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La politisation ordinaire d'une population extra-ordinaire : les électeurs des « beaux quartiers » en
campagne électorale (2006-2008)
Éric Agrikoliansky
Dans Politix 2014/2 (N° 106), pages 135 à 157

Article

L es pratiques politiques ordinaires, en particulier électorales, des classes supérieures ont peu intéressé les sciences sociales françaises dans les dernières
décennies. Du côté de la science politique, la sociologie électorale s’était pourtant structurée dans les années 1970, notamment à partir des travaux de Guy
[1]
Michelat et Michel Simon , autour de l’opposition entre une bourgeoisie indépendante et catholique votant à droite, et une France irréligieuse et ouvrière acquise
1

[2]
à la gauche. Or, si le rapport au politique des classes populaires a constitué un objet continûment légitime , les comportements électoraux de la bourgeoisie n’ont
pas véritablement fait l’objet d’investigations systématiques : le vote des ouvriers et le rapport au politique dans les quartiers populaires sont ainsi aujourd’hui
largement explorés, alors qu’aucune recherche récente n’aborde le vote des professions libérales ou des chefs d’entreprise, ni les modalités de la politisation dans les
« beaux quartiers ». Du côté de la sociologie, le regain d’intérêt de la dernière décennie pour l’analyse des inégalités et des processus de domination a certes
contribué à renouveler les recherches sur les catégories supérieures et sur la « bourgeoisie » comme classe mobilisée. Mais ces travaux, consacrés à des catégories
[3]
socioprofessionnelles spécifiques (les cadres par exemple ), ou articulés à d’autres interrogations plus larges (la mondialisation, la ségrégation urbaine, le
[4]
recrutement des élites ) ne posent pas de façon systématique la question des pratiques politiques de ces groupes. Les recherches menées par Monique Pinçon-
[5]
Charlot et Michel Pinçon abordent plus directement cette question. Cependant, là encore, la question du vote et de la politisation reste secondaire : les deux
sociologues s’intéressent aux capacités de certaines fractions de la grande bourgeoisie à peser sur les décisions publiques, mais pas ou peu à leurs choix électoraux
ou aux échanges quotidiens relatifs à la politique et aux élections.

Le chantier d’une sociologie politique des formes de politisation de la bourgeoisie reste donc encore largement ouvert. Il constitue pourtant un corollaire 2
indispensable à l’analyse des mobilisations conservatrices dont on sait qu’elles recrutent, certes pas exclusivement, mais très largement, dans les catégories
supérieures à fort capital économique. Comment comprendre les conditions de telles mobilisations sans tenter d’explorer les formes les plus routinières qui
caractérisent la politisation de leurs principaux soutiens ? De quelle façon ces électeurs perçoivent-ils la conjoncture électorale, la compétition entre les di férents
candidats et plus largement les campagnes électorales, en particulier lorsqu’elles s’adressent localement à eux ? Comment les préférences politiques et les
« identifications partisanes » sont-elles forgées, entretenues et exprimées ? De quelle façon, plus généralement, les activités politiques, les partis et leurs militants
sont-ils perçus et jugés ? Parce que la politique contestataire s’inscrit dans la continuité de la politique ordinaire, saisir les dimensions de ce que nous appellerons le
rapport ordinaire au politique de la bourgeoisie est un corollaire indispensable à l’analyse des ressorts des mobilisations conservatrices.
[6]
Les résultats d’une enquête collective menée en 2007-2008 sur les électeurs du 16e arrondissement de Paris? permettent d’aborder empiriquement ces questions. 3
[7]
Véritable « ghetto » bourgeois? , le 16e arrondissement constitue un bastion conservateur que nous avons pu étudier sur une séquence relativement longue de
mobilisation électorale (de la campagne de la présidentielle de 2007 aux municipales de 2008, soit durant douze mois et trois scrutins). En menant une enquête
située dans les parties les plus typiques (socialement et politiquement) de l’arrondissement nous disposons de riches données qui permettent de mieux comprendre
les modalités spécifiques de la politisation bourgeoise, et plus précisément de la bourgeoisie des « beaux quartiers » parisiens qui se caractérise à la fois par
l’importance du capital économique, la valorisation du statut d’indépendant, la pratique de la religion catholique, mais aussi l’ancienneté de l’appartenance à la
bourgeoisie – que manifeste l’ancienneté de la résidence dans les zones les plus valorisées de l’arrondissement. Précisons immédiatement qu’une telle enquête
focalisée sur un territoire (les « beaux quartiers » parisiens) n’a pas pour ambition d’appréhender les classes supérieures dans leur ensemble, mais plutôt de
travailler sur un segment spécifique de celles-ci : les fractions les plus mobilisées autour de la défense des valeurs de la droite conservatrice qui constituent l’un des
noyaux centraux autour duquel s’agrègent les représentations politiques et sociales de ce qu’est la bourgeoisie, sorte d’exemple paradigmatique qui focalise
[8]
l’identité du groupe et en organise la perception (positive ou négative)? .

Encadré méthodologique

L’enquête collective menée dans le 16e arrondissement de Paris de 2007 à 2008 articule méthodes quantitatives et qualitatives :
–   une enquête par questionnaires auprès des électeurs venant s’inscrire sur les listes électorales durant le mois de décembre 2006 ;
–   une série d’entretiens menés au téléphone avec des électeurs inscrits dans le bureau de vote n° 1 de l’arrondissement en mars 2007, soit un mois avant le
premier tour de l’élection présidentielle ;
–   trois questionnaires « sortie d’urne » réalisés dans le bureau n° 1 : lors du premier tour de l’élection présidentielle d’avril 2007 (n = 495) ; lors du premier
tour des élections législatives de juin de la même année (n = 239), et lors du premier tour de l’élection municipale de mars 2008 (n = 308) ;
–   le dépouillement des listes électorales de ce même bureau de vote sur l’ensemble de la séquence électorale 2007-2008, soit quatre tours de scrutin,
destiné à reconstituer les parcours de vote et d’abstention des inscrits ;
–   une enquête qualitative menée durant les mois précédents les élections municipales de mars 2008 auprès des militants de l’UMP et du PS de
l’arrondissement (entretiens, observations des pratiques de campagnes : meetings, réunions publiques, réunions d’appartement, distributions de tracts,
etc.).

Nous utiliserons principalement ici les données produites lors des questionnaires « sortie d’urne » et les entretiens téléphoniques réalisés lors de la campagne
de l’élection présidentielle.
Il faut en outre souligner que les questionnaires « sortie d’urne » et les entretiens téléphoniques ont été réalisés dans un seul bureau de vote de

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l’arrondissement. Pour être attentive au poids des contextes sociaux, notre recherche privilégiait en e fet une approche localisée, focalisée sur l’étude d’un
territoire aux spécificités facilement identifiables. Pour cela, nous n’avons pas choisi un bureau « moyen » ou « représentatif » de la diversité interne de
l’arrondissement, mais à l’inverse un cas accentuant les spécificités sociales et politiques de ces « beaux quartiers ». Le bureau de vote n° 1, sis à la mairie
d’arrondissement et comptant 1 508 inscrits, correspondait à cette exigence. Situé au nord de l’arrondissement, regroupant les rues dans lesquelles les prix au
m2 atteignent des sommets (avenue Henri Martin, boulevard E. Augier, rue de la Tour, rue de Siam par exemple) ce bureau surreprésente, de façon
particulièrement marquée, les traits sociaux et politiques qui dominent dans l’arrondissement. Parmi les 452 répondants (soit presque 30 % des inscrits et un
peu moins de 40 % des votants), au questionnaire administré lors du premier tour de l’élection présidentielle, on compte par exemple une proportion
importante d’inactifs (44 % dont une forte proportion de retraités – 16 % – ou de personnes n’ayant jamais travaillé), mais parmi les actifs une majorité de
salariés du privé et d’indépendants (88 %). On observe surtout une sur-représentation des chefs d’entreprise (10 %), des professions libérales (23 %) et des
cadres (45 % des actifs). Les catégories supérieures représentent 78 % des actifs, et on ne trouve que 4 % d’employés et… aucun ouvrier. En outre, 85 % des
répondants sont diplômés du supérieur. Une majorité sont propriétaires de leur logement (59 %) et vivent dans le 16e arrondissement depuis plus de cinq ans
(81 %). La très grande majorité se déclarent catholiques pratiquants (77 %), moins d’un quart se déclarant « non-croyant ».

