et moelle,
elle juge les dispositions et les pensées du cœur.
59

dans une grande tribulation et ceux qui commettent adultère avec elle, à moins
quřils ne se repentent de ses œuvres. 23Je frapperai de mort ses enfants; toutes les
églises connaîtront que moi, je suis celui qui sonde les reins et les cœurs, et je vous
rendrai à chacun selon ses œuvres. 24Mais à vous, à tous les autres de Thyatire, qui
nřont pas cette doctrine et nřont pas, comme ils disent, connu les profondeurs de
Satan, je dis : Je ne mets pas sur vous dřautre fardeau. 25Seulement, ce que vous
avez, tenez-le ferme, jusquřà ce que je vienne. 26Au vainqueur, à celui qui garde
mes œuvres jusquřà la fin, je donnerai autorité sur les nations. 27Avec un sceptre
de fer il les fera paître, comme on brise les vases dřargile, ainsi que jřen ai reçu
moi-même (le pouvoir) de mon Père. 28Et je lui donnerai lřétoile du matin. 29Que
celui qui a des oreilles écoute ce que lřEsprit dit aux églises !

Nous connaissons probablement tous lřimage du coucou dans le nid, cet


oiseau qui pond son œuf dans le nid dřun autre oiseau qui va sřépuiser à élever
cet oisillon aux dépens de sa propre progéniture. Nous vivons cela quand
nous couvons et nourrissons des pensées ou des habitudes qui finissent par
évincer ce qui devrait nous remplir. Ou quand nous laissons faire des per-
sonnes sans égard pour Dieu ou sans réelle soumission à la Parole de Dieu.
Nous devrions discerner le coucou et lřéjecter du nid, cf. 2 Corinthiens 10.5 :
Nous renversons tous les raisonnements que des orgueilleux opposent à la connaissance de
Dieu. Nous voulons changer l’esprit des gens pour qu’ils obéissent au Christ (PdV).
1. Le risque du laisser-faire
Thyatire était une ville commerciale réputée pour ses textiles, cf. Actes
16.1441, et pour sa fabrication de bronze (dřoù les pieds de bronze dans la des-
cription de Jésus). Il nřétait sans doute pas facile dřy exister professionnelle-
ment sans se compromettre avec les idoles liées aux diverses corporations
économiques. La ville était aussi connue pour son oracle de divination. Mais il
nřy avait pas encore de persécution réelle.
Jésus se présente à lřéglise de Thyatire comme celui qui a des yeux comme
des flammes de feu. Il voit à travers les façades, cf. Jérémie 17.10 : Moi,
l’Eternel, moi, je sonde les cœurs, je scrute le tréfonds de l’être pour donner à chacun ce que
lui auront valu sa conduite et les effets de ses agissements. Il voit un grand laisser-faire

41
Il y avait parmi elles une marchande d’étoffes de pourpre, nommée Lydie, originaire de la ville de
Thyatire et qui adorait Dieu.
60

dans lřéglise. Malgré beaucoup de bonnes choses, il y a une mondanité ram-


pante. Deux questions se posent alors à nous à travers cette courte lettre : Que
faisons-nous ? Que laissons-nous faire ? Dieu reproche au peuple dřIsraël au
temps dřOsée, peu avant la débâcle finale, dřavoir fait et laissé faire des choses
horribles aux yeux de Dieu sans sřêtre jamais posé la question si Dieu était
dřaccord, et sans jamais revenir à lui quand ses jugements commencèrent à at-
teindre le peuple. Cela a continué jusquřau point où le retour à Dieu devenait
impossible : Leurs actes les empêchent de revenir à moi, leur Dieu, car un vent de prostitu-
tion souffle chez eux, et ils ne connaissent pas l’Eternel, Osée 5.4. A Thyatire, Jésus
fait un reproche semblable. Il rendra à chacun selon ses œuvres, dit-il. Avant
que le mal progresse trop loin, nous devons revenir à Dieu. Nous devons nous
examiner régulièrement pour quřun jugement semblable ne tombe pas sur
nous. Le texte de 2 Corinthiens 13.5 peut nous guider dans cet examen : Faites
donc vous-mêmes votre propre critique, et examinez-vous, pour voir si vous vivez dans la foi.
Ne reconnaissez-vous pas que Jésus–Christ est parmi vous ? A moins, peut–être, que cet
examen n’aboutisse pour vous à un échec. Le risque de lřéglise de Thyatire est
lřindifférence spirituelle. Le risque que nous courons est quřon ne reconnaisse
plus la présence de Jésus parmi nous.
2. L’offensive du monde
Jézabel42 est probablement un nom symbolique, cf. 1 Rois 16.31; 2 Rois
9.2243. Dans ces textes, lřEcriture dénonce le laisser-faire dřAchab. En se liant
sciemment à Jézabel, et en lui laissant une liberté dřaction au point de déclen-
cher une persécution ouverte contre ceux qui voulaient rester fidèles au Dieu
dřIsraël, il sřest attiré un jugement inéluctable. Plus il laissait faire, plus sa capa-
cité de repentir sřest affaiblie. Ainsi, à Thyatire, on a laissé une pareille liberté
dřaction et de parole à ŘJézabelř au point quřelle était devenue une prophétesse
incontrôlable. Parlant Ŗde la part de Dieuŗ, avec une grande autorité Ŗspiri-
tuelleŗ, elle avait squatté lřéglise. Une mondanité rampante en avait été le ré-
sultat, mais presque personne ne lřavait vu. On avait laissé faire. On avait dé-

42
Certains manuscrits ont lu : ta femme. Mais il y a trop peu de soutien pour suivre une telle lecture.
43
Non content d’imiter les péchés de Jéroboam, fils de Nebath, il épousa encore Jézabel, fille d’Ethbaal,
le roi des Sidoniens, et alla jusqu’à rendre un culte au dieu Baal et à se prosterner devant lui. (1 Rois
16.31)
… Comment peut-il être question de paix tant que durent les prostitutions de ta mère Jézabel et ses
innombrables pratiques de sorcellerie ? (2 Rois 9.22)
61

laissé la sagesse élémentaire de 1 Jean 4.1 : Mais attention, mes chers amis, ne vous
fiez pas à n’importe quel esprit; mettez les esprits à l’épreuve pour voir s’ils viennent de
Dieu, car bien des prophètes de mensonge se sont répandus à travers le monde. Plus
quřailleurs, lřéglise avait subi de plein fouet lřoffensive du monde afin
dřétouffer le témoignage de Jésus. De plus en plus de chrétiens avaient com-
mis Ŗlřadultèreŗ avec elle. Sans doute, on ne se serait pas exprimé de la même
façon à Thyatire ! Ils avaient été attirés par lřenseignement spirituel de cette
chère sœur en Christ. Peu à peu, la fidélité à la Parole de Dieu avait été échan-
gée contre les propos attrayants de cette dame. On avait commencé à critiquer
sévèrement les Ŗfrères étroitsŗ. La même erreur quřà Pergame fait encore plus
de dégâts ici, sans doute à cause de la personnalité Ŗcharismatiqueŗ de la pro-
phétesse, qui parlait, plus que probablement, avec une Ŗonction spéciale du
Saint-Espritŗ. Jésus dit quřelle a refusé toute repentance. A-t-elle seulement
compris que les paroles de quelques chrétiens fidèles étaient la parole directe
de Christ à son adresse ? Comme tant de fois depuis, lřégarement a dû pro-
duire sa propre spirale infernale, où chaque erreur et chaque tolérance dřerreur
conduit à un renforcement subtil des maîtres à penser et de leur mouvance.
Quand le contrôle actif de la Parole de Dieu est jugé trop contraignant, ou
trop vieux jeu, la perdition est proche.
Sommes-nous encore des chrétiens selon 1 Thessaloniciens 1.9,10 : … vous
vous êtes tournés vers Dieu en vous détournant des idoles pour servir le Dieu vivant et vrai et
pour attendre que revienne du ciel son Fils qu’il a ressuscité des morts, Jésus, qui nous dé-
livre de la colère qui vient ? A Thyatire, la colère de Dieu avait probablement été
délaissée comme un concept primitif. Se détourner des idoles ? Selon lřavis de
certains, une foi aussi radicale ne produit que des fanatiques et des fondamen-
talistes ! A Thyatire, en lieu et place de ces choses simples, pour ne pas dire
simplistes, on se penchait sur les Ŗprofondeurs de Satanŗ. Si à lřépoque, il faut
probablement penser à des théories gnostiques, qui préconisaient une connais-
sance spirituelle accessible seulement aux initiés, se concentrant ici sur Satan,
et peut-être sur une manière spéciale de le combattre, on peut se rappeler la
prétention quřon a aujourdřhui dans certains milieux Ŗchrétiensŗ de connaître
plus sur les démons que ce que la Parole de Dieu permet dřaffirmer. Toute
connaissance spirituelle qui prétend pouvoir dépasser le cadre des Ecritures
est suspecte. (Voir 1 Corinthiens 4.6 où Paul dit : … pour que vous appreniez, à
notre sujet, à appliquer cette règle : “Ne pas aller au-delà de ce qui est écrit”)
62

Cette guerre entre Christ et le monde existe ainsi tout aussi bien chez nous,
et lřApocalypse nous annonce que le pire est à venir, cf. 17.4-6. Accepterons-
nous les normes contraignantes de Dieu ou leur préférerons-nous celles, plus
accommodantes, du monde ? Avons-nous, à tout hasard, un coucou dans
notre nid ? Avons-nous fini par accepter ce quřil y a seulement une génération
nous aurions encore refusé ? Jésus souligne ici les pratiques immorales (com-
parez cela avec ce qui est devenu Ŗnormalŗ aujourdřhui : divorces faciles, co-
habitation, avortement, homosexualité …), mais on doit sans doute aussi pen-
ser aux convictions spirituelles et doctrinales qui font le lit de ces pratiques,
comme, par exemple, lřenseignement au sujet de lřévolutionnisme et lřabsence
de tout vrai enseignement concernant le retour de Christ.
3. Pas d’autre fardeau
Il reste une minorité fidèle dans cette église. Jésus ne lui impose pas dřautre
fardeau sinon de rester fidèle. Ce que Jésus voit de positif dans lřéglise, tes
œuvres, ton amour, ta foi, ta persévérance et tes dernières œuvres plus nombreuses que les
premières, était-ce lřœuvre de ce petit groupe ? Mais Jésus ne dit pas quřils cons-
tituent la vraie église, même sřils correspondent de près à ce que Paul dira du
reste dřIsraël en Romains 11.5 : Il en est de même dans le temps présent : il subsiste un
reste que Dieu a librement choisi dans sa grâce. Christ nřa pas encore rejeté lřéglise de
Thyatire. Quiconque se réclame de lui et toute église, qui est connue comme
étant son église est traitée et sera jugée comme telle par lui. Mais que dans ces
églises, il puisse subsister un reste fidèle, une minorité soucieuse dřêtre sou-
mise à Christ, cette lettre le souligne. Le sort dřune telle minorité nřest pas fa-
cile. Au milieu dřune église devenue apostate elle cherche à vivre selon Ro-
mains 12.2 : Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le re-
nouvellement de l’intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu : ce qui
est bon, agréable et parfait. Notre devoir demeure de pratiquer ce que Jésus veut
et cela jusquřà la fin.
La promesse au vainqueur est inversement proportionnelle à la chute spiri-
tuelle de cette église. Ceux qui souffrent avec Christŕet ici, ce qui est drama-
tique, ils souffrent dans leur propre église devenue infidèle !ŕrégneront avec
lui. Ceux qui nřont pas voulu connaître les Ŗprofondeurs de Satanŗ seront vic-
torieux sur Satan, prince de ce monde. Ils recevront lřétoile du matin.
Lřennemi peut prétendre à ce titre, comme en Esaïe 14.12 : Comment es-tu tombé
63

du ciel, astre brillant, fils de l’aurore ? Mais Jésus est le vrai détenteur du titre, et il
peut décerner cette gloire à qui le suit fidèlement : Je suis le rejeton de la racine de
David, son descendant. C’est moi, l’étoile brillante du matin (Apocalypse 22.16).
Quřimplique cette promesse ? Si Christ est lřétoile du matin, il se donne donc
lui-même aux vainqueurs. Lřétoile qui annonce le nouveau jour éternel de
Dieu se lèvera pour eux, promesse dřune gloire indicible.

Sardes : L’église de l’amour mort

3 1Ecris à lřange de lřéglise de Sardes : Voici ce que dit celui qui a les sept es-
prits de Dieu et les sept étoiles : Je connais tes œuvres : tu as le renom dřêtre vi-
vant, mais tu es mort. 2Sois vigilant et affermis le reste qui allait mourir, car je nřai
pas trouvé tes œuvres parfaites devant mon Dieu. 3Rappelle-toi donc comment tu
as reçu et entendu (la parole), garde-la et repens-toi. Si tu ne veilles pas, je viendrai
comme un voleur et tu ne sauras point à quelle heure je viendrai te surprendre.
4Cependant tu as à Sardes quelques hommes qui nřont pas souillé leurs vêtements;

ils marcheront avec moi en vêtements blancs, parce quřils en sont dignes. 5Ainsi le
vainqueur se vêtira de vêtements blancs, je nřeffacerai pas son nom du livre de vie
et je confesserai son nom devant mon Père et devant ses anges. 6Que celui qui a
des oreilles écoute ce que lřEsprit dit aux églises.

Tous, nous sommes au risque dřune vie où les apparences contredisent la


réalité. En tant quřéglise, ce risque est tout aussi réel. Ce que nous professons,
ce que nous chantons, ce que nous prions, est parfois tellement éloigné de la
réalité de la vie de lřéglise. En être conscient et en souffrir est chose nécessaire
pour maintenir une certaine pression sur nous, celle de la recherche de la sanc-
tification sans laquelle personne ne verra le Seigneur, Hébreux 12.14. A
Sardes, on prenait lřapparence pour la réalité. Le processus de sanctification
avait avorté. Lřéglise était morte…
1. Le risque d’une vie facile
Sardes était une ancienne forteresse imprenable, située sur un éperon ro-
cheux et dřune richesse fabuleuse. La ville basse se trouvait au bord dřune ri-
vière légendaire, le Pactole. On disait que ses eaux avaient charrié de lřor dans
le passé. Un de ses rois les mieux connus et les plus puissants était Crésus
(Ŗriche comme Crésusŗ). Il déclara la guerre à Cyrus le Perse (le roi connu
64

dans lřAncien Testament). Après une défaite, il se retira à Sardes, lřimprenable,


se croyant invincible. Mais le rocher sous la ville était fissuré. Pendant la nuit,
un soldat perse conduisit un détachement dans lřescalade du rocher par une
fissure. Arrivés en haut, ils trouvèrent le mur non gardé. Tout le monde se
croyait en sécurité ! Ainsi, en 546 avant Jésus-Christ, la ville tomba faute de
vigilance.
Deux siècles plus tard, en 218 avant Jésus-Christ, environ un siècle après
Alexandre le Grand, lřhistoire se répéta. De nouveau, un roi se réfugia à
Sardes, se croyant en abri sûr. De nouveau, un soldat refit le même exploit et
trouva le mur sans garde. De nouveau, la ville tomba faute de vigilance.
La ville a été détruite en lřan 17 par un tremblement de terre. Tibère,
lřempereur romain, paya sa reconstruction de sa poche. Mais la nouvelle pros-
périté a semé la décadence. Lřéglise chrétienne, vivant dans cette ambiance lé-
gère et assoupissante, sřest endormie. Elle a perdu sa vigilance. Il nřy avait là
aucune hérésie grave, et pas dřimmoralité notoire. Seulement une mort lente.
Lřopulence et la vie facile avaient déteint sur lřéglise. Le danger mortel dřune
église vient le plus souvent de lřintérieur. Ephèse sans réveil devient Sardes !
2. La mort qui nous guette
Qui peut dire si lřEsprit de Dieu est présent dans une église ? Qui peut dire
ce que lřEsprit de Jésus est libre de faire dans une église ? Qui est capable de
discerner si lřEsprit est enfermé dans un placard, que ce soit le placard de la
mondanité, de la frénésie, ou dřune orthodoxie sans vie ? Jésus sřannonce
comme celui qui possède lřEsprit et qui tient les responsables des églises dans
sa main. Il reste le Chef absolu de lřéglise.
Quelle réputation avons-nous au ciel ? Christ connaît ce quřil y a dans
lřhomme. Il sait ce qui se passe réellement dans nos cœurs et il ne se fie à au-
cune réputation. Non quřil soit nécessairement méfiant ! Simon reçoit instan-
tanément le surnom de Pierre, même si cette réputation devra encore se cons-
truire, et dans la bouche de Jésus, Nathanaël est un homme sans fraude, mal-
gré ses imperfections inévitables et son péché qui allait exiger le sacrifice du
Fils éternel de Dieu. Dans une église aussi corrompue que celle de Thyatire,
Jésus observe ce quřil y a de bien. Mais à Sardes, il nřy a que du vent. Ses
œuvres sont absentes ou, plus probablement, prouvent que lřéglise est morte.
65

De quelle mort, Jésus parle-t-il ? Les textes bibliques suivants peuvent nous
aider à répondre à la question : La Bible parle de la mort quřentraîne le péché,
même dans la vie dřun chrétien, comme ce fut le cas de certaines veuves à
Ephèse : Quant à celle qui court après les plaisirs, elle est déjà morte, quoique vivante (1
Timothée 5.6). Cela rappelle bien sûr lřétat de mort qui caractérise lřhomme
sans Dieu : Alors que nous étions spirituellement morts à cause de nos fautes, il nous a
fait revivre les uns et les autres avec le Christ. C’est par la grâce que vous êtes sauvés
(Ephésiens 2.5). Mais si la vie chrétienne nřest pas une vie active au service de
Dieu et du prochain, cette mort peut revenir nous hanter : Ne mettez pas vos
membres à la disposition du péché comme des armes au service du mal. Mais puisque vous
étiez morts et que vous êtes maintenant vivants, offrez-vous vous-mêmes à Dieu et mettez vos
membres à sa disposition comme des armes au service du bien (Romains 6.13).
La mort spirituelle peut particulièrement nous guetter dans trois domaines
précis :
La mort de la compassion. Centrée sur elle-même, lřéglise oublie les chrétiens
qui souffrent la persécution. Elle ne fait plus que sřoccuper dřelle-même.
Cřétait le problème des chrétiens hébreux selon le passage suivant : Rappelez-
vous au contraire les premiers temps où, après avoir reçu la lumière de Dieu, vous avez en-
duré les souffrances d’un rude combat. Car tantôt vous avez été exposés publiquement aux
injures et aux mauvais traitements, tantôt vous vous êtes rendus solidaires de ceux qui
étaient traités de la même manière. Oui, vous avez pris part à la souffrance des prisonniers
et vous avez accepté avec joie d’être dépouillés de vos biens, car vous vous saviez en possession
de richesses plus précieuses, et qui durent toujours (Hébreux 10.32-34). Le risque est
alors très grand de devenir comme lřéglise de Laodicée, qui ne pouvait plus
voir la gravité de son état spirituel. Apocalypse 3.17.
La mort de la volonté. Si on nřy prend garde, il y aura 1001 raisons pour ne
plus vivre une vie chrétienne ou une vie dřéglise de la qualité exigée par le Sei-
gneur. On commence à rogner sur le temps, sur lřargent, sur lřengagement. On
ne veut plus sřinvestir pour Jésus-Christ.
La mort des sentiments. Comme dans un mariage, si on cesse dřêtre fidèle, les
sentiments sřéteignent et meurent. Lřamour est plus fort que tout. Mais il est
aussi fragile : il peut mourir.
66

3. Veillez !
Quelquřun a dit : ŖLe prix de la liberté est une vigilance perpétuelle.ŗ Pour-
quoi devons-nous veiller ? Parce quřil y a trop à perdre ! Lřappel insistant de
Jésus à la vigilance, ici comme dans tant dřautres endroits dans le Nouveau
Testament trouve sa source dans le risque énorme de voir se perdre ce quřon
avait cru être sûr et garanti. Contre quoi devons-nous veiller ? Tout dřabord
contre le diable, 1 Pierre 5.8 : Ne vous laissez pas distraire, soyez vigilants. Votre ad-
versaire, le diable, rôde autour de vous comme un lion rugissant, qui cherche quelqu’un à
dévorer. Ensuite, il nous faut veiller contre la tentation, Matthieu 26.41 : Veillez
et priez, pour ne pas céder à la tentation. L’esprit de l’homme est plein de bonne volonté,
mais la nature humaine est bien faible. Nřoublions jamais le triste cas de Judas ! Ne
disons pas : Cela ne nous arrivera jamais ! Nous devons veiller contre
lřassoupissement spirituel, Matthieu 24.42,43 : Tenez-vous donc en éveil, puisque
vous ignorez quel jour votre Seigneur viendra. Vous le savez bien : si le maître de maison
savait à quelle heure de la nuit le voleur doit venir, il resterait éveillé pour ne pas le laisser
pénétrer dans sa maison. Nous devons encore veiller contre les faux docteurs,
Actes 20.29-31 : Je le sais : quand je ne serai plus là, des loups féroces se glisseront parmi
vous, et ils seront sans pitié pour le troupeau. De vos propres rangs surgiront des hommes
qui emploieront un langage mensonger pour se faire des disciples. Soyez donc vigilants !
Mais que risquons-nous donc ? La parabole des dix vierges a été donnée
spécialement pour répondre à cette question. Faute de vigilance, la surprise
des cinq vierges Řfollesř leur a été fatale. Au moment crucial, quand elles au-
raient voulu à tout prix être dedans, elles se sont trouvées dehors. Elles sont
passées à côté de la fête des noces. Transposée dans la réalité spirituelle des
disciples de Jésus-Christ, elles ont raté la seule fête dans toute lřhistoire univer-
selle quřil nřaurait pour aucun prix fallu rater. Elles ont été surprises par le re-
tour de Jésus. Lřassoupissement de leur attente a causé leur perte. Paul nous
rappelle en Romains 13.11,12 : C’est désormais l’heure de sortir de votre sommeil, car
le salut est plus près de nous que lorsque nous avons commencé à croire. La nuit tire à sa
fin, le jour va se lever. Débarrassons-nous de tout ce qui se fait dans les ténèbres, et revêtons-
nous de l’armure de la lumière.
4. Vainqueur ?
A Sardes, seuls quelques-uns résistent encore à la pression mortelle. Cřest
donc possible de résister, même là ! Si cřest notre situation, nřabandonnons
67

pas ! Jésus leur fait trois promesses : Ils seront vêtus de vêtements blancs. Esaïe 64.5
rappelle : Nous sommes tous semblables à des êtres impurs, toute notre justice est comme
des linges souillés. Nous sommes tous flétris comme un feuillage, nos fautes nous emportent
comme le vent. Voilà notre état naturel. Sans retour à Dieu et sans confiance en
Christ, cette situation est terminale. Mais Jésus donne une vie nouvelle, et le
jour viendra où toute trace de souillure sera enlevée. Apocalypse 7.14 et 19.8
expliquent dřoù vient la dignité de cet habit nouveau. Il sřagit de préparer cela
dès aujourdřhui.
Leur nom est maintenu dans le livre de vie. Est-il suffisant de croire tout en me-
nant une vie chrétienne médiocre ? Cřétait le problème à Sardes. La flamme de
la foi vacillait. On laissait du vague à son âme. Et Jésus rappelle les paroles ter-
ribles dřExode 32.33 : L’Eternel répondit à Moïse : J’effacerai de mon livre celui qui a
péché contre moi. Plutôt que de polémiquer si cela est possible, nous ferons bien
dřécouter le Christ et de faire notre possible pour être du nombre des vain-
queurs. Ici, ce nřest pas une menace, mais une promesse avec une condition :
être vainqueur. Aucun discours sur lřassurance du salut ne peut encourager
ceux qui laissent mourir leur amour pour Jésus.
Jésus confessera leur nom devant son Père. Les paroles de Jésus sont un reflet de
lřEvangile : Si quelqu’un a honte de moi et de mes paroles, le Fils de l’homme, à son tour,
aura honte de lui quand il viendra dans sa gloire, dans celle du Père et des saints anges
(Luc 9.26). Ici, Jésus formule cela positivement, et il nous est difficile de nous
imaginer la gloire et lřhonneur de ce que Jésus affirme ici ! Cela correspond de
près à cette autre affirmation : Je vous l’assure, tous ceux qui se déclareront pour moi
devant les hommes, le Fils de l’homme aussi se déclarera pour eux devant les anges de Dieu
(Luc 12.8,9).
68

Les deux portes


3.7-22

Philadelphie : L’église de l’amour zélé

7Ecris à lřange de lřéglise de Philadelphie : Voici ce que dit le Saint, le Véri-

table, Celui qui a la clé de David, Celui qui ouvre et personne ne fermera, Celui
qui ferme et personne nřouvrira : 8Je connais tes œuvres. Voici : jřai mis devant toi
une porte ouverte que nul ne peut fermer, parce que tu as peu de puissance, que
tu as gardé ma parole et que tu nřas pas renié mon nom. 9Voici : je te livrerai des
gens de la synagogue de Satan, qui se disent Juifs et ne le sont pas, car ils mentent.
Voici : je les ferai venir se prosterner à tes pieds et reconnaître que je třai aimé.
10Parce que tu as gardé la parole de la persévérance en moi, je te garderai moi aus-

si, de lřheure de lřépreuve qui va venir sur le monde entier pour éprouver les habi-
tants de la terre. 11Je viens bientôt. Tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne
prenne ta couronne. 12Du vainqueur, je ferai une colonne dans le temple de mon
Dieu et il nřen sortira plus. Jřécrirai sur lui le nom de mon Dieu et celui de la ville
de mon Dieu, la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel dřauprès de mon Dieu,
ainsi que mon nom nouveau. 13Que celui qui a des oreilles écoute ce que lřEsprit
dit aux églises !

Lřhistoire de la course entre le lièvre et la tortue nous enseigne que ce ne


sont pas toujours les plus rapides qui obtiennent la victoire ! Il faut savoir per-
sévérer. Entre Laodicée et Philadelphie, cřest un peu la course entre le lièvre et
la tortue. La première était une église convaincue de sa propre importance et
pertinence. Lřautre était une église dřune petite ville frontière, sans grande im-
portance stratégique. Lřune se targuait de ses réussites, lřautre faisait ce quřelle
pouvait pour rester fidèle. Mais la porte ouverte de Philadelphie est en con-
traste sombre avec la porte fermée à Laodicée, 3.20
1. Le risque de lâcher prise
La petite ville frontière de Philadelphie, dont le nom veut dire : amour des
frères, avait autrefois apporté la culture grecque dans les pays voisins. Cřétait
une ville missionnaire dans lřâme. La frontière avec la Phrygie nřy était pas re-
69

gardée comme le terminus, la fin de la civilisation, mais comme une porte ou-
verte pour aller plus loin, comme un appel à la mission. Comme Smyrne,
cřétait une église à laquelle Jésus nřadresse aucun reproche, et comme Smyrne,
une église a continué à exister en ce lieu jusquřà aujourdřhui. Elle était petite,
mais elle sřest accrochée envers et contre tout. Les problèmes nřy étaient pas
très différents dřailleurs, et la tentation dřabandonner, ou de mettre de lřeau
dans le vin de lřEvangile, était sans doute aussi forte quřailleurs. Lřopposition
des Juifs est mentionnée et celle-ci pouvait être très virulente. Mais les chré-
tiens de Philadelphie nřavaient pas lâché prise.

