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documents, d'une microcaméra et d'un ordinateur. «


Ici, on enregistre les données biométriques de tous les
Au Niger, l’UE mise sur la police locale
passagers qui entrent et sortent du pays, on ajoute
pour traquer les migrants des informations personnelles et puis on envoie tout à
PAR GIACOMO ZANDONINI
ARTICLE PUBLIÉ LE JEUDI 28 FÉVRIER 2019 Niamey, où les données sont centralisées. »
Makalondi est le premier poste au Niger à avoir
installé le Midas, système d’information et d’analyse
de données sur la migration, en septembre 2018.
C’est la première étape d’un projet de biométrisation
des frontières terrestres du pays, financé par l’UE
et le Japon, et réalisé conjointement par l’OIM,
l’Organisation internationale pour les migrations –
Refoulés d’Algérie, des migrants sont identifiés par créatrice et propriétaire du système Midas –, et Eucap
l’OIM à Agadez au Niger, en 2018. © Francesco Bellina
Sahel Niger, la mission de sécurité civile de Bruxelles.
Au Niger, l’Union européenne finance le contrôle
biométrique des frontières. Avec pour objectif la lutte
contre l’immigration, et dans une opacité parfois très
grande sur les méthodes utilisées.
Niger, envoyé spécial.– Deux semaines après une
attaque meurtrière attribuée aux groupes armés
djihadistes, un silence épais règne autour du poste de
la gendarmerie de Makalondi, à la frontière entre le Un agent de police dans une des stations nouvellement équipées de contrôles
Niger et le Burkina Faso. Ce jour de novembre 2018, biométriques, à la frontière entre le Niger et le Burkina Faso. © Francesco Bellina

un militaire nettoie son fusil avec un torchon, des Au cœur de ce projet, il y a la Direction pour
cartouches scintillantes éparpillées à ses pieds. Des la surveillance du territoire (DST), la police aux
traces de balles sur le mur blanc du petit bâtiment frontières nigérienne, dont le rôle s’est accru au même
signalent la direction de l’attaque. Sur le pas de la rythme que l'intérêt européen à réduire la migration via
porte, un jeune gendarme montre son bras bandé, le Niger. Dans un quartier central de Niamey, le bureau
pendant que ses collègues creusent une tranchée et du directeur Abdourahamane Alpha est un oasis de
empilent des sacs de sable. tranquillité au milieu de la tempête. Tout autour, les
L'assaut, à 100 kilomètres au sud de la capitale agents tourbillonnent, en se mêlant aux travailleurs
Niamey, a convaincu le gouvernement du Niger chinois qui renouvellent leur visa et aux migrants
d'étendre les mesures d'état d’urgence, déjà adoptées ouest-africains sans papiers, en attente d’expulsion.
dans sept départements frontaliers avec le Mali, à Dessinant une carte sur un morceau de papier, le
toute la frontière avec le Burkina Faso. La sécurité a commissaire Alpha trace la stratégie du Niger « pour
également été renforcée sur le poste de police, à moins contrôler 5 000 kilomètres de frontière avec sept pays
d’un kilomètre de distance de celui de la gendarmerie, ». Il évoque ainsi les opérations antiterrorisme de la
où les agents s'affairent à une autre mission : gérer les force G5 Sahel et le soutien de l’UE à une nouvelle
flux migratoires. compagnie mobile de gardes-frontières, à lancer au
« On est les pionniers, au Niger », explique printemps 2019.
le commissaire Ismaël Soumana, montrant les
équipements installés dans un bâtiment en
préfabriqué. Des capteurs d’empreintes sont alignés
sur un comptoir, accompagnés d'un scanneur de