À partir de cette enquête sur cette fraction spécifique de la bourgeoisie parisienne, nous voudrions ici tester et éprouver les hypothèses qui organisent le plus 4
souvent intuitivement notre perception de la politisation des classes supérieures. Si les recherches empiriques sur les comportements électoraux de ces catégories
sont rares, les hypothèses ne manquent en revanche pas pour penser leur rapport au politique. La première est, comme le suggèrent M. Pinçon-Charlot et
[9]
M. Pinçon, que la bourgeoisie constitue la dernière classe en soi et pour soi? , c’est-à-dire le dernier groupe social ayant une conscience claire de ses intérêts et qui
soit susceptible de se mobiliser politiquement pour les défendre. Cette capacité d’action collective apparaît clairement dans les travaux que les deux sociologues
consacrent aux mobilisations formelles et informelles destinées à protéger et à défendre ces espaces d’entre soi géographique et social que constituent les « beaux
[10]
quartiers?  ». Si on l’étend à la question de la participation électorale, cette hypothèse semble confirmée par l’observation de l’intense mobilisation pour les
candidats de la droite parlementaire lors des di férents scrutins : en conjoncture de haute intensité électorale, comme lors de la présidentielle de 2007, les taux
d’abstention sont ainsi très bas (environ 13 % aux deux tours de 2007, contre 16 % en moyenne nationale), et le vote pour les candidats des partis de droite est
[11]
massif? . Elle est ensuite congruente avec ce que nous savons des facteurs qui conditionnent l’intérêt pour la politique et la participation électorale. La sociologie
de la politisation s’est en e fet construite sur une hypothèse forte : celle d’une étroite articulation entre attention au jeu politique et appartenance sociale. Comme le
[12]
propose Daniel Gaxie dans Le cens caché? , on peut faire l’hypothèse que les membres des classes supérieures se distinguent par un rapport autorisé à la politique,
fondé sur la connaissance de la compétition et de ses enjeux. Compte tenu de ce que nous savons du désintérêt en démocratie des citoyens pour la politique, les
électeurs des classes supérieures entretiendraient ce faisant un rapport à proprement parler extra-ordinaire à la politique, caractérisé par un potentiel de
mobilisation hors du commun, mais aussi par une capacité rare à maîtriser les enjeux de la compétition électorale et à exprimer des opinions politiques « en
[13]
première personne?  ».

Nous voudrions montrer ici que l’hypothèse d’une mobilisation sans faille de la bourgeoisie, fondée sur un haut degré de sophistication politique et une capacité 5
hors du commun à exprimer des opinions, est en partie surévaluée et qu’elle interdit surtout d’observer certaines modalités plus ordinaires de leur rapport au
politique et, ce faisant, de comprendre la spécificité de leur politisation. D’abord parce que la compétence que l’on postule chez ces électeurs est souvent bien plus
faible en pratique qu’ils ne le revendiquent en théorie. Ensuite, parce que loin de posséder des capacités hors de l’ordinaire, ils raisonnent, comme les autres, à l’aide
de raccourcis et de simplifications. Évitant le débat politique plutôt qu’ils ne le recherchent, ils se révèlent particulièrement sensibles aux logiques collectives qui
sont au principe de la production des opinions, pour eux comme pour les autres. Loin d’incarner l’électeur individualiste et inclassable dont ils revendiquent
[14]
souvent eux-mêmes le modèle? , leurs choix et les mécanismes de formation de leurs préférences manifestent la prégnance constante des logiques ordinaires de
la politisation. Ce faisant, c’est l’hypothèse d’un rapport extra-ordinaire au politique de ces électeurs des « beaux quartiers » qui doit être écartée, dissipant ce faisant
[15]
la fascination légitimiste qui imprègne parfois le regard que les chercheurs portent sur eux? . C’est peut-être finalement en les considérant comme les autres,
c’est-à-dire avec les mêmes outils méthodologiques et les mêmes instruments conceptuels, qu’on peut alors véritablement cerner leur singularité et comprendre les
logiques de leur mobilisation politique.

Compétence et politique dans les « beaux quartiers »

[16]
La question de la compétence politique est, on le sait, au cœur de la sociologie des pratiques électorales et de la participation politique? . Le faible niveau de 6
sophistication politique observé dans les démocraties expliquerait ainsi à la fois la faible cohérence des opinions ordinairement formulées et le désintérêt généralisé
pour les questions politiques. Or « l’aptitude à émettre des opinions politiques constituées dépend étroitement du niveau d’instruction et de la catégorie socio-
[17]
professionnelle?  » : plus on s’élève dans la hiérarchie sociale, plus le niveau de sophistication politique augmente. Cette inégalité est d’autant plus significative
que cette compétence « objective » est elle-même assujettie à une autre dimension de la compétence : la compétence subjective, qui renvoie au sentiment intériorisé
d’être légitime à s’intéresser à la politique. Ce sentiment est étroitement lié au statut social et au capital culturel et fonctionne donc comme un véritable « cens
[18]
caché?  ».

Quelle est la portée de ce modèle pour décrire les rapports au politique des électeurs du 16e arrondissement ? Plusieurs indices collectés durant l’enquête de 2007- 7
2008 suggèrent qu’il est nécessaire de nuancer à la fois l’hypothèse d’un haut niveau de sophistication politique de ces électeurs, mais peut-être aussi de penser
di féremment la relation entre compétence objective et compétence subjective dans les classes supérieures. En premier lieu, nous avons introduit lors des
di férentes enquêtes plusieurs « tests de compétence » destinés à évaluer leur connaissance des protagonistes et des mécanismes de la compétition électorale, ce qui
est rarement fait s’agissant des fractions réputées les plus informées et compétentes de l’électorat.

Ainsi, lors des entretiens téléphoniques réalisés durant la campagne de la présidentielle de 2007, a été posée une question destinée à évaluer la maîtrise par nos 8
interviewés des propositions des candidats :

« Nicolas Sarkozy et son club “Désirs d’avenir” ont organisé des débats participatifs pour connaître les attentes des Français et établir un pacte présidentiel. Avez-vous 9
entendu parler de ces débats ? »

Il s’agissait ainsi de confondre, volontairement, les deux principaux candidats à l’élection présidentielle en attribuant à l’un (N. Sarkozy) une appartenance et un 10
thème de campagne de l’autre (S. Royal, son club « Désirs d’avenir » et les débats participatifs) et de tester la capacité des répondants à identifier cette erreur et à la
[19]
corriger? . La confusion était grossière et nous faisions l’hypothèse que face à un public politisé et compétent (« l’échantillon » spontané surreprésentant ceux qui
[20]
se sentent les plus légitimes à répondre à un questionnaire politique), elle serait dans la plupart des cas relevée et corrigée? . Or, sur les trente personnes
interrogées lors de longs entretiens téléphoniques (entre 30 minutes et 1 h 30), dont la plupart déclarent qu’elles suivent la campagne, écoutent les émissions
politiques et les débats à la télévision, dont l’immense majorité lit un ou plusieurs journaux « régulièrement », seules 4 personnes corrigent l’erreur (moins de 15 %) ;

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15 déclarent ne pas avoir entendu parler de ces débats participatifs attribués à N. Sarkozy sans corriger cette attribution erronée et 11 répondants (donc plus d’un
tiers de ceux qui ont été testés) a firment en avoir « entendu parler » : l’une soulignant qu’elle le sait « car mon mari est à l’UMP », un deuxième s’en félicitant (« C’est
très bien »), et un dernier a firmant même qu’il a été invité à de tels débats : « J’ai reçu un mail de l’UMP pour cela » !

Sur les 26 personnes, à qui la seconde question était posée (Ségolène Royal devrait-elle faire de même ?), une seule corrige (« Elle a la même formule, je sais plus le 11
nom. C’est la même idée, essayer d’intéresser les gens »), 11 refusent de répondre, 11 a firment qu’elle « devrait essayer ». Il s’en trouve même 3 pour juger qu’elle ne
devrait pas recourir à de tels débats participatifs.

Ce résultat n’est certes pas très surprenant. On sait que la situation d’entretien favorise le conformisme des répondants qui hésitent à contredire celui qui les 12
[21]
interroge? . De même, la possibilité de déclarer « ne pas en avoir entendu parler » a certainement pu constituer une réponse refuge, permettant à ceux qui étaient
surpris par la question de manifester leur incrédulité sans toutefois oser interrompre l’interview ou contredire l’intervieweur. Cependant, il est intéressant de
constater que ces logiques, bien connues des enquêteurs confrontés à la population hétérogène des « échantillons représentatifs », fonctionnent même sur la
fraction la plus intéressée par la politique des classes supérieures résidant dans les « beaux quartiers », dont la compétence objective semble donc ne pas devoir être
surestimée.

L’analyse des réponses à l’une des questions du questionnaire administré aux électeurs venant s’inscrire en décembre 2006 à la mairie du 16e confirme qu’il existe 13
bien un décalage entre la compétence technique attendue et celle dont ces électeurs font réellement preuve. Nous leur demandions dans ce questionnaire, s’ils
connaissaient, outre la présidentielle, les autres élections à venir en 2007 et 2008 et s’ils avaient l’intention d’y voter. Or le taux de non-réponse à cette question est
particulièrement élevé (54 %). De plus, parmi ceux qui répondent, à peine la moitié est capable de citer un des scrutins à venir (22 % citent les législatives de 2007,
8 % les municipales de 2008 et, seulement, 18,5 % les deux). Dans les classes supérieures, comme ailleurs, la maîtrise du calendrier électoral semble donc
relativement superficielle et être le fait d’une minorité, même chez ceux qui prennent la peine de se déplacer, entre le 24 décembre et le 1er janvier, à la mairie du
16e arrondissement pour régulariser leur situation électorale.