2. Une porte ouverte


Jésus se présente comme le Saint et le Véritable. Toute œuvre missionnaire
est fondée sur cette conviction profonde que Jean reprend dans sa première
lettre : … et nous sommes dans le Véritable, en son Fils Jésus-Christ. C’est lui le Dieu
véritable et la vie éternelle (1 Jean 5.20). ŖLe Saintŗ était un des noms typiques de
Dieu dans le prophète Esaïe. Ensemble, ces deux termes affirment clairement
la divinité du Christ.
Il ouvre et ferme, Esaïe 22.22; Job 12.13,14.44 Il détient les clés de lřhistoire et
de la géographie, et la clé de David qui déverrouillera en son temps le royaume
qui vient et dans lequel tous sont dès maintenant appelés à entrer. Il ouvre une
porte pour lřEvangile, 1 Corinthiens 16.9; Colossiens 4.3; Act 14.2745, et qui
pourra la fermer avant le temps ? Voilà la certitude qui doit déterminer notre
ordre de mission. Au lieu de la culture grecque que les habitants de la ville
avaient répandue dans le passé, les chrétiens apportent maintenant lřEvangile
de la croix. Peu importe que cela ait fait grincer les dents aux Juifs, ou que cela
leur ait attiré le mépris des Grecs, ils utilisaient à bon escient la porte ouverte

44
Je le chargerai donc de la clé du royaume de David et, quand il ouvrira, nul ne refermera, et quand il
fermera, personne n’ouvrira. (Esaïe 22.22)
Auprès de Dieu se trouvent la sagesse et la force. C’est à lui qu’appartiennent conseil, intelligence.
Voici : ce qu’il détruit, nul ne le rebâtit. Et s’il enferme un homme, personne n’ouvrira. (Job 12.13,14)
45
car une porte s’est ouverte toute grande à mon activité, et les adversaires sont nombreux. (1 Corin-
thiens 16.9)
Priez également pour nous : que Dieu ouvre une porte à notre parole … (Colossiens 4.3)
A leur arrivée, ils réunirent les membres de l’Eglise et leur racontèrent tout ce que Dieu avait fait avec
eux; ils exposèrent, en particulier, comment il avait ouvert aux non-Juifs la porte de la foi. (Actes 14.27)
70

devant eux, cf. 1 Corinthiens 1.21-24 : En effet, là où la sagesse divine s’est manifes-
tée, le monde n’a pas reconnu Dieu par le moyen de la sagesse. C’est pourquoi Dieu a jugé
bon de sauver ceux qui croient, par un message qui paraît annoncer une folie. Oui, tandis
que, d’un côté, les Juifs réclament des signes miraculeux et que, de l’autre, les Grecs recher-
chent “la sagesse”, nous, nous prêchons un Christ mis en croix. Les Juifs crient au scandale.
Les Grecs, à l’absurdité. Mais pour tous ceux que Dieu a appelés, qu’ils soient Juifs ou
Grecs, ce Christ que nous prêchons manifeste la puissance et la sagesse de Dieu. Ils avaient
peut-être peu de puissance, mais ils la mettaient au service du Christ. Contre
eux se dressait ce que Jésus appelle la synagogue de Satan, indiquant par là ce
quřétait devenue à ses yeux lřassemblée des Juifs à Philadelphie qui sřétait
muée en persécuteur des chrétiens. En regardant vers lřéglise de Laodicée, est-
ce là le choix devant nous : rester un petit peuple méprisé ou devenir une sy-
nagogue de Satan estimée ? Mais la promesse dřEsaïe 60.10-14 sřadresse à ceux
qui savent rester fidèles à la Parole de Dieu : Les étrangers rebâtiront tes murs, leurs
rois te serviront. Car je t’avais frappée dans mon indignation, mais maintenant dans ma
faveur je te témoigne ma tendresse. Tes portes, jour et nuit, seront toujours ouvertes, on ne les
fermera jamais pour laisser affluer vers toi les trésors des nations, et leurs rois en cortège
qu’on mène de force vers toi. Car la nation ou le royaume qui ne te sera pas assujettie dispa-
raîtra : oui, cette nation-là sera complètement ruinée. Le cyprès, le platane et le genévrier qui
font la gloire du Liban te seront apportés pour embellir le lieu où est mon sanctuaire, et je
rendrai glorieux le lieu où reposent mes pieds. Les descendants de ceux qui t’humiliaient
viendront se courber devant toi, et ceux qui t’insultaient se prosterneront à tes pieds. Et l’on
t’appellera : Cité de l’Eternel, la Sion du Saint d’Israël.
3. Persévérer et vaincre
Dieu nřa pas de petits amis qui peuvent tout se permettre : chacun est ap-
pelé à persévérer. Lřheure de lřépreuve vient sur chacun. Tout chrétien peut
perdre sa couronne comme autrefois les croyants quřétaient Esaü, Ruben, Saül
ou Judas. Ce nřest pas encore le temps de nous féliciter de la gloire à venir et
de nous croire définitivement en sécurité. Vous avez en effet besoin de persévérance,
afin qu’après avoir accompli la volonté de Dieu, vous obteniez ce qui vous est promis. Car
encore un peu de temps – bien peu ! Et celui qui doit venir viendra, il ne tardera pas (Hé-
breux 10.36,37). Jésus viendra-t-il en anonyme pour éprouver notre persévé-
rance ? Viendra-t-il à la fin des temps, ou à la fin de notre temps ? Qui pourra
prendre notre couronne ? Lřennemi ? Peut-être que Jésus veut tout simple-
71

ment dire que dřautres chrétiens, plus obéissants que nous, prendront notre
couronne parce quřils font notre travail. Nous ne tiendrons jamais plus ferme
ce que nous avons que lorsque nous le partagerons librement avec ceux vers
qui le Christ nous envoie.
La promesse de Jésus nous offre une sécurité éternelle dans la présence du
Dieu éternel. Jésus fait peut-être référence aux deux colonnes devant le temple
de Salomon à Jérusalem, 2 Chroniques 3.17, dont le rôle nřétait pas de soute-
nir le bâtiment, mais de dire à tous que cřest Dieu, et nul autre, qui affermit, et
que la force ne se trouve quřen lui.46 Ce serait plein de sens pour les chrétiens
faibles de Philadelphie ! Eux qui étaient persécutés par les Ŗdétenteurs du nom
sacré mais cachéŗ recevront alors le saint nom de Dieu sur le front, au vu et au
su de tous ! Le nom de la ville sainte, la nouvelle Jérusalem, que leurs persécu-
teurs disaient vénérer, sera inscrit sur ces pauvres chrétiens. Le nom de Jésus
provoquait la rage des païens ? Voici que ces chrétiens méprisés ici-bas porte-
ront à tout jamais son nom nouveau.

Laodicée : L’église de l’amour vaincu

14Ecris
à lřange de lřéglise de Laodicée : Voici ce que dit lřAmen, le témoin fi-
dèle et véritable, lřauteur de la création de Dieu : 15Je connais tes œuvres: tu nřes ni
froid ni bouillant. Si seulement tu étais froid ou bouillant ! 16Ainsi, parce que tu es
tiède et que tu nřes ni froid ni bouillant, je vais te vomir de ma bouche. 17Parce
que tu dis : Je suis riche, je me suis enrichi et je nřai besoin de rien, et parce que tu
ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle et nu, 18je te conseille
dřacheter chez moi de lřor éprouvé par le feu, afin que tu deviennes riche, et des
vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse
pas, et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies. 19Moi, je reprends et je
corrige tous ceux que jřaime. Aie donc du zèle et repens-toi ! 20Voici : je me tiens à
la porte et je frappe. Si quelquřun entend ma voix et ouvre la porte, jřentrerai chez
lui, je souperai avec lui et lui avec moi. 21Le vainqueur, je le ferai asseoir avec moi
sur mon trône, comme moi jřai vaincu et me suis assis avec mon Père sur son
trône. 22Que celui qui a des oreilles écoute ce que lřEsprit dit aux églises !

46
Selon le sens probable des noms de ces deux colonnes, Yakîn et Boaz.
72

Dans la tragique histoire de Samson et Dalila, nous lisons comment, de


guerre lasse, Samson trahit le secret de sa force prodigieuse. Au milieu de la
nuit, quand viennent sur lui les Philistins, il croit pouvoir les vaincre comme
dřhabitude. Mais il a perdu sa force, et il ne le sait pas encore. Il a joué quand il
aurait dû se battre (voir le récit en Juges 16).
1. Le risque de vendre les bijoux de famille
La ville de Laodicée était un centre financier immensément prospère. Sa
laine soyeuse et noire était réputée partout. Son école de médecine était re-
nommée et son collyre fut exporté partout. Elle avait une autre particularité :
lřeau des sources chaudes, en amont de la ville, était devenue tiède en arrivant
à Laodicée. Cřétait une triste image de lřéglise dans cette ville. Lřéglise de Lao-
dicée ressemble à Samson. Comme toute église, elle avait reçu un riche héri-
tage spirituel. Mais elle sřétait fiée à sa prospérité, à ses ressources, à sa capaci-
té dřanalyse. Elle ne le sait pas encore, mais elle a vendu les bijoux de la fa-
mille. Christ est dehors. Elle était devenue une église qui nřavait pas besoin de
Dieu…
2. Deux points de vue
Jésus est lřAmen, le témoin véritable, ce qui rappelle la phrase en Esaïe
65.16 (NBS) : Quiconque se bénira dans le pays se bénira par le Dieu de l’Amen, et qui-
conque prêtera serment dans le pays prêtera serment par le Dieu de l’Amen; car les détresses
passées seront oubliées, elles seront cachées à mes regards. Avant dřémettre un jugement
on ne peut plus sévère, Jésus rappelle que son jugement est juste et véridique.
Le vrai thermomètre de la vie chrétienne, et de la vie dřéglise, est Jésus lui-
même. Sa mesure est la seule véritable. Il ne condamne pas cette église sur un
ouï-dire, mais il est lui-même le témoin. Cřest lui quřon avait laissé dehors, lui,
lřauteur et le chef de la création, cf. Colossiens 1.16-1847 ! Ce rappel de la lettre
de Paul aux Colossiens est dřautant plus intéressant que cette lettre avait été

47
Car c’est en lui qu’ont été créées toutes choses dans les cieux comme sur la terre, les visibles, les invi-
sibles, les Trônes et les Seigneuries, les Autorités, les Puissances. Oui, par lui et pour lui tout a été créé.
Il est lui-même bien avant toutes choses et tout subsiste en lui. Il est lui–même la tête de son corps qui
est l’Eglise. Ce Fils est le commencement, le Premier-né de tous ceux qui sont morts, afin qu’en toutes
choses il ait le premier rang. (Colossiens 1.16-18)
73

spécialement amenée à Laodicée.48 On ne pouvait guère plaider lřignorance au


sujet de la place élevée, centrale et essentielle du Christ.
Quel contraste entre le point de vue de Jésus et le leur ! Ils se croyaient
riches, probablement au sens littéral en ce centre financier. Jésus ne voit que
leur pauvreté. En cela, cette église est lřexact opposé de celle de Smyrne, Je
connais ta détresse et ta pauvreté et pourtant tu es riche, Apocalypse 2.9. Ils avaient
oublié ce qui constitue la vrai richesse dřune église et à la lumière de quel évé-
nement cela se mesure, 1 Pierre 1.7 : Mais beaucoup plus précieuse que l’or périssable
est la foi qui a résisté à l’épreuve. Elle vous vaudra louange, gloire et honneur, lorsque Jésus-
Christ apparaîtra. Ils se voyaient habillés dans leurs beaux vêtements soyeux de
laine noire. Jésus constate leur nudité. Ils avaient oublié que la seule aspiration
vestimentaire du chrétien est dřêtre revêtu au moment clé du fin lin éclatant et
pur, qui sont les œuvres justes des saints, Apocalypse 19.8. Se préoccuper de
ses vêtements ici-bas, et se trouver nu aux yeux du Fils de Dieu est faire
preuve de cécité. Eux qui se targuaient de voir clair étaient aveugles, et le ju-
gement des Pharisiens les avait atteints : Jean 9.39 : … Je suis venu dans ce monde
pour qu’un jugement ait lieu, pour que ceux qui ne voient pas voient, et que ceux qui voient
deviennent aveugles. Une fois de plus, lřéglise est à lřimage de la culture qui
lřentoure. Dès quřon perd sa vigilance, on se met à copier le monde dans le-
quel on baigne. Et, soudainement, voilà que Christ frappe à la porte.
Le résultat catastrophique de ce triste état de choses était que lřamour brû-
lant de Dieu avait été échangé contre la religiosité tiède de lřéglise. Ils étaient
devenus une église à vomir, et cřest Christ qui le dit ! Il nřy a rien de positif à
dire sur elle. Eux, la fière église de Laodicée, couraient le risque dřêtre vomi
par le Christ ! Pourtant, même en cette heure extrême, le jugement nřest pas
inévitable, v. 19. Il y a encore un remède. Si Christ vient ainsi avec le bâton, ce
nřest pas encore pour punir, mais pour corriger. Cřest une preuve de son
amour, et non de son rejet, cf. Proverbes 3.11,12 : Mon fils, si l’Eternel te corrige,
n’en fais pas fi, s’il te reprend, ne t’impatiente pas, car c’est celui qu’il aime que l’Eternel
reprend, agissant comme un père avec lui avec l’enfant qu’il chérit. Même à Laodicée il
peut y avoir de vainqueurs.
3. La porte fermée

48
Lorsque cette lettre aura été lue chez vous, faites en sorte qu’elle soit également lue dans l’Eglise de
Laodicée, et lisez vous-mêmes celle qui vous sera transmise par les Laodicéens. (Colossiens 4.16)
74

Laodicée est lřéglise de la porte fermée. Là où, à Philadelphie, cf. 3.7,8, la


porte ouverte donne sur un monde perdu, la porte fermée à Laodicée donne sur
une église perdue. Jésus nřest pas encore parti pour autant. Il semble hésiter
dřabandonner cette église infidèle et adultère. Il sait quřun chandelier enlevé
laisse un trou noir qui risque dřêtre définitif. Ainsi, avant de partir à tout ja-
mais, il frappe à la porte, non pas comme le Juge, cf. Jacques 5.9 : Voici que le
Juge se tient déjà devant la porte, mais comme lřAmant, cf. le Cantique des can-
tiques 5.2 : J’entends mon bien-aimé frapper : “Ma sœur, mon amie, ouvre-moi, toi, ma
colombe, toi, ma parfaite. Pourtant, il est bien dehors, mais qui sřen était aperçu
dans lřéglise ? Lřimage rappelle la gloire de lřEternel qui quitte Jérusalem en
Ezéchiel 10.49 La même hésitation, le même espoir dřun revirement. Et la
même inconscience que plus rien nřa du sens maintenant que Dieu nřest plus
là. Quel contraste sřétablit ainsi. Dřun côté, le risque dřêtre vomi, et de lřautre,
le désir de souper ensemble. Lřéglise de Laodicée est ainsi à la croisée des
chemins. Entre la condamnation qui menace et la communion offerte il nřy a
quřune main discrète qui frappe à la porte. Dans le bruit de lřorgueil, quelquřun
lřentendra-t-il ?
Christ est-il donc si exigeant ? La réponse est à la fois oui et non. Oui, il
exige tout, mais non, parce quřil donne tout. Il ne vient pas comme
lřexaminateur à qui on a donné lřordre de faire passer seulement les meilleurs.
Il corrige ceux quřil aime. Le remède contre la tiédeur est dřouvrir la porte au
Christ.
4. Le trône partagé
La promesse la plus glorieuse est réservée à lřéglise tiède ! Il faudra lire les
chapitres 4 et 5 pour apprécier le privilège indicible qui est ainsi offert au
vainqueur. Et dire quŘils risquaient de perdre cela ! Pourquoi une si grande
promesse à une église si peu méritoire ? Nřest-ce pas parce que Dieu reste un
Dieu de grâce, comme dans la parabole des ouvriers dans la moisson ? Nřest-
ce pas parce quřêtre vainqueur à Laodicée était encore plus difficile
quřailleurs ? Rester fidèle est la même chose partout et en tout temps. Dieu ne

49
La gloire de l’Eternel quitta le seuil du Temple et vint se placer sur les chérubins. Ceux-ci déployèrent
leurs ailes et s’élevèrent de terre sous mes yeux; ils sortirent, et les roues sortirent avec eux. Ils
s’arrêtèrent à l’entrée de la porte orientale du Temple de l’Eternel et la gloire du Dieu d’Israël reposait
sur eux tout au-dessus. (Ezéchiel 10.18,19)
75

change pas ses exigences et ne sauve pas à moindre prix. Mais rester fidèle à
Laodicée voulait dire quřil fallait accepter dřêtre seul, isolé, quřil fallait résister à
la tentation la plus difficile entre toutes, celle de la prospérité et du sentiment
dřautosatisfaction.
Le chemin de la victoire est le même pour tous. Cřest le chemin du Christ.
Comme moi j’ai vaincu rappelle la croix. La victoire sera toujours acquise par la
croix. Car en ce qui concerne le Christ, Dieu vous a accordé la grâce, non seulement de
croire en lui, mais encore de souffrir pour lui. Vous êtes en effet engagés dans le même com-
bat que moi, ce combat que vous m’avez vu soutenir et que je soutiens encore maintenant,
comme vous le savez. (Philippiens 1.29,30) Mais après la croix vient le trône, après
la honte vient la gloire, après le combat la couronne. Christ a partagé sa vie
avec nous. Il partagera aussi son trône.
Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux Eglises. Jamais, lřécoute de
lřEsprit ne pourra devenir le privilège ou la responsabilité de quelque autre.
Nous ne pourrons jamais nous cacher derrière nos responsables dřéglise pour
nřavoir pas entendu.
ŖLe Seigneur Jésus prend ces situations très au sérieux. Pourquoi ? Pourquoi
ne pas les abandonner à leur sort ? Est-ce parce quřil sait quřil nřy a pas de solu-
tion de rechange ? Parce que même une église comme celle de Laodicée est
mieux que pas dřéglise du tout ? Est-ce parce que la moindre petite braise peut
encore repartir sous le souffle de lřEsprit ? Il nřy a pas douze légions dřanges
pour reprendre le travail laissé par une église. Cette œuvre nřest pas la leur. Le
trou noir laissé par une église infidèle peut être définitif. Quelle responsabilité
terrible que la nôtre !ŗ50

Le septuple message de ces lettres vient ainsi jusquřà nous. Sommes-nous


capables de lřécouter avec le cœur ? Sommes-nous aptes à discerner en notre
temps les compromis qui causent la lente descente vers la mort ? Savons-nous
laquelle de ces deux portes caractérise nos églises ?
Ces sept églises sont dřabord des églises historiques de la fin du premier
siècle. Mais elles sont aussi toute lřEglise. Toute communauté qui se réclame
de Christ sřy retrouve reflétée. Certaines sont au-delà de tout reproche. La
plupart sont en danger. Christ vient pour juger lřEglise. Maintenant a lieu la pre-

50
Egbert EGBERTS, La tente de Dieu dans le désert des hommes, Cléon d’Andran : Excelsis, 1997, pp
136,137.
76

mière étape du jugement : il commence par le peuple de Dieu. Et s’il débute par nous, quel
sera le sort final de ceux qui refusent de croire à l’Evangile de Dieu ? (1 Pierre 4.17) Cela
sřadresse aux églises de toute dénomination. Ce nřest donc pas à nous de
prendre la place de Christ et de commencer déjà le jugement. Occupons-nous
de nous ! Sachons lire la ou les lettres qui nous concernent et agir selon
lřexigence de Jésus. Cela dit, il est clair que Jésus sřadresse à des communautés
locales. Le Nouveau Testament ne connaît pas de structure ecclésiastique au-
dessus de celle-ci ... à lřexception de celle décrite en Apocalypse 17.
Ces lettres nous disent aussi quřil y a une réelle possibilité de trouver des
vainqueurs en toute église. Parfois, ils seront peu nombreux. A Sardes, à Thya-
tire, à Laodicée, il nřy en aura peut-être pas des masses. Parfois, il y en a da-
vantage. Mais à chacun de nous appartient la charge de persévérer jusquřau
bout pour que personne ne nous prenne la couronne, pour que nos noms ne
soient pas effacés du livre de la vie, pour que le chandelier ne soit pas ôté de
sa place. Avec humilité, et sans aucune prétention, prenons la décision dřêtre
du côté des vainqueurs. Soyons de la fête dont les chapitres suivants donnent
un petit avant-goût.
N’abandonnez donc pas votre assurance : une grande récompense lui appartient. Car il
vous faut de la persévérance, afin qu’après avoir accompli la volonté de Dieu vous obteniez ce
qu’il a promis. Encore un peu de temps, un tout petit peu de temps, et celui qui doit venir
viendra, il ne tardera pas. Celui qui est juste à mes yeux vivra par la foi, mais s’il retourne
en arrière, je ne prends pas plaisir en lui. Quant à nous, nous ne sommes pas de ceux qui
retournent en arrière pour aller se perdre, mais de ceux qui ont la foi pour être sauvés. (Hé-
breux 10.35-39)
77

Une porte dans le ciel


4.1-11

4 1Après cela je regardai, et voici une porte ouverte dans le ciel. Telle une
trompette, la première voix que jřavais entendue me parler dit : Monte ici, et je
te ferai voir ce qui doit arriver dans la suite.
2Aussitôt, je fus [ravi] en esprit. Et voici quřil y avait un trône dans le ciel,

et sur ce trône quelquřun était assis. 3Celui qui était assis avait lřaspect dřune
pierre de jaspe et de sardoine, et le trône était environné dřun arc-en-ciel qui
avait lřaspect de lřémeraude. 4Autour du trône il y avait vingt-quatre trônes, et
sur ces trônes vingt-quatre anciens, assis, vêtus de vêtements blancs, et sur
leurs têtes des couronnes dřor. 5Du trône sortent des éclairs, des voix et des
tonnerres. Devant le trône brûlent sept lampes ardentes, qui sont les sept es-
prits de Dieu. 6Devant le trône, cřest comme une mer de verre, semblable à du
cristal. Au milieu du trône et tout autour du trône, quatre êtres vivants remplis
dřyeux devant et derrière. 7Le premier être vivant est semblable à un lion, le
deuxième être vivant est semblable à un veau, le troisième être vivant a
comme un visage dřhomme, et le quatrième être vivant est semblable à un
aigle en plein vol. 8Les quatre êtres vivants ont chacun six ailes, et ils sont
remplis dřyeux tout autour et au-dedans. Ils ne cessent de dire jour et nuit :
Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu, le Tout-Puissant qui était, qui est et qui
vient ! 9Et quand les êtres vivants rendront gloire, honneur et actions de grâces
à celui qui est assis sur le trône, à celui qui vit aux siècles des siècles, 10les
vingt-quatre anciens se prosterneront devant celui qui est assis sur le trône, ils
adoreront celui qui vit aux siècles des siècles, et ils jetteront leurs couronnes
devant le trône, en disant : 11Tu es digne, notre Seigneur et notre Dieu, de re-
cevoir la gloire, lřhonneur et la puissance, car tu as créé toutes choses, et cřest
par ta volonté quřelles existent et quřelles furent créées.

A QUEL MOMENT ? Avant de nous plonger dans le texte de ces deux cha-
pitres sublimes, il faudra répondre à une question. A quel moment de lřhistoire
se réfère cette vision de Jean ? Faut-il situer cet événement à la fin du temps
78

de lřEglise ? Si lřon interprète les chapitres deux et trois comme un aperçu de


lřhistoire de lřEglise, comme cela est parfois le cas dans la compréhension dis-
pensationaliste, il pourrait paraître assez logique de le comprendre ainsi.
Lřappel fait à Jean correspondrait alors à lřappel, lřenlèvement, de lřEglise.
Dans ce cas, cette vision se rapporterait à quelque chose qui est encore futur.
Ce qui doit arriver dans la suite se réfèrerait alors à la période après lřenlèvement.
Pourtant, cela ne semble guère probable pour deux raisons :
1. Cela repousserait à la fin des temps lřouverture du livre scellé qui doit
amener lřhistoire à son aboutissement. Non seulement, ce serait étonnant,
mais, tout en vivant encore au temps de la grâce de Dieu, les signes de la ca-
lamité à venir sont au milieu de nous, Jésus lřa bien dit en Matthieu 24. Cela
nřest donc pas repoussé à un avenir lointain : cřest la réalité du monde sans
Dieu de toute cette époque depuis lřAscension. Dřailleurs, Jésus réfère mani-
festement à la Guerre des Juifs et la chute de Jérusalem en 70 AD, même si le
texte ne se réduit pas à cet événement. Si le jugement va sřintensifier au fur et
à mesure que nous approchons du retour de Christ, la parole de Jésus montre
que la terreur de ses coups de butoir est déjà une réalité présente : séduction,
guerres, famines etc. Quand ces choses commencent à arriver, nous, les chré-
tiens, nous devons relever nos têtes, Luc 21.28. La comparaison entre le dis-
cours de Jésus sur la fin des temps et Apocalypse 6, comme nous le verrons
plus loin, nous fait conclure que les cavaliers de lřApocalypse sont déjà lâchés.
Christ a déjà reçu le rouleau et tient lřhistoire de ce monde dans ses mains. Il
est le Maître de lřHistoire.
2. Lřenlèvement ne peut pas précéder la tribulation. LřEglise fidèle sera
gardée de lřheure de la colère de Dieu, lřapôtre Paul le dit clairement (et nous
avons déjà cité ces passages) : … et pour attendre que revienne du ciel son Fils qu’il a
ressuscité des morts, Jésus, qui nous délivre de la colère qui vient (1 Thessaloniciens
1.10). Car Dieu ne nous a pas destinés à connaître sa colère, mais à posséder le salut par
notre Seigneur Jésus-Christ (5.9). Mais la tribulation, répétons-le, vise les chré-
tiens. Apocalypse 7.14 va clairement dans ce sens : … Et il me dit : Ce sont ceux
qui viennent de la grande tribulation. Ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang
de l’Agneau. Ces chrétiens ont bel et bien traversé cette grande tribulation, sans
doute celle à laquelle Jésus fait référence en Matthieu 24.21 : Car alors, il y aura
une grande tribulation telle qu’il n’y en a pas eu depuis le commencement du monde jusqu’à
maintenant, et qu’il n’y en aura jamais plus.
79

Placer lřenlèvement à ce moment précis, comme cela est fréquemment


montré dans des livres et des films, a un effet pervers. Si lřon croit que Jésus
viendra enlever son Eglise avant toute calamité décrite dans ce livre, on atten-
dra avant tout cet événement, au lieu de se préparer et de préparer lřEglise à la
persécution. Le danger est grand alors de se laisser surprendre. Or, lřapôtre
Paul, en répondant aux Thessaloniciens qui croyaient que lřenlèvement était
proche (notre rassemblement auprès de lui, 2 Thessaloniciens 2.1), dit clairement
quřil faut sřattendre à deux événements avant lřenlèvement. Ce sont donc ces
deux événements auxquels les chrétiens doivent se préparer : Que personne ne
vous égare d’aucune façon. Car ce jour n’arrivera pas avant (1) qu’éclate le grand Rejet de
Dieu, et (2) qu’apparaisse l’homme de la révolte qui est destiné à la perdition, l’adversaire
qui s’élève au-dessus de tout ce qui porte le nom de dieu, et de tout ce qui est l’objet d’une
vénération religieuse. Il ira jusqu’à s’asseoir dans le temple de Dieu en se proclamant lui-
même dieu (2.3,4). La grande apostasie et la venue de lřAntichrist précéderont
lřenlèvement.51 Ce qui doit arriver dans la suite (4.1) se réfère donc à lřensemble de
lřhistoire de lřEglise et du monde au-delà de lřouverture des sceaux qui a déjà
eu lieu, ouverture dont Jean est témoin.