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Concernant le Midas, adopté depuis 2009 par 23 pays droit de regard indirect sur les écrans de la police
du monde, « le premier défi est d'équiper tous les nigérienne, à travers Frontex, l’agence pour le contrôle
postes de frontière terrestre », souligne Alpha. Selon des frontières externes.
l’OIM, six nouveaux postes devraient être équipés Frontex a en effet choisi le Niger comme partenaire
d’ici à mi-2020. privilégié pour le contrôle migratoire sur la route dite
de la Méditerranée centrale. En août 2017, l’agence y
a déployé son unique officier de liaison en Afrique et a
lancé, en novembre 2018, la première cellule d’analyse
de risques dans le continent. Un projet financé par la
coopération au développement de l’UE : 4 millions
d’euros destinés à ouvrir des cellules similaires dans
huit pays subsahariens.
Refoulés d’Algérie, des migrants sont identifiés par
l’OIM à Agadez au Niger, en 2018. © Francesco Bellina L’agence n'a dévoilé à Mediapart que six documents
Un rapport interne réalisé à l'été 2018 et financé par sur onze relatifs à ses liens avec le Niger, en rappelant
l’UE, obtenu par Mediapart, estime que seulement la nécessité de « protéger l'intérêt public concernant
un poste sur les douze visités, celui de Sabon Birni les relations internationales ». Un des documents
sur la frontière avec le Nigeria, est apte à une envoyés concerne les cellules d’analyse de risques,
installation rapide du système Midas. Des raisons présentées comme des bureaux équipés et financés
de sécurité, un flux trop bas et composé surtout par Frontex à l'intérieur des autorités de contrôle
de travailleurs frontaliers, ou encore la nécessité de des frontières du pays, où des analystes formés
rénover les structures (pour la plupart bâties par la par l’agence – mais dépendants de l’administration
GIZ, la coopération allemande, entre 2015 et 2016), nationale – auront accès aux bases de données.
expliquent l'évaluation prudente sur l’adoption du Dans la version intégrale du document, que Mediapart
Midas. a finalement pu se procurer, et qui avait été expurgée
Bien que l’installation de ce système soit balbutiante, par Frontex, on apprend que « les bases de données
Abdourahamane Alpha entrevoit déjà le jour où leurs du MIDAS, PISCES et Securiport [compagnie privée
« bases de données seront connectées avec celles de de Washington qui opère dans le Mali voisin, mais pas
l’UE ». Pour l’instant, du siège de Niamey, les agents au Niger – ndlr] seront prises en considération comme
de police peuvent consulter en temps quasi réel les sources dans le plan de collecte de données ».
empreintes d’un Ghanéen entrant par le Burkina Faso, En dépit de l'indépendance officielle des cellules par
sur un bus de ligne. rapport à Frontex, revendiquée par l’agence, on peut
À partir de mars 2019, ils pourront aussi les confronter y lire aussi que chaque cellule aura une adresse mail
avec les fichiers du Pisces, le système biométrique sur le serveur de Frontex et que les informations
du département d’État des États-Unis, installé à seront échangées sur une plateforme digitale de l’UE.
l'aéroport international de Niamey. Puis aux bases Un graphique, également invisible dans la version
de données d’Interpol et du Wapis, le système expurgée, montre que les données collectées sont
d’information pour la police de l’Afrique de l’Ouest, destinées à Frontex et aux autres cellules, plutôt
un fichier biométrique financé par le Fonds européen qu’aux autorités nationales.
de développement dans seize pays de la région. Selon un fonctionnaire local, la France aurait
Mais si le raccordement avec des bases de données de par ailleurs fait pression pour obtenir les fichiers
Bruxelles, envisagé par le commissaire Alpha, semble biométriques des demandeurs d’asile en attente d’être
une hypothèse encore lointaine, l’UE exerce déjà un réinstallés à Paris, dans le cadre d’un programme de
réinstallation géré par le UNHCR.

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La nouvelle Haute Autorité pour la protection des « Depuis l'intensification des contrôles, en 2016,
données personnelles, opérationnelle depuis octobre le passage a chuté brusquement, explique le
2018, ne devrait pas manquer de travail. Outre le commissaire Ismaël Soumana. En parallèle, les voies
Midas, le Pisces et le Wapis, le Haut Commissariat de contournement se sont multipliées : si on ferme ici,
pour les réfugiés a enregistré dans son système Bims les passeurs changent de route, et cela peut continuer
les données de presque 250 000 réfugiés et déplacés à l’infini. »
internes, tandis que la plus grande base biométrique du Les contrôles terminés, les policiers se préparent à
pays – le fichier électoral – sera bientôt réalisée. monter la garde. « Car les terroristes, eux, frappent à
Pendant ce temps, au poste de frontière de Makalondi, la nuit, et nous ne sommes pas encore bien équipés »,
un dimanche de décembre 2018, les préoccupations conclut le commissaire, inquiet.
communes de Niamey et Bruxelles se matérialisent Boite noire
quand les minibus Toyota laissent la place aux
bus longue distance, reliant les capitales d'Afrique Cet article fait partie d'une enquête internationale
occidentale à Agadez, au centre du pays, avec escale à « Invisible Borders » soutenue par une subvention
Niamey. Des agents fouillent les bagages, tandis que du fonds IJ4EU, abondé par la Commission
les passagers attendent de se faire enregistrer. européenne.
Il est le deuxième d'une série de quatre articles, publiés
par Mediapart.

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