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DÉCRIRE, MESURER ET EXPLIQUER LE CONFLIT

Charles Tilly

De Boeck Supérieur | Revue internationale de politique comparée

2010/2 - Vol. 17
pages 187 à 205

ISSN 1370-0731
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Pour citer cet article :


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Tilly Charles, « Décrire, mesurer et expliquer le conflit »,
Revue internationale de politique comparée, 2010/2 Vol. 17, p. 187-205. DOI : 10.3917/ripc.172.0187
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Revue Internationale de Politique Comparée, Vol. 17, n° 2, 2010 187

DÉCRIRE, MESURER ET EXPLIQUER LE CONFLIT *

Charles TILLY
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Il y a de cela bien longtemps, Otis Dudley Duncan et moi-même dirigions
des centres rivaux, rattachés au département de sociologie de l’Université
du Michigan. J’ignore ce que Dudley et ses collaborateurs pensaient vrai-
ment de notre équipe, mais mes collaborateurs s’étaient fait leur propre
vision idyllique de la vie dans l’autre centre. Depuis nos quartiers délabrés
situés dans une ancienne école primaire sur la Packard Road, nous autres
résidents du Centre de Recherche sur l’Organisation Sociale (CRSO) voyions
nos voisins qui occupaient la splendide aile réservée au Centre d’Études sur
la Population de la South University comme des cousins riches et choyés.
De temps à autre, un réfugié des études de la population venait nous dire que
la vie disciplinée du beau château était moins attrayante que l’anarchie
digne mais appauvrie de notre centre. Nous étions aux anges évidemment !
J’accueillais ces réfugiés, parce qu’ils disposaient d’une bonne forma-
tion théorique et n’avaient pas peur des chiffres, contrairement à bon nombre
de nos propres recrues. Au CRSO, nous nous consolions en nous disant que
nous nous spécialisions dans le désordre, tandis que les gens des études de
la population se spécialisaient dans l’ordre. Notre stéréotype intéressé con-
tenait même un fond de vérité : dans l’ensemble, les démographes du cam-
pus basaient leurs explications sur l’agrégation de décisions rationnelles
individuelles qui s’inscrivaient dans des structures externes bien définies,
tandis qu’en général, nous supposions d’emblée que le problème consistait
à décrire et à expliquer l’interaction sociale, quelle que soit sa rationalité ou
son irrationalité, et à montrer comment l’interaction créait des structures
sociales.

* Cet article est la traduction française d’un texte publié précédemment en anglais sous le titre
« Describing, Measuring and Explaining Struggle », in Qualitative Sociology, volume 31, n°1, 2008,
p. 1-13 (numéro de licence : 2298331407750). Les graphiques et les tableaux ont été repris de la publi-
cation originale et n'ont donc pu être modifiés. Par conséquent, les étiquettes ont été traduites et sont
mentionnées en-dessous des graphiques et des tableaux.

DOI: 10.3917/ripc.172.0187
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Dans la mesure (limitée) où cet article contient une polémique, celle-ci


reflète cette ancienne rivalité. Elle repose sur le postulat que les modèles
interactifs fournissent le fondement d’une meilleure description, mesure et
explication des processus sociaux. Toutefois, au lieu d’appliquer cet argu-
ment aux processus démographiques, nous l’appliquons au conflit, et tout
particulièrement au conflit politique. Ma présentation se décline sur deux
niveaux, technique et théorique. Sur le plan technique, j’espère pouvoir
montrer qu’il est possible d’élaborer des descriptions et des mesures rigou-
reuses du conflit politique. Et sur le plan théorique, j’espère pouvoir mon-
trer que les modèles qui proposent des mécanismes et des processus
interactifs aboutissent à des explications différentes, et potentiellement
meilleures, du conflit politique.
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À vrai dire, la polémique entre les modèles individualistes et les modèles
interactifs se prolonge jusque dans le sujet de ma recherche. On peut sché-
matiquement distinguer trois définitions du phénomène en question : la pro-
testation, l’action collective et la contestation. Dans la notion de protestation,
la politique de la rue s’apparente à une expression de la conscience popu-
laire, qui de temps à autre est source d’actions perturbatrices. L’action col-
lective attribue à une population un certain intérêt partagé, si minime soit-
il, et pose la question chère à Mancur Olson : « sous quelles conditions et
comment des populations coordonnent-elles leurs actions au nom d’un tel
intérêt ? » 1 La notion de contestation met davantage l’accent sur la formu-
lation interactive de revendications dans laquelle au moins une partie
appelle à des actions qui pourraient avoir un impact, positif ou négatif, sur
les intérêts d’une autre partie. Comme on pouvait s’y attendre, ma discus-
sion sur la description, la mesure et l’explication s’attardera sur mon alterna-
tive préférée, c’est-à-dire la troisième. Mais la description des trois
possibilités permettra de clarifier les enjeux intellectuels de cette discussion.
Les trois définitions ont des implications totalement différentes pour la
description, la mesure et l’explication. Dans le domaine de la protestation,
les chercheurs doivent décrire la conscience des acteurs perturbateurs,
mesurer l’intensité à la fois de leurs sentiments et de leurs actions, et ensuite
expliquer ces intensités en faisant référence à une association de motiva-
tions et de contraintes environnementales. Les scientifiques qui s’intéres-
sent à l’action collective doivent décrire les intérêts et les actions censées
servir ces intérêts, mesurer la portée et la forme que prend la coordination
entre les actions individuelles, et expliquer les liens entre les intérêts, les
actions et la coordination. De leur côté, ceux qui analysent la contestation
doivent décrire les interactions concernant les revendications collectives
étant donné qu’elles mesurent la portée de la formulation des revendica-

