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ÉDITIONS PLANÈTE
ADMINISTRATION
42 RUE DE BERRI. PARIS 8
Positions Planète 5
Très rapidement, et sans ressources extérieures connaissance, l'étendue des terres encore
d'aucune sorte, il fallut organiser des services, vierges que l'esprit s'apprête à prospecter;
assurer mille contacts, multiplier des confé- donner de la science en marche une image
rences à travers la France, puis l'Europe. Une vivante, l'image même de l'aventure; faire, à
vaste famille d'esprits prenait conscience d'elle- travers le bilan des certitudes, la somme consi-
même, avec ses leaders, écrivains, artistes, dérable des ignorances, des questions en suspens,
chercheurs, philosophes, jusqu'ici isolés, avec ses des hypothèses de travail; dresser la carte des
défenseurs, sa masse très active, et, naturel- frontières de la recherche; établir la liste des
lement, ses ennemis et ses accusateurs. Nous interrogations majeures de notre temps sur la
publierons prochainement l'essentiel des «Po- nature visible et invisible, et sur la nature même
sitions Planète», telles qu'on les voyait exprimées de l'esprit qui interroge, telle est l'ambition de
dans les six premiers numéros, aujourd'hui cette Encyclopédie Planète. Onze volumes ont
introuvables. Ce sont des positions d'extrême déjà paru dans cette collection:
ouverture intellectuelle et spirituelle. Mais Les sociétés secrètes, D'où vient l'humanité?, La
l'extrême ouverture suscite, en certains, pensée non humaine, Le cosmos et la vie, Nos
d'extrêmes fureurs. pouvoirs inconnus, Trois milliards d'années de
Comme l'amour, la tolérance est à réinventer, vie, Profil du futur, Les médecines différentes,
on le sait. Histoire des magies, La Terre, cette inconnue,
Aujourd'hui, toujours sans ressources extérieures, L'homme et l'animal.
Planète a dépassé cent mille exemplaires de D'éminents professeurs tels Rémy Chauvin,
vente par numéro et compte plus de trente professeur à la Faculté de Strasbourg, André
mille abonnés. Depuis huit mois paraît une Cailleux, professeur à la Sorbonne, des chercheurs
édition italienne, « Pianeta». Pauwels vient de tels Jacques Lecomte, du C.N.R.A., et Michel
rentrer d'Amérique du Sud, après avoir donné Gauquelin ont collaboré à ces ouvrages.
des conférences en Argentine, Chili, Uruguay, Parmi les volumes en préparation, nous pouvons
Pérou, à l'occasion de la sortie de l'édition en citer:
langue espagnole, « Planeta ». Les intellectuels, L'astrologie devant la science, La France secrète,
artistes et étudiants d'Amérique latine ont créé Qu'est-ce qu'un catholique?, Les pouvoirs de
un groupement des« amitiés Planète». l'hypnose, Les mystères de l'hérédité, Les
courants secrets de !'Histoire, Les cités du
III< millénaire, La pensée hindoue, Qu'est-ce
L'ENCYCLOPÉDIE PLANÈTE qu'un marxiste?, Civilisation de l'amour, etc.
' La première encyclopédie des ignorances Le tirage moyen de ces volumes est de trente
L .
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mille exemplaires. Diverses éditions étrangères
sont à l'étude.
En avril 1963 paraissait le premier volume de
!'Encyclopédie Planète, consacré aux origines et
aux structures des Sociétés secrètes. Il était L'ANTHOLOGIE PLANÈTE
l'œuvre de René Alleau, spécialiste réputé des La littérature et l'art différents
questions d'ordre ésotérique et de l'histoire de
l'alchimie traditionnelle. A raison d'un volume
tous les deux mois, relié, illustré, conçu graphi- Sur le plan de la sensibilité et de l'esthétique,
quement pour une lecture foisonnante, nous nous avons, à maintes reprises dans Planète,
avons entrepris de réaliser un programme conçu montré qu'il existait, en marge de la littérature
sur dix ans au moins. Montrer, à la lumière de ce réaliste, psychologique, ou purement formelle,
que l'on sait, dans les divers domaines de la quantité d'œuvres remarquables mais généra-
Positions Planète 7
laboratoire. Nous allons publier ainsi les œuvres
françaises ou étrangères qui manifestent avec le AUTRES PROJETS ET ATTITUDES
plus de force, de profondeur, de style, de courage, Au sein d'une centrale d'énergie
l'esprit de recherche libre qui nous anime.
«L'immense Voyage», qui inaugure cette série,
rassemble les méditations philosophiques et Tel est notre travail, en cette année qui com-
poétiques du grand naturaliste américain Loren mence. Sa nature, comme on le voit, est explo-
Eiseley. Ce livre fut un de ceux qui inspira for- sive. Mais ces premiers résultats seraient
tement les auteµrs du« Matin des Magiciens,,. incompréhensibles si l'on pensait que nous
Viendront ensuite: un énorme ouvrage de n'avons commencé d'exister qu'en octobre 1961.
Raymond de Becker sur l'histoire des rêves et les En réalité, il y aura dix ans en l'été 65 que
rêves dans !'Histoire, intitulé «Les Machinations Pauwels et Bergier travaillent ensemble, et la
de la Nuit», un essai de Michel Gauquelin sur plupart des collaborateurs ou associés des
«!'Hérédité Planétaire n, un ouvrage collectif éditions Planète ont en commun de nombreuses
sur les «Positions Planète», une œuvre impor- années de réflexions, d'échanges, de contacts
tante du physicien Jean Charon: « L'Btre et le amicaux et intellectuels. Une chaude et cons-
Verbe», etc ... ciente fidélité les lie, et les projette en avant.
Pour cette même série, notre ami André Mahé Nous sommes, pour l'instant, une trentaine aux
organise en ce moment des tables rondes qui rouages de la « centrale d'énergie n, entourés
donneront lieu, ultérieurement, à la publication d'une centaine de collaborateurs extérieurs au
de « livres blancs» sur différents aspects pros- travail dans la même direction. Dans nos bureaux,
pectifs de la société moderne. la moyenne d'âge est de trente-huit ans. Planète
est aussi un phénomène de génération. Nous
LE TRÉSOR SPIRITUEL avons beaucoup d'autres projets. Nous pensons
DE L'HUMANITÉ pouvoir les réaliser tous. Nous savons bien que
Les textes sacrés de toutes les religions l'aventure n'est pas sans périls. Mais le plus
grand péril viendrait de la perte de l'esprit
d'aventure.
Dans nos bureaux, notre ami Jean Chevalier, Dans un roman de Jules Romains, deux amis
docteur en philosophie et en théologie, et qui cherchent à définir ce qui les unit et fait d'eux,
fut un des hauts fonctionnaires de l'Unesco, ensemble, une force, une disponibilité active.
prépare une autre collection Planète, qui verra Ils parviennent à cette formule, lyrique et
le jour dans un an. Il s'agit de la réunion de tous imprécise, mais qui les satisfait tout de même.
les grands textes sacrés de l'humanité, illustrés, Ils disent: « Il. y a entre nous comme la pierre
présentés et commentés par les meilleurs spécia- d'un autel.»
listes, dans le monde, de la pensée traditionnelle C'est cela pour nous. C'est bien cela.
et par d'éminents chefs de diverses communautés
religieuses. Cette collection, dont il n'est jusqu'ici
pas d'exemple, s'ouvrira par la publication de la
première Bible que l'on puisse qualifier œcumé-
nique, en ce sens que, établie sur le texte intégral
de la Bible de Jérusalem, elle est commentée,
livre par livre, avec variantes, par des exégètes
des différentes confessions qu'elle inspire: catho-
lique romaine, orthodoxe, protestante, ainsi que
de la religion juive.
L'APPAREIL CRITIQUE
li comprend:
La préface, signée Louis Pauwels.
Le Dictionnaire des auteurs. qui donne à la fin de l'ouvrage la notice
biographique et la photographie de tous les auteurs figurant au sommaire.
L'IMMENSE
VOYAGE
par LOREN EISELEY
Les méditations
d'un grand naturaliste
n'en a pas fini, elle n'est pas satisfaite parce qu'un poisson
du Dévonien a trouvé le moyen de devenir un person-
nage à deuxjambes coiffé d'un chapeau de paille» ...
L'IMMENSE VOYAGE
par LOREN EISELEY
Alors qu'il travaillait au thétitre de /'Athénée à la mise en scène Or, dans le cas très précis d'Oppenheimer, il y !l-
du « cas Oppenheimer» écrit à partir des minutes des interro- une étonnante lâcheté de l'État. C'est en 1954
gatoires de 1954, Jean Vilar a reçu notre collaborateur
Jean-Claude Dumoulin. Avant d'écrire cette pièce, l'ancien ·que les organismes législatifs de l'État mettent
directeur du T.N.P. avait rencontré à Genève le père de la en doute l'aptitude d'Oppenheimer à se consacrer
bombe A et avait été très frappé par les propos qu'il lui avait à des recherches dans un domaine secret. Or,
tenus. Nous sommes heureux de publier ici le point de vue de depuis 1943, Oppenheimer, aux ordres de ce
Jean Vilar.
même État, et contre les avis formels du F.B.I.,
Voilà plusieurs années déjà que le «cas Oppen- était à la tête des recherches atomiques.
heimer» m'app!\raît comme un cas exemplaire de On ne lui a, du reste, jamais reproché d'être un
notre temps. Et ce n'est pas seulement parce qu'il espion à la solde d'une puissance étrangère. On a
est centré sur la bombe atomique. L'existence seulement demandé à ses pairs s'ils estimaient
des armes de destruction massive a servi de révé- qu'il y avait une possibilité, la plus mince füt-elle,
lateur pour les hommes d'État, les physicien.s et qu'Oppenheimer risquât d'être tenté, du fait de
l'homme de la rue. Car, si les problèmes qu'elles sa formation, de ses amitiés, de ses scrupules, de
posent ont toujours existé, ils ont été rendus par ne pas conserver le secret le plus absolu sur les
elles immédiatement sensibles à tous. recherches atomiques militaires ou de les entraver.
L'enquête sur le cas Oppenheimer - car c'est li y avait là une lâcheté et une incohérence totale
d'une enquête qu'il s'agit et non pas d'un de la part de l'État qui, jusqu'à 1954, avait jugé,
jugement - est révélatrice au même titre. De contre l'avis de ses services de sécurité,
quoi est-il question en effet? Dès les premières qu'Oppenheimer.était l'homme tout indiqué pour
phrases de ce document, le président avertit ses diriger les travaux atomiques.
auditeurs qu'il s'agit de répondre à la question Songez qu'au cours des auditions de témoins,
suivante: «Oppenheimer peut-il avoir acçès aux . alors qu'on reconnaissait le rôle même d'Oppen-
documents secrets concernant l'énergie ato- heimer dans la mise au point de la bombe ato-
mique? tel est le sujet, telles sont les limites de mique, on lui reprochait essentiellement d'avoir
notre enquête.» «manqué d'enthousiasme» envers les armes ato-
C'est un peu comme si l'on demandait à un jury miques. Mais, en 1949, le 29 octobre pour être
de décider si un crémier aurait encore le droit précis, Oppenheimer n'était pas seul à manifester
de se fournir en brie, sous prétexte que son beau- ce manque d'enthousiasme. A ses côtés, des
frère et sa sœur fabriquent du camembert. savants aussi peu suspects de« communisme» que
Qu'on y fasse bien attention: ce n'est pas ]'Inqui- I:ermi, }Jethe et Rabbi exprimaient leurs réserves
sition. C'est la méfiance érigée en dogme. C'est la en ce qui concçrnait la mise au pôint de la bombe
·possibilité pour l'État d'interdire à un homme à hydrogène. Et ces préoccupations n'étaient pas
d'exercer son métier, et, dans c;e 'cas précis, de seulement d'ordre moral. Elles étaient aussi
penser même, puisque l'on ne saurait empêcher d'ordre politique. .
un savant atomiste, spécialiste de la recherche Je vous l'ai dit, les armes atomiques ont servi de
fondamentale, d'arracher, avec un crayon et du révélateur. Elles ont fait prendre conscience aux
.papier, des secrets à la matière. Et cela sous le chercheurs de leur rôle dans la cité. C'est eux
seul prétexte qu'il présente «un risque pour la qui sont allés trouver Roosevelt pour lui signaler
sécurité nationale». !es possibilités de l'énergie atomiqµe et le point
Einstein en conversation
avec Oppenheimer
(Photo Keystone). Chronique de notre civilisation 25
DEUX FAÇONS D'ABORDER LE MONDE évolue et son œuvre seront objectivement
communicables. S'il commet une erreur, celle-ci
Il y a deux façons d'examiner le monde des arts ne passera pas longtemps inaperçue. Il vit à la
et des sciences: à l'échelle de l'humain, ou pano- fois dans la liberté et la coopération, au sein
ramiquement. La vue panoramique à haute alti- d'un ensemble restreint.
tude nous permet de distinguer les aspects
quantitatifs généraux de notre époque. On y DEUX HOMMES SEULS:
trouve l'énumération des différentes sciences, des L'ARTISTE ET LE SAVANT
fondations, laboratoires et ouvrages publiés. On y
apprend qu'il y a plus d'esprits engagés dans la La spécialisation de la science est nécessaire au
recherche scientifique qu'il n'y en eut jamais; què progrès. Elle est cependant dangereuse et cruel-
le monde soviétique et le monde libre se dis- lement dévastatrice, puisque tant de domaines
putent la première place dans la formation du sublimes et édifiants sont fermés au grand public.
personnel scientifique; qu'on publie en Angle- Il appartient donc à l'homme de science, non
terre un plus grand nombre de livres par tête seulement de découvrir des vérités nouvelles et
d'habitant qu'aux États-Unis. On y apprend de les communiquer à se·s collègues, mais aussi
également que l'étude des sciences sociales est d'enseigner, d'essayer de rendre compte de la
activement poussée en Amérique, en Scandinavie façon la plus claire et la plus sincère de ces
et en Angleterre, qu'il s'y trouve davantage nouvelles acquisitions. C'est là une des raisons
d'amateurs de grande musique classique, qu'on y pour laquelle les hommes de science coopèrent
crée un plus grand nombre de compositions dans le cadre des universités, et appartiennent
musicales et de peintures. Par un tel aperçu à celles-ci. C'est pour cette même raison que la
général, nous voyons à quel point les arts et recherche trouve dans les universités son meilleur
les sciences sont florissants. soutien, l'émulation nécessaire, et le milieu de
Cette vision globale rend compte de la multipli- travail qui lui convient le mieux. C'est en pro-
cité des disciplines, des cultures, des langages, fessant au milieu des étudiants et érudits, et dans
mais elle ne permet pas de saisir ce qui les fait l'intimité des professeurs et des élèves, tous
communiquer entre eux, de ce qui échoue à les hommes dont la profession est à la fois d'en-
faire communiquer. Pour découvrir les corres- seigner et d'apprendre, qu'on est le mieux placé
pondal)ces intimes, les voies de communication pour sortir des limites étroites de la vie scienti-
larges ou étroites, connues ou cachées, il faut fique. C'est là que les analogies, les subtilités
aller voir de plus près, il faut entrer dans et les échos de la découverte scientifique peuvent
l'intimité de la recherche scientifique ou de la enrichir l'univers élargi de l'homme. .
création artistique. De nos jours, on relève dans la situation de
l'artiste, à la fois des similitudes et des diffé-
Toute science suppose une certaine entente entre rences avec celle de l'homme de science. Ce sont
chercheurs. Chaque homme peut travailler indi- les différences qui frappent le plus, et qui sou-
viduellement, en tirant parti des travaux de ses lèvent les problèmes les plus directement liés aux
collègues par la lecture ou les entretiens. Il peut maux de notre temps.
également travailler au sein d'un groupe, à des Il ne suffit pas à l'artiste de pouvoir communiquer
problèmes qui nécessitent un outillage technique. avec ses pairs et ses disciples immédiats. Ce n'est
Mais, qu'il appartienne à une équipe ou travaille pas le but de son travail, ni sa nature. L'artiste
seul, en tant que professionnel, il est membre est tributaire d'une sensibilité et d'une culture
d'une communauté. Dans sa discipline scienti- communes à tous, d'un éventail commun de sym-
fique on lui saura gré de ses idées, on accueillera boles, d'un même héritage d'expériences qu'il
ses réflexions critiques. L'univers dans lequel il exprime dans un langage accessible et actuel. Il
Ouvertures de la science 33
à la connaissance d'un officier de ren1>eignements faudrait, vous le savez aussi bien que moi, uile
de l'armée de !'Air (que je savais chargé d'un révolution de la physique. C'est déjà énorme.
travail sur le sujet), qu'un certain Aim~ Michel Toutes les révolutions scientifiques se font simul-
était au courant de certaines choses et que peut- tanément dans tous les pays avancés, et ce que
être, en le manœuvrant correctement ... Bref, un les Américains savent, les Russes le savent aussi
rendez-vous avec cet officier fut organisé dans à très peu d'écart près, et inversement. Ne
l'arrière-salle d'un café voisin de l':Ëcole militaire. m'objectez pas. la bombe atomique: la bombe
Je me félicitais de mon habileté en me dirigeant ne correspondait à aucune révolution scienti-
vers ce rendez-vous, une épaisse serviette noire fique. Mais surtout, pour permettre à une seule
sous le bras. Je me disais que le temps des fasti- soucoupe de s'envoler, il faudrait une révolution
dieuses enquêtes policières allait peut-être industrielle, l'effort de tout urt pays, une véritable
prendre fin, que, si je savais inspirer confiance, mobilisation des richesses, des moyens et des
les cartes seraient sans doute abattues devant esprits. Sacrebleu! C'est comme si vous parliez
moi, et qu'enfin je saurais! Je n'arrivais d'ailleurs de monter une locomotive dans ma chambre
pas les mains vides. J'avais déjà rassemblé de à coucher à mon insu.
nombreuses observations, dont certaines anté- - Fort bien, dis-je. La soucoupe russe ou améri-
rieures à tout ce qui avait été publié jusqu'alors, caine est absurde. Mais alors?
et par conséquent plus énigmatiques. L'une en Mes deux interlocuteurs échangèrent un regard.
particulier datait de 1942, et avait été faite au - Euh, fit le Capitaine. Oui, et alors?