Une dernière série de questions posées à l’occasion du questionnaire administré lors du premier tour des élections législatives confirme cela. Ainsi nous avons 14
demandé aux électeurs qui venaient de voter au premier tour de la législative dans le bureau de vote n° 1 du 16e arrondissement, s’ils savaient : 1) qui était le député
sortant de leur circonscription et 2) s’ils connaissaient son a filiation partisane. Dans une circonscription si largement dominée par l’UMP et dans laquelle la
stabilité des ancrages et des mandats est la règle, il ne paraissait pas hors de portée des électeurs de citer le député sortant UMP Bernard Debré, d’autant qu’il se
représentait et figurait donc depuis plusieurs semaines sur les panneaux électoraux de l’arrondissement. Or, si on ne considère que les électeurs UMP (soit
185 répondants), seuls 120 a firment connaître le nom de ce député sortant, soit seulement 65 % ! Mieux, si on demande ensuite à ces électeurs qui se déclarent
compétents, de citer en toutes lettres le nom de ce député, seuls 101 en sont réellement capables – soit 55 % de l’ensemble des électeurs UMP de la circonscription. La
plupart de ceux qui se trompent citent le député de l’autre circonscription de l’arrondissement Claude Goasguen ou le maire du 16e Pierre-Christian Taittinger ;
d’autres commettent des fautes significatives dans l’orthographe du nom de ce député : deux écrivent ainsi R. Debray, confondant probablement le professeur de
médecine (fils de Michel Debré) avec le promoteur de la « médiologie »… De la même manière, si 154 sur 185 a firment connaître le parti de leur député (83 %),
seulement 132 citent la bonne formation (soit 71 %). Certes, la relation entre le député et ses électeurs est sans doute plus faible à Paris qu’ailleurs. Néanmoins, il faut
souligner que cet échantillon était constitué d’électeurs e fectifs pour le scrutin des législatives, qui ont voté pour le candidat UMP sortant et qui ont de plus accepté
de répondre à notre questionnaire. Il surreprésente donc les plus intéressés par la politique, les plus compétents, ou en tout cas ceux qui se sentent les plus
légitimes des inscrits de l’arrondissement. En ce sens, on peut penser que la connaissance moyenne des protagonistes de la vie politique du 16e arrondissement par
ses habitants doit être assez faible, en tout cas assez éloignée de l’hypothèse d’une compétence élevée généralisée dans les classes supérieures.
[22]
Que conclure de ces données ? D’abord elles suggèrent les limites de la notion même de compétence politique appréhendée dans sa seule dimension technique? . 15
Critiquée pour son incapacité à restituer les modes ordinaires de raisonnement des électeurs, elle pêche en e fet par un tropisme intellectualiste qui conduit à
[23]
comparer les électeurs à l’étalon irréaliste de ceux qui seraient des « ambulatory encyclopedias?  ». Or, que mesure-t-on lorsqu’on évalue la connaissance du
calendrier électoral, ou de l’orthographe exacte du nom du député sortant, si ce n’est un rapport spécifique, livresque et savant, à la politique qui est évidemment le
[24]
fait d’une minorité – les plus prédisposés à adopter un rapport scolaire à la politique? ou de ceux qui font de la politique leur métier, qu’il s’agisse de l’exercer ou
de l’étudier ? Que les électeurs les plus favorisés socialement, qui participent massivement aux scrutins de 2007, obtiennent des résultats si médiocres à ce type de
test indique que la compétence objective ainsi mesurée est un indicateur pauvre et peu heuristique du rapport au politique, dans les « beaux quartiers », comme
ailleurs. Non que la compétence technique ne soit qu’une chimère, mais qu’il faille sans doute inventer des dispositifs moins scolaires (en observant par exemple la
[25]
compétence technique en pratique) pour l’appréhender et en mesurer l’incidence sur le rapport au politique? .

De plus on comprend que c’est bien le sentiment de compétence ou de légitimité qui est le mécanisme essentiel du processus de politisation. Or, si cette dimension a 16
été maintes fois étudiée concernant les électeurs les plus démunis, une telle analyse a rarement été menée pour ceux qui appartiennent aux classes supérieures. Or,
les résultats présentés ici suggèrent justement une articulation originale de ces deux dimensions. On peut ainsi discerner dans les catégories supérieures (et
d’ailleurs sans doute pas que dans le 16e) des électeurs qui se sentent compétents, mais qui le sont moins en réalité qu’ils ne le pensent : bref des formes de
compétence subjective sans compétences objectives. C’est notamment le cas de ceux qui lors du questionnaire administré à l’occasion des législatives surestiment
leur connaissance du nom du député sortant ou de son parti d’appartenance (environ 10 % à 15 %). Cela manifeste, sans doute, une modalité rarement analysée de
[26]
l’e fet d’« assignation statutaire?  » qui conduit les catégories considérées, et se considérant comme, compétentes à exprimer des opinions et à manifester une
connaissance de la politique qu’elles maîtrisent parfois en réalité peu, ou en tout cas moins qu’on ne le croit, ou que ces électeurs ne sont disposés à le dire. Une telle
légitimité sans compétence constitue d’ailleurs probablement une modalité assez fréquente du rapport au monde des groupes sociaux qui vivent à l’abri de la
nécessité et de ses épreuves – au cours desquelles on doit justement constamment faire la preuve, auprès de ses « supérieurs » notamment, de ses capacités et de ses
compétences. En ce sens, le tropisme légitimiste qui conduit à surévaluer les compétences et les qualités des classes supérieures, ne constitue pas simplement un
obstacle à la connaissance, mais doit lui-même être pris comme objet d’investigation tant il constitue un élément déterminant du rapport au monde, notamment
politique, de celles-ci.

La politique c’est la classe ? Les rapports ordinaires au politique entre individualisme et conformisme dans les
« beaux quartiers »

Si les électeurs des « beaux quartiers » n’entretiennent pas ce rapport expert au politique que l’on présuppose parfois, quels sont alors les mécanismes au principe 17
de la production de leurs opinions ? L’enquête par entretiens téléphoniques, réalisée durant les semaines précédant l’élection présidentielle de 2007, constitue une
source particulièrement précieuse pour explorer cela. En o frant un matériel plus qualitatif, elle permet en e fet d’appréhender quelques-unes des logiques qui
structurent leur perception du jeu politique et qui sont au principe de la production de leurs préférences électorales. Ces entretiens révèlent ainsi que, comme les
autres, ces électeurs des « beaux quartiers » raisonnent publiquement par raccourcis et déploient de multiples stratégies pour éviter de discuter sur le fond de leurs
préférences ou s’exposer à un risque de dissonance. C’est alors dans l’entre soi du groupe, de la famille, du quartier, que celles-ci s’enracinent, s’articulant à une
conception du politique qui fait paradoxalement de l’espace privé le lieu par excellence des opinions publiques.

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Les entretiens

Les entretiens utilisés ici ont été réalisés dans une période de forte e fervescence électorale (la semaine du 13 mars 2007, quelques semaines avant le premier
tour de la présidentielle) avec l’aide d’une équipe de chercheurs de l’université Paris-Dauphine (Vanessa Bernadou, Jérôme Heurtaux, Brigitte Le Grignou,
Pierre Mayance, Aude Soubiron notamment). 80 personnes ont été interrogées et 41 entretiens approfondis sont utilisables dans une perspective
[27]
qualitative? . Le corpus ne prétend pas à la représentativité. Réduit à l’exploration de quelques rues (celles qui dépendent du bureau de vote n° 1 du 16e),
l’échantillon spontané qui a été constitué surreprésente certaines catégories spécifiques : les personnes âgées (26 des 41 électeurs interrogés ont plus de 60 ans
et seulement 3 moins de 40 ans), les femmes (26 électrices sur 41 entretiens) et surtout ceux qui sont les plus intéressés par la politique ou qui, en tout cas,
acceptent d’en parler longuement au téléphone. Tous appartiennent aux franges supérieures des classes supérieures et se distinguent par l’ancienneté de leur
implantation dans le quartier. Si l’on considère leurs origines sociales, ce sont pour la plupart des héritiers, enfants d’industriels, de cadres dirigeants, qui ont
eux-mêmes reproduit ou consolidé la position sociale de leurs parents. Les hommes sont le plus fréquemment chefs d’entreprise ou cadres dirigeants et les
femmes inactives. Ils expriment tous l’intention de voter pour un candidat de droite, d’extrême droite ou du centre au premier tour de la présidentielle. On
l’aura compris notre objectif n’était pas de constituer un échantillon représentatif, mais à l’instar des enquêtes qualitatives menées par D. Gaxie depuis une
décennie, d’étudier de façon approfondie des cas qui paraissent symptomatiques et qui peuvent « être presque parfois idéal-typiques, au sens où la réalité
[28]
sociale elle-même accentue, dans certains cas, les propriétés privilégiées par l’analyste?  ».