1. OLSON M., The Logic of Collective Action, Cambridge, Harvard University Press, 1965.
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tions, de l’interaction et des résultats. Toutefois, ils doivent également


expliquer la boucle qui relie l’organisation sociale, les revendications, les
interactions et les résultats, pour revenir ensuite vers une nouvelle organi-
sation sociale et de nouvelles revendications.
Afin de souligner les problèmes méthodologiques qui nous concernent
ici au premier chef, je me permettrai d’éluder les vastes questions de l’épis-
témologie et de l’ontologie qui ne manquent jamais de surgir lorsque l’on
compare les modèles individualistes, collectifs et interactifs des processus
sociaux 2. De nombreux désaccords dans ce domaine, qui à première vue
semblent n’être que d’ordre méthodologique, résultent en fait de questions
telles que celle-ci : peut-on raisonnablement attribuer un caractère réel aux
entités collectives ? Une question ontologique fondamentale. En supposant
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rapidement que, dans certaines circonstances, nous ayons de solides raisons
philosophiques d’adopter l’une de ces trois approches, alors que suppose
chacune d’entre elles sur le plan méthodologique ?
Si le conflit découle du résultat cumulé des consciences individuelles,
une méthode appropriée pour l’étudier doit alors faire le relevé de cette
conscience au sein d’une population en lutte. Les chercheurs qui s’engagent
sérieusement à relever ce défi ont le plus souvent recours à des interviews
des participants à un événement majeur. Au cours des années 60, lorsque se
constituaient des commissions nationales dans le but d’étudier les causes et
la prévention de la violence aux États-Unis, les chercheurs en sciences socia-
les ont sauté sur l’occasion pour se joindre au débat public. Nombre d’entre
eux ont mis l’accent sur la conscience individuelle. Dans ce domaine, Peter
Rossi a résumé les raisons du recours aux entretiens avec des participants,
des membres élites et des populations en général au sein des collectivités
qui engendraient des révoltes de ghettos et d’autres événements violents : la
question centrale qui se pose en termes de violence communautaire est de
savoir s’il s’agit ou non d’un phénomène dans lequel les principales diffé-
rences entre communautés résident dans l’agrégation des caractéristiques
de chaque population, dans la nature de la composition ou dans les caracté-
ristiques structurelles de la communauté. Il semble peu probable que la vio-
lence communautaire ne revêtent qu’un caractère totalement structurel
(comme les décisions d’abolir la ségrégation dans les systèmes scolaires). Il
est plus vraisemblable qu’elle soit principalement liée à l’agrégation des
propriétés ou à la composition de la communauté, de même qu’à certains
effets structurels. Le principal raisonnement qui sous-tende cette hypothèse
s’explique par le fait que la violence communautaire est une forme de com-
portement collectif, un phénomène susceptible d’être davantage lié aux

2. TILLY C., and GOODIN R., « It depends », in GOODIN R. and TILLY C., (eds.), The Oxford
Handbook of Contextual Political Analysis, Oxford, Oxford University Press, 2006.
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caractéristiques des agrégats ou des facteurs de composition qu’aux facteurs


structurels 3.
Dans ce contexte, le terme « comportement collectif » renvoie à des
actions issues de la conscience partagée au sein des foules ou d’autres col-
lectivités informelles. Rossi prônait des enquêtes qui faisaient apparaître les
phénoménologies de populations impliquées dans la violence. La mesure et
l’explication se concentraient alors sur l’établissemen\t de corrélations
entre les caractéristiques de la population et les attitudes exprimées après
que la violence se soit produite.
La définition du conflit en termes d’action collective pointe dans une
direction méthodologique différente. Bien que les enquêtes et les entretiens
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intensifs puissent continuer à fournir des témoignages cruciaux, les cher-

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cheurs dans ce domaine s’efforcent d’identifier les motivations et les con-
traintes plutôt que les motifs et les émotions. Les spécialistes de l’action
collective se basent souvent sur un des deux outils suivants, voire les deux :
l’observation participante et les études de cas comparatives. À titre d’exem-
ple, l’analyse effectuée par Anthony Oberschall sur les révoltes de 1989 en
Europe de l’Est se fonde sur la comparaison entre quatre pays : la Pologne,
la Hongrie, l’Allemagne de l’Est et la Tchécoslovaquie. Il les compare par-
ticulièrement en termes de structure d’opportunité politique, tant interne
qu’internationale. Selon Oberschall, les réformes ratées, l’érosion de l’auto-
rité, l’illégitimité de l’État, les réformes parmi les alliés, les élites divisées,
le « facteur Gorbatchev » et le succès de l’opposition parmi les alliés ont
varié en termes de timing et d’intensité parmi ces régimes, mais ont généra-
lement favorisé l’action collective.
La mesure consiste alors à faire correspondre le timing et l’intensité de
la rébellion, telle que décrite dans les récits analytiques, au timing et à
l’intensité des changements de la structure d’opportunité : « Ce qui a changé
brusquement et favorablement pour l’opposition populaire », écrit Obers-
chall, « ce sont les aspects à court terme et internationaux de l’opportunité
politique : le succès de l’opposition démocratique dans les partis-États
d’Europe de l’Est, les brèches dans le système d’alliance des États commu-
nistes. Le régime polonais a permis l’organisation d’élections libres qui ont
révélé le faible attrait populaire du communisme, et les Communistes réfor-
mateurs en Hongrie ont rompu la solidarité des régimes communistes en
permettant l’exode des Allemands de l’Est au cours de l’été 1989. Le succès
du mouvement populaire en Allemagne de l’Est a convaincu les Tchèques

3. ROSSI P.H., « Some Issues in the Comparative Study of Community Violence », in CONANT R.
and LEVIN M., (eds.), Problems in Research on Community Violence, New York, Praeger, 1969.
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et les Slovaques qu’eux aussi étaient capables de mener à bien une révolu-
tion pacifique contre le communisme » 4.
L’explication qui en découle : dans un contexte où les autres motivations
et contraintes restent plus ou moins constantes, une structure d’opportunité
politique changeante provoque l’action collective.
Même lorsque les spécialistes de l’action collective comme Oberschall
recourent à la comparaison, ils décrivent, mesurent et expliquent un acteur
collectif à la fois. Les récits interactifs de la lutte mettent davantage l’accent
sur les transactions entre les participants. Dans cette tradition, deux métho-
des apparemment antagonistes se sont imposées : d’une part, l’ethnogra-
phie, y compris l’ethnographie historique, et d’autre part, les catalogues
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d’événements 5. Prenez, par exemple, l’étude approfondie des pillages en

