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ventre ». Un avortement que l’intégralité du personnel


médical a refusé de pratiquer, faisant jouer leur clause
Argentine: la lutte pour le droit à
de conscience.
l’avortement relancée
PAR ANNA SLIZEWICZ
ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 8 MARS 2019

Manifestation en faveur de la légalisation de


l'avortement, à Buenos Aires, le 31 mai 2018. © Reuters

Comme dans la plupart des pays d’Amérique latine,


Manifestation en faveur de la légalisation de
l'avortement, à Buenos Aires, le 31 mai 2018. © Reuters l’avortement est illégal en Argentine, sauf en cas de
En 2018, la mobilisation historique des femmes pour la viol ou si la grossesse présente un danger pour la vie
légalisation de l’IVG en Argentine s’était soldée par un ou la santé de la femme enceinte. Lucía – un prénom
échec au Sénat. Les féministes espèrent faire du droit à d’emprunt pour protéger son identité – répondait à ces
l’avortement un thème phare de la campagne pour les deux critères. « Et pourtant, les médecins n’ont pas
élections présidentielle et législatives cette année. respecté la loi. Ils ont gardé Lucía à l’hôpital pendant
Buenos Aires (Argentine), de notre plusieurs semaines, et alors qu’elle a manifesté à
correspondante.- #NiñasNoMadres (« Des petites de multiples reprises son souhait d’avorter, ils ont
filles, pas des mères »). Ce mot-clé circule partout tout fait pour retarder le plus possible l’intervention.
sur les réseaux sociaux depuis quelques semaines. Des […] Ils ont aussi tenté de la faire changer d’avis,
femmes y joignent parfois une vieille photo d’elles en lui caressant le ventre ou en lui montrant des
à 11 ans : l’âge auquel Lucía a été forcée par les échographies », dénonce Florencia Vallino, avocate
médecins d’un hôpital public de Tucumán, province membre de l’organisation ANDHES, qui représente la
conservatrice du nord du pays, à subir une césarienne. famille de la fillette.
La fillette, violée par le compagnon de sa grand- Après un rappel à l’ordre de la Cour suprême de
mère, était enceinte de 19 semaines lorsqu’elle est Tucumán, les médecins de l’hôpital se sont finalement
arrivée à l’hôpital, réclamant immédiatement qu’on décidés à intervenir la semaine dernière. Mais au
lui « enlève ce que le vieux [lui avait] mis dans le lieu de pratiquer une interruption de grossesse légale,
ceux-ci ont en fait imposé à Lucía d’accoucher par
césarienne d’un fœtus de cinq mois qui a aujourd’hui
très peu de chances de survie. « C’est de la torture
que d’obliger une enfant à être mère », juge Florencia
Vallino.
Cette affaire sordide scandalise l’opinion publique
et relance la question du droit des Argentines à
l’avortement, six mois après le rejet par le Sénat de
la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse
(IVG). Pendant les mois qui ont accompagné les
débats à la Chambre des députés puis au Sénat, le
pays a vécu une mobilisation historique des femmes
et surtout des jeunes femmes qui ont manifesté chaque

