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LMD
S
Droits fondamentaux LMD
et libertés publiques 2018 Collection dirigée par Bernard Beignier

Droits
Ce cours, à jour au 1er août 2018, rassemble l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur les droits

R
de l’homme, de leur invention à leur protection juridique actuelle. Il couvre l’ensemble :
– des sources des droits : civil, pénal, international, européens, constitutionnel,

fondamentaux et
administratif ;
– des aspects de chaque droit ou liberté : historique, textes, jurisprudence, débats ;
– des développements relatifs aux enjeux de sociétés : données personnelles, garde à

libertés publiques
vue, biométrie, internet, vie privée, étrangers, sectes, hospitalisations psychiatriques,

et libertés publiques
Droits fondamentaux
droit des médias, bioéthique, lanceurs d’alerte…

U
Le programme comprend :
– l’histoire des droits de l’homme ;
– les systèmes de protection des droits ; • Cours
– les droits fondamentaux : droit à la vie, à la mort, à l’intégrité physique, liberté sexuelle,
liberté d’expression, identité ;
• Thèmes de travaux dirigés
– les libertés publiques : liberté individuelle, opinion, religion, éducation, réunion,
association, syndicats, droits politiques, liberté d’aller et venir, droit de propriété,
5e édition
libertés économiques et droits sociaux ; Préface de

O
– les droits de catégories spécifiques : droits de l’enfant, des étrangers, des personnes
handicapées, des malades, des détenus.
Jean-Paul Costa
Il comporte un index des 2 100 jurisprudences citées, ainsi qu’un index des matières
et des auteurs.

X. Bioy
Ce cours s’adresse à tous ceux qui veulent connaître les droits de l’homme, plus
particulièrement les étudiants de L3 Droit, des Instituts d’études judiciaires (CRFPA,

C
ENM, métiers de la sécurité), de master Carrières judiciaires et master Droit public, des
Instituts d’études politiques et des préparations de concours administratifs (ENA, IRA,
Xavier Bioy
Juridictions administratives).
Il est issu de l’expérience d’enseignement dans ces formations de Xavier BIOY, professeur
agrégé de droit à l’Université Toulouse 1 Capitole, responsable de l’axe « Libertés »
de l’Institut Maurice Hauriou, codirecteur du master « Droit des libertés ».

www.lextenso-editions.fr
ISBN 978-2-275-06063-7 42 €

COURS - Droits fondamentaux et libertes publiques - 5e ed.indd 1 10/09/2018 10:38


SÉANCE 1

La vie et la mort

Dissertation
« Faut-il réviser la loi Claeys-Leonetti ? »
Marie Glinel, Doctorante droit public, Institut Maurice Hauriou

Proposition de corrigé
Introduction
Accroche : « Laissez-les faire ! La loi doit exclure totalement la question des mineurs qui est un
problème insoluble, elle ne doit pas s’immiscer dans la décision ». Ce sont les mots employés par
un sénateur à l’occasion de la discussion relative à la proposition de loi Claeys-Leonetti. Est-il
opportun d’occulter de la sorte une telle question, au motif qu’elle serait « insoluble » ? En tout
état de cause, ce n’est pas la vocation du législateur. Ce dernier écrit la loi en épuisant la compé-
tence que lui donne la Constitution, et cette intervention témoigne d’une décision souveraine de
s’en écarter.
Définitions : Le sujet invite à envisager la nécessité d’une révision. « Faut-il » n’équivaut pas
« devoir » ou « pouvoir ». Sa différence tient à la nécessité, non à la possibilité ni à l’obligation.
Ensuite, le verbe « réviser » invite quant à lui à penser une évolution de la loi, suggérant ainsi
que celle qui est en vigueur actuellement connaîtrait des failles. Bien que la révision soit un mot
fort, employé usuellement dans le cadre de la Constitution, il s’intègre ici pleinement en raison du
sens figuré qu’il porte. La révision implique donc une prise de conscience préalable des failles du
texte, révélée soit par la doctrine, soit par la pratique et le contentieux. La révision appelle une
réécriture, et donc de nouveaux arbitrages, une rectification de ce qui avait été choisi auparavant.
Enfin, « la loi Claeys-Leonetti » vise la loi du 2 février 2016 relative aux droits des malades et des
patients en fin de vie (loi 2016-87), qui fait suite à la loi Leonetti de 2005 sur le même sujet. Cette
loi est accompagnée de deux décrets d’application du 3 août 2016, qui font également l’objet de
critiques. Bien que le sujet vise « la loi Claeys-Leonetti » il est permis de prendre également en