Sahara. Si mon interlocuteur essayait de me Nous avions tous trois des serviettes assez volu-
servir un bobard trop facile, il lui faudrait aussi mineuses. Nous étions seuls au fond d'un bistrot.
m'expliquer cette soucoupe contemplée pendant J'ouvris la mienne et étalai tout sur la table. ·
des heures, en plein jour, par tout un déta- '-- Alors, dis-je, voilà. Faites-vous une enquête,
chement de l'armée française, ses officiers, ses oui ou non? Tout est devant vous.
deux radios, son météo. L' « ami., aux moustaches énigmatiques' posa sur
les feuillets un œil allumé, un peu fébrile, extirpa
Je ne me rappelle ni qui arriva le premier ni de sa propre serviette un énorme cahier plein
comment furent faites les présentations. Ils d'une écriture fine, serrée et qui semblait illustré
étaient deux, en civil l'un et l'autre, le capitaine çà et là de dessins extraordinairement pro-
C ... et M. Latappy, <<un amin. L'un hilare, décon- metteurs et semé de coupures de presse.
tracté, le verbe agile et truffé de calembours. - Oui, commenta le capitaine. Comme vous,
L'autre sombre, émacié, l'œil ardent, la mous- je fais une enquête. Mais je vous présente un
tache énigmatique, un authentique agent de précurseur: M. Latappy qui, lui, recueille tout
film d'espionnage. Mais le capitain~, c'était le depuis le début, depuis l'affaire Arnold, en 1947.
premier. Et en moins de cinq minutes, je compris Personne en France n'en sait plus que lui. Il n'est
que tout le scénario dramatique imaginé par pas militaire. Il est le dessinateur de Forces
Keyhoe n'était qu'un rêve puéril. aériennes françaises, notre revue de l'armée de
- Le secret militaire? Laissez-moi rire! dit le l'Air. Mais tout ce que j'ai, il l'a.
capitaine en faisant ce qu'il disait. Des secrets Une heure plus tard, j'avais définitivement
sur de petites choses, tant que vous voulez 1 • compris plusieurs choses: D'abord, que, dans
Ceux-là, on se les cache, on se les vole, on se · cette étrange histoire, personne ne savait. Ni
les vend tant bien que mal un peu partout dans l'armée française, ni aucune armée au monde.
le monde. Mais une chose aussi énorme que les · Ensuite, qu'une partie non négligeable des obser-
soucoupes volantes, vous n'y pensez pas! Pour vations (et précisément les meilleures, les mieux
qu'un engin, un seul, à l'état de prototype, vole 1. Voir dans le meme num~ro de Planète l'article de XXX sur le dossier
comme les soucoupes sont censées le faire, il de l'espionnage moderne.
Ouvertures de la science 35
nuits blanches passées à arracher de sa peau les Pendant quatre ou cinq semaines, des centaines
épines toujours renaissantes de la critique, c'est de milliers de gens, peut-être un million ou plus,
à lui que l'on vient demander de perdre son crurent voir l'agaçante soucoupe. Ces gens
temps à écouter -le récit d'un paysan illettré qui écrivaient aux journaux. «Voici ce que j'ai vu,
croit avoir vu des choses dans le ciel? disaient-ils. Qu'est-ce que c'est?» Et les journa-
- Apportez-moi des preuves, ou cessez de listes, pendus chaque jour à la sonnette des
m'échauffer les oreilles avec des absurdités. temples de la science, n'en obtenaient qu'une
- Mais, monsieur le Professeur, si vous en voyez réponse:
passer une devant votre fenêtre, que forez-vous? - Ces soucoupes, comme vous dites, ne nous ont
- Je regarderai le mur. · pas été présentées. Il s'agit donc d'une absurdité.
Cette réponse authentique, faite il y a douze ans Quelques-uns cependant proposaient une expli-
par le plus célèbre des physiciens français, cation convaincante: ces gens avaient été
résume une morale. intoxiqués par mon livre, ils voyaient dans le
ciel ce que j'avais mis dans leur inconscient,
C'était en 1953. Au mois de juillet de l'année flatterie d'autant plus douce à ma vanité d'auteur
suivante, je publiai mon premier livre. Non seu- que mon livre était un four et que les témoins
lement il ne prétendait pas apporter la preuve que j'allai voir n'avaient jamais entendu parler
manquante, mais je me bornais à y présenter les de moi, si j'en excepte un seul qui me dit un jour
diverses conclusions possibles sans me prononcer. d'un ton goguenard: «Ah, c'est vous qui croyez
Mon mobile était, à mes yeux du moins, limpide. aux soucoupes volantes?»
Puisqu'on ne pouvait rien prouver, que du moins L'accumulation des témoignages ne fit que
.les faits allégués soient connus. Cette modeste rendre plus abominable, plus ridicule et plus
ambition me semblait d'une logique aussi saine honteux le mot soucoupe et tout ce qui s'y
que celle de la preuve préalable. Car, me disais-je, rattache de près ou de loin, en logique ou en
au nom de quoi exigerait-on de la nature qu'elle association d'idées.
s'interdise de produire aucun phénomène rebelle Si la publication de mon livre m'apportait un.e
aux méthodes admises par les officiels? Et cuisante déception en me révélant le mépris du
supposons que de tels phénomènes exi$tent. public pour le problème qui, moi, me passionnait,
Faudra-t-il, pour rester un véritable homnie de elle me donna en revanche la clé d'un- univers
science, affecter de ne pas les voir? La parfaite nouveau et fascinant: celui de la recherche
éducation veut, certes, qu'on n'adresse pas la clandestine. En moins d'un an, je me trouvai en
parole à qui ne vous a pas été présenté. Mais si relations épistolaires avec une foule d'hommes
un inconnu vient vous botter le derrière, faut-il de science de France et de l'étranger (surtout
passer outre et poursuivrè son chemin avec un des pays anglo-saxons), astronomes, physiciens,
détachement sublime, les yeux levés au ciel, biologistes, psychologues, botanistes, géologues,
offrant ce désagrément passager à la déesse que sais-je? Leur première lettre débutait régu-
Méthode? Et si le rustre prend goQt à cet exer- lièrement par la même clause de style: il ne fallait
cice, n'a+on rien de mieux à faire que de l'ignorer pas que l'on sache qu'ils avaient des rapports
dans l'honneur et la dignité? avec moi.
Je découvrais donc avec l'étonnement du néo-
Où JE DEVIENS TOUT A FAIT phyte les petites joies de la clandestinité. Mais
ABOMINABLE j'étais loin de me douter jusqu'où cela pouvait
aller. Les lettres échangées, les visites estivales
Or, c'était bien de cela qu'il s'agissait. Quelques (l'été est la saison des congrès scientifiques, et
mois après la parution de mon livre, une fantas- chacun sait que ces congrès sont surtout l'occa-
tique vague d'observations déferlait sur l'Europe. sion de contacts sans rapports avec la manifes-
Ouvertures de la science 37
pensée extra-terrestre. Les bêtes, la parapsycho- ·bÔrCÎination et le mauvais esprit, sans savoir que ·
logie. les soucoupes volantes, tous ces niveaux de d'autres secrets non échangés auraient pu les
pensée n'ètant probablement (mais ceci est une rapprocher davantage encore. Ce qui, d'ailleurs,
autre histoire) que des moments d'une évolution arrivait inévitablement un jour ou l'autre, et
unique et multiforme que nous parcourons en un parfois par mon intermédiaire. Combien je
éternel cheminement. Passons. Trois ou quatre pourrais en raconter, de ces rencontres où
ans avant que l'on parle de soucoupes volantes, chacun serrait la main de l'autre avec, sur le
dès mes années de faculté, j'étudiais la parapsy- visage une exp'ression de sympathie amusée qui
chologie. Le hasard seul fut cause que mes pre- semblait dire:" Comment! vous aussi?,,
mières publications n'eurent point pour objet D'un bout à l'autre, je ne dirai pas de Paris ni
cette recherche, mais le fait est là: mes premiers même de la France, mais bien du monde, une
contacts clandestins s'établirent à la suite de deux.sorte de divination guide en effet les uns vers
livres sur les soucoupes volantes. les autres les atomes crochus d'un certain type de
, pensée qu'en un autre article j'ai appelée la
Où JE FAIS PARTIE pensée non asservie 1 • Que ceux. à qui cela déplaît
D'UNE SOC!f.TÉ SECR~TE en prennent leur parti: plus un conformisme est
pesant et plus est virulent l'anticorps qu'il
On comprendra donc quelle f\lt ma surprise sécrète. C'est la curiosité scientifique dans les
quand, ayant publié les résultats de mes obs(!r- domaines les plus systématiquement discrédités
vations sur le calculateur prodige Lidoreau, je qui crée les réseaux les plus sürs et les plus effi-
commençai à recevoir des lettres d'hommes de caces de la recherche clandestine. On a eu beau
science: eux aussi, comme ceux dont j'avais fait vaticiner une fois pour toutes que s'occuper de
précédemment la connaissance, commencèrent . soucoupes volantes est une affreuse trahison,
par me demander le secret! Les précautions ora- le désir de savoir est plus fort que toutes les
toires étaient les mêmes, et dans leurs propos malédictions. Voilà pourquoi je crois à l'analyse
je reconnaissais la marque de la même curiosité de Bergier: la logique interne de la recherche
brillante et "anxieuse, celle de notre mère Eve ·veut, d'une part, qu'elle soit de plus en plus.
dévorant la pomme des yeux, celle du père organisée, et aussi que les découvertes révo-
Gaucher se délectant d'avance de la vingt et lutionnaires (forcément les plus importantes)
unième goutte défendue par le règlement. Ah! proviennent de travaux échappant à toute orga-
comme je les connaissais d'avance sans les nisation; car comment organiserait-on l'impré-
connaître, ces nouveaux mal-pensants, mes sem- visible? Le chercheur-né sera donc de plus en
blables, mes frères! Allais-je donc, ayec eux, plus porté à assouvir dans la clandestinité ses
m'introduire dans un deuxième réseau? C'est ce passions favorites, ce qui aura pour conséquences
que je crus d'abord. Mais je. fis bientôt une de rendre la recherche clandestine de plus en
étrange découverte: la très. grande majorité plus productive et les réseaux parallèles de plus
de ces mal-pensants se connaissaient déjà entre en plus puissants. Un jour .viendra où une bonne
eux par l'intermédiaire de quelque autre réseau part de la recherche de pointe sera ainsi devenue
d'initiés. Par exemple, je trouvai plusieurs bio- .objet d'échange par des voies non publiques et
logistes curieux de parapsychologie qui échan- où les résultats définltifs seuls viendront à divul-
geaient depuis fort longtemps des résultats gation, comme Minerve sortant casquée du cer-
d'expériences non publiées et aberrantes avec veau de Jupiter. Alors on pourra parler de cryp-
un autre biologiste qui, lui, s'intérèssait aux tocratie, car, derrière la bruyante agitation des
soucoupes volantes. Ils avaient fait connaissance politiciens et des financiers, ce sont bien les'
entre eux sur les frontières de leur discipline savants et les techniciens, et eux seuls, qui créent..
commune et y avaient sympathisé dans l'insu- 1, Voi_r, dans Planète n· 1I, Nous a7/oru vers ta pensie non asservie.
mais avec un peu de patience on peut facilement Du nouveau sur les rêves (n° 5)
les observer soi-même. De ce qu'on les a vérifiés Un sommet inconnu: l'extase (11" 6)
et observés, a-t-on le droit d'exiger que la La fin de la civilisation villageoise (n° 7)
science les admette comme s'ils étaient prouvés? Les plus vieilles religions d'Europe (n° 9)
Non, certes! Où la science irait-elle si elle renon- Oui, il y a un problème soucoupes volantes (ao 10)
çait à ses méthodes? Mais s'il est exclu que l'on Nous allons vers la pensée non asservie (n° 11)
tienne pour prouvé ce qui ne l'est pas, il n'est Les ingénieurs de !'Antiquité (n° 12)
pas moins nécessaire et vital que ces faits cir-
culent, soient connus, étudiés, discutés sans autre Peut-on quittersoIJ corps? (n° 14)
garantie que le témoignage. C'est une nécessité Le corps humain peut-il voler? (n° 16)
vitale, car ils orientent ·de façon irremplaçable Autopsie de l'amour divin (0° 17)
la recherche classique, celle dont les résultats
sont publiés et ouvertement discutés. Rien qu'en
Ouvertures de la science 39
De la vie des prof'ondeurs
aux poissons dans les arbres ...
Des souffrances du Groin au.\ créai ures à renir ...
1 ·Venons-nous d'une boue originelle?
Il est un monde de la nuit où peu d'hommes Ônt aujourd'hui, comparé à la dépression de Tusca-
pénétré, ·des grandes profondeurs duquel nul rora, qui atteint plus de ciix mille mètres; mais,
n'est revenu vivant: l'abîme des mers. Les au temps de sir Charles Thomson, vers -1860, on
confrères de Darwin rêvaient de ses formes flot- ne croyait pas que la vie existât à pareil niveau.
tantes, impalpables, comme à celles du monde Au-dessous· de trois cents brasses, tout était
paléozoïque à jamais disparu. Le grand natura- azoïque, sans vie - ainsi l'écrivait Edward Forbes,
liste lui-même suppliait les navigateurs: « Insistez le premier océanographe des années 40. Comme
sur l'urgence de la drague dans les tropiques; à beaucoup de pionniers, les faits devaient lui
nous savons si peu de chose sur la limite de la donner tort. Mais un regard en arrière nous
vie des ~ers chaudes!» permet de sympathiser avec lui. Le froid, les
Ce que l'on suppose mort depuis cent millions ténèbres, la pression de ces profondeurs
d'années - ce que nul œil humain n'a pu voir, inconnues étaient terrifiants; l'esprit humain
sauf dans la craie d'époques révoh1es - est mons- repoussait instinctivement l'idée que des êtres
trueux si on le trouve en vie, animé de pulsations. sensibles aient pu se frayer un chemin dans les
Ce fut pourtant !'.expérience de sir Charles boues primitives des mers. C'était le monde de
Thomson, l'un des premiers explorateurs du lit de l'abîme, aussi dénué de vie que la première nuit
l'Atlantique Nord. Peu de naturalistes, depuis,. terrestre.
ont vu, ou tenu dans la main, des citoyens vivants
du royaume des fossiles, et c'était là une aventure. Nous savons aujourd'hui que l'abîme est hanté.
Cette découverte influença indirectement la for- Des visages lumineux de feux follets aux mâ~
mation de la plus grande expédition océanogra- choires de loup et au corps gringalet s'y pro-
phique que le monde ait jamais vue, et en donna mènent, comme si une tête flottant dans cette
la direction à sir Charles. Parlant de sa trouvaille, immense ténèbre avait plus d'importance que le
bien des années après, celui-ci disait: «C'était corps, dont à la rigueur on pourrait se passer dans
comme un petit gâteau rond et rouge, et cela se la parcimonieuse économie de la nuit. C'est un
_mit à haleter dans la main. De curieuses ondu- monde d'antennes d'un mètre de long, qui tâtent
latiol)s parcouraient ce singulier petit monstre; délicatement, ou de gros yeux écarquillés
il me fallut tout mon courage pour le manier.» capables de saisir des points de lumière éloignés,
Or, le vulgaire aurait vu un oursin· dans ce petit pour les suivre à travers la luminescence mobile
gâteau rond et rouge. Et, s'il respirait, c'est, ma d'une nuit de lucioles. Pour sir Charles Thomson,
foi, qu'il vivait. Néanmoins l'homme de la rue se toutefois, l'abîme était plus que hanté.C'était le
serait trompé. Le fait était bel et bien monstrueux, monde du passé.
et plus étonnant encore le petit oursin rouge. Ce
. halètement même était significatif. On n'avait L'OCBAN CONTIENT-IL LE PASSB
jamais vu qu'un oursin se livrât à cet exercice. DE LA VIE? .
Les formes .connues étaient toutes trop rigides.
Les ondulations de la petite bête la rattachaient La fascination de mondes à jamais perdus nous a
à un groupe ancestral plus souple et habillé de préoccupés longtemps. Il est inévitable que cet
cuir. homme éphémère, qui étudie les galaxies et
Ce fossile vivant avait été tiré du lit de l' Atlan- compute les années-lumière, ait la nostalgie
tique Nord à un bon kilomètre et demi au-dessous d'une île hors du temps, d'un lieu que n'atteint
de la surface. Ce n'est pas grand-chose pour nous pas la mort humaine. Le savant même ne répugne
44 L'immense voyage
L'abîme, leur restait-il à apprendre, quoi qu'il pâles lanternes ou munie des antennes èle la
puisse errer ·dans ses eaux ou s'enliser dans ses cécité, fragiles comme la paille, elle s'est frayé,
humidités nocturnes, ne fut pas la demeure ori- tâtonnante, un chemin dans la nuit.
ginelle de la vie. Si cette ténébreuse plaine a eu
un passé - si, en fait, la -vie étrange d'ères loin- LE BATEAU QUI CH_ERCHAIT
taines s'y est attardée - ce ne fut pas en strates
. géologiques, régulièrement superposées, comme Commencé en 1872, sous les auspices de
les océanographes l'avaient imaginé. Les têtes !'Amirauté britannique, le voyage du Challenger,
flottantes prolongées par des corps de famine, les qui ·dura quatre années, fut le projet d'investi-
calmars, qui émettaient des nuages d'encre lumi- gation des profondeurs le plus ambitieux que les
nescente et s'évanouissaient dans leur éclatement hommes aient jamais tenté. L'équipement com-
même, illustraient l'une des qualités les plus portait des laboratoires et tout un personnel de
étranges de la vie - son insatisfaction éternelle, naturalistes. Le parcours, évalué en milles marinS";
son habitude invétérée de tendre vers un· milieu atteignit le chiffre de soixante-neuf mille, les
nouveau et de s'adapter, par degrés, aux circons- sondages furent effectués par centaines, et les
tances les plus fantastiques. observations enregistrées remplissent cinquante
gros volumes.
