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Abstract
Role and meaning of numbers in Daoist cosmology and alchemy
Isabelle Robinet supplies the reader with a considerable amount of data concerning the use of numbers in texts from the Dao
zang. She shows how the numbers were used symbolically and demonstrates how arithmetical operations (representation as a
sum or a product of several addends or factors) allowed numbers to connect ritual and alchemical practices with Daoist
cosmology in its temporal and spatial aspects.
Résumé
L'auteur fournit d'abondantes données sur l'usage des nombres dans les textes du Daozang. Elle montre comment les nombres
furent utilisés symboliquement et met en évidence comment les opérations arithmétiques (représentation comme somme ou
comme produit de plusieurs termes) ont permis d'articuler, via les nombres, les pratiques rituelles et alchimiques avec la
cosmologie taoïste dans ses aspects temporels aussi bien que spatiaux.
Robinet Isabelle. Le rôle et le sens des nombres dans la cosmologie et l'alchimie taoïstes. In: Extrême-Orient, Extrême-
Occident, 1994, n°16. Sous les nombres, le monde : Matériaux pour l'histoire culturelle du nombre en Chine ancienne. pp. 93-
120.
doi : 10.3406/oroc.1994.993
http://www.persee.fr/doc/oroc_0754-5010_1994_num_16_16_993
Isabelle Robinet
Introduction
Selon certains auteurs, ce sont les nombres qui ont précédé les
« images » xiang, selon d'autres, c'est l'inverse. Mais images et
nombres sont dans les deux cas également considérés comme
primordiaux. Leur apparition précède celles des idées ou concepts, des noms
et des formes des choses 7. La phrase du Zuozhuan (ca. fin IVe s. av. J.-
C, date incertaine) selon laquelle il y eut d'abord les « images », liées
à la divination par la tortue, qui en se multipliant donnèrent les nombres,
liés à l'achillée 8, est prise en compte très souvent par les auteurs
taoïstes (ex. DZ 724.2.6b; 1000.3.14a)9. L'utilisation des nombres
pour figurer le monde en ses différents aspects et répartitions est une
caractéristique fondamentale de la science des xiangshu (« des images
et des nombres ») qui est intimement liée à l'exégèse du Yijing, dont
on sait combien les taoïstes ont hérité. La manipulation arithmétique
des nombres était en effet destinée à rendre compte de la structure des
situations et de leurs changements, et par là à rendre le monde
compréhensible, la connaissance de la structure numérique des nombres
devant entraîner une plus grande compréhension de celui-ci. C'est dans
la ligne de cette tradition que se situent les taoïstes à cet égard.
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Pour les Chinois et en particulier pour les taoïstes, les nombres sont
producteurs du monde. Ainsi, un commentateur taoïste du 14e siècle
déclare que « le Ciel et la Terre circulent et opèrent par les nombres ;
les dix mille êtres naissent par les nombres ; les nombres sont le
mouvement et le repos du yin et du yang dans le Taiji » (DZ 103. 1 .13a).
Pour Yuanyang zi, les nombres sont des esprits (DZ 238.10a). Pour le
Hunyuan bajing zhenjing (DZ 660.1.1a), c'est lorsque les nombres du
Feu et de l'Eau furent « complets (manzu) » qu'ils commencèrent « à
se nouer en chaos » et « qu'émergea le Souffle un du cosmos » (on
voit qu'ils précèdent ici l'Unité elle-même), lorsque les nombres du
yin et du yang ainsi que du soleil et de la lune furent complets, que
naquirent les étoiles et les repères sidéraux (1.1b), lorsque les nombres
des révolutions du yin et du yang ainsi que des Cinq Agents furent
complets qu'ils purent s'accomplir (1.2a) ; et il en est de même dans
l'uvre alchimique où chacun des Cinq Agents doit atteindre la
plénitude de son nombre (4.2a-3b).