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DROITS FONDAMENTAUX ET LIBERTÉS PUBLIQUES

compte les décrets d’application qui lui sont liés, puisqu’ils tirent leur validité, comme leur cadu-
cité, uniquement de cette loi.
Contexte
Par rapport à la loi de 2005, la loi de 2016 prétend apporter des garanties de principe dans la
prise en compte de l’avis du patient. Mais en réalité, ces renforcements sont balayés au profit de
la médicalisation de la décision.
En effet, que ce soit dans l’exposé des motifs de la loi, ou bien dans les diverses communications
du Gouvernement, cette loi envisage un changement présenté comme radical. Tout d’abord, la
question de la garantie d’accès sur tout le territoire aux soins palliatifs, ainsi que les dispositifs
renforcés de formation du personnel médical. Cette première idée, marque une réelle avancée,
puisque l’égalité d’accès est inscrite dans la loi, bien qu’il manque encore le décret d’application.
Ensuite, dans la lignée des arbitrages du Conseil d’État, la nutrition et l’hydratation font désormais
partie des traitements, et non plus des suppléances vitales, ce qui constitue une requalification
pour le moins radicale.
En outre, les conditions de mise en œuvre de la sédation profonde et continue apparaissent très
normées. En effet, une affection grave et incurable doit avoir été détectée, le pronostic vital doit
être engagé à court terme, et la souffrance en cause doit être réfractaire aux traitements. Ces
trois conditions ne sont pas, il est aisé de le constater, étudiées dans leur globalité à l’occasion
des différents contentieux qui ont eu lieu.
Aussi, le patient peut faire valoir sa volonté d’arrêter les traitements s’il est conscient ou par
directives anticipées. La condition d’exercice de ce « droit » réside essentiellement dans l’exis-
tence d’une situation de traitement inutile et disproportionné visant le maintien artificiel de la vie.
Le cas du patient inconscient est strictement normé. Dans un premier temps, les directives anti-
cipées du patient sont renforcées. En effet, le patient peut exprimer sa volonté de refuser, limiter
ou arrêter les traitements ou enfin les poursuivre. Ces directives sont désormais révocables et
révisables à tout moment, ce qui renforce leur emploi dans le temps. Elles sont écrites selon un
modèle unique, pour faciliter leur compréhension. En revanche, si elles apparaissent « manifeste-
ment inappropriées », les directives anticipées du patient, souverainement écrites et habilement
« renforcées » par la loi, sont écartées au profit d’un avis collégial et de la personne de confiance
qui sera consultée. Là encore, la question qui se pose est celle de la pondération entre l’avis de la
personne de confiance et celui du médecin. Plus encore, la décision de refus d’application des
directives anticipées est « estimée » par le médecin à l’issue d’une « procédure collégiale » qui
sera définie par « voie réglementaire » ce qui constitue un autre point de cristallisation du conten-
tieux.
Enfin, et c’est le plus important, ces dispositions régissent uniquement la situation des majeurs.
La notion juridique « mineur » n’apparaît jamais dans ce texte de loi. En oubliant de faire du
mineur l’un des sujets de ces « nouveaux droits des malades et des patients en fin de vie », la loi
de 2016 créée un vide que le contentieux tente de panser à partir de l’unique disposition présente
dans le décret d’application relatif à la procédure collégiale. Depuis qu’elle est promulguée, la loi
du 2 février 2016 a donné lieu à plusieurs contentieux, devant le juge administratif, le Conseil
constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme. Les contentieux relatifs à cette loi
et aux situations qu’elle régit sont liés globalement à l’imprécision des termes employés, des
procédures choisies et des situations indéfinies.
Intérêt du sujet : Cette loi prend les apparences d’une loi de consensus, puisqu’elle a été
rapportée et portée par deux députés de bords différents, a été votée à une large majorité. Mais
ce consensus apparent contraste avec les nombreux problèmes mis en évidence à l’occasion des
divers contentieux. C’est en ce sens que ce sujet présente un grand intérêt : se poser la question
de la révision d’une loi, implique d’avoir pris en compte au préalable les apories de cette dernière,

