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SAIDA NAJI
Enseignante-Chercheur, Faculté de Droit, Souissi, Université Mohammed-V de Rabat
s.naji@yahoo.fr
Résumé Abstract
La fiscalité étant une composante essen- Taxation being an essential component
tielle du développement de la coopération of the development of international economic
économique internationale, les pays indus- cooperation, industrialized countries have
trialisés se sont penchés sur les problèmes de addressed the problems of double taxation
la double imposition qui constituent, à juste that are, rightfully, barriers to international
titre, des entraves aux échanges internatio- trade. The work undertaken by the OECD
naux. Les travaux engagés par les instances Tax instances lead to the development
fiscales de l’OCDE conduisent à l’élaboration of model agreements against double
de modèles de conventions contre la double taxation that constitute a reference to the
imposition qui constituent une référence bilateral agreements particularly between
aux conventions bilatérales conclues entre industrialized countries and developing
les pays industrialisés et les pays en voie de countries. The point is “are these conventions
développement, notamment. Ces conventions relevant to the developing countries?
présentent-elles un intérêt pour ces derniers ?
This article aims to answer this question
Cet article se propose de répondre à cette through a comparative analysis of models of
question à travers une analyse comparative the OECD and UN conventions. The study
des conventions modèles de l’OCDE et de shows that tax treaties between industrialized
l’ONU. L’étude montre que les conventions countries and developing ones, based on
fiscales conclues entre les pays industrialisés the United Nations model, are of interest to
et ceux en voie de développement, sur la them. The fact remains that tax treaties, which
base du modèle des Nations Unis, présentent are based on the OECD model are the most
un intérêt certain pour ces derniers. Il n’en common, as regards bilateral agreements
demeure pas moins que les conventions between developed countries and developing
fiscales qui s’inspirent du modèle de l’OCDE ones. Those signed by Morocco are no
sont les plus répandues, en ce qui concerne exceptions to this rule.
les accords bilatéraux entre pays développés
et ceux en voie de développement. Celles
signées par le Maroc n’échappent pas à cette
règle.
INTRODUCTION
Depuis le milieu des années quatre-vingt, le processus de la mondialisation s’est nettement
accéléré. Cette intégration croissante des économies et des marchés nationaux a été favorisée
notamment par les progrès des technologies de l’information et l’essor des moyens de communica-
tion qui ont permis « le développement d’un tissu relationnel entre les personnes, les firmes ou les
Etats qui traverse les frontières » (Paulet, 2007).
La mondialisation a ainsi favorisé l’apparition, à côté des Etats-Nations, d’autres acteurs inter-
nationaux (firmes multinationales, institutions financières internationales et organisations supra-
nationales) qui « s’érigent en concurrents du pouvoir des Etats et dont les stratégies ignorent les
frontières » (Dumas, 2006). Certes, les Etats demeurent impliqués fortement dans la négociation
des accords internationaux, mais le rôle de ces acteurs transnationaux est désormais difficilement
contournable (Leroy, 2006). Les firmes multinationales sont, à ce titre, des acteurs majeurs de la
mondialisation. Plus de 60% du commerce mondial provient des transactions effectuées au sein des
groupes multinationaux (Pellas, 2002). Ces échanges intragroupes rendent de plus en plus com-
plexes les questions de fiscalité internationale. Il s’agit, à ce titre, de répondre aux problèmes des
doubles impositions qui trouvent leur origine dans l’entière souveraineté fiscale des Etats qui ont
chacun le droit d’imposer (Castagnède, 2010). Chaque Etat dispose, en effet, d’un pouvoir exclusif
d’organiser les prélèvements fiscaux sur le ou les territoires relevant de sa souveraineté fiscale.
Celle-ci, fait référence, selon Gest et Tixier (1990), à toute entité territoriale bénéficiant ou non
de la souveraineté politique et dotée d’un système fiscal qui dispose d’une autonomie technique,
d’une part et d’une exclusivité d’application dans le territoire en question, d’autre part. Seulement,
l’exercice de ces pouvoirs d’imposition conduit à des interactions entre les différents systèmes fis-
caux nationaux et, en conséquence, à des chevauchements qui peuvent déboucher sur des doubles
impositions internationales (OCDE, 2013). En vue de résoudre ces problèmes de fiscalité interna-
tionale, la coopération entre les Etats a abouti à l’élaboration de normes internationales permettant
de limiter l’impact de ces distorsions fiscales sur les échanges, afin de favoriser une croissance
économique durable. Des conventions fiscales conclues entre les Etats ont ainsi vu le jour. Ces
dernières constituent un cadre privilégié destiné à résoudre les problèmes des doubles impositions
et à promouvoir les investissements et les transferts de technologies, en favorisent la mise en place
d’un climat de confiance chez les investisseurs (Castagnède, ibid.). Elles constituent, en outre, un
moyen efficace de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales.