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Argentine par Javier Auyero, qui débute par un catalogue d’événements,
mais se termine par une ethnographie. En décembre 2001, en proie à une
crise économique nationale, les habitants de Buenos Aires et d’autres villes
argentines ont commencé à pénétrer par effraction dans des magasins d’ali-
mentation, emportant ensuite des charretées de marchandises. Auyero se
trouvait aux États-Unis à l’époque, mais a rapidement décidé de rejoindre
son Argentine natale pour observer de plus près ce qui était – et n’était pas –
en train de se produire pendant ces pillages.
Par la lecture systématique des numéros de dix journaux locaux et régio-
naux publiés sur une période de deux mois, Auyero a préparé un catalogue
de 261 pillages, en y incluant les caractéristiques des lieux, des victimes et
des participants. Le croisement de ces événements a permis de dégager des
résultats très édifiants :
– les supermarchés des grandes chaînes de distribution ont fait l’objet d’une
protection policière renforcée, ce qui a généralement dissuadé les pilleurs.
– les petits marchés locaux ont subi la majeure partie des pillages.
– dans les zones où se trouvaient ces petits marchés locaux, la police était
rarement présente et dissuadait encore plus rarement les pilleurs ; en fait,
la police a même parfois participé ou tout au moins encadré ces pillages.
– dans ces mêmes zones, les médiateurs locaux du parti péroniste ont sou-
vent orienté les pilleurs vers leurs cibles, en considérant parfois les mar-
chandises comme une forme de faveur.

4. OBERSCHALL A., « Opportunities and Framing in the East European Revolts of 1989 », in
McADAM D., McCARTHY J., and ZALD M., (eds.), Comparative Perspectives on Social Movements :
Political Opportunities, Mobilizing Structures, and Cultural Framings, Cambridge, Cambridge University
Press, 1996, p. 121.
5. TILLY C., « Event Catalogs as Theories », Sociological Theory, 20, 2002, p. 248-254 ; TILLY C.,
« Afterword : Political Ethnography as Art and Science », Qualitative Sociology, vol. 29, 2006, p. 409-412.
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De nombreux chercheurs ne seraient pas allés au-delà, mais Auyero a con-


sidéré ces résultats comme un simple point de départ. Il a ensuite étudié
deux des principaux sites des pillages à Buenos Aires et interviewé des
dizaines de participants et d’observateurs, y compris des propriétaires de
magasins, des policiers, des médiateurs politiques, des habitants de ces
quartiers et des pilleurs. Il a également analysé de nombreux films, dont cer-
tains n’avaient pas été diffusés, qui retraçaient des épisodes de pillages. Sur
la base de ses découvertes, il a obtenu deux résultats essentiels : première-
ment, un récit convaincant du processus par lequel les habitants de ces quar-
tiers qui se connaissaient se sont joints aux pillages des cibles vulnérables
(tout particulièrement les petits magasins locaux), et deuxièmement, une
identification plus générale de la « zone grise » – selon l’expression de
Primo Levi – dans laquelle les supposés agents de contrôle social facilitent
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et tirent profit d’une activité illégale 6.
Dans son catalogue d’événements, Auyero a observé l’interaction assez
grossièrement, en prenant note de la co-présence ou de l’absence de diver-
ses paires d’acteurs, mais non de leur communication moment après
moment. Dans ses ethnographies, il est allé jusque dans les moindres
détails. Il a souligné le caractère et les conséquences de l’interaction entre
les acteurs. Si l’on y met davantage de détails et qu’on les conçoit différem-
ment, les catalogues d’événements permettent également de mieux com-
prendre les processus interactifs. Voyons comment.

Comptages d’événements par type

Les catalogues d’événements ont souvent été au coeur des études empiri-
ques du conflit politique 7. Les gouvernements européens et américains ont
commencé à rassembler des rapports officiels sur les arrêts de travail dès la
fin du dix-neuvième siècle. Depuis cette époque, les chercheurs intéressés
par les statistiques ont entamé des analyses quantitatives des conflits dans
le monde industriel en se basant sur des données fournies par les
gouvernements 8. Cependant, ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale
que les chercheurs qui s’intéressaient à d’autres formes de conflits ont com-

6. AUYERO J., Routine Politics and Violence in Argentina : The Gray Zone of State Power, Cambridge,
Cambridge University Press, 2007.
7. OLZAK S., « Analysis of Events in the Study of Collective Action », Annual Review of Sociology,
15, 1989, p. 119-141 ; TILLY C., op. cit., 2002.
8. FRANZOSI R., « One Hundred Years of Strike Statistics : Methodological and Theoretical Issues in
Quantitative Strike Research », Industrial and Labor Relations Review, vol. 42, 1989, p. 348-362 ;
FRANZOSI R., The Puzzle of Strikes : Class and State Strategies in Postwar Italy, Cambridge, Cambridge
University Press, 1995 ; HAIMSON L. and TILLY C., (eds.), Strikes, Wars, and Revolutions in an Inter-
national Perspective : Strike Waves in the Late Nineteenth and Early Twentieth Centuries, Cambridge,
Cambridge University Press, 1989 ; KORPI W. and SHALEV M., « Strikes, Industrial Relations and Class
Conflict in Capitalist Societies », British Journal of Sociology, vol. 30, 1979, p. 164-187 ; KORPI W. and
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mencé à construire des bases de données parallèles pour les révolutions, les
coups d’État, les conflits internationaux, les guerres civiles et la violence
collective interne 9. Pendant de nombreuses années, les chercheurs ont uti-
lisé ces bases de données soit pour expliquer les variations locales dans
l’intensité des conflits, soit pour analyser les fluctuations dans le temps.
Pour ce type d’analyses, la quantification simple des événements pris
comme des tout était amplement suffisante.
En règle générale, les chercheurs qui se sont limités à de simples comp-
tages n’ont accordé que peu d’attention aux interactions entre les partici-
pants à ces événements. Certes, les chercheurs qui ont étudié les grèves ont
distingué les grèves des lock-outs, les grèves sauvages des grèves surprises
annoncées officiellement, et les interruptions de travail réussies de celles
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qui ont échoué. De la même manière; les études de la violence collective ont

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eu recours à des classifications en termes d’intensité (nombre de morts et de
blessés, gravité des dégâts matériels) et de forme (combats de rue, manifes-
tations violentes, soulèvements, et autres). Il s’agissait d’analyses reposant
sur comptage d’événements par type pour lesquelles les croisements et les
corrélations fournissaient des informations sur la nature et les circonstances
caractéristiques de différents types de revendications.
Les chercheurs astucieux parviennent à inclure une ébauche de l’interac-
tion dans les comptages d’événements par type. Signalons, par exemple,
cette excellente étude récente qui est parvenue à identifier précisément la
manière dont la mobilisation nationaliste a permis de démanteler l’Union
soviétique. En se concentrant sur la période cruciale allant de 1987 à 1992,
le spécialiste des questions soviétiques Mark Beissinger et son équipe de
chercheurs ont rassemblé une quantité impressionnante d’indices sur le con-
flit soviétique et post-soviétique. Leurs catalogues d’événements comprenai-
ent à la fois des manifestations relativement pacifiques et des confrontations
extrêmement violentes.
Éminent spécialiste de la politique soviétique, Beissinger voulait expli-
quer la formidable montée du nationalisme séparatiste en Union soviétique