MAIS NON, LA VIE N'EST PAS N~E Quand le Challenger prit la mer, l'océanographie
DES ABlMES était encore une science essentiellement spécula-
tive. Le directeur, sir Charles Wyvi!Je Thomson,
J'étais encore enfant - il y a longtemps de cela - ee même zoologiste qui avait capturé le petit
lorsqu'un jour je soulevai le couvercle d'un vieux oursin rouge dans l'Atlantique Nord, croyait,
puits. J'étais seul et je revois avec un frémis- avec tous ses collègues, que les retraites pro-
sement du cuir chevelu, le spectacle que le fondes de l'océan, inchangées à travers les âges,
hasard me présenta au moment où je me penchai révéleraient des «fossiles vivants», anneaux
pour suivre, dans l'obscurit~ ambiante, une manquants dans les annales de la vie. Thomas
traînée de lumière. Le soleil toucha, comme en Huxley, alors à l'apogée de ses facultés, pro-
passant, un tuyau rouillé qui traversait. le puits clamait avec une vigueu'r' caractéristique: « On
dans toute sa largeur, à. quelque cinq mètres peut présumer en toute confiance que ... ce que
au-dessus de }'eau. Et là, aussi secrète que ce lieu l'on ramènera du fond ... constituera les antiquités
souterrain dont le mystère m'avait attiré dans zoologiques qui, dans les profondeurs tranquilles,
cette aventure, je vis passer, puis s'enfoncer sans à peine modifiées de l'océan, ont échappé aux
hâte, dans le noir, une bête velue, toute en pattes, causes de destruction à l'œuvre dans les hauts-
une espèce d'araignée. J'eus un frisson et je remis fonds, et représentent le peuplement qui a pré-
en place les planches à moitié pourriesi mais, dominé dans le passé.»
encore aujourd'hui, cette créature non identi- Après un long périple de quatre ans, nos savants
fiable ne m'a pas quitté. Pour la première fois dut revinrent fatigués. Ils avaient été ballottés sur
m'apparaître, j'imagine, reffarante diversité des toutes les mers; ils avaient dragué, au moyen
vivants: quelque chose qui n'aimait pas le soleil d'engins incommodes et défectueux, les entrailles
était là, au fond, quelque chose qui marchait dans mêmes de la Création. Ils avaient manipulé des
.le noir sur de fines échasses, au-dessus des eaux formes rares de la vie, regardé ce qui était interdit
mortelles; quelque chose qui avait préféré être au vulgaire; et, surtout, ils avaient posé les fon-
enseveli. Pareillement fut choisi l'abîme de dations d'une véritable science de la mer.
l'océan de préférence au monde superieur. La Néanmoins leurs yeux restaient vides.
vie n'y est point née, la boue. des eaux profondes Le grand tapis qui ceinturait le globe d'une vase
ne_ l'a pas composée. Au lieu de quoi, ·aidée de ses vivante n'était plus cette base évolutionniste
46 L'immense voyage
où les savants d'Allemagne avaient vu ·«une cité de la nuit existe, en effet; car, à ces pro- .
capacité de prog'rès dans toutes les directions fondeurs, les siècles se chevauchent, et quelques
imaginables». «Notre ardeur, confessait avec éléments du monde de jadis, vaincus dans la lutte
lassitude Moseley, spécialiste des coraux, tomba avec des types plus récents et plus évolués, ont
peu à peu ... à la vue des mêmes animaux tirés des choisi de glisser peu à peu dans le froid glacial
profondeurs dans toutes les parties du monde.» de l'abîme. Ils y ont survécu, . dans la boue
Au début, les mousses eux-mêmes s'attroupaient inchangée et l'obscurité favorable. Après eux, à
pour voir ce que plus de six mille mètres de corde l'horloge du temps, d'autres sont arrivés tâtonnant
allaient ramener du fond. A mesure toutefois que dans cette immense cave à l'aide de lanternes ou
la nouveauté s'émoussait, les spectateurs se d'yeux qui amplifiaient la lumière - adaptation
raréfièrent. Et les membres de l'équipe n'étaient possible aux calmars et à des vertébrés supérieurs.
pas toujours présents si la drague remontait à Parmi les mammifères eux-mêmes, la grande
l'heure des repas. baleine est venue se plonger dans les pressions
Le grand espoir du début faisait place au désap- terrifiantes du monde du braken 1 , la dernière à y
pointement; mais Moseley nous trace un tableau entrer, capable de rester quelques minutes seu-
inoubliable de la persévérance et de l'enthou- lement à la surface de l'abîme. Si c'est bien un
siasme têtus de sir Charles Thomson devant lieu de refuge, nous savons que c'est aussi un
l'effondrement de ses théories: ''Jusqu'au bout, séjour de famine. Il n'y a là aucune vie végétale.
écrit-il, chaqûe seiche qui se présentait dans Chacun fait des autres sa proie, ou des cadavres
notre filet était dépecée afin de voir si elle n'avait qui tombent en pluie des couches supérieures.
pas un os de bélemnite dans le dos et les trilo- C'es(la raison du corps curieusement tronqué· de
bites étaient impatiemment attend~s.,, L'un ou beaucoup de poissons; c'est la raison pour
l'autre de ces événements eOt ·démontré que le laquelle la vie est venue relativement tard dans
monde du paléozoïque était venu échouer vivant l'abîme. ·
sur le pont du Challenger. Au désespoir de sir
Charles, cela n'arriva jamais. Ici et là c'est UN OCf:AN PRIMITIF, PEUT-ETRE ...
vrai, quelques animaux furent récÙpérés,
d'espèces que. l'on croyait perdues et n'existant Au dire des biochimistes, les conditions dans
plus qu'à l'état de fossiles; mais ce genre de lesquelles la vie cellulaire est possible sont des
découvertes était à prévoir lorsqu'on explore plus restreintes et n'ont guère changé depuis que
pour la première fois un vaste domaine, que ce ·la vie commença. Affirmation absurde, à ·pre-
soit sur terre ou en mer. mière vue. La vie est montée des eaux, elle rampe .
dans les campagnes, elle pénètre dans les airs,
LES RATf:S DE LA TERRE elle n'est pas inconnue dans les étendues glacées
de l'Antarctique. Assurément, cette diversité
Les abysses lointains et secrets ne livraient pas s'oppose à toute idée de restriction.
les vestiges soigneusement gardés du monde tout La réponse est tout naturellement donnée dans
à fait primitif, mais un échantillonnage de types cette petite phrase modeste: « Les conditions de
moins antiques, en même temps qu'une faune la vie cellulaire"· Toutes les différences énormes
abyssale moderne, très évidemment issue des entre les formes vivantes n'ont été réalisées que
innombrables créatures qui grouillent dans les grâce à l'élaboration d'expédients en vue de pré-
hauts-fonds et. les couches superficielles. Les server le liquide nourricier dans lequel les cellules
formes anciennes survivant dans l'abîme corres- peuvent vivre et grandir dans des limites à peu
pondent à des adaptations, à des migrations qui près acceptables. Ce n'est pas pour rien que la
eurent lieu dans l'antiquité, et proviennent des composition du sang nous a a.menés à le décrire
hauts-bancs continentaux. En ce sens, l'éternelle 1. Monstre de la mythologie scandinave.
,
Le mouvement des connaissances 47
comme« des poches d'eau de mer en marche». Et semblables de chaleur, de gel, de pression, ne
ce commentaire du grand physiologiste français parai.ssent point incliner vers le contentement.
Claude Bernard n'est pas pour rien non plus:« La Contentement est un mot inconnu de la vie; c'est
stabilité du milieu interne est la condition d'une· aussi un mot inconnu de l'homme. ·
vie libre.» L'amas de cellules d'un océan primitif
dérivait dans une solution nutritive. Le sel, le ET SI ELLE ÉTAIT
soleil, l'humidité leur étaient accessibles sans VENUE D'AILLEURS?
mécanisme compliqué. Ce fut l'extension qui
changea ce modèle, l'attirance vers autre chose En 1949, sur le champ d'essai de White Sands,
qui força les cellules à porter la mer sur les une fusée atteignait l'altitude de 350 kilomètres
rivages et à élaborer dans leur propre corps une environ; au bord de l'espace, elle s'arrêta et
miniature de cette mer envahissante d'où elles retomba. J'aime rêver à ces fusées qui, d'année
sortaient. Ce fut l'extension, cet incessant et en année, butent contre l'océan des airs, et
magnifique tâtonnement que la vie seule - avec entrent rugissantes dans une immensité d'où,
une obstination aveugle, parmi les pierres et avant peu, l'une d'elles ne reviendra pas. Parfois,
l'indifférence du monde inanimé - peut endurer dans mes promenades nocturnes parsemées
et poursuivre. d'étoiles, je pense à la théorie presque oubliée
d' Arrhenius, à savoir que les spores de la vie
LA VIE EST PARTOUT, PARTOUT vinrent, à l'origine, de l'espace extérieur.
Les savants mécanistes du x1x· siècle, du moins,
L'activité des hommes s'est partout déployée. Ils ne découvrirent pas nos origines dans l'abîme; et
ont vu ce protoplasme, né de la mer, monter sous chaque bulle du bouillon de culture des chimistes
forme de lichens, parmi les hurlements du vent, a laissé le secret de la vie aussi inscrutable et
jusque dans la montagne vêtue de neige. Ils l'ont distant que jamais. Les ingrédients sont bien
vu dans le pied délicat des lézards du désert, vraie connus; vous les trouverez chez le droguiste.
« raquette de neige>>, agencé pour courir sur le Vous pouvez les prendre, les verser vous-même
sable. Parti d'un point ignoré, très probablement et attendre que le mélange vaseux se mette à
le long des bancs de sable au-dessus du plateau ramper. Il n'en fera rien. Les belles pulsations
continental, il s'est étendu aux lacs et aux prairies, du protoplasme fluide, cette organisation inconnue
il s'est faufilé dans les déserts, il a appris à résister d'une chimie instable, ne se produiront pas. Vous
à la chaleur bouillante des printemps et à pondre avez mélangé du carbone, de l'azote, de l'hydro-
des œufs, tel le manchot empereur, dans les tem- gène et de l'oxygène; ils restent chose morte.
pêtes de neige du pôle antarctique. Il s'est de Créature formée par l'eau de mer et les chaînes
même frayé un chemin dans les courants qui des- cycliques du carbone, mais aussi professeur
cendent à l'abîme. Il a résolu le problème des angoissé, debout dans une rue de village je
pressions au fond de l'océan, comme il a survécu regarde la Lune et Vénus, et plus loin encore,
dans l'air raréfié des plus hautes cimes. Dans ces plus loin dans l'éclat d'une blancheur bleutée,
milieux difficiles, la vie s'amenuise; les expédients par-delà même les galaxies. Et, tout en regardant,
qui l'entretiennent deviennent plus précaires, et parcouru de frissons, je sens, dans chaque fibre
les innovations risquent d'arriver trop tard, parce de mon être, la voix qui répète: «Sommes-nous
que la vie a expérimenté tardivement dans les venus d'ailleurs? Et sommes-nous en train de
déserts glacés de la planète. nous préparer à rentrer chez nous à l'aide de nos
Néanmoins, l'extension, commencée il y a un instruments?»
million d'années, suit son cours. Les cellules, qui De quelque façon, par quelques extensions méca-
transfèrent avec soin leurs possibilités de résis- niques que cela commence, la vie est sur le point
tance limitées et passent par des extrêmes invrai- de pénétrer dans le domaine béant de l'espace.
50 L'immense voyage
Le gros miroir du Mont Palomar, qui fait cinq un millier d'observatoires. Un joûr, des lentilles
mètres de diamètre, n'a-t-il pas déjà plongé dans de télescope d'un demi-hectare nous feront voir
cette perspective? quelque chose qui ne sera pas à· notre goüt,
Un milliard d'années ont contribué à fabriquer quelque forme géante, surgie par-delà la grande
cet œil géant du Mont Palomar. L'eau, le sel, mare de l'espace.
les vapeurs issues du Soleil l'ont construit; des
choses qui se tortillaient dans les limons du Chaque fois que je rencontre l'œil d'une gre-
littoral en ont conçu le dessein. Année-lumière nouille, je songe à cela, mais je n'en suis pas
par-delà année-lùmière, d'un abîme à un autre déprimé. Je m'arrête, j'(!ssaie de ne pas même
abîme, l'esprit peut, grâce à lui, s'égarer, planer remuer la main pour ne pas l'effrayer. L'idée me
·au-dessus de l'espace sans fond ou observer, vient alors que là est, en définitive, la vision la
impartial, l'état de choses dans les soleils nains, plus vaste et la plus étendue dont la vie soit
baignés de blancheur. Mais chaque fois que je capable: la projection hors de soi, dans d'autres
surprends, hors de l'eau, l'œil d'une grenouille vies. C'est la puissance dévolue à l'homme, à
qui surveille, prudente, le paysage terrestre, je lui seul. Bien plus que l'aventure dans l'espace,
pense sottement à ces yeux mécaniques tour- c'est l'épitomé suprême du phénomène d'ex-
nants, que les hommes manient tous les soirs dans tension.
52 L'immense voyage
quoiqu'il ne faille pas mépriser ce visage: trois Pàrmi toutes les expenences de ce monde qui
cents millions d'années en feraient le nôtre. suait la vase, l'une était vitale; il fallait nourrir
Quelque chose fermentait dans le cerveau du le cerveau. Les tissus nerveux dévorent l'oxygène.
Groin. Il n'était plus entièrement poisson. La S'ils en manquent, la vie. s'éteint. Dans les eaux
vase l'avait marqué. Seul un zoologiste des marais stagnantes des marais, seul l'apport au cerveau
et des plages est à même de parler de -la vie; c'est d'un sang riche peut sauver du désastre; et, parmi
là que les vivants souffrent les pires extrémités, les créatures moribondes, pantelantes, dont le
que les ratés de l'eau, poussés au désespoir, tâtent faible lumignon s'éteignit au cours de la longue
d'un autre élément. C'est là que s'élaborent sécheresse du Silurien, le Groin et ses frères
d'étranges compromis et que naissent des organes survécurent.
nouveaux. Le Groin ne fit pas exception. Bien Son cerveau minuscule était desservi, sur toute sa
que, d'abord, il eQt respiré, marché afin de surface extérieure, par une myriade de vaisseaux
pouvoir rester dans l'eau, il s'acheminait vers sanguins; par le moyen des plexus choroïdes
quelque rivage. Non qu'il füt une réussite, sauf agrandis, d'autres vaisseaux, pompant l'oxygène,
qu'il se débrouillait pour rester en vie dans un l'amenaient dans le liquide céphalo-rachidien. Le
lieu infect, sans agrément, dépourvu d'oxygène. cerveau était un tube à paroi mince, irrigué sur
ses deux faces. Seul un organe à paroi ténue
En fait, l'heure approchait où les derniers de saturée d'oxygène pouvait subsister. S'épaissir,
sa race, harcelés par des poissons plus féroces et poser les fondations de solides masses nerveuses,
plus rapides, allaient quitter le bord du plateau comme il en existe chez les poissons d'eaux oxy-
continental pour se réfugier dans les abysses sans génées, eQt été courir à la ruine. Le Groin vécut
soleil de la mer profoncJe. Mais le Groin était, d'une bulle, deux bulles dans le cerveau.
·pour l'appeler de son vrai nom, un Crossopté- Non que sa pensée füt profonde, mais cette
rygien d'eau douce; et, tout lourdaud qu'il füt, minceur lui était nécessaire. Les petits ballons
quelque chose s'était passé en arrière de ses yeux. des hémisphères contribuaient à étendre la sur-
La vase avait été à l'œuvre. face sur laquelle pourraient s'édifier des centres
d'une corrélation supérieure, tout en préservant
SANS LUI, ces surfaces des épaississements désastreux qui
SERIONS-NOUS DE GRANDS INSECTES? eussent été, pour l'hôte des marais, la fin de
l'oxygène. Ces épaississements, qui restent un
Cela nous intéresse de réfléchir à ce que nous mystère, culminent dans ce qu'on appelle un
serions, nous, descendants du Groin, sans ce vert cerveau massif. C'est celui des insectes, des
marécage d'où il est sorti. Peut-être serions-nous poissons actuels, de certains reptiles et de tous
des insectes mammifères - au cerveau durci, aux les oiseaux. Il dénote invariablement l'apparition
neurones agencées pour réagir mécaniquement, de subtilités instinctives, et la mort de la pensée.
notre vie se déroulant sans penser avec la per- Une route a été choisie, que l'anatomie rend
fection d'une belle pendule compliquée. Il est impossible de reprendre à rebours; elle ne mène
plus probable que nous n'aurions jamais existé. pas à un degré de conscience très élevé.
Tout fut l'œuvre du Groin et de la vase. Et peut- Partout, au contraire, où les feuilles minces de
être aussi que, parmi les têtes de poissons pour- matière grise se déploient en hauteur pour
rissantes et les lueurs bleuâtres qui, la nuit, aboutir aux énormes hémisphères du cerveau
flottaient sur les marais, planait le mystère humain, pénètre le rire et peut-être la douleur.
éternel, le doigt de Dieu. Peu de chose y suffit. Des eaux embourbées du Dévonien sont issus la
Deux bulles, deux petits ballons aux parois ténues vue, le son, la musique se déroulant, invisible,
ajoutés à la mince cervelle du Groin. Les hémi- dans le cerveau du compositeur. Tout est
sphères cérébraux étaient nés. toujours là, dans les vases en marge des marées,
54 L'immense voyage ·
;, 1 ........ .
Crapaud de Colombie. (Photo Simmons).
56 L'immense voyage
qui creva la pellicule d'eau pour sauter dans urie Je constatai que les mêmes expenences s'élu-
dimension nouvelle. Ses spécialisations et ses · cubraient; que, hors de l'ancien puits, des
échecs mêmes l'avaient préadapté à un monde nageoires grimpaient encore vers la lumière.
dont il ne soupçonnait guère l'existence. Le jour C'étaient de petites bêtes, et je ne saurais dire
du Groin remonte à trois cents millions d'années. lesquelles présageaient l'avenir. Mais je les vis
Je viens de lire l'ouvrage d'un savant confrère nombreuses à avoir résolu de diverses façons, pas
qui parle allégrement de quelque dix millions toujours les nôtres, le problème de l'oxygène.
d'années en réserve pour notre avenir. Il indique Je constatai que des poissons modernes res-
sans sourciller ce que l'homme pourrait accomplir piraient l'air, non grâce à un poumon, mais par
au cours de cette période. Les poissons dans l'eau, l'estomac ou par de curieuses chambres qui
me répétai-je, et les oiseaux dans l'air. la montée occupent la place des ouïes; ou encore comme
appartient toute au passé, les espèces sont fixées avait fait le Groin jadis. Je découvris que certains
avec certitude. Quoi d'étonnant à ce que mon _ s'égaraient dans la campagne, à la nuit tombée,
ami, l'explorateur, ait été pris de nausée quand il poursuivant des insectes, ou qu'ils dormaient dans
fit la rencontre des gobies, avec leurs restrictions l'herbe, au bord des mares, et s'y noyaient, s?ils
mentales et leur air équivoque? Nous avons du restaient sous l'eau, ni plus ni moins que des
monde une conception erronée. C'est encore_ le hommes.
système de Ptolémée, sauf que, nous savons cela Le plus bizarre de tous ces poissons est peut-être
aujourd'hui, le Soleil ne tourne pas autour de la le Périophta/me. li grimpe aux arbres. et poursuit
Terre. · les insectes; tout comme le rouge-gorge, il pique
des vers sur les alluvions; il voit à la manière des
J'AI VU DES POISSONS DANS LES ARBRES, bêtes terrestres, et surtout il vous échappe avec
J'AI VU DES CRf:ATURES DE L'AVENIR ... une curieuse insolence dans son gros œil rond,
qui évoque le continent bien plus que la mer.