51
On pourrait rétorquer que la suite des paroles de Paul va dans le sens d’un enlèvement ‘précoce’
aux versets 6 et 7 : Et maintenant vous savez ce qui retient pour qu’il soit révélé en son propre temps.
Car le mystère d’iniquité opère déjà ; seulement celui qui retient maintenant, le fera jusqu’à ce qu’il soit
loin (Darby). ‘Ce qui retient’ serait l’Eglise, ‘celui qui retient’ serait le Saint-Esprit. Le problème d’une
telle interprétation est qu’elle crée une contradiction entre le v. 3 et la suite. Le poids du ‘auparavant’
au v. 3 exclut une interprétation de ce genre. Il faut donc chercher dans un autre sens pour les paroles
mystérieuses des vv. 6 et 7. Leon MORRIS (1 and 2 Thessalonians, Tyndale NT commentaries, Leicester:
IVP, 1984) donne un bon aperçu de la question et conclut que la meilleure solution est peut-être de
lire ces mots pour le règne de la loi qui restreint l’action du mal dans un état bien ordonné. Le mascu-
lin au verset suivant se réfèrerait alors au dirigeant de l’état. Mais il admet qu’en fait, nous ne savons
pas ce que Paul a voulu dire. F. F. BRUCE (2 Thessaniciens in: le Nouveau Commentaire Biblique, St Lé-
gier: Emmaüs, 1978) va dans le même sens et rappelle la nécessité pour Paul de parler de manière
voilée dans le contexte du moment, cf. Actes 17.6s. René PACHE (op. cit. p.105) préfère voir l’Eglise
dans cette force qui restreint. Avec son départ, l’Esprit “aura perdu son tabernacle ici-bas, et Il ne
s’opposera plus à la ruée de l’erreur.” Il cite en renfort Gen 6.3 : Mon Esprit ne restera pas toujours
dans l’homme, … Cependant, il admet que même après l’enlèvement, l’Esprit agira encore parmi les
hommes de bonne volonté, ce qui affaiblit le propos. Nous croyons peu sage de faire reposer toute
une doctrine sur une interprétation peu sûre d’un texte mystérieux en ignorant les paroles claires qui
le précèdent. Pache fait aussi une confusion entre tribulation et colère. Plus loin, p.108, il identifie bien
l’enfant mâle d’Apocalypse 12 comme étant aussi l’Eglise, après l’enlèvement duquel commence “im-
médiatement” les trois ans et demi de la tribulation. Mais ici encore, il confond la tribulation, qui ar-
rive justement à son terme à ce moment, avec les trois ans et demi de colère qui commencent. Nous y
reviendrons en traitant des chapitres 11 et 12.
80

La vision de Jean ne se réfère donc pas à un futur lointain, mais à une réali-
té qui existe déjà de son temps. Pouvons-nous la Řdaterř à lřAscension ? Cřest
peut-être le moment qui convient le mieux. On peut penser à un texte comme
Hébreux 2.7,8 : Tu l’as abaissé pour un peu de temps au-dessous des anges, tu l’as cou-
ronné de gloire et d’honneur, tu as mis toutes choses sous ses pieds. En soumettant toutes
choses à son autorité, Dieu n’a rien laissé qui puisse ne pas lui être soumis. Or actuellement
nous ne voyons pas encore que tout lui soit soumis. Ce que nous ne voyons pas encore,
Jean lřa entrevu ce jour-là sur lřîle de Patmos.52

UNE FENETRE OUVERTE SUR LE CIEL. Si nous pouvions jeter un coup


dřœil dans le ciel, que verrions-nous ? Un long tunnel aboutissant à la lumière
où tout est bien qui finit bien ? En fait, la vision de Jean est tout autre. Les
seuls regards dans le ciel dont parle la Bible, et donc les seuls regards tombant
sous lřinspiration du Saint-Esprit, nous révèlent le trône de Dieu. Cřest la
première chose qui frappe. Ni les anges, ni les saints et leurs couronnes, mais
le trône de Dieu, le lieu de toute autorité et de tout pouvoir. Moïse a vu cela
en Exode, et le tabernacle en est le reflet. Nous lřavons démontré ailleurs, et
deux citations devront suffire ici53 :
ŖLorsque lřapôtre Jean est ravi en esprit jusque dans le ciel de Dieu, il
décrit ce tabernacle céleste. La comparaison entre Ex 25ss et Ap 4ss est
frappante. Dans les deux cas, la description commence avec le trône de
Dieu, lřarche. Dans les deux, nous retrouvons le chandelier Ŕles sept
lampes, les chérubins, la mer de bronze et lřautel des parfums. La table
dřEx 25 ne se retrouve pas en Ap 4, pas plus que lřautel des holocaustes. A
la place de la table, il y a les vingt-quatre trônes des anciens, représentants
du peuple des deux alliances. … Lřautel des holocaustes nřa pas de contre-
partie céleste. Cřest le seul mobilier du tabernacle céleste à se trouver sur
terre. Cřest lřunique porte dřaccès à cette réalité céleste. Lřautel où Christ
sřest offert en holocauste est la croix.

52
L’expression je fus saisi par l’Esprit (NBS), ou je fus ravi en esprit (Ostervald, cf. la Bible de Jérusa-
lem : je tombai en extase, se retrouve en 1.10. Devons-nous comprendre que toute la suite constitue
le détail de cette deuxième vision, tout comme la première vision concernait la révélation du Christ et
son ordre d’écrire les sept lettres ? Ladd propose quatre visions, en ajoutant 17.1-21.8 et 21.9-22.5.
53
La tente, op. cit., pp 85,86 et 91. Le tabernacle est une leçon d’Eglise : il montre ce que l’Eglise est
sensée être : un trône, une table, un chandelier, reflet du Dieu trinitaire.
81

Faut-il prendre la description dřAp 4 comme une série dřimages ? Le


tabernacle dřExode est une image, mais quřen est-il de la réalité céleste telle
que la voit lřapôtre ? Disons-le ainsi. Lřesprit et le langage humain ne peu-
vent pas aller plus loin. Vu au travers de nos yeux, cřest la réalité. Dire
quřelle est spirituelle nřenlève rien à cela. Bien au contraire. Le fait que cette
réalité soit spirituelle nous rappelle que cřest bien la réalité que nous
voyons, mais quřelle ne peut être contenue par notre vue limitée. Notre ca-
pacité limitée de voir et de décrire ne peut épuiser la réalité. Ce que voit
Jean nřest pas une illusion optique. Cřest la manière dont la réalité divine se
reflète sur la rétine humaine. Le trône est réel. Que la réalité surpasse en-
core ce quřon peut voir maintenant, nřaltère pas pour autant cette réalité.
Dans un langage tri-dimensionnel, une autre description est impossible. Le
tabernacle terrestre est donc une juste image de cette réalité. A nous, dřen
tirer les leçons spirituelles, de traduire lřimage et dřy voir resplendir la réali-
té de Dieu.
Quand nous serons un jour dans la gloire, nous nous dirons : « Cřest in-
finiment plus grand, plus glorieux, plus indescriptibleŕet pourtant, cřest
exactement cela ! » …ŗ

ŖLa place centrale du trône ressort clairement de la description que fait
Jean du tabernacle céleste. Quřest-ce quřil voit en premier lieu ? Un trône.
Notez la répétition dans les chapitres quatre et cinq de lřApocalypse : une
quinzaine de mentions dans vingt-quatre versets ! Tout ce qui se trouve
dans le ciel existe par rapport au trône de Dieu : devant, autour, au milieu;
tout a sa raison dřêtre dans le fait que Dieu est là et quřil règne. Cřest une
constante dans les différentes visions du ciel que la Bible nous rapporte.
Esaïe voit le Seigneur assis sur un trône très élevé. Ezéchiel voit au
point culminant de sa vision une apparence de trône et une forme humaine
assise sur le trône. Daniel voit le trône comme des flammes de feu. Etienne
voit Jésus à la droite du trône de Dieu où il règne. Il est couronné de gloire
et dřhonneur. Dieu dit : « Le ciel est mon trône et la terre mon marchepied.
Quelle maison pourriez-vous me bâtir et quel lieu serait le lieu de mon re-
pos ? » Es 66.1. Le tabernacle ou le temple ne peuvent pas limiter le trône à
la terre. Lřarche nřest pas le trône, elle est lřombre du trône. Elle rappelle au
peuple que Dieu règne sur lui. Et si ce règne nřest plus reconnu, lřexistence
du peuple est compromise. Le peuple est là premièrement pour rendre vi-
sible ce règne.ŗ

Le message aux chrétiens persécutés du temps de Jean jusquřà lřépoque de


lřAntichrist est que Dieu règne. Etienne voit ainsi le Fils de Dieu debout à la
82

droite de Dieu, Actes 7.56. Nous, nous ne voyons pas encore ces choses, mais
leur témoignage nous suffit : Notre Dieu règne encore !
La vision de Jean correspond ainsi au tabernacle (Exode 25, où la descrip-
tion commence aussi avec le trône). Esaïe (6.1-7) et Ezéchiel (1 et 10) ont vu
cette même réalité à leur époque. Le temple est le reflet de cette réalité au
temps des prophètes. Jésus et puis lřEglise lřincarnent jusquřà aujourdřhui.
Contrairement au tabernacle, et aux visions dřEsaïe et dřEzéchiel, Jean ne
donne pas de description du trône, mais de celui qui sřy trouve assis. Son as-
pect est celui dřune pierre de jaspeŕcf. 21.11ŕoù la nouvelle Jérusalem avait
la gloire de Dieu, dřun éclat semblable à une pierre de jaspe transparente comme du
cristal. Il faut probablement penser au diamant. Certains pensent à une pierre
dřun gris voilé, mais cela paraît moins probable. La sardoine est une pierre
rouge feu. Lřémeraude est de couleur verte. Lřarc en ciel décrit donc seulement
la forme et non les couleurs. Il rappelle assez naturellement Genèse 9 et
lřhistoire de Noé.
La table du tabernacle est ici vue dans la communion des vingt-quatre anciens
autour du trône. Le chiffre vingt-quatre pourrait être la somme des douze pa-
triarches et des douze apôtres, image de lřunité réelle du peuple de Dieu de
tous les temps, bien quřil ne faille pas aller trop loin : Jean ne se voit pas lui-
même autour du trône ! Est-ce comme la nouvelle Jérusalem mentionnée plus
loin, où les portes et les fondements du mur sont identifiés aux mêmes pa-
triarches et apôtres, 21.12-14, et où Jean se voit donc en quelque sorte ? Les
vingt-quatre anciens, ont-ils déjà reçu leurs couronnes ? Ils ne sont probable-
ment pas les patriarches et les apôtres en personne. On sřimagine un peu mal
les fils de Jacob dans ce rôle; lřimage que donne lřAncien Testament de ces
hommes ne semble pas nous encourager à aller dans ce sens. Jean voit en fait
autre chose. Ces anciens ne sont pas ici en leur propre nom, mais ils symboli-
sent lřensemble du peuple de Dieu. Ils sont les représentants du peuple de
Dieu. Ladd veut voir en eux des anges, un genre de contrepartie céleste aux
anciens dřIsraël,54 mais cela est aller trop loin. Le lien avec le peuple est telle-
ment fort, quřil vaut mieux y voir des êtres humains.

54
Il cite Esaïe 24.23 et Exode 24.11 qui ne nous semblent pas applicables ici. Ses références à Apoca-
lypse 7.9-11 et 19.1-4 n’apportent pas suffisamment de preuve pour sa thèse. Il relie le chiffre 24 aux
24 classes de prêtres dans l’Ancien Testament, mais note que les anciens n’ont aucun rôle sacerdotal.
Le fait que les anciens utilisent le mot “eux” en 5.10 n’est pas décisif non plus. Comme les chérubins
83

Les sept lampes sont lřoriginal dans la présence de Dieu du chandelier du ta-
bernacle. Ils disent la présence de lřEsprit de Dieu. Lřaspect septuple, nous
lřavons vu sous 1.4, rappelle peut-être le texte dřEsaïe 11.2.
La mer de verre est la réalité dont la cuve est le symbole, cf. 15.2. ŖElle est le
miroir de la sainteté de Dieu et ici, dans les lieux célestes, plus que jamais.
Dans lřimage terrestre, cette sainteté se voyait, comparativement, de manière
confuse, comme dans un miroir dřairain poli. Ici, dans la réalité céleste, elle se
voit pure et limpide comme du cristal et dure comme du verre dans lequel se
reflète le feu du jugement. La sainteté de Dieu y apparaît dans toute sa splen-
deur et dans toute sa terreur.ŗ55
Les êtres vivants sont les mêmes que les chérubins, comme en Ezéchiel 10.9-
15. Comment faut-il se les présenter et qui sont-ils ? Nous y avions consacré
une étude ailleurs56, dont voici quelques paragraphes pertinents :
ŖIls paraissent dans lřEcriture en deux groupes de textes distincts : 1) les
textes qui parlent du tabernacle ou du temple ou qui sřy réfèrent (Dieu sié-
geant entre les chérubins); 2) les textes de la vision dřEzéchiel, chapitres 9,
10, cf. chapitre 1.
A cela, il faut ajouter quelques textes qui ne sřy laissent pas regrouper :
Genèse 3.24; 2 Samuel 22.11 = Psaume 18.11 et Ezéchiel 28. …
Les chérubins ont un rôle probable de gardiens du sanctuaire et de té-
moins de la présence de Dieu. Ils sont directement liés au trône de Dieu
quřest lřarche, cf. Ezéchiel 1.26; 10.1; Apocalypse 4 .2,6.ŗ

ŖEzéchiel 1, qui donne le plus de détails, mentionne quatre faces, quatre
ailes, des pieds (jambes ?) droits avec des sabots dřun veau, des mains hu-
maines et une apparence générale dřune flamme de feu, 1.5-14. Le chapitre
10 y ajoute le fait quřils sont remplis dřyeux. Les quatre faces sont celles dřun
homme, dřun lion, dřun bœuf et dřun aigle. 10.14 semble confondre la face
dřun bœuf et la face dřun chérubin. … Cependant, Ezéchiel 41.19 ne men-
tionne plus que deux faces, homme et lion. Les chérubins de lřarche, quant à
eux, semblent nřavoir quřune seule face, probablement humaine.

chantent le même cantique, le “nous” eut été surprenant. Nous croyons le lien avec le tabernacle dé-
cisif pour leur identification. Voir la note précédente.
55
Ibid. p 225.
56
Egbert EGBERTS, La chute du chérubin (Ez 28.11-19). Mémoire présenté à la Faculté de théologie
évangélique à Vaux-sur-Seine, 1988, pp 76-80. J’ai allégé le texte d’un certain nombre de références
techniques.
84

Lřimpression générale, sans compter les faces, est dřune apparence hu-
maine, à deux pieds, ailée (quatre, Exode 25.20 peut sřaccorder avec cela; en
1 Rois 6.24, ils nřont que deux ailes, mais les deux chérubins de Salomon
sont peut-être stylisés et pas identiques à ceux de lřarche).ŗ

ŖFaut-il alors … les comprendre comme les représentants de la création
terrestreŕles seigneurs de leurs mondes respectifs : homme, lion, aigle,
bœuf ? Ou leur donner un sens symbolique comme Philon, qui les prenait
pour les deux attributs les plus anciens de Dieu : les puissances de la création
et de gouvernement ?57
Deux points méritent dřêtre relevés pour répondre à la question.
Tout dřabord, chez Ezéchiel et Esaïe, il faut noter lřabsence de toute réfé-
rence aux anges.58 Là où on sřattendrait à voir les anges, lřun mentionne les
chérubins, lřautre les séraphins. Sans vouloir les confondre avec les anges,
ceci doit nous rendre prudents de les dissocier totalement. Le deuxième
point est basé sur lřobservation dřApocalypse 4,5. Jean voit les anges autour
du trône, des êtres vivants et des anciens. Les anciens sont autour du trône et
donc entourés des anges. Mais ils entourent les chérubins qui eux sont au mi-
lieu et tout autour du trône et entourent lřAgneau au milieu du trône.
Lřensemble de ces groupes est entouré par les autres créatures célestes, ter-
restres et marines, 5.13,14, sans être confondu avec elles.
Nous avons donc en quelque sorte des cercles concentriques : lřAgneau
et le trône, les chérubins, les anciens, les anges59 et toutes les autres créatures.
Alors, il ne faut ni apparenter les chérubins aux autres créatures, ni aux
anges, ni aux hommes. Ils ont une nature céleste, en partage avec les anges,
mais ils en sont clairement distincts dřaprès la place glorieuse qui leur est at-
tribuée, au-dessus des anges et de lřEglise. Non pour gouverner les autres,
mais pour contempler et servir lřAgneau.60
Ils forment ainsi le sommet de la création, ils sont des réalités et non des
symboles, des êtres spirituels au rôle particulier de garder la sainteté du trône
de Dieu et de lřadorer.ŗ

57
… H. BLOCHER, Révélation des Origines 186, va dans ce sens symbolique : ils résument "ces forces
vives de la création", "toute la puissance du monde aux ordres du SEIGNEUR". …
58
Sauf Esaïe 37.36 et 63.9 qui concernent l’Ange de l’Eternel, qui a clairement un statut à part dans
l’Ecriture.
59
1 Corinthiens 6.3 et Hébreux 1.14 illustrent cette préséance de l’Eglise sur les anges.
60
Notons aussi que le texte de l’Apocalypse, en 15.7, leur attribue une action précise : Un des quatre
êtres vivants donne les sept coupes aux sept anges.
85

En disant tout cela, nous nřavons en fait encore rien dit ! Ce ne sont que
quelques détails Řtechniquesř pour mieux comprendre ce que Jean voit. Mais
Jean nřest pas ici un voyeur : il est adorateur. Il nřest pas monté là-haut pour
satisfaire sa curiosité ou pour faire du tourisme spirituel. Il entre dans la pré-
sence de Dieu ! Il nous est difficile de saisir cela. Nous sommes devenus une
génération de voyeurs devant qui une multitude dřécrans distillent un maxi-
mum dřinformations. Nous ne connaissons plus rien à ce mélange de terreur,
de crainte, dřadmiration et de saint respect. Pour nous, les choses les plus
saintes ont été banalisées par une culture de divertissement. Il faut aller à une
autre époque et dans dřautres lieux pour sentir quelque peu ce que Jean a dû
ressentir. Dans le passé, pénétrer dans le palais impérial japonais devant le
dieu-empereur en donnait une vague idée. Dans le Psaume 119.120, cela est
exprimé dřune façon qui convient ici : Ma chair frissonne de la peur que tu
m’inspires, et j’ai la crainte de tes jugements. ŖNous sommes devenus enfants de
Dieu. Mais nous entrons dans sa présence sur la pointe des pieds, sans pré-
somption. Dieu nous reçoit comme un Père, comme le Père. La crainte de
lřEtranger est bannie par lřamour quřil a fait naître dans nos cœurs. Mais cet
amour réveille en nous la crainte du Bien-aimé, crainte de lřoffenser, crainte de
laisser refroidir en nous le feu de son amour.
Nous sommes Bartimée, aveugle, et plein dřespoir. Il est le Maître. « Prends
courage, lève-toi, il třappelle ! » (Marc 10.49) Lřaccomplissement de toutes nos
attentes et pourtant ... « ma chair frissonne ... »ŗ61
Jean ne voit pas dřabord les anges par myriades. Il faudra attendre la fin de
la vision pour quřil les remarque enfin ! Il ne rencontre pas tel illustre portier
des portails célestes ! Il vient directement devant le trône. Il nřy a pas de visite
dans les lieux célestes qui ne commence au trône de Dieu. Quiconque pénètre
dans le royaume de Dieu vient dřabord devant le trône. Il est convoqué et
convié devant le trône où il se trouve gracié et où toute sa vie bascule dans
celle de ce Dieu déconcertant. Seulement après peut-il Ŗdécouvrir les lieuxŗ.
Mais aussi vite, il est happé par lřadoration qui remplit ces lieux. Celle des
quatre êtres vivants et leur cantique à la fois ancien, nous le trouvons déjà en
Esaïe 6.362, et nouveau : Saint, saint, saint … celui qui était, qui est et qui vient, 1.4.
61
Egbert EGBERTS, Voyage au cœur de la vie, Cléon d’Andran : Excelsis, 1996, p 56.
62
C’est une autre raison de supposer que séraphins et chérubins sont des noms interchangeables.
86

Est-ce dire que donc au ciel, on ne fait rien dřautre que chanter et prier ? En-
levons aussi vite de nos cœurs ce que cette question a dřincongru. Au-
jourdřhui, il faut aller dans les stades de foot, ou sur les Champs-Elysées après
la conquête de la Coupe du monde pour trouver une faible illustration de ce
que Jean voit ici. On peut manifestement passer une nuit entière à chanter la
gloire dřonze bonhommes qui ont couru pendant 90 minutes derrière un bal-
lon … et personne pour décrier cela dans le journal télévisé ! Nous ne savons
pas, plus, qui est Dieu. Nous ne connaissons plus, ou peut-être pas encore,
lřadoration quřil inspire. Jean est convié à un moment solennel, et cela dřautant
plus sřil sřagit de lřAscension ou dřun événement peu après. Le moment est
spécial, et le chapitre suivant nous le dévoile.
Le chant des chérubins déclenche lřaction des vingt-quatre anciens qui se
prosternent, adorent et jettent leurs couronnes. Cřest lřantique geste des rois
vaincus devant leur vainqueur. Lřacclamation ŖDigne !ŗ amplifie le geste. Cřétait
lřacclamation officielle de lřempereur Domitien, et les titres ŖSeigneur et Dieuŗ
étaient usurpés par ce même Domitien. Le culte de lřempereur était devenu la
source principale de la persécution. Mais ici, au ciel, Jean voit et entend où se
trouve la source du vrai pouvoir.
Avant dřêtre notre Rédempteur, Dieu est le Créateur. Tout existe par son
bon plaisir. En vertu de cela il est le Propriétaire de tout. Il est alors le seul à
qui reviennent la gloire et la louange. Devant nos oreilles inondées de la philo-
sophie évolutionniste cela peut sonner un peu primitif. Comme si nous sa-
vions mieux ! Mais cřest ici quřon découvre la seule perspective vraie sur
lřhistoire et la préhistoire. Tout le reste devra sřharmoniser avec cela, … ou
disparaître à tout jamais.
87

A l’Agneau sur son trône


5.1-14

5 1Puis je vis dans la main droite de celui qui était assis sur le trône un livre
écrit en-dedans et en-dehors, scellé de sept sceaux. 2Et je vis un ange puissant qui
proclamait dřune voix forte : Qui est digne dřouvrir le livre et dřen rompre les
sceaux ? 3Mais nul dans le ciel, ni sur la terre, ni sous la terre, ne pouvait ouvrir le
livre, ni le regarder. 4Et je pleurais beaucoup, parce que nul ne fut trouvé digne
dřouvrir le livre, ni de le regarder. 5Et lřun des anciens me dit : Ne pleure pas; voici
que le lion de la tribu de Juda, le rejeton de David, a vaincu pour ouvrir le livre et
ses sept sceaux. 6Et je vis au milieu du trône et des quatre êtres vivants et au mi-
lieu des anciens, un Agneau debout, qui semblait immolé. Il avait sept cornes et
sept yeux, qui sont les sept esprits de Dieu envoyés par toute la terre. 7Il vint rece-
voir le livre de la main droite de celui qui était assis sur le trône.
8Quand il eut reçu le livre, les quatre êtres vivants et les vingt-quatre anciens se

prosternèrent devant lřAgneau, tenant chacun une harpe et des coupes dřor rem-
plies de parfums, qui sont les prières des saints. 9Et ils chantaient un cantique
nouveau, en disant : Tu es digne de recevoir le livre et dřen ouvrir les sceaux, car
tu as été immolé et tu as racheté pour Dieu, par ton sang, des hommes de toute
tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation; 10tu as fait dřeux un
royaume et des sacrificateurs pour notre Dieu, et ils régneront sur la terre. 11Je re-
gardai et jřentendis la voix de beaucoup dřanges autour du trône, des êtres vivants
et des anciens, et leur nombre était des myriades de myriades et des milliers de
milliers. 12Ils disaient dřune voix forte : LřAgneau qui a été immolé est digne de
recevoir puissance, richesse, sagesse, force, honneur, gloire et louange. 13Et toutes
les créatures dans le ciel, sur la terre, sous la terre et sur la mer, et tout ce qui sřy
trouve, je les entendis qui disaient : A celui qui est assis sur le trône et à lřAgneau,
la louange, lřhonneur, la gloire et le pouvoir aux siècles des siècles ! 14Et les quatre
êtres vivants disaient : Amen ! Et les anciens se prosternèrent et adorèrent.