SHALEV M., « Strikes, Power and Politics in the Western Nations, 1900-1976 », in ZEITLIN M., (ed.),
Political Power and Social Theory, Greenwich, Conn., JAI Press, 1980 ; SHORTER E. and TILLY C.,
Strikes in France, 1830 to 1968, Cambridge, Cambridge University Press, 1974.
9. CIOFFI-REVILLA C., The Scientific Measurement of International Conflict. Handbook of Datasets
on Crises and Wars, 1495-1988, A.D. Boulder, Lynne Rienner 1990; RUCHT D., KOOPMANS R. and
NEIDHARDT F., (eds.), Acts of Dissent : New Developments in the Study of Protest, Lanham MD, Row-
man and Littlefield, 1999 ; RULE J. and TILLY C., Measuring Political Upheaval, Princeton, Center of
International Studies, Princeton University, 1965 ; SARKEES M.R., WAYMAN F.W. and SINGER J.D.,
« Inter-State, Intra-State, and Extra-State Wars : A Comprehensive Look at their Distribution Over Time,
1816–1997 », International Studies Quarterly, vol. 47, 2003, p. 49-70 ; TILLEMA H.K., International
Armed Conflict Since 1945 : A Bibliographic Handbook of Wars and Military Interventions, Boulder,
Westview, 1991 ; TILLY C., « Methods for the Study of Collective Violence », in CONANT R. and
LEVIN M., (eds.), Problems in Research on Community Violence, New York, Praeger, 1969.
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après 1986. L’éclatement de l’Union avant 1991 fut la conséquence de


l’aboutissement des revendications d’indépendance d’une partie des
anciennes républiques soviétiques. Beissinger aurait pu écrire une histoire
interprétative de l’ensemble du processus. Au lieu de cela, il a choisi de cen-
trer son analyse sur deux grands catalogues d’épisodes s’étendant du début
de l’année 1987 au mois d’août 1991 : le premier contenait 5 067 manifes-
tations protestataires ayant rassemblé un minimum de 100 participants, le
second présentait 2 173 incidents aux cours desquels un minimum de
15 participants s’en étaient pris soit à d’autres personnes, soit à des biens. Il
a ensuite classé les événements violents en (a) émeutes ethniques, (b) vio-
lence collective, (c) pogroms et (d) conflits ethniques. Beissinger a égale-
ment élaboré des catalogues des grèves et des manifestations avant 1987,
mais a centré son analyse sur les deux grands fichiers. En préparant ces deux
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catalogues, Beissinger et ses collaborateurs ont consulté 150 sources diffé-
rentes y compris des journaux en langue russe, des communiqués d’agences
de presse, des compilations produites par des dissidents soviétiques, des
publications par des émigrés et des rapports publiés par des agences de ren-
seignements étrangères.
En confrontant les catalogues à ses propres connaissances de la politique
soviétique, Beissinger est parvenu à montrer comment les appels à des
réformes internes de l’Union soviétique ont fait naître les revendications
d’autonomie régionale et d’indépendance, sans qu’elles n’aboutissent tou-
tes, loin de là. Les revendications d’indépendance rapidement abouties des
populations de l’Estonie et de l’Arménie ont encouragé un grand nombre
d’autres républiques à exprimer les leurs et ont accru la violence à mesure
que les revendications infructueuses confrontaient leurs auteurs à la concur-
rence et à la répression. Une fois que ces républiques soviétiques commen-
çaient à se rapprocher de l’indépendance grâce au soutien étranger, les
dirigeants des nationalités reconnues officiellement en Union soviétique se
sont mis à exprimer leurs revendications d’autonomie ou d’indépendance.
La figure 1 décrit les changements mois après mois entre 1987 et 1992.
Ce processus initialement pacifique s’est rapidement radicalisé et enve-
nimé. En principe, on aurait pu assister à un cycle simple : une URSS décen-
tralisée aurait pu accorder une autonomie partielle à un certain nombre de
nationalités reconnues officiellement, les incorporer à sa structure de gou-
vernement, réprimer les demandeurs les plus indisciplinés et menaçants, et
revenir à une version revue et corrigée du fonctionnement soviétique tradi-
tionnel. À un certain moment, c’est exactement ce que Mikhaïl Gorbatchev
a tenté de faire, mais il n’y est pas parvenu. Au lieu de cela, quinze nations
ont obtenu leur indépendance totale, d’autres ont acquis des droits dont elles
n’avaient jamais joui sous le régime soviétique, et ce que Beissinger désigne
sous le terme de « vague de nationalisme » a émergé. Dans la foulée, le
régime connu comme l’Union soviétique a disparu.
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Décrire, mesurer et expliquer le conflit 195

Fig. 1 : Manifestations et événements violents en Union soviétique


et dans les États indépendants de l’ex-Union soviétique, 1987-1992
(Source : données fournies par Mark Beissinger) 10
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Abcisses : années (1987-1992).
Ordonnées : Nombre cumulé d'événements.
Séries :
- Violent events : événements violents ;
- Demonstrations : manifestations.

Beissinger explique le déroulement des événements comme la consé-


quence d’un cycle politique modifié : en moyenne, les « premiers arrivés »
ont obtenu quelques avantages ou se sont démobilisés pacifiquement. En
revanche, ceux qui se sont acharnés malgré des échecs antérieurs ou sont
entrés en lice en retard ont été confrontés à une résistance accrue et ont
exprimé de plus en plus clairement leurs revendications, provoquant ou favo-
risant ainsi la violence. Lorsque le programme des retardataires se centrait sur
l’autonomie ou l’indépendance politique, la violence devenait plus fréquente,
chez les acteurs situés des deux côtés. La figure 1 montre clairement l’aug-
mentation de la proportion d’événements violents par rapport aux manifes-
tations pacifiques tout au long du cycle.
Associés à une connaissance approfondie du contexte, les comptages
simples d’événements par types permettent alors d’obtenir des indices cru-
ciaux sur les interactions au sein même de processus politiques majeurs. Les
catalogues d’événements de Beissinger ne permettent cependant pas d’effec-
tuer deux opérations essentielles : (1) observer de l’intérieur des épisodes
isolés afin d’analyser les rapports entre les acteurs, les actions, les interac-

10. BEISSINGER M., Nationalist Mobilization and the Collapse of the Soviet State, Cambridge, Cambridge
University Press, 2001.
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196 Charles TILLY

tions et les revendications conflictuelles ; (2) examiner précisément la


manière dont un épisode influence le suivant.