La politique en raccourcis
L’analyse des entretiens confirme d’abord que ces électeurs peinent à produire un discours cohérent sur les élections et les candidats, et à justifier de ces choix par 18
des raisons abstraites (des préférences économiques, des priorités politiques). Lorsqu’on les interroge sur les raisons de leurs choix politiques (pourquoi sont-ils de
droite ? Pourquoi ont-ils l’intention de voter pour N. Sarkozy ?), les réponses semblent bien peu argumentées et sont rarement étayées par des raisonnements
construits et développés. À l’opposé de l’image d’un observateur surplombant, fin analyste des jeux politiques qu’ils tentent parfois de montrer d’eux-mêmes, leurs
jugements et leurs justifications semblent relever de ces « raccourcis » que décrit la littérature en psychologie cognitive qui s’intéresse aux modalités ordinaires du
[29]
jugement politique? . Plutôt que de juger les programmes, les électeurs évaluent les candidats et leurs qualités humaines supposées en les ramenant à quelques
images simples. Alors qu’ils déplorent souvent la « politique spectacle », et une campagne qu’ils jugent trop centrée sur les « personnalités », ils produisent eux-
mêmes des jugements extrêmement personnalisés et souvent bien peu politiques – comme le font tous les électeurs. Ils condensent alors leurs opinions à travers
une impression, un sentiment de goût ou de dégoût, d’autant plus fortement ancré qu’il s’articule à leurs dispositions sociales. Certes, certains (les plus jeunes, les
plus actifs, les plus diplômés) tentent de fonder leurs intentions de vote sur des idées. Celles-ci restent cependant toujours lapidairement exprimées et
s’apparentent plus à des slogans, véritables raccourcis idéologiques, qu’à des tentatives pour délibérer sur les programmes. Ces slogans expriment plus de la
conviction qu’ils n’invitent à la discussion. Ainsi, cet électeur de 52 ans, diplômé de Sciences Po, responsable financier dans une entreprise, et fils d’un « PDG de
société métallurgique ». Il dit s’intéresser beaucoup à la politique, mais avoue « ne pas avoir pu voter depuis plus de 15 ans, car je travaillais à l’étranger ». Sur le plan
politique il se classe « plutôt à droite », même s’il rectifie « en fait je suis surtout libéral », comme si le simple classement sur l’axe droite-gauche était trop réducteur
pour le définir. Il a firme être résolu à voter Sarkozy pour la présidentielle, mais ne parvient que succinctement à en exprimer les raisons : « J’espère qu’il y a aura
une rupture […]. J’apprécie ce qu’il dit sur la rupture. » À propos de la gauche il a firme, péremptoire « le modèle socialiste ne marche pas » comme si cela su fisait à
éluder la discussion sur ce point qu’il ne développera pas, malgré les relances de l’intervieweur qui l’invitent à poursuivre.

Certes la situation d’entretien (questionnaire, par téléphone sur le modèle jamais totalement évacué du sondage), sur un scrutin fortement personnalisé comme la 19
[30]
présidentielle ne favorise pas de longs développements explicatifs. À la di férence de l’entretien de face-à-face, les « e fets d’auditoire?  » produits par l’interaction
téléphonique invitent moins à justifier de ses positions en détail et à argumenter. Cependant, ce qui frappe c’est que le plus souvent les électeurs ne mentionnent
pas les idées, mais évoquent plutôt des traits de caractère ou des qualités personnelles qui fonctionnent comme de véritables précipités, au sens chimique du terme,
qui solidifient un ensemble complexe d’opinions et permettent de dire en peu de mots les raisons de la préférence. Ainsi cet électeur âgé de 73 ans, docteur en droit,
retraité, ancien « directeur dans une compagnie d’assurance », qui semble pourtant intéressé par la politique et compétent pour discuter des « grands problèmes »
(il aborde « la fiscalité, les retraites ») manifeste-t-il, d’une part, une forte propension à ramener ces questions à sa situation personnelle : « Bon, l’emploi c’est
essentiel. Ça me touche pas directement, mais j’ai un fils qui est à l’étranger et qui revient pas en France parce qu’il ne trouve pas de boulot, alors ça me touche. » Il
résume d’autre part les raisons de sa préférence pour Sarkozy par quelques « qualités » qu’il prête au candidat : « Sarkozy, c’est le plus capable, il a les idées les plus
fortes. Il a les moyens de nous sortir de l’ornière. Il est volontaire, teigneux. C’est ce qu’il faut. » De la même manière, si cette électrice (femme, 77 ans, sans diplôme,
secrétaire médicale de son mari médecin et mère d’un fils « professeur de médecine à New York » tient-elle à préciser) vote Sarkozy, c’est parce qu’il est « honnête,
jeune, capable. Il aime la France. […] Il est très concerné par le bien du peuple. C’est le plus capable. » Une autre (femme, 70 ans, diplômée d’une école d’art, qui fut
secrétaire de son mari « administrateur de biens » et enseignante dans une « école de dessin ») a firme, pour expliquer son choix, qu’elle « n’aime pas Royal » que
« Bayrou la tente », mais « qu’elle croit plus en Sarkozy » parce que c’est « le plus dynamique ». On voit ici combien le registre de la croyance relative aux qualités
personnelles est important et semble dispenser d’invoquer enjeux, débats ou idées.

Ces raccourcis sont particulièrement fréquents chez les femmes, inactives, peu diplômées dont le statut social dépend de celui du mari. Ils expriment sans doute 20
dans ces cas des formes de dessaisissement chez les moins compétents des plus compétents, mais aussi la méfiance, voire la défiance, que ces électrices (souvent
âgées et marquées par la socialisation catholique) éprouvent à l’égard de la politique et de l’État. Ainsi, cette électrice de 80 ans, sans diplôme, fille d’industriel, qui
travailla comme secrétaire dans l’entreprise dirigée par son mari. Elle manifeste à de nombreuses reprises son faible intérêt pour la politique et, inséparablement,
une forme de dégoût pour l’espace du politique : rencontrer des élus locaux « ne l’intéresse pas du tout » ; de même a-t-elle « horreur des administrations ». Élevée
« chez les bonnes sœurs », elle a firme être catholique pratiquante « depuis toujours ». Elle a « horreur de lire le journal » et « sature de la campagne » qu’elle déclare
ne pas suivre du tout. Elle dit « voter toujours », mais précise : « Cela m’ennuie profondément, je le fais par devoir civique. » Pour autant, elle manifeste des opinions
particulièrement claires et cohérentes. Elle se classe à droite, a voté Chirac en 2002 et envisage « évidemment » de voter Sarkozy en 2007. Pourquoi ? : « Je n’ai
jamais été de gauche. Bayrou est mou. Sarkozy lui a le sens de l’avenir. » On perçoit ici que la force de l’identification à un camp politique (la droite), et surtout au
leader qui l’incarne, oriente fortement le jugement politique et dispense d’une certaine façon d’en savoir plus. C’est donc plutôt en s’en remettant à leurs
représentants, qu’en exprimant des opinions politiques en première personne, que les moins compétents des classes supérieures explicitent leurs choix politiques.
On saisit par ailleurs que les qualités personnelles du leader (« jeunesse », « dynamisme », « sens de l’avenir », etc.) constituent les principaux vecteurs de cet
attachement qui porte moins sur un parti que sur les personnalités qui l’incarnent. Or ce sont justement ces jugements privés (portant sur les qualités personnelles
d’individus singuliers) qui permettent de concilier des choix politiques très clairs avec une certaine aversion pour la politique.

La prééminence des relations privées

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Dans certaines situations, la raison du vote réside tout entière dans les qualités humaines prêtées au candidat : c’est le cas lorsque l’électeur a firme avoir rencontré 21
celui-ci. La connaissance privée des acteurs politiques locaux (maire, député), que permet l’appartenance au même monde, constitue une dimension ordinaire du
rapport au politique et aux politiques, chez les électeurs des « beaux quartiers ». Cela se confirme dans les entretiens. Plusieurs électeurs expriment la prégnance de
ces relations personnelles, comme cette électrice, âgée de 75 ans, qui n’a elle-même jamais travaillé, mais qui est veuve d’un o ficier « pilote de chasse » qui s’est
illustré « en défendant le pays », qui au cours de l’entretien explique que le maire est son « cousin », manière polie d’expliquer à l’intervieweur qu’il est un peu
déplacé de lui demander si elle connaît le nom du maire, et de manifester que ce test de compétence est mal adapté à la spécificité des relations entre ordre social et
ordre politique dans les « beaux quartiers »… De même, d’autres a firment qu’ils ont rencontré le maire ou des élus « à un tournoi de bridge » (femme, 81 ans, qui a
travaillé « dans la publicité », retraitée, veuve) ou, comme cette femme médecin, qu’elle « connaît bien des élus […] il y en a même que j’opère ». Mais ces connexions
entre monde privé et monde politique ne se limitent pas à l’espace local. Dans plusieurs cas, les électeurs interrogés disent connaître un candidat à la présidentielle
et l’avoir déjà rencontré, lui ou un de ses proches. La force de la relation privée l’emporte alors façonnant une image de proximité à la fois valorisante pour les
électeurs, mais exprimant aussi l’importance de l’appartenance commune au même univers social. C’est le cas de cette femme de 47 ans, chef d’entreprise, fille de
médecin, qui se classe à droite et envisage de voter Sarkozy parce que : « Je l’ai rencontré il y a longtemps : c’est le plus volontaire. On a besoin de rigueur et
d’ordre et il incarne cela, je l’ai vu. »

Le lien personnel, même indirect, est encore plus décisif pour cette autre électrice de 76 ans, titulaire du bac, mariée, mais devenue veuve jeune, qui a « dû 22
travailler » ensuite au CNPF (Confédération nationale du patronat français) dans le secteur « des relations internationales ». Si elle lit le journal (Le Figaro) tous les
jours, elle déclare s’intéresser peu à la campagne : elle ne peut répondre aux questions portant sur les enjeux qui lui paraissent importants ou sur ceux qu’elle
souhaiterait voir abordés dans les débats : « Je ne m’y suis pas vraiment intéressée encore […], je n’ai pas ré léchi à cela », s’excuse-t-elle. Elle ne se souvient d’ailleurs
pas pour qui elle a voté en 2002 et à propos de la dernière élection à laquelle elle se souvient avoir voté, elle hasarde : « les députés, non ? ». Si cette électrice est
faiblement politisée, ce qui semble paradoxal compte tenu de ce que fut son emploi au CNPF, elle se classe néanmoins « à droite » et a firme sans hésiter vouloir
voter Sarkozy en 2007. Les raisons qu’elle invoque illustrent parfaitement la façon dont l’interconnaissance et les relations d’ordre privé peuvent se substituer au
jugement politique ou constituer en elles-mêmes un jugement politique : « Les idées de Sarkozy me conviennent », dit-elle. « C’est un homme politique
remarquable », ajoute-t-elle admirative. Mais pour justifier ce jugement, elle explique : « J’ai travaillé avec son frère et c’était un homme charmant. Ce sont des gens
de bonne compagnie. Enfin, celui qui se présente je ne le connais pas, mais son frère est quelqu’un de très bien élevé. » Dans ce cas, l’interconnaissance vaut
attestation des qualités sociales du candidat, qui appartient à un milieu de gens « bien élevés » et de « bonne compagnie ». Il est di ficile d’exprimer plus clairement
comment, à travers ces impressions politiques, opère un système de goûts qui ordonne les préférences en fonction de la proximité sociale. En ce sens, on perçoit
que les « heuristiques de sympathie » décrites par la psychologie politique expriment moins une disposition psychologique singulière qu’une manifestation du sens
[31]
social de ses appartenances? .