LE ROULEAU DANS LA MAIN DE DIEU. Lřoccasion pour laquelle Jean est


convoqué est particulière. A partir de cet événement, les temps de la fin vont
88

se dérouler selon le Ŗscénarioŗ évoqué par les sceaux du livre que Jean voit
soudainement dans la main de Dieu. Est-ce que le mot Ŗscénarioŗ est trop
fort ? Tout est-il écrit dřavance pour se dérouler tel quel sans aucune possibili-
té de changement ? LřAncien Testament nous encourage à croire que la prière
et la repentance peuvent avoir un effet sur le plan de Dieu. On peut penser à
Ezéchias et sa prière que Dieu exauce en ajoutant quinze ans à sa vie, de
même quřà son humiliation qui fait éloigner lřindignation de Dieu durant le
reste de ses jours, 2 Rois 20.6 et 2 Chroniques 32.26. Nous aurons dřailleurs à
revenir sur le rôle de la prière dans le déroulement du plan de Dieu. Mais tôt
ou tard, tout le plan de Dieu sřaccomplira. Ce que croit faire lřhomme en se
servant de sa liberté dřaction, liberté qui entraîne sa responsabilité, ne servira,
malgré lui, quřau plan de Dieu. Que ce soient les soubresauts de la nature, ou
les guerres terribles déclenchées par les hommes, Dieu a le contrôle. Il avertit
et corrige par ces fléaux pour que lřhomme se repente. Ce nřest pas que Dieu
désire la perte de lřhomme. Cřest plutôt que lřhomme ignore, et souvent vo-
lontairement, ce qui sert à son salut. Le livre dans la main de Dieu est de na-
ture à nous encourager. Nous ne sommes pas entre les mains dřun sort
aveugle, ni même dans les griffes des méchants ou du Malin. Dieu est souve-
rain, et il a remis lřhistoire dans les mains de son Fils.
Tout le reste de lřApocalypse est-il contenu dans ce livre et ses sept
sceaux ? Contient-il les décrets de Dieu au sujet de la fin des temps ? Il est fort
probable que le livre ne peut être ouvert et lu qu’une fois les sept sceaux brisés. Il
serait alors aussi possible de comprendre que ce livre est une description de
tout ce qui va suivre au-delà du dernier jugement, un condensé des gloires à
venir et la certitude que tout cela arrivera. Le septième sceau ne se termine
quřau chapitre 16, et les chapitres 19 à 22 ne rempliraient pas tout un rou-
leau !63 Il est écrit des deux côtés, comme le rouleau dřEzéchiel 2.9,10. Dans le
monde antique, le papyrus coûtait cher, et lorsquřon avait beaucoup à dire, on
écrivait tant au recto, le bon côté, qui se prêtait bien à lřécriture, quřau verso.
Cet ultime message de Dieu à lřhumanité nřest pas un petit billet rapide, un

63
Pour certains, le contenu du livre est compris par les chapitres au-delà de l’ouverture du septième
sceau.
89

mail, mais un long texte enroulé.64 En plus, pour empêcher quřil soit lu par des
personnes non autorisées, il est scellé.

SEPT SCEAUX. Cřétait la particularité de sceller un testament avec sept


sceaux. Voici en quelque sorte le testament de Dieu, lřexpression de sa volonté
dernière pour lřhistoire humaine. Comment le rouleau est-il scellé ? Habituel-
lement, un tel rouleau contenant le testament, était scellé de sept sceaux qui
fermaient donc ensemble le rouleau. Une fois que le septième sceau était brisé
on pouvait lire le contenu. Cřest probablement ainsi quřil faut comprendre la
chose.65 Les sceaux expriment le secret et lřautorité. Tant quřon ne rompt pas
les sceaux, personne ne peut prendre connaissance du contenu. Mais qui avait
autorité pour les ouvrir ? Et si personne nřavait cette autorité, lřhistoire, reste-
rait-elle sans aboutissement, un refrain sans fin ? Lřidée même fait pleurer
Jean. Personne nřest trouvé digne et capable de répondre à la question, ni
même de regarder le livre, ni chérubin, ni ange, ni homme. Dieu lui-même, ne
peut-il donc pas ouvrir les sceaux ? Le fait est que Dieu a tout mis sous
lřautorité de son Fils. Paul le dit ainsi en 1 Corinthiens 15.25-28 : Il faut, en effet,
qu’il règne jusqu’à ce que Dieu ait mis tous ses ennemis sous ses pieds. Et le dernier ennemi
qui sera anéanti, c’est la mort. Car, comme il est écrit : Dieu a mis toutes choses sous ses
pieds. Mais quand l’Ecriture déclare : Tout lui a été soumis, il faut, de toute évidence, en
excepter celui qui lui a donné cette domination universelle. Et lorsque tout se trouvera ainsi
amené sous l’autorité du Christ, alors le Fils lui-même se placera sous l’autorité de celui qui
lui a tout soumis. Ainsi Dieu sera tout en tous. La soumission du Fils nřest pas une
infériorité dřêtre. Il est le Fils et partage donc lřessence divine. Ce texte de
lřApocalypse devient ainsi une des grandes affirmations de la divinité du Fils.
En Christ, Dieu est pleinement présent, éternellement distinct et éternellement
un.
Jean assiste à une scène écrite depuis avant la création, une Ŗcérémonieŗ
céleste unique qui se déroule sans que qui que ce soit sur terre soit au courant.
Pourtant, cřest bien le sort de notre planète qui est lřenjeu. Au travers de sa

64
Barclay suggère que ce rouleau avait une longueur de quatre mètres et demi. Il se base sur la seule
longueur du livre de l’Apocalypse.
65
Parfois, on suggère que les sceaux ont été appliqués successivement et que l’ouverture de chaque
sceau permet donc de lire une partie du rouleau. Cependant, le contenu très succinct de chaque sceau
au chapitre 6 ne semble pas justifier cela.
90

vision, Jean en est notre seul témoin. Le Père glorifie le Fils. Le Fils reçoit le
règne de son Père. Nul autre ne peut piloter le bateau de lřhistoire. La question
de lřange ne cause pas de pleurs dans le ciel. Tout le monde est au courant ! Le
drame qui a commencé la nuit de Noël, et qui a drapé le ciel de deuil le jour de
la crucifixion, arrive ici à lřacte suivant. Pas encore lřacte final, mais un tour-
nant important : le livre va être ouvert qui achèvera la parenthèse du mal.
Christ est là et il est vainqueur. Non, pas de pleurs au ciel. Jean est le seul qui
pleure, déboussolé. Il nřavait pas compris que la question nřétait posée que
pour faire éclater davantage la gloire du Fils. Ce nřest même pas un ange qui
vient consoler Jean, mais lřun des anciens. Eux aussi sont dans le secret. Ne
pleure pas, il y a une solution. Rappelle-toi de lřAgneau de Dieu qui ôte les pé-
chés du monde, Jean 1.29 ! La question nřa pris personne au dépourvu.
Jésus est là. Pas quelque part perdu au milieu de cette foule innombrable,
mais au milieu du trône, au centre. Est-ce la lumière, qui trouve sa source ici,
qui a empêché Jean de distinguer lřAgneau ? Ou ses yeux sřouvrent-ils comme
autrefois les yeux des disciples dřEmmaüs ?

LřAGNEAU QUI EST LE LION. Voici enfin révélée la double méprise des
hommesŕcelle des Juifs qui attendent le Lion, et voici … lřAgneau. Et celle
des païens qui ne voient que lřAgneau, insignifiant, méprisable, mais voici quřil
est le Lion. Vingt-six textes de lřApocalypse concernent lřAgneau. Cřest bien
un des thèmes majeurs du livre. Il est là comme lřAgneau du sacrifice, avec sa
blessure mortelle visible pour tous. Il est là comme immolé, mais vivant, vic-
torieux et dřune grande force. Le prix terrible du péché a été payé, la coupe de
la colère de Dieu a été vidée jusquřà la lie pour quiconque met sa confiance en
lui. Maintenant, il sřapprête à rompre les sceaux qui dévoileront le jugement
inévitable pour ceux qui le rejettent. Il ne reçoit pas le livre à cause de sa résur-
rection, mais à cause de la croix, 5.9. Devant Dieu, ce nřest pas la force qui
remporte la victoire, mais la faiblesse du sacrifice. Le Crucifié seul est digne
dřouvrir les sceaux et de mener lřhistoire à son achèvement. Lui seul est digne,
mais il nřest pas seul. Il est suivi dřun peuple de rachetés qui dépasse de loin
les limites du seul peuple juif. Cřest lřaccomplissement de la parole de Jésus en
Luc 13.29 où il a annoncé la présence dans le royaume de gens venant de
lřOrient et de lřOccident, du Nord et du Midi. Ils régneront sur la terre. Un peuple
de rois et de sacrificateurs régnera avec le Messie glorifié. Quřils régneront
91

nřest guère une surprise. Mais sacrificateurs ? Nous le sommes aujourdřhui,


avant le retour de Christ, mais serons-nous sacrificateurs au-delà de ce temps ?
Christ est le souverain sacrificateur au ciel même. Il y est entré une fois pour
toutes pour abolir le péché par son sacrifice. Il y est depuis pour se présenter
pour nous devant la face de Dieu (Hébreux 9.23-26, cf. 7.25). Serons-nous sa-
crificateurs en même temps que rois, appelés à servir devant la face de Dieu, à
être là pour lui offrir le meilleur de nous-mêmes, à unir à tout jamais le trône
et lřautel dans une harmonie inconnue jusque là ? Esaïe entrevoit ce nouveau
sacerdoce : Mais vous, on vous appellera sacrificateurs de l’Eternel, on dira que vous êtes
au service de notre Dieu; vous mangerez les ressources des nations, et vous vous ornerez de
leur gloire (61.6). Rois et sacrificateurs, nřest-ce pas avoir le meilleur de deux
mondes ?
Les trois titres de Jésus dans ce passage sont enracinés dans lřAncien Tes-
tament. Le lion de la tribu de Juda nous renvoie à la Genèse : Oui, Juda est un jeune
lion. Mon fils, tu reviens de la chasse et tu t’es accroupi et couché comme un lion, comme une
lionne : qui te ferait lever ? Le sceptre ne s’écartera pas de Juda, et l’insigne de chef ne sera
pas ôté d’entre ses pieds jusqu’à la venue de celui auquel ils appartiennent et à qui tous les
peuples rendront obéissance (49.9,10). Le lion majestueux était lřimage que se fai-
saient les Juifs du Messie libérateur. Mais il est aussi lřAgneau de Dieu. Le lion
se fait connaître comme agneau. Est-ce à dire quřil sera le lion pour ceux qui
refusent de le connaître comme lřAgneau ? Cřest bien l’Agneau que tout
homme verra, 1.7. Esaïe 53.5-7 nous le dépeint ainsi : Mais c’est pour nos péchés
qu’il a été percé, c’est pour nos fautes qu’il a été brisé. Le châtiment qui nous donne la paix
est retombé sur lui et c’est par ses blessures que nous sommes guéris. Nous étions tous er-
rants, pareils à des brebis, chacun de nous allait par son propre chemin : l’Eternel a fait
retomber sur lui les fautes de nous tous. On l’a frappé, et il s’est humilié, il n’a pas dit un
mot. Semblable à un agneau mené à l’abattoir, tout comme la brebis muette devant ceux qui
la tondent, il n’a pas dit un mot. Mais ce Messie souffrant, est-il bien le grand Fils
de David ? Lřancien le présente encore comme le rejeton de David, ce qui
nous ramène à Esaïe 11.1 : Un rameau poussera sur le tronc d’Isaï, un rejeton naîtra de
ses racines, et portera du fruit. Un rejeton, une faible plante. Un Messie sans appa-
rence ni éclat, dira Esaïe (53.2). Mais quřon ne se méprenne pas sur lřidentité
profonde entre le rejeton de David, lřAgneau et le Lion. Ce nřest pas le lion
92

dont parle Pierre (1 Pierre 5.866) quřil faut craindre, même sřil vaut mieux faire
un grand tour pour lřéviter ! Voici le Lion de Dieu sous les traits dřun
agneau.67
Ses sept cornes sont lřinsigne de sa puissance et de son autorité, ses sept yeux à
qui rien nřéchappe sont les sept esprits de Dieu. Est-ce à dire quřil est par ex-
cellence rempli du Saint-Esprit de Dieu ? Cela est sans doute lřidée ici.
LřEsprit de Dieu est dřailleurs appelé lřEsprit de Jésus ou lřEsprit du Christ
(par exemple Romains 8.9 et Philippiens 1.19). Mais cřest peut-être aussi une
indication de sa connaissance de toute chose. Les sept esprits de Dieu envoyés
par toute la terre sont ses sept yeux. Il a une vision totale de tout ce qui se
passe. Non seulement dans notre vieŕnous ne sommes jamais seuls, sans
protection, mais aussi dans ce monde.
Commence alors une acclamation telle quřil nřy en a peut-être pas eu de-
puis le début de la création. Tout ce qui vit y prend part, des chérubins élevés
en gloire jusquřaux fils dřAdam rachetés. Le Père honore le Fils et tout ce qui
respire joint sa voix. Lřharmonie est restaurée et les chérubins gardiens de la
sainteté unissent leurs voix aux hommes faibles quřils avaient tenus éloignés
du Paradis. Ils viennent avec des coupes dřor où ont été recueillies les prières
des saints.
Dans le service du tabernacle et du temple, les coupes d’or sont liées à lřautel
des parfums, mentionné aussi en 8.3, et qui est sans doute le même autel quřen
6.9. Nos prières participent à lřadoration de lřAgneau. Cette louange voit
comme déjà accompli ce qui doit encore arriver, 5.10.68
Ce nřest quřune fois quřil voit le Christ glorifié que Jean devient conscient
des myriades dřanges qui semblent former le chœur gigantesque de cette cé-
rémonie céleste. Leur chant attribue à lřAgneau ce que les Etres vivants et les
anciens avaient attribué à Dieu. On ne peut guère être plus explicite : Le Fils
est lřégal du Père. Cřest le cantique nouveau qui résonnera dans lřunivers. ŖA
lřAgneau tous les trônes et toutes les couronnes ! Il est le Maître souverain, les

66
Ne vous laissez pas distraire, soyez vigilants. Votre adversaire, le diable, rôde autour de vous comme
un lion rugissant, qui cherche quelqu’un à dévorer.
67
Notons que l’Apocalypse ne donne aucune image de Christ. Il est seulement présenté sous forme
symbolique. Rien ne nous permettra de nous faire de lui une image même mentale. Est-ce l’influence
du deuxième commandement qui n’est pas loin ?
68
Avec Ladd, nous pensons que le temps du verbe régner doit être lu comme un futur.
93

temps sont en sa main. Il eut la croix pour trône, lřépine pour couronne ! Mais
le Père a glorifié son Fils crucifié. Rendons lřhonneur suprême à ce Dieu qui
nous aime, et qui revient victorieux, pour nous ouvrir les cieux !ŗ
Un autre chœur sřy ajoute. La création toute entière se trouve à lřunisson
devant le trône. Le plan de Dieu aura été exécuté jusquřau bout. Ce plan, que
Dieu achèvera à la fin des temps, consiste à réunir tout ce qui est dans les cieux et sur la
terre sous un seul chef, le Christ (Ephésiens 1.10 BFC). Ce que voit Jean ici nřest en
quelque sorte que la bande dřannonce. Mais lorsque lřAgneau aura ouvert le
dernier sceau, le livre se lira dans toute sa splendeur. Le meilleur conte de tous
les temps nous sera conté et nous ne nous en fatiguerons jamais. Et le meilleur
sera-t-il … que nous y soyons ? Que tout sera rigoureusement vrai ? Que tout
est encore plus merveilleux que tout ce que nous aurions pu imaginer ? Non.
Le meilleur, cřest que nous le verrons, au-delà de toute vision actuelle où nous
voyons encore comme dans un miroir de bronze poli. Mes chers amis, dès à pré-
sent nous sommes enfants de Dieu et ce que nous serons un jour n’a pas encore été rendu
manifeste. Nous savons que lorsque le Christ paraîtra, nous serons semblables à lui, car
nous le verrons tel qu’il est (1 Jean 3.2).
94

Les cavaliers de l’Aoocalyose


6.1-17

6 1Je regardai, quand lřAgneau ouvrit un des sept sceaux, et jřentendis lřun des
quatre êtres vivants dire comme dřune voix de tonnerre : Viens. 2Je regardai, et
voici un cheval blanc. Celui qui le montait tenait un arc; une couronne lui fut
donnée, et il partit en vainqueur et pour vaincre.
3Quand il ouvrit le second sceau, jřentendis le second être vivant dire : Viens.
4Et un autre cheval, rouge feu, sortit. Celui qui le montait reçut le pouvoir dřôter

la paix de la terre, afin que les hommes sřégorgent les uns les autres; et une grande
épée lui fut donnée.
5Quand il ouvrit le troisième sceau, jřentendis le troisième être vivant dire :

Viens. Je regardai, et voici un cheval noir. Celui qui le montait tenait une balance à
la main. 6Et jřentendis comme une voix au milieu des quatre êtres vivants; elle di-
sait : Une mesure de blé pour un denier, et trois mesures dřorge pour un denier;
quant à lřhuile et au vin, nřy touche pas.
7Quand il ouvrit le quatrième sceau, jřentendis la voix du quatrième être vivant

dire : Viens. 8Je regardai, et voici un cheval dřune couleur verdâtre. Celui qui le
montait se nommait la mort, et le séjour des morts lřaccompagnait. Le pouvoir
leur fut donné sur le quart de la terre, pour faire périr les hommes par lřépée, par
la famine, par la peste et par les bêtes sauvages de la terre.
9Quand il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous lřautel les âmes de ceux qui

avaient été égorgés à cause de la parole de Dieu et du témoignage rendu. 10Ils criè-
rent dřune voix forte : Jusques à quand, Maître saint et véritable, tardes-tu à faire
justice et à venger notre sang sur les habitants de la terre ? 11Une robe blanche fut
donnée à chacun dřeux, et il leur fut dit de se tenir en repos quelque temps encore,
jusquřà ce que soient au complet leurs compagnons de service et leurs frères qui
allaient être mis à mort comme eux.
12Je regardai, quand il ouvrit le sixième sceau : il y eut un grand tremblement

de terre : le soleil devint noir comme un sac de crin; la lune entière devint comme
du sang, 13et les étoiles du ciel tombèrent sur la terre, comme lorsquřun figuier se-
95

coué par un grand vent laisse tomber ses figues. 14Le ciel se retira tel un livre
quřon roule, et toutes les montagnes et les îles furent écartées de leurs places.
15Les rois de la terre, les grands, les chefs militaires, les riches, les puissants, tous

les esclaves et les (hommes) libres se cachèrent dans les cavernes et dans les ro-
chers des montagnes. 16Et ils disaient aux montagnes et aux rochers : Tombez sur
nous, et cachez-nous loin de la face de celui qui est assis sur le trône, et de la co-
lère de lřAgneau, 17car le grand jour de leur colère est venu, et qui pourrait subsis-
ter ?

Le contraste ne peut guère être plus flagrant. Le dernier Amen de la gloire


céleste résonne encore dans nos oreilles quand lřAgneau ouvre le premier
sceau. Avec lřouverture des sept sceaux, lřhistoire va arriver à son aboutisse-
ment. Dřun côté, par lřEglise, lřEvangile résonne dans le monde pour que les
hommes connaissent le Christ et se mettent à le suivre. Mais en même temps,
malheur sur malheur amèneront lřhumanité au jugement inévitable.
Quatre cavaliers terribles sont envoyés pour quřils soumettent la terre à
leur pouvoir affreux et quřils fassent périr un quart de lřhumanité. Sommes-
nous déjà exposés à leur terreur ? Ou est-ce encore futur ?
En réfléchissant sur le moment décrit par la vision des chapitres 4 et 5,
nous avons conclu que lřévénement qui y est décrit appartient au passé. Dans
ce cas, il est assez logique de penser que les cavaliers sont déjà envoyés pour
leur besogne meurtrière. Dans ce cas, lřhistoire des derniers deux mille ans en
donne le reflet. Mais cela nřest pas lřopinion de tous. Pour certains auteurs,
lřévénement est encore futur. Les sceaux nřont pas encore été ouverts. La vi-
sion de ces chapitres concernerait le temps après lřenlèvement de lřEglise.
Christ ne recevrait le livre des mains de Dieu quřà ce moment. Ce nřest que
lors de la grande tribulation quřon verra lřassaut des quatre cavaliers. Nous
avons déjà mentionné les faiblesses dřune telle interprétation.69
En 1983, Billy Graham a écrit un livre sur les quatre cavaliers de
lřApocalypse.70 Selon lui, leur chevauchée est encore future : ŖDans quelque
temps futur ŕà un moment inconnu de nousŕ viendra finalement le martè-
lement des terribles sabots des quatre cavaliers avec un fracas jusquřalors iné-
galé sur la scène de lřhistoire des hommes, amenant dans leur sillage la trom-

69
En général, c’est l’interprétation dispensationaliste.
70
Billy GRAHAM, La dernière chevauchée, Les quatre cavaliers de l’Apocalypse, Cachan : Décision, 1986.
96

perie, la guerre, la faim et la mort avec une ampleur dépassant toute imagina-
tion.ŗ71 Cela ne lřempêche pas dřécrire quelques lignes plus loin que lřécho du
bruit de sabots de ces cavaliers résonne à travers les pages de lřhistoire. Tout
en croyant que les sceaux ne sont pas encore ouverts, il ne peut sřempêcher
dřentendre le bruit des sabots tout au long de lřhistoire ! Mais ce nřest pas
lřécho improbable dřun assaut encore à venir. La sinistre course des cavaliers
est une des réalités de notre histoire moderne. Une des conséquences du rejet
du Christ est le fléau des cavaliers. Les quelques versets de ce chapitre sont
dřune actualité affolante en chaque génération de notre histoire. Et plus le
temps avance vers la fin, plus leur charge devient terrible.
Il est intéressant de comparer ce chapitre à ce que dit Jésus dans son dis-
cours sur la fin des temps (Luc 21) :
Apocalypse 6.1-17 Luc 21.8-19,25,26
1,2
1er sceau, 1er cavalier : un cheval blanc. 8
Jésus répondit : Prenez garde d’être séduits. Car beau-
La séduction. coup viendront sous mon nom et diront : C’est moi, et le
temps est proche. Ne les suivez pas.
3,4
2e sceau, 2e cavalier : un autre cheval, 9,10
Quand vous entendrez parler de guerres et de dé-
rouge feu. La guerre. sordres, ne vous effrayez pas, car cela doit arriver pre-
mièrement. Mais ce ne sera pas tout de suite la fin. Alors
il leur dit : Une nation s’élèvera contre une nation, et un
royaume contre un royaume,
5,6
3e sceau, 3e cavalier : un cheval noir. La 11
il y aura de grands tremblements de terre, et par en-
famine. droits, des pestes et des famines; …
7,8 e
4 sceau, 4e cavalier : un cheval d’une
couleur verdâtre. La mort sur le ¼ de la
terre : l’épée, la famine, la peste et les
bêtes sauvages.
9-11 e 12-19
5 sceau : La persécution. Mais, avant tout cela, on portera les mains sur vous
et l’on vous persécutera; on vous livrera aux synagogues,
on vous jettera en prison, on vous mènera devant des
rois et devant des gouverneurs, à cause de mon nom.
Cela vous donnera l’occasion de rendre témoignage.
Mettez-vous donc dans l’esprit de ne pas préméditer
votre défense, car je vous donnerai une bouche et une
sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ré-
sister ou contredire. Vous serez livrés même par des pa-
rents, des frères, des proches et des amis, et ils feront
mourir plusieurs d’entre vous. Vous serez haïs de tous, à
cause de mon nom. Mais il ne se perdra pas un cheveu
de votre tête; par votre persévérance vous sauvegarde-
rez vos âmes.

71
Graham, 66.
97
12-17
6e sceau : Le grand séisme. 11
… il y aura des phénomènes terribles et de grands
signes dans le ciel.
25,26
Il y aura des signes extraordinaires dans le soleil, la
lune et les étoiles. Sur la terre, les peuples seront paraly-
sés de frayeur devant le fracas d’une mer démontée.
Plusieurs mourront de peur dans l’appréhension des
malheurs qui frapperont le monde entier, car les puis-
sances célestes seront ébranlées.

Les parallèles sont trop évidents pour ne pas les prendre en considération.
Jésus nřadressait pas ses avertissements à une génération lointaine, mais à ses
disciples, comme à ceux qui croiraient par eux. Avec une intensité croissante,
ces choses frapperont lřhumanité jusquřà déboucher sur les jugements qui pré-
céderont immédiatement le retour de Christ.
LřAgneau ouvre les sceaux. Christ est lřinitiateur de ces jugements ! Ce
nřest pas seulement la méchanceté ou la bêtise des hommes, et ce nřest certai-
nement pas le hasard. Par ses jugements, Dieu cherche à réveiller les hommes
pour les amener à se repentir. La souffrance, rappelle C. S. Lewis, est son
Ŗporte-voix pour éveiller un monde sourdŗ72 Les cavaliers remplissent ainsi un
rôle punitif autant que correctif.
Il y a un passage dans le prophète Zacharie (6.1-8) qui a des ressemblances
avec le texte de lřApocalypse. Voici ce que voit le prophète :
Je levai de nouveau les yeux et j’eus la vision que voici : quatre chars sortaient d’entre
les deux montagnes; et les montagnes étaient des montagnes de bronze. Au premier char il
y avait des chevaux roux, au second char des chevaux noirs, au troisième char des chevaux
blancs et au quatrième char des chevaux bruns tachetés. Je pris la parole et dis à l’ange qui
parlait avec moi : Ceux-là que sont-ils, mon seigneur ? L’ange me répondit : Ce sont les
quatre vents des cieux qui sortent du lieu où ils se tenaient devant le Seigneur de toute la
terre. Les chevaux noirs attelés à l’un des chars sortent vers le pays du nord, et les blancs
sortent derrière eux; les tachetés sortent vers le pays du sud. Les bruns sont sortis et de-
mandent à aller parcourir la terre. L’ange leur dit : Allez, parcourez la terre ! Et (les
chars) parcoururent la terre. Il m’appela et me dit : Vois, ceux qui sortent vers le pays du
nord apaisent mon ardeur contre le pays du nord.
Le rôle des chars, et de leur équipage sans doute, nřest pas ici le jugement,
mais lřapaisement. Jean ne fait donc pas que reprendre une vieille image. Il
voit quelque chose de tout autre. Rien ne dit que les cavaliers de lřApocalypse

72
C. S. LEWIS, Le problème de la souffrance, Foi vivante 42, 1967, p 113.
98

représentent les quatre vents, ou quřils vont dans quatre directions. Ils sem-
blent justement aller dans la même direction, celle des hommes de partout,
semant la terreur et la mort.