Cartographie des conflits politiques en Grande-Bretagne

L’identification des interactions politiques au moyen des catalogues d’évé-


nements nécessite des efforts techniques vigoureux mais indispensables.
Ma propre contribution remonte à l’époque de Dudley Duncan. Sur une
période d’environ 10 ans, j’ai collaboré avec les groupes de recherche de
l’Université du Michigan et de la New School for Social Research (Faculté
Nouvelle de Recherche en Sciences Sociales) afin de rassembler un vaste
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faisceau de preuves sur les actions, les interactions, les performances, les

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répertoires et leurs contextes en Grande-Bretagne dans la période allant de
1758 à 1834. Nous avons inventé une série de procédures qui permettaient
à nos chercheurs, avec un ordinateur central, de converser, de stocker de
vastes résumés de fichiers corrigés manuellement dans une base de données
relationnelle, et d’extraire des informations à partir ou au sujet des rassem-
blements contestataires selon une variété quasiment infinie de méthodes 11.
Nous avons donné à notre projet le nom de Great Britain Study (Étude de la
Grande-Bretagne).
Le principal ensemble de données que nous avons produites comprend
des descriptions lisibles par ordinateur pour 8 088 rassemblements contesta-
taires (RC) qui ont eu lieu dans le Sud-est de l’Angleterre (Kent, Middlesex,
Surrey ou Sussex) au cours des 13 années choisies entre 1758 et 1820, ou par-
tout ailleurs en Grande-Bretagne (Angleterre, Écosse et Pays de Galles, mais
pas en Irlande) entre 1828 et 1834. Dans cette étude, un RC représente un
événement au cours duquel un minimum de dix personnes se sont rassem-
blées dans un endroit accessible au public et ont clairement exprimé des
revendications qui, si elles aboutissaient, auraient un impact sur les intérêts
d’au moins une personne à l’extérieur du groupe. En principe, les RC englo-
bent pratiquement tous les événements que les autorités, les observateurs ou
les historiens de l’époque auraient qualifiés d’« émeutes » ou de « troubles »,
auxquels on peut ajouter ceux qui figureraient dans les catégories intitulées
« réunion publique », « défilé » et « manifestation ».
Nos descriptions standardisées des RC proviennent de publications
périodiques : Annual Register, Gentleman’s Magazine, London Chronicle,
Morning Chronicle, Times, Hansard’s Parliamentary Debates, Mirror of
Parliament et Votes and Proceedings of Parliament ; nous avons fait une

11. SCHWEITZER R. and SIMMONS S., « Interactive, Direct-Entry Approaches to Contentious


Gathering Event Files », Social Science History, vol. 5, 1981, p. 317-342.
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Décrire, mesurer et expliquer le conflit 197

lecture exhaustive de ces publications pour les années concernées ainsi que
pour la période de janvier à juin 1835. Bien que nous ayons fréquemment con-
sulté à la fois les travaux historiques publiés et les sources d’archives telles
que les documents du Home Office (Ministère de l’intérieur britannique) afin
d’interpréter nos indices, les descriptions lisibles par ordinateur ne repre-
naient que le matériau issu des publications périodiques. Nous n’avons pas
essayé d’identifier chaque événement pour lequel nous disposions d’informa-
tions, ni même de rassembler un échantillon représentatif de ce type d’événe-
ments. En revanche, nous avons réalisé une énumération complète des
événements décrits dans les publications périodiques traditionnelles dont
nous avons pu examiner, voire parfois tester, les principes de sélection.
Notre groupe à la Perry School de l’Université du Michigan a créé une
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sorte de chaîne d’assemblage : un chercheur scannait les publications pério-
diques pour y trouver les rapports d’événements que nous pourrions choisir,
un autre rassemblait ces rapports pour en faire des dossiers de RC qui cor-
respondaient à nos critères et de RC qui n’y correspondaient pas, un troi-
sième chercheur transcrivait manuellement ces rapports sur des formulaires
d’encodage préliminaire, un rédacteur vérifiait chaque résumé, la personne
suivante encodait le matériel en langage informatique, et ainsi de suite
jusqu’à l’introduction d’une entrée complète dans la base de données. De
toute évidence, nous ne pouvions pas simplement automatiser cette chaîne
d’assemblage comme certains analystes des fils de presse y sont presque
parvenus 12. En moyenne, nous disposions de 2,6 comptes-rendus tirés de
nos publications périodiques pour chaque RC, ce qui signifiait que nous
devions souvent reconstituer des récits incomplets et parfois arbitrer des
désaccords sur des aspects tels que le nombre de participants. Nous avons
également consacré énormément de temps à la recherche d’obscurs topony-
mes dans des index géographiques et de patronymes dans des chroniques ou
des dictionnaires biographiques. De temps à autre, les transcripteurs com-
mettaient des erreurs. Les rédacteurs avaient pour mission de les détecter.
En un mot, il a fallu énormément de travail consciencieux et intelligent pour
produire ces transcriptions fidèles, bien que réduites, de nos sources.
La description lisible par ordinateur d’un RC identifie chaque action iso-
lée effectuée par n’importe lequel des participants et la situe dans l’ordre
chronologique de l’épisode en question. Parmi d’autres caractéristiques, la
description d’une action comprend un verbe (qui est généralement repris
directement de la source du compte-rendu) caractérisant l’action, le nom de
la personne ou des personnes qui effectue(nt) cette action et (pour environ