Cette notion d'état « complet » des nombres a pour pendant celle
de leur « épuisement » qui marque la fin du monde (DZ 658.1b) ; elle
comporte, évidemment, sous-jacente, les idées de cycles cosmiques
ainsi que de temps de maturation et de déclin, et relève de l'antique
arithmologie liée à la divination, et de l'arithmologie cosmique qui
l'accompagnait. Cependant, si, appliqués à ces cycles, ils expriment
un déroulement dans le temps, ils rendent compte par la même occasion,
outre celle d'un état (plus ou moins jeune, mûr ou vieux), d'une
configuration dans l'espace, d'une structure ; ils ne mesurent pas une
quantité, mais indiquent un moment, une succession et un emplacement
dans une figure, c'est-à-dire qu'ils assignent une place dans le temps
et dans l'espace qui sont les lieux de la manifestation de possibilités ;
ils assignent donc une qualité et un rapport. Leur fonction consiste à
marquer à la fois une différence, une discontinuité (différences de
qualité et de place), et en même temps à assurer une continuité sous
forme de succession. Ils rendent ainsi compte de l'ordre du monde, un
ordre organique et hiérarchique qu'ils figurent et qui est au fondement
de l'uvre de l'adepte taoïste lequel, dans son rôle de démiurge, à
l'instar de Yu le grand, mesure le Ciel et la Terre, y place des repères
et l'organise. Avec les « images », les nombres sont dans cette uvre
l'un de leurs outils.
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L'Un, selon les auteurs est, soit identifié au Tao, soit, à la suite de Lao
zi, considéré comme produit par le Tao. Ce sont deux perspectives qui
ne s'opposent pas, mais se complètent, et qui correspondent à deux
conceptions de l'Un : d'une part l'Un métaphysique qui n'est pas un
nombre 10, et d'autre part l'Un producteur et, en tant que tel, premier
nombre u. La plupart du temps, l'Un, origine de la vie, est le chiffre
qui est attribué à l'Eau, et donc au yin, (et l'Un est alors considéré
comme un nombre yin, cf. DZ 999.1.35a) en tant que premier élément,
origine de toutes choses. C'est la règle la plus générale dans les textes
taoïstes, en contraste avec les écoles exégétiques du Yijing qui attribuent
le chiffre Un à Qian, l'Origine, le yang pur et le Ciel, l'origine du
monde étant alors le mouvement qui relève du yang.
L'Un en tant que producteur du monde reflète le monisme
fondamental des Chinois, et le monde est l'effet de son déploiement
dans la multiplicité. Le passage au multiple se fait par l'intermédiaire
du Deux (« L'Un a engendré le Deux », dit Lao zi), qui est représenté
par ce que le Yijing appelle « les deux Principes ». Ceci est généralement
traduit, à quelques exceptions près, comme désignant le yin et le yang,
c'est-à-dire la bi-polarité, l'existence de deux pôles extrêmes dont la
tension et l'attirance mutuelles fondent le dynamisme du monde. Dans
ce cas, c'est le Deux qui est à l'origine du monde, en tant que couple
Ciel-Terre. Il est la dualité. Mais selon un autre sens qu'il prend, le
Deux est le nombre du yin, de Kun et de la Terre qui vient en second
face au Un qui est alors le nombre du yang, de Qian ou du Ciel : c'est
le Deux en tant que discontinu, ligne brisée du Yi jing, face au Un-
yang, continu. Deux signifie aussi duplication : selon une interprétation
généralement reçue qui n'a rien d'une vérité historique mais possède
un sens symbolique, les trigrammes originels ont été multipliés par
deux en un deuxième temps pour constituer les hexagrammes. La
duplication relève du Deux terrestre et signifie qu'on entre dans le
monde des phénomènes.