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La vie et la mort

son inadéquation aux situations concrètes qu’elle régit, les vides qu’elle laisse. Cela dit, il convient
de distinguer l’origine du contentieux qui met en évidence des tensions ; et la solution du conten-
tieux qui n’entend faire aucun procès à la loi, en la validant. C’est l’origine du contentieux qui
nourrit les interrogations, et non ses solutions.
Problématisation et problématique : A priori, l’objet de cette loi est la garantie des droits des
malades en fin de vie. Donc la question de la garantie des droits et de la conquête de nouveaux
droits peut être raisonnablement envisagée. Or, force est de constater que cette loi « remédica-
lise » et ne « socialise » pas la décision sur la fin de vie (Pr. Bioy, AJDA, 2018, p. 578). Par consé-
quent, la nécessité de la révision de cette loi, serait gouvernée par un rééquilibrage de l’alterna-
tive entre la médicalisation et la socialisation de la décision, et aboutirait à approfondir la garantie
des droits de la totalité des patients en fin de vie.
Démonstration de la thèse retenue : L’intérêt d’une loi nommée « nouveaux droits en faveur des
malades en fin de vie » consiste à accroître la base des droits. Cette conception, apparentée à une
« socialisation » de la décision, accorde une importance majeure à la volonté du patient. Cette
option a été reconnue par la Cour européenne des droits de l’homme comme faisant consensus
entre les États européens, alors que la question générale de la fin de vie n’y parvient pas (CEDH,
2014, Lambert).
Or, en médicalisant la décision de poursuivre ou d’arrêter les traitements, l’acquisition de
nouveaux droits ne s’opère pas sur le même terrain normatif. En effet, la loi n’est pas le même
terrain normatif que le règlement et donc le code de déontologie médicale qui constitue le texte
médical. Il reste à savoir qui détient la prérogative réelle et ultime d’opérer le choix, pour toutes
les personnes.
En effet, la question de la forme et de la procédure est tout aussi importante que la question des
droits concrets reconnus aux patients en fin de vie. La question de la forme est en partie liée à la
compétence du législateur, motif de censure possible de la loi par le Conseil, et invocable en
l’espèce eu égard à l’imprécision des notions et le renvoi au pouvoir réglementaire. C’est en ce
sens qu’il est important d’étudier à la fois la nécessité de rééquilibrer l’alternative entre médicali-
sation et socialisation sur le plan formel des procédures et de la clarté des qualifications (I) tout
en étudiant conjointement la nécessité de réécrire la loi au profit de situations matérielles de
garantie des droits (II).
Développements

I. La nécessité formelle de la révision de la loi :


inciter le législateur à épuiser sa compétence
L’incompétence négative est l’une des raisons pour lesquelles il peut être nécessaire de réviser
une loi, si toutefois c’est un grief relevé à l’occasion du contentieux constitutionnel, et reconnu
comme tel par le Conseil constitutionnel, lorsque ce grief est de nature à atteindre par lui-
même un droit ou une liberté (QPC, 2010-5 ; QPC 2012-254). Or, en l’espèce, dans la décision
QPC 2017-632 (relative à la fin de vie), le Conseil ne retient pas le grief d’incompétence négative.
Ce sont les diverses motivations des contentieux qui invoquent ce moyen, sans que celui-ci ne soit
pour autant apprécié favorablement par le juge. Ce sont ici les outils d’évaluation de l’incompé-
tence négative qui seront vus, et non un éventuel contrôle du Conseil constitutionnel sur la ques-
tion. En tout état de cause, il convient d’apprécier la qualité des nouvelles qualifications (A) ainsi
que la perturbation des procédures lato sensu observée lors des différents contentieux (B).

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DROITS FONDAMENTAUX ET LIBERTÉS PUBLIQUES

A. Le constat de qualifications équivoques sans définition précise


Parmi les corollaires de l’incompétence négative, se trouvent les exigences de clarté, d’intelligibi-
lité de la loi, les formules claires et non équivoques. Ce bloc d’exigence invite à appréhender la
nécessité de la révision de la loi 2016-87 à l’aune de la confusion du sens de certaines qualifica-
tions (i) et le manque d’opportunité de requalifications (ii).