Nous enseignons l'histoire du passé, notre regard D'une autre époque, d'une autre tribu que le
plonge en arrière comme ne l'a fait aµcune autre Groin, il le rappelle néanmoins singulièrement.
race, mais nous nous arrêtons au présent; tout au Mais il en diffère. C'est en quoi la vie est une
plus projetons-nous, dans le futur, des visions réserve d'espoir. Les vieux chemins sont exploités
idéalisées de nous-mêmes. Inévitablement, peut- et acquis; mais des choses neuves surgissent, des
être, nous voyons tout le chemin parcouru avec sens neufs font l'épreuve d'un air non accoutumé.
nos seuls yeux humains. Nous nous considérons Des frémissements, des clapotis furtifs se pro-
comme un point culminant, une fin, et, si nous duisent dans l'ombre d'où sortent, naïves, les
acceptons de disparaître, nous croyons que le petites voix coassantes des créatures à venir, tout
Soleil s'éteindra avec nous et que la Terre sera comme l'homme a coassé et obscurément rêvé à
dans les ténèbres. Nous sommes une fin. Pour l'intérieur de cette vésicule qui fut son ptoto-
nous, les continents se sont élevés, puis abaissés; cerveau.
pour nous, les pulsations du grand réseau qe la Nous ne cessons de chercher et de nous cha-
vie se sont de plus en plus enchevêtrées. On m'a mailler. La forme éternelle se dérobe - celle que
dit un jour que nier cela, c'était nier Dieu. J'en nous concevons nôtre. La vieille route à
fus troublé! Je repris le sentier qui conduit dans travers les marais devrait peut-être nous instruire.
les marécages. Je n'allai pas vers le passé; je ne Nous sommes l'un des aspects innombrables de la
cherchai pas les ossements de créatures dis- Vie; nous n'en sommes pas la parfaite image, car
parues; je ne descendis pas la route qu'avait son image, c'est d'être la Vie, vie multiple qui
gravie le Groin. Je marchai, au contraire, à la émerge, portée sur le courant du temps.
clarté du jour, dans l' Adtuel, pour voir si la LOREN EISELEY.
porte était toujours là, et qui la franchissait. (Traduction française de Hélène Boussinesq).
Mais leur terre est en guerre secrète et les meurtres sont cachés.
RUDYARD KIPLIN G
Les deux hommes les plus puissants de cette planète nous sont
totalement inconnus. Une cinquantaine de personnes au plus
connaissent leur nom. La légende dit que l'un d'eux est un Irlandais
géant et l'autre un Arménien minuscule. Mais que ne disent pas les
légendes!
Les deux hommes les plus puissants du monde ont, bien entendu, la
même profession. Ils sont des « évaluateurs ». Le mot ne figure pas
dans les dictionnaires de langue française. Les Américains disent
e-men. Les Russes des svodka. Une évaluation en américain, une
svodka en russe, est une intégration et une mise en valeur des rensei-
gnements au niveau le plus supérieur. Ces évaluations sont faites
toutes les six heures : un seul destinataire aux Btats-Unis, le président
Johnson; un seul destinataire en U.R.S.S., Kosyguine.
Aucun comité d'experts, aucune machine, ne peut faire une inté-
gration de renseignements et ne peut donc finalement recommander
une décision dont dépendent la vie et la mort des habitants de la
planète. Au-dessus des comités et des machines, il y a un cerveau,
celui de !'évaluateur.
Les évaluateurs se trompent quelquefois. C'est humain. Jusqu'à
maintenant ils ne doivent pas s'être trompés d'une façon grave
puisque la guerre thermonucléaire n' a pas eu lieu. Le poste d'éva-
luateur suprême, du faiseur de décision. de détenteur du véritable
pouvoir par-delà le pouvoir apparent de chef de l'État, paraît
avoir existé en U.R.S.S. dès la révolution de 1917. Il aurait été créé
Mais la lecture
est aussi une arme secrète L'histoire invisible 71
directement par Lénine. Aux Btats-Unis, sa En faire un gouvernement invisible est aller
création est plus récente: 1947, pense-t-on. cependant un peu fort. Nous nous dirigeons
Sur l'identité de !'évaluateur suprême russe, sur certainement vers une cryptocratie, mais nous
celle de !'évaluateur américain, l'observation en n'y sommes pas encore et il faut se méfier des
est réduite aux hypothèses. De subtils chan- structures paranoïaques que l'esprit n'a que trop
gements de style politique permettent aux experts facilement tendance à établir. Le monde n'est
de penser que !'évaluateur a changé. Trois chan- certainement pas gouverné par les juifs, ni par les
gements de ce genre se seraient produits aux francs-maçons, ni par le groupe 54/ 12, ni par
États-Unis depuis 1947, et quatre en U.R.S.S. aucune autre société secrète. Les États-Unis
sont gouvernés par leur président et !'U.R.S.S.
LES HOMMES DU SECRET par M. Kosyguine. Mais, aussi bien le président
des États-Unis que le Premier ministre de
Tout récemment, un livre à sensation, the Invisible !'U.R.S.S. ne prennent de décisions qu'en
Government, par David Wise et Thomas B. Ross fonction des synthèses qui leur sont fournies
(Randon House), a prétendu apporter des rensei- toutes les six heures. Les rédacteurs de ces syn-
gnements sur la structure du bureau d'évaluation thèses sont les vrais détenteurs du pouvoir. On
américain. Il est probable que si ce livre avait s'est donné beaucoup de mal pour présenter les
apporté des renseignements fondamentaux sur la services de renseignements américains comme
question, il ne serait jamais paru. Cependant il démocratiques et les services de renseignements
doit contenir quelques vérités, car le chef des soviétiques comme totalitaires. C'est extrê~
services secrets américains, McCone, a essayé mement naïf, d'autant plus que les services de
d'abord d'en empêcher la parution, puis d'acheter renseignements ne sont qu'une des branches de la
la totalité des exemplaires imprimés, 20.000, enfin structure d'informations qui est absolument indis-
d'offrir des sommes fabuleuses: jusqu'à 1.200.000 pensable à la sécurité d'une société, que cette
dollars, pour que l'ouvrage ne paraisse pas. société soit communiste ou démocratique.
L'ouvrage a tout de même paru. McCone
prétend maintenant qu'il contient au moins cent UNE ÉQUATION A YEC DE NOMBREUX
vingt faits que les services secrets soviétiques PARAMÈTRES
n'auraient jamais pu découvrir seuls.
Les auteurs sont des journalistes qui travaillent Le chef d'un pays tel que !'U.R.S.S. ou les États-
au« New York He raid Tribune» et au « Chicago Unis doit savoir d'une façon quasi continue tout
Sun Times». Leur ouvrage peut se résumer ainsi: ce qui concerne trois problèmes fondamentaux:
il existe aux États-Unis un gouvernement invi-
sible: le groupe 54/ 12, branche ultra-secrète du 1° Où en est son propre pays? Quelles sont les
Conseil de la Sécurité nationale. Ce gouver- armes connues ou secrètes? Quelles sont celles
nement invisible serait au-dessus du Département sur lesquelles il peut compter dans les années à
d'État, des états-majors et des services secrets. venir? Quelles sont les alliances? Quels sont les
Il serait composé de quatre personnes: M. Mac soutiens dont son pays dispos• ?
George Bund y, représentant la présidence des 2° Sur la masse de renseignements concernant les
États-Unis, Cyrus Vance, représentant le minis- questions énumérées ci-dessus, quels sont ceux
tère de l'intérieur, U. Alexis Johnson, pour le qui sont connus par l'adversaire et quels sont
Département d'État, et John McCone, des ser- ceux dont on peut être raisonnablement sûr que
vices secrets extérieurs américains. Il est possible l'adversaire les ignore?
qu'un organisme de ce genre existe et qu'il soit 3° Le maximum d'informations sur l'adversaire:
une des sources d'informations de !'évaluateur idéalement, il faudrait chercher à savoir ce que
américain. contient le« sommaire» de celui-ci.
L'histoire invisible 73
LA FACE CACHËE DES CHOSES gnements obtenus par d'autres moyens que
l'espionnage.
Prenez tout ce que vous lisez dans les romans: Le terme'' intelligence ouverte» est parfaitement
agents secrets, faux papiers, déguisements, belles approprié quel que soit Je sens que l'on donne au
espionnes, traîtres, agents multiples et ainsi de mot« intelligence». C'est en examinant avec une
suite, puis multipliez par dix. Vous aurez une idée intelligence ouverte la presse d'un pays, sa litté-
assez exacte de ce qui se passe dans Je domaine rature, les récits des voyageurs, les importations
de l'espionnage. Il est assez difficile de savoir, au et exportations, qu'on arrive à se faire une idée
point où l'on en est, si c'est la vie qui imite le très précise des armes secrètes en préparation, de
roman d'espionnage ou Je roman- d'espionnage leur état d'avancement, de leur utilisation tactique
qui imite la vie. Le grand écrivain Somerset et stratégique.
Maugham, qui fut espion anglais en Russie en L'open intelligence utilise aussi l'enregistrement
1917, posait déjà la question entre deux guerres de toutes les radiations atomiques et autres pro-
dans son livre autobiographique: Mr. Ashenden, venant de chez l'adversaire. Elle utilise le
agent secret. Elle reste posée. décodage de tous les messages émis ou reçus par
Cet espionnage qui existe, avec toutes les aven- l'adversaire, par tous les moyens de communi-
tures romanesques imaginables, ne fournit guère cation. Les machines électroniques sont alors
plus de 5 % de l'information nécessaire pour extrêmement utiles et peu de messages secrets
prévoir ou modifier un événement important. leur résistent. L'intelligence ouverte examine
Un espion, aussi bien placé qu'il soit, ne peut aussi avec soin la littérature de science-fiction
fournir que des fragments importants certes, mais d'un pays: la bombe atomique comme la foudre en
faibles en proportion de ceux que l'on peut boule dirigée - pour citer une arme du passé et
trouver par d'autres moyens. Un traître bien une arme du futur - ont fait d'abord leur appa-
placé peut fournir quelques documents mais ne rition dans la science-fiction.
sait généralement pas ce qu'il faut fournir. Un
agent secret (on groupe sous le nom d'espions à la TOUT EST DANS LES LIVRES
fois les traîtres et les agents secrets en mission,
ce qui est injuste) peut, à force de courage, passer L'intelligence ouverte consiste à regarder les
sous les murs d'une usine atomique, ou assister au structures qui sont au-delà et au-dessus des faits.
lancement d'une fusée. Il aura risqué la torture Pour l'opinion publique mondiale, l'aventure de
ou la mort et il n'aura pas appris grand-chose. La Carlsen, le capitaine courageux qui sauva son
vue d'un mur d'usine ne renseigne guère sur les bateau était un fait divers sensationnel. Pour les
appareils employés pour séparer les isotopes. spécialistes de l'open intelligence, qui avaient eu
Le départ d'une fusée ne permet pas d'apprendre connaissance du manifeste de bord de Carlsen, et
que son carburant est la diméthylhydrazine qui savaient que son bateau transportait du
asymétrique. L'espionnage est utile mais il est minerai de sirconium, métal indispensable à la
Join d'être indispensable ni essentiel. construction des sous-marins atomiques, Je fait
Aldous Huxley, dans Contrepoint. explique que divers ,voulait dire que Je sous-marin atomiquè
J' Encyclopedia Britannica distingue l'intelligence américain serait bientôt en état de prendre la mer.
en trois catégories: l'intelligence humaine, l'intel- Pour Je lecteur habituel, une petite annonce dans
ligence animale et l'intelligence militaire. C'est le Monde: «M. Smith, de la Société « Space
un jeu de mots spirituel sur Je mot anglais « intel- Dynamics •>, recevra à l'hôtel Claridge des ingé-
ligence» qui veut dire à la fois renseignement et nieurs et des physiciens spécialisés dans Je
intelligence. Dans Je même sens, on nomme pompage optique et désireux de travailler aux
«intelligence ouverte» (open intelligence, par Etats-Unis», ne signifiait rien. Pour Je spécialiste
opposition à secret intelligence), les rensei- de l'open intelligence, elle signifiait que les
L'histoire invisible 75
nique qui est poussée jusqu'à des raffinements ricain qui a eu l'audace d'aborder à Moscou cet
extraordinaires. On arrive à fournir à l'adversaire officier soviétique, de le convaincre et de le
des cadavres de gens qui n'ont jamais existé, convoyer jusqu'aux États-Unis, a manifesté un
porteurs de documents se rapportant à des courage et une énergie très remarquables. On
opérations que l'on n'a pas la moindre intention n'aura probablement pas d'ici longtemps de détails
de tenter. Les Anglais ont utilisé ce procédé avec sur cette opération mais on peut lire le récit d'une
l'Axe au cours de la dernière guerre avant le mission analogue dans le livre de Pierre Nord
débarquement en Sicile. On arrive à faire voler Mes camarades sont morts. Comme le dit Pierre
par l'adversaire des appareils apparemment Nord: «Les b~tailles du contre-espionnage sont
électroniques ou nucléaires, mais qui, en réalité, de grandes batailles de l'esprit.» Quand il s'agit
ne correspondent absolument à rien et qui ont été d'aventures de ce calibre, le terme «un métier de
fabriqués par des écrivains de science-fiction seigneur» inventé par les Allemands, trouve une
ayant des connaissances scientifiques et engagés juste application.
à cet effet.
L'intoxication, c'est-à-dire la fourniture de faux UNE BAT AILLE DE L'ESPRIT
renseignements à des services ennemis, est un art
subtil qui se pratique de plus en plus. On a pu Le grand espoir de tout service de contre-espion-
estimer que sur les renseignements fournis par les nage est de retourner un jour non pas un agent ou
services secrets allemands installés en Angleterre un officier mais toute une armée ou tout un pays.
pendant la Seconde Guerre mondiale, un sur Faire passer la France dans l'orbite soviétique,
vingt-cinq était vrai et les vingt-quatre autres rattacher la Hongrie au bloc occidental, ren-
fabriqués par les Anglais. Ceux-ci ont pu ainsi verser Fidel Castro, transformer la Chine en
camoufler les renseignements vrais que les plusieurs pays mutuellement hostiles. Toutes
Allemands recevaient sur la préparation du ces entreprises paraissent être du domaine du
débarquement en Normandie, dans une masse de possible. L'application des techniques mathé-
renseignements sur la préparation du débar- matiques à la guerre psychologique, et notamment
quement en Norvège, eu Baltique, en Espagne, les formidables travaux de von Neumann sur la
en Méditerranée, dans les Balkans et ainsi de stratégie généralisée et la théorie des jeux,
suite. On pense généralement que la proportion rendent désormais envisageable théoriquement
de renseignements exacts en provenance de une campagne de retournement à longue portée
Russie est encore plus faible. permettant non seulement de fournir des infor-
La troisième phase de contre-espionnage, plus mations, non seulement de paralyser l'ennemi par
difficile encore que l'intoxication, est le retour- de fausses informations, mais de déplacer des
nement. Il s'agit de persuader un espion ou un grosses pièces sur l'échiquier.
agent ennemi de changer de camp. On peut y Un groupe humain peut désormais être mis en
arriver et on y arrive. C'est un travail extrê- équation et on peut, à 1':1ide de grandes machines
mement périlleux. Il faut avoir un courage peu à calculer, définir une stratégie permettant soit
commun pour aller trouver dans son pays un la dislocation de ce groupe, soit la modification
officier soviétique important et le persuader de de lignes de force qui en commandent l'évolution.
passer aux États-Unis. Il y a neuf chances sur dix C'est ce que John Buchan prédisait il y a bien
d'être immédiatement arrêté et fusillé. Pourtant longtemps dans la Centrale d'énergie, les Trois
une telle opération a été récemment réussie par Otages, le Camp du matin. Les prédictions du
les Américains et le transfuge dénonça, entre grand écrivain anglais, qui fut le premier ministre
autres, le colonel suédois W ennerstrom, chef du de la propagande de l'histoire (pendant la Pre-
réseau soviétique pour les pays de l'OTAN, ainsi mière Guerre mondiale) se réalisent actuellement.
que Pâques, l'espion de l'OTAN. L'agent amé- Buchan écrivait:« Le véritable pouvoir n'est pas
L'histoire invisible 79
sabotage~ multiples à Budapest le 20 avril 1952 magne de Hitler, dans le Japon des seigneurs de
lors de l'arrivée du maréchal Vorochilov. Un . la guèrre et dans certains autres pays, les services
grand nombre d'usines et d'installations militaires de sécurité qui exerçaient des fonctions de ren-
soviétiques prirent feu en même temps que les seignements étaient employés pour aider un tyran
conduites d'eau étaient inutilisables. L'effet aussi ou une société totalitaire à supprimer les libertés
bien matériel que moral fut énorme. Les à l'intérieur et à accomplir à l'étranger des
saboteurs ne furent jamais pris. Un jour, quelqu'un opérations terroristes. En outre, ainsi que je l'ai
racontera peut-être l'histoire vraie de cette suggéré, il y a eu de nombreux cas - les plus
extraordinaITe série d'attentats que l'on a appelée voyants en Amérique latine - où. des dictateurs
«opération Torche». Pour le moment, on ne sait ont converti des· services de renseignements
toujours pas si le mystérieux personnage qui l'a . authentiques en gestapo particulière pour main-
organisée, Balint Boda, est un pseudonyme ou s'il tenir leur domination.»
s'agit d'un personnage imaginaire, inventé pour Déjà le C.I.A. et son équivalence soviétique le
symboliser la résistance hongroise. K.G.B. ont des moyens d'action redoutables.
Mais les organismes qui sont au-dessus d'eux,
POUVOIR AU-DESSUS DU POUVOIR ceux qui sont dirigés directement par les
évaluateurs, sont réellement des États dans
Une organisation qui peut faire assassiner l'État: crédits illirtîités, réseaux répandus dans le
n'importe qui dans le monde, qui sait tout ce qui monde entier, possibilités d'action terroriste,
se passe, qui dicte ses décisions àu chef de !'.État cela va loin.
lui-même, n'est-elle pas plus dangereuse pour son Le jour où les détenteurs du pouvoir réel se
propre pays que pour l'adversaire? Les tech- mettront également à détenir le pouvoir politîque
niques de la propagande, de l'intoxication, ne n'est peut-être pas lointain. Certains s'en pré-
vont-elles pas aboutir à la création de gouver- occupent déjà.
nements invisibles plus puissants que les gouver- Le très sérieux «New York Herald Tribune"
nements réels? Les services secrets vont-ils publiait le 20 juillet 1964 en première page un
remplacer le gouvernement élu? Ces interro- article intitulé: « La victoire de Goldwater est-
gations n'ont rien d'absurde a priori. Sans tomber elle due à des fuites organisées en sa faveur par
dans le roman, le délire de la persécution et la les services de renseignements ? " Le texte
monomanie, il faut tout de même noter que le affirmait que le groupe de coordination générale
problème est posé. . (Defense Intelligence Agency), organisme mili-.