Chez les taoïstes, généralement, et encore à la suite de Lao zi, le
Deux engendre le Trois (et non le Quatre, comme dans le Yi jing et
chez Shao Yong, par exemple). Ce Trois (contenu dans l'Un du Taiji,
selon une célèbre phrase du Honshu 21 A, souvent rappelée par les
taoïstes) représente le concours des deux forces complémentaires yin-
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yang, ainsi que leur produit. Il est le signe de l'unité retrouvée après
le partage fondateur du monde. D'un côté, la scissiparité, de l'autre la
fécondité de l'union des contraires complémentaires. C'est l'Harmonie,
le concours, le Fils, l'Homme, ou le monde humain, produit du Ciel
et de la Terre, mixte de yin et de yang. Ainsi le Trois est une réplique
de l'Unité primordiale à partir de laquelle, ainsi que le dit Lao zi, toutes
choses sont nées. C'est en somme l'Unité dans son aspect fécond. Ceci
se trouve bien exprimé dès les Han, entre autres avec le Huainan zi
(140 av. J.-C.) et le Taiping jing (ca. fin des Han, remanié au
IVe siècle (?)) pour qui c'est là un aspect fondamental des choses n.
Le Cinq est le nombre du centre. Il départage, selon une tradition
qui date au moins des Han et qui a été reprise par les taoïstes comme
par bien d'autres traditions de cette époque, les nombres « naissants »
ou « génératifs » sheng 13, de Un à Quatre, dont le total fait Dix, des
nombres « performatifs » cheng de Six à Neuf. Cinq est le nombre des
cinq Agents traditionnels, correspondant aux quatre points cardinaux
et au Centre : en cela encore, il figure la présence du centre qui s'ajoute
au Quatre. Mais il a désigné aussi un dispositif spatio-temporel, en
relation avec l'alternance des saisons et l'action des Cing Agents, ou
le cinquième de ceux-ci joue le rôle de catalyseur ou de force centrale
dynamique.
On trouve plusieurs exemples, dans les textes taoïstes, de description
de la formation du monde en fonction d'une croissance des nombres.
Pour faire bref, je me contenterai d'en traduire un : « Le yin et le yang
ont établi les Trois puissances (Ciel, Terre, Homme) et se sont divisés
en Quatre images xiang (points cardinaux ou trigrammes) ; les Quatre
images se sont déployées en Cinq Agents ; les Cinq Agents ont engendré
les Six tubes musicaux lii ; les Six tubes musicaux se sont divisés en
Sept recteurs 14 ; les Sept recteurs se sont transformés en Huit
trigrammes ; les Huit trigrammes ont fait huit fois huit Soixante-quatre
hexagrammes ; chaque hexagramme compte six traits divins ce qui en
fait 384 » (DZ 660.4.8a-b).
Cependant, les taoïstes ont également fait leur le système du Yi wei
qian zuodu , repris pour cette part par le chap. I du Lie zi (III-IV
siècle ap. J.-C. ; dates incertaines et couches chronologiques diverses),
système selon lequel l'Un, apparu à la suite d'une procession de
plusieurs chaos, les « quatre tai » ,6, et donc après un lent processus
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avec les huit trigrammes de base. Dans le temps, ce sont les « huit
articulations » bajie que sont les premiers jours de chaque saison, les
equinoxes et les solstices, dates importantes dans le temps liturgique
des taoïstes. Par groupes de huit se comptent aussi les esprits célestes
lumineux jing qui résident dans le corps.
Sept est le nombre du yang naissant. Il apparaît dans les textes du
Shangqing, par exemple pour combiner le plan horizontal, constitué
de cinq points, avec le haut et le bas, ou bien encore pour ajouter le
yin et le yang aux Cinq Agents. Le point de vue est le même sur le
plan du panthéon lorsque s'ajoutent aux esprits des cinq viscères ou
des cinq registres, le Père d'en haut et la Mère d'en bas.
Physiologiquement on ajoute aux cinq viscères le ying et le wei, les
deux systèmes de construction et de défense, pour arriver au chiffre
sept.