1. La confusion manifeste des qualifications


Affirmation de l’idée : parmi le panel des qualifications nouvelles ou revisitées présentées dans
cette loi, plusieurs présentes des problèmes de clarté et prêtent à confusion. Cette constatation
invite à réviser la loi, pour la rendre plus accessible.
Illustration de l’idée : confusion entre maintien artificiel de la vie et obstination déraisonnable ;
confusion entre vie et qualité de vie ; imprécision de l’expression « manifestement inappropriée »
qui donne lieu à l’appréciation souveraine du médecin.
Explication de l’idée : ces confusions et imprécisions amènent à une situation aporétique où le
juge adapte le cadre légal au cas par cas (CE, 5 janvier 2018). En outre, la médicalisation de la
décision d’arrêter ou poursuivre le traitement est renforcée, car seul le médecin, peut apprécier
le caractère approprié des directives anticipées. De plus, la confusion entre vie et qualité de vie
(Pr. Bioy, AJDA, 2018, p. 578) implique nécessairement un resserrement de la protection du droit
à la vie, qui n’est même plus évalué par le juge, et n’est pas inscrit dans la loi. À propos de la
notion d’obstination déraisonnable, quelques doutes subsistent quant à son interprétation. Cepen-
dant, comme cela fut rappelé dans les débats à l’Assemblée par Mme Chapdelaine « lorsque le
malade exprime sa volonté de refuser ou de subir un traitement, le corps médical ne pourra
désormais aller au-delà des explications nécessaires concernant les conséquences de ces
choix » comme si la possibilité de refus de traitement était un authentique droit subjectif. Cette
idée accrédite l’observation selon laquelle le glissement sémantique s’opère autour de l’obstina-
tion déraisonnable et non plus du droit à la vie. L’absence de définition claire de ces qualifications
qui entraînent des conséquences concrètes est problématique.

2. Le manque d’opportunité de certaines requalifications : l’hydratation


et nutrition
Affirmation de l’idée : l’écriture de la loi 2016-87 a été l’occasion de reprendre quelques qualifica-
tions, et leur conférer un nouveau sens, en reprenant quelques fois les interprétations et évolu-
tions opérées par la jurisprudence.
Illustration de l’idée : « hydratation et nutrition » sont désormais qualifiées de « traitement » et ne
sont plus qualifiées de « suppléances vitales » selon l’article L. 1110-5-1 du CSP.
Explication de l’idée : dans l’affaire « Lambert », le Conseil d’État avait pu exprimer une nouvelle
classification de l’hydratation et de la nutrition. En effet, autrefois du côté de la « suppléance
vitale », l’hydratation et la nutrition sont passées du côté du « traitement ». Cette mutation
implique de nombreuses conséquences. Autrefois, nutrition et hydratation étaient vecteur de
distinction entre maintien artificiel de la vie et obstination déraisonnable. À présent, en constituant
un traitement, elles accentuent la médicalisation de la décision.

B. Des procédures globalement perturbées


L’incompétence négative permet d’éclairer quelques exigences de nature à proposer une refor-
mulation de la loi 2016-87. Il est possible d’étudier par analogie les conditions prétoriennes

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La vie et la mort

d’appréciation de l’incompétence négative, et d’observer plusieurs conditions, parmi lesquelles les


conditions de renvoi au pouvoir réglementaire (i) et la possibilité d’un recours effectif (ii).

1. Le renvoi au pouvoir réglementaire : vers la médicalisation du choix


Affirmation de l’idée : la procédure autour de laquelle se cristallisent les contentieux est non
seulement détaillée mais surtout présentée dans la partie réglementaire de la réforme. Cette
option est pour le moins surprenante, et a été perçue par les requérants comme un déni, par le
législateur, de sa propre compétence (QPC 2017-632).
Illustration de l’idée : L’article L. 1110-5-1 CSP dispose « Lorsqu’ils apparaissent inutiles, dispro-
portionnés ou lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être
suspendus ou ne pas être entrepris, conformément à la volonté du patient et, si ce dernier est
hors d’état d’exprimer sa volonté, à l’issue d’une procédure collégiale définie par voie réglemen-
taire ».
Explication de l’idée : Le législateur renvoie au pouvoir réglementaire le soin de fixer par décret
des dispositions plus précises. Or, en l’espèce, la partie législative n’indique absolument aucune
orientation qui puisse servir de fondement solide à toute entreprise réglementaire. Pourtant,
J. Leonetti, en défendant cette option a pu dire en Assemblée « La définition de la collégialité par
le code de déontologie médicale [...] permettra de parler le même langage, à la fois médical et
juridique ». Il est clair que le problème résulte moins du fait que la loi délègue au pouvoir régle-
mentaire le soin de fixer la partie décisive de cette réforme, que du fait de confier au médecin le
dernier mot. En effet, cet arbitrage renforce la médicalisation de la décision de mettre fin au trai-
tement, puisqu’il s’agit de placer sur le terrain du « texte médical » (le code de déontologie médi-
cale) la précision d’une réforme écrite pour le personnel médical.