Le premier sceau
Qui est le cavalier sur le cheval blanc ? Pour certains, il sřagit du Christ, à
lřinstar du cavalier blanc de 19.11. Dans ce cas, ce cavalier présenterait lřavance
de son royaume, et même, un réveil mondial peu avant le retour de Christ.
Cependant, si ce cavalier est le Christ, faudra-t-il alors croire à un retour sur
terre avant le grand retour ? Si le premier sceau ne constitue pas le retour en
gloire, et cela est évident, ni sa venue pour chercher lřEglise, qui aurait eu lieu
en 4.2, nous avons alors ici un retour vraiment mystérieux ! Fonder lřespoir
dřun réveil spirituel sur une interprétation aussi peu sûre manque de sérieux.
En plus, elle va à lřencontre de lřenseignement clair de lřEcriture qui annonce
plutôt une apostasie spirituelle généralisée, 2 Thessaloniciens 2.3, cf. Matthieu
24.12,1373. Notons quřen Zacharie 6, le char blanc nřa pas non plus une signi-
fication fondamentalement différente des trois autres.
Dans la comparaison avec le discours de Jésus sur le mont des Oliviers, le
premier sceau correspond de près à la venue des séducteurs, faux prophètes et
faux docteurs, faux Christs et antichrists, pour déboucher sur lřAntichrist de la
fin. Ce sens convient parfaitement bien ici. Comme tous les jugements de
lřApocalypse, sceaux, trompettes et coupes, le premier sceau représente aussi
une calamité.74
Lřimage rappelle le général romain qui rentre victorieux à Rome. Sa cou-
ronne nřest dřailleurs pas le diadème de 19.12, mais la couronne de lauriers.
Pour certains, il représente la guerre, mais vu le deuxième sceau, cela semble
peu probable. Non, la première des calamités est un faux Christianisme, ou,
peut-être encore davantage, un faux messianisme. Ce cavalier représente à la
fois la séduction particulière qui vise les chrétiens et celle, plus générale, qui

73
Que personne ne vous égare d’aucune façon. Car ce jour n’arrivera pas avant qu’éclate le grand Rejet
de Dieu, et qu’apparaisse l’homme de la révolte qui est destiné à la perdition. (2 Thessaloniciens 2.3)
Parce que le mal ne cessera de croître, l’amour du plus grand nombre se refroidira. Mais celui qui tien-
dra bon jusqu’au bout sera sauvé. (Matthieu 24.12,13)
74
Ladd se réfère aussi au discours de Matthieu 24, mais voit dans ce cavalier le progrès de l’Evangile,
annoncé en Matthieu 24.14.
99

fait que les gens mettent leur espoir pour un avenir meilleur dans des sauveurs
factices. Jean lui-même, et ses premiers lecteurs chrétiens, ont probablement
pensé aux séductions gnostiques et leur faux Evangile, dont le Da Vinci Code
est une récente manifestation. Derrière le faux messianisme politique, ils pou-
vaient discerner sans peine le culte à lřempereur qui cherchait à prendre la
place de Dieu et sřimaginait être le sauveur de lřempire, si pas de lřhumanité.
Tout au long de lřhistoire cette double séduction est présente. Faux Christs et
faux sauveurs jalonnent notre histoire. Dans lřhistoire sanglante du XXe siècle,
Lénine, Staline, Hitler et Mao sont des exemples typiques de la chevauchée du
premier cavalier. Sur un autre plan, on peut penser aux quatre maîtres du
soupçon, Darwin, Marx, Nietzsche et Freud. Leur influence dans lřavènement
de lřhomme moderne et de la société brutale dřaujourdřhui est difficile à sures-
timer.
La séduction de la foule est devenue bien plus simple avec lřavènement de
lřâge télévisuel quřest le nôtre. La parole ne vaut plus rien si elle ne va pas de
pair avec une mise en scène visuelle impressionnante. Nous sommes bien loin
de cette montagne de la transfiguration dřoù résonnait le message : ŖEcoutez-
leŗ. Aujourdřhui, il faut en mettre plein les yeux. En ce temps dřimages vir-
tuelles, nous sommes fin prêts pour lřimage qui parle, mentionnée en Apoca-
lypse 13.15. Le cavalier blanc nřest sans doute pas loin dřabattre sa carte maî-
tresse en la révélation de lřAntichrist.
Comparé aux fléaux suivants, ce cavalier peut sembler moins nocif que les
suivants. Mais cřest oublier un peu vite les morts directement ou indirectement
attribuables à ces faux messies et leurs prophètes. Dans le compte macabre, il
faudra penser aux plus de 100 millions de victimes du Communisme, aux mil-
lions de victimes du Nazisme, aux dizaines de millions dřavortements, aux mil-
lions de martyrs, pour ne rien dire du bain de sang que prépare lřAntichrist.
Moins nocif, ce cavalier ?

Le deuxième sceau
Le cheval rouge représente la guerre. Jésus, en Luc 21.8,9, cité au début de
ce chapitre, semble discerner deux stades dans le progrès de ce cavalier. Le
premier stade, qui nřest pas encore la fin, serait constitué de lřensemble des
guerres qui ont émaillé les deux millénaires depuis la mort de Jésus. Avec le
XXe siècle, il semble bien que nous soyons arrivés à un nouveau stade, où les
100

conflits deviennent mondiaux. Cela est évident dans lřampleur des deux con-
flits mondiaux, mais aussi dans tout ce qui sřest passé depuis. Aujourdřhui, il
est devenu normal que des soldats américains se battent à Bagdad, des soldats
européens en Afghanistan ou des soldats du BanglaDesh au Congo.
Pour les premiers lecteurs, cela nřétait pas nécessairement aussi menaçant
que pour nous. Lřempire romain avait connu une période prolongée de paix,
hormis la terrible Guerre des Juifs qui compta peut-être jusquřà un million de
victimes. Mais la guerre nřa jamais été loin depuis. Il suffit de penser aux coups
de butoir des peuples germaniques qui ont disloqué lřempire. Les agissements
des Vandales sont devenus proverbiaux. Il y a eu les menaces arabes, mon-
goles et turques. Il ne faudrait ni oublier les terribles guerres religieuses, des
Croisades jusquřau XVIIe siècle, ni les révolutions et les guerres coloniales
avec ses Ŗnettoyages ethniquesŗ sur tous les continents.
Dans la suite de ce cavalier se trouvent les bouchers de lřhistoire pour qui
la vie humaine nřavait aucune valeur. Les noms de Tamerlan et de Napoléon y
résonnent, mais aussi ceux de tant de nos chefs militaires et politiques mo-
dernes, devenus depuis leurs boucheries des noms de rues et de boulevards.
Nřoublions jamais que la plupart des changements de nos cartes politiques ont
été réalisés en versant le sang de milliers et de millions dřinnocents.
Les hommes Ŗqui sřégorgent les uns les autresŗŕle verbe rappelle celui de
5.6ŕse comprend aussi du terrorisme, fléau des temps modernes. La haine
entre les hommes permet au deuxième cavalier de pousser toujours plus loin
les limites de sa chevauchée macabre. Lřatomisation dřHiroshima au 6 août
1945 a repoussé ses limites encore dřun cran terrible. Ce ne sera que lors de la
bataille finale dřHarmaguédon que le cheval rouge feu aura épuisé ses réserves.
Combien de centaines de millions de victimes que celles de ce cavalier ?
Qui pourra jamais les compter ?

Le troisième sceau
Le cheval noir est celui de la famine. Lřapprovisionnement en nourriture a
depuis toujours été dépendant du climat, des maladies, du transport et de la
distribution. Lřempire romain était dépendant du blé dřEgypte et le Nouveau
101

Testament rappelle lřexistence de famines, comme en Actes 11.2875. Dans ce


sens, la précision concernant le blé et lřorge était facilement compréhensible.
Pour la nourriture de base, la mesure qui représente la quantité de blé normale
pour un adulte, était disponible pour un salaire ouvrier journalier. Normale-
ment, on pouvait acheter huit à seize mesures pour un denier76. Le livre du
Lévitique rappelle que des jours viendraient où la désobéissance à Dieu ferait
tomber le peuple sous le coup de ses jugements, y compris un pain soigneu-
sement pesé. Lřensemble du passage mérite dřêtre lu à côté des jugements dé-
crits ici en Apocalypse :
Si malgré cela vous ne vous laissez pas corriger par moi et si vous me résistez, je vous
résisterai moi aussi et je vous frapperai sept fois plus pour vos péchés. Je ferai venir contre
vous l’épée vengeresse, qui vengera l’alliance; quand vous vous rassemblerez dans vos villes,
j’enverrai la peste au milieu de vous, et vous serez livrés aux mains de l’ennemi. Lorsque je
vous retirerai la miche de pain, dix femmes cuiront votre pain dans un seul four et rappor-
teront votre pain au poids; vous mangerez, sans vous rassasier. (Lévitique 26.23-26)
Le prophète Ezéchiel revient sur ce même détail :
Et il me dit, Fils d’homme, voici, je brise le bâton du pain dans Jérusalem; et ils man-
geront le pain au poids et avec inquiétude, et ils boiront l’eau à la mesure et avec stupeur.
(Ezéchiel 4.16 Darby)
Que le vin et lřhuile, pas indispensables, seraient disponibles en quantité,
est peut-être lřimage de lřabondance des uns au milieu de la misère totale des
autres. Barclay cite une famine plus ou moins à lřépoque où Jean écrit
lřApocalypse où le pain manquait mais où le vin coulait à flots.77
Dans le monde dřaujourdřhui, du moins en Occident, il nous est difficile de
nous imaginer une famine. Nous ne faisons plus le lien entre un climat devenu
incertain et la conséquence sur la disponibilité de la nourriture. Nous sommes
plus vite inquiets pour le temps quřil fera pour nos vacances que pour
lřavènement dřune famine. Cependant, les réserves mondiales de nourriture
sřélèvent à environ une semaine… et les fluctuations importantes du climat
ont un impact direct sur cela. En plus, le fait que lřagroalimentaire est mainte-

75
L’un d’eux, nommé Agabus, se leva et prédit sous l’inspiration de l’Esprit qu’une grande famine sévi-
rait bientôt dans le monde entier. Elle eut lieu, en effet, sous le règne de l’empereur Claude. (Actes
11:28)
76
Barclay.
77
Ibid.
102

nant en grande partie déterminé par des firmes comme Monsanto veut dire
que la survie alimentaire de lřhumanité est quasi abandonnée entre les mains
de firmes dont le seul but est de faire de lřargent … Lřagriculture moderne a
vu aussi la diminution rapide des variétés des culture. Bon nombre de nos cul-
tures céréalières sont maintenant réduites à quelques variétés génétiques, donc
à un plus grand risque devant les maladies. Lřutilisation massive des pesticides
risque de mettre en périls les abeilles, et sans leur pollinisation de nos cultures,
que mangerons-nous demain ?
Nřoublions pas non plus que, pour des centaines de millions de personnes,
la sécurité alimentaire est inexistante. La faim reste un fléau actuel, notamment
là où les problèmes climatiques vont de pair avec des problèmes politiques,
comme cela est trop souvent le cas en Afrique.
Le cheval noir est loin dřavoir fini sa course.

Le quatrième sceau
Le quatrième cheval semble unir les fléaux de la guerre et de la famine à la
terreur des épidémies et des bêtes sauvages. Cřest la mort elle-même qui est
invitée au festin, et un quart de la population terrestre est livré entre ses
griffes. Faut-il comprendre que ce chiffre reprend donc lřensemble des morts
causées par ces trois chevaux ? Cela semble être le cas. Mais la particularité
quřy ajoute ce cheval maladif est celle de la peste.
Le prophète Ezéchiel rappelle les quatre châtiments sévères de Dieu : …
j’envoie contre Jérusalem mes quatre châtiments sévères, l’épée, la famine, les bêtes sauvages
et la peste pour y exterminer hommes et bêtes (14.21).
De grandes épidémies ont déjà décimé lřhumanité : La peste noire (causée
par les bêtes sauvages …) du Moyen-âge a causé la mort de 25% de la popula-
tion européenne au XIVe siècle. La grippe espagnole qui a frappé lřEurope
tout de suite après la première guerre mondiale aurait fait plus de victimes que
la guerre … Paludisme, choléra, tuberculose, sida et tant dřautres sont les
griffes de ce cavalier macabre. Et comme si cela nřétait pas encore suffisant,
lřhomme y ajoute les pestes modernes des armes biologiques et chimiques.
Lřeffet des épidémies a un rapport direct avec la disponibilité des méde-
cins. Les statistiques parlent dřelles-mêmes : En Occident, il y a entre trois et
cinq médecins pour mille habitants. A lřautre extrême se trouvent les pays
pauvres, surtout dřAfrique, où la moyenne se situe autour de 0,05 médecins
103

pour mille habitants.78 Lřexplosion de la population aggrave encore la situa-


tion. Et les résistances aux antibiotiques ne font rien pour augmenter notre
confiance en lřavenir.
La mort et le séjour des morts ne rôdent pas en voleurs autour des
hommes : ils parcourent la planète en maîtres absolus. Rien ne résiste devant
eux. Un quart des hommes, à notre époque, cela ferait entre un et deux mil-
liards dřêtres humains…
Les quatre cavaliers sèment leur terreur. Dieu les envoie pour avertir
lřhumanité. Il ne prend pas plaisir à la mort dřun homme, mais celui qui chasse
le Prince de la paix se retrouve avec le cavalier de la guerre. Celui qui ne peut
supporter le pain de vie quřest Jésus-Christ devra se débrouiller avec le cavalier
de la famine. Celui qui veut se couper du Dieu de la vie nřa plus que la mort et
le séjour des morts comme perspective. Et celui qui ne veut pas écouter le
Christ sera la proie facile de la séduction qui lřamènera à adorer lřAntichrist et
ses précurseurs. Il nřy a pas de neutralité. On ne peut pas se soustraire au con-
flit spirituel en regardant ailleurs et en pensant que tout est bien qui finit bien,
ou que ça durera bien notre temps. La terreur des quatre chevaux doit nous
pousser à réfléchir et à nous repentir. Sans cela, nous serons les damnés dřun
monde perdu, en permanence occupés à accuser Dieu des terreurs qui sont
inévitables dans un monde qui lřa mis dehors.
Est-ce à dire que ceux qui suivent lřAgneau de Dieu échappent donc à une
vie difficile ?

Le cinquième sceau
Pendant que les quatre cavaliers sèment la terreur sur terre, une persécu-
tion récurrente des chrétiens révèle la nature spirituelle du conflit entre la lu-
mière et les ténèbres. Des dix grandes persécutions romaines jusquřaux persé-
cutions fréquentes de nos temps modernes, des millions, si pas des dizaines de
millions de chrétiens ont été les victimes de la haine et de lřintolérance. On dit
que dans le seul XXe siècle, il y a eu plus de martyrs pour la foi en Christ que
pendant la totalité des siècles précédents …. La persécution est une réalité sur
tous les continents, en tous les temps, et elle concerne tous les peuples. Au-

78
http://www.statistiques-mondiales.com/medecins.htm, consulté le 25 janvier 2008. Les statistiques
sont de novembre 2007.
104

cune nation nřest exceptée. Aucun peuple nřa été à lřabri. La tolérance reli-
gieuse est une plante rare, exotique, fragile et constamment en danger de mort.
Cette persécution frappe un groupe bien précis : Ŗ… égorgés à cause de
leur fidélité à la Parole de Dieu et du témoignage quřils avaient rendu.ŗ Ce
nřest pas une intolérance de la religiosité ou de la foi en général, ou des
croyants. Cřest le refus, le rejet, du Dieu de la Bible, de Christ comme unique
chemin du salut. Cřest exactement la même opposition irréductible qui a pour-
suivi le peuple juif. Ce qui pose problème dans ce monde est cette radicalité de
la foi biblique, cette impossibilité de mettre de lřeau dans son vin, de faire
comme tout le monde, dřaccepter ces quelques compromis judicieux qui ren-
dent la vie plus agréable pour tout le monde. Etre fidèle à la Parole de Dieu,
cřest marcher dans les traces de Jésus et des apôtres, des prophètes et des mar-
tyrs de tous les temps. Hébreux 11.38,39 nous rappelle quřils sont ceux Ŗdont le
monde n’était pas digne. Ils ont erré dans les déserts et sur les montagnes, vivant dans les
cavernes et les antres de la terre. Dieu a approuvé tous ces gens à cause de leur foi…ŗ Pour
eux, lřapprobation de Dieu avait plus de poids que les félicitations des
hommes. Cette préférence incompréhensible leur a tout coûté.
Lřautel où Jean voit les âmes des martyrs est sans doute lřautel des parfums,
cf. 8.3.79 Leur prière en faveur dřune intervention divine doit être mise en rap-
port avec des textes comme Romains 12.19 (Mes amis, ne vous vengez pas vous-
mêmes, mais laissez agir la colère de Dieu, car il est écrit : C’est à moi qu’il appartient de
faire justice; c’est moi qui rendrai à chacun son dû); Hébreux 12.28,29 (… servons Dieu
d’une manière qui lui soit agréable, avec soumission et respect, car notre Dieu est un feu qui
consume) et lřaccomplissement de leur prière est vu clairement en 19.11ss. Est-
ce que cela revient à désirer la mort des injustes ? Ou est-ce plutôt lřexpression
de leur désir que triomphe la justice ? Notre monde moderne a obscurci ce
besoin de justice des victimes en général. Il préfère ignorer lřinjustice, quitte à
se donner bonne conscience avec quelques méga procès. Son incapacité de
croire en un Dieu qui fait justice lui fait fermer les yeux devant ses propres in-
justices, et le rend mal à lřaise devant le cri des victimes. ŖSi Dieu existait, il ne
ferait pas de mal à une moucheŗ. Cette idée est plus près du Bouddhisme que
de la Bible. Il y a une lutte sans merci entre le Bien et le Mal, et Dieu hait le

79
Contre Ladd qui y voit l’autel des holocaustes. Nous avons indiqué nos raisons contre une telle opi-
nion dans notre La tente de Dieu, op. cit.
105

Mal sous toutes ses formes. Il entend le cri des victimes. Ils ont aimé leurs en-
nemis jusquřà la mort. Ils ont tendu lřautre joue. Mais la justice divine nřest pas
éternellement sourde. Jésus conclut sa parabole du juge inique avec ces mots :
Alors, pouvez-vous supposer que Dieu ne défendra pas le droit de ceux qu’il a choisis et qui
crient à lui jour et nuit, et qu’il tardera à leur venir en aide ? Moi je vous dis qu’il défendra
leur droit promptement (Luc 18.7,8).
Ils attendent et ils interpellent lřAgneau. Ils ne règnent pas encore. Le
règne ne viendra pas avant 11.15 lors de la dernière trompette. En attendant,
ils doivent patienter.
Il nřy a pas de place pour une vie chrétienne tranquille. La persécution est
comme un cancer aux nombreuses métastases. Elle atteint tout chrétien fidèle,
jusquřà ce que le nombre des persécutés soit au complet. Jésus lřavait annon-
cé : Parce que le mal ne cessera de croître, l’amour du plus grand nombre se refroidira. Mais
celui qui tiendra bon jusqu’au bout sera sauvé. Cette Bonne Nouvelle du règne de Dieu sera
proclamée dans le monde entier pour que tous les peuples en entendent le témoignage. Alors
seulement viendra la fin. (Matthieu 24.12-14) Lřimportance en ces temps de pa-
tience et dřattente est donc de persévérer, selon la parole même de Jésus : Mais
il ne se perdra pas un cheveu de votre tête; par votre persévérance vous sauvegarderez vos
âmes. (Luc 21.19)
Leur robe blanche, est-elle la même que celle de 7.14 ? Correspond-elle au
fin lin des invités aux noces de lřAgneau en 19.8 ? Cřest probable.

Le sixième sceau
A quoi correspond lřouverture du sixième sceau ? Faut-il le comparer à Luc
21.25,26 qui semble précéder immédiatement le retour de Christ décrit au ver-
set suivant et qui semblent signifier la fin du monde ? Dans un sens, cela cor-
respond bien. Après tout, le sceau suivant est le dernier et la fin est donc im-
minente.
Pour certains, une telle conclusion fait dire que les autres visions sont des
répétitions ou des variations sur le même thème. Chacune des trois séries de
visions (sceaux, trompettes et coupes) déboucherait sur le retour de Christ.80
Le problème est quřelles ne semblent pas vraiment correspondre à cela. Par

80
Ainsi, par exemple, G. R. BEASLEY-MURRAY, Highlights of the Book of Revelation, Londres : Lakeland
1972, pp 46,47, Michael WILCOCK, pp 85-89 et Louis Bonnet dans la BA.
106

exemple, le sixième sceau a des ressemblances avec la septième coupe, mais il


ne correspond pas du tout à la sixième ou à la septième trompette. La même
chose vaut pour pratiquement tous les jugements, mis à part une ressemblance
forte entre les quatre premières trompettes et les quatre premières coupes, ce
qui peut tout aussi bien sřexpliquer autrement. Le livre nřest pas une série de
quasi répétitions, de redondances, de visites organisées des mêmes lieux. Dès
quřon analyse la fin de chaque série, on sřen rend compte. Le septième sceau
est la fin. Après tout, le livre nřa que sept sceaux et lřouverture du dernier signi-
fie nécessairement la fin. Mais la fin est constituée par la suite, comme si
lřhistoire ralentissait. La demi-heure de silence va dans ce sens. Mais cřest aussi
une intensification.81 En fait, le septième sceau contient à la fois une demi-
heure de silence et la présentation des sept anges prêts à sonner leur trom-
pette. Le jugement du monde devient plus intense, et encore plus terrible.
Quand sonne la dernière trompette, le temps de la séparation arrive : récom-
pense des uns et jugement, destruction des autres. La septième coupe amène
la fin de Babylone la Grande et de la civilisation sans Dieu. Elle débouchera
sur le retour en gloire du Fils de Dieu.
Pour mieux saisir cette dissemblance entre les jugements de lřApocalypse, il
suffit de les mettre les uns à côté des autres :
Les 7 sceaux Les 7 trompettes Les 7 coupes
6.1-17; 8.1,2 8.7-12; 9.1-3, 13-21; 11.15-19 16.2-21
Je regardai, quand l’Agneau Le premier sonna de la trom- Le premier partit et versa sa
ouvrit un des sept sceaux, et pette. Il y eut de la grêle et du coupe sur la terre. Un ulcère
j’entendis l’un des quatre êtres feu mêlés de sang qui furent malin et douloureux atteignit
vivants dire comme d’une voix jetés sur la terre. Le tiers de la les hommes qui avaient la
de tonnerre : Viens. Je regardai, terre fut consumé, le tiers des marque de la bête et qui se
et voici un cheval blanc. Celui arbres fut consumé, et toute prosternaient devant son
qui le montait tenait un arc; une herbe verte fut consumée. image.
couronne lui fut donnée, et il
partit en vainqueur et pour
vaincre.
Quand il ouvrit le second sceau, Le deuxième ange sonna de la Le second versa sa coupe dans
j’entendis le second être vivant trompette. Une sorte de la mer qui devint du sang
dire : Viens. Et un autre cheval, grande montagne embrasée comme celui d’un mort, et tous
rouge feu, sortit. Celui qui le fut jetée dans la mer. Le tiers les êtres vivants moururent,
montait reçut le pouvoir d’ôter de la mer devint du sang, le ceux qui étaient dans la mer.