Neuf est un nombre aussi fondamental que Cinq dans la cosmologie
chinoise. Comme nous l'avons dit, c'est le dernier des premiers
nombres. C'est aussi la somme des trois premiers nombres impairs,
comme le fait remarquer un texte alchimique (DZ 247.1.3a). Il signe
donc un aboutissement, une totalité, mais aussi indique un renouveau,
puisque toute chose perpétuellement recommence. Il renvoie à la
division du cosmos en neuf contrées liée au mythe de Yu le grand qui
divisa la Chine en neuf régions, ainsi qu'aux neuf articles du Hongfan
et à l'antique liturgie du Mingtang dont deux variantes semblent avoir
existé, l'une quinaire, l'autre nonaire, que reproduit la disposition
nonaire de l'autel des san huang (cf. Lagerwey 1987, p. 26) .
Neuf possède une connotation céleste toute particulière pour les
taoïstes et joue un rôle dans la formation du monde analogiquement à
Trois 28. Le nombre neuf est celui de la naissance ou de la renaissance :
neuf mois pour la gestation soit de l'embryon humain ordinaire, soit
du corps nouveau du taoïste, neuf transmutations pour obtenir le
Cinabre. Le dieu du Commencement originel yuanshi mesure
90 000 000 zhang, porte un bonnet de neuf lumières, une ceinture de
neuf couleurs (1393.1.10a-b). Le dieu Lao zi a mis 81 ans pour naître ;
il se transforme neuf fois, possède neuf noms et 81 signes ésotériques
sur le corps (Seidel 1969, p. 96-7 ; 100)
Dix est le nombre qui répartit les directions du monde dans le
bouddhisme (8, plus le haut et le bas), et c'est celui qu'a adopté le
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Trente-six est mis en relation avec les 360 jours de l'année (le
nombre de 365 est parfois retenu, mais assorti de calculs compliqués),
auxquels correspondent trente-six jointures du corps dans la physiologie
taoïste, et trente-six symboles conférés lors de l'ordination, 36 marches
sur l'échelle de couteau que doit gravir le taoïste lors de son initiation,
36 cieux, etc. Sont mis en correspondance 36 000 esprits « extérieurs »,
de trois sortes différentes, au nombre de 12 000 chacun, et 36 000
esprits « intérieurs » (DZ 660.4.8b et 5.3a-b).
Un texte décrit la formation du corps humain en termes de nombres,
après l'avoir fait en termes d'organes : les Trois réchauffeurs engendrent
les Huit artères mo, qui engendrent les Douze capillaires luo, qui
engendrent à leur tour 180 capillaires connexes, lesquels engendrent
encore 180 autres capillaires, qui engendrent 36 000 autres capillaires
qui engendrent 365 os qui engendrent 84 000 pores (84, rappelons-le
est un nombre hérité du bouddhisme qui préside à la distance qui sépare
le Ciel de la Terre) (246.3.1b). Il est évident que ces nombres sont
symboliques et visent à mettre le corps humain en rapport avec le
cosmos.
Les chiffres cosmiques de 25 pour le Ciel et 30 pour la Terre, ont
également été mis en relation avec la physiologie taoïste : 25 s'obtient
par l'addition des 9 orifices, des 5 viscères, des 6 organes fu et des 5
préposés à l'ensemble du corps, guan. 30 est la somme des 20 doigts
de pieds et des mains, de 8 os et des deux reins (1000.3.14b) ; le
nombre de 50 s'obtient de façon similaire.
Au nombre de 72 et de 74 sont les divinités du Shangqing (trois
fois trois groupes de huit auxquels s'ajoutent le Père et la Mère
originels ; (cf. Robinet 1984.1.126)), comme sont traditionnellement
au nombre de 72 les hou, une période de temps de cinq jours, ou cinq
jours et demi lorsqu'on compte 365 jours dans l'année. Outre ses 81
signes corporels, le dieu Lao zi en possède 72 autres.