2. L’absence initiale de recours effectif


Affirmation de l’idée : la question du « recours effectif » a fait l’objet de trois types de contentieux
(Conseil d’État en référé, Conseil constitutionnel, Cour européenne des droits de l’homme),
toujours sans succès pour le requérant. L’absence initiale de garantie d’un recours effectif a été
rattrapée par le juge qui, à chaque fois, puise dans le prétoire d’un voisin la « réserve » qui
sonne juste.
Illustration de l’idée : le juge constitutionnel dans la QPC 2017-317 opérait en faveur d’une réserve
assortissant sa déclaration de conformité « [...] le droit à un recours juridictionnel effectif impose
que cette décision soit notifiée aux personnes auprès desquelles le médecin s’est enquis de la
volonté du patient, dans des conditions leur permettant d’exercer un recours en temps utile. Ce
recours doit par ailleurs pouvoir être examiné dans les meilleurs délais par la juridiction compé-
tente aux fins d’obtenir la suspension éventuelle de la décision contestée ».
Explication de l’idée : initialement, le texte de loi et la partie réglementaire qui l’applique ne
prévoyaient aucun recours effectif. Lors des débats parlementaires, certains députés défendaient
la décision médicale contre toute possibilité de recours, mais cette option n’a pas été retenue
explicitement (M. Le Fur, 11 mars 2015). À défaut de consacrer à l’inverse la possibilité expresse
d’un recours, rien n’est écrit à son propos. Plusieurs contentieux sont nés en raison de cette
aporie, et ont donné lieu à une réserve d’interprétation du juge constitutionnel. Or, bien que le
juge constitutionnel ainsi que le juge de la Cour européenne des droits de l’homme concluent en
faveur d’une réserve d’interprétation, celle-ci demeure fragile en l’absence de consécration
textuelle. Par conséquent, la perspective d’une réécriture de la loi impliquerait l’insertion d’une
telle disposition, eu égard à son importance dans le dispositif d’une loi qui prétend « renforcer le
droit des malades en fin de vie ».

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DROITS FONDAMENTAUX ET LIBERTÉS PUBLIQUES

Transition : L’étude de la nécessité de la révision de la loi, ne serait-ce que sur le plan de la


forme, apparaît intéressante pour équilibrer la garantie des droits en faveur de la décision du
patient, car la clarté des termes et la garantie d’un recours effectif et d’un encadrement régle-
mentaire conforme à la loi semblent indispensables. D’ailleurs « la portée des dispositions législa-
tives était ambiguë ; mais plutôt que de censurer cette ambiguïté au titre de l’incompétence négative
[...] le Conseil constitutionnel la lève en s’appuyant sur une ordonnance de référé du Conseil d’État
[...] par laquelle celui-ci a précisé l’interprétation des dispositions » (Pr. Roblot-Troizier, RFDA 2017,
p. 1177). Ces champs de révision sont insuffisants s’ils ne sont pas complétés par des éléments
de révision de fond, de nature à élargir la socialisation du choix à des sujets de droit différents et
à clarifier les limites à la volonté du patient.

II. La nécessité matérielle de la révision de la loi :


élargir la « socialisation » du choix
La nécessité formelle de révision de la loi se trouve complétée par sa nécessité matérielle. Il est
question ici d’étudier en quoi certaines situations concrètes sont matériellement atteintes, a
fortiori du point de vue de la qualité de la garantie des droits. La « socialisation » abonde l’arbi-
trage en faveur du choix du patient (socialisation du choix) plutôt que le choix du médecin (médi-
calisation du choix). Il semble que deux éléments sont à mettre en évidence ici. Il s’agit des
limites opposées à la volonté du patient d’arrêter ou continuer les traitements (A) et de l’exclusion
du mineur de ces nouvelles dispositions (B).

A. Clarifier les limites opposées à la volonté du patient


L’intitulé de la loi, tout comme l’exposé des motifs, invitent à penser à un « renforcement » de la
volonté du patient. Cela se traduit par la réforme des directives anticipées et de la désignation de
la personne de confiance. Or, à ce renforcement correspondent deux limites : d’une part l’appré-
ciation par le médecin de la dimension « manifestement inappropriée » de la directive anticipée
laissée par le malade et d’autre part le recours à une procédure collégiale et à la relativité de la
concertation avec les proches. Clarifier les limites opposées à la volonté du patient passe par une
remise en question de la médicalisation de la décision (i) et la clarification de la place respective
des proches et du médecin (ii).