81
R.J. van Pagee fut le premier à avoir attiré notre attention sur une telle lecture du texte. Ancien au-
mônier militaire, il fut à Amsterdam à la fin des années ’60 le pasteur attitré des ‘Diensten voor be-
langstellenden’, des cultes du dimanche soir pour personnes intéressées. Ladd va dans le même sens.
107

la paix de la terre, afin que les tiers des créatures qui étaient
hommes s’égorgent les uns les dans la mer et qui avaient
autres; et une grande épée lui souffle de vie périt, et le tiers
fut donnée. des navires fut détruit.
Quand il ouvrit le troisième Le troisième ange sonna de la Le troisième versa sa coupe
sceau, j’entendis le troisième trompette. Et tomba du ciel dans les fleuves et les sources
être vivant dire : Viens. Je re- une grande étoile qui brûlait d’eaux. Ils devinrent du sang. Et
gardai, et voici un cheval noir. comme un flambeau. Elle tom- j’entendis l’ange des eaux dire :
Celui qui le montait tenait une ba sur le tiers des fleuves et sur Tu es juste, toi qui es et qui
balance à la main. Et j’entendis les sources des eaux. Le nom étais, toi le saint, d’avoir exercé
comme une voix au milieu des de cette étoile est : Absinthe; ces jugements. Car ils ont versé
quatre êtres vivants; elle disait : le tiers des eaux fut changé en le sang des saints et des pro-
Une mesure de blé pour un de- absinthe et beaucoup phètes, et tu leur as donné du
nier, et trois mesures d’orge d’hommes moururent de ces sang à boire; ils le méritent. Et
pour un denier; quant à l’huile eaux devenues amères. j’entendis l’autel dire : Oui, Sei-
et au vin, n’y touche pas. gneur Dieu Tout-Puissant, tes
jugements sont véritables et
justes.
Quand il ouvrit le quatrième Le quatrième ange sonna de la Le quatrième versa sa coupe
sceau, j’entendis la voix du qua- trompette. Le tiers du soleil fut sur le soleil. Il lui fut donné de
trième être vivant dire : Viens. frappé ainsi que le tiers de la brûler les hommes par le feu, et
Je regardai, et voici un cheval lune et le tiers des étoiles, afin les hommes furent brûlés par
d’une couleur verdâtre. Celui que le tiers en soit obscurci, et une chaleur torride. Ils blas-
qui le montait se nommait la que le jour perde un tiers de sa phémèrent le nom du Dieu qui
mort, et le séjour des morts clarté; et la nuit de même. a l’autorité sur ces plaies, et ils
l’accompagnait. Le pouvoir leur ne se repentirent pas pour lui
fut donné sur le quart de la rendre gloire.
terre, pour faire périr les
hommes par l’épée, par la fa-
mine, par la peste et par les
bêtes sauvages de la terre.
Quand il ouvrit le cinquième Le cinquième ange sonna de la Le cinquième versa sa coupe
sceau, je vis sous l’autel les trompette. Je vis une étoile qui sur le trône de la bête. Son
âmes de ceux qui avaient été était tombée du ciel sur la royaume fut obscurci; les
égorgés à cause de la parole de terre. La clé du puits de l’abîme hommes se mordaient la langue
Dieu et du témoignage rendu. lui fut donnée. Elle ouvrit le de douleur, et ils blasphémè-
Ils crièrent d’une voix forte : puits de l’abîme. Il monta du rent le Dieu du ciel, à cause de
Jusques à quand, Maître saint et puits une fumée comme la leurs douleurs et de leurs ul-
véritable, tardes-tu à faire jus- fumée d’une grande fournaise, cères, mais ils ne se repentirent
tice et à venger notre sang sur et le soleil et l’air furent obs- pas de leurs œuvres.
les habitants de la terre ? Une curcis par la fumée du puits.
robe blanche fut donnée à cha- De la fumée, des sauterelles
cun d’eux, et il leur fut dit de se sortirent sur la terre, et il leur
tenir en repos quelque temps fut donné un pouvoir pareil au
encore, jusqu’à ce que soient au pouvoir des scorpions de la
complet leurs compagnons de terre. …
service et leurs frères qui al-
laient être mis à mort comme
eux.
Je regardai, quand il ouvrit le Le sixième ange sonna de la Le sixième versa sa coupe sur le
108

sixième sceau : il y eut un grand trompette. Et j’entendis une grand fleuve, l’Euphrate. Et
tremblement de terre : le soleil voix venir des quatre cornes de l’eau en tarit pour préparer la
devint noir comme un sac de l’autel d’or qui est devant Dieu voie aux rois qui viennent de
crin; la lune entière devint et dire au sixième ange qui l’Orient. Je vis sortir de la
comme du sang, et les étoiles avait la trompette : Délie les gueule du dragon, de la gueule
du ciel tombèrent sur la terre, quatre anges qui sont enchaî- de la bête et de la bouche du
comme lorsqu’un figuier secoué nés sur le grand fleuve, faux prophète, trois esprits im-
par un grand vent laisse tomber l’Euphrate. Et les quatre anges purs, semblables à des gre-
ses figues. Le ciel se retira tel un qui étaient prêts pour l’heure, nouilles. Ce sont des esprits de
livre qu’on roule, et toutes les le jour, le mois et l’année, fu- démons, qui opèrent des signes
montagnes et les îles furent rent déliés pour tuer le tiers et qui s’en vont vers les rois de
écartées de leurs places. Les des hommes. Le nombre des toute la terre, afin de les ras-
rois de la terre, les grands, les combattants de la cavalerie sembler pour le combat du
chefs militaires, les riches, les était de deux myriades de my- grand jour de Dieu, le Tout-
puissants, tous les esclaves et riades. J’en entendis le Puissant. – Voici, je viens
les (hommes) libres se cachè- nombre. Ainsi dans la vision, je comme un voleur. Heureux ce-
rent dans les cavernes et dans vis les chevaux et ceux qui les lui qui veille et garde ses vête-
les rochers des montagnes. Et ils montaient; ils avaient des cui- ments, afin qu’il ne marche pas
disaient aux montagnes et aux rasses (couleur) de feu, nu et qu’on ne voie pas sa
rochers : Tombez sur nous, et d’hyacinthe et de soufre. Les honte ! – Ils les rassemblèrent
cachez-nous loin de la face de têtes des chevaux étaient dans le lieu appelé en hébreu
celui qui est assis sur le trône, et comme des têtes de lions; de Harmaguédon.
de la colère de l’Agneau, car le leurs bouches sortaient du feu,
grand jour de leur colère est de la fumée et du soufre. Le
venu, et qui pourrait subsister ? tiers des hommes fut tué par
ces trois fléaux, par le feu, par
la fumée et par le soufre qui
sortaient de leurs bouches. Car
le pouvoir des chevaux est
dans leurs bouches et dans
leurs queues; leurs queues
sont semblables à des ser-
pents; elles ont des têtes, et
c’est par elles qu’elles font du
mal. Les autres hommes, qui
ne furent pas tués par ces
fléaux, ne se repentirent pas
des œuvres de leurs mains; ils
ne cessèrent pas d’adorer les
démons et les idoles d’or,
d’argent, de bronze, de pierre
et de bois, qui ne peuvent ni
voir ni entendre ni marcher; ils
ne se repentirent pas de leurs
meurtres, ni de leurs sorti-
lèges, ni de leur inconduite, ni
de leurs vols.
Quand il ouvrit le septième Le septième ange sonna de la Le septième versa sa coupe
sceau, il y eut dans le ciel un trompette. Et des voix fortes dans l’air. Il sortit du sanctuaire
silence d’environ une demi- retentirent dans le ciel en di- une voix forte qui venait du
109

heure. Je vis les sept anges qui sant : le royaume du monde trône et disait : C’en est fait ! Il
se tiennent devant Dieu, et sept est passé à notre Seigneur et à y eut des éclairs, des voix, des
trompettes leur furent données. son Christ. Il régnera aux tonnerres et un grand trem-
siècles des siècles ! Les vingt- blement de terre tel qu’il n’y en
quatre anciens, qui étaient a pas eu de si grand, depuis que
assis devant Dieu sur leurs les hommes sont sur la terre. La
trônes, tombèrent la face grande ville fut divisée en trois
contre terre et adorèrent Dieu parties. Les villes des nations
en disant : Nous te rendons tombèrent, et Dieu se souvint
grâces, Seigneur Dieu, Tout- de Babylone la grande, pour lui
Puissant, qui es, et qui étais, donner la coupe du vin de son
d’avoir saisi ta grande puis- ardente colère. Toutes les îles
sance et d’avoir établi ton s’enfuirent, et les montagnes ne
règne. Les nations s’étaient furent pas retrouvées. Une
irritées, ta colère est venue, grosse grêle, (dont les grêlons
ainsi que le temps de juger les pesaient) environ un talent,
morts, de récompenser tes tomba du ciel sur les hommes;
serviteurs les prophètes, les et les hommes blasphémèrent
saints et ceux qui craignent ton Dieu à cause de la plaie de la
nom, les petits et les grands, et grêle, parce que cette plaie
de détruire ceux qui détruisent était violente à l’extrême.
la terre. Le temple de Dieu
dans le ciel fut ouvert, et
l’arche de son alliance apparut
dans son temple. Il y eut des
éclairs, des voix, des tonnerres,
un tremblement de terre et
une forte grêle.

Notons la différence fondamentale entre les sceaux et les deux autres séries
de jugements : Christ ouvre les sceaux. Mais ce sont des anges qui sonnent les
trompettes et qui versent les coupes. Cela ne fait que souligner davantage que
les trompettes et les coupes sont contenues dans le septième sceau.
Avec le sixième sceau, nous arrivons à un moment décisif. Les gens vont
enfin se rendre compte que Dieu mène lřhistoire, que la longue liste des catas-
trophes nřest pas le fruit dřun hasard terrible, dřun sort aveugle ou le reflet
dřune normalité maudite. Ici, nous nřavons pas seulement le résumé dřune
longue liste de tremblements de terre et dřexplosions volcaniques (ŖCela a tou-
jours existé !ŗ dira-t-on), mais un dérèglement sismique à lřéchelle planétaire
qui change durablement les rapports entre les états.
Le sixième sceau, correspond-il à Luc 21 ? Il se peut que le sixième sceau
ne corresponde pas aux versets 25 et 26. Ces versets-là pourraient décrire les
événements de la septième coupe. Mais il est tout aussi possible que les cata-
110

clysmes décrits dans ces deux versets de Luc soient séparés de ce qui suit par
les jugements révélés dans lřApocalypse, de la même façon que les prophéties
de lřAncien Testament peuvent télescoper deux événements qui sont pourtant
séparés dans le temps. Ainsi, Zacharie 9.9,10 voit dans un même texte la souf-
france et le règne du Messie : ŖTressaille d’allégresse, ô communauté de Sion ! Pousse
des cris de joie, ô communauté de Jérusalem ! Car ton roi vient vers toi, il est juste et victo-
rieux, humilié, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse. Je ferai disparaître du
pays d’Ephraïm tous les chariots de guerre et, de Jérusalem, les chevaux de combat; l’arc qui
sert pour la guerre sera brisé. Ce roi établira la paix parmi les peuples, sa domination
s’étendra d’une mer jusqu’à l’autre, et depuis le grand fleuve jusqu’aux confins du monde.ŗ
Et dans son discours sur le mont des Oliviers, Jésus lui-même va de la fin des
temps à la destruction de Jérusalem en 70 et de nouveau vers la fin.82
Luc 21.11 annonce les tremblements de terre dans la même série de juge-
ments que les guerres, les famines et la peste. Dans ce sens, tout comme pour
les quatre chevaux, nous pouvons penser à une activité sismique qui va en
sřintensifiant, ce qui semble bien correspondre aux observations.
Pourtant, notre texte va bien plus loin que cela. Il annonce un gigantesque
séisme qui semble déclencher lřouverture du septième sceau et les plaies des
trompettes et des coupes quřil contient. Sřil nřy a ici ni une description du re-
tour de Christ (la fin Řfinaleř du monde)83, ni un simple résumé dřune activité
sismique toujours plus destructrice, à quoi pourrions-nous penser ?
Le texte ne dit pas nécessairement que cřest toute la planète qui tremble. Il
peut très bien décrire un désastre énorme dans un endroit précis, mais avec
des conséquences sur lřensemble du monde habité. Une catastrophe dřune
telle ampleur que cela affectera lřensemble du monde politique et que cela
mettra la peur au ventre de lřhumanité. Pour tous, lřimpression sera que la fin
du monde est arrivée.
La terre a toujours été sujette aux phénomènes sismiques : tremblements
de terre et explosions volcaniques. Nous savons aujourdřhui où ces choses ris-
quent le plus dřarriver, car elles sont liées aux mouvements des plaques tecto-
niques. En voici un aperçu des années 1963 à 1998 :84
82
Voir à ce sujet René PACHE, Le retour de Jésus-Christ, Saint Légier (Ch) : Emmaüs, pp 18-20.
83
Cela est l’avis de ceux qui voient dans l’Apocalypse une structure cyclique. Cependant, les hommes
qui se cachent dans les cavernes annoncent la venue de la colère, et non la fin de cette colère.
84
http://fr.wikipedia.org/wiki/Tremblement_de_terre, consulté le 8-2-08.
111

Détermination préliminaire des épicentres :


358 214 événements entre 1963 et 1998

Nous pouvons y ajouter, et pratiquement superposer, la carte des grandes


éruptions volcaniques :85

85
Super-eruptions, global effects and future threats, Report of a Geological Society of London working
group. Juin 2005. Téléchargé sur http://www.geolsoc.org.uk/gsl/education/page2965.html (consulté
6-2-08).
L’étude a été publiée par la Geological Society of London Burlington House Piccadilly LONDON W1J
0BG Web site: www.geolsoc.org.uk.
112

Un programme de la BBC en mars 2005 a révélé à beaucoup de gens


lřexistence de supervolcans. Voici ce quřen dit lřencyclopédie Wikipédia :86
Les éruptions de niveau 8 sur lřIndice dřexplosivité volcanique ou échelle
VEI (Volcanic Explosivity Index) sont qualifiées de mégacolossales et ont ex-
pulsé au moins 1 000 km³ de magma et de matière pyroclastique. De telles
explosions ont détruit toute vie dans un rayon de plusieurs centaines de ki-
lomètres et des régions de lřéchelle dřun continent ont pu être brûlées sous
des mètres de cendres. Ces éruptions de niveau 8 ne sont pas assez fortes
pour former une montagne mais créent une caldeira circulaire, résultant de
lřeffondrement du sol sur lřemplacement de lřéruption pour remplir lřespace
libéré de la chambre magmatique. La caldeira peut subsister des millions
dřannées après la disparition de toute activité volcanique.
Pour se situer sur lřéchelle VEI, lřéruption du Mont Saint Helens (1980) aux
Etats-Unis est de niveau 5 et la catastrophe de Santorin (1650 avant JC) est
de niveau 6.
Les évènements volcaniques de niveau 8 répertoriés sont les suivants (entre
parenthèses, volume éjecté)87 :
 Lac Toba, Sumatra, Indonésie, il y a 73 000 ans, plongeant la Terre dans
un hiver volcanique. Une théorie récente dřanthropologistes américains,
dont le professeur Stanley H. Ambrose de lřuniversité de lřIllinois, pense
que cette catastrophe est à lřorigine dřune baisse drastique (dit Ŗgoulot
dřétranglementŗ) de la population des hominidés sur la Terre puis dřune
renaissance à partir dřun petit groupe survivant, ce qui expliquerait le pa-
trimoine génétique unique de lřhumanité. Cette théorie est connue sous
le nom de théorie de la catastrophe de Toba
 Caldeira de Yellowstone, Wyoming, Etats-Unis dřAmérique, 2,2 millions
dřannées (2 500 km³) et 640 000 ans (1 000 km³)
Autres éruptions massives connues :
 Champs Phlégréens, Campanie, Italie. Zone toujours active avec un sou-
lèvement du sol de 2m depuis 1970.
 Caldeira de Long Valley, Californie, Etats-Unis. Avec 30 km de long sur
18 de large, Long Valley est une des plus grandes caldeiras du monde. Sa
géomorphologie et son altitude en ont fait une station de ski réputée de
Californie. Activité sismique, volcanique et hydrothermale importante
depuis 1980. Séisme de magnitude 6 en 1998, dégazage de 133 tonnes de

86
http://fr.wikipedia.org/wiki/Supervolcan, consulté le 8-2-08. Les mêmes renseignements se trouvent
sur plusieurs autres sites.
87
Nous citons seulement certains de ces événements volcaniques.
113

CO2 par jour avec disparition de la végétation, déformation du sol de 10


cm par an. Depuis 1997, mise en place dřun réseau de 36 stations sis-
miques, de plusieurs stations de mesure du CO2 et de 14 stations GPS.88

Pour avoir une idée de ce que cela peut représenter, voici lřeffet des deux
éruptions du Yellowstone aux USA :

Régions des Etats-Unis couvertes de cendres volcaniques lors des explosions gigantesques au
Yellowstone il y a 2 millions d’années et il y a 630 000 années. Pour comparaison, l’image
donne les mêmes mesures pour l’explosion du caldeira de Long Valley à Mammoth Lakes,
Californie, et pour l’éruption du Mont St Hélène en 1980 dans l’état de Washington. (Adapté
de Sarna-Wojcicki, 1991, cite dans l’étude de la Geological Society of London, voir note 85.)

Lřeffet dřune telle éruption aujourdřhui serait probablement la fin des


Etats-Unis et du rôle prédominant de lřAmérique du Nord. Il ne faut pas une
imagination très fertile pour comprendre les conséquences sur le monde en
général et sur la carte politique en particulier, dřun tel événement. Le centre
névralgique du monde se déplacerait automatiquement vers lřEurope. Imagi-
nons que cela aille de pair avec une activité sismique intense ailleurs, comme
par exemple tout autour du cercle de feu qui entoure lřOcéan Pacifique, le
scénario dřApocalypse 6 deviendrait une réalité terrible.

88
Il va de soi que les datations suivent le schéma évolutionniste. Dans une conception créationniste, il
faudra situer ces éruptions dans un passé inconfortablement récent.
114

Or, le séisme annoncé par le texte dřApocalypse 6 arrivera probablement


quelque part dans ces mêmes zones. Scénario impossible ? Il est évident que
Dieu va intervenir directement et que ce qui va arriver ne sera pas une répéti-
tion de ce quřon a déjà vu. Un calcul des probabilités dřun tel séisme sera quasi
impossible. Cřest Dieu qui agira souverainement.
Une chose est sûre : le sixième sceau décrit un événement dřun caractère
gigantesque. Dřautres textes bibliques sřen font lřécho, comme Joël 2.10; Esaïe
34.4 et Osée 10.8.89 Il aura nécessairement lieu dans un endroit névralgique du
monde moderne, le genre dřendroit qui suscitera la réaction décrite par le
texte. Rappelons-nous simplement quřune telle réaction nřa pas été suscitée
par le Tsunami de Noël 2004… En fait, et cřest avec tristesse quřil faut le
constater, un tel séisme nřaura de conséquences apocalyptiques que sřil a lieu
dans certaines régions, et peut-être même que dans deux régions de notre
monde : lřAmérique du Nord et lřEurope. Par exemple, sřil devait arriver en
Afrique, après le choc initial, ce serait très vite un retour aux affaires courantes
partout ailleurs. Cřest injuste, mais cřest ainsi que va notre monde.
Avant dřaller plus loin, il est peut-être utile de se demander si ce séisme ne
peut pas être tout aussi bien un séisme politique ou financier. Au moment où
nous écrivons ces mots, notre monde subit lřénorme séisme financier de 2008-
2009. Si tout le système économique devait sřeffondrer, les conséquences se-
raient dramatiques, cela va sans dire. Mais cela provoquerait-il une conscience
spirituelle de la colère imminente du Christ ? Cela semble peu probable. Il se-
rait tentant de conclure sur la base dřévénements difficiles à interpréter sur le
long terme que la fin du monde est pour demain. Comprenons-nous : la fin du
monde est pour demain. Que nous arrivons à grande vitesse aux événements
décrits dans la suite de lřApocalypse, il ne faut pas être prophète pour le dire.
Mais lřouverture du sixième sceau ne laissera planer aucun doute. Ce ne sera
pas une question dřinterprétation particulière adoptée par un petit groupe
dřintégristes chrétiens. Lřévénement quřannonce le texte sera dřune telle am-
pleur que la crainte qui grippera lřhumanité, des dirigeants aux classes ou-

89
La terre tremble devant eux, le ciel est ébranlé, le soleil et la lune sont plongés dans l’obscurité. Les
astres perdent leur éclat (Joel 2.10).
Toute l’armée du ciel se désagrégera; le ciel s’enroulera comme on enroule un livre, une armée tombe-
ra comme l’on voit tomber les feuilles de la vigne ou celles du figuier. (Esaïe 34.4)
… Alors ils diront aux montagnes : Recouvrez-nous ! Et aux collines : Tombez sur nous ! (Osée 10.8)
115

vrières, sera la terreur devant la colère de Dieu. Ailleurs dans lřApocalypse, les
tremblements de terre sont à prendre au sens littéral. La description ici est suf-
fisamment précise pour aller dans le même sens.

Où en sommes-nous dans lřhistoire selon cette compréhension des juge-


ments des sceaux ? La question nřa rien dřétrange. Cřest ne pas se poser la ques-
tion qui serait étrange. Discerner les temps exige de pouvoir Řse situer sur la
carte prophétiqueř. Non pas pour écrire un scénario détaillé, ce qui est impos-
sible. Nous ne pouvons pas dire plus que ce que dit la Bible. Mais Jésus lui-
même nous pousse à discerner où nous en sommes : Que l’exemple du figuier vous
serve d’enseignement : quand ses rameaux deviennent tendres et que ses feuilles poussent,
vous savez que l’été est proche. De même, quand vous verrez se produire ces événements, sa-
chez que le Fils de l’homme est proche, comme aux portes de la ville. Vraiment, je vous as-
sure que cette génération-ci ne passera pas avant que tout cela ne commence à se réaliser. Le
ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront jamais. Quant au jour ou à l’heure,
personne ne sait quand cela se produira, ni les anges du ciel, ni même le Fils; seul, le Père le
sait. (Marc 13.28-32)
Le figuier sřest-il mis à fleurir ?
Israël est de retour dans sa terre natale. Jérusalem est de nouveau une
ville juive, capitale de la nation. La question de reconstruire le temple est vi-
vement discutée dans certains cercles de ce peuple. Et toutes les nations se
heurtent de plus en plus, peu importe la raison, à ce peuple et à cette ville. Jé-
rusalem est en passe de devenir la grande pierre dřachoppement et la coupe
dřétourdissement de toute la terre (Zacharie 12.2,3). Aujourdřhui, lorsque Jé-
rusalem tousse, les grandes puissances attrapent un rhume ! Le figuier, sřest-il
mis à fleurir ?
Le chemin des armées gigantesques qui doivent venir du soleil levant se
prépare. Lřorganisation qui peut fournir à lřAntichrist le contrôle total de la
population se met en place. Lřarmement capable de déclencher les horreurs
de lřApocalypse existe et se répand jusque dans les mains des adversaires les
plus implacables dřIsraël. Le figuier, sřest-il mis à fleurir ?
Lřévangélisation des nations, dans un sens, touche à sa fin. Non pas que
le travail soit achevé. Il ne le sera peut-être jamais. Mais partout, le nom de
116

Christ est annoncé par tous les moyens dont nous disposons actuellement.
Et lřeffort se poursuit sans relâche. Le figuier, sřest-il mis à fleurir ?90
Lřamour du plus grand nombre, est-il en train de refroidir devant nos
yeux, pour ne pas dire, dans nos cœurs ? Le spectre dřun Christianisme sans
Jésus-Christ vivant et Seigneur, se dresse-t-il devant nous, en Occident
comme ailleurs ? En même temps que lřépouse se pare pour les noces, la
prostituée se pare-t-elle pour le blasphème final ? Le figuier, sřest-il mis à
fleurir ?
Sommes-nous cette génération qui voit Ŗces chosesŗ arriver ? Est-ce que
cela nous pousse à calculer ou à veiller ?
Dans la tension entre le prévisible, le figuier, et lřimprévisible, le moment
[de Marc 13.32], lřexhortation de Jésus est claire. LřEglise doit veiller et prier
et sřoccuper de la tâche que lui a confiée son Maître.91

Nous vivons au temps des cavaliers et de la persécution du cinquième


sceau. Ce qui doit venir ensuite est donc lřouverture du sixième sceau. Autre-
ment dit, nous nřattendons pas la disparition soudaine de lřEglise de Jésus-
Christ par lřenlèvement. Les temps de la tribulation ne sont pas encore à leur

90
Dans un article du journal Agir (Mission AEM en France), n° 66 (2005), “L’expansion de l’Evangile au
XXIe siècle”, Patrick JOHNSTONE écrit : “C’est la première fois, au cours de notre histoire, que nous pou-
vons envisager avec réalisme d’achever la tâche que Jésus nous a confiée. Le défi qu’il nous a laissé
consiste à annoncer l’Evangile à tous les hommes, et à faire de tous les peuples des disciples. Nous ne
savons pas QUAND le Seigneur jugera que ces objectifs sont atteints et que Jésus reviendra. Le fait de
dire que ce pourrait être durant notre génération n’est pas une illusion fantaisiste. Comment puis-je
en être si convaincu ? Cela fait plus de 40 ans que je recueille des données concernant la croissance de
l’Eglise et voici mon constat :
1. Durant ces quarante dernières années, l’Eglise s’est développée dans le monde entier. En 1960
les évangéliques non occidentaux atteignaient 26 millions. Aujourd’hui ils avoisinent 350 mil-
lions. Il n’existe aucun Etat sans groupe de croyants évangéliques engagés, à l’exception de Saint-
Marin, du Vatican et peut-être des îles Maldives.
2. Durant ces vingt dernières années, nous avons assisté à la mondialisation de l’effectif mission-
naire. Les missionnaires asiatiques sont presque aussi nombreux que ceux originaires d’Amérique
du Nord.
3. Pour la première fois au cours de l’Histoire, nous avons une image assez nette des 12.000 ethnies
existant dans le monde. 3.000 d’entre elles nécessitent encore une aide missionnaire externe,
alors que moins de 1.000 n’ont encore aucun témoignage chrétien.
Autrement dit, nous avons une tâche bien définie, d’immenses ressources et une Eglise prête à
l’action.”
91
Tiré de mon Suivre Jésus, Le chemin tracé par l’Evangile selon Marc, Cléon d’Andran : Excelsis 1999,
p 160.
117

terme. Nous devons, bien au contraire, nous préparer à des temps bien plus
difficiles.
Quelle doit être notre réaction face à la charge des cavaliers de la fin ? Au
milieu de ces six terreurs qui forment notre quotidien à tous, il nous faudrait
rechercher les six qualités suivantes qui en prennent le contrepied : la vérité
contre lřerreur, la paix contre la guerre, la justice contre la faim, lřamour contre
la mort, la persévérance dans la persécution, et la confiance au sein des catas-
trophes. Si nous voulons rester debout, il nous faut poursuivre chacune de ces
voies.

Avant dřaller plus loin, posons-nous une dernière question sur ce chapitre.
Est-ce que ces mêmes fléaux existaient avant Jésus-Christ ? Autrement dit, si
les cavaliers ont commencé leur chevauchée après lřascension de Christ,
comment devons-nous alors comprendre ces mêmes fléaux avant la venue du
Christ ? La réponse est dans la façon biblique de considérer lřhistoire.
La venue de Jésus constitue la ligne de séparation dans lřhistoire. Le temps
avant est appelé Ŗle temps de la patience de Dieuŗ (Romains 3.25) ou Ŗles
temps dřignoranceŗ (Actes 17.30). Cřest lřépoque où tout se concentre sur le
plan de Dieu avec Israël. Les nations grondent et déferlent sur la planète, ap-
pelées par Dieu dans le but dřenseigner à son peuple la crainte de son nom.92
Nous le voyons avec lřEgypte des pharaons, les Assyriens, les Babyloniens et
les Perses tout au long de lřAncien Testament. Cřest dřailleurs un des motifs
récurrents de la prédication des prophètes. Non que Dieu ne fût pas intéressé
par le sort spirituel de ces nations, mais il nřy a pas encore de ministère systé-
matique envers elles. Leur salut semble dépendre des Juifs dans un sens strict :
il faudra être incorporé dans ce peuple ou réagir à la parole dřun envoyé de ce
peuple. La bénédiction pour toutes les nations promise à Abraham attendra la
venue du Messie. Jusque là, cette bénédiction est Řoccasionnelleř, ponctuelle :
Ruth la Moabite, Naaman le Syrien, les Ninivites au temps de Jonas, Nébu-

92
On peut penser à des textes comme Esaïe 36.10 : “D’ailleurs, est-ce sans (la volonté de) l’Eternel que
je suis monté contre ce pays pour le détruire ? L’Eternel m’a dit : Monte contre ce pays et détruis-le. Ou
45.1,4 BFC : Voici ce que le Seigneur déclare à Cyrus, l’homme qu’il a consacré : Je te donne mon appui,
pour te soumettre les nations, pour ôter aux rois leur pouvoir et ouvrir devant toi les portes verrouillées
des villes. … Pour l’amour d’Israël, mon peuple, le serviteur que j’ai choisi, je t’ai pris à mon service. Et
je te fais cet honneur alors que tu ne me connais pas.
118

kadnetsar au temps de Daniel, … Pour le reste, ces peuples vivent comme à


lřécart du plan de Dieu.
Depuis la Pentecôte, cela a changé. Dès Actes 2, il y a une action divine
manifeste pour atteindre lřensemble des nations. Il y a aussi, et en même
temps, un jugement des peuples dont les cavaliers sont lřexpression, jugement
qui touche autant le peuple dřIsraël que les nations. Cřest un jugement sur
lřopposition radicale de ces nations contre lřEglise de Jésus-Christ, opposition
semblable à la haine du Juif de tous les temps, et que le cinquième sceau ré-
sume.
Avant Christ, lřaction de Dieu à travers les peuples visait la venue du Christ
par la création dřune nation Juive qui se détourne de lřidolâtrie pour devenir
un peuple radicalement différent. Notons la constatation de Haman, vizir de
Xerxès, lřempereur perse : Il y a, répandu parmi les peuples dans toutes les provinces de
ton empire, un peuple qui est inassimilable. Leurs lois sont différentes de celles de tous les
autres peuples … (Esther 3.8). Après la Pentecôte, lřaction de Dieu vise tant le
salut par lřacception de lřEvangile que le jugement par le refus de lřEvangile.
LřApocalypse concerne ce jugement.
Avant, Dieu a laissé ces peuples à leur sort. Dans les guerres, les famines,
les catastrophes, il nřy avait pas sa main sauf là où cela concernait directement
son peuple. Ils subissaient les aléas de la vie sur une terre ou règne le mal. La
colère de Dieu se révéla dans lřabandon des gens à leurs vices, comme Ro-
mains 1 le rappelle. Depuis, les cavaliers courent çà et là. La fin des temps a
commencé. La pression augmente. Qui pourra subsister ?
119

Qui peut subsister ?