Allen Dulles écrit à ce sùjet: <<De temps à autre, taire dépendant directement de l'« évaluateur» en
des voix s'élèvent, accusatrices, pour dire qu'un chef, fournissait secrètement au sénateur Gold-
service de renseignements ou de sécurité peut water des renseignements lui permettant une
devenir une menace à nos propres libertés, que le stratégie à longue portée supérieure à celle de ses
secret sous lequel un tel service opère forcément adversaires. Un des anciens directeurs de cet
est en soi une chose vaguement sinistre et que ses organisme, le général William Quinn, serait,
activités peuvent être en contradiction avec les d.'après le « Herald Tribune•>, un ami proche de
principes d'une société libre. On a écrit aussi des Goldwater. Le journal rappelait dans le même
histoires sensationnelles sur le C.I.A. 1 soupçonné article que le sénateur Goldwater avait refusé
de soutenir les dictateûrs, d'avoir sa propre l'offre du président Johnson de lui commur;iiquer
politique nationale et d'agir d'une manière incon- lès bulletins d'évaluation car il estimait que ces
sistante avec ses fonds secrets.» bulletins étaient partiaux et incomplets et qu'il
Il dit aussi plus loin: «J'ai exposé que dans la avait lui-même des sources meilleures.
Russie tant tsariste que soviétique, dans l'Alle- La possibilité qu'un grand pays en vienne à être
1. Central Intelligence Agency. gouverné par les services secrets et que le gou-
L'histoire invisible 81
JANVIER/ En l'an 2465, les fondations des immeubles FÉVRIER / Les appareils aériens sont propulsés par le
son fixées au sol par un champ de gravitation et les champ magnétique terrestre. Ils sont fabriqués avec
étages sont séparés les uns des autres par des champs des substances que ce champ repousse et se déplacent
anti-gravitationnels. à plus de dix mille kilomètres à l'heure.
MARS/ En 2465, l'alimentation est composée d'algues AVRIL/ La locomotion terrestre se fait par des véhi-
et de bifteck synthétique. Les algues sont traitées dans cules qui reçoivent un programme de voyage codé à
d'immenses fermes flottant au-dessus des océans. Cul- l'avance. Les voyageurs n'ont à s'occuper de rien, et
tures et récoltes sont complètement automatiques. l'automobile vide peut rejoindre son maître toute seule.
INITIATION
A LA
SCIENCE-FI CTI 0 N
UNE LEÇON DE LITTERATURE DIFFERENTE
École permanente 83
sereine et lumineuse. L'érotisme s'y mêle parfois architectures sociales furent imaginées: ceci
comme dans les Mille et Une Nuits, ou la frayeur rappelle, bien sûr, Wells et Huxley. Mais il y a un
dans la plupart des contes d'enfants (ogres, contresens à éviter, car les utopies ne font pas
Barbe-Bleue, etc.), mais il s'agit toujours de rêver partie de la S.-F. Certes, les utopies les plus
pour se distraire et s'évader. A lice au Pays des récentes, en particulier depuis le XVlll' siècle,
Merveilles nous amène dans un monde de poésie. prennent le caractère d'anticipations, car l'auteur
présente non pas ce qui devrait être, mais ce qui
UN PIONNIER: CYRANO devra être dans un proche avenir.
Il existe ainsi, chez tous les peuples, à toutes les
Avec Alice, nous abordons le domaine des époques, une esthétique de l'imaginaire basée sur
voyages extraordinaires. Cyrano de Bergerac le plaisir intellectuel de créer des mondes arti-
s'inscrit dans cette tradition; beaucoup voient en ficiels. C'est cette esthétique même que nous
lui l'ancêtre de la science-fiction. Les Voyages retrouvons aujourd'hui en science-fiction; mais il
aux États et Empires de la Lune et du Soleil ( 1643) ne faut pas en conclure, comme certains le font,
forment un recueil de théories et d'hypothèses que la S.-F. a toujours existé: il est nécessai-
scientifiques, bien souvent farfelues et envisagées rement arrivé, au cours des âges, que la science
comme telles, mais parfois géniales et prophé- ou la technique soit venue donner des éléments
tiques. On y trouve la description détaillée de d'inspiration aux tenants de cette esthétique.
machines parlantes, du premier parachute, l'utili- Mais il est très rare de trouver dans le passé des
sation, un siècle avant Montgolfier, de la force œuvres comme celle de Cyrano, presque entiè-
ascensionnelle de l'air chaud ... Cyrano avait aussi rement fondée sur la spéculation scientifique: en
un talent caractéristique de l'auteur de ... S.-F. général, cet aspect reste secondaire, et, même
moderne pour justifier les théories les plus ahuris- chez Cyrano, les préoccupations religieuses,
santes comme, par exemple, l'existence d'autres philosophiques et poétiques ont une place très
mondes identiques au nôtre (ce qui permettrait importante. Il n'y a pourtant pas de différence de
de discuter avec Descartes dans le soleil) ... S'il nature entre les États et Empires de la Lune et du
n'est pas permis de parler de S.-F. au xvw siècle, Soleil et la S.-F. moderne, mais seulement une
Cyrano doit être considéré comme un antici- différence de degré dans l'utilisation des données
pateur littéraire puisqu'il avait trois cents ans scientifiques.
d'avance sur Wells 1 •
La science ou la technique ont pu inspirer les 1925: VRAI DÉBUT DE LA S.-F.
conteurs de jadis, mais jamais de façon systé-
matique et prolongée, c'est pourquoi on ne peut Nous nous en tiendrons donc à la constatation
parler encore tout à fait de S.-F. Les pré- historique suivante: la science-fiction a débuté
occupations morales, qui ont pu jouer un rôle vers 1925 aux États-Unis, lorsque toutes les ten-
dans les thèmes mythiques et plus encore dans dances de la fiction que nous venons d'énumérer
les légendes, sont à l'origine du genre très parti- se sont vu annexées par l'imagination scienti-
culier de l'utopie. N'importe quel être doué d'un fique. Comme les précurseurs de la S.-F. l'avaient
peu d'imagination se rend compte de l'imper- senti, la science peut apporter un renouvellement
fection de la société où il se trouve; de là considérable à cette esthétique de l'imaginaire
vient la tentation d'inventer de toutes pièces que nous venons d'évoquer. Cette idée se déve-
une société répondant aux exigences morales de loppa largement à la faveur des succès scienti-
l'auteur. De Platon à Saint-Simon, en passant par fiques et industriels de la fin du XIX' siècle.
Thomas Moore et Campanelle, de nombreuses Les esprits sceptiques du XVIII' s'appliquaient à
1. Sur l'œuvre de Cyrano de Bergerac, voir Pianè1e nu 6, page 121.
démolir les mythes à l'aide des découvertes de la
Sur\.\. ells, voir Planète n" 16, page 133. physique: à chaque phénomène surnaturel on
84 Initiation à la science-fiction
MAI / L'étude des dauphins a apporté d'utiles ren- JUIN / En 2465, la civilisation des loisirs triomphe.
seignements pour les transports maritimes. Les navires Les nouvelles techniques ont permis l'invention de
sont d'énormes sous-marins à peau cybernétique pro- nouveaux jeux, tel que le toboggan mi-aérien, mi-sous-
pulsés par l'énergie de cubes d'antimatière. marin.
JUILLET / En 2465, les problèmes de nettoyage AOUT/ L'installation de soleils artificiels a transformé
n'existent plus. Les vêtements synthétiques ne servent l'Antarctique. Cette région est devenue le grenier du
qu'une fois. Le textile est ensuite dissous dans des monde, cependant, les savants se préoccupent de ne
solvants et réutilisé. pas modifier l'équilibre du globe dans le cosmos.
cherchait une explication mécanique. En revanche,
la S.-F. moderne ressuscite les vieux mythes en
les transformant: d'une part la science réalise
les rêves éternels de l'humanité (Icare), d'autre
LA SCIENCE-FICTION part les mythes reçoivent une signification nou-
ANGLO-SAXONNE velle qui n'exclut pas nécessairement la dimen-
Même si les grandes années sont déjà révolues, la sion religieuse ou divine; ainsi, en S.-F., les
science-fiction anglo-saxonne - américaine plus parti- fusées spatiales peuvent servir d'arches aux futurs
culièrement - reste sans concurrence. Noé, les jeunes couples d'astronautes sont les
Aucun pays ne peut prétendre avancer une ligne de nouveaux Adam et Ëve d'autres planètes,
force comparable à celle qui triompha dans d'innom-
brables magazines prétendus populaires et pourtant pendant que New York-Sodome disparaît.
gavés de surprenants chefs-d'œuvre. Bien plus, les croyances elles-mêmes font l"objet
Citer tous les auteurs intéressants de cette littérature d'anticipation, et de nombreuses nouvelles de
de fiction serait fastidieux. Bornons-nous à indiquer
les plus marquants: H.P. Lovecraft, Ray Bradbury,
S.-F. nous exposent de façon convaincante les
Richard Matheson, Fredric Brown, Lester del Rey, rites et les dogmes du futur. Souvent même la
William Tenn, Clifford Simak, Brian Aldiss, Arthur conquête de l'univers par l'homme prend une
C. Clarke, James Blish, Robert Sheckley, Van Vogt, dimension mystique parfaitement conciliable
Alfred Bester, Poul Anderson, Theodore Sturgeon,
C.S. Lewis, Henry Kuttner, Abraham Merritt, Robert avec nos conceptions religieuses: l'écrivain
Heinlein, Isaac Asimov, Murray Leinster, Jack anglais C.S. Lewis, théologien renommé, utilise la
Williamson, John Wyndham. S.-F. à des fins de vulgarisation théologique.
Du côté de la démonologie, les principaux
LA SCIENCE-FICTION EN U.R.S.S. thèmes sont également repris par la S.-F.
Actuellement, la science-fiction connaît, dans les moderne avec une teinture scientifique: au lieu
pays de l'Est, de grands tirages et une énorme de lémures et de korrigans, ce sont les mutants
expansion. Les principaux auteurs à citer sont les
frères Strougatsky, Dolgougine, Dnieprov, Efremov, humains ou les Vénusiens qui tourmentent les
S. Lem. Le dernier est polonais, les autres sont russes. hommes en se livrant à d'étranges occupations.
Une revue trimestrielle consacrée surtout à la science- Quant à la magie, elle triomphe en s'identifiant
fiction, «le Chercheur •., paraît en U.R.S.S. La à la science elle-même: le savant force les secrets
science-fiction y est également publiée sous forme
de gros volumes annuels de 1 000 pages grand format: de la nature, fabrique des êtres vivants, agit sur
• Le Monde des Aventures .. et • Fantastique ... De la matière, explore le futur, le passé et les mondes
plus, paraissent de très nombreux romans, anthologies, parallèles, s'arme de forces incontrôlables, bref,
recueils de nouvelles et traductions. li est enfin
question de créer une revue mensuelle de science- il a tous les pouvoirs du mage.
fiction qui ressemblera assez à la grande revue amé-
ricaine « Analog ... De nombreux concours de science- LA SCIENCE RENOUVELLE L'UTOPIE
fiction sont organisés par des revues telles que • la
Jeune Technique" et« Savoir et Force ... La science-
fiction soviétique est effectivement basée sur la Dans le domaine des voyages extraordinaires,
science la plus avancée. On peut même se demander l'astronautique offre naturellement des thèmes de
si tous les lecteurs la comprennent, tellement les premier choix; de plus, la conquête de l'espace
récits sont truffés de physique, de biologie, d'équa-
tions et de descriptions. La valeur imaginative de
est une épopée extraordinaire que nous vivons
ces récits est considérable. Sur le plan littéraire, actuellement: pour la S.-F ., chaque nouvelle
ils ne sont pas plus mal écrits que la moyenne des planète colonisée est l'occasion de récits épiques
littératures soviétique ou polonaise. Les Editions ou fantastiques. Chez les meilleurs auteurs, une
d'Etat à Moscou traduisent en français les meilleurs
de ces récits, sous forme de plusieurs anthologies dimension poétique vient enrichir cette inspi-
annuelles. ration: chaque planète est un pays fabuleux et
présente une réalité entièrement nouvelle,
couchers de soleil verts, doubles lunes, faunes
86 Initiation à la science-fiction
SEPTEMBRE/ La technique a compliqué le domaine OCTOBRE / Un appartement est un être vivant
du sport. Les joueurs de football du monde nouveau se pourvu d'un cerveau qui exécute toutes les tâches
déplacent à l'intérieur d'ovoïdes magnétiques et com- domestiques, depuis la surveillance du compte en
muniquent entre eux par radio. banque jusqu'à la répétition des leçons des enfants.
NOVEMBRE/ La conquête du cosmos est réalisée. DÉCEMBRE/ L'électricité règne sur la civilisation du
Les satellites artificiels ont 20 kilomètres de long. Ils xxv· siècle. Les routes sont lumineuses et chaque
sont habités et toutes les conditions de la vie terrestre itinéraire a été doté d'une couleur particulière. La vie
y sont réalisées. nocturne est artificiellement ensoleillée.
et flores extravagantes, civilisations étranges avec voyages, des sociétés orgamsees; la description
leurs villes d'acier, leurs mœurs troublantes, de ces systèmes politiques imaginaires est un bon
leurs arts et leurs histoires. prétexte pour critiquer les nôtres ou leur servir
Une partie importante de la S.-F. découle direc- d'exemple: elle se situe donc directement dans la
tement des contes et légendes; la science a lignée des utopies classiques.
permis d'en renouveler le contenu, mais, en fait,
il s'agit du même courant littéraire. Ces récits, JULES VERNE, LE GRAND ANCETRE
destinés en principe aux enfants, gagnent la
faveur d'un large public d'adultes. Amour du jeu, L'attention du public n'avait pas encore été
curiosité intellectuelle, prédilection pour le rêve attirée sur cette forme nouvelle de la littérature
qui servaient de ressorts psychologiques aux par les quelques tentatives qui avaient vu le
légendes se retrouvent au service de la S.-F. jour avant H.G. Wells et Jules Verne; la première
L'idée de progrès technique, dO aux découvertes anticipation française est due à Sébastien
du XIX', amènera les conteurs à s'intéresser au Mercier: /'An 2440 (1780); il s'agit bien d'anti-
futur de l'humanité. Les inventions nouvelles cipation au sens précis et actuel du terme:
modifieront la société à venir et de nombreux «Description du futur à une date déterminée».
anticipateurs, cherchant à la décrire, rejoignent Mais c'est à la fin du x1xe que le genre fut
les préoccupations morales des utopistes. exploité par de nombreux auteurs et connut la
Les sociétés futures sont souvent peintes en faveur du public; après quelques décennies de
couleurs sombres: l'individu y est enrégimenté, popularité et de délire imaginatif, la S.-F. semble
endoctriné et souvent réduit en esclavage par des s'éteindre après 1918; pendant ce temps, aux
administrations automatiques ou des races plus Etats-Unis, le genre repartait sur des bases
évoluées; dans la plupart des cas, l'humanité est nouvelles et plus solides: il connut un succès
arrivée à un équilibre longtemps recherché, mais immense, et, encouragée par les découvertes
ce fut au prix d'une Grande Guerre, ou de la modernes, la S.-F. a traversé l'Atlantique et
perte de privilèges, parfois même de la liberté. reconquis l'Europe où elle était née.
En général, cette S.-F. n'a rien de gai; à première Jules Verne, !'écrivain français le plus traduit
vue, ce pessimisme pourrait la différencier du dans le monde (au sixième rang derrière Lénine,
genre utopie, basé sur un espoir implicite; en fait, la Bible, Tolstoï, Gorki et Dickens, d'après une
cette distinction n'est qu'apparente, il ne s'agit enquête de l'UNESCO), n'est pas toujours men-
que d'une orientation nouvelle adoptée par les tionné dans les manuels de littérature. Il fut
anticipateurs qui cherchent à mettre en garde victime du préjugé qui veut qu'une œuvre d'anti-
contre les dangers du futur plutôt qu'à exalter cipation n'ait aucune valeur littéraire et soit tout
ses promesses. Mais le but est exactement le juste bonne pour des enfants. Il est vrai que Jules
même: l'intention moralisante inspire l'auteur Verne, sans doute par précaution, écrivit tout
dans les deux cas; seule la démarche de l'esprit spécialement pour un public enfantin, apportant
diffère. On pourrait dire par exemple que 1984. ainsi un argument de poids aux détracteurs de la
de George Orwell, est une utopie négative. S.-F. Le fait que l'œuvre de Jules Verne soit
Les thèmes inspirés par la conquête de l'espace destinée à la jeunesse explique bien des traits
fournissent également aux utopistes de nom- de ses romans. Son didactisme lourd et parfois
breuses occasions d'exprimer leurs opinions ennuyeux est dO à la même raison; il voulait
morales ou politiques. L'arrivée de l'homme dans être compris de tous et instruire par la même
d'autres planètes pose, sous une forme souvent occasion; il avait conscience, à un degré extrême,
caricaturale, tous les problèmes de la coloni- de sa mission de vulgarisateur et fut toujours très
sation; mieux encore, les pionniers de l'espace scrupuleux dans la description de ses anti-
rencontrent fréquemment, au cours de leurs cipations techniques; pensant toujours à son
88 Initiation à la science-fiction
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Les principales coHections de la S.-F. en France
,.
Le magazine a été aux U.S.A. l'instrument carac- faut attendre le numéro 23 pour voir le premier .t
téristique du genre. li existe aussi de$ romans de ouvrage français, Ceu,x de nulle part, qui classe son •t•
S.-F., mais ils· ont une importance bien moindre. auteur Francis Carsac (professeur d'anthropologie à
en nombre et en tirage. Le phénomène se reproduit Bordeaux) au niveau des maitres du genre.
pour la science-fiction française qui n'a pa5 sù se Cette collection contribua à donner aux lecteurs
dégager de la tutelle américaine. Le tableau des une idée d'ensemble de la S.-F. Ainsi se forma pro-
publications françaises S.-F. n'a jamais été établi, gressivement un public de connaisseurs qui encoura-
, ·à notre connaissance du moins .. gèrent des ·expériences plus audacieuses comme
Les pages qui suivent sont donc forcément fragmen- • Présence du Futur•,.
taires, d'autant plus que nous ne; parlerons que des •Le Rayon Fantastique• fut un temps la collection
publications qu.i nous paraissent intéressantes. favorite des amateurs de S.-F. pure. On n'y trouvait
'1 Les collections de romans ont précédé, en France, ni histoires de vampires rii autres récits fantastiques.
les magazines; lorsqu'en 1953 les revues • Fiction• (Éditions Gallimard et Hachette).
et •Galaxie• ont été fondées, il existait déjà deux·
., ~
séries de romans: • Anticipation• et" • Le Rayon
fantastique», une troisième-• Présence du Futur• - - PRËSENCE DU FUTUR
était sur le point de paraitre. - paraît fin 1953. La. S.-F. ·a déjà une base solide en
France: deux magazines spécialisés, • Galaxie» et
• Fiction•, ont été créés quelques mois auparavant.