12. BOND D., IDEA : Integrated Data for Events Analysis, 2006 : www.vranet.com/idea/ (accessed
January 17, 2007) ; SCHRODT P. A., Twenty Years of the Kansas Event Data System Project, 2006 :
www.ku.edu/~keds (viewed January 17, 2007).
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198 Charles TILLY

la moitié de tous les verbes qui ont un objet) le nom de la cible de l’action.
Les transcriptions ont recours à 1 584 verbes différents. J’ai regroupé ces
différents verbes en 46 catégories majeures et, pour répondre à certains
objectifs, en 8 catégories très larges : attaquer, négocier, contrôler, termi-
ner, rencontrer, (se) déplacer, soutenir, et autres. J’ai également regroupé
les noms des acteurs individuels provenant des sources décrivant les événe-
ments en 62 catégories, destinées à la fois à identifier les acteurs les plus
fréquents (par exemple, les groupes d’habitants locaux, les tisserands ou la
police) et à regrouper les acteurs moins fréquents en fonction de la simili-
tude des postes qu’ils occupaient dans la politique publique britannique (par
exemple, militants politiques, ouvriers ou fonctionnaires municipaux).
À l’exception des données simples telles que la date, le jour de la
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semaine et les noms des comtés, les dossiers ne contiennent pas de codes
dans le sens traditionnel de ce terme. En général, nous avons transcrit les
mots des textes ou (lorsque cela n’était pas possible) les paraphrases de ces
mots. Prenez, par exemple, les noms des formations : au lieu d’encoder les
noms donnés aux formations dans des catégories larges, nous avons trans-
crit les mots utilisés dans nos sources. Par exemple, la transcription de cha-
que action englobe le nom de l’acteur, un verbe caractérisant l’action et
(dans les quelque 52 % de cas dans lesquels il y avait un objet) le nom de
l’objet. Nous avons donc adopté une forme grammaticale simple pour
représenter l’interaction : sujet, verbe et objet.
La figure 2 présente les comptages annuels simples des RC pour les
quatre comtés de la région de Londres. L’augmentation spectaculaire du
nombre d’événements après 1811 résulte de la combinaison d’un effet lié à
l’information rapportée, et d’une transformation majeure du conflit. Pour
autant que je puisse l’affirmer sur la base des comparaisons détaillées avec
les sources locales et les historiens locaux, notre dépendance vis-à-vis des
périodiques nationaux s’est traduite par l’introduction dans nos catalogues
du 18e siècle d’une plus faible proportion d’événements locaux – particu-
lièrement de conflits sociaux. Mais le volume lui-même des revendications
publiques a littéralement explosé après les guerres napoléoniennes, à
mesure que se relâchait la répression que l’État avait instaurée en temps de
guerre. Au même moment, des formes de conflits à caractère clairement
local, tels que les luttes au sujet des terrains communaux et les rivalités
entre corps de métiers ont cédé le pas à des revendications au niveau natio-
nal. Par conséquent, les périodiques de Londres ont commencé à accorder
de plus en plus d’attention aux conflits quel que soit l’endroit où ils se pro-
duisaient.
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Décrire, mesurer et expliquer le conflit 199

Fig. 2 : Rassemblements conflictuels


dans la région de Londres, 1758–1834
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Abcisses : années (1758-1834).
Ordonnées : nombre de RC.

Parmi d’autres changements politiques majeurs, se produisait un proces-


sus que l’on peut nommer la « parlementarisation ». Si l’on observe ce pro-
cessus de haut en bas, on constate que le Parlement et ses membres sont
devenus des acteurs politiques nettement plus centraux et autonomes en
Grande-Bretagne qu’ils ne l’avaient été pendant la plus grande partie d’un
dix-huitième siècle fortement marquée par les pratiques du patronage. La
couronne, la famille royale et la noblesse dans son ensemble ont perdu une
part significative de leur influence et de leur rayonnement. Si, en revanche,
on l’observe de bas en haut, on note que les requêtes directes au Parlement
soit par des membres individuels, soit par l’entremise de la législature dans
son ensemble sont devenues beaucoup plus fréquentes parmi la population
britannique ordinaire. Au cours du dix-huitième siècle, les citoyens
s’étaient régulièrement fiés à leurs protecteurs et à des intermédiaires, tels
que les propriétaires terriens, les pasteurs et les fonctionnaires municipaux,
pour aplanir les différends qu’ils ne parvenaient pas à régler eux-mêmes.
La figure 3 montre la fréquence avec laquelle soit le Parlement (c’est-à-
dire la Chambre des Communes et la Chambre des Lords), soit un député fai-
sait l’objet d’au moins une revendication au cours des RC d’une même année
située entre 1758 et 1834. On a assisté à un renforcement spectaculaire du
rôle central du Parlement en termes de revendications en Grande-Bretagne :
on est passé de moins de 10 % de l’ensemble des RC au cours des années 1750
et 1760 à nettement plus de 40 % au cours des années 1830. (En 1801, on
assiste au principal écart par rapport à la tendance générale, la combinaison
d’une crise alimentaire et d’une répression accrue du gouvernement ont
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200 Charles TILLY

provoqué la réduction du nombre de réunions publiques et de requêtes au


Parlement). À cet égard au moins, on peut affirmer que la parlementarisa-
tion était clairement en marche.
Il convient d’accorder une attention toute particulièrement à deux chan-
gements qualitatifs dans les revendications adressées au Parlement. Tout
d’abord, les citoyens ont cessé de demander aux notables tels que les pro-
priétaires terriens et les magistrats d’intervenir en leur faveur auprès du Par-
lement et ont commencé à adresser leurs revendications directes à la fois
aux députés et au Parlement dans son ensemble. De ce point de vue, la désac-
tivation temporaire des limites a réduit l’importance de la distinction entre les
humbles résidents locaux et les citoyens influents à l’échelle nationale.
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En second lieu, la réunion publique ordonnée au cours de laquelle les

