Sie sind auf Seite 1von 3

Directeur de la publication : Edwy Plenel

www.mediapart.fr
1

En termes diplomatiques, la commissaire aux droits


de l'homme appelle la France à « mieux respecter les
Répression des gilets jaunes:
droits de l’homme lors des opérations de maintien
l’avertissement du Conseil de l’Europe de l’ordre » et, en outre, « à ne pas apporter
PAR KARL LASKE
ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 26 FÉVRIER 2019 de restrictions excessives à la liberté de réunion
pacifique à travers la proposition de loi visant à
renforcer et garantir le maintien de l’ordre public
lors des manifestations ». Elle met en garde la France
contre l’adoption de la loi anticasseurs.

Un policier braquant son flashball, samedi 8 décembre. © Karl Laske


Au terme d’une mission conduite en France, la
commissaire aux droits de l’homme du Conseil de
l’Europe a recommandé la « suspension » de l’usage
du lanceur de balles de défense (LBD) lors des Un policier braquant son flashball, samedi 8 décembre. © Karl Laske

manifestations. Cette décision ouvre la voie à une Cet avertissement intervient après l’adoption au
nouvelle saisine de la Cour européenne des droits de Parlement européen d’une résolution « sur le droit à
l’homme. manifester pacifiquement et l’usage proportionné de
Le ministre de l’intérieur Christophe Castaner et la force » approuvée par 438 députés européens –
son secrétaire d’État Laurent Nuñez entendront-ils 78 votes contre et 87 absentions. Le 14 février, trois
l’avertissement ? Pas sûr. La commissaire aux droits rapporteurs des Nations unies ont par ailleurs jugé
de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovi#, que « le droit de manifester en France a été restreint
a rendu public, mardi, un mémorandum accusateur de manière disproportionnée lors des manifestations
consacré au maintien de l’ordre dans le contexte du récentes des gilets jaunes ».
mouvement des gilets jaunes. Elle recommande la Venue à Paris fin janvier pour y procéder à de
« suspension » de l’usage du lanceur de balles de nombreuses auditions, Dunja Mijatovi# « s’inquiète »
défense (LBD) durant les manifestations, compte tenu en particulier « du nombre élevé » de tirs subis par
du nombre élevé de tirs et de blessés recensés. les manifestants au moyen d’armes dites de force
« Cette recommandation ouvre la voie à une nouvelle intermédiaire – les lanceurs de balles de défense et
saisine de la Cour européenne des droits de l’homme les grenades à main – « alors même que leur cadre
d’emploi est restrictif et qu’ils peuvent provoquer de
(CEDH) », s’est félicité Me Arié Alimi, l’avocat de
graves blessures ».
Jérôme Rodrigues, le gilet jaune grièvement blessé
à l’œil, le 26 janvier, qui a salué un texte « très La commissaire aux droits de l’homme a obtenu des
fort » dans ses préconisations. L'avocat annonce qu'il autorités françaises des données chiffrées sur les tirs,
se prépare à transmettre à la CEDH une « requête une information que le ministère de l’intérieur ne
en mesure provisoire » visant à suspendre l'usage des divulguait plus depuis le mois de décembre. Entre le
LBD dès la prochaine manifestation de samedi, et les début du mouvement des gilets jaunes et le 4 février,
suivantes. les forces de l’ordre françaises ont procédé à 12 122
tirs de lanceur de balle de défense, 1 428 tirs de

1/3
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
2

grenade lacrymogène instantanée (GLI F4) et 4 942 de maintien de l’ordre et sa dangerosité dans un
tirs de grenade à main de désencerclement, révèle le tel contexte », signale le mémorandum, mentionnant
rapport de Dunja Mijatovi#. l’avis du Défenseur des droits, en décembre 2017,
La commissaire déplore « un manque de clarté quant réitéré en janvier dernier. Un avis partagé par « de
aux données relatives aux personnes blessées ». nombreux professionnels de santé » en raison des
Elle a pris en compte le recensement réalisé par le dommages parfois irréversibles provoqués par des tirs
journaliste David Dufresne – et publié par Mediapart de LBD.
– faisant état de 253 blessés par des « armes de force Tout « en condamnant fermement la violence », « les
intermédiaire », dont 193 par des tirs de LBD, sur les propos et les agressions racistes, antisémites ou
428 signalements collectés, et 189 blessures à la tête, homophobes » de « certains manifestants », Dunja
dont 20 éborgnements. Le mémorandum « observe que Mijatovi# rappelle que la tâche première des forces
des armes de défense intermédiaire, en particulier le de l’ordre « consiste à protéger les citoyens et
LBD, sont mises en cause par de nombreuses victimes leurs droits de l’homme ». Or, souligne-t-elle, le
de ces blessures à la tête alors même que les tirs nombre et la gravité des blessures infligées aux
de LBD doivent, selon les instructions rappelées par manifestants montrent que les méthodes employées
le directeur général de la police nationale le 16 lors des opérations de maintien de l’ordre sont
janvier 2019, être“ciblées”, le tireur ne devant “viser incompatibles avec le respect de ces droits.
exclusivement que le torse et les membres supérieurs Dans ses conclusions, la commissaire « encourage les
ou inférieurs” ». autorités à publier des données chiffrées précisant la
Invité, jeudi, dans l'émission Au tableau ! sur C8, qualité des personnes blessées (manifestant, passant,
le ministre de l’intérieur Christophe Castaner s’est membre des forces de l’ordre, etc.), ainsi que
justement livré à une explication, non parodique, la gravité, la localisation des blessures et leur
des parties du corps pouvant être visées par les cause lorsque celle-ci est connue ». « Extrêmement
fonctionnaires équipés d’un LBD devant des élèves préoccupée par le nombre d’allégations sérieuses,
d’une classe de primaire. « On a eu une dizaine concordantes et crédibles de violences policières
de tirs, où par accident, il y a eu des tirs sur le ayant entraîné des mutilations et de graves blessures,
visage», a-t-il déclaré aux enfants. Dans une réponse notamment à la tête », Dunja Mijatovi# considère
à la commissaire aux droits de l’homme, les autorités que « les blessures à la tête occasionnées par des
françaises ont par ailleurs rejeté les décomptes non tirs de LBD révèlent un usage disproportionné de la
officiels, contestant les « chiffres avancés » sans force », « ainsi que l’inadaptation de ce type d’arme
toutefois en présenter d’autres. au contexte d’opérations de maintien de l’ordre ».
Le Conseil de l’Europe recommande donc à la France
de suspendre l’usage du LBD, mais aussi d’engager
« au plus vite » la révision de la doctrine d’emploi
des armes de force intermédiaire, en se fondant sur
« une évaluation approfondie de la dangerosité de ces
armes ». « La commissaire signale l’incompatibilité
Le ministre de l’intérieur Christophe Castaner dans « Télématin », le 20 novembre. © DR de la stratégie actuelle du maintien de l’ordre avec
« Au cours de sa mission, la Commissaire a pu le respect du droit de manifester, commente Me Arié
constater, en particulier, que l’usage du lanceur de Alimi. Elle souligne en outre que les interpellations ne
balles de défense dans le contexte des manifestations peuvent être un outil préventif de maintien de l’ordre.
était contesté par la plupart de ses interlocuteurs »
mettant en avant son inadaptation aux opérations

2/3
Directeur de la publication : Edwy Plenel
www.mediapart.fr
3

Au chapitre de ces manœuvres, le syndicat de ingérences dans l’exercice des libertés d’aller et venir,
la magistrature a révélé, lundi, une directive du de réunion et d’expression et invite les autorités à
procureur de la République aux magistrats du parquet respecter scrupuleusement l’obligation de s’assurer
de Paris visant à ne lever les gardes à vue que le que toute restriction soit strictement nécessaire et
samedi soir ou le dimanche matin « afin d’éviter que à ne pas utiliser ces procédures comme des outils
les intéressés ne grossissent à nouveau les rangs des préventifs de maintien de l’ordre ».
fauteurs de trouble », en faisant fi des décisions de Dernier sujet d’inquiétude de la commissaire aux
classement sans suite ou des simples rappels à la loi. droits de l’homme : le projet de loi anticasseurs,
Dans son mémorandum, la commissaire Dunja qui pourrait porter atteinte au droit à la liberté de
Mijatovi# s’inquiète précisément « des interpellations réunion. Elle recommande notamment à la France « de
et placements en garde à vue de personnes souhaitant ne pas introduire une interdiction administrative de
se rendre à une manifestation sans qu’aucune manifester » qui « constituerait une grave ingérence
infraction ne soit finalement caractérisée ni aucune dans l’exercice de ce droit, alors même que le
poursuite engagée à l’issue de ces gardes à vue » ; elle code de la sécurité intérieure prévoit déjà que
précise que « de telles pratiques constituent de graves l’autorité judiciaire puisse imposer une interdiction de
manifester ».

Directeur de la publication : Edwy Plenel Rédaction et administration : 8 passage Brulon 75012 Paris
Directeur éditorial : François Bonnet Courriel : contact@mediapart.fr
Le journal MEDIAPART est édité par la Société Editrice de Mediapart (SAS). Téléphone : + 33 (0) 1 44 68 99 08
Durée de la société : quatre-vingt-dix-neuf ans à compter du 24 octobre 2007. Télécopie : + 33 (0) 1 44 68 01 90
Capital social : 24 864,88€. Propriétaire, éditeur, imprimeur : la Société Editrice de Mediapart, Société par actions
Immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS. Numéro de Commission paritaire des simplifiée au capital de 24 864,88€, immatriculée sous le numéro 500 631 932 RCS PARIS,
publications et agences de presse : 1214Y90071 et 1219Y90071. dont le siège social est situé au 8 passage Brulon, 75012 Paris.
Conseil d'administration : François Bonnet, Michel Broué, Laurent Mauduit, Edwy Plenel Abonnement : pour toute information, question ou conseil, le service abonné de Mediapart
(Président), Sébastien Sassolas, Marie-Hélène Smiéjan, Thierry Wilhelm. Actionnaires peut être contacté par courriel à l’adresse : serviceabonnement@mediapart.fr. ou par courrier
directs et indirects : Godefroy Beauvallet, François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel, à l'adresse : Service abonnés Mediapart, 4, rue Saint Hilaire 86000 Poitiers. Vous pouvez
Marie-Hélène Smiéjan ; Laurent Chemla, F. Vitrani ; Société Ecofinance, Société Doxa, également adresser vos courriers à Société Editrice de Mediapart, 8 passage Brulon, 75012
Société des Amis de Mediapart. Paris.

3/3

Das könnte Ihnen auch gefallen