' ANTICIPATIONS La maison Denoël peut donc se lancer sur des voies
apparaît en 1951. Sur un marché sans concurrence insolites, selon son habitude. Elle chercha à prouver
une entreprise commerciale de ce genre avait toutes que la S.-F. restait encore totalement à découvrir
les chances de réussir. Ce fut le cas. Aujourd'hui et apporta une brillante démonstration en publiant
encore, cette collection détient la première place ... · les Chroniques martiennes, de Ray Bradbury. Ce fut
quant au tirage. Pour la qualité, c'est différent: d'une une secousse dans les milieux littéraires; l'auteur
façon générale les poncifs les plus éculés de la S.-F. fut invité en France, fêté et adopté. C'était plus que
sont assemblés, dans ces romans, selon toutes les ne pouvait espérer un auteur de S.-F., mais les cri- ,.
combinaisons possibles et accommodés de façons tiques trouvaient une excuse dans le fait que les
diverses. La .médiocrité de cette littérature ne fait Chroniques martiennes, ce n'était • presque pas• de
que du tort àJa S.-F. Elle confinne dans leur jugement laS.-F.! .
défavorable les lecteurs qui, a priori, sont• contre». Dans• Présence du Futur», la S.-F. n'est pàs appréciée
pour elle-même, mais pour ses résonances psycholo-
(Editions Fleuve Noir). giques et ses aspects fantastiques. Aussi bien on
trouvera peu d'anticipations pures dans cette col- .,
lection: de nombreux volumes sortent du cadre, '•
'. LE RAYON FANTASTIQUE pourtant vague, de la S.-F. En toute occurrence,
Ce premier concurrent du • Fleuve. Noir• apparut l'originalité du sujet et la qualité littéraire sont ,,
assurées, puisque le directeur de la collection est ~ i
en 1952 et releva d'emblée le niveau de la S.-F.
Il commença par publier des auteurs américains Robert Kanters.
connus (le fameux Monde des A, de Van Vogt); il (Éditions Denoë/).
École permanente 89
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Les magazines de S.-F. en France
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GALAXIE La collection complète de la revue forme une sorte
(1953-1960). La rédaction de cetti; revue se fit d'encyclopédie de la S.-F. assez pratique et suffi-
remarquer par son manque d'initiative. Non seu- samment éclectique pour donner une idée d'ensemble
lement il n'y eut jamais d'éditorial, mais encore du genre.
aucune innovation et pas une seule tentative pour
entrer en contact avec le public. Les auteurs, tous
américains, ne furent jamais présentés au lecteur SATELLITE
français. Le contenu apparait comme une traduction (1958-1962). Revue dont le grand mérite est d'avoir
i' pure et simple de la revue-mère américaine: aux été 100 3 française. A l'opposé de «Galaxie» qui
U.S.A.,« Galaxy • est une revue intellectuelle, l'une ignorait ses lecteurs, « Satellite• se mit à leur dispo- 'i
des trois plus grandes avec « Fantasy • et « Analog •. sition et se soumit toujours à la majorité des vœux
'• Il semble que la rédaction parisienne n'apprécia exprimés. Cela permet de comprendre les échecs
;l jamais à leur juste valeur les textes qu'elle publiait, successifs qu'elle subit et, surtout, son aspect
ce qui causa, en fin de compte, la disparition de la •amateur• qui ira en s'accentuant jusqu'à la fin.
revue. Les collectionneurs s'arrachent aujourd'hui
:1 ses numéros.
; : Depuis mai 1964, la revue « Galaxie • reparaît en FANZINES '11
France. li s'agit toujours d'une traduction pure et Le mot « fanzin • exige quelques explications. De i
simple du titre américain. Elle est patronnée cette même que le terme « Science-Fiction», il fut forgé
fois par les Editions Opta qui publient, entre autres, aux Etats-Unis. C'est une contraction de « fan's
:i la revue« Fiction» dont nous allons parler. magazine •, littéralement le « magazine des fans •.
Il s'agit en fait de brochures périodiques ronéo-
'' typées et distribuées à un nombre restreint d'abonnés ,,
i',
~: FICTION (diffusion non commerciale). Si l'on s'en tenait aux :l
(1953 à nos jours). Correspondant de la revue améri- tirages, il serait inutile de parler de ces publications.
caine« Fantasy •, qui se distingue par la qualité litté- Pourtant leur existence même est un fait intéressant.
raire et l'originalité de ses textes. La rédaction Le contenu en est sensiblement le même pour tous:
parisienne saura éviter les erreurs commises par ses auteurs et rédacteurs se connaissent et on retro4ve
confrères de « Galaxi·e • « première manière •. La les mêmes noms partout. Nous y lisons des nouvelles,
présentation de la revue ira en s'améliorant sans des poèmes d'anticipation, des panneaux publicitaires
cesse. Son tirage actuel dépasse· 30 000 exemplaires
mensuels. Le choix des auteurs est significatif: on
de l'an 2000, de l'humour. L'un des fanzines baptisé
« Ailleurs • mérite une mention spéciale: il tire à
;!
:1
i note une nette préférence pour les partisans d'une 222 exemplaires, et ce depuis 1957. Il publie des 1i
;r S.-F. psychologique et poetique, quant aux Améri- numéros spéciaux et des « Cahiers d'E.tudes •. Pierre 1
'' cains. En ce qui concerne les Français, la majorité Versins, son directeur, est une des autorités euro- I'
,I
i '~ se classe dans la catégorie «fantastique• (Sternberg, péennes en S.-F. Sa culture dans ce domaine ·est
1 de Mandiargues) ou dans le sillage de Bradbury immense et l'on trouve fréquemment dans « Ailleurs» 1
f (Klein, Henneberg). La rédaction de cette revue des études originales sur des écrivains oubliés ou ''
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forme une sorte de « comité de défense et d'illus-
tration de l'étrange», et c'est peut-être· pour cette
raison qu'elle n'a pas connu.le sort de« Galaxie».
inconnus. li a tenté de définir la S.F. comme «une
exploitation jusque dans ses plus fantastiques consé-
quences d'une idée scientifique exacte..
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90 Initiation à la science-fiction
jeune public, il se garde bien de tout pessimisme, Farandoul dans les mondes connus et inconnus ...
envisageant l'avenir avec une confiance qui nous même de M. Verne {1879). Puis il laissa libre cours
semble parfois naïve. à son imagination cocasse: Un voyage de fian-
Il est courant de citer «Jules Verne et Wells» çai/les au XX• siècle, la Vie électrique. Il a créé
comme s'il s'agissait d'un tandem inséparable; en le sous-marin de plaisance, la télévision en relief,
fait, ces deux hommes ont peu en commun: ils un sixième continent fait de madrépores, le
sont seulement les deux plus célèbres parmi les divorce-éclair, la police aérienne armée de pis-
premiers écrivains de S.-F.; et, s'il fallait abso- tolets à microbes... Ses illustrations, restées
lument trouver un «père» à la S.-F., ce serait célèbres de nos jours, font preuve du même esprit
sur !'écrivain anglais que notre choix se porterait. rocambolesque: on y voit des tanks tout à fait
actuels, des bombardements systématiques, des
WELLS OU LA S.-F. ADULTE batailles navales, des scaphandriers. La guerre
de 1914, qu'il connut de près, dépassa en horreur
Toute la différence entre les deux écrivains vient ses élucubrations les plus pessimistes. Sa verve
du fait que Wells ne tenait pas la vraisemblance changea de ton et /'Ingénieur von Satanas, qu'il
scientifique pour primordiale; Jules Verne, très écrivit à cette époque, est une imprécation contre
sensible à ces questions, disait: «J'utilise la phy- la guerre mécanisée: le conflit qu'il décrit
sique, lui, il l'invente», ce qui résume parfai- s'achève par la disparition de l'Allemagne et de
tement la situation. Tout d'abord Wells n'écrivit toute civilisation, les hommes en reviennent à se
pas exclusivement de la S.-F.: il fut un socialiste battre à coups d'épieux et de silex taillés.
militant, et toute une partie de son œuvre est Nous aurions pu citer de nombreux écrivains de
purement philosophique et politique. On retrouve S.-F. comme Maurice Renard, Gaston Leroux ou
ces préoccupations dans nombre de ses œuvres Pierre Véry, aussi intéressants et prolifiques que
de S.-F. qui s'inscrivent ainsi dans la lignée des Robida, mais l'évolution de ce dernier est parti-
utopies: A modern Utopia, la Guerre des mondes. culièrement significative: la guerre de 1914 jeta
Ces utopies «modernes» sont en fait des anti- un froid parmi les imaginations fougueuses. Le
cipations où l'auteur nous offre une vision de la genre s'étiola progr~ssivement, et il ne restait
société future tout à fait pessimiste - ce qui plus, en 1930, qu'un seul auteur français de S.-F.,
l'oppose encore une fois à Jules Verne. Il envi- sans grande importance: Jacques Spitz.
sage en toute lucidité la guerre interplanétaire De toute la production d'avant la guerre de 14,
et la dégénérescence complète de l'humanité; il nous ne connaissons aujourd'hui que les pro-
ne s'agit plus d'une littérature enfantine, mais de phéties stellaires de Flammarion et les œuvres de
S.-F. adulte; les héros ne sont pas des person- J.H. Rosny aîné; ce dernier fut remis à la mode
nages d'opérette mais prennent un relief psycho- récemment, il le méritait d'ailleurs, car son œuvre
logique convaincant. annonce toute la S.-F. moderne; il est un des
Les années qui virent le succès de Jules Verne et rares auteurs français que l'on puisse comparer
l'érection de la tour Eiffel engendrèrent une aux classiques américains d'aujourd'hui: Asimov,
fermentation d'idées tout à fait salutaire à Heinlein ou Simak. Il existe à l'heure actuelle en
l'éclosion de la S.-F. Le goût est au baroque France un groupe d'écrivains de S.-F., mais ils
technique et la mode au libertinage scientifique. appartiennent à une école toute différente de
Devant deux cent mille spectateurs, le photo- celle que nous venons d'évoquer; ils s'inspirent
graphe Nadar n'hésite pas à fixer une maison à tous d'une tendance ou d'une autre de la S.-F.
la nacelle d'un ballon sphérique, et s'envole. américaine. Ce fait montre que la S.-F. renaît en
Albert Robida, l'un des premiers illustrateurs de Europe après un long silence.
S.-F. et l'un des plus doués, se lança dans la Le symbolisme a produit en France de nombreux
parodie: Voyage très extraordinaire de Saturnin contes et récits fantastiques (cf. P.G. Castex:
École permanente 91
le Conte fantastique en France), mais ce courant rurent dès 1915 dans des publications enfantines
existait aux Etats-Unis depuis le début du ou des revues Httéraires d'avant-garde. En 1917,
XIX' siècle, représenté en particulier par les la revue littéraire à grand tirage « Argosy-All
histoires morbides de Nathaniel Hawthorne, le Story » présentait, sous la rubrique «une histoire
symbolisme mystique d'Hermann Melville et différente», des œuvres jugées alors inclassi-
toute l'œuvre d'Edgar Allan Poe. L'ésthétique fiables puisque le mot science-fiction n'existait
ainsi créée, utilisée par H. James sur le plan pas encore.
psychologique, allait favoriser l'éclosion du récit En 1923, naquit la revue<< Weird Tales» (Contes
fantastique d'inspiration scientifique vers 1925. étranges) qui découvrit des auteurs comme
Fitz James O'Brien, l'un des premiers à suivre Lovecraft, Bradbury et Ackermann. C'est au
Poe, fut tué pendant la guerre de Sécession. mois d'avril 1926 que Hugo Gernsback, éditeur
Ambrose Bierce (1842-·1913), lui, est bien connu spécialisé dans la vulgarisation scientifique, créa
en France où une grande partie de son œuvre a le magazine « Amazing Stories » (Histoir,es stupé-
été traduite (Histoires impossibles. Morts violentes, fiantes); il désigna le nouveau genre littéraire
chez Grasset, le Dictionnaire du Diable, Ed. Les du nom de « scientifiction » qui se transforma
Quatre-Jeudis). li connut, dès 1890, un immense rapidement en« science-fiction». .
succès en Californie, et son pessimisme sarcas- L'année suivante, le terme était consacré par la
tique influence encore les auteurs et dessinateurs revue« Astounding Science-Fiction» qui apparut
spécialisés dans l'humour noir. Citons en exemple alors; il fut adopté et passa, tel quel, en de nom-
cette définition tirée du Dictionnaire du Diable: breuses langues. .
«Deux, une fois de trop». On reconnaît là une Les premiers magazines américains furent destinés
forme d'humour très particulière et typiquement à un public de techniciens et de savants: le côté
américaine: elle dénote une disposition d'esprit scientifique de la S.-F. fut d'abord mis en valeur;
si étrange qu'on pourrait la croire issue d'un mais, très vite, le nombre des revues se multiplia
cerveau martien. (on en comptait trente-cinq sur le marché en
Remis à la mode depuis quelques années par 1937), le genre devint populaire, et l'étiquette
«Présence du Futur» et récemment par «science-fiction» permit de publier tout récit
«Planète», Lovecraft (1890-1937) est le meilleur d'imagination vaguement teinté d'idées scien-
représentant du courant littéraire américain tifiques. Les histoires les plus insensées furent
appelé « gothisme ». Ce terme sert à désigner imaginées et imprimées à cette époque sans
certains auteurs de nouvelles fantastiques d'inspi- aucun principe ni limitation. Le résultat fut un
ration médiévale et ésotérique. Passionné d'orien- chaos impressionnant où l'on trouve côte à côte
talisme et d'archéologie, Howard Philips Lovecraft le médiocre et le sublime, la vulgarité et l'humour
est un esthète de l'angoisse; il se plait à décrire subtil, la poésie et le charabia.
la déroute de l'esprit cartésien parmi les archi- Devant cette prolifération, un choix était néces-
tectures d'épouvante peuplées d'êtres surnaturels. saire, car il devenait impossible de lire les quelque
Avec lui, nous franchissons la limite toute conven- trois ou quatre mille nouvelles paraissant annuel-
tionnelle établie entre «fantastique» et S.-F.: lement; on publia donc des anthologies conte-
une bonne partie de son œuvre est postérieure nant les meilleures nouvelles de l'année. Il existe
à 1925 et fut publiée dans des magazines. actuellement une cinquantaine de ces ouvrages
Toute cette littérature d'imagination, soumise permettant d'avoir une vue générale de la S.-F.
en grande partie à l'influence de Poe, avait atteint Cette recherche de la qualité se précisa en 1937,
le grand public américain: ceci expliqoe comment lorsque John Campbell, jeune physicien atomiste,
la S.-F. a pu devenir d'emblée un genre popu" devint rédacteur de la revue« Astounding S.-F. »:
!aire aux Etats-Unis. Diverses nouvelles que nous il encouragea des auteurs expérimentés l:omme
classons aujourd'hui dans le genre S.-F. appa- Heinlein, Van Vogt, Clifford Simak, Isaac ,
92 Initiation à la science-fiction
Asimov, s'entoura de jeunes talents prometteurs
comme Anthony Boucher, Alfred Bester, et
améliora considérablement la revue; affirmant
que la S.-F. n'était pas nécessairement un genre
infantile de style bâclé, il fonda en 1939 la très
sophistiquée revue « Unknown » (Inconnu). Cette
publication, réservée aux œuvres de haute
tenue littéràire, devait s'éteindre en 1945, faute
d'un public assez large. Le même sort attendait
la revue « Beyond » (Au-delà) créée à la même
époque, encore moins commerciale.
Les années 1935-1945 recèlent les meilleurs crus
de la S.-F. américaine: la qualité se dégage peu
à peu, mais lè genre reste avant tout populaire.
A l'occasion de la Seconde Guerre mondiale,
la science fit un grand bond en avant. La S.-F.
n'en ressentit le contrecoup que cinq ans plus
tard. Deux réactions se firent alors sentir: d'une
part, la guerre moderne et plus spécialement
la bombe atomique avaient discrédité la science
aux yeux de nombreux intellectuels américains;
d'autre part, l'accroissement des connaissances
scientifiques chez les lecteurs les poussa à
dédaigner toute une partie, puérile, de la S.-F ..
Depuis la guerre, deux nouveaux magazines
apparurent aux U.S.A., environ à la même date:
1951; ce sont « Galaxy » et « Fan tasy and S.-F. »;
elles se distinguent toutes deux par leur éclec-
tisme, leur niveau intellectuel élevé et la qualité
littéraire de leurs nouvelles; elles eurent très
rapidement des succursales à l'étranger: signe des
temps et événement capital pour la science-
fiction; en 1953 apparaissaient simultanément en
France « Galaxie» et « Fiction» (correspondant
de« Fantasy and S.-F. »), pendant que l'Angle-
terre, l'Australie, le Japon, l'Italie, l'Allemagne
voyaient le même phénomène se produire.
Gi;RARD DIFFLOTH.
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+d' 'o.
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+d' - Et, y aura-t-il un esprit fort pour soutenir que ce n'est pas à la volonté de Dieu qu'obéit 'o.
+d' /'arbitre , lorsqu'il nous accorda le but vainqueur à deux minutes de la fin du temps réglementaire , 'o.
+d' alors que manifestement Jean Latopie et Joseph Larguilier étaient hors jeu? 'o.
+d' 'o.
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii11111111i1111111i11i
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~
:
LA SCIENCE PRIÈRE D'UN CHERCHEUR
R.A. McCieary, Chicago University
!