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participants votaient des résolutions et adoptaient des pétitions est large-
ment devenue le moyen habituel d’adresser des revendications au Parle-
ment. Il existe une forte corrélation entre les fluctuations année après année
dans la fréquence des réunions publiques ayant servi de contextes à des RC
et la courbe des formulations de revendications au Parlement présentée à la
figure 3. En outre, ces réunions englobaient une large gamme de questions,
de groupes et de revendications. Avant les années 1830 est apparu en
Grande-Bretagne un exercice modulaire de formulation de revendications :
la réunion publique officielle à thème unique annoncée à l’avance. Au cours
des années 1830, ce mode de fonctionnement a dominé le processus de for-
mulation des revendications contestataires. Cela signifiait que le mode et
l’effet de la négociation entre les citoyens et les autorités publiques avaient
irrémédiablement changé.
Les changements constatés dans la combinaison des verbes utilisés entre
1758 et 1834 renforcent encore ces deux conclusions. Parmi nos grandes
catégories de verbes, certaines n’ont que peu fluctué d’une année à l’autre,
et n’ont indiqué aucune tendance particulière. À titre d’exemple, les verbes
que nous avions classés dans la catégorie Soutenir incluaient les sous-caté-
gories s’adresser, acclamer, recevoir et soutenir, qui à leur tour englobaient
des verbes tels que admirer, aider, applaudir, approuver, acquiescer, assis-
ter, avouer, supporter, porter et acclamer. Les verbes de la catégorie Soute-
nir apparaissaient généralement dans environ un tiers des RC d’une année
donnée. Le minimum de 10 % est apparu lors des troubles de 1768 et le
maximum de 44 % dans les années 1820, lorsque de nombreux Londoniens
contestataires ont pris d’assaut les rues de la ville pour acclamer la reine
Caroline alors pressée de toutes parts parce qu’elle s’était séparée du nou-
veau roi George IV.
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Décrire, mesurer et expliquer le conflit 201

Fig. 3 : Le Parlement en tant qu’objet de revendications,


région de Londres, 1758–1834 (en pourcentage de tous les RC)
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Abcisses : années (1785-1834).
Ordonnées : pourcentage.
Séries :
- trait continu : Parlement (Chambre des Communes et Chambre des Lords);
- trait discontinu : Députés.

La figure 4 illustre les quatre grandes catégories qui présentent les tendan-
ces les plus fortes : Attaquer, Contrôler, Rencontrer, et Autres. La catégorie
Attaquer comprend les verbes tels que injurier, accuser, armer, assaillir et
agresser. Dans la catégorie Contrôle, on retrouve enlever, acquitter, appréhen-
der et exciter, sans parler des mots âne, mutinerie et protestation – il s’agit, en
fait, des efforts accomplis pour canaliser et réprimer. La catégorie Rencontrer
comprend les classes de verbes tels que voter, résoudre, réclamer et présider,
qui individuellement contiennent des actions telles que adopter, amender,
répondre, nommer et débattre. Par définition, la dernière catégorie, Autres,
couvre un plus large éventail : assimiler, célébrer, mourir, dîner, chasser,
observer, faire de la contrebande, venir, et d’autres encore.
Le graphique montre quatre grandes tendances. Tout d’abord, dans
l’ensemble Attaquer et Contrôler ont évolué d’une façon semblable ; après
tout, elles impliquaient les deux volets de conflit ouvert. En second lieu,
toutes deux ont diminué de façon irrégulière, passant d’une fréquence éle-
vée dans les RC des années 1750 et 1760 à des niveaux faibles après 1801.
Troisièmement, la catégorie Autres a diminué régulièrement au fil des
années, passant d’une fréquence élevée en 1759 (lorsque chaque RC com-
prenait au moins un verbe de la catégorie Autres) à un niveau faible en 1832
(lorsque seulement 51 % des RC incluaient un verbe de cette catégorie). Au
début de la période qui nous intéresse, les saisies de nourriture, les sanctions
infligées aux briseurs de grève et les attaques variaient d’une commune à
l’autre. À la fin de la période, les réunions et les marches paraissaient beaucoup
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202 Charles TILLY

plus semblables d’un bout de la Grande-Bretagne à l’autre. Comme je l’ai sug-


géré plus haut, le déclin de la catégorie Autres indique que les formes spécifi-
quement locales d’interaction cédaient peu à peu le pas à des manifestations
standardisées, et beaucoup plus orientées vers des problèmes nationaux.

Fig. 4 : Principales catégories de verbes dans les rassemblements


conflictuels en Grande-Bretagne, 1758-1834
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Abscisse : années (1758-1834).
Ordonnées : Pourcentage de tous les RC présentant des verbes de la catégorie.
Séries :
- Attack : attaquer ;
- Control : contrôler ;
- Meet : rencontrer ;
- Other : autres.

En conséquence, la catégorie Rencontrer a augmenté plus régulièrement


que les catégories Attaquer et Contrôler n’ont diminué en dépit de baisses
brusques en 1789 (violence de rue généralisée), en 1801 (autres violences
de rue y compris de résistance au recrutement militaire) et en 1830 (la célèbre
révolte des agriculteurs du Captain Swing dans le Sud-est de l’Angleterre).
Avant les années 1820, les verbes de la catégorie Rencontrer apparaissaient
régulièrement dans les trois-quarts, voire davantage, des RC d’une même
année, et supplantaient donc les catégories Attaquer, Contrôler et Autres.
L’ère de la réunion publique relativement bienséante présentant des requê-
tes aux autorités nationales était arrivée.
Le marchandage acharné n’a pas pour autant disparu. La figure 5 illustre
le fonctionnement de la catégorie de verbes de négociation, qui comprend
les catégories de verbes communiquer, décrier, délibérer, négocier, s’oppo-
ser et demander. Ces verbes se sont produits à l’intérieur comme à l’exté-
rieur étant donné qu’ils arbitraient l’accord et le désaccord. La figure 5
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Décrire, mesurer et expliquer le conflit 203

rassemble les 11 années situées entre 1758 et 1811 et les compare avec les
trois années allant de 1832 à 1834 afin de proposer des nombres relative-
ment égaux de RC pour cette comparaison. La période de 1758 à 1811 a fait
passer la Grande-Bretagne de la guerre de Sept Ans aux guerres napoléo-
niennes. Comme les revendications adressées au Parlement à la figure 3
l’indiquent, elle a également fait passer le régime par une première phase de
parlementarisation. La seconde période tombe essentiellement après
l’adoption du Reform Act (Loi de Réforme) (juin 1832), et illustre les effets
des mobilisations sans précédent à l’égard du Parlement entre 1830 et 1832.