7.1-17

7 1Après cela, je vis quatre anges debout aux quatre coins de la terre. Ils rete-
naient les quatre vents de la terre, afin quřil ne souffle pas de vent sur la terre, ni
sur la mer, ni sur aucun arbre. 2Et je vis un autre ange qui montait du côté du so-
leil levant et qui tenait le sceau du Dieu vivant. Il cria dřune voix forte aux quatre
anges à qui il avait été donné de faire du mal à la terre et à la mer : 3Ne touchez
pas à la terre, ni à la mer, ni aux arbres, jusquřà ce que nous ayons marqué du
sceau le front des serviteurs de notre Dieu. 4Et jřentendis le nombre de ceux qui
avaient été marqués du sceau, 144.000 de toutes les tribus des fils dřIsraël : 5de la
tribu de Juda, 12.000 marqués du sceau; de la tribu de Ruben, 12.000; de la tribu
de Gad, 12.000; 6de la tribu dřAser, 12.000; de la tribu de Nephtali, 12.000; de la
tribu de Manassé, 12.000; 7de la tribu de Siméon, 12.000; de la tribu de Lévi,
12.000; de la tribu dřIssacar, 12.000; 8de la tribu de Zabulon, 12.000; de la tribu de
Joseph, 12.000; de la tribu de Benjamin, 12.000 marqués du sceau.

QUI PEUT SUBSISTER ? Cette question qui termine le chapitre 6 ouvre une
parenthèse pour en offrir la réponse. Avant lřacte décisif dřouvrir le dernier
sceau et dřachever lřhistoire par deux séries de jugements terribles et intenses,
le livre marque un arrêt pour calmer la crainte de ceux qui appartiennent à
Christ. Ceux qui suivent le Christ passeront intacts à travers ces épreuves. Ils y
auront peut-être perdu la vie, mais ils seront pourtant victorieux. En effet, les
deux groupes se retrouveront autour de lřAgneau. Le premier sur le mont
Sion, 14.1, le deuxième devant le trône céleste, 7.9.
Quatre anges se tiennent prêts pour faire du mal à la terre et à la mer. Ils
sont peut-être les mêmes que les quatre anges qui vont bientôt sonner les
premières trompettes. Ces premières trompettes déclencheront du moins des
fléaux qui touchent la terre, la mer et les arbres, 8.7-12. Plus tard, il y aura de
nouveau question dřun groupe de quatre anges, enchaînés à lřEuphrate,
9.14,15.
120

Le premier groupe, les 144.000, est marqué du sceau de Dieu. Quelque


chose de semblable avait eu lieu avant la destruction de Jérusalem par les Ba-
byloniens en 586 avant Christ. Le prophète Ezéchiel raconte une de ses vi-
sions : L’Eternel appela l’homme vêtu de lin qui portait l’écritoire à sa ceinture et il lui
dit : Passe au milieu de la ville de Jérusalem et marque d’une croix sur le front les hommes
qui gémissent et se plaignent à cause de toutes les pratiques abominables qui se commettent
dans cette ville. (9.4) Littéralement, la marque ici est un tav, la dernière lettre de
lřalphabet hébreu, qui avait à lřépoque la forme dřune croix. En cette période
ultime, la bête apposera aussi sa marque sur les foules qui le suivent, 13.16,17.
Si le même mot est utilisé en Ephésiens 1.14 (… c’est aussi en Christ que vous qui
avez cru, vous avez obtenu de Dieu l’Esprit Saint qu’il avait promis et par lequel il vous a
marqués de son sceau pour lui appartenir), il ne faut pas pour autant confondre ce
sceau de lřEsprit avec le sceau de Dieu ici en Apocalypse. Le sceau est un
signe de possession et de protection, cf. 9.4. Ici, le texte nous le dit plus loin, il
comporte le nom de Jésus et le nom de son Père qui sont écrits sur leur front,
14.1.

QUI SONT LES 144.000 ? Sont-ils un groupe de descendants dřIsraël, dis-


tinct et limité, ou faut-il y voir un nombre symbolique qui décrit lřensemble du
peuple de Dieu ?
Bon nombre de commentateurs93 comprennent le chiffre 144.000 comme
un symbole. Ce serait le chiffre de la perfection : 12x12x10x10x10 qui, loin de
limiter le salut à un petit nombre, lřétend à un nombre immense. Cette com-
préhension va souvent de pair avec lřidée que lřEglise est le nouvel Israël, le vé-
ritable peuple de Dieu. Cřest ce que lřon appelle la théologie de la substitution
dřIsraël par lřEglise. Dieu, disent certains, nřaurait plus de projet pour Israël.
Les textes les plus cités à lřappui de cette thèse sont : Romains 2.28,29; 9.6;
Galates 3.29; 6.16 et Philippiens 3.3.94 Selon cette interprétation, les 144.000 et

93
Cela est typiquement le cas des commentateurs évangéliques anglais. Ainsi Barclay, Ladd, Morris,
Gardner et Wilcock. Beasley-Murray vont dans le même sens. Pour John Stott, les 144.000 représen-
tent l’Eglise combattante, et la foule de 7.9 l’Eglise adorante (in: Le Christ incomparable, Ligue pour la
Lecture de la Bible, 2004). La BAe va dans le même sens : 0147… les douze tribus d'Israël ne sont …
qu’une manière de désigner le peuple de Dieu sous la nouvelle Alliance. Cette … explication nous pa-
raît la seule admissible. 0148
94
Car ce n’est pas ce qui est visible qui fait le Juif, ni la marque visible dans la chair qui fait la circonci-
sion, mais ce qui fait le Juif c’est ce qui est intérieur, et la vraie circoncision est celle que l’Esprit opère
121

la foule innombrable de 7.9 sont le même groupe de personnes, dřabord sur


terre, ensuite au ciel.
Cela suscite bien sûr quelques questions.
Pourquoi, les noms des tribus dřIsraël sont-ils appliqués à des non-Juifs ?
Cela nřest le cas dans aucun autre texte de la Bible. Cités pratiquement dřun
verset à lřautre, vv. 5-9, les tribus dřIsraël et les peuples de toute nation et de
toutes langues seraient donc des groupes identiques ? Est-ce que les noms des
douze tribus montrent mieux que tous les membres du peuple de Dieu sont
inclus (Morris) ? Mais en quoi ? Lřabsence de la tribu de Dan semble plutôt
indiquer le contraire !95 Faut-il y voir le genre de description stylisée Ŗauquel il
fallait sřattendreŗ (Wilcock). Ce nřest, pour le moins, pas très sérieux comme
argument ! Avec cela on fera dire nřimporte quoi à la Parole de Dieu. Si, en-
suite, on relie lřabsence de la tribu de Dan avec la tradition que lřAntichrist
viendrait de Dan, faut-il alors comprendre la vraie tribu de Dan ? Cela res-
semble un peu trop à une certaine théologie qui enlève toutes les promesses
faites à Israël pour les donner à lřEglise, mais qui laisse toutes les malédictions
sur le compte dřIsraël. Cřest le genre de théologie qui a pavé le chemin de
lřantisémitisme avec les conséquences dramatiques que lřon sait. La théologie
de Paul semble plutôt être que les chrétiens des nations sont greffés sur
lřolivier dřIsraël avec le même risque de pouvoir se trouver exclus à leur tour,
Romains 11.21,22 : Car si Dieu n’a pas épargné les branches naturelles, il ne t’épargnera
pas non plus. Considère donc, à la fois, la bonté et la sévérité de Dieu : sévérité à l’égard de

dans le cœur et non celle que l’on pratique en obéissant à la lettre de la Loi. Tel est le Juif qui reçoit sa
louange, non des hommes, mais de Dieu. (Romains 2.28,29)
La Parole de Dieu aurait-elle échoué ? Non ! En effet, ce ne sont pas tous ceux qui descendent du pa-
triarche Israël qui constituent Israël. (Romains 9.6)
Si vous lui appartenez, vous êtes la descendance d’Abraham et donc, aussi, les héritiers des biens que
Dieu a promis à Abraham. (Galates 3.29)
Que la paix et la grâce de Dieu soient accordées à tous ceux qui suivent cette règle de vie, ainsi qu’à
l’Israël de Dieu. (Galates 6.16)
En réalité, c’est nous qui sommes circoncis de la vraie circoncision puisque nous rendons notre culte à
Dieu par son Esprit et que nous mettons toute notre fierté en Jésus-Christ au lieu de placer notre con-
fiance dans ce que l’homme produit par lui-même. (Philippiens 3.3)
95
Contre Ladd qui y voit justement l’indication qu’il ne faut pas prendre cette liste au sens littéral. Il
note la présence de Dan sur la liste en Ezéchiël 48, pour conclure que les irrégularités dans la liste doi-
vent nous amener à la conclusion qu’il est question ici de l’Eglise. Mais en Ezéchiel 48, la liste concerne
les tribus qui seront établies dans l’Israël terrestre du Millénium. Jean parle ici de “Juifs messianiques”.
122

ceux qui sont tombés, bonté à ton égard aussi longtemps que tu t’attaches à cette bonté. Si-
non, toi aussi, tu seras retranché. Non seulement le rejet dřIsraël nřest pas définitif,
mais en plus, la greffe de certains païens pourrait ne pas prendre … Et en
étant greffé sur la racine, devenons-nous pour autant des descendants dřIsraël ?
Ne sommes-nous pas plutôt de la descendance dřAbraham, Galates 3.2996 ?
LřIsraël de Dieu, en Galates 6.16, nřest pas nécessairement une référence à
lřEglise. Peut-être quřil faille y voir une référence indirecte aux pharisiens dans
une lettre qui est justement préoccupée par les enseignements de Juifs qui se
sont sans doute présentés comme les vrais Juifs, le vrai peuple de Dieu. Jere-
mias écrit ceci :
Ŗ... Religieusement et socialement, les pharisiens constituaient le parti du
peuple; ils représentaient la foule en face de lřaristocratie aussi bien du point
de vue religieux que social. Leur piété que lřon respectait ŕils prétendaient
être lřIsraël véritableŕ et leur organisation sociale visant à supprimer les dif-
férences de classes en firent le parti du peuple et leur assura petit à petit la
victoire.ŗ97

Est-ce que Paul veut justement souligner que le vrai Israël, ce ne sont pas
ces Juifs prétentieux, mais ceux qui ont reconnu en Jésus le Messie promis ?
Pourquoi lřApocalypse mentionnerait-il deux fois le même groupe ? Est-ce
un livre qui pratique la redondance ?98 Dans le droit fil de Romains 11, ne
faut-il pas justement sřattendre à la question : et le peuple Juif dans tout ça ?
Si, en plus, cela correspond à lřattente des prophètes, et nous y reviendrons un
peu plus loin99, il faudrait vraiment chausser des lunettes étranges pour à tout
prix vouloir lire une chose et en comprendre une autre. Serait-ce vraiment la
compréhension naturelle des premiers lecteurs, pour ne rien dire du Judéo-
chrétien que fut Jean lui-même ? Notons en passant quřaucun des textes invo-
qués pour transférer le nom dřIsraël à lřEglise nřest décisif. Lřinterprétation de
ces passages dépend beaucoup trop de la théologie de lřinterprète. Nous con-

96
Et si vous êtes à Christ, alors vous êtes la descendance d’Abraham, héritiers selon la promesse.
97
J. JEREMIAS, Jérusalem au temps de Jésus, Paris : Cerf, 1968, p. 355. In: Amar DJABALLAH, Les paraboles
aujourd’hui, Québec: Clairière, 1994, p. 96.
98
Ladd suggère que ces deux groupes sont l’Eglise sur le seuil de la grande tribulation et à la fin de
celle-ci.
99
Voir l’annexe 1.
123

cluons que Jean voit bien deux groupes, Israël et lřEglise, et lřAgneau veille sur
les deux.
Dřailleurs, si ces deux groupes sont identiques, faut-il alors comprendre
quřaucun chrétien ne périra en ces temps de crise ? En effet, en 14.1 nous re-
trouvons ces mêmes personnes au même nombre, apparemment indemnes,
sur le mont Sion avec lřAgneau. Regardant au-delà des temps, ce chapitre
montre que le sceau de Dieu a effectivement protégé les 144.000. Malgré la
guerre que mène la bête en 13.7, et malgré 20.4 qui dit que beaucoup sont
morts brutalement, ces 144.000 se trouvent là indemnes. Sřils représentent
lřensemble des disciples du Christ, ce serait bien sûr impossible … à moins de
tout spiritualiser. Le mont Sion devient un symbole, les 144.000 hommes
sexuellement vierges de 14.3 sont à prendre en un sens symbolique, les noms
des tribus sont symboliques etc. Tout problème dans la compréhension du
texte est alors résolu par cette baguette magique quřest le sens symbolique. Ce
nřest pas très satisfaisant. Et si on comprenait ce texte autrement ?
Lřautre manière de comprendre est que les 144.000 sont à prendre à la lettre
comme un nombre précis dřIsraélites. Cela correspond mieux au détail des tri-
bus. Avec un détail important : sřil y a encore préséance de Juda, il nřy a plus
de différence numérique (Juda avait toujours été la tribu la plus nombreuse).
Chaque tribu apporte un nombre égal de personnes et pèse donc du même
poids. Même les disséminés quřétaient Siméon et Lévi, Genèse 49.7, sont du
nombre, et tous sont sur un pied dřégalité. Seul Dan est absent. Pour les rab-
bins, Jérémie 8.16 (On entend depuis Dan les chevaux qui hennissent. En entendant
hennir les fougueux étalons, toute la terre tremble. Les voici, ils arrivent, dévorant le pays et
tout ce qu’il contient, la ville et tous ses habitants) signifiait que lřAnti-messie vien-
drait de Dan. Irénée reprend cela au deuxième siècle, et Hippolyte, père de
lřéglise, écrit : Comme Christ était né de la tribu de Juda, lřAntichrist naîtra de
la tribu de Dan.100
14.1-5 ajoute dřautres détails à ce tableau. Notons que leur chant, 14.3, est
différent de celui des vainqueurs de la bête en 15.2,3. Le fait quřils sont vierges
est difficile à appliquer à toute lřEglise, et le sens symbolique dřune pureté spi-
rituelle ne semble pas vraiment ce que Jean veut dire. Ils suivent l’Agneau partout

100
Concernant l’Antichrist, 14. Cité par Barclay.
124

où il va, et ils sont les prémices des hommes. Pourtant, ils ne sont ni les chrétiens
de tous les temps, ni des premiers temps, mais une génération future, vivant
au-delà de lřouverture du sixième sceau. Ils sont comme une élite spirituelle,
un groupe à part en signe dřun groupe plus grand à venir, ce qui est le sens du
mot prémices. Leur attachement tout particulier à Jésus, dans une consécra-
tion totale, est évident. Sont-ils lřensemble du peuple juif, ou même,
lřensemble des Juifs messianiques ? Pas vraiment. La description est trop par-
ticulière pour cela. Faudrait-il lire Romains 11.12,16,25-27101 à côté de ces
textes ? Paul y utilise ce même mot, prémices, pour lřappliquer aux Judéo-
chrétiens de la première heure.102 Ici, à la dernière heure, il sřagit dřun groupe
de choix, de prémices de la dernière moisson, peut-être celui annoncé en Za-
charie 12.9,10 : Alors, en ce jour-là, j’entreprendrai de détruire toute nation qui viendra
pour combattre contre Jérusalem. Je répandrai alors sur la famille de David et sur ceux qui
habitent Jérusalem un Esprit de pitié et de supplication. Alors ils tourneront leurs regards
vers moi, celui qu’ils auront transpercé. Ils porteront le deuil pour lui comme on porte le deuil
pour un enfant unique; ils pleureront sur lui tout comme on pleure amèrement pour son fils
premier-né. Sont-ils pour autant les évangélistes des temps derniers ? Cela nřest
dit nulle part ! Ce qui ramène le cœur du peuple Juif au Messie Jésus est la vi-
sion du crucifié au plus fort de la détresse finale. Quant à une évangélisation
générale en ces temps les derniers, il suffit de penser à des textes comme
9.20,21; 16.9,11,21 où cřest le refus de la repentance qui est souligné.

LA FOULE INNOMBRABLE.
9Après cela je regardai, et voici une grande foule que nul ne pouvait compter,

de toute nation, de toutes tribus, de tous peuples et de toutes langues. Ils se te-
naient devant le trône et devant lřAgneau, vêtus de robes blanches, et des palmes à
la main. 10Et ils criaient dřune voix forte : Le salut (est) à notre Dieu qui est assis

101
Et si leur faux pas a fait la richesse du monde, et leur déchéance la richesse des non-Juifs, quelle ri-
chesse plus grande encore n’y aura-t-il pas dans leur complet rétablissement ? … En effet, si les pré-
mices du pain offert à Dieu sont consacrées, toute la pâte l’est aussi. Si la racine est consacrée, les
branches le sont aussi. … Frères, je ne veux pas que vous restiez dans l’ignorance de ce mystère, pour
que vous ne croyiez pas détenir en vous-mêmes une sagesse supérieure : l’endurcissement d’une partie
d’Israël durera jusqu’à ce que l’ensemble des non-Juifs soit entré dans le peuple de Dieu, et ainsi, tout
Israël sera sauvé. C’est là ce que dit l’Ecriture : De Sion viendra le Libérateur; il éloignera de Jacob toute
désobéissance. Et voici en quoi consistera mon alliance avec eux : c’est que j’enlèverai leurs péchés.
102
Ainsi aussi F. F. BRUCE, Romans, Tyndale NT commentaries, Leicester: IVP, 1963, 1985.
125

sur le trône, et à lřAgneau. 11Et tous les anges se tenaient autour du trône, des an-
ciens et des quatre êtres vivants; ils tombèrent la face contre terre devant le trône
et ils adorèrent Dieu, 12en disant : Amen. La louange, la gloire, la sagesse, lřaction
de grâces, lřhonneur, la puissance et la force (sont) à notre Dieu, aux siècles des
siècles ! Amen.
13Alors lřun des anciens prit la parole et me dit : Ceux qui sont vêtus de robes

blanches, qui sont-ils et dřoù sont-ils venus ? 14Je lui répondis : Mon seigneur, tu le
sais. Et il me dit : Ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation. Ils ont lavé
leurs robes et les ont blanchies dans le sang de lřAgneau. 15Cřest pourquoi ils sont
devant le trône de Dieu et lui rendent un culte jour et nuit dans son temple. Celui
qui est assis sur le trône dressera sa tente sur eux; 16ils nřauront plus faim, ils
nřauront plus soif, et le soleil ne les frappera plus, ni aucune chaleur. 17Car
lřAgneau qui est au milieu du trône les fera paître et les conduira aux sources des
eaux de la vie, et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.

Voici un texte qui coupe court à toute discussion sur le nombre des rache-
tés. N’y aura-t-il que peu de gens qui seront sauvés ? (Luc 13.23) La réponse tient au-
tant dans la réponse de Jésus (Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite; car, je vous
l’affirme, beaucoup essayeront d’entrer et ne le pourront pas (13.24 BFC), que dans ce
texte de lřApocalypse. Comme dans le groupe précédent, leur appartenance est
précisée, mais il nřeut guère été possible de les différencier davantage. Les uns
sont tirés des douze tribus dřIsraël, comptés, isolés et indemnes. Ceux-ci sont
de tous les peuples, innombrables et martyrs. Ils ressemblent aux martyrs sous
lřautel de 6.9-11. Là, une robe blanche est donnée, ici, elle est lavée et blanchie
dans le sang de lřAgneau, 7.14. Le premier groupe, 6.9-11, est sans doute cons-
titué des martyrs de tous les temps, tandis que ce groupe-ci est défini comme
lřensemble des martyrs de la grande tribulation.
Leurs robes lavées rappellent peut-être aux premiers lecteurs du livre une
coutume des religions païennes de cette époque, le taurobolium, un baptême par
le sang dřun taureau afin de renaître pour lřéternité. Le candidat qui voulait
être initié dans les mystères du culte était introduit dans une cavité sous un
treillis. Sur ce treillis, on sacrifiait un taureau et le sang coulait ainsi sur le nou-
veau croyant. Sa robe était en quelque sorte lavée par le sang du taureau. Mais
le chrétien connaissait la réalité : seul le sang de Christ peut effacer le péché.
ŖSon sang rend pur le plus coupable … son sang coula pour moi !ŗ
126

Ce ne sont pas des gens tristes et défaits. Ils ne viennent ni se plaindre, ni


crier vengeance. Il est vrai quřils crient, et dřune voix forte, mais cřest de joie.
Ils viennent de remporter une victoire éclatante : ils sont restés fidèles jusquřau
bout. La bête, dont il sera question plus tard, nřa pas pu prévaloir sur eux. Ils
ont résisté et se trouvent maintenant devant le trône de tout pouvoir. Durant
la période quřils viennent de traverser, la grande tribulation, lřépreuve ultime
des disciples de Jésus avant lřenlèvement et le retour de Christ, ils ont dû payer
le prix de leur foi. Lřapôtre Pierre les avait prévenus : Voilà ce qui fait votre joie,
même si, actuellement, il faut que vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses
épreuves : celles-ci servent à éprouver la valeur de votre foi. Le feu du creuset n’éprouve-t-il
pas l’or qui pourtant disparaîtra un jour ? Mais beaucoup plus précieuse que l’or périssable
est la foi qui a résisté à l’épreuve. Elle vous vaudra louange, gloire et honneur, lorsque Jésus-
Christ apparaîtra. Jésus, vous ne l’avez pas vu, et pourtant vous l’aimez; mais en plaçant
votre confiance en lui sans le voir encore, vous êtes remplis d’une joie glorieuse qu’aucune pa-
role ne saurait exprimer, car vous obtenez votre salut qui est le but de votre foi. (1 Pierre
1.6-9) LřApocalypse nřa pas encore parlé de cette tribulation des temps de la
fin, mais avant même de le faire, Jésus nous rassure sur lřissue : Ne crains pas ce
que tu vas souffrir. Ecoute : le diable va vous mettre à l’épreuve en jetant plusieurs d’entre
vous en prison; on vous persécutera pendant dix jours. Sois fidèle jusqu’à la mort, et je te
donnerai la couronne de victoire, la vie éternelle (2.10 BFC) avait-il écrit à lřéglise de
Smyrne. Cřest la même chose ici au chapitre 7. LřAntichrist nřest pas encore
révélé, le temps de la colère de lřAgneau est annoncé, le conflit entre la lumière
et les ténèbres entre dans sa phase finale, et il y aurait de quoi avoir peur. Qui
donc pourra subsister ? Sois sans crainte, petit troupeau; car votre Père a trouvé bon de
vous donner le royaume. (Luc 12.32) Ainsi, ce texte regarde vers lřavenir quand
ceux qui auront résisté dans lřépreuve ultime jouiront de la victoire. Le mes-
sage est clair : Ne craignez pas ! Les tentations qui vous ont assaillis jusqu’ici sont
communes à tous les hommes : aucune d’elles n’a dépassé les forces humaines. D’ailleurs,
Dieu est fidèle et il ne permettra pas non plus à l’avenir que l’épreuve dépasse vos forces. Au
moment de la tentation, il vous donnera la force d’y résister et il préparera une issue pour
que vous en sortiez vainqueurs. (1 Corinthiens 10.13 PVV)
127

Les anges eux-mêmes forment le chœur de leur chant victorieux. Jour et


nuit, ils rendent un culte à Dieu dans le temple103. Non que lřéternité ne soit
faite de rien dřautre, mais la fête qui célèbrera lřarrivée des vainqueurs sera gi-
gantesque. Dieu lui-même les enveloppera de sa présence glorieuse. Sur terre,
ils avaient connu la souffrance, la faim, le deuil. Parfois, ils avaient probable-
ment douté de la présence de Dieu. Mais maintenant, tout cela est derrière
eux. Ils ont persévéré jusquřà la fin et le temps des récompenses est arrivé.
Dieu lui-même essuiera toute larme de leurs yeux. Il fera disparaître la mort à tout
jamais. Et de tous les visages le Seigneur, l’Eternel, effacera les larmes, et sur toute la terre,
il fera disparaître l’opprobre pesant sur son peuple. L’Eternel a parlé. (Esaïe 25.8). Plus
que jamais, ils sont sacrificateurs pour lui, lřélite de tous ceux qui lui appar-
tiennent.
Ils sont entrés dans la joie de leur Maître, et lřAgneau les conduira comme
cela avait été promis : Ils n’endureront plus ni la faim ni la soif, la chaleur du désert et
le soleil ne les frapperont plus car celui qui les aime les conduira et il les mènera auprès des
sources d’eau. (Esaïe 49.10)104 Il les avait conduits jusque-là. Mais maintenant, ce
sera dans une toute autre dimension. La page du péché et de ses conséquences
est tournée. Le temps de la joie éternelle est arrivé.

103
Faut-il penser au temple de Jérusalem ? Ce serait étonnant ici. Ils se trouvent au ciel, dans le sanc-
tuaire céleste dont parle Hébreux 9.24 et 10.19,20 : Car ce n’est pas dans un sanctuaire construit par
des hommes, simple image du véritable, que le Christ est entré : c’est dans le ciel même, afin de se pré-
senter maintenant devant Dieu pour nous. … Ainsi donc, mes frères, nous avons une pleine liberté pour
entrer dans le lieu très-saint, grâce au sang du sacrifice de Jésus. Il nous en a ouvert le chemin, un che-
min nouveau et vivant à travers le rideau du sanctuaire, c’est-à-dire à travers son propre corps. C’est
sans doute de ce temple qu’il est question ici.
104
Dans cette prophétie d’Esaïe notons les lignes suivantes : … Et il a dit aussi : Tu ne seras pas seule-
ment mon serviteur pour rétablir les tribus de Jacob et ramener ceux que j’ai préservés du peuple
d’Israël. Car je t’établirai pour être la lumière des nations afin que mon salut parvienne aux extrémités
de la terre. … Voici ce que dit l’Eternel : Au moment favorable je répondrai à ton appel, et au jour du
salut je viendrai à ton aide. Je te protégerai, et je t’établirai pour conclure une alliance avec le peuple et
pour relever le pays, pour faire le partage des patrimoines dévastés, pour dire aux prisonniers : Sortez,
et à ceux qui demeurent dans les ténèbres : Montrez-vous ! Et ils se nourriront partout le long des
routes; sur toutes les hauteurs arides, ils trouveront de quoi manger. Ils n’endureront plus ni la faim ni
la soif, la chaleur du désert et le soleil ne les frapperont plus car celui qui les aime les conduira et il les
mènera auprès des sources d’eau. Et toutes mes montagnes, je les transformerai en chemins prati-
cables, je remblaierai mes routes. Les voici, ils arrivent des pays éloignés : les uns viennent du nord, les
autres du couchant, et voici ceux qui viennent de la région sud de l’Egypte. … (Esaïe 49.5-13) Ainsi, le
Messie promis rassemble les siens des quatre coins de l’horizon, sans pour autant oublier le peuple
d’Israël. Le début du texte fait allusion au rétablissement des tribus de Jacob. Cela s’accomplira aussi
sûrement que le rassemblement devant son trône de ceux qui viennent de la grande tribulation.
128

Ainsi sřachève la première partie de lřApocalypse. LřAgneau les conduira.