1. Renverser la médicalisation de la décision


Affirmation de l’idée : la loi 2016-87 devait rendre au patient la primeur de sa volonté et lui
« donner la priorité et une force supérieure à celle des non malades, fussent-ils soignants »
(Mme Chapdelaine, débat Assemblée, 11 mars 2015). Or, force est de constater que cette garantie
matérielle d’un droit reconnu au patient n’a pas été suivie d’effet, a fortiori lorsque ce dernier ne
peut s’exprimer qu’indirectement par la voix de ses directives, de sa personne de confiance ou sa
famille et ses proches.
Illustration de l’idée : alors que la Cour européenne des droits de l’homme souligne un net
consensus des États européens sur le fait de consacrer la volonté du patient en fin de vie alors
qu’elle ne reconnaît pas ce consensus dans les procédures des mêmes États en ce qui concerne
la législation générale sur la fin de vie (CEDH, Lambert, 2014), le dispositif légal français paraît
malgré tout mitigé. En effet, il oscille entre renforcement du respect de la volonté du patient par
principe et accroissement des limites qui lui sont opposées et qui sont gouvernées par la décision
médicale. Cette dialectique fait poindre deux intérêts a priori complémentaires mais finalement
opposés dans la décision.

846
La vie et la mort

Explication de l’idée : la loi de 2005 obligeait le médecin à « tout mettre en œuvre pour convaincre
[la personne] d’accepter les soins indispensables » (L. 1111-4 CSP, dans sa version de 2005). La loi
de 2016 invite le médecin à informer le patient « des conséquences de ses choix et de leur
gravité », ce qui paraît moins coercitif. Pour « s’enquérir de l’expression de la volonté exprimée
par le patient » (L. 1111-4 CSP, 2016), le médecin doit d’abord consulter les directives anticipées
du patient, dont le contenu et la pérennité ont été revus à la hausse par la loi 2016-87. Or,
plusieurs obstacles se forment contre la souveraineté de la décision du patient (urgence vitale ;
directives anticipées manifestement inappropriées ; directives anticipées non conformes à la situa-
tion médicale). Ces trois conditions sont appréciées et estimées par le médecin, ce qui implique
une « médicalisation » de la décision en se fondant sur la possibilité d’évacuer la volonté du
patient dans un premier temps, avant même de discuter la décision d’évacuer l’avis de la
personne de confiance ou des proches, ou la décision d’arrêter ou poursuivre, in fine, le traitement
que le médecin apprécie comme « obstination déraisonnable ».

2. La place de la procédure collégiale et de l’avis de la personne de confiance


et des proches
Affirmation de l’idée : préalables à la décision du médecin, la consultation de la personne de
confiance et de l’avis des proches ne sont pas clairement situés bien qu’ils soient strictement
normés. Cependant, c’est bien la prise en compte de ces avis qui reconnecte indirectement la
volonté du patient à la décision, faute de pouvoir s’exprimer ou faute de directives anticipées
appropriées.
Illustration de l’idée : « En l’absence de directives anticipées et de personne de confiance, nous
considérons que le rôle de la famille est non de faire connaître son opinion, mais d’éclairer
l’équipe médicale sur ce qu’aurait été l’avis du patient s’il avait été autonome » (M. Claeys, AN,
11 mars 2015).
Explication de l’idée : il existe une imprécision quant à l’importance de l’avis des personnes
consultées. Il faut bien distinguer le cas de la personne de confiance du cas des proches. La
personne de confiance a été désignée par le patient car capable de rendre compte avec fidélité
de ses volontés. Lorsque la personne de confiance s’exprime, a priori, c’est le patient qui
s’exprime. Ce n’est qu’à défaut de personne de confiance désignée que la famille et les proches
sont consultés. Ces deux éléments rendent compte indirectement de la volonté du patient. Il est
intéressant de noter que le dernier exemple de discorde (Affaire Lambert, 2014), relate un désac-
cord entre femme et parents. Aucune disposition ne vient vraiment régler le cas de ces discordes,
ou l’avis qui primera. En revanche, une procédure a été mise en place pour trouver une solution
« neutre », évacuant ainsi l’avis des proches en discorde. La procédure collégiale marque le début
de la médicalisation de la décision. En effet, une procédure collégiale est entamée pour éclairer le
caractère déraisonnable de l’obstination. Le choix a été fait d’évacuer de cette discussion profes-
sionnelle les proches, famille et personne de confiance. Seule l’équipe médicale et un consultant
éclairent l’avis du médecin qui reste seul décisionnaire. Lorsque le médecin consulte la famille,
cette dernière ne doit pas espérer que son avis soit prépondérant. En effet, « Tous les profession-
nels de santé entendus par la mission d’information [qui] ont insisté également pour que la déci-
sion finale revienne au médecin. Tant des raisons juridiques que sociales, médicales et pratiques
plaident en effet pour cette solution » (M. Léonetti, AN, 11 mars 2015).