Comme nous l'avons dit, c'est en vertu de ces correspondances
qu'on parvient à créer un microcosme, comme l'est, par exemple
l'athanor de l'alchimiste. Une stance célèbre du Cantongqi fixe des
nombres symboliques aux dimensions du tripode : sa circonférence
doit mesurer 3.5 (commenté par un pied cinq pouces = 1.5), sa
« bouche » 4.8, sa hauteur 12 pieds, etc. Il existe d'autres versions
établies sur d'autres repères, comme celle que donne le Xiudan
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miaoyong zhili lun : pour l'autel : quatre faces pour les quatre saisons ;
trois étages chacun haut d'un pied deux pouces pour les douze mois
et les douze heures ; leur largeur doit mesurer, pour l'étage inférieur,
trois zhang six pour les 36 périodes, le médian deux zhang quatre pour
les 24 heures et le supérieur un zhang six qui font 2x8 = une once
(voir plus bas sur le symbolisme de ces nombres). Le tripode doit
mesurer trois pieds pour le Ciel, la Terre et l'Homme et comprendre
Neuf « palais » pour les neuf étoiles (du Boisseau) (DZ 234.9b) 32.
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IV.4 Conclusion
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Notes
1. On peut distinguer à cet égard deux sources principales, bien qu'elles fusionnent
étroitement le plus souvent : l'école du yin-yang et des Cinq Agents, et le Yi
jing ; la différence entre les deux vient principalement de la distinction qu'opère
le Yi jing entre nombres pairs ou impairs, d'une part, et, d'autre part, de
spéculations sur les trigrammes et hexagrammes qui sont mis en relation avec
les nombres. L'influence de cet ouvrage devient plus nettement visible avec
l'alchimie intérieure (dont les premières traces sûres datent du VIIIe siècle de
notre ère).
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2. Dans l'histoire des nombres tels qu'en ont hérité les taoïstes, un grand rôle a été
joué par la nécessité qui s'est faite sentir, surtout sous les Han, d'accorder
ensemble différents systèmes de repérages spatio-temporels, les signes cycliques
sexagésimaux, les quatre saisons, les cinq Agents, les neuf premiers nombres
qui présidaient à un système de répartition nonaire, les huit trigrammes et les
soixante-quatre hexagrammes, les douze mois de l'année, les douze heures du
nycthémère, les douze tubes musicaux, les vingt-quatre soufles (un par quinzaine),
les vingt-huit constellations du zodiaque, les soixante-douze périodes de cinq
jours de l'année, etc. Ce fut principalement l'uvre, au 1er siècle avant notre
ère, de Meng Xi, de Jing Fang, puis de Zheng Xuan (127-200), qui tentèrent de
résoudre ces problèmes en organisant toutes ces quantités ou groupes sur le
pourtour de cercles concentriques pour tâcher de répartir de façon symétrique ce
qui se compte par cinq (cinq Agents) et ce qui se compte par douze, par exemple,
quitte, inévitablement, à ce que la symétrie soit parfois rompue, en organisant
tantôt un groupe de deux, tantôt un groupe de trois. Il me semble que c'est
principalement de cette façon que la question du dénombrement s'est posée.
3. Ils permettent par exemple de mettre en relation alternance temporelle et
distribution spatiale, donc un rythme avec un heu, mais sans qu'il y ait idée
véritablement de mesure spatiale, mais plutôt de position, de fonction, et de
qualité.
4. La numérologie joue un rôle important dans la cosmologie taoïste car elle est
l'un des instruments qui fondent des rapports entre des domaines différents, par
exemple entre le cosmos et le corps humain, qu'ils rendent également
commensurables ; c'est une des bases de l'analogie en tant que celle-ci établit
des relations qui portent sur des attributs ou des fonctions, et fait le pont entre
des domaines différents pour y retrouver ou y insérer une unité de sens. Ainsi,
les « mesures » qu'établissent les nombres sont une des formes de ces analogies.