Enfin, il faut souligner que la répulsion pour la gauche et sa candidate, S. Royal, fonctionne également comme un raccourci puissant, manifestant que le goût pour 23
les uns correspond naturellement au dégoût des autres. La candidature d’une femme semble d’une part gêner nombre de ces électeurs et électrices, qui raillent « les
bonnes femmes » (politiques ou journalistes mêlées) en politique. S. Royal constitue alors un véritable pôle d’identification négative en étant une femme de gauche.
Certains n’hésitent pas à dramatiser : « Je vote Sarkozy, parce que le pire qui pourrait arriver pour la France ce serait Royal » (homme, 72 ans, conseiller en
organisation d’entreprise, retraité). Dans certains cas, ce jugement prend la forme d’une violente aversion comme pour cette femme de 81 ans, fille d’o ficier, qui a
été « chef de publicité dans une agence » et dont le mari était professeur d’histoire dans une école de commerce. Si elle refuse de se classer à droite sur l’échelle
droite-gauche et dit plusieurs fois qu’elle n’est « pas du tout extrémiste », elle tient des propos très violents sur les candidats de gauche : « le facteur »
(O. Besancenot) et « la pou fiasse » (S. Royal). Dans les deux cas, elle juge que c’est « épouvantable […] ils sont épouvantables ces gens ». Elle revient sur la candidate
socialiste à plusieurs reprises pour a firmer éprouver une véritable « répulsion physique pour cette bonne femme ».

Éviter la confrontation et ignorer l’adversaire


Pourtant, les références à la candidate socialiste ou à son programme sont relativement rares dans ces entretiens. L’aversion que suscitent la gauche et ses 24
représentants semble si forte et si profondément ancrée qu’elle conduit à les ignorer presque complètement. Comme le note Paul Lazarsfeld l’un des mécanismes
assurant la consistance et la pérennité des opinions politiques est celui par lequel les « gens tendent à s’exposer aux arguments avec lesquels ils sont de toute façon
[32]
d’accord? . » En évitant la confrontation à des opinions dissidentes, en se protégeant des arguments de l’adversaire, les électeurs tentent ainsi d’assurer le
maintien de leur opinion jusqu’au jour du scrutin. De ce point de vue, la campagne est loin d’être sans e fets et sans risques. Elle constitue même une sorte
d’épreuve que doivent traverser les électeurs, même (et peut-être surtout ?) les convaincus, pour maintenir leur jugement et ne pas céder à la tentation du doute ou
de la remise en cause de leurs choix passés. Cette résistance n’est pas que passive, elle implique un engagement actif pour éviter d’entrer en contact avec les
[33]
opinions des adversaires, pour ne pas entendre ou prendre au sérieux leurs arguments et pour se protéger des occasions de douter, bref pour éviter la politique? .

Ces stratégies d’évitement se manifestent de di férentes façons dans les entretiens. Il y avait en fait peu de questions dans les questionnaires portant directement 25
sur les candidats de gauche (nous avions choisi de laisser le plus de liberté aux répondants dans l’expression de leurs jugements). La question « piège » (cf. supra) à
[34]
propos de l’interversion entre N. Sarkozy, S. Royal et les débats participatifs organisés par « Désirs d’avenir?  » était aussi une occasion de questionner les
répondants directement sur S. Royal. Les réactions à cette question sont significatives : presque tous les répondants refusent de répondre sur ce point. Or ces refus
prennent un sens particulier. Ils manifestent souvent le désintérêt, voire l’hostilité pour les déclarations ou les propositions de la candidate socialiste. Ces « ne sait
pas » sont ainsi fréquemment accompagnés de commentaires : « C’est son problème » ; « De toute façon, je ne suis pas d’accord avec ses idées » ; « J’aime pas » ; « Ça
m’intéresse pas du tout », « Je ne participe pas aux ébats participatifs » (ce dernier trait d’humour raillant aussi le genre de la candidate, voire introduisant une
pointe d’ironie obscène sur l’incongruité pour une femme de s’exposer ainsi dans l’espace public). Ces commentaires disent que si les électeurs ne savent pas, c’est
qu’ils n’ont guère envie de savoir ce que fait ou dit la candidate socialiste. Ils expriment l’étrangeté qu’il y a à leur demander de produire une opinion sur elle, voire à
juger ce qui serait bon pour sa campagne (aurait-elle dû organiser ces débats ?).

D’autres indices manifestent dans les entretiens ces stratégies d’évitement qui conduisent à ignorer l’adversaire. C’est notamment le cas de cette électrice de 45 ans, 26
médecin-chirurgien, qui en réponse à la question : « est-ce que vous suivez des émissions politiques à la télévision ou à la radio et quels invités avez-vous
récemment entendus ? » a firme : « Bayrou, Sarkozy, Panafieu et des élus de gauche dont je me fous complètement et dont je n’ai pas retenu les noms. » Dans
d’autres cas, c’est le refus de discuter avec des électeurs de gauche qui exprime cela. Ainsi cette électrice (73 ans, n’ayant jamais travaillé, femme d’industriel, fille
d’industriel) qui a firme qu’on n’essaye jamais de la convaincre : « Oh, ils connaissent mes idées et ils savent que ce n’est pas la peine d’en parler. » De même, les
médias sont dénoncés pour l’in luence néfaste qu’ils pourraient exercer : « Les médias, ils parlent de ce qu’ils veulent, mais moi je me fais mon idée à moi […] je
n’aime pas subir l’in luence de médias, j’ai mon idée et on ne m’en fera pas changer » (femme, 70 ans, n’ayant jamais travaillé, dont le mari était « administrateur de
société »). De même cette électrice (femme, 78 ans, « secrétaire de direction » retraitée, fille d’o ficier, veuve, mais vivant avec un cadre retraité) qui a firme, à
propos des enjeux de la campagne : « Je sais que j’ai mes idées, donc je ne suis pas vraiment attentive à la campagne. » La lassitude exprimée à l’égard de la
campagne manifeste d’ailleurs combien la période pré-électorale implique des e forts de la part de ces électeurs convaincus. C’est notamment ce qu’illustre cette
électrice (femme, 80 ans, fille d’industriel, secrétaire dans l’entreprise de son mari, retraitée) qui en préambule au questionnaire, alors que nous lui en exposons le

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sujet et les objectifs, s’exclame : « Oh là là, la campagne ! J’en ai assez, je ne veux plus en entendre parler. » Elle reprend un peu plus loin dans le questionnaire : « La
campagne : on en a marre, je sature. » Elle finit par expliquer : « Vous savez, lorsqu’on sait depuis longtemps pour qui on va voter, la campagne ça sert à rien et on
en a marre ! »

De ce point de vue, la propension à recourir à des raccourcis pour justifier son vote re lète tant la relativement faible compétence technique de ces électeurs, que 27
l’étrangeté qu’ils ressentent à devoir justifier et expliquer publiquement des choix qui habituellement vont de soi, c’est-à-dire se dispensent de justifications et de
[35]
discours. Cette incongruité du questionnaire politique appliqué à des pratiques qui vont sans dire n’est d’ailleurs pas spécifique aux classes supérieures? . Sa
prégnance ici manifeste cependant que c’est peut-être plus que dans d’autres groupes dans la logique d’un conformisme communautaire que s’enracinent leurs
opinions politiques.

La production communautaire des opinions


C’est donc moins dans l’usage libre de la raison que dans la force de l’ancrage communautaire que réside finalement la force des identifications politiques de ces 28
électeurs. Loin de l’individualisme qu’ils a fichent parfois, leurs préférences expriment surtout l’in luence des groupes sociaux primaires (la famille notamment) et
une forte inclinaison au conformisme en leur sein. En ce sens, il s’agit bien d’un vote de classe, même si celui-ci ne s’exprime que rarement comme tel. Il y a bien un
« nous » qui désigne la famille, le réseau amical, les gens comme « nous », mais qui contourne toujours la référence au politique, au parti, à l’idéologie, et aux
clivages sociaux. Très rares sont ainsi ceux qui évoquent ne serait-ce que le nom d’un parti (moins de 5 cas sur 40 dans les entretiens). Les termes de bourgeoisie, de
bourgeois et, évidemment, de classe sociale, sont bannis. Un peu comme si, à la di férence de la classe ouvrière, l’une des conditions d’existence de la bourgeoisie
[36]
était de ne pas se donner à voir comme un groupe politiquement mobilisé, de rester « ni vue, ni connue?  ».