De nos temps, et avec le développement des relations économiques internationales, les conven-
tions fiscales bilatérales se sont multipliées. Le Maroc, qui accorde désormais une attention parti-
culière aux problèmes liés aux doubles impositions, a signé plus d’une vingtaine de conventions
de ce type avec divers pays (France, Etats Unis d’Amérique, Canada, Espagne, Allemagne, Italie,
Belgique, Finlande, Luxemburg, Norvège, Suède, Russie, Pologne, Royaume-Uni, Pays-Bas, Da-
nemark, Portugal, Hongrie, notamment).
Cet article analyse et compare les modèles de conventions fiscales OCDE et ONU auxquels
se réfèrent la plupart des traités bilatéraux conclus entre les Etats. Après avoir défini l’objet et
la portée des conventions fiscales internationales, nous mettrons l’accent sur l’intérêt de ces
conventions pour les pays en voie de développement. A ce titre, nous examinerons la pertinence
de l’hypothèse selon laquelle les conventions fiscales conclues entre les pays industrialisés,
qui constituent le lieu de résidence de plusieurs firmes multinationales, et les pays en voie de
développement favorisent une répartition équitable des recettes fiscales et encouragent réellement
les investissements et la croissance économique dans ces pays. Les firmes multinationales étant
accusées d’échapper à l’impôt partout dans le monde et particulièrement dans les pays en voie de
développement qui s’appuient essentiellement sur les recettes fiscales pour le financement de la
croissance économique et le soutien d’un développement durable (OCDE, 2013). Cet article se
propose également d’examiner les expériences du Maroc en matière de législation fiscale et de
conventions conclues avec certains pays développés.
des recours juridictionnels prévus par le droit interne, un contribuable estimant que « les mesures
prises par un Etat ou les deux Etats contractants entraînent ou entraîneront pour lui une imposition
non conforme aux dispositions de la convention » peut solliciter l’ouverture d’une procédure
amiable de règlement du différend entre les autorités compétentes des deux Etats. Ces dernières
sont alors tenues à la seule obligation de moyens et non pas de résultats.
Après avoir étudié l’objet des conventions fiscales internationales, nous tenterons d’examiner,
dans les développements qui suivent, l’intérêt de ces conventions pour les pays en voie de
développement. Nous analyserons, à ce titre, les conventions modèles de l’OCDE et des Nations
Unis, avant de nous pencher sur la portée de ces conventions en matière de promotion de la croissance
économique dans ces pays. Les investissements directs réalisés par les firmes multinationales et
les recettes fiscales générées par ces investissements étant, en principe, un moteur favorisant cette
croissance.
Le principe posé par les conventions fiscales, concernant les bénéfices des sociétés industrielles
et commerciales, est leur assujettissement à l’impôt dans l’Etat de leur résidence, sauf si ces
bénéfices sont réalisés à travers un établissement stable dont disposent ces sociétés dans l’Etat
de réalisation de leurs bénéfices (Schaffner, 2005). Les articles 5 des modèles de convention
clarifient cette notion d’établissement stable. D’après ces articles, les bénéfices réalisés par les
firmes internationales sont-ils imposables dans l’Etat d’accueil de leurs activités extérieures dans
la mesure où ces activités sont exercées dans le cadre d’un « établissement stable ». Si le modèle
de l’ONU avance une définition large de la notion d’établissement stable, il en est autrement du
modèle OCDE. L’article 5 de ce modèle précise que l’expression « établissement stable » désigne
« une installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou une
partie de son activité ». L’article 5.5 précise également qu’un représentant permanent d’une société
peut être assimilé à un établissement stable de celle-ci dans l’autre Etat contractant, à condition
qu’il soit un agent dépendant de la société qu’il représente. Aussi, selon cette définition, les sociétés
étrangères sont-elles soumises à l’impôt dans l’Etat accueillant leurs activités lorsque celles-ci
sont exercées dans le cadre d’une installation matérielle (locaux, machines, stand, bureau, atelier,
magasin de vente). Ainsi, une place sur un marché ou un emplacement constituent, au vu de cet
article, des installations (commentaires OCDE, C(5), n° : 4). Cette installation doit être fixe, c’est-
à-dire présentant un « certain degré de permanence » (commentaires OCDE, C(5), n° : 6).
