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LE COUP D'ŒIL DE LA FED

Depuis leur point bas de décembre dernier, les grands indices ont fortement rebondi d'environ
10%.
On pourra gloser à l'infini sur les facteurs qui ont causé ce rebond comme on a glosé sur les
facteurs qui avaient poussé les indices à la baisse les semaines précédentes. En tout cas, il
n'est pas inexact de dire que l'inflexion du discours de Jerome Powell, le patron de la Réserve
Fédérale américaine, la Fed, n'est pas étrangère au changement radical de la psychologie des
investisseurs. Tout au long de l'année 2018, la banque centrale américaine avait martelé un
message net et précis : « nous allons continuer de monter les taux directeurs et réduire le bilan
de la Fed ».

A l'issue de la réunion du Comité fédéral de l'open market (FOMC) en janvier de cette année,
Powell change de ligne et laisse entendre que la hausse des taux et la réduction du bilan ne
font plus partie des figures imposées du menu de la Fed, mais sont devenues des options à
choisir au gré des circonstances.
A l'occasion, de nombreux commentaires soulignèrent que « la Fed avait dit ce que les
marchés voulaient entendre ». Effectivement, les anticipations au cours de l'été 2018,
véhiculées par les marchés à terme, tablaient sur deux à trois hausses des taux de la Fed
sur l'année 2019. Ces anticipations ont commencé à basculer au cours de l'automne dernier
; les premiers jours de 2019, les marchés à terme ne signalaient plus qu'un statu quo sur la
politique monétaire de la Fed sur l'année en cours.
Avouons-le, il est difficile de porter un jugement pertinent sur l'action des banques centrales
modernes, comme la Fed, la Banque d'Angleterre, ou bien la BCE, qui ont atteint un haut
degré de sophistication et accumulé des années d'expérience. De temps en temps, elles font
des erreurs manifestes – comme la hausse des taux de la BCE en 2011 sous la houlette de
Jean-Claude Trichet, ou signent des coups de maître – comme le « whatever it takes » de
Draghi qui a sauvé l'euro en 2012.
Mais pour porter un jugement de valeur sur la politique monétaire, il faut la plupart du temps
beaucoup de recul et bien souvent un arsenal d'évaluations économétriques et statistiques,
pas toujours concluantes.
En ce qui concerne la Fed, nous nous bornerons à observer les faits suivants.
Depuis quelques années, disons depuis 2013 et l'ébauche d'un retour vers une politique
monétaire plus orthodoxe, la Fed a constamment communiqué sur la trajectoire anticipée par
ses soins de ses taux directeurs.
Ce sont les fameux « dots charts », qui permettent de visualiser ce que pensent les membres
du FOMC sur l'évolution des taux futurs.

La plupart du temps, la Fed a péché par optimisme et a anticipé des taux plus élevés qu'ils
n'ont finalement été.

Le millésime 2018 est un des rares exercices où les prévisions de la Fed ont été validées par
les faits : la Fed a bien monté ses taux à peu près suivant son calendrier. Sinon, le fait que la
Fed se soit trompée la plupart du temps et n'ait pas monté ses taux comme prévu, ne traduit
pas une faiblesse ou un défaut de la Banque centrale, mais exprime au contraire une très
grande qualité : la Fed a fait preuve d'un grand pragmatisme et a su adapter sa politique en
fonction de l'évolution des évènements. Dans son livre « Le fil de l'épée », le Général de Gaulle
définit un chef – nous dirions aujourd'hui un « leader » - comme quelqu'un qui allie à la fois
une vision stratégique de long terme avec l'instinct de la situation, le « coup d'œil » selon la
terminologie gaullienne. Celui-ci permet au stratège qui en est doté d'adapter ses plans de
batailles à la réalité du terrain et de ne pas se laisser enfermer dans des schémas dépassés.
Suivant cette mesure, il ne fait aucun doute que les deux prédécesseurs de Jerome Powell à
la tête de la Fed ont fait preuve d'un leadership de grande qualité.
Ce dernier fera-t-il preuve des mêmes qualités ? Son bagage théorique est nettement plus
mince que celui de Bernanke ou Yellen, mais on dit de lui qu'il a une forte personnalité, qualité
chère aux yeux de l'auteur du « Fil de l'épée ». Donc, laissons-lui le bénéfice du doute.

La Fed a un mandat dual : atteindre une cible d'inflation et assurer le plein emploi.
Sur ces deux critères, la Fed a atteint ses objectifs. Le taux de chômage est de 4.0%, au plus
bas depuis vingt ans ; l'inflation à 1,5%. On est très loin de la catastrophe que certains experts
annonçaient au moment du lancement des opérations de Quantitative Easing et d'achats
d'obligations du Trésor américain par la Fed !