Fig. 5 : Paires sujet-objet fréquentes pour le marchandage


dans la région de Londres, 1758–1811 et 1832–1834
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(Fréquentes = au moins 1 % de toutes les paires sujet-objet)

Lexique
Royalty : famille royale MP : députés
Churchwardens : marguilliers Freeholders : propriétaires fonciers
Mayor : maire Weavers : tisserands
Inhabitants : résidents Mob : foule
Local official : fonctionnaires locaux Crowd : foule
Aldermen : conseillers municipaux Trade : corps de métier
Common council : conseil municipal Deputation : délégation

Le schéma présente les paires sujet-objet les plus fréquentes dans les
revendications de marchandage au cours des deux périodes (« Plus fréquen-
tes » signifie qu’elles représentaient au moins 1 % de toutes les revendications
de ce type au cours de la période). Les deux tableaux montrent des systèmes
très différents de formulation de revendications. Au cours de la première
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204 Charles TILLY

période, les acteurs que les sources ont identifiés comme des résidents
locaux ou simplement comme des foules ont effectivement adressé des
revendications à des membres de la famille royale ou à des députés, surtout
en exprimant des requêtes lorsque l’une ou l’autre de ces personnes appa-
raissait en public, par exemple, lors d’un défilé vers le Parlement. Mais au
cours de la période de 1758 à 1811, deux réseaux de marchandage séparés
fonctionnaient. L’un d’entre eux s’appuyait sur les affaires publiques locales,
les habitants adressant régulièrement leurs revendications aux marguilliers,
aux fonctionnaires, aux conseillers municipaux et au conseil municipal tandis
que le maire, le shérif et les propriétaires fonciers jouaient également un rôle
dans la vie publique. Le second réseau impliquait davantage de politique de la
rue, étant donné que les acteurs que les sources appellaient les tisserands,
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« quelqu’un » ou une foule marchandaient fréquemment avec les troupes, tan-

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dis que les foules adressaient également leurs revendications à des juges ou à
des « personnes », les personnes adressaient des revendications à des individus
désignés, et ces mêmes individus s’en adressaient entre eux. Dans l’ensemble,
le premier tableau présente une version très locale du marchandage.
Dès la période 1832-1834, la parlementarisation avait visiblement pro-
duit ses effets. Certes, les foules, le peuple, les individus désignés et les
juges marchandaient toujours entre eux, avec des membres des corps de
métiers ou des pauvres qui se joignaient à eux. De même, les habitants, les
fonctionnaires municipaux, les marguilliers, les conseillers municipaux et
les propriétaires fonciers continuaient eux aussi à négocier. Mais une très
grande part des conflits de marchandage était à présent dirigée vers la
sphère nationale, les députés, le Parlement et les ministres du gouvernement
devenant peu à peu les objets de ces revendications. (Notez que les mem-
bres de la famille royale ont perdu leur ascendant à mesure que le Parlement
se déplaçait vers le centre de l’échiquier et obtenait davantage de pouvoirs).
En termes pratiques, les Britanniques qui à cette époque avait une revendi-
cation à adresser aux instances du pouvoir national avaient régulièrement
recours à des réunions publiques, dans lesquelles ils débattaient des problè-
mes, avant de publier leurs revendications sous la forme de résolutions, de
pétitions, de déclarations publiques, voire par l’envoi de délégations.
Ces analyses simples ne donnent pas toute la mesure du fascinant pro-
cessus par lequel la parlementarisation a transformé la nature de la politique
publique britannique entre les années 1750 et les années 1830. Elles ne
mentionnent pas, par exemple, les entrepreneurs politiques – les courtiers –
qui apparaissaient régulièrement dans les RC, établissant des liens entre les
groupes qui partageaient les mêmes revendications ainsi qu’entre les
acteurs locaux et les acteurs nationaux. Le courtage pèserait très lourd dans
n’importe quel compte-rendu intégral de la parlementarisation de la
Grande-Bretagne, de même que d’autres mécanismes interactifs tels que les
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Décrire, mesurer et expliquer le conflit 205

déplacements de limites, la certification, la diffusion et la répression (Annexe B


de Tilly et Tarrow) 13.
En tant qu’approche de la description, de la mesure et de l’explication du
conflit politique, l’ensemble des techniques développées pour le GBS
(Étude de la Grande-Bretagne) présente l’avantage de la polyvalence. De
toute évidence, cette étude se prête à l’analyse formelle des réseaux de rela-
tions entre les acteurs politiques 14. Elle se combine facilement avec l’his-
toire narrative profondément ancrée dans son contexte 15. Vu qu’elle produit
des comptages d’événements par type, elle offre un matériel approprié pour
les analyses géographiques et les analyses des séries chronologiques
traditionnelles 16. Toutefois, l’accent qu’elle met sur la formulation publique
et collective des revendications signifie qu’elle soulève également des ques-
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tions sur l’organisation en coulisses, la collusion gouvernementale ou la
subversion et la communication idéologique parmi les participants, ques-
tions qui nécessiteraient d’apporter des indices qui dépassent le cadre
méthodologique de cette étude. En un mot, cette approche apporte un début,
et non une fin, à l’analyse interactive du conflit politique.

13. TILLY C. and TARROW S., Contentious Politics, Boulder, Paradigm Publishers, 2006.
14. FRANZOSI R., From Words to Numbers : Narrative, Data, and Social Science, Cambridge, Cambridge
University Press, 2004 ; TILLY C., « Parliamentarization of Popular Contention in Great Britain, 1758-1834 »,
Theory and Society, 26, 1997, p. 245-273 ; TILLY C. and WOOD L., « Contentious Connections in Great
Britain, 1828-1834 », in DIANI M. and McADAM D., (eds.), Social Movements and Networks : Relational
Approaches to Collective Action, New York, Oxford University Press, 2003 ; WADA T., A Historical and
Network Analysis of Popular Contention in the Age of Globalization in Mexico, Unpublished doctoral disser-
tation in sociology, Columbia University, 2003 ; WADA, T., « Event Analysis of Claim Making in Mexico :
How are Social Protests Transformed into Political Protests ? », Mobilization, 9, 2004, p. 241-258.
15. Par exemple, STEINBERG M., Fighting Words : Working-Class Formation, Collective Action, and
Discourse in Early Nineteenth-Century England, Ithaca, Cornell University Press, 1999 ; TILLY C., Popular
Contention in Great Britain, 1758-1834, Cambridge, Harvard University Press, 1995.
16. SCHWEITZER R. and TILLY C., « How London and its Conflicts Changed Shape, 1758-1834 »,
Historical Methods, 5, 1982, p. 67-77 ; TILLY C., « Parliamentarization of Popular Contention in Great
Britain, 1758-1834 », Theory and Society, 26, 1997, p. 245–273.

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