Le modèle de l’OCDE énumère, à titre indicatif, les installations qui peuvent être qualifiées
d’établissements stables, notamment : un siège de direction, une succursale, un bureau, une usine,
un atelier, une mine, un puits de pétrole ou de gaz, une carrière ou tout autre lieu d’extraction
de ressources naturelles. Il précise également qu’un chantier de construction ou de montage ne
constitue un établissement stable que si sa durée dépasse douze mois. La notion de chantier couvre
toutes les activités de construction ou de montage (construction de ports, de routes et de canaux,…).
Les activités de surveillance et d’organisation font partie de l’activité de l’établissement stable, si
elles sont effectuées par l’entreprise dans le cadre de sa participation à un chantier et à condition que
l’activité soit exercée dans la juridiction de situation du chantier. En conséquence, si l’organisation
est assurée au niveau du siège de la société étrangère, elle ne doit pas être rattachée fiscalement
au chantier. Le modèle des Nations Unis, en revanche, ne fait pas cette distinction et englobe ces
activités de surveillance dans le cadre de celles qui peuvent être assimilées à un établissement
stable (Schaffner, ibid.).
Cette restriction de la notion d’établissement stable par le modèle de l’OCDE limite
considérablement le champ d’action des autorités fiscales des pays d’accueil des investissements
directs des sociétés étrangères. Il en résulte des pertes fiscales pour les Trésors des pays en voie de
développement. La conception élargie de la notion d’établissement stable, prévue par le modèle
de convention de l’ONU, favorise un accès plus facile des pays en voie de développement au
droit d’imposer les bénéfices des sociétés étrangères exerçant sur leur territoire. Notons à ce titre
que ce modèle considère qu’un chantier de construction est assimilé à un établissement stable
lorsque sa durée est supérieure à six mois (article 5, ONU). La fixation de la durée du chantier est
très importante en ce sens que plus la durée prévue par la convention conclue par les deux Etats
contractants est courte, plus le pays d’implantation du chantier bénéficie de plus de possibilités
d’imposer les bénéfices liés à ce chantier (Schaffner, ibid.). Lorsque nous considérons que de
nombreux pays en voie de développement disposent de ressources naturelles considérables
exploitées, dans souvent des cas, par des firmes multinationales, nous mesurons toute l’importance
de cet article, eu égard au droit d’imposer de ces pays.
Unis demeure, comparativement au Modèle de Convention OCDE, plus favorable aux intérêts
des pays en voie de développement en ce sens qu’il préserve davantage le droit d’imposer de ces
derniers. La pratique mondiale révèle, cependant, que les pays industrialisés « s’efforcent, dans
leurs relations avec les pays en voie de développement de faire prévaloir le modèle de l’OCDE,
plus favorable à leurs intérêts, notamment en ce qu’il restreint, davantage que le modèle de l’ONU,
les pouvoirs d’imposition de l’Etat de la source » (Gouthière, ibid.). Qu’en est-il des conventions
conclues entre le Maroc et certains pays industrialisés ?
CONCLUSION
Au vu des développements ci-dessus, nous pouvons soutenir que les pays industrialisés ont créé
« un système fiscal international à leur avantage, puisque fondé sur l’imposition à la résidence »
(Monsellato, 2013). Les pays en développement, qui constituent la source des revenus des firmes
multinationales, renoncent fréquemment à leur droit d’imposition ou sont contraints à opérer une
faible retenue à la source. Aussi, les conventions fiscales conclues entre les pays industrialisés
et ceux en voie de développement sur la base du modèle des Nations Unis présentent-elles un
intérêt certain pour ces derniers, en ce sens qu’elles tendent à favoriser davantage les politiques
de développement dans ces pays. L’effort budgétaire consenti par ces derniers à l’occasion des
sacrifices fiscaux (ou dépenses fiscales), prévus par les codes des investissements et destinés à attirer
les sociétés étrangères, est compensé par un supplément de recettes fiscales en faveur de ces pays.