Si elles sont peu explicitement articulées à des enjeux abstraits ou à des références aux luttes partisanes, les préférences politiques s’inscrivent alors dans le 29
prolongement naturel de l’identité sociale. Elles re lètent plus précisément l’insertion dans des groupes primaires et des réseaux sociaux structurants. En ce sens,
peu de chose distingue ces électeurs de la description faite par P. Lazarsfeld et son équipe de l’électeur américain de 1940 : « Tandis que les individus se préservent
en restant à l’écart de la propagande qui menacerait leurs préférences, ils trouvent ces préférences renforcées par leurs contacts avec d’autres membres du
[37]
groupe? . »

Ainsi cette femme de 60 ans, fille d’industriel, divorcée, qui n’a jamais travaillé, mais dont le mari « était dans les a faires ». Elle semble très bien insérée dans le 30
quartier : ses enfants et ses amis vivent « tous » dans le 16e où elle habite « depuis sa naissance », elle se rend souvent à la mairie « à l’invitation du maire » pour des
manifestations culturelles et dit connaître personnellement « beaucoup d’élus locaux ». Politiquement, elle se classe « plutôt à droite », dit avoir voté Chirac en 2002
et votera Sarkozy en 2007. Si elle suit la campagne et s’informe (elle regarde les émissions politiques à la télévision, lit Le Figaro « souvent » et Le Point), elle ne se
déclare cependant « qu’assez intéressée » par la politique, a firmant : « De toute façon, ça ne changera rien. » Lorsqu’on lui demande si elle a croisé des militants
durant la campagne, elle a firme de façon ambiguë : « Je n’ai jamais vu de militant dans le 16e », jouant sur l’ambiguïté du « jamais » (durant la campagne, durant sa
vie entière ?) et soulignant une sorte d’allergie naturelle au militantisme. Lorsqu’on l’interroge sur ses discussions politiques elle dit « parler souvent de la
campagne », avec ses amies, mais précise aussitôt : « On est toutes d’accord, alors ça va vite » et « mes enfants aussi ». Elle exclut d’ailleurs d’essayer de convaincre
quelqu’un ajoutant : « À chacun ses opinions » (c’est-à-dire : à quoi bon en parler ou essayer de convaincre ?). Le consensus qui règne au sein des réseaux de
sociabilité de ces électeurs semble rendre les discussions politiques super lues : puisqu’elles sont tout-e-s d’accord, pourquoi parler de politique (en tout cas,
pourquoi en parler explicitement) ?

Le cas de cette autre électrice manifeste parfaitement comment l’évitement du politique et la force des identifications sociales se conjuguent : âgée de 70 ans, 31
titulaire d’une maîtrise de droit(e) (elle fait le lapsus en entretien) et cadre du public, elle est également parfaitement insérée dans le quartier : elle habite
l’arrondissement depuis 30 ans et elle en vante les charmes en soulignant l’importance des liens interpersonnels : « C’est comme un village, tout le monde se
connaît. » Elle a firme se rendre souvent à la mairie pour assister à des conférences, expositions, et connaître le maire personnellement. Elle suit la campagne et
s’informe (télévision, lecture du Figaro et du Monde « tous les jours ») et déclare s’intéresser « beaucoup » à la politique. Elle se situe à droite, a voté Chirac en 2002 et
a fiche son intention de soutenir N. Sarkozy. Elle n’a cependant aucune remarque à faire sur la campagne ou sur les enjeux. Elle a firme que « bien sûr » elle parle
souvent de l’élection avec ses proches (ses amis, sa famille), mais nuance « vous savez on est tous du même avis, alors… ». De même, elle déclare que personne n’a
essayé de la « convaincre » de voter pour un candidat parce que « les personnes avec qui je parle sont toutes d’accord avec moi ». Elle refuse enfin de répondre à la
question du vote FN en a firmant : « J’ai jamais voté pour eux, mais chacun a ses idées, je suis tolérante », manière de rappeler qu’à ses yeux les choix politiques sont
comme les goûts, ils ne se discutent pas.

Si l’insertion dans le quartier et l’appartenance à des réseaux amicaux structurés comptent, c’est aussi, et sans doute surtout, au sein du cercle restreint de la 32
famille, que se forgent et s’entretiennent les préférences politiques. Ce faisant, c’est bien dans l’espace de l’intime, du privé que semble se loger une politique à
l’inverse perçue comme dangereuse et menaçante lorsqu’elle s’exprime dans l’espace public. À l’image de cette électrice (femme, 83 ans, n’ayant jamais travaillé,
femme de chirurgien, fille d’un industriel, qui a firme « lire Le Figaro évidemment tous les jours, depuis l’âge de 19 ans. Je suis fidèle monsieur »), qui explique que
son quartier est certes « plutôt de droite », mais qu’il y a néanmoins « des socialos », dont elle précise immédiatement « Je ne les fréquente pas ! » Cette méfiance
concerne d’ailleurs les militants en général : « Je ne fréquente pas ces gens-là », répète-t-elle sèchement, sans prendre la peine d’expliquer pourquoi, comme si le
simple fait pour l’intervieweur de le supposer était déjà déplacé. C’est à l’inverse à l’entre soi élitiste de la famille qu’elle dit réserver l’essentiel de ses échanges sur la
politique : elle a firme ainsi parler parfois de politique avec ses fils, « dont l’un est de droite et l’autre de gauche » (ils ont 61 et 62 ans). Elle précise qu’elle apprécie en
particulier les échanges avec l’un d’eux qui « est polytechnicien et a un QI de 150 », précise-t-elle. On le voit, la conversation politique ne semble pour elle possible
qu’à une double condition : au sein de l’entre soi le plus protégé (la famille) ; et dans un cadre élitiste, dans lequel la hauteur de la ré lexion semble garantie par les
qualités et la supériorité intellectuelle des locuteurs (le QI du fils)… D’ailleurs elle a firme ne jamais essayer de convaincre personne : « C’est très intime ces choses-
là », dit-elle pudiquement pour expliquer sa réserve à en parler.

Si la famille compte, le couple constitue un cadre central de production et d’entretien des opinions. Comme en témoigne le cas de cette électrice âgée de 76 ans, fille 33
d’industriel et épouse… d’un industriel, qui n’a elle-même jamais travaillé. Installée depuis « plus de 35 ans » dans l’arrondissement, elle y entretient un réseau dense
de relations amicales et familiales (« mes belles-sœurs, mes nièces y habitent »). Elle fréquente les activités culturelles de la mairie et dit bien connaître des élus
(dont l’un des députés de l’arrondissement). Abonnée au Figaro qu’elle a « tous les matins à cinq heures sur le paillasson, comme ça c’est simple », elle semble
intéressée par la campagne et dit suivre les débats politiques à la télévision : « On a vu tout le monde, sauf Madame Royal qui ne nous intéresse pas. » Dès le début
de l’entretien, elle a firme et a fiche des convictions politiques très arrêtées. « Oh, vous savez, je vais vous dire tout de suite que je voterai Sarkozy et certainement
pas Royal… Comme tout le monde autour de moi. » Cette référence au groupe est le leitmotiv de l’entretien tout comme l’étonnant usage du « nous » par lequel elle
semble faire parler le groupe tout entier de ses proches. Si elle ne fait aucun commentaire sur la campagne, les enjeux, les programmes, elle déclare pourtant
discuter souvent de politique, précisant : « Autour de nous, tout le monde pense pareil ; tout le monde vote la même chose. » Ces convictions fortement arrimées
n’impliquent cependant pas un intérêt pour la politique particulièrement fort. Certes, elle dit que la campagne l’intéresse « beaucoup », mais lorsqu’on lui demande
à quelle élection elle a voté pour la dernière fois, elle ne sait pas répondre. Elle précise : « Vous savez moi j’y connais rien… », manifestant de façon surprenante une
incompétence dissonante avec le reste de l’entretien. À la fin du questionnaire, cette ambiguïté se dissipe. Lorsqu’on lui propose de faire un entretien à son domicile
un peu plus tard dans la campagne, elle accepte, mais seulement si c’est son mari qui répond. « Lui s’intéresse beaucoup à la politique. Moi je lui demande et je

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suis. » S’éclaire alors l’usage récurrent du « nous » qui revêt en e fet essentiellement un sens matrimonial (elle parle pour elle et son conjoint) et ce mélange de
conviction et d’incompétence : c’est à son conjoint qu’elle s’en remet s’agissant de la politique exprimant ainsi une conception très classique de la division des rôles
[38]
au sein du couple (le mari décide et elle « suit »). À l’instar de Florence Haegel qui souligne l’importance d’une « véritable matrice conjugale de l’adhésion?  » à
l’UMP, force est également de constater l’importance d’une telle « matrice conjugale » dans la construction des opinions de ces électeurs des « beaux quartiers ».