En fait, ce n'est pas sur son mandat, mais sur un autre terrain que la Fed est attaquée.
L'argument est très simple et pas dénué de fondements. Pour remédier à la crise des
subprimes de 2008, nous disent les critiques, la Fed a pratiqué une politique monétaire ultra-
agressive, ce qui s'est traduit par une augmentation de la dette globale. En somme, pour
remédier à la crise de la dette, on a émis encore plus de dette ! Ce jugement est sommaire.
La dette du secteur privé non financier (la Fed ne peut être tenue responsable de l'évolution
des déficits publics) a baissé en pourcentage du PIB depuis la crise de 2008 et affiche une
certaine stabilité depuis quelques années.
Toutefois, cette stabilité cache une disparité marquée entre la dette des ménages d'une part,
et la dette des entreprises d'autre part. La dette des ménages, exprimée en % du PIB, est en
baisse régulière depuis la crise de 2008, passant de 100% au pic à 70% en 2018.
En revanche, la dette des entreprises, après avoir baissé au lendemain de la crise est en
hausse continue depuis 2012, passant de 64% à 72% du PIB, ce qui correspond peu ou prou
aux niveaux observés en 2008. Notre premier réflexe serait : Attention danger ! Et les critiques
de la Fed d'ajouter : voilà où nous mène une politique monétaire irresponsable ! Sauf que la
réalité est un peu plus complexe. A la différence de 2008, le gros de la hausse de la dette a
eu lieu en-dehors du circuit bancaire, notamment sur le segment le plus risqué de la dette, ce
que l'on appelle les « leveraged loans ». Ces crédits sont généralement conclus entre deux
entités non financières. L'emprunteur est une société fortement endettée, qui ne veut pas ou
qui ne peut pas se financer via des circuits traditionnels (crédit bancaire, émission obligataire)
; le prêteur est un gérant d'actif (hedge-fund, family-office, fonds spécialisés…) à la recherche
de rendements attrayants. L'encours des « leveraged loans » est passé de 500 milliards en
2011 à 1000 milliards de dollars en 2018.

La Fed peut-elle être tenue responsable de l'envolée des « leveraged loans » ?

Pas vraiment. Si les taux d'intérêt sont bas, ce n'est pas seulement à cause de la Fed mais
bien aussi à cause de facteurs structurels (vieillissement de la population, technologie, excès
d'épargne mondiale…) qui échappent à son contrôle. D'autre part, si la Fed a un rôle de
supervision du secteur bancaire, elle ne peut pas contrôler les transactions en dehors du
secteur financier. De fait, elle a peu d'emprise sur le marché des « leveraged loans ».
Néanmoins, il est évident que ce secteur est devenu un point de fragilité de l'économie
américaine, qu'il faudra surveiller.

Pour revenir à la Fed, on se souvient qu'il y a un an, le risque de hausse des taux était un
passage obligé de tous les discours et présentations des acteurs du monde financier.

Aujourd'hui ce risque a largement disparu de nos radars, comme nous l'avons mentionné plus
haut. Plus grand monde ne croit en une hausse des taux de la Fed. C'est peut-être aller un
peu vite en besogne. La Fed s'est toujours montrée pragmatique et a su adapter sa politique
à la situation. Si le scénario des économistes de ODDO BHF Corporates & Markets se
matérialise, à savoir une croissance américaine soit de 2,4% cette année, il n'est pas
impossible que l'inflation accélère.
Les derniers chiffres de l'enquête sur l'emploi montrent d'ailleurs une progression des salaires
horaires de l'ordre de 3,5% par an. Quoi qu'il en soit, il nous semble que le marché obligataire
est dans une situation asymétrique qui le fragilise. Le risque de baisse des taux de la Fed est
nul. Le risque de hausse des taux ne l'est pas. A partir de ce constat, tabler sur le statu quo,
comme le fait la courbe des taux actuellement, est un pari qui comporte plus de risques de
pertes que de risques de gains.

Hugues de Montvalon
Responsable de la Recherche
ODDO BHF Banque Privée
Rédigé le 15 février 2019

Les avis et opinions que ODDO BHF Banque Privée est susceptible d'émettre notamment sur les

marchés et/ou les instruments financiers ne peuvent engager sa responsabilité. Ces informations sont

données à titre purement indicatif et ne sauraient, en aucun cas, constituer une incitation à investir ou

à conclure tel ou tel type de transaction.

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