Sie sind auf Seite 1von 12

La politique agricole régionale

de l’Afrique de l’Ouest :
l’ECOWAP

Faire de l’agriculture le levier de l’intégration régionale


C  « ECOWAP   » est un document
d’information sur les enjeux agricoles et ali-
mentaires et sur la politique agricole régionale de
dence française de l’Union européenne et de la
présidence de la Commission de la CEDEAO a
impulsé un dialogue politique de haut niveau en-
l’Afrique de l’Ouest. ECOWAP est le sigle utilisé tre la région et ses partenaires techniques et fi-
dans toutes les langues officielles de la CEDEAO nanciers sur la politique régionale et son finan-
pour désigner la politique agricole de la Com- cement.
munauté économique des États de l’Afrique de « L’Ecowap en bref » s’appuie sur plusieurs do-
l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Cap-Vert, Côte cuments de référence :
d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bis- – Cadre de politique agricole pour l’Afrique de
sau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sierra Leone, l’Ouest-ECOWAP. Document de référence.
Sénégal, Togo). CEDEAO, juillet ,  p.
« L’Ecowap en bref » présente succinctement – Décision A/DEC// portant adoption de la
le contexte, les défis, la vision, les objectifs et les politique agricole de la CEDEAO et annexes à
grandes orientations des programmes régionaux la décision. CEDEAO,  janvier .
et nationaux. Il comprend aussi une brève pré- – Plan d’action régional - pour la
sentation de l’Offensive régionale pour la pro- mise en œuvre de la politique agricole de la
duction alimentaire et contre la faim, déployée CEDEAO et du P.D.D.A.A./NEPAD en Afri-
en réponse à la crise provoquée par la hausse des que de l’Ouest. CEDEAO, juin ,  p.
prix en -. – Mémorandum relatif à la hausse des prix ali-
Ce document a été édité à l’occasion de la Réu- mentaires. Situation, perspectives, stratégies
nion de Paris sur la politique agricole régionale et mesures recommandées. CEDEAO, mai
de l’Afrique de l’Ouest qui s’est tenue le  décem- ,  p.
bre . Cette initiative conjointe de la prési-

Éditeur : Commission de la CEDEAO Appui rédactionnel et maquette : Bureaux Issala-


Responsable de la publication : Ousseini Salifou, IRAM-LARES
commissaire de la CEDEAO en charge de l’Agri- Impression : Corlet Imprimeur,  Condé-sur-
culture, de l’Environnement et des Ressources Noireau
en eau

2
Le contexte régional ouest-africain :
défis et potentialités
Le rôle déterminant de l’agriculture dans la région ouest-africaine

L    de la Communauté


économique des États de l’Afrique de l’Ouest
(CEDEAO) joue un rôle déterminant. À la base
place considérable dans le processus de produc-
tion, de transformation et de commercialisation
des produits agricoles.
de l’économie et de multiples enjeux sociétaux, L’agriculture joue également un rôle détermi-
l’agriculture est indispensable aux économies nant dans la lutte contre la pauvreté et l’insé-
nationales, à l’emploi, aux revenus et à la sécu- curité alimentaire. L’autoconsommation est pri-
rité alimentaire des populations. Le secteur agri- mordiale dans la stratégie des ménages agricoles,
cole assure en premier lieu une fonction écono- et les marchés de proximité des produits vivriers
mique. Il contribue en effet à hauteur de   à la approvisionnent les populations urbaines (depuis
formation du produit intérieur brut régional. De peu, plus de la moitié de la population régionale
même, les exportations agricoles occupent une vit dans les villes et s’approvisionne quasi exclu-
place de choix dans les échanges extérieurs de sivement via le marché). À l’heure actuelle,  
l’Afrique de l’Ouest. Tous pays confondus, elles des besoins alimentaires des populations de la
représentent environ  milliards de dollars, soit région sont satisfaits par les productions régio-
,  de l’ensemble des exportations de produits nales. Au cours des prochaines années, les agri-
et services de la région. Cette capacité exporta- cultures d’Afrique de l’Ouest devront répondre à
trice de l’agriculture assure aux États des res- une forte progression de la demande, conséquen-
sources en devises contribuant au financement ce de la poursuite de la croissance démographi-
des importations de biens de consommation, de que. La population de la région —  millions
biens d’équipement ou de produits intermédiai- de personnes aujourd’hui — comptera en effet
res pour l’industrie et les services. plus de  millions de personnes en  et
Sur le plan de l’emploi, le secteur agricole de- plus de  millions en . Enfin, l’agriculture
meure le premier utilisateur de main-d’œuvre. joue un rôle déterminant dans l’aménagement de
Plus de   de la population active de la région l’espace, la vitalité des territoires, la gestion des
CEDEAO travaille dans ce secteur en dépit de sa ressources naturelles et la préservation de l’en-
faible rémunération par rapport aux autres sec- vironnement.
teurs de l’économie. Les femmes occupent une