Un autre entretien réalisé avec un homme (72 ans) cette fois, confirme l’importance du rôle de « père de famille » dans la définition des préférences politiques. Cet 34
ingénieur « de grande école », précise-t-il, fils d’un « ingénieur de grande école », reprécise-t-il, manifeste d’abord un excellent exemple de la manière dont les
électeurs de l’arrondissement peuvent se penser comme des individus uniques et di férents de la masse des électeurs. À la fin de l’entretien, il revient longuement
sur son cas a firmant qu’il a bien « conscience du fait qu’il n’est pas très caractéristique de l’électeur moyen », notamment parce qu’il se préoccupe lui « des sujets
économiques clefs » et que ce questionnaire sera sans doute peu utile, car il n’est pas « dans la généralité ». Cependant, il manifeste ensuite un excellent exemple de
l’importance de l’insertion sociale des électeurs dans des milieux sociaux homogènes et structurés. D’abord, il déclare ne pas être inscrit dans le 16e, mais dans sa
résidence secondaire « en province » parce qu’il préfère, « c’est plus sympa tout le monde se connaît ». Un peu plus loin dans l’entretien, il précise qu’« en province
on fréquente des gens UMP ». Le « on » renvoie là encore à son couple (ses enfants adultes ne vivent plus avec eux). Il précise à plusieurs reprises que s’il aime
discuter politique, il a peu l’occasion de convaincre ou d’être convaincu : « Les gens que nous fréquentons pensent comme nous. » À la fin à propos de ses intentions
de vote, il a firme : « Dans la famille, je pense qu’on restera sur Sarkozy. Ceci dit pourquoi pas Bayrou, même s’il pèse pas des masses. » Cette manière de s’exprimer
pour la famille, d’employer le « on » et de ne jamais évoquer son épouse ou ses opinions, manifeste le paradoxe de cet électeur qui conjugue à la fois un
individualisme exacerbé (qu’illustre sa façon de souligner son atypisme) et une conception collective, conjugale, voire familiale, du vote. Mais cet exemple re lète
surtout la division genrée du rapport au politique qui conduit les femmes à s’en remettre à leur mari en ce qui concerne les raisons du vote.

Loin de correspondre au portrait de l’électeur raisonnant et susceptible de produire des opinions en nom propre, les habitants des « beaux quartiers » que nous 35
avons interrogés se révèlent bien ordinaires : raisonnant par raccourcis, s’en remettant à leurs représentants, évitant la confrontation aux arguments de
l’adversaire, ils formulent leurs jugements politiques à l’aune de leurs expériences ordinaires, même si ces expériences sont parfois bien peu ordinaires –
 notamment la fréquentation des élus que permet l’interconnexion des mondes sociaux et politiques dans les « beaux quartiers ». Enfin, et surtout, c’est surtout
dans la sphère privée que les questions politiques sont abordées. Un peu comme si l’espace public constituait un lieu à risque, trop exposé aux regards pour être
politiquement investi par ces électeurs qui cultivent les charmes de l’entre soi. Ceci illustre une réticence particulière à recourir aux catégories publiques du jeu
politique pour s’identifier ou pour décrire leurs choix. Si la di férence de genre est sans doute ici fondamentale, favorisant chez les femmes inactives et âgées un
[39]
repli sur l’entre soi du foyer, elle n’est pas le seul facteur en cause. Nous avons ainsi pu montrer ailleurs? que loin de constituer un registre naturel les mots de la
politique semblent être à leurs yeux inconvenants pour dire leurs préférences politiques, révélant un rapport ambigu, fait d’adhésion et de distance critique, à
l’égard du jeu politique. Cette méfiance manifeste sans doute l’un des e fets paradoxaux de la conscience de classe de ces fractions les plus mobilisées des catégories
[40]
supérieures?  : l’identification socio-politique semble si évidente et prégnante (être un « bourgeois » du « 16e » c’est être « de droite ») qu’elle permet justement de
faire l’économie de la référence à la politique ; référence qui n’est donc pas universellement légitime ou valorisée, mais qui peut aussi être connotée négativement
comme coûteuse, évocatrice de divisions, de con lits, etc. De ce point de vue, et cet enseignement dépasse le seul cas des électeurs des « beaux quartiers », la
centralité du politique qui constitue pourtant un implicite de notre conception savante de la politisation est peut-être moins généralisée que nous le croyons : il
n’est pas dans tous les groupes sociaux légitimes de parler publiquement de politique, d’expliciter son vote, de revendiquer une appartenance ou un engagement. Le
rapport compétent au politique et la production d’opinions informées en première personne ne constituent sans doute pas le seul modèle d’appréhension du
[41]
politique, même dans les classes supérieures? . C’est en définitive peut-être en rompant avec cette vision légitimiste du politique et des classes supérieures qu’on
se donnerait pleinement les moyens d’analyser cet apolitisme politisé qui semble constituer l’un des ressorts de leur mobilisation dans la France contemporaine.

Notes

Michelat (G.), Simon (M.), Classe religion et comportement politique, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1977.

Pour deux illustrations récentes de cet intérêt, cf. Braconnier (C.), Dormagen (J.-Y.), La démocratie de l’abstention, Paris, Gallimard, 2007 ; Gougou (F.), Comprendre les mutations
du vote des ouvriers. Vote de classe, transformation des clivages et changement électoral en France et en Allemagne depuis 1945, thèse pour le doctorat de science politique, IEP de Paris,
2012.

Lamont (M.), La morale et l’argent. Les valeurs des cadres en France et aux États-Unis, Paris, Métailié, 1995 ; Bou fartigue (P.), Les cadres. La fin d’une figure sociale, Paris, La Découverte,
2001.

Cf. Denord (F.), Lagneau-Ymonet (P.) Thine (S.), « Le champ du pouvoir en France », Actes de la recherche en sciences sociales, 190, 2011 ; Tissot (S.), De bons voisins. Enquête dans un
quartier de la bourgeoisie progressiste, Paris, Raisons d’Agir, 2011 ; Wagner (A.-C.), Les nouvelles élites de la mondialisation. Une immigration dorée en France, Paris, Presses universitaires
de France, 1998.

On trouvera une bonne synthèse de leur travail dans Pinçon (M.), Pinçon-Charlot (M.), Sociologie de la bourgeoisie, Paris, La Découverte, 2007.

Cette recherche a été menée dans le cadre de l’enquête PAECE (Pour une analyse écologique des comportements électoraux), coordonnée par J.-Y. Dormagen et financée par
l’ANR. Une partie des résultats (ceux portant sur les municipales de 2008) ont été publiés dans Agrikoliansky (É.), Heurtaux (J.), Le Grignou (B.), dir., Paris en campagne. Les
élections municipales de mars 2008 dans deux arrondissements parisiens, Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, 2011. Cependant, cet article reprend pour l’essentiel les
conclusions d’une HDR soutenue en février 2013 : Agrikoliansky (É.), Du côté des classes supérieures : politisation et engagements des classes supérieures dans la France contemporaine,
mémoire pour l’habilitation à diriger des recherches, Université Paris Dauphine-PSL, 2013.

Pinçon (M.), Pinçon-Charlot (M.), Les ghettos du Gotha, Paris, Le Seuil, 2007.

À l’image des « cadres plus cadres que d’autres » qu’analyse L. Boltanski, ces électeurs des « beaux quartiers » semblent plus bourgeois que d’autres, incarnant un idéal-type de
la fraction des classes supérieures caractérisée par un fort capital économique, par le statut d’indépendant, par la référence à la religion catholique et le soutien électoral aux
partis de droite. Cf. Boltanski (L.), Les cadres. La formation d’un groupe social, Paris, Éditions de Minuit, 1982.

Pinçon (M.), Pinçon-Charlot (M.), Sociologie de la bourgeoisie, op. cit.

Pinçon (M.), Pinçon-Charlot (M.), Les ghettos du Gotha, op. cit.

Dans le 16e arrondissement, N. Sarkozy recueille ainsi 64 % des voix au premier tour – jusqu’à 72 % dans certains bureaux, dont le bureau de vote n° 1 que nous avions plus
particulièrement choisi d’étudier. Les députés et le maire d’arrondissement sont d’ailleurs le plus souvent élus au premier tour dans le 16e arrondissement (ce qui fut le cas
en 2007 et 2008) et appartiennent toujours aux partis de droite.

Gaxie (D.), Le cens caché. Inégalités culturelles et ségrégation politique, Paris, Le Seuil, 1978.

Sur cette modalité propre aux classes supérieures de formation de l’opinion politique, cf. Bourdieu (P.), La distinction, Paris, Éditions de Minuit, 1979.

C’est en e fet une image curieusement proche d’un tel rapport « hors du commun » au politique qui semble dominer ce que ces électeurs disent de leur propre rôle de citoyen.
Nous avons ainsi pu montrer ailleurs comment ces électeurs des « beaux quartiers » mettaient en scène la nature hors de l’ordinaire de leur rapport au politique, notamment
en déplorant les simplifications inhérentes à la lutte électorale, et en manifestant méfiance et défiance à l’égard du conformisme impliqué, à leurs yeux, par la discipline
partisane. Cf. Agrikoliansky (É.), « Logiques de l’oblique. Les rapports ordinaires au politique des “bourgeois” des beaux quartiers parisiens », in Buton (F.), Lehingue (P.),
Mariot (N.), Rozier (S.), dir., Les rapports ordinaires au politique. Enjeux théoriques et méthodologiques, Paris, PUF-CURAPP, 2014.

Pour une critique de ce rapport légitimiste aux « classes dominantes », cf. Grignon (C.), Passeron (J.-C.), Le savant et le populaire. Misérabilisme et populisme en sociologie et en
littérature, Paris, EHESS/Gallimard/Le Seuil, 1989.