:
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J Faites que je sois maniaque, afin de pouvoir rester joyeux quand les i
: résultats sont équivoques. :
J i
: Aidez-moi à être dépressif, car lorsqu'une prédiction est vérifiée il faut :
J tout de même que je sache qu'elle ne sera pas confirmée plus tard. i
J i
: Aidez-moi à être sadique, pour que je ne souffre pas devant l'angoisse :
J des sujets d'expériences. i
J i
: Aidez-moi à être masochiste, de façon à ce que le cobaye récalcitrant :
J me soit un plaisir. i
J i
J Aidez-moi à être psychopathe, pour que je calme mon sentiment de i
: culpabilité quand je dis à ceux qui m'aiment que l'expérience a bien :
J marché. i
J i
: Aidez-moi à être schizophrène, ce qui me donnera des raisons d'espérer :
f dans des résultats expérimentaux apparemment distribués au hasard. :
: Aidez-moi à être paranoïaque, pour que les attitudes hostiles des :
J confrères me démontrent/' écrasante supériorité de mes travaux. i
J i
: Aidez-moi à avoir des crises d'anxiété, qui me forceraient à travailler :
J au laboratoire, même le dimanche. i
J i
: Et, finalement: aidez ma femme à trouver du boulot, car lorsque :
: j'aurai traversé la frontière fantôme qui me sépare de la folie, il faudra :
J bien que quelqu'un nourrisse les gosses. i
J
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Amen. i
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'~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~.J
0~~
Cette année, on 1ra ailleurs 1-~~ Humour Planète 97
L'AUTO
TOMI UNGERER
La femme est la proie d'un malaise ABORDONS LE PROBLBME QUI N'A PAS DE NOM
indéfinissable, d'un « problème qui
n'a pas de nom... Elle a acquis Les spécialistes du comportement humain s'intéressent de plus en
récemment la liberté, l'égalité, et une plus au besoin vital qu'ont tous les hommès d'évoluer et à leur
certaine fraternité. Mais elle parait
ne pas savoir à quoi, à qui consacrer volonté de réaliser tout ce qu'ils portent en eux. Nombre de ces
ces victoires toutes neuves. Et penseurs en sont ainsi venus à une conception nouvelle de l'homme
l'homme contemple le plus souvent psychologiquement sain et à un nouveau concept du normal et du
d'un œil inquiet cette femme moderne pathologique. Etre« normal», c'est atteindre au «maximum de ses
en quête de son vrai visage et de sa possibilités». Pendant des années, les psychiatres ont tenté de
vraie place. En même temps que l'on «guérir» les conflits internes de leurs malades en les faisant
accordait des droits à la femme, lui s'ajuster à la civilisation. Mais une adaptation qui ne permettrait pas
accordait-on les moyens nécessaires un épanouissement total de la personnalité n'est pas du tout un
à l'expression de ces droits? L'une
des plus éminentes psychologues «remède», si l'on en croit les psychologues modernes.
américaines, Betty Friedan, soutient Ces penseurs ne se rendent peut-être pas compte qu'ils ont décrit
que non. Depuis quinze ans la femme là avec précision le genre d'adaptation qui a été imposé à la
a été mystifiée. Non seulement son ménagère en général, et à la ménagère américaine en particulier.
indépendance est toute théorique, Ce qui, à leurs yeux, est chez les hommes une forme inconsciente de
mais les pressions économiques, destruction personnelle est aussi destructrice, à mon sens, pour les
sociales et philosophiques tendent à femmes, qui s'attendent à vivre par procuration, qui ne souhaitent
renforcer sa dépendance passée. Il que l'amour, la sécurité, l'approbation des autres, qui n'acceptent
semble d'ailleurs qu'elle soit la
première responsable de cet échec. jamais de s'engager en leur nom dans des activités sociales ou de se
Nous publions ci-après des pages projeter dans l'avenir, qui ne réalisent jamais, en un mot, toutes leurs
extraites du dernier ouvrage de possibilités humaines. Celles qui se sont adaptées ou celles qui sont
Betty Friedan, la Femme mystifiée, guéries et vivent sans problème ni angoisse dans le monde restreint
qui va être publié en deux volumes de leur foyer ont trahi leur être propre. Aux autres, à toutes les
par les éditions Gonthier. Ces pages misérables et les frustrées, il reste un espoir. Car « le problème qui
résument l'essentiel de sa thèse.
finissable, subissent la même condamnation. de plus en p lus haut, au-dessus du plan physio-
L'une d'elles me confia: «J'accepte volontiers de logique (qui, lui, est surtout fonction du milieu),
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HERBERT H. PAGANI
129
Informations
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batailles de prix, co nform es à la
co ncurrence class ique pour la
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A PERPETTE ~
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conquête des marchés, feront pl ace "' La concierge le regarda passer, le dos vollté dans son pardessus A
désorm ais aux batailles pour l' inno- ~ miteux, les guêtres sales sur des souliers mal cirés, le melon posé de ~
vation. ~ travers sur son crâne presque chauve. Elle l'interpella, bien qu'il ne ~
1c1 fit jamais aucun effort pour être un peu plus que poli. A
., Ainsi do nc, vis-à-vis du progrès, ~ - Bonjour, monsieur Druant! Il fera beau aujourd'hui, allez! ~
les entreprises comme les nati o ns se "' Brume le matin, ciel deviendra serein. A
classe ront en deux catégories : les ~ - Bonjour, madame Choulet, répondit-il en pressant le pas. ~
<c sui veurs >1 et les c< pionn iers H, di - ::;: li l'entendit encore qui criait, comme si c' était nécessaire: :;:::
e/are /' édi1 oria/is1e du " Progrès scien- .,, - Votre omnibus n'est pas encore passé! A
tifi que" qui a11ire /"a11 encion sur le ~ Et il referma sur lui la porte, s'enfonçant dans l'humidité. En effet, :;:::
da nger qu e représe ntent les fili ales "' l'omnibus arrivait à fond de train du bout de la rue, et les chevaux, A
de maison s-mères étrangères qui , par ~ les naseaux fumants, s'arrêtèrent au coin, devant l'épicerie. Il grimpa ~
leurs ré seaux, font rem o nter aux ~ péniblement sur l'impériale, non par gollt mais par hygiène, et glissa ~
sièges des sociétés, et en définiti ve .,, frileusement ses mains gourdes malgré les mitaines dans les poches A
au pays do min ateur, un e grand e ~ élargies de son pardessus. tt ses pensées les plus noires lui revinrent, ~
parti e des connaissanc es acquises .,, qu' il ne parvenait pas à chasser, qu'il ne parviendrait jamais à chasser, A
dans la nati on so us dépend ance." ::;: qui s'interposaient entre son travail et lui, entre le monde et lui. :;:::
Ces considérations doivenc être rap- ::;: Quelle déchéance! Tout ça pour un délit somme toute bénin ... Et :;:::
prochées du propos tenu par deux .,, alors qu'il avait devant lui une vie large, aisée, heureuse. Tout cela A
ministres anglais, chargés de questions ~ pour un geste irréfléchi, sa vie perdue irrémédiablement. Il en aurait :;:::
scientifiques, que nous reproduirons .,, pleuré. Il en pleurait, du reste, chaque nuit, quand il se retrouvait A
dans le prochain numéro. ~ tout seul dans un lit qui sentait la sueur, au milieu de la chambre ~
~ glaciale que rien n'arrivait à tempérer. ~
IL FA UT INTENSIFI ER 1c1 Son voisin, sur l'impériale, son voisin le comptable, comme chaque A
LA R EC HERC H E ~ matin, éprouva le besoin de parler. Et, comme chaque matin, il se ~
1c1 lamentait, regrettant amèrement le bon vieux temps. Le bon vieux A
« Le moyen de parer à ce danger ::;: temps, ah oui! c' en était une dérision! ~
co nsiste surtout à accroître l'e ffo rt "' Il se demanda soudain - il se le demandait souvent - ce •que le A
\:>/ A
de recherche et de dé ve loppement 1c1 comptable dirait s'il se mettait à expliquer les choses. Mais non, A
en France et en Europe. Pour l'année ~ il passerait simplement pour un fou et on l'enfermerait à Bicêtre, ~
1964-1965, les Ëtats-Uni s dé pen- 1c1 Bicêtre où Charcot opérait. A
se ront quelqu e 20 milli ards de ~ Charcot!... Qui, dans le monde, connaissait la valeur de Charcot, ~
doll ars (100 milli ards de fr ancs) pour "' hormis un petit cercle d'étudiants et de savants? Et lui, monsieur A
la recherche et le développement, de ::;: Druant, employé de ministère, petit employé de ministère, connaissait ~
plus ce tte somme sera co nce ntrée ::;: de Charcot, entre autres, plus de choses que n'en pouvaient savoir :;:::
dans un no mbre lim ité d'e ntreprises .,, les étudiants et les savants, plus que n'en savait Charcot lui-même. A
(200 firm es utilisent 70 '., des crédits ~ Qu'est-ce qui se passerait, par exemple, si lui, Druant Gustave, ~
de recherche propre à l' industrie et "' petit employé de ministère, allait trouver Charcot à l'asile de Bicêtre A
96', de la recherche subve nti onnée), ~ et lui disait : ~
alors qu e l'Europe n'aura consac ré ~ - Monsieur Jean-Martin Charcot, vous avez un fils, Jean-Baptiste. ~
qu e l'équi valent du tiers de cette 1c1 Ce fils s'illustrera dans la conquête de lAntarctique où il disparaîtra A
so mme au cours de l' année éco ul ée. ::;: en 1936 avec son navire le Pourquoi Pas? Votre nom et le sien seront ~
Depuis 10 ans, l' additio n des crédits 1c1 mentionnés par tous les dictionnaires. A
de recherch1' européens est vraise m- ~ Charcot, Charcot lui-même le regarderait bien fixement, profon- :;:::
bl ablem ent inférieure au dixiem e de ~ dément, et puis l'enfermerait. Comment pourrait-il deviner que ~
ce qui a été conse nti aux Etats-Unis. 1c1 Druant était un condamné, condamné en juin 2207 à vivre à perpétuité A
" Dans les prochaines ann ées, l' appo rt ~ à la fin du XIX' siècle parce qu'il avait, dans un accès de rage , tué ~
sc ientifique représe ntera le cinquième 1c1 un Antarien qui courtisait sa femme ? A
ou le qu art des prix de revient des ~ Allons, tout ceci était idiot. Il allait se réveiller, c'était un cauchemar. ~
produits industriels, poursuit /"édito- ~ Mais il ne se réveilla pas. Né en 2175, il était destiné à mourir en :;:::
rialiste. et, seule, sans doute, un e 1c1 1902. Et le pis est qu'il n' aurait pas dll le savoir, mais il avait soudoyé A
puissance industrielle fort ement Ici le gardien des archives, avant de subir sa condamnation. A moins que ~
co ncentrée, appuyée sur un potentiel ~ ça aussi ne fit partie de la condamnation?... ANDRE VERSIN S. A
sc ientifiqu e no n moins to niqu e, Ici ~
po urra men er le jeu ou le soutenir. " ~ )))))))))))))))))))))))))))))))}))}}}))))))))}}}) A
130
Informations
-- - -- ----- ----- -------- --------------,
PHI LOSO PHJ E
-' -- ----------- -------- ---- --- -- - - - -- - --'
PSYCHOLOGIE
Il
Dix-huit textes inédits Initiation à la psychologie
de Tagore de la forme
Un comité composé de savants Publiée dans la nouve ll e Biblio-
indiens, américains et anglais et thèque des sciences, dirigée par
dirigé par le ministre indien de la Ferdinand Braudel, chez Flamma-
Recherche scientifique et des Affaires rion, la Psychologie de la Forme, de
culture lles, a traduit en anglais une Pau l G uillaume, est une excellente
trentaine d'essais de Rabindranath mise au point de la Gestaluheorie des
Tagore restés inconnus du public ecolcs psychologiques a llemandes et,
européen et d ' un grand nombre en particulier, de celle de Berlin.
d' indiens. Dix-huit textes ont été Util isant un langage clair et simplifié,
rassemblés dans ce recueil destiné l'aute ur n' abuse ni d'une termino-
à commémorer le centenaire de la logie trop spécialisée ni d' une com-
naissance de Rabindranath Tagore plex ité d'expressions très germ an iq ue.
(1861-1941). Le Dr Bhabani Bhatta- 11 nous permet de prendre un
charya, écrivain connu, en a été contact direct avec une éco le de
le traducteur en chef et l'éditeur. psychologie scientifique dont l'essen-
Ces essais et ces discours permet- Rabindranath Tagore: un message tiel s' attache à l' étude de la forme.
tront au lecteur occidental de qui na pas vieilli. Gestalt n'équivaut pas au seul
découvrir le système philosophique concept formel ; il y comprend les
(Pho10 1'. Ringar1).
de Tagore, ses idées sur l'éducation, notions de structure et d' organi-
sa conception de la vie politique et sation. Dans la Gestaluheorie, l'objet
sociale, ses opinions religieuses et, patriotes déshérités et fonde une est une forme dans toute sa com-
en cc qui concerne l'Inde, son point école dans la maison de campagne plex ité structurée et organisée. Il se
de vue sur la lutte pour l'indépen- familiale de Santinikitan, à cent prête donc à l'examen physique,
dance et les problèmes linguistiques. cinquante kilomè tres de Calcutta. voire même physio logique.
Ils révèlent en outre l'universalité du Cette petite école deviendra une un i- La modes tie du propos est remar-
talent du célèbre poète , conscient de versité au renom international qui quable, d'autant qu ' il engage une
la grande di versité de la vie et de la vaudra à Rabindranath Tagore le recomposition de la psychologie
pensée humaine, et contiennent un respect et l'adm iration universels. objective, ana lyt ique et synthétique.
message dont le temps n'a altéré ni En 1922, elle deviendra l'Université Cette humilité devant l'inconnu nous
la chaleur ni l'intérêt. de la 1-raternité Mondiale. permet d'apprécier la valeur de la
Rabindranath Tagore , ne en 1861 A la fin de la Grande Guerre jusqu'en méthode et d' en proposer quelques
à Calcutta, est originaire d' une 1936, il voyagera sans arrêt pour critiques.
famille aristocratique du Bengale faire connaître son idéal de tolé- La valeur est certaine dans la
appartenant à la caste privilégiée des rance et mourra en 1941 à Calcutta. mesure où elle nous permet l'étude
brahmanes. En 1913 Tagore reçoit le Prix Nobel méthodique el scientifique d'un
Deux recueils de poèmes le rendent de littérature. substrat physique du fonctionnement
célèbre dès l'âge de vingt-deux ans. Rabindranath Tagore a toujours eu nerveux et cérébral, des processus
Mais, frappé par la misère des une activité littéraire et a écrit des d 'observation el d'adaptation , des
paysans du Bengale, il décide de se romans, des contes, des pièces de phénomènes matériels qui sont à la
consacrer à l' éducation de ses corn- théâtre et des poèmes. base de la sensat ion, de la descrip- , . -
131
Philosophie
lion, de la relation et de l'action. un particularisme qui confine au
On s'étonne seulement de ne pas parti pris. Certes, l'organique est
voir intervenir, à ces propos, l'ana- indissociable d'une forme structurée
lyse cybernétique dont les notions et organisée, mais il possède quelque
de rétroactions positives et néga- chose de plus qui donne à tout cc
tives, de circuit, d'ouverture ou de qui est vie son individualité et sa
fermeture des boucles paraissent très spécificité. L'énergie psychique (ou UN HUMANISME
proches du fonctionnement physio- tout autre nom qui puisse être DE SYNTHËSE
logique des activités sensorielles, attribué à un principe d'animation
cérébrales et neurovégétatives. En vitale) ne nous paraît pas réductible Voici un livre (Jean Barets," Nouvelles
particulier, les problèmes de la à la seule énergie physique et semble équations politiques,,, Calmann-Lévy,
communication, voire de l'intelli- même s'en distinguer dans toutes les Paris, 1964) d'une telle abondance
gence, paraissent éclairés en neuro- manifestations humaines caracté- d'idées et d'une telle sobriété de
physiologie. risées par la conscience, le choix style, qu'il défie l'analyse et le
Mais on remarque un certain nombre délibéré, l'abstraction et la spiritualité. résumé. La clarté des formules, la
de pétitions de principe et, spécia- Si une psychologie de la forme, au rigueur des enchaînements feraient
lement, la négation pure et simple sens« gestaltien" du mot, nous permet penser à un traité de géométrie,
d'une «énergie organique" diffé- de concevoir mieux les mécanismes n'étaient la finesse nuancée de cer-
rente de l'énergie strictement phy- des sens et de l'intellect, nous ne taines observations et les différents
sique et, en fait, inorganique. La voyons pas comment elle peut degrés de certitude qui affectent
métaphysique est aussi éliminée de aborder l'essentiel du psychisme chaque proposition. M. Jean Barets
toute cette psychologie dite scienti- humain. Car il importe moins d'ana- veut introduire la méthode scienti-
fique. La volonté délibérée de la lyser les sensations que nous pro- fique dans la prévision et la prise de
Gestalflheorie de refuser toutes autres curent un tableau, une sculpture ou décision politiques, de manière à
voies que celles de la physique un motif musical que de sentir un constituer une« science" politique.
et, en somme, des sciences dites accord avec l'œuvre d'art. Bien que les hommes «fassent" de
exactes donne à la notion de Gestalt Jacques Ménétrier. la politique depuis des millénaires,
ils ne sont pas arrivés à concevoir
sérieusement une science politique.
PLANÈTE A LU Ce n'est pas qu'il n'y ait eu beaucoup
d'essais. Cet échec des tentatives
Nous ne pouvons malheureusement ScIEl\CE vient du fait que les phénomènes à
consacrer un compte rendu à tous Sur les traces de la vie, par Heinz considérer sont extrêmement nom-
les livres intéressants lus par notre \\. oltereck (Buchet-Chastel). breux, complexes, mouvants, alors
équipe. Mais nous conseillons à nos Transmutations à faible énergie, par que « le nombre de paramètres ana-
lecteurs les ouvrages suivants, Louis Kervran (Maloine). lysés reste beaucoup trop faible et
récemment parus: Jean Piveteau: Le Père Teilhard de très éloigné d'une analyse globale";
Chardin, savant. Collection Bilan cet échec tient aussi au défaut
PllILOSOPlllE de la Science. Ëd. 1--ayard. d'objectivité des études en la matière,
Institut et société, par Roger Caillois qui «ne reflètent souvent que les
(Médiation). LITTERATURE tendances et le caractère de leurs
Shri Aurobindo ou l'aventure de la Lautréamont, par Gaston Bachelard auteurs», bien qu'elles se placent
conscience, par Saptrem (Buchet- (Gonthier). toujours sous le signe d'un pseudo-
Chastel). Georges Sedir: Les ombres d'un été « raisonnement logique" Une science
Dictionnaire de philosophie, par romain. Roman d'inspiration ésoté- politique expliquerait le déclin actuel
Didier Julia (Larousse). rique. Ëd. Julliard. des partis et de l'intérêt général pour
la" chose" politique; selon M. Barets,
0CCuLTISMlc ËSOTi:RISME les partis offrent aux peuples des
L'l::urope païenne du XX' siècle, par Fulcanelli: Le mystère des Cathé- idéologies périmées, inadaptées au
Pierre Marie! (La Palatine). drales, troisième édition argumentée, monde moderne et à la psychologie
avec trois préfaces d'Eugène Can- de la jeunesse; ils se perdent dans
iVhTllOLOGff seliet (Jean-Jacques Pauvert, éditeur). des discussions théoriques stériles,
Le cru et le cuit, par Claude Lévy au niveau des intérêts économiques,
Strauss (Pion). HISTOIRE sans jamais s'élever à des finalités
La guerre de Vendée, par Georges vraiment humaines; des habitudes
PEDAGOGIE Bordenove (Julliard). d'argumentation verbeuse détournent
L'université en question, par Georges Le 13 Octobre, par Pierre Jolly les hommes politiques «de toute
Gurdorf (Payot). ( lierger-Levrau lt). recherche opérationnelle scienti-
132
A lire
La pensée politique n'est pas adulte
sommes sur la voie de la cyberné-
Nous pensons que /'évolution aCLue//e conduit vers une synthèse tique, mais d'une cybernétique qu'un
humanisme devrait inspirer.
du collectivisme économique et du libéralisme politique (p. 217 ).