Des contraintes majeures…

E   de son importance dans l’écono-


mie régionale, le secteur agricole d’Afrique
de l’Ouest est caractérisé par une faible produc-
sultats au regard de la diversité des situations
agronomiques. Bien souvent elle a privilégié des
approches verticales qui ne prennent pas suffi-
tivité et affronte de fortes contraintes environ- samment en considération la globalité et la com-
nementales. Au cours des cinquante dernières plexité des systèmes de production et des systè-
années les précipitations ont baissé de plus de mes agraires. Les accroissements de production
  affectant sérieusement les zones semi-ari- au cours des vingt dernières années ont donc
des. Sur la période -, les rendements ont généralement été obtenus sur la base d’une aug-
progressé en moyenne de   seulement et ne mentation des superficies. Les surfaces cultivées
sont à l’origine que de   de l’augmentation de se sont ainsi accrues de   et sont à la source
l’offre agricole et alimentaire. Pour la plupart des de   de l’accroissement de l’offre régionale.
productions, les rendements à l’hectare sont par- Dans un contexte de forte urbanisation et
mi les plus faibles au monde. Les trois plus im- d’absence d’intensification des systèmes de pro-
portants facteurs de production (semences sélec- duction, le modèle de croissance agricole sur le-
tionnées, engrais et machines agricoles) ne sont quel la région s’appuie depuis plus d’une généra-
que peu utilisés par les producteurs. De son côté, tion n’est pas soutenable dans la durée. Il conduit
la recherche n’a pas produit suffisamment de ré- à un effondrement de la productivité des terres et

3
le contexte régional ouest-africain

une dégradation accélérée des ressources natu- emploi rural et intégration dans le marché régio-
relles. Fondé sur une pression foncière croissan- nal. Plusieurs pays de la région se sont donc pro-
te et la saturation progressive des bonnes terres, gressivement habitués à nourrir leur population
ce modèle s’accompagne de la multiplication des en recourrant aux importations bon marché. Pa-
conflits d’usage, notamment entre agriculteurs et rallèlement, sur les marchés internationaux, les
éleveurs. prix des produits exportés ont subi une forte éro-
L’agriculture ouest-africaine subit également sion tandis que les prix des produits alimentaires
aujourd’hui les conséquences du désinvestisse- importés, concurrents des productions régiona-
ment, tant de la part des États, que des institu- les, étaient tirés vers le bas par les subventions
tions internationales et de la communauté des allouées aux producteurs des pays développés,
donateurs. Libéralisé dans le cadre de l’ajuste- dans un contexte de marchés agricoles saturés
ment structurel, le secteur agricole n’a pas béné- jusqu’au milieu des années . Tous ces fac-
ficié des soutiens qui lui auraient permis d’assu- teurs se conjuguent pour faire de ce modèle agri-
rer la sécurité alimentaire des populations et de cole, consistant à consommer essentiellement
résister à la concurrence internationale déloyale. des ressources naturelles et de la main-d’œuvre
Les outils de politique agricole ont été essentiel- mal rémunérée, un modèle qui n’est désormais
lement orientés vers la rentabilité financière des plus viable. Une transformation de l’agriculture
productions de rente sans les mesures d’accom- est nécessaire pour assurer une perspective du-
pagnement nécessaires à l’atteinte des objectifs rable et sortir de l’ornière de la pauvreté la majo-
des politiques agricoles : sécurité alimentaire, rité des ruraux qui en vivent.