Elles permettent de constituer comme des « blocs » de pensée qui fournissent
des structures organisatrices.
5. En outre, les nombres permettent de faire apparaître une symétrie, symétrie droite-
gauche, haut-bas, yin-yang. L'articulation de la pensée est alors faite de renvois
d'images et de structures arrangées symétriquement et acquiert la valeur
convaincante d'une image de la réalité, et donc une valeur démonstrative.
6. Par exemple, nous aurons à distinguer entre Deux au sens de couple ou dualité,
Deux au sens de scission, Deux au sens de duplication, et Deux au sens de
second ; entre Trois au sens de fusion de deux en un ou de triade hiérarchique,
etc.
7. Il existe des exceptions, comme dans le Zhuandaoji, par exemple, qui place
l'apparition des formes avant celle des nombres (Xiushen shishu 14.9a).
8. La chronique de la principauté de Lou, tr. par S. Couvreur, Tien-tsin, Cathasia,
1951,vol.I, p. 306
9. Les chiffres qui suivent le sigle DZ renvoient à la numérotation de la Concordance
du Tao-Tsang (par K.M.Schipper), Paris : Ecole française d'Extrême-Orient,
1975.
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25. C'est probablement en tant que grand chiffre yin que le nombre de Six a été
attribué aux cieux fauteurs de désordre que Zhang Daoling a eu pour mission de
chasser pour les remplacer par neuf cieux (chiffres yang) ; ces six cieux sont
devenus les enfers.
26. Peut-être de Zhang Li, des Yuan.
27. Tandis que la disposition par Cinq traite de la circulation et de l'alternance des
Cinq Agents, celle par Neuf fait référence à la circulation du dieu stellaire Taiyi,
adopté par les taoïstes, liée aux spéculations sur le Yijing, et donc au milieu des
devins et des apocryphes des Han. Le système quinaire « se structure autour des
phases, des secteurs et des saisons, résume M. Kalinowski, l'autre (nonaire)
autour des nombres premiers, des palais et des trigrammes » (Kalinowski 1985,
p. 805). C'est sous les Six dynasties que la synthèse entre ces deux systèmes a
été faite, et ceci dans les milieux taoïstes, ainsi que l'a montré M. Kalinowski
(ibid).
28. Les textes du Shangqing, par exemple, considèrent que les trois Souffles
fondateurs du monde se sont subdivisés en neuf qui ont fait les neuf cieux, qui
semblent être en fait les neuf cieux dont Zhang Daoling a institué le règne (cf.
(Robinet 1984, 11.90), et (DZ 1194.1a)), et qui sont, bien sûr, apparus avant les
« huit directions » terrestres (ibid., 2a). C'est par neuf que se comptent les régions
de la terre à l'instar de celles du ciel, mais aussi les couches - ou encore les
méandres - des enfers souterrains, mises en correspondance avec les neuf
circonvolutions des intestins. Neuf sont les étoiles du Boisseau (dont deux
invisibles), comme sont neuf les orifices du corps humain et ceux du cur du
Sage. Lorsque les girations du Ciel atteignent le nombre de 9 900, les nombres
des neuf cieux sont « épuisés », et c'est la fin du monde (Robinet 1984.1.139).
Neuf au carré qui fait Quatre-vingt-un est le « nombre fondamental » tishu du
souffle yang, tandis que Six au carré est celui du yin ; semblablement, le sang
(yin) des filles se mesure en 360 boisseaux et le souffle des garçons (yang) des
garçons, lorsqu'il est parvenu à son maximum (à 15 ans) est long de 810 pieds
(DZ 146.3.10a). Le Souffle originel parcourt 810 zhang par jour. La « chambre
pure », lieu de méditation des taoïstes doit mesurer 81 pieds car c'est le chiffre
« du souffle du yang qui s'élève » (cf. Chen Guofu, Dao zang yuan liu kao,
Beijing, 1963, vol. 2, p. 334). 90 000 li séparent le Ciel de la Terre, ainsi que
chacune des étoiles du Boisseau l'une de l'autre (DZ 322. la-b ; texte appartenant
au Lingbao ancien, c'est à dire fin 4e-début 5 siècles de notre ère). Le soleil a
neuf rayons habités par des esprits.