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8/2/2019 La politisation ordinaire d'une population extra-ordinaire : les électeurs des « beaux quartiers » en campagne électorale (2006-2008) |…
Dès les années 1960 les recherches menées aux États-Unis à l’université de Michigan ont ainsi montré que, contrairement à l’idéal démocratique d’un citoyen éclairé, la plupart
des électeurs avaient un niveau de connaissance très faible de l’univers politique, de ses protagonistes et de ses principes de classement. Cf. Converse (P.), « The Nature of
Belief Systems in Mass Publics » in Apter (D.), ed., Ideology and Discontent, New York, Free Press, 1964 ; Campbell (A.), Converse (P.), Miller (W. E.), Stokes (D.), The American
Voter, Chicago, University of Chicago Press, 1960.

Gaxie (D.), Le cens caché, op. cit., p. 109.

Cf. Gaxie (D.), Le cens caché, op cit. ; Bourdieu (P.), « Culture et politique », in Questions de sociologie, Paris, Éditions de Minuit, 1980.

Si l’interviewé relevait l’erreur, l’enquêteur avait pour consigne de corriger : « Excusez-moi, je suis fatigué, je voulais évidemment dire S. Royal et non N. Sarkozy ». Si
l’interviewé ne corrigeait pas, l’enquêteur avait alors pour consigne de poursuivre : « Pensez-vous que S. Royal aurait également dû organiser des débats participatifs ? »

C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avions prévu de ne poser cette question qu’à une fraction des personnes interrogées, tirées au sort, pensant qu’elle risquait de
décrédibiliser l’intervieweur et de compromettre dans bien des cas la poursuite de l’entretien.

Sur ce point, cf. Grunberg (G.), Mayer (N.), Sniderman (P. M.), dir., La démocratie à l’épreuve. Une nouvelle approche de l’opinion des Français, Paris, Presses de Sciences Po, 2002.

Sur les nombreux débats suscités par la mesure de la compétence politique, cf. Lehingue (P.), Le vote, Paris, La Découverte, 2011, p. 207 et s. ; Blondiaux (L.), « Faut-il se
débarrasser de la notion de compétence politique ? », Revue française de science politique, 57 (6), 2007.

Lupia (A.), McCubbins (M. D.), The Democratic Dilemma, Cambridge, Cambridge University Press, 1998.

C’est l’un des résultats de l’enquête menée par Pierre Favre et Michel O ferlé sur les compétences des étudiants : ce sont ceux qui sont les plus proches de l’institution scolaire
(notamment parce que leurs parents enseignent) qui obtiennent les meilleurs résultats. Cf. Favre (P.), O ferlé (M.), « Connaissances politiques, compétences politiques ?
Enquête sur les performances cognitives des étudiants français », Revue française de science politique, 52 (2/3), 2002.

Sur l’utilité de s’intéresser à la compétence, et sur les dispositifs empiriques permettant de mieux l’appréhender, cf. Lehingue (P.), « Faut-il des compétences spécifiques pour
s’exprimer sur l’Europe ? », in Gaxie (D.), Hubé (N.), de Lassalle (M.), Rowell (J.), dir., L’Europe des Européens, Paris, Economica, 2011.

Sur cette assignation statutaire et sur l’e fet « noblesse oblige », cf. Bourdieu (P.), « Culture et politique », op. cit.

Dans la sélection que nous avons opérée pour constituer le corpus étudié ici (qui ne comprend que 41 entretiens), nous avons retenu comme principal critère la durée de
l’entretien et la précision de la retranscription : certains échanges téléphoniques ont été enregistrés, d’autres, les plus nombreux, on fait l’objet d’une prise de notes précise et
détaillée de la part de l’intervieweur que nous utiliserons ici. Pour d’autres en revanche on ne dispose que de peu de notes, ce qui limite l’intérêt du cas. Nous avons également
retenu comme critère la typicité sociale des interviewés : nous avons ainsi écarté quelques entretiens avec des employé-e-s de maison qui sortaient du cadre de nos
interrogations.

Gaxie (D.), « Appréhensions du politique et mobilisation des expériences sociales », Revue française de science politique, 52 (2-3), 2002, p. 173.

Cf. notamment, Popkin (S. L.), The Reasonning Voter, Chicago, Chicago University Press, 1991 ; Lupia (A.), McCubbins (M. D.), Popkin (S. L.), eds, Elements of Reason. Cognition,
Choice, and the Bounds of Rationality, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.

Sur les « e fets d’auditoire », cf. Aldrin (P.), de Lassalle (M.), « Façon de parler d’Europe », in Gaxie (D.), Hubé (N.), de Lassalle (M.), Rowell (J.), L’Europe des Européens, op. cit.

Pour une discussion critique des apports de la psychologie cognitive à la compréhension des raisonnements électoraux, cf. Gaxie (D.), « Cognitions, auto-habilitation et
pouvoir des citoyens », Revue française de science politique, 57 (6), 2007.

Il ajoute : « Le stéréotype de l’électeur impartial soupesant les arguments des di férents partis est simplement un […] mythe politique. » Cf. Lazarsfeld (P.), « The Election is
over », Public opinion quarterly, Fall, 1944, p. 324.

Pour une ré lexion systématique sur les conditions et les modalités de l’évitement du politique dans l’espace public américain, cf. Eliasoph (N.), L’évitement du politique, Paris,
Economica, 2010 [1re éd. en anglais 1998].

Rappelons que nous avions demandé à certains répondants (environ un sur deux) s’ils avaient « entendu parler » des débats participatifs organisés par N. Sarkozy et son club
« Désirs d’avenir » ; puis, s’ils considéraient que S. Royal devrait, elle aussi, organiser de tels débats.

Comme le suggère notamment Mariot (N.), « Pourquoi n’existe-t-il pas d’ethnographie de la citoyenneté ? », Politix, 92, 2012.

Le Wita (B.), Ni vue, ni connue. Approche ethnographique de la culture bourgeoise, Paris, Éditions de la MSH, 1988.

Lazarsfeld (P. F.), Berelson (B.), Gaudet (H.), The People’s Choice: How the Voter Makes Up is Mind in a Presidential Campaign, New York, Columbia University Press, 1944, préface à
la seconde édition, p. xx.

Haegel (F.), « La mobilisation partisane de droite », Revue française de science politique, 59 (1), 2009, p. 17.

Cf. Agrikoliansky (É.), « Bourgeois contre bohèmes. Transformations sociales et clivages politiques dans deux arrondissements parisiens », in Agrikoliansky (É.), Heurtaux (J.),
Le Grignou (B.), dir., Paris en campagne…, op. cit. et Agrikoliansky (É.), « Logiques de l’oblique. Les rapports ordinaires au politique des “bourgeois” des beaux quartiers
parisiens », art. cit.

Dans les années 1970, G. Michelat et M. Simon avaient pu mettre en évidence une telle méfiance de certaines fractions des classes supérieures à l’égard de la politique, mais qui
caractérisait plutôt le monde rural et qui était corrélée tant à la valorisation de l’indépendance qu’à la pratique religieuse. Cf. Michelat (G.), Simon (M.), Classe, religion et
comportement politique, op. cit., p. 96 et s.

Pour une invitation similaire à considérer la diversité des rapports au politique, dont la compétence ne constitue pas le seul étalon, cf. de Lassalle (M.), Voix et voie de la politique.
Pour une sociologie des rapports socio-individualisés à la politique et des transformations du capital culturel, mémoire d’habilitation à diriger des recherches, Université de Nantes, 2013.

Résumé

À partir d’une série d’enquêtes menées entre 2006 et 2008 dans le 16e arrondissement de Paris, cet article s’intéresse aux comportements politiques des fractions
des classes supérieures caractérisées par l’importance du capital économique, le statut d’indépendant et la pratique de la religion. Il s’agit en particulier de tester
l’hypothèse d’une forte politisation de cette bourgeoisie, fondée sur un haut degré de sophistication politique. Les résultats de ces enquêtes montrent qu’une telle
hypothèse mérite d’être nuancée. D’abord parce que la compétence que l’on postule chez ces électeurs est souvent bien plus faible en pratique qu’ils ne le
revendiquent en théorie. Ensuite, parce que loin de posséder des capacités hors de l’ordinaire, ils raisonnent, comme les autres, à l’aide de raccourcis et de
simplifications. Évitant le débat politique plutôt qu’ils ne le recherchent, ils se révèlent particulièrement sensibles aux logiques collectives qui sont au principe de la
production des opinions, pour eux comme pour les autres.

English abstract on Cairn International Edition

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Plan
Compétence et politique dans les « beaux quartiers »

La politique c’est la classe ? Les rapports ordinaires au politique entre individualisme et conformisme dans les « beaux quartiers »

La politique en raccourcis
La prééminence des relations privées
Éviter la confrontation et ignorer l’adversaire
La production communautaire des opinions

Auteur
Éric Agrikoliansky

Éric AGRIKOLIANSKY est maître de conférences à l’Université Paris Dauphine-PSL et mène ses recherches dans le cadre de l’IRISSO (UMR 7170). Ses travaux portent sur la sociologie des
mouvements sociaux et du militantisme, l’étude des comportements électoraux et de la politisation. Il s’intéresse en particulier aux comportements politiques des classes supérieures.

eric.agrikoliansky@dauphine.fr

Mis en ligne sur Cairn.info le 05/12/2014


https://doi.org/10.3917/pox.106.0135

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Pour citer cet article

Agrikoliansky Éric, « La politisation ordinaire d'une population extra-ordinaire : les électeurs des « beaux quartiers » en campagne électorale (2006-2008) »,
Politix, 2014/2 (N° 106), p. 135-157. DOI : 10.3917/pox.106.0135. URL : https://www.cairn.info/revue-politix-2014-2-page-135.htm

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