… mais une forte capacité d’adaptation

T , la production agricole régionale


n’en a pas moins subi au cours des vingt der-
nières années de profondes mutations. La région
lions de tonnes en  à  millions de tonnes
en . L’augmentation est plus forte en ce qui
concerne les produits vivriers ( millions de
a connu une forte progression de ses volumes de tonnes en  à  millions en ). Malgré
production, en général supérieure à la croissan- un contexte régional et international défavorable
ce de la demande. Les produits de rente ont aug- (faible structuration du marché régional, distor-
menté de façon significative, passant de  mil- sions et défaillances du marché international),

4
le contexte régional ouest-africain

Prix mondiaux de denrées agricoles


en dollar constant (base an 2000)

l’augmentation de la production a répondu à la


demande croissante. Bien que la région importe
des quantités significatives de produits alimen-
taires (, milliards de dollars par an entre -
), elle reste assez peu dépendante des im-
portations pour couvrir ses besoins alimentaires.
Au cours des vingt dernières années, les expor-
tations agro-alimentaires ont progressé de  
tandis que les importations n’augmentaient que
de  . La région a donc vu s’améliorer sa ba-
lance commerciale agro-alimentaire qui passait
d’un déficit de  millions de dollars à un excé-
dent de  millions de dollars. Si la dépendance
vis-à-vis des importations est faible, elle n’en est Enfin, la région CEDEAO possède d’immen-
pas moins inquiétante pour une région qui fonde ses potentialités et atouts encore insuffisamment
sa stratégie de développement sur le secteur agri- exploités. Elle bénéficie d’une forte diversité des
cole. L’augmentation de l’offre régionale s’est en- écosystèmes, favorable à la production d’une lar-
fin traduite par une diversification des produits ge variété de spéculations végétales et animales.
mis sur le marché : développement spectaculaire Elle possède d’abondantes ressources naturelles
des fruits et légumes, de l’aviculture, etc. (terres cultivables, ressources en eaux de surface
Par ailleurs, si les analyses pointent fréquem- et souterraines). Le potentiel de terres cultivables
ment une crise des agricultures ouest-africaines, est encore très important, la région disposant
l’analyse des réalités par pays, par filières ou bas- d’environ  millions d’hectares de terres culti-
sins de production, rend compte d’une évolution vables et de  millions d’hectares de pâturage.
moins pessimiste. Certaines « success story » tel- La région dispose d’une importante main-d’œu-
les que les productions destinées à l’exportation vre, comportant un nombre croissant de femmes
(café, coton, cacao) ou les ceintures maraîchères qui exercent dans le secteur. Pour la première
autour des villes permettent de contredire les fois de son histoire, l’agriculture africaine dispo-
grandes tendances de l’agriculture de l’Afrique se d’un bassin de consommateurs urbains qui re-
de l’Ouest. Mais la crise actuelle du coton mon- présente un débouché en forte croissance et peut
tre la vulnérabilité des bassins de production. favoriser cette modernisation du secteur.

Un nouveau contexte créé par la hausse des prix des denrées alimentaires

F  2007-début , le contexte internatio-


nal est marqué par une flambée des prix sur
les marchés internationaux. Le prix du pétrole
de post-conflit ou encore la forte dépendance à
l’égard des importations aggravent la situation.
Les conséquences sont importantes sur la ma-
connaît une forte augmentation et se répercute jorité de la population de la région (  de la
sur de nombreux produits de consommation. Les population vit avec moins d’un dollar par jour)
prix des produits alimentaires explosent. Insé- aussi bien en termes d’accessibilité des vivres que
rées dans les marchés mondiaux, les économies de diversité alimentaire. Récemment les prix in-
ouest africaines subissent de plein fouet les ré- ternationaux ont chuté et la plus grande incerti-
percussions de cette crise mondiale. L’impact tude règne désormais sur les marchés des matiè-
est d’autant plus grand qu’elles sont déjà fragi- res premières agricoles. Cette volatilité des prix
lisées par l’ampleur de la pauvreté et l’existence après une période d’une grande stabilité devient
de marchés imparfaits et partiellement cloison- une préoccupation centrale des politiques agri-
nés. Dans certains pays, le contexte de conflit ou coles et commerciales.