B. Corriger l’exclusion maladroite du mineur des nouvelles dispositions


Le mineur n’est pas un sujet de droit comme les autres à en croire l’écriture de la loi 2016-87. En
effet, la notion « mineur » n’apparaît jamais dans le texte de loi, et les débats révèlent même que
la question a été volontairement évacuée. Or, la partie réglementaire (R. 4127-37-2.-III CSP,

847
DROITS FONDAMENTAUX ET LIBERTÉS PUBLIQUES

R. 4127-42 CSP) emploie la notion « mineur ». La loi en elle-même ne règle pas le cas du mineur
car on peut constater une incapacité du mineur à formuler des directives anticipées ou à désigner
une personne de confiance, faute d’avoir prévu ce cas (i). En même temps, le règlement et le juge
viennent combler ces lacunes légales en adaptant maladroitement le cadre légal au cas du
mineur, sans que cela ne soit suffisant (ii).

1. L’incapacité légale à formuler des directives anticipées et à désigner


une personne de confiance
Affirmation de l’idée : le constat des dispositions révèle que le mineur est dans une situation
singulière, car il est exclu des dispositions qui renforcent la place des directives anticipées et la
place de la personne de confiance, avancées de nature à renforcer les droits des patients en fin
de vie. Or, le contentieux révèle que le médecin doit s’efforcer d’aller rechercher la volonté du
patient, même mineur.
Illustration de l’idée : L’article R. 4127-37-2-III CSP dispose « Lorsque la décision de limitation ou
d’arrêt de traitement concerne un mineur ou un majeur protégé, le médecin recueille en outre
l’avis des titulaires de l’autorité parentale ou du tuteur, selon les cas, hormis les situations où
l’urgence rend impossible cette consultation ».
Explication de l’idée : tout d’abord, il existe un paradoxe entre le fait de ne pas permettre aux
mineurs de bénéficier des dispositions relatives aux directives anticipées et à la personne de
confiance, en effet, la loi dispose « toute personne majeure » (L. 1111-6 CSP) et le fait d’aller
rechercher quoiqu’il en coûte leur volonté, « si sa volonté [du mineur] a pu trouver à s’exprimer
antérieurement » (CE, 5 janvier 2018). Cette option est corroborée par les dispositions relatives
aux personnes sous tutelle qui peuvent rédiger des directives anticipées ou désigner une
personne de confiance, avec l’autorisation du juge (art. L. 1111-6 et 11 CSP). Pourtant encore, la
loi indique « toute personne a droit de refuser tout traitement » (art. L. 1110-5-2º CSP ; L. 1111-4-
1º CSP). Toute personne inclut, de facto, les personnes mineures et les personnes incapables.
Ensuite, dans une même phrase du règlement (R. 4127-37-2-III CSP) coexistent deux éléments
paradoxaux « décision de limitation ou d’arrêt de traitement » et « hormis les situations où
l’urgence rend impossible cette consultation ». Existerait-il donc une urgence à la décision de
limitation ou d’arrêt des traitements ? A priori, il existe une urgence pour initier maintenir les trai-
tements, mais pas pour l’abréger. En l’absence de dispositions législatives à ce sujet, qui souligne
une orientation poussée, il serait intéressant de revoir le sens de cette phrase.

2. L’insuffisant rattrapage réglementaire et prétorien de la situation


Affirmation de l’idée : Il est difficile de faire la part des choses entre l’exclusion du mineur de la
possibilité légale d’expression de sa volonté et la recherche inductive de cette dernière par le
médecin une fois confronté à la situation. Plus encore, c’est la situation des parents qui est
ambiguë en raison de leur statut, qu’il est difficile de traiter juridiquement comme de simples
« proches » ou « membres de la famille » à défaut d’avoir pu désigner une personne de confiance.
Illustration de l’idée : l’article 4127-42 CSP, qui est la base juridique sur laquelle se fonde le
Conseil d’État pour rendre sa décision, dispose « [...] un médecin appelé à donner des soins à un
mineur ou à un majeur protégé doit s’efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal
et d’obtenir leur consentement. En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le
médecin doit donner les soins nécessaires ». De son côté, le contentieux administratif assimile
cette disposition à la décision d’arrêt ou de limitation des soins (CE 5 janvier 2018, § 9).
Explication de l’idée : il ressort de ces dispositions que le médecin doit s’efforcer de prévenir les
parents des soins qu’il va donner à leur enfant, et doit s’efforcer d’obtenir leur consentement. Le