Aussi, la notion d’établissement stable est-elle élargie pour préserver les capacités d’imposition
des pays en voie de développement. En outre, les clauses dites de « crédit d’impôt fictif », en vertu
desquelles l’Etat de résidence de l’investisseur accorde à ce dernier un crédit d’impôt équivalent
au montant des impôts non effectivement dus à l’Etat d’accueil de ses investissements (en raison
de la réduction d’impôt ou de l’exonération accordée par ce dernier aux investisseurs étrangers)
empêchent la confiscation par les pays de résidence des firmes multinationales des avantages fiscaux
consentis par les pays en voie de développement. Il n’en demeure pas moins que les conventions
fiscales qui s’inspirent du modèle de l’OCDE sont les plus répandues, en ce qui concerne les
accords bilatéraux entre pays développés et ceux en voie de développement.
Dans ce contexte, les autorités fiscales des pays en voie de développement doivent faire
preuve de vigilance lors de la négociation des traités fiscaux bilatéraux. La question des prix
de biens et services ou « prix de transfert », convenus entre entreprises associés est, à ce titre,
d’une importance capitale. Cette question est, à coup sûr, le sujet auquel les acteurs du commerce
international sont les plus sensibilisés, dès lors que cette dernière conditionne la localisation et
l’imposition corrélative des résultats d’une firme dans l’Etat où elle réalise ses investissements
(Duccini, ibid.). La détermination et le contrôle de ces prix est, en effet, un moyen efficace de lutte
contre les transferts artificiels des bénéfices par les établissements stables de sociétés étrangères
vers leur pays de résidence (Pellas, ibid.). A ce titre, nous soulignons que le Maroc, qui multiplie les
conventions fiscales internationales avec plusieurs Etats, devrait attacher une grande attention à la
qualité de ces conventions. Ces dernières traduisent l’engagement et l’implication du Maroc dans
les affaires internationales. Certes, l’attraction d’investissements directs étrangers est un objectif
qui est à même de favoriser la croissance et de faciliter l’insertion du Maroc dans l’économie
mondiale. Seulement, cet objectif devrait être soutenu par une volonté de lutte contre le risque
d’érosion des bases d’imposition qui constitue un défi majeur pour toutes les administrations
fiscales. Les mesures prévues à ce titre consisteraient notamment en le renforcement du dispositif
de contrôle fiscal et l’amélioration des possibilités d’information et de communication entre
les administrations financière, douanière et fiscale, d’une part et entre ces administrations et les
entreprises, d’autre part. Le but étant de réduire les coûts des investigations menées par les services
de contrôle fiscal tout en préservant un climat de sécurité fiscale en faveur des entreprises qui
investissent au Maroc.
Notes
1. Depuis 1992, le Comité des affaires fiscales de l’OCDE effectue des mises à jour et des
modifications périodiques ou ponctuelles (en 1992, 1994, 1995, 1997, 2000, 2003, 2005, 2008 et
2010).
2. Exemples de conventions fiscales signées par le Maroc avec des pays développés :
Bibliographie
• Beltrame P. (2001), La fiscalité en France″, Hachette, 8ème édition.
• Castagnède B. (2010), Précis de fiscalité internationale, Editions PUF, 3ème édition.
• Chatillon, S. (2005), Droit des affaires internationales, Vuibert, 4ème édition.
• Duccini R. (2006), Stratégie fiscale des contrats internationaux, Litec Fiscal.
• Owens J.et Bennett M., « Le Modèle de convention fiscale de l’OCDE : les raisons d’un succès »
in www.observateurocde.org
• Gest G., Tixier G. (1990), Droit fiscal international, PUF, coll. Droit fondamental, 2ème édition.
• Gouthière B. (2007), Les impôts dans les affaires internationales, Editions Francis Lefebvre,
7ème édition.
• Heckly C. (2006), Fiscalité et mondialisation, L.G.D.J.
• Lambert T. (2006), « Quelle fiscalité pour les projets planétaires ? » » in Mondialisation et
fiscalité : La globalisation fiscale, Paris, l’Harmattan.
• Lefebvre F. (2005), Paradis fiscaux et opérations internationales, Editions Francis Lefebvre,
4ème édition.
• Leroy M. (2005), Regards croisés sur le système fiscal, Paris, L’Harmattan.
• Leroy M. (2005), Mondialisation et fiscalité : La globalisation fiscale, Paris, l’Harmattan.
• Leroy M. (2006), « Introduction » in Mondialisation et fiscalité : La globalisation fiscale, Paris,
l’Harmattan.
1 - Article 3 alinéa 1 de la convention fiscale conclue entre le Maroc et la Belgique, signée le 31/05/2006.
2 - Convention fiscale conclue entre le Maroc et l’Espagne, signée en 1978 et entrée en vigueur le 16/05/1985.