5
Pourquoi une politique agricole régionale ?

La dimension régionale de l’agriculture

L ’  ouest-africain est consi-


déré par les pays et les acteurs comme l’es-
pace pertinent pour construire une stratégie de
l’irrigation, mais aussi dans une perspective
de prévention des conflits. L’aménagement des
espaces pastoraux ne peut se concevoir qu’en
développement du secteur agricole. Cette option prenant en compte les déplacements longs des
repose sur plusieurs constats : pasteurs. Certaines réserves de biodiversité
– Il existe de fortes complémentarités entre les liées à l’existence de forêts transfrontalières
bassins de production et les bassins de con- et les ressources halieutiques ne peuvent être
sommation, en lien avec la diversité des zones protégées que dans le cadre d’une gestion con-
agro-écologiques fortement influencée par le certée. Toutes ces ressources nécessitent une
gradient pluviométrique qui passe de  mm vision commune de leur exploitation et de leur
au nord de la région à près de   mm par an préservation au niveau des pays.
au sud. – Dans un contexte de mondialisation des éco-
– De multiples ressources naturelles sont par- nomies et des échanges, l’intégration régionale
tagées entre les pays : fleuves, réserve de bio- est considérée comme un des vecteurs essen-
diversité, eaux souterraines, etc. La bonne tiels pour positionner la région dans le concert
gestion de ces ressources impose une gestion mondial. L’Afrique de l’Ouest est engagée dans
commune et concertée. La bonne gestion des la construction d’un espace de libre circulation
fleuves (aménagements des bassins versants, des hommes et des marchandises. Elle se dote
barrages, etc.) est déterminante pour l’appro- d’une politique de commerce extérieur unique,
visionnement en eau des populations et pour à travers le tarif extérieur commun (TEC).
– Le nouveau contexte international marqué par
la hausse des prix constitue une opportunité
historique pour refonder les bases du dévelop-
pement agricole de la région. Cette opportu-
nité ne peut être saisie que dans le cadre d’une
approche régionale permettant de dépasser les
divergences d’intérêts à court terme entre les
pays.
Cette dimension régionale de l’agriculture
confère sur certains aspects au niveau régional
un avantage comparatif. Ainsi la diversité des
écosystèmes de l’Afrique de l’Ouest constitue
un atout de production d’une gamme variée de
produits et fonde d’importantes complémentari-
tés entre les pays et les bassins de production. En
cela, le secteur agricole constitue un levier im-
portant de l’intégration régionale des économies
agricoles. La diversité des écosystèmes offre éga-
lement des possibilités d’échanges de produits
fondés sur des complémentarités agro-écologi-
ques, prémisses d’une intégration du marché de
la région.
En outre, les États ne sont pas forcément à
l’échelle des problèmes qui leurs sont posés et la
région semble parfois mieux armée pour les ré-
soudre. Le niveau régional est par exemple plus
à même de contribuer à une meilleure régulation

6
pourquoi une politique régionale agricole ?

de l’offre et de la demande de produits agricoles, leur place dans le marché mondial : c’est le cas du
en décloisonnant les marchés (infrastructures de coton, mais aussi de nombreuses cultures vivriè-
marché, gestion des filières régionalisées, etc.). res produites dans différents pays d’une même
C’est au niveau régional que peut être conçue région. Dans le contexte de mondialisation des
une politique commerciale aux frontières adap- échanges, le niveau régional est plus à même de
tées et efficaces pour promouvoir le secteur agri- répondre à ces défis et à proposer une vision clai-
cole. re et ambitieuse en matière de politique agricole.
C’est à l’échelle régionale également que peu- Il est enfin la seule voie permettant aux respon-
vent être définies de véritables politiques de fi- sables africains de peser dans les négociations
lières permettant à certains produits de trouver commerciales internationales.