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mardi devant le Congrès, arborant un foulard vert, nom un petit cœur vert ou bleu – la couleur choisie par
symbole de la Campagne pour le droit à l’avortement les anti-IVG qui ont adopté pour slogan « Sauvons les
légal, sûr et gratuit. Le texte, adopté par les députés en deux vies ».
juin, a été rejeté deux mois plus tard par les sénateurs, à Andrea Berra, psychologue et membre du Réseau
7 voix près. Un coup dur pour le mouvement féministe, des professionnels de santé pour le droit à décider
qui connaît depuis 2015 en Argentine un élan sans (RPSDD), appelle à « mettre fin à l’hypocrisie
précédent, « mais certainement pas la fin de tout », qui règne au sein de la société argentine ».
selon Victoria Tesoriero, membre de l’organisation Elle dénonce le business très lucratif de certains
Catholiques pour le droit à décider, qui soutient la médecins qui pratiquent des avortements en toute
légalisation de l’avortement : « On ne va surtout pas confidentialité dans de luxueuses cliniques, alors que
baisser les bras, la mobilisation reste d’ailleurs très les femmes les plus pauvres ont souvent recours à des
forte aujourd’hui ». méthodes ancestrales et dangereuses : cintres, mélange
De fait, les Argentines ont renoué avec la tradition hasardeux de médicaments… Une semaine après le
des martes verdes (mardis verts). Le 19 février, rejet de la légalisation de l’IVG au mois d’août,
sous la chaleur moite de l’été austral, une foule – une femme de 34 ans est décédée d’une infection
moins importante tout de même que lors des grands généralisée après avoir voulu interrompre sa grossesse
rassemblements de l’an dernier – s’est réunie devant le à l’aide d’un bouquet de persil. Selon les associations,
Congrès pour célébrer le premier jour d’une nouvelle 50 à 100 femmes meurent chaque année à la suite
année de mobilisation. Foulard vert autour du cou et d’avortements clandestins.
fard à paupière assorti, Guadalupe, étudiante de 23 ans, « On souhaite avoir une véritable influence
se dit « prête à continuer le combat. J’ai converti toute sur la campagne électorale »
ma famille à la cause, ma mère en particulier. Mais
Une situation qui pousse les organisations à se
cela a demandé de longues discussions… Je crois que
mobiliser. Le RPSDD, qui compte près d’un millier
la société argentine a besoin de temps, mais qu’elle
de membres partout à travers l’Argentine, procure
finira par évoluer tôt ou tard. »
des conseils et oriente les femmes enceintes qui
Dans un pays où plus de 75 % des habitants se souhaitent avorter. « On les aide à le faire légalement
déclarent catholiques, avoir fait de l’avortement un et dans de bonnes conditions sanitaires. La loi autorise
sujet de débat public constitue déjà une grande avancée l’avortement si la vie ou la santé de la femme enceinte
pour les partisanes du droit à l’IVG. Pour Victoria est mise en danger, mais cela peut inclure sa santé
Tesoriero, « la foi n’a rien à voir avec les décisions mentale. Au sein du réseau, on a des médecins
personnelles qu’une femme peut prendre dans sa compréhensifs qui facilitent ce diagnostic et donc
vie ; la mobilisation de l’an dernier a aidé beaucoup cette pratique », explique Andrea Berra, qui déplore
d’Argentins à remettre en question leurs préjugés ». toutefois « qu’on doive en passer par là. Cela devrait
Longtemps tabou et pourtant extrêmement répandu être la décision de chacune et point barre. » En 2017,
– près de 450 000 Argentines interrompent plus de 11 000 femmes auraient fait appel au RPSDD.
clandestinement leur grossesse chaque année, selon Les associations membres de la Campagne pour le
des estimations officielles –, l’avortement est devenu droit à l’avortement légal, sûr et gratuit vont soumettre
un thème clivant dans toutes les composantes de la dans les semaines à venir une nouvelle proposition de
société argentine : en famille, au travail, dans la sphère loi à la Chambre des députés. « Cela fait quatorze ans
politique, chacun a été tenu de clarifier sa posture. Sur qu’on se bat pour légaliser l’IVG. On a présenté un
Twitter, de nombreux usagers affichent à côté de leur texte de loi tous les deux ans devant le Congrès. On
ne va pas s’arrêter maintenant ! » s’exclame Celeste
Mac Dougall, activiste pour le droit à l’IVG. La

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composition du Congrès étant la même qu’au moment tellement mobilisés l’an dernier sur la question de
du rejet de la loi l’an dernier, il y a toutefois peu de l’avortement… Je pense qu’ils pourraient être plus
chances que le texte soit adopté en 2019. intéressés par le processus électoral s’ils avaient un
« Ce qu’on souhaite surtout, c’est avoir une véritable ou une candidate de leur âge. »
influence sur la campagne électorale », indique Quant aux candidats présidentiels, un seul est
Victoria Tesoriero, de l’organisation Catholiques officiellement déclaré pour l’instant : Mauricio Macri.
pour le droit à décider. Des élections générales – L’actuel chef d’État de droite, élu en 2015, se dit
présidentielle et législatives partielles – sont prévues personnellement « en faveur de la vie », mais a
fin octobre. Sur leurs posters de campagne placardés laissé l’an dernier au Congrès une ample marge de
aux murs de Buenos Aires, certains candidats manœuvre pour débattre de la légalisation de l’IVG.
s’affichent avec le foulard vert de la Campagne pour Sa principale adversaire au scrutin d’octobre pourrait
le droit à l’IVG noué au poignet. D’autres, pas encore être Cristina Kirchner.
officiellement déclarés, se sont fait connaître du grand Si l’ancienne présidente de gauche (2007 - 2015) et
public après leur mobilisation pour la légalisation de actuelle sénatrice de la province de Buenos Aires avait
l’avortement l’an dernier. été très ambiguë sur la question du droit à l’avortement
C’est le cas d’Ofelia Fernández, 18 ans, qui laisse durant ses deux mandats, elle s’est prononcée en
entendre qu’elle pourrait briguer un poste de députée faveur de sa légalisation lors du vote au Sénat l’an
à Buenos Aires. En 2018, la jeune femme, ancienne dernier, avant d’affirmer en novembre : « Il y a des
présidente de l’association des élèves de son lycée, foulards verts et des foulards bleus dans notre espace
avait tenu un discours marquant lors des débats en [politique] et nous devons l’accepter sans que cela
commissions parlementaires sur la légalisation de nous mène à la division. » Un discours qui se veut
l’IVG. Pour l’heure, elle avance simplement : « C’est rassembleur, mais il pourrait lui être difficile de le tenir
une option que l’on considère. Les jeunes se sont dans les six mois de campagne à venir.

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