De toute nation et de toute tribu il a rassemblé son peuple. Son Eglise faible et
fragile est restée debout. Les portes de lřenfer nřont pas pu lřengloutir. Les
vainqueurs seront devant le trône et ils régneront avec Christ.
Maintenant vient lřheure dřouvrir le dernier sceau. Le conflit qui a secoué la
terre depuis la chute va arriver à son paroxysme. Christ reviendra. Avant cela,
lřAntichrist étendra son règne par la puissance du dragon, le prince des té-
nèbres. LřAgneau contre le dragon, tel sera le dernier combat. Jusque là, le
dragon semble avoir eu lřavantage. La terre entière sřest mise à le suivre. La
révolte contre le Dieu Créateur est universelle et toutes les ressources ter-
restres et démoniaques vont être jetées dans le combat.
LřAgneau ouvre le septième sceau …
129

Annexe :
Etude supplémentaire : L’avenir d’Israël
Y a-t-il encore un avenir national pour le peuple dřIsraël ? Avant de laisser
ce texte dřApocalypse, il nřest peut-être pas inutile de nous remémorer
quelques passages des prophètes dřIsraël. Voici des textes (dans la version du
Semeur) du prophète Osée, qui touchent à la disparition des dix tribus du
nord, dřEzéchiel qui écrit à Babylone lors de lřexil de Juda et de Zacharie qui
écrit peu après le retour de cet exil.105

Osée doit prophétiser sur un peuple rebelle, dur dřoreille, et lui dire que
Dieu en a assez. Pourtant, le jugement nřest pas son dernier mot : Mais, un jour,
les Israélites seront nombreux comme les grains de sable sur le bord de la mer, que nul ne
peut compter ni mesurer. Et, au lieu même où on leur avait dit : “Vous n’êtes pas mon
peuple”, on leur dira : “Vous êtes les enfants du Dieu vivant.” Alors, les Judéens et les
Israélites du royaume du Nord seront unis et ils se choisiront un chef unique, ils sortiront du
pays de l’exil, car il sera très grand, le jour de Jizréel. (2.1,2)
Je conclurai, en ce temps-là, une alliance pour eux avec les animaux sauvages et les oi-
seaux du ciel, et les animaux qui se meuvent au ras du sol. Je briserai l’arc et l’épée, et je
mettrai fin à la guerre : ils disparaîtront du pays. Et je les ferai reposer dans la sécurité.
Puis, pour toujours, je te fiancerai à moi. Je te fiancerai à moi en donnant comme dot et la
justice et la droiture, l’amour et la tendresse. Je te fiancerai à moi en donnant pour toi la fi-
délité, et tu connaîtras l’Eternel. En ce temps-là, je répondrai, l’Eternel le déclare, je répon-
drai à l’attente du ciel, et le ciel répondra à ce qu’attend la terre. La terre répondra au blé,
au vin nouveau ainsi qu’à l’huile fraîche, et ceux-ci répondront à l’attente de Jizréel. Et je
les répandrai comme de la semence pour moi dans le pays, je prodiguerai mon amour à celle
qu’on nommait Lo-Rouhama, et je dirai à Lo-Ammi : “Tu es mon peuple”, et il dira :
“Tu es mon Dieu.” (2.20-25)

105
Ce ne sont bien sûr pas les seuls à parler d’un avenir pour les tribus du nord. On pourrait ainsi citer
le texte remarquable de Jérémie 3.14-18 : Revenez donc, enfants rebelles ! L’Eternel le demande, car
c’est moi votre maître. Et je vous prends, un d’une ville et deux d’une famille, pour vous amener à Sion.
Là, je vous donnerai des bergers à ma convenance, ils vous dirigeront avec du savoir-faire et du discer-
nement. Or, quand dans le pays, vous vous serez multipliés—l’Eternel le déclare—oui, lorsque vous se-
rez devenus très nombreux, alors on ne parlera plus du coffre de l’alliance de l’Eternel. On n’y pensera
plus et l’on ne s’en souviendra plus. Il ne manquera à personne et l’on n’en fera pas un autre. A cette
époque-là, on nommera Jérusalem : “Trône de l’Eternel”, et toutes les nations s’assembleront en elle au
nom de l’Eternel, oui, à Jérusalem. Elles ne persisteront plus dans leur obstination au mal. En ce temps-
là, la communauté de Juda rejoindra celle d’Israël et, du pays du nord, elles reviendront ensemble vers
le pays que j’ai donné en patrimoine à vos ancêtres.
130

Quřentrevoit Osée, sinon une résurrection du peuple ? Les tribus du nord


vont partir pour un long exil dont ils commencent seulement à revenir au-
jourdřhui si on accorde foi aux décisions rabbiniques concluant que des
groupes comme les Benei Menashé en Inde sont bien les descendants de la
tribu de Manassé. Il y a bien sûr une application à faire aux non-Juifs, comme
lřindique lřapôtre Paul en Rom 9.25,26 : C’est nous qui sommes les objets de sa grâce,
nous qu’il a appelés non seulement d’entre les Juifs, mais aussi d’entre les non-Juifs. C’est ce
qu’il dit dans le livre du prophète Osée : Celui qui n’était pas mon peuple, je l’appellerai
“mon peuple”. Celle qui n’était pas la bien-aimée, je la nommerai “bien-aimée”. Au lieu
même où on leur avait dit : “Vous n’êtes pas mon peuple”, on leur dira alors : “Vous êtes
les fils du Dieu vivant.”. Mais cette application vraie signifie-t-elle
lřaccomplissement définitif de la totalité du texte ?
Plus loin, voici comment décrit le prophète lřhistoire du royaume du nord :
Oui, Israël a été dévoré. Le voici, désormais, au milieu des nations, comme un objet indési-
rable. (8.8) Ils n’habiteront plus dans le pays de l’Eternel. Ephraïm reprendra le chemin de
l’Egypte et ils devront manger des aliments impurs en Assyrie. … Dieu les rejettera, car ils
ne l’ont pas écouté, et ils seront errants au milieu des nations. (9.3,17)
Mais est-ce le dernier mot ? Dieu, abandonne-t-il cette partie de son
peuple ? Comment pourrais-je t’abandonner, ô Ephraïm ? Comment pourrais-je te livrer,
ô Israël, te traiter comme Adma, ou te rendre semblable à Tseboïm ? Mon cœur est tout
bouleversé, je suis tout ému de pitié. Non, je n’agirai pas selon mon ardente colère, je ne dé-
truirai pas de nouveau Ephraïm parce que moi, moi, je suis Dieu, je ne suis pas un homme,
et je suis saint, moi qui suis au milieu de vous, et je ne viendrai pas animé de colère. Ils sui-
vront l’Eternel : comme un lion, il rugira. A ses rugissements, ses fils accourront en trem-
blant de l’Occident. Tremblants, ils reviendront d’Egypte. Tout comme des oiseaux et comme
des colombes, ils reviendront de l’Assyrie. Je les rétablirai dans leurs maisons, l’Eternel le
déclare. (11.8-11)
Faut-il voir lřaccomplissement de cette promesse en le retour de quelques
personnes des tribus du nord à la fin de la captivité babylonienne (cf. 1 Chro-
niques 9.3 : De plus, des gens des tribus de Juda, de Benjamin, d’Ephraïm et de Manassé
s’établirent à Jérusalem) ? Ces gens-là étaient probablement les descendants des
membres de ces tribus qui avaient émigré vers Juda plus tôt, 2 Chroniques
30.10,11, ou qui habitaient encore dans leur patrie, 2 Chroniques 34.9.106 Faut-

106
Les coureurs passèrent ainsi de ville en ville dans le territoire d’Ephraïm et de Manassé. Ils poussè-
rent au nord jusqu’au territoire de Zabulon. Mais on se moquait d’eux et on les tournait en dérision.
Cependant, quelques membres des tribus d’Aser, de Manassé et de Zabulon s’humilièrent et se rendi-
131

il voir en le retour actuel des Juifs lointains dřEthiopie, de Russie et dřInde un


début de ce retour dřEphraïm ? Acceptons quřil nous est difficile de juger des
événements qui se passent sous nos yeux. Nous manquons de recul. Mais ne
faudrait-il pas au moins envisager cette possibilité ? Osée conclut son livre
alors avec un appel vibrant à la repentance, seul chemin dřun retournement de
la situation, que nous pouvons appliquer à tout homme séparé de Dieu, mais
qui, par-delà les siècles, nous dit ce que Dieu fera pour son peuple :
Reviens donc, Israël, à l’Eternel, ton Dieu, car ce sont tes péchés qui ont causé ta chute.
Apportez vos paroles et revenez à l’Eternel, et dites-lui : Pardonne toute faute, accepte qu’en
retour, nous t’offrions en sacrifice en guise de taureaux, l’hommage de nos lèvres. Ce n’est pas
l’Assyrie, qui pourra nous sauver, nous ne monterons pas sur des chevaux de guerre et nous
ne dirons plus à l’œuvre de nos mains : “Toi, tu es notre Dieu”, car c’est toi, Eternel, qui
prends pitié de l’orphelin. Moi, je les guérirai de leur apostasie, je leur témoignerai librement
mon amour parce que ma colère se détournera d’eux. Oui, je serai pour Israël semblable à la
rosée, il fleurira comme le lis, et s’enracinera comme les cèdres du Liban. Ses rameaux
s’étendront au loin et il aura la majesté de l’olivier, et son parfum sera semblable à celui du
Liban. Ils reviendront habiter à son ombre, ils revivront comme le blé et fleuriront comme la
vigne, et ils auront la renommée des grands vins du Liban. O Ephraïm… qu’as-tu à faire
encore des idoles ? Moi, je l’exaucerai, je veillerai sur lui. Je suis comme un cyprès qui reste
toujours vert, tu porteras du fruit et c’est moi qui l’aurai produit. Qui donc est assez sage
pour comprendre ces choses, assez intelligent pour les connaître ? Les voies que l’Eternel
prescrit sont droites, les justes les suivront, tandis que les rebelles trébucheront sur elles.
(14.2-10)
Nous nřen sommes pas encore là. Mais le figuier ne sřest-il pas mis à fleu-
rir ?

Ezéchiel vit quelques siècles plus tard. Les tribus du nord ont disparu,
perdues au milieu des nations. Maintenant, cřest le tour à Juda de partir en exil.
Vers la fin de son livre, le prophète jette son regard visionnaire vers lřavenir
lointain. Quřarrivera-t-il au peuple dřIsraël ? Dieu, lřoubliera-t-il ? Les nations
ricanent et croient que son pays est définitivement entre leurs mains. … A
cause de cela, va, prophétise sur le pays d’Israël, dis aux montagnes et aux collines, aux
cours d’eau, aux vallées : Voici ce que déclare le Seigneur, l’Eternel : Dans la fureur de
mon amour que tu as bafoué, je vais prononcer ma sentence, parce que les nations vous ont
chargés d’opprobre. … je multiplierai sur votre sol les hommes, la communauté d’Israël dans

rent à Jérusalem. (30.10,11) … l’argent qui avait été apporté dans le Temple de Dieu, et que les lé-
vites … avaient collecté des tribus de Manassé et d’Ephraïm et du reste des Israélites du nord, … (34.9)
132

sa totalité. Les villes seront habitées, les ruines seront rebâties. … Je les ai dispersés parmi
les nations, ils ont été disséminés en divers pays. Je les ai condamnés comme le méritaient leur
conduite et leurs actes. (36.6,10,19)
Alors, dans des termes qui nous parlent de ce que Dieu fait pour qui-
conque se tourne vers lui, Ezéchiel annonce : Je vous retirerai des nations, je vous
rassemblerai de tous les pays étrangers et je vous ramènerai dans votre pays. Je répandrai sur
vous une eau pure, afin que vous deveniez purs, je vous purifierai de toutes vos souillures et
de toutes vos idoles. Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nou-
veau, j’enlèverai de votre être votre cœur dur comme la pierre et je vous donnerai un cœur de
chair. Je mettrai en vous mon propre Esprit et je ferai de vous des gens qui vivent selon mes
lois et qui obéissent à mes commandements pour les appliquer. Vous demeurerez dans le
pays que j’ai donné à vos ancêtres et vous serez mon peuple, et moi je serai votre Dieu…
(36.24-28)
Est-ce que la Pentecôte a épuisé lřaccomplissement de ce texte ou y a-t-il
un repentir et un renouveau national qui doivent encore suivre ? Le prophète
annonce une résurrection spirituelle au travers de sa vision de la vallée des os-
sements au chapitre 37. Que cette résurrection sřapplique aussi au peuple dans
son existence nationale, 37.14 lřindique : Je mettrai mon Esprit en vous et vous revi-
vrez, et je vous établirai de nouveau dans votre pays; alors vous reconnaîtrez que moi,
l’Eternel, j’ai parlé et agi, l’Eternel le déclare.
Ce rétablissement sera suivi de la réunion des deux royaumes, comme
lřavait annoncé Osée. Ce texte important mérite dřêtre lu dans sa totalité107 :
L’Eternel m’adressa la parole en ces termes : Fils d’homme, prends une tablette de bois, et
grave dessus : Pour Juda et les Israélites qui en font partie. Puis tu prendras un autre mor-
ceau de bois sur lequel tu inscriras : Pour Joseph. Il représentera Ephraïm et tous ceux de la
communauté d’Israël qui en font partie. Ensuite, tu joindras les deux morceaux l’un à
l’autre pour n’avoir qu’une pièce unique, en sorte que les deux morceaux n’en fassent qu’un
dans ta main. Lorsque tes compatriotes te demanderont : Explique-nous ce que cela signifie,
tu leur répondras : Voici ce que déclare le Seigneur, l’Eternel : Je vais prendre le bois de Jo-
seph qui est dans la main d’Ephraïm et les tribus d’Israël qui en font partie, je le placerai
contre le bois de Juda et je ferai des deux un seul morceau : ils seront un dans ma main. Tu
garderas en main, bien visibles pour eux, les morceaux de bois sur lesquels tu auras fait ces
inscriptions, et tu leur diras : Voici ce que déclare le Seigneur, l’Eternel : Je vais prendre les
Israélites du milieu des nations où ils sont allés, je les rassemblerai de tous les pays alen-

107
Le texte de Jérémie 31 va dans le même sens. Dieu y annonce clairement un changement dans le
sort de Juda et d’Israël (la mention d’Ephraïm, 31.9,18, encourage une lecture littérale.
L’accomplissement est encore futur.
133

tours, je les ramènerai dans leur pays, et je ferai d’eux une seule nation dans le pays, sur les
montagnes d’Israël. Un roi unique régnera sur eux tous, ils ne formeront plus deux nations
et ne seront plus divisés en deux royaumes. Ils ne se rendront plus impurs par le culte rendu
à leurs idoles et à leurs divinités abominables, et par toutes leurs transgressions. Je les tirerai
de tous leurs lieux d’habitation où ils ont péché, et je les purifierai; ils seront mon peuple et
je serai leur Dieu. Mon serviteur David sera leur roi, il sera l’unique berger pour eux tous,
ils vivront selon mes commandements, et obéiront à mes lois pour les appliquer. Ils habite-
ront dans le pays que j’ai donné à mon serviteur Jacob et dans lequel ont vécu leurs ancêtres;
ils y demeureront, eux, leurs enfants et leurs petits-enfants à perpétuité, et mon serviteur Da-
vid sera pour toujours prince sur eux. Je conclurai avec eux une alliance garantissant la
paix; ce sera une alliance éternelle avec eux; je les établirai et je les rendrai nombreux, je
fixerai pour toujours mon sanctuaire au milieu d’eux. Ma demeure sera près d’eux, je serai
leur Dieu, et ils seront mon peuple. Et les autres nations reconnaîtront que je suis l’Eternel
qui fait d’Israël un peuple saint en plaçant mon sanctuaire pour toujours au milieu d’eux.
(37.15-28)
Le retour de lřexil nřa pas accompli ces promesses. Ce roi unique, quřil soit
le Messie ou le roi davidique annoncé en 45.7, ne possède pas seulement un
règne spirituel. Il est question du règne messianique à venir. Ensuite, après le
rétablissement de ce royaume, vient lřultime menace, dans un ordre chronolo-
gique que lřApocalypse respectera à la lettre. Gog et Magog fondront sur un
pays en paix. Ils ne viendront pas avant le retour de Christ quand le peuple
sera tout sauf en paix, mais après. Dieu dit à Gog : Au bout de bien des jours, tu
recevras des ordres; dans la suite des temps, tu iras envahir un pays dont les habitants au-
ront échappé à l’épée et auront été rassemblés d’entre beaucoup de peuples sur les montagnes
d’Israël qui étaient si longtemps désertes et en ruine. Cette population qu’on aura fait sortir
du milieu d’autres peuples habitera entièrement dans la sécurité. Tu montes, tu arrives
comme un ouragan qui s’abat, comme un nuage qui va couvrir la terre, toi et tes bataillons et
les peuples nombreux qui marchent avec toi. Voici ce que déclare le Seigneur, l’Eternel : En
ce jour-là, des projets naîtront dans ton cœur, tu concevras un dessein criminel, et tu diras :
“Je vais attaquer un pays ouvert, et j’arriverai chez des gens qui vivent tranquilles dans la
sécurité, habitant dans des villes sans remparts, sans verrous, et qui n’ont pas de portes.”
(38.8-11) Nous aurons bien sûr à revenir sur ce texte quand nous parlerons
dřApocalypse 20.

Zacharie prophétise après le retour de Juda de son exil à Babylone. Cřétait


le bon moment pour voir dans les événements quřon venait de vivreŕle re-
tour de lřexilŕlřaccomplissement de toutes les prophéties et la recherche dřun
134

sens symbolique de ce qui ne sřétait pas encore accompli Řà la lettreř. Mais il


nřen est rien. Il annonce la venue du Messie, le Germe, 6.12,13, qui bâtira le
temple et qui réunira en sa personne les deux fonctions royale et sacerdotale.
Avec cela, Dieu lui-même reviendra à Jérusalem et ramènera le peuple : Oui, je
vais sauver mon peuple du pays du levant et du pays du soleil couchant. Je les ramènerai, et
ils habiteront dans Jérusalem, ils seront mon peuple, et moi je serai leur Dieu, la fidélité et la
justice régneront. (8.7,8) Mais il nřy avait même pas encore eu de dispersion à
lřOuest (le soleil couchant) ! En ces temps à venir, des nations puissantes
viendraient chercher Ŗla présence du Seigneur des armées célestes, à Jérusa-
lem, et lřimplorer,ŗ v. 22.
Dans une autre vision, il voit une dispersion future et un nouveau retour,
10.6-10 (cité selon la Nouvelle Bible Segond) : Je rendrai héroïque la maison de Ju-
da, et je sauverai la maison de Joseph; je les rétablirai, car j’ai de la compassion pour eux, et
ils seront comme si je ne les avais pas rejetés; je suis le SEIGNEUR (YHWH), leur
Dieu, et je leur répondrai. Ephraïm sera comme un héros; leur cœur aura la joie que donne
le vin; leurs fils le verront et se réjouiront, leur cœur sera dans l’allégresse à cause du SEI-
GNEUR. Je sifflerai pour les rassembler, car je les libère, et ils se multiplieront comme ils
se multipliaient. Je les sèmerai parmi les peuples, et au loin ils se souviendront de moi; ils
vivront, eux et leurs fils, et ils reviendront. Je les ramènerai d’Egypte et je les rassemblerai de
l’Assyrie; je les ferai venir au Galaad et au Liban, et l’espace ne leur suffira pas. Notez
bien, ce nřest pas le retour dont le prophète avait été lui-même le témoin, mais
un autre retour après une autre dispersion, annoncée par les paroles : ŖJe les
sèmerai parmi les peuplesŗ. Ce texte ne peut donc pas être appliqué à lřEglise
née avant cette dispersion.
Plus loin, il voit Jérusalem assiégée et devenir une coupe dřétourdissement
pour tous les peuples dřalentour, 12.2,3, une pierre lourde à soulever pour tous
les peuples. Non seulement cela ne sřappliquait pas à lřépoque du prophète,
mais cela ne sřest appliqué à aucune époque jusquřaux temps modernes. Faut-il
donc y voir une image de la persécution de lřEglise, la nouvelle Jérusalem ? Ou
faut-il savoir patienter et attendre que les futurs accomplissements se fassent
de la même manière que les premiers accomplissements ? On ne peut nier que
nous vivons enfin un retour généralisé du peuple Juif au pays de la Bible, et la
résurrection de ce peuple qui paraissait totalement impossible il y a seulement
une génération sřest accomplie devant nos yeux. Nous vivons à lřépoque où
cette ville, insignifiante il y a encore très peu de temps, est en train de devenir
Ŗla lourde pierreŗ de tous les peuples.
135

Comme Osée et Ezéchiel, Zacharie discerne un retour des tribus du nord,


et il nřa pas vu dans le retour de Babylone lřaccomplissement de toutes les
prophéties à ce sujet. Bien au contraire, cřest quand Jérusalem enivrera le
monde entier et que les nations chercheront une fois de plus à dévorer la ville
sainte, que Dieu se lèvera en sa faveur et que le Messie rejeté sera enfin révé-
lé : Je répandrai alors sur la famille de David et sur ceux qui habitent Jérusalem un Esprit
de pitié et de supplication. Alors ils tourneront leurs regards vers moi, celui qu’ils auront
transpercé. Ils porteront le deuil pour lui comme on porte le deuil pour un enfant unique; ils
pleureront sur lui tout comme on pleure amèrement pour son fils premier-né. En ce jour-là, il
y aura un très grand deuil dans tout Jérusalem, comme le deuil d’Hadadrimmôn dans la
vallée de Meguiddo. Le pays tout entier célébrera ce deuil, chaque famille à part, la famille
de David à part, et ses femmes à part, la famille de Nathan à part, et ses femmes à part, la
famille de Lévi à part, et ses femmes à part, la famille de Chiméï à part, et ses femmes à
part, et toutes les autres familles, chacune à part, et les femmes à part. (12.10-14)
Plus loin, il voit Jérusalem prise par ses ennemis avant que le Messie pose
ses pieds sur le mont des Oliviers. Ce nřest pas la terrible destruction par les
Romains en 70 A.D. que décrit 14.2, ni celle de 135 A.D., mais une destruc-
tion encore future. Cřest après ce jour affreux quřarrive lřétablissement du
règne messianique lorsquřon montera à Jérusalem pour célébrer la fête des
Huttes, 14.16.
Il faut résister à la tentation de tout spiritualiser et ainsi de voler Israël de
lřhéritage promis. Le fait que le peuple soit sous le jugement de Dieu ne
change rien à sa place dans son plan. Dale Ralph Davis écrit ceci concernant
David dans un commentaire sur 2 Samuel 16108 : ŖDavid est en même temps
sous lřélection de Yahweh et sous le jugement de Yahweh. Cependant, il de-
meure le serviteur établi par Yahweh. Le mépriser, sřopposer à lui et le trahir
revient à mépriser, sřopposer à et trahir le Dieu qui lřa établi.ŗ Ces paroles sont
à appliquer au peuple dřIsraël.
Bien sûr, nous ne comprenons pas tout ce que disent les prophètes sur
lřavenir dřIsraël. De grandes questions sont soulevées auxquelles les réponses
ne sont pas nécessairement simples. Mais que les prophètes voient un avenir
réel et terrestre pour ce peuple est clair. Ils lřont compris ainsi, leur auditoire
lřa compris ainsi, le peuple Juif lřa toujours compris ainsi. Les disciples de Jé-
sus le comprenaient ainsi : Comme ils étaient réunis autour de lui, ils lui demandè-
rent : Seigneur, est-ce à ce moment-là que tu rendras le royaume à Israël ? Il leur répon-

108
Dale Ralph DAVIS, 2 Samuel, Out of every adversity, Fearn, Ross-shire: Christian Focus Publications,
2002, p. 200.
136

dit : Il ne vous appartient pas de connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa
propre autorité (Actes 1.6,7). Et lorsque lřApocalypse reprend ce thème et men-
tionne ce reste dřIsraël avec autant de précision, résistons à la tentation de tout
spiritualiser !
137

Table des matières

Vue dřensemble du livre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3


Références .............. .................... 5
Introduction ................................. 6
Cinq caractéristiques ......................... 8
Comment interpréter lřApocalypse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
Quatre grands courants dřinterprétation ............ 11
LřApocalypse et le reste de lřEcriture ............. 16
Le Millenium ............................... 17
Lřenlèvement de lřEglise ................... 20
La structure de lřApocalypse ................... 21
Le symbolisme dans lřApocalypse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
Lire lřApocalypse ......................... 33

L’Agneau les conduira


Le témoignage de Jésus 1.1-20 . . . . . . . . . . . . . 34
Sept lettres de Jésus aux églises de tous les temps . . . . . . . . 44
La terreur et la tendresse 2.1-11 . . . . . . . . . . . . . 48
Ephèse : Lřéglise de lřamour perdu ........... 48
Smyrne : Lřéglise de lřamour éprouvé . . . . . . . . . . . 51
La lente descente vers la mort 2.12-3.6 . . . . . . . . . . . . 55
Pergame : Lřéglise de lřamour compromis ....... 55
Thyatire : Lřéglise de lřamour corrompu . . . . . . . . 58
Sardes : Lřéglise de lřamour mort .............. 63
Les deux portes 3.7-22 . . . . . . . . . . . . . . 68
Philadelphie : Lřéglise de lřamour zélé . . . . . . . . . . 68
Laodicée : Lřéglise de lřamour vaincu . . . . . . . . . . 71
Une porte dans le ciel 4.1-11 . . . . . . . . . . . . . . 77
A lřAgneau sur son trône 5.1-14 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
Les cavaliers de lřApocalypse 6.1-17 . . . . . . . . . . . . . . 94
138

Qui peut subsister ? 7.1-17 . . . . . . . . . . . . . . 119


Annexe
Etude supplémentaire : Lřavenir dřIsraël ....... ....... 129

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