Assurer la convergence des interventions

P    à ces multiples défis de


l’agriculture régionale, de nombreuses initia-
tives ont été prises au cours des dernières décen-
tive sur les orientations et les modalités de déve-
loppement de l’Afrique, notamment sur le volet
agricole (P.D.D.A.A.). En , la décision des
nies. Résultat de la fragmentation historique de chefs d’État réunis à Yamoussoukro donne à la
la région, notamment sur les plans linguistique CEDEAO mandat de coordination et de suivi de la
et monétaire, le paysage institutionnel du secteur mise en œuvre du NEPAD en Afrique de l’Ouest.
agricole ouest-africain est très diversifié. Aux Par cette décision, le NEPAD contribue à l’émer-
deux organisations d’intégration économique (la gence d’un centre unique de programmation du
CEDEAO et l’UEMOA pour les pays de la zone développement régional dans cette région.
franc), s’ajoutent une multitude d’institutions de Le défi auquel doivent faire face ces initiatives
coopération spécialisées et nombre de réseaux institutionnelles coordonnées à l’échelle conti-
d’organisations socioprofessionnelles structurées nentale est d’être réellement complémentaire des
à l’échelle régionale. Ce paysage institutionnel actions menées au niveau national et local. En ef-
dense se traduit par une multiplication de pro- fet, dans le même temps, les pays replacent l’agri-
grammes et de propositions de politiques, dont culture au cœur de l’agenda de développement
la cohérence et l’efficacité globales sont limitées. et promeuvent de nouvelles politiques agricoles.
Nombreuses sont les organisations qui ont des Leur cohérence et leur insertion dans une vision
mandats qui se chevauchent et des moyens très régionale constituent des facteurs clés de leur ef-
limités pour mener à bien leurs missions. ficacité dans un contexte de faibles ressources
Dans ce contexte, la nécessité de définir un ca- institutionnelles, humaines et financières.
dre global d’intégration et de mise en convergen-
ce des interventions des multiples organisations
sous-régionales se fait de plus en plus sentir. Ce
cadre est indispensable pour permettre à l’agri-
culture ouest-africaine de répondre à la deman-
de régionale et se repositionner sur les marchés
internationaux. Les chefs d’État et de gouverne-
ment de la région ont ainsi depuis plusieurs an-
nées indiqué leur volonté d’orienter l’intégration
de la région à l’échelle de l’ensemble de l’Afrique
de l’Ouest. Une première dynamique est impul-
sée par le Nouveau Partenariat pour le dévelop-
pement de l’Afrique (NEPAD). Au travers de cette
initiative, les leaders africains reprennent l’initia-

7
L’ECOWAP : une réponse aux défis agricoles et
alimentaires ouest-africains
Le processus de formulation de la politique agricole régionale

D  le début des années , l’Afri-


que de l’Ouest a impulsé un dialogue po-
litique visant à concevoir un cadre de politique
de diagnostic de l’agriculture régionale, de son
potentiel de développement, des points forts et
des points faibles des agricultures nationales et
agricole régionale dans un contexte où coexis- d’une lecture des enjeux et défis de la région en
tent de nombreuses institutions sous-régiona- terme d’agriculture et de sécurité alimentaire.
les. Ce processus, qui s’inscrit dans le traité ré- Plusieurs scénarios de politique agricole sont
visé de la CEDEAO a débouché sur l’adoption, conçus fondés sur différentes visions de l’inté-
le  janvier , par les chefs d’État et de gou- gration régionale et de l’insertion internationale
vernement des pays membres de la CEDEAO de du secteur agricole. Ces scénarios ont été mis en
la politique agricole régionale, l’ECOWAP. Cette discussion avec les États et les acteurs sociopro-
adoption intervient fessionnels du secteur agricole et alimentaire et
1. Les scénarios de politiques agricoles à l’issue d’un pro- ont permis de faire émerger une vision commune
soumis aux concertations cessus approfondi encadré .

L’ECOWAP a été adoptée à l’issue mier privilégie une agriculture ré- tions régionales. Dans le premier
d’un processus approfondi de dia- gionale fortement intégrée alors cas, le scénario envisagé propose
gnostic. Quatre scénarios de politi- que le second s’inscrit dans un une protection forte et généralisée
que agricole, fondés sur des niveaux contexte de faible intégration avec de l’ensemble du secteur agricole,
variables d’intégration régionale et la poursuite des multiples fragmen- pour « compenser » un espace ré-
d’ouverture internationale, sont ini- tations de l’espace régional, peu fa- gional peu intégré. Dans le deuxiè-
tialement conçus et mis en discus- vorable à l’émergence d’un mar- me cas, la protection est envisagée
sion. Les deux premiers scénarios ché intérieur régional unique. Les au cas par cas, en fonction des en-
dits de mise en concurrence inter- deux derniers scénarios se différen- jeux et des spécificités des filières
nationale du secteur agricole privi- cient selon la politique de commer- régionales (protection ou ouvertu-
légient une très grande ouverture ce extérieur aux frontières de l’es- re différenciée) et est associée à une
commerciale de l’agriculture ré- pace CEDEAO. Ils considèrent que forte intégration régionale. C’est
gionale sur les marchés internatio- le secteur agricole ouest africain ne ce dernier scénario qui a été rete-
naux. Ils se différencient principale- peut supporter une concurrence in- nu par les États membres et les ac-
ment par le degré d’intégration des ternationale directe, sans protec- teurs pour fonder la politique agri-
économies et des échanges à l’inté- tion vis-à-vis des importations de cole régionale.
rieur de l’espace CEDEAO : le pre- produits concurrents des produc-

8
l’ECOWAP : une réponse régionale

La vision portée par l’ECOWAP

L    régionale adoptée par


la CEDEAO affirme cette vision : « une agri-
culture moderne et durable, fondée sur l’efficaci-
une perspective de souveraineté alimentaire ;
– l’intégration des producteurs aux marchés ;
– la création d’emplois garantissant des revenus
té et l’efficience des exploitations familiales et la à même d’améliorer les conditions de vie des
promotion des entreprises agricoles grâce à l’im- populations rurales ainsi que les services en
plication du secteur privé. Productive et compéti- milieu rural ;
tive sur le marché intra-communautaire et sur les – l’intensification durable des systèmes de pro-
marchés internationaux, elle doit permettre d’as- duction ;
surer la sécurité alimentaire et de procurer des re- – la réduction de la vulnérabilité des économies
venus décents à ses actifs ». Elle comporte un ob- ouest-africaines en limitant les facteurs d’ins-
jectif général qui est de « contribuer de manière tabilité et d’insécurité régionale ;
durable à la satisfaction des besoins alimentaires – l’adoption de mécanismes de financement ap-
de la population, au développement économique propriés.
et social et à la réduction de la pauvreté dans les L’ECOWAP affirme par conséquent dans ses
États membres, ainsi que des inégalités entre les objectifs le principe de souveraineté alimentaire
territoires, zones et pays ». Cet objectif global est de la région. Ceci passe notamment par une forte
décliné en sept objectifs spécifiques centrés sur : intégration régionale et un niveau approprié de
– la sécurité alimentaire des populations ; protection aux frontières, différenciée selon les
– la réduction de la dépendance alimentaire dans enjeux spécifiques de chacune des filières.

Les principales orientations des programmes de l’ECOWAP

L ’ECOWAP précise les principes et les objec-


tifs assignés au secteur agricole, l’orientation
du développement agricole et les axes d’interven-
tion à travers lesquels la sous-région exploitera
ses potentialités pour assurer : (i) une sécurité
alimentaire durable dans les pays membres ; (ii)
une rémunération décente aux actifs agricoles et
(iii) l’expansion des échanges sur une base dura-
ble, tant au sein de la sous-région qu’avec le res-
te du monde. Trois axes majeurs se dégagent de
cette politique :
– l’amélioration de la productivité et de la com-
pétitivité de l’agriculture ;
– la mise en œuvre, d’un régime commercial in-
tracommunautaire fondé sur le principe d’une
zone de libre échange en cours de construc-
tion ;
– l’adaptation, du régime commercial extérieur
aux spécificités des produits agricoles.
Le premier axe d’intervention met l’accent sur
l’amélioration de la sécurité alimentaire, l’ac-
croissement des revenus des producteurs, la re-
connaissance du statut des producteurs et la
réduction de la pauvreté. Le deuxième et le troi-
sième axes visent à faciliter l’accès aux marchés

9
l’ECOWAP : une réponse régionale

les principes de concertation et de coresponsabi-


lité avec l’ensemble des acteurs concernés, dans
le corps même de la politique.
Au travers du processus d’élaboration de
l’ECOWAP, la CEDEAO cherche à fournir un
cadre commun d’action dans un objectif d’effi-
cacité et de cohérence. Il s’agit « d’harmoniser
et d’intégrer les objectifs visés, à travers les di-
vers stratégies et programmes, des pays et des
autres organisations intergouvernementales de
la sous-région », notamment la politique agrico-
régional et international, afin d’écouler les pro- le de l’UEMOA (P.A.U.), le Cadre stratégique de
ductions résultant de l’accroissement de l’offre, sécurité alimentaire porté par le CILSS, le Pro-
favorisée par la modernisation des systèmes de gramme d’action sous-régional de lutte contre la
production. Pour guider cette mise en œuvre désertification. Cette intégration progressive a
opérationnelle, un ensemble de principes di- pour but d’éviter la duplication des efforts dans
recteurs ont été définis. Ils permettent en par- la poursuite des objectifs communs. Toutefois,
ticulier de raisonner le champ et les limites des dans le cadre de l’élaboration des programmes
prérogatives du niveau régional par rapport au opérationnels de mise en œuvre de l’ECOWAP,
niveau national (subsidiarité, complémentarité, cette volonté d’intégration va au-delà de ces stra-
régionalité, etc.) et tégies et comprend la plupart des programmes et
2. Les six domaines prioritaires d’inscrire l’appro- projets des institutions de coopération technique
ECOWAP-NEPAD che participative et agissant dans les domaines de l’agriculture, de

Les six domaines prioritaires ont fertilité des sols ; (ii) le renfor- tés naturelles, comprenant : (i) la
été retenus, sur la base de leur con- cement des services de support promotion de systèmes d’alerte
tribution à la réduction de la pau- aux producteurs ; (iii) la dissé- précoce ; (ii) le développement
vreté et de l’insécurité alimentaire, mination de technologies amé- de systèmes de gestion des cri-
de l’intégration régionale et de leur liorées ; ses ; (ii) l’appui à la réhabilitation
faisabilité à court et moyen termes. – le développement des filières agri- des zones après les crises ; (iv) le
Il s’agit de : coles et la promotion des mar- développement de mécanismes
– l’amélioration de la gestion de chés, comprenant : (i) le déve- de compensations-assurances
l’eau, comprenant : (i) la promo- loppement des différentes filières contre les calamités ;
tion de l’irrigation ; (ii) la gestion (vivrières, agriculture péri-urbai- – le renforcement institutionnel,
intégrée des ressources en eau ; ne, cultures d’exportation, éleva- comprenant : (i) l’intégration
– la gestion améliorée des autres ge à cycle court, produits agro- de l’approche genre ; (ii) l’appui
ressources naturelles, compre- forestiers alimentaires, pêche à l’amélioration des capacités de
nant : (i) l’organisation de la artisanale et aquaculture) ; (ii) le formulation des politiques et stra-
transhumance et l’aménagement développement de la transforma- tégies agricoles et rurales ; (iii) le
des parcours ; (ii) la gestion dura- tion des produits ; (iii) le renfor- financement durable de l’agricul-
ble des ressources forestières; (iii) cement des services de support ture ; (iv) la communication ; (v)
la gestion durable des ressources aux opérateurs; (iv) la promotion le renforcement des capacités de
halieutiques ; du commerce national, régional pilotage et de coordination ; (vi)
– le développement durable des et international ; le renforcement des capacités de
exploitations agricoles, compre- – la prévention et la gestion des cri- suivi et évaluation.
nant : (i) la gestion intégrée de la ses alimentaires et autres calami-

10
l’ECOWAP : une réponse régionale

l’élevage, de la gestion de l’eau et plus largement Sans attendre de multiples actions ont été ini-
des ressources naturelles, de la distribution des tiées :
intrants, etc. – des actions urgentes de veille sur la prise en
Dès l’adoption de l’ECOWAP en , la ques- compte des enjeux agricoles dans la défini-
tion de son articulation avec le programme agri- tion du tarif extérieur commun de la CEDEAO
cole du NEPAD se pose. Dans son plan d’action (TEC) et dans le schéma de libéralisation des
régional -, la CEDEAO propose d’arti- échanges avec l’U.E. dans le cadre de l’A.P.E.
culer les piliers du P.D.D.A.A./NEPAD et les axes (produits sensibles exclus de la libéralisation) ;
d’intervention de l’ECOWAP en identifiant six – la mise en place de cadres règlementaires : se-
domaines prioritaires permettant une mise en mences, pesticides, biotechnologies agricoles,
œuvre conjointe encadré . biosécurité ;
Des programmes régionaux d’investissement – la promotion de la sécurité alimentaire et sa-
agricole (PRIA) et des programmes nationaux nitaire : grippe aviaire, sécurisation de l’éco-
d’investissement agricole (PNIA) pour le long nomie pastorale, promotion de la pêche et de
terme déclinent ces domaines prioritaires. Cet- l’aquaculture, de la biotechnologie, de l’utili-
te programmation a été engagée en collaboration sation des engrais, lutte contre la mouche des
avec les organisations d’intégration et de coopé- fruits ;
ration régionales, les organisations socio-profes- – la mise en œuvre de programmes thématiques
sionnelles d’Afrique de l’Ouest, et les partenaires régionaux : valorisation des zones libérées de
techniques et financiers. Un premier groupe de l’onchocercose, lutte contre les végétaux flot-
huit pays en est au stade de formulation du pro- tants, irrigation, gestion des bassins versants,
gramme alors que pour les sept autres pays, le adaptation aux changements climatiques, res-
travail de diagnostic national et de modélisation sources forestières, biosécurité.
des investissements est en phase de démarrage.
Le premier groupe devrait tenir les tables rondes
nationales d’ici à fin mars .

11
Face à la hausse des prix : l’Offensive pour la production
alimentaire et contre la faim
Un choc mondial et brutal…

S   la flambée des prix du premier semes-


tre , les États de la région ont réagi dif-
féremment. La plupart ont adopté un ensemble
doit être abordée sur le plan de la sécurité collec-
tive et non pas sur le seul terrain de la libre circu-
lation des marchandises. Il convient de détermi-
de mesures d’urgence visant à réduire le coût de ner comment l’espace régional peut devenir un
l’alimentation et à préserver le pouvoir d’achat vecteur de stabilisation des marchés et de sécuri-
des populations (suspension des droits de doua- sation des approvisionnements.
ne ; réduction ou suspension de la T.V.A. sur cer- Le nouveau contexte des prix soulève de nou-
tains produits de première nécessité ; fixation et velles questions. L’ECOWAP a été adoptée à une
contrôle des prix ; subventions à la consomma- période où les politiques agricoles et alimen-
tion du carburant et du riz ; opérations ciblées taires d’inspiration libérale étaient encore pré-
sur les populations vulnérables ; etc.). La plupart dominantes. De ce fait, elle prévoit relativement
des pays ont aussi adopté des mesures centrées peu d’intervention publique en matière de régu-
sur la prochaine campagne agropastorale - lation des marchés, de réduction de la volatilité
 (programmes d’urgence d’augmentation de des prix ou de filets de sécurité pour les popula-
la production du riz, programme maïs de contre- tions les plus pauvres. Or la crise alimentaire de
saison, etc.). Outre ces deux grandes catégories  a mis en lumière la nécessité d’apporter des
de mesures, certains gouvernements ont décrété réponses structurelles aux questions posées par
l’interdiction des exportations vers les pays voi- la hausse des prix : relance durable de la produc-
sins, attitude qui montre que face aux incertitu- tion, amélioration du fonctionnement des mar-
des des marchés, l’espace régional n’est pas en- chés, réduction de la vulnérabilité des popula-
core considéré comme un facteur de sécurité et tions pauvres. Sur ces nouveaux enjeux, les pays
de stabilité. Cet aspect montre que l’intégration et les acteurs devront définir des instruments ap-
régionale des marchés des produits alimentaires propriés permettant de les affronter.

… qui remet l’agriculture au centre des préoccupations

L     a conduit la CEDEAO a


tenir, en mai , une réunion extraordi-
naire associant les ministres de l’Économie et
de l’ECOWAP. Déclinée sur trois horizons, elle
vise à répondre de manière efficace à la situa-
tion d’urgence, tout en donnant des réponses du-
des Finances, les ministres de l’Agriculture et du rables à travers les programmes de l’ECOWAP.
Commerce des quinze pays, pour examiner la si- Son approche est donc assez similaire à celle
tuation et définir une stratégie commune. Ces d’ECOWAP : plans d’urgence nationaux et régio-
derniers ont soumis aux chefs d’État qui l’ont nal. Les interventions de court terme en réponse
adopté en juin ¹ « une offensive régionale pour la à la crise des prix s’articulent aux interventions
production alimentaire et contre la faim ». L’Of- structurelles envisagées dans la politique agri-
fensive est articulée autour de trois piliers : cole.
– la relance déterminée de la production ; La crise alimentaire de  a permis de créer
– l’organisation des marchés et des filières ; une forme de consensus international sur la né-
– les actions en faveur de l’accès à l’alimentation cessité d’apporter des réponses structurelles aux
des populations vulnérables. questions posées par la hausse des prix. Dans ce
Telle qu’elle a été conçue par les chefs d’État contexte, États membres de la CEDEAO, agences
des quinze pays, l’Offensive régionale constitue d’aide, organisations internationales, acteurs so-
une forme d’accélération de la mise en œuvre cioprofessionnels et O.N.G. se rejoignent pour
considérer que la mise en œuvre de l’ECOWAP
et la promotion des investissements dans le sec-
. Lors de la  session ordinaire de la conférence
des chefs d’État et de gouvernement tenue à Abuja teur de la production et plus généralement des fi-
le  juin . lières agroalimentaires constituent une priorité.

12

Das könnte Ihnen auch gefallen