848
La vie et la mort

fait de s’efforcer d’obtenir leur consentement n’est pas assimilable à une obligation de résultat,
mais à une simple obligation de moyen. Or, rien n’est prévu dans la loi ni le règlement sur les
preuves de cet effort. De plus, le statut du représentant légal, du tuteur, du titulaire de l’autorité
parentale n’est pas très clair, car rien n’est inscrit dans la loi à ce sujet, ni dans le règlement
précisément. À l’issue de cet effort de conciliation, le médecin peut engager la procédure collé-
giale et l’arrêt des traitements. Ainsi, la disposition R. 4127-42 CSP sur laquelle se fonde le
Conseil d’État pour justifier une base légale aux relations entre le médecin et les parents est
erronée, car elle s’attache « au médecin appelé à donner des soins à un mineur » et non au
médecin appelé à limiter ou arrêter les traitements. Il ne saurait être fait de parallèle entre la
décision de soigner qui, dans l’urgence, peut passer outre l’avis des parents et la décision d’arrêt
qui, irréversible, nécessite conciliation et présence des parents.
Ces quelques mots « Laissez-les faire ! La loi doit exclure totalement la question des mineurs qui
est un problème insoluble, elle ne doit pas s’immiscer dans la décision » ont participé à la
promulgation d’une loi inachevée qui, aujourd’hui, pose question...

849
COURS
collection

collection
COURS collection

COURS

LMD
S
Droits fondamentaux LMD
et libertés publiques 2018 Collection dirigée par Bernard Beignier

Droits
Ce cours, à jour au 1er août 2018, rassemble l’essentiel de ce qu’il faut savoir sur les droits

R
de l’homme, de leur invention à leur protection juridique actuelle. Il couvre l’ensemble :
– des sources des droits : civil, pénal, international, européens, constitutionnel,

fondamentaux et
administratif ;
– des aspects de chaque droit ou liberté : historique, textes, jurisprudence, débats ;
– des développements relatifs aux enjeux de sociétés : données personnelles, garde à

libertés publiques
vue, biométrie, internet, vie privée, étrangers, sectes, hospitalisations psychiatriques,

et libertés publiques
Droits fondamentaux
droit des médias, bioéthique, lanceurs d’alerte…

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Le programme comprend :
– l’histoire des droits de l’homme ;
– les systèmes de protection des droits ; • Cours
– les droits fondamentaux : droit à la vie, à la mort, à l’intégrité physique, liberté sexuelle,
liberté d’expression, identité ;
• Thèmes de travaux dirigés
– les libertés publiques : liberté individuelle, opinion, religion, éducation, réunion,
association, syndicats, droits politiques, liberté d’aller et venir, droit de propriété,
5e édition
libertés économiques et droits sociaux ; Préface de

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– les droits de catégories spécifiques : droits de l’enfant, des étrangers, des personnes
handicapées, des malades, des détenus.
Jean-Paul Costa
Il comporte un index des 2 100 jurisprudences citées, ainsi qu’un index des matières
et des auteurs.

X. Bioy
Ce cours s’adresse à tous ceux qui veulent connaître les droits de l’homme, plus
particulièrement les étudiants de L3 Droit, des Instituts d’études judiciaires (CRFPA,

C
ENM, métiers de la sécurité), de master Carrières judiciaires et master Droit public, des
Instituts d’études politiques et des préparations de concours administratifs (ENA, IRA,
Xavier Bioy
Juridictions administratives).
Il est issu de l’expérience d’enseignement dans ces formations de Xavier BIOY, professeur
agrégé de droit à l’Université Toulouse 1 Capitole, responsable de l’axe « Libertés »
de l’Institut Maurice Hauriou, codirecteur du master « Droit des libertés ».

www.lextenso-editions.fr
ISBN 978-2-275-06063-7 42 €

COURS - Droits fondamentaux et libertes publiques - 5e ed.indd 1 10/09/2018 10:38

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