LE RISQUE TECHNOCRATIQUE
Le chef politique qui force le destin disparaîtra dans notre
,.\,.\'siècle. Seules subsisteront les équipes qui infléchiront les Les exemples, les chiffres, les extra-
événements quand ceux-ci deviennent dangereux, les accélé- polations parsemés dans cet ouvrage
reront par un conditionnement psychologique quand ils seront peuvent être sujets à controverse.
favorables à leurs thèses (p. 160 ). Mais, et M. Barets en avertit le
lecteur, ils ne servent que de bancs
d'essais ù sa méthode: c'est la mé-
L'homme de l'avenir sera d'esprit objectif évitant de se laisser thode qu'il faut comprendre, sans
conduire par son tempérament. Sïl devient déjà difficile de s'attarder à son illustration. Une
classer les hommes dans certaines situations, en fonction de telle méthode est lourde d'une révo-
leur appartenance de gauche ou de droite, c'est parce que lution. Aussi les objections ne
l'homme objeaif existe déjà beaucoup dans les cadres manqueront-elles pas! On lui repro-
techniques (p. 168 ). chera en particulier de frayer la voie
à la technocratie. Mais nous pensons
avec l'auteur qu'il vaudrait peut-être
tique, systématique, objective, de qui influe sur le cours des eve- mieux, à titre expérimental, l'ap-
l'avenir politique ou économique"· nements; par exemple, la propa- pliquer sérieusement ù l'étude d'un
La science politique ne peut être que gande nazie dans la conjoncture cas, la politique européenne. par
la synthèse des études portant sur les allemande de 1930). Chaque groupe exemple, plutôt que de persister
forces motrices des civilisations. de forces comporte de très nombreux dans cette pensée politique, très
M. Barets classe ces forces en cinq facteurs. De plus, tous ces groupes primitive, qui conduit encore les
catégories: les forces de dévelop- de forces et de facteurs entrent en sociétés d'aujourd'hui et qui aboutit
pement quantitatif (par exemple, relation et en interaction les un' ù confier leur destin, même par les
l'accroissement démographique, et avec les autres, de sorte qu'ils pro- voies les plus démocratiques, à
les problèmes qui lui sont liés); les duisent des combinaisons quasi l'intuition ou au prestige de quelques
forces économiques (par exemple, innombrables et toujours mouvantes. chefs. La démocratie planificatrice,
les processus d'inflation, de chô- Le calcul intégral d'une conjoncture qui est prévue dans le livre de
mage, de croissance); ks forces à un moment donné et Je jugement M. Barets, ne peut réussir sans une
psychiques (par exemple, les phéno- sur l'opportunité d'une intervention, véritable science politique.
mènes d'aliénation morale de tds après de telles analyses, échappe- Jean Chevalier.
peuples, sous l'effet de mécanismes raient aux possibilités du cerveau
de refoulement, d'oppression, de humain, s'il ne disposait des tech-
transfert: " Les peuples guerriers niques modernes de la recherche
reporteront sur les techniques leur opérationnelle. Elles seules peuvent
instinct de combat. Les peuples conduire à une perception des forces
honteux de leur passé tiendront à globales qui définissent une situation
proclamer les valeurs morales"); les provisoire et qui en préfigurent la
forces d'auto-développement (celles courbe quelques années d'avance.
qui, une cause initiale étant posée, La science politique en gestation ne
entraînent par elles-mêmes des consé- pourra exister qu'à l'aide de la
quences, telles des découvertes scien- recherche opérationnelle. Mais il
tifiques, des techniques industrielles faut s'attendre, en retour, que la
nouvelles, des modes de gestion par- recherche opérationnelle provoque
ticuliers, etc.). La conjonction de ces une mutation dans la politique, telle
forces produit une situation politique qu ' elle se pratique aujourd ' hui.
qui peut se prêter, plus ou moins, L' auteur n'hésite pas à envisager
aux forces de conditionnement psy- 'la transformation objective du
chologique (intervention déterminée monde" qui en résulterait. Nous
133
Politique
PEINTURE Picasso· une idée n'est
Le grand photographe Brassaï publie ses souvenirs. Au centre de
ses mémoires, nous trouvons l'homme qui dans le domaine des
arts domine notre époque depuis 50 ans: Pablo Picasso. D'où le titre
du livre, "Conversations avec Picasso» (Ga llimard). Autour du
célèbre artiste, nous voyons et entendons aller et venir des hommes
aujourd'hui statufiés, mais qui étaient à l'époque inconnus: André
Breton, Malraux, Henri Michaux, Sa lvador Dali, Jacques Prévert,
etc. Voici pour donner le goût d'ouvrir ce livre un entretien
entre Michaux et Picasso en l 943, te l que le présente Brassaï.
134
A lire
qu'un point de départ
Michaux partage mon avis. La spon- MOI: Si vous allez par là, vous Un dictionnaire
tanéité et la fulgurance de ses dessins devriez écarter aussi la musique ...
le touchent. " l ls sentent le soufre ... '" Tant qu'on ne la joue pas, n'est-elle en sept langues
me dit-il. pas un amas de notes" l::t vous arrivez
Il propose que nous déjeunions dans à ce paradoxe que la musiquc est Le professeur C. Stark Draper, pré-
un salon de thé, rue de Tournon, à l'art le plus dépourvu d'échos ... sident de l'Académie internationale
côté du Sénat, où il prend souvent Ht:NRI MICllALX: l::lle l'est pourtant d'i\stronautique, a annoncé que le
ses repas. Nous traversons le bou- tant qu'un ne la joue pas... f.vi- Dictionnaire d' Astronautique multi-
levard Saint-Germain, devenu si pro- demment, lorsque cent instruments lingue de l'Académie est presque
vincial ... Paris serait presque une vous renvoient ce que vous aveL ima- terminé et sera sous presse à la fin de
ville charmante si les avis, les fütes giné, créé, c'est une réponse. Mais le cette année. Cet ouvrage com-
d'otages et du fusillés qui couvrent joucra-t-on' 1 Quand et comment' 1 l::t prendra une liste de base, en anglais,
les murs ne nous rappelaient pas la c'est justement toute la question 1 d'environ 5 000 termes utilisés dans
réalité ... SavcL-vous qu'un jeune compositeur le domaine de l'astronautique, avec
Je dis à Michaux que je ne vois per- qui écrit aujourd'hui une S}mphonic leurs équivalents en français, a lle-
sonne parmi les jeunes qui puurrall n'a qu'une chance sur dix d'entendre mand, italien, russe. espagnol et
prendre la succession de Picasso. de son œuvre une l'ois dans sa vie' 1 Seul tchèque, ainsi qu'une liste dans
Matisse ou de Braque ... l'art plastique a un écho immédiat. 11 chacune de ces langues donnant les
ne dépend pas du récitant, ou de traductions par ordre a lphabétique.
PAS D'Hf:RITll::R l'imprimeur. ou des exécutants, il Lurs d'une réunion qui a eu lieu
ne dépend de rien. Ce que vous récemment à Paris, une mise au
M1c11AU\: Moi non plus, je ne vois créeL avec les mains est fixé à vif', point finale a été faite par le Comité
pas parmi les jeunes un dessinateur existe réellement. é\idcrnmenl. l::t de rédaction, qui se compose comme
de la taille de Picasso. un coloriste voici pourquoi je peins maintenant... suit: coordonnateur de la rédaction:
comme ~latisse ou Braque ... Mais Dr. A.G. Vannucci (Italie): co-
peut-être que nous ne voulons plus la n:dactcurs pour les différentes
même chose. nous ne' isons plus à la langues: MM. \\ .H. Allen et
même chose... Picasso est génial, W.i\. Hefiin (U.S.A.), M ll e Lise
certes, mais ses " monstres" ne nous Blosset et M. G. Lehr (France),
inquiètent plus.. . J',ous cherchons M. J.G. Kroshkin (U.R.S.S.), M. G.
d'autres monstres et par <les voies Parte! ( Italie), M. R. Pèsek (Tché-
différentes. La question de la "suc- coslovaquic), Mme 1rène Sanger-
cession" se pose peut-être, mais Bredt (Rép. 1-éd. Allemande}, et
d'une autre manière ... M. T.M. Tabanera (Argentine).
Je donne raison à Michaux ... Je me
suis mal exprimé ... Je n' aurais pas dû UNE D I FFUS ION
parler de "succession»... On a DANS LE MONDI:: ENT l l::R
toujours tort de préjuger l'avenir et
surtout en matière d'art ... J'aurais dû Le Dictionnaire d'i\stronautique
dire: "Je ne vois pas un jeune multilingue sera dédié ù la mémoire
peintre qui serait l'équivalent de cc de Théodore von Karman. premier
que fut Picasso à vingt ans ... " président de l'Académie interna-
HENRI M1c11Au\: J'en ai assez de la tionale d'Astronautique, à qui nous
poésie' l::lle est le parent pauvre des devons d'avoir placé le Dictionnaire
arts .. . Silencieuse et sans échu .. au programme de l'Académie. La
Le verbe n'est qu'une illusion. Les publication du Dictionnaire est
artistes qui travaillent avec leurs confiée à la Maison d'Édition de
mains sont beaucoup plus heureux ... l'Académie des Sciences tchéco-
L'objet qu'ils créent a un corps slovaque, qui assurera sa distribution
visible, palpable; il est un écho ... dans les pays socialistes, tandis que
\\~
Quelque chose de concret qui, l'Academic Press s'en chargera pour
détaché de vous, vous répond. Le les pays de l'Europe occidentale et
poème est muet, il ne vous renvoie l'hémisphère ouest. Le Dictionnaire
rien ... doit paraître vers la fin de 1965.
135
Peinture
Humour
Il Le petit monde du rire pas bête
Alors q ue tous les Journaux et magazines consacrent des torrents de
littérature critique à la moindre autobiographie plus ou mo ins
romanesque, personne ne parle jamais - ou à mots couverts - des ,1,'
m
s'étonnent du peu d'audace de l'édition en
1- rance. Cest a111S1 qu'on peut trouver, 0 0 0
sous la couverture de üover Publications, 0 0 t t
l\e" ) ork. deux volumes consacrés à la t 0 t
redecouverte des dessins de Heinrich
t
Kle} - à ne pas confondre avec Klee - î0 t
dessinateur allemand dont l"œuvre
(1912-23) est complètement méconnue en
!-rance. Kley a pourtant une virtuosité
et surtout une virulence qui attirent
l"attention. J\lacabre, exacerbe. on peut 7Rf/
rarfois le prendre non seulement pour un
pionnier de l'humour noir, mais pour un
annonciateur de Topor et Gourmclin 1
136
A lire
1: - Hl:~~~;~~- JI - Le laïcisme, alors que plus des
213 de l'humanité ne vit et n'agit
qu ' c_n_fonction d'un principe spirituel
supeneur.
- La croyance en des principes
LITTÉRATURE
«Trois erreurs absolus, alors qu ' il démontre que
Une tentative pour
de notre temps», tous les grands principes " universels " sauver le roman.
ont fait faillite .
Jean Rondot, l'auteur de " Trois - Et l'égalitarisme, que tout dans la Le roman se porte mal. On le sait, on
erreurs de notre temps " (Dauphine nature réfute. Scion l'auteur, dif- le dit , on se lamente. L'écok du
Livres), a beaucoup vécu, voyagé et férents phylums humains en sont à Nouveau Roman, malgré les efforts
réOéchi. 11 a sejourné et travaillé des degrés différents d'hominisation. de ses défenseurs, n'est pas parvenue
longtemps en Orient. Par profession à arranger les choses. Le public
ou par goût, il a approfondi la On reconnaît la terminologie de détourne la tête; son intérêt se porte
paléontologie et l'économie indus- Teilhard de Chardin que Jean davantage aujourd ' hui vers les
trielle; il s' est penché sur certaines Rondot cite tant pour l'approuver ouvrages scientifiques, les enquêtes
doctrines spirituelles. que pour, certaines fois, clamer son sociologiques, les études historiques.
Avec une curiosité de scientifique, il désaccord. Mais l'auteur ne s'arrête Ces goûts tiennent sans doute à
a assisté ces trente dernières années pas là, il aborde intrépidement le l'urgence des problèmes qui se
à la montée des populations fraî- plus lointain passé et l'insondable posent à l'homm..: moderne. Un
chement émancipées d'Orient, et à futur de l' espèce. jeune romancier d'aujourd ' hui , s'il
l'échec de l'Occident quand il a fallu Rondot, qui rejette catégoriquement ne décroche pas un des cinq grands
répondre à leurs problèmes. Particu- Descartes et sa méthode , croit que prix littéraires importants, ne peut
lièrement quand il s' est agi de l'avenir est avant tout fonction d'un guère compter sur une diffusion
trouver un équilibre entre le néces- retour aux sources spirituelles, à ce dépassant mille exemplaires. Le
saire progrès économique et le déve- qu ' il appelle le Merveilleux, le Divin public est changeant. Madame
loppement harmonieux du spirituel. ou la Providence. Simone Gallimard, qui dirige les
Parvenu à l'heure du bilan, Jean Son message qu ' il faut rapprocher Éditions du Mercure de France,
Rondot s'interroge lucidement et de celui de J can Scrvier dans veut le faire changer. Son ambition
publiquement sur les maux et les " L'homme et l'invisible" (Laffont) est de relancer la littérature roma-
erreurs dont souffre l'humanité. l::t est pessimiste, mais non désespéré. nesque. Le remède qu'elle propose,
il croit devoir y distinguer ces Encore faut-il l'entendre 1 dans " la collection parallèle », sont
"Trois erreurs de notre temps " · Jean-Jacques Berreby. des œuvres qui racontent vraiment
une histoire. Les cinq premiers
KŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒŒ ouvrages publiés dans cette collection
Ill ~ nouvelle, sont les œuvres de cinq écri-
1 LES BELLES PHRASES m vains étrangers: " Jour du sacrifice'"
par 1-.M. Esfandiary, " Le dernier
Ill Ill
1 Pousse ton char et ta charrue sur les ossements des morts. 1 éléphant », par Gérald Hanlq.
" L innommable Skipton »,par Paméla
Ill Le chemin d<! /'excès conduit au Palais de la Sagesse. Ill H. Johnson, " La grande pluie .,, par
Ill ~
Ill La Prudence est une vieille fille riche et laide courtisée par li!! John Bowen , " Histoire d'homme .,,
1 /'impuissance. 1 par l::rrol B rathwalte.
Ill Celui qui désire , mais n'agit pas, engendre la Pestilence. ii!l
Ill Ill Un nouveau confrère :
Ill Un cadavre ne rend pas les coups. Ill
1 L'excès de douleur rit.L'excès de joie pleure. 1 la revue des sorcières
Ill Utopie aujourd'hui, demain Evidence. Ill
1 Une seule pensée emplit /'im111ensi1é. 1 En1964,Angleterre paraît, dcouis août
la revu..: " Pentagramme ». l::llc a
1 Parle net, la canaille fuit. 1 pour but de presenter les diven,
Ill Plutôl étrangler un nouveau-né que bercer un désir inassouvi. Ill aspects de la sorcellerie et d'exprimer
Ill ~
"' Belle âme n ·est jamais souillée. Il! le point de vue du Syndicat de s
; William Blake. ~ Sorcières. S' adresser B M / Eleusis,
Ill ~ Londres W .C.!.
Ill Proverbes de /'f:."1lfer traduits par Jean Rousselot (J4i//ia111 Blake, par Jean ~ La re vue publie de nombreuses infor-
= Rousselot, éd. Seghers).
$$$$$$M$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$$ de la sorcellerie en Grande-Bretagne.
Ill mations et cchos sur tous les aspects
137
Histoire
1 10 1
1.:..iiiiiiiiiiiiiiisiiiïiiiociiiïiiiiiiïiiiLoiiiïiiicEiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii9l
ll Le monde sollidta lafemme ...
"La promotion des femmes» (éditions H ac hette) : voilà un titre qui qui existe en Amérique, au Japon
incite le lecteur à aborder l'ouvrage de Mme Pierrette Sartin avec et dans les pays nordiques.
beaucoup d'attention. Il constate rapidement qu'il s'agit d'une Il aurait éte préférable d'intituler
étude très comp lète, fortemen t documentée, et très objective. D'une cet ouvrage: " La promotion projes-
façon claire el méthodique, nourrie
sionnel/e des femmes .. . Car la pro-
motion des femmes, qui inclut certes
de chiffres, de rdérences et de
phénomène récent puisqu'il date de le travail, n'en est pas moins d'un
documents, l'auteur éclaire tous les la Première Guerre mondiale, 0vé- ordre infiniment plus vaste. J'aurais
aspects d'un problème qu'elle définit
ni:ment charnière qui amorça un aimé que l'auteur suive un peu la
ainsi: "On tient couramment pour
bouleversement des rapports de piste qu'elle indique en écrivant:
un e des caractéristiq ue de l'époque
force entre les classes, les races, « Pendant longtemps en cfkt, c'es t à
actue ll e l'arrivée en masse des
les âges et les sexes. Il é tait donc ses aptit ud es physiques qu<.: l'homme
femmes dans le monde du travail et
inévitable que cette irruption sou- dut de survivre ... Toutes ses activités
leur accès de plus en plus fréquent daine et déferlante des femmes dans reposaient sur la force musculaire, cl
a ux postes jusqu'ici tenus par les
des secte urs professionnels aupa- la supériorité de l'homme sur sa
hommes. Quelques mauvais espri ts
ravant réservés aux hommes, ait li eu compagne était indéniable. Mais
vont même jusqu'à parler d'inmsion.
dans une certaine incohérence, et nous sommes sortis de ces temps
à peine moins dangereuso.: cl en tout
laisse en suspens nombre de questions primitifs et il peut paraître sur-
cas plus difficile à enrayer que ce ll e
épine uses dont Pierrette Sartin fait prenant qu'une époque qui s'enor-
des rats." un inventaire. Le nombre de ces gueillit de sa civilisation continue