29. Taishô renvoie au Taishô Shinshû Daizôkyô, Takakusu Junjirô et Watanabe
Kaikyoku (eds.), Tokyo, édition Daizô, 1924-34.
30. Comme on le sait, l'administration ecclésiastique des Maîtres célestes a cherché
à se modeler sur l'administration officielle (DZ 421.3.11b), en particulier sur
celle des Zhou dont le chiffre idéal est 120, et qui se réglait sur le Ciel, avec ses
trois ducs gong, neuf grands ministres qing, 27 haut-dignitaires dafu, 81
fonctionnaires, ce qui forme un total de 120.
31. Cf. le juan 7 du Sandong zhunang : DZ 1139, 7. 6a-7b, 17b, sqq.
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32. Voir aussi, par ex. le DZ 1068.8b, Ho Ping-yû and J. Needham, 1959, p. 66-67,
ou Needham 1980, vol. V, pt. 4, p. 279-280.
33. Selon un principe fondamental souvent rappelé, le Ciel avec l'Un a formé l'Eau,
la Terre avec le Deux a formé le Feu, le Ciel avec le Trois a formé le Bois, la
Terre avec le Quatre a formé le Métal, le Ciel avec le Cinq a formé la Terre, la
Terre avec le Six a formé l'Eau, le Ciel avec le Sept a formé le Feu, la Terre
avec le Huit a formé le Bois, le Ciel avec le Neuf a formé le Métal, la Terre
avec le Dix a formé la Terre.
34. Dont le type est donné par le couple yin yang, mais qui peuvent être le Ciel et
la Terre, l'Eau et le Feu, le Pb et le Me etc. (voir ci-dessous).
35. N. Si vin, dans sa contribution in Science and Civilisation in China (éd.
J.Needham), vol. V, pt. 4, Cambridge University Press, 1980, p. 243
36. Le calcul du nombre et des temps de respirations en rapport avec la distance
parcourue par les instances cosmiques serait trop long à expliquer dans le cadre
de ce travail. Nous renvoyons le lecteur à l'ouvrage de F. Baldrian-Hussein
(1984), en particulier p. 95-96, et éventuellement à d'autres textes comme le
Jindan z/uzni, 1072. lOa-b, au Jindan sibai zi, 1081.3a et au Hunyuan bajing
zhenjing 660.5. lOa-b qui donne un système différent.
37. Il existe donc, outre le comput basé sur le nombre 5, un système qui est adopté
en fonction des nombres symboliques du yin et du yang, 6 et 9, et éventuellement
7 et 8. Ainsi, l'on compte que le nombre des 72 hou qui composent l'année est
obtenu par la multiplication 9x8.
38. Pour tout cela, voir, par exemple, (Baldrian-Hussein 1984, p. 133-4), mais aussi
(DZ 660.4. lOa-b et 5.9a-b), ainsi que (DZ 648.5a-b).
39. Equinoxes et demi-lunes sont des moments cruciaux où soit le yin soit le yang
va l'emporter sur l'autre (ex. (DZ 1067.7.8b-9b)).
40. Comme dit le Cantongqi : « La demi-lune croissante correspond au trigramme
Dui (Sud-est selon la disposition "antérieure au Ciel") et la demi-lune décroissante
à Gen (Nord-ouest) ; elles font deux poids de huit liang qui en unissant leur
essence parachèvent Qian et Kun ; Deux-huit correspond à une once »
(DZ.999.1.15a).
41 . Voir I. Robinet, Introduction à l 'alchimie intérieure taoïste, Unité et multiplicité,
à paraître, Le Cerf, Paris 1994.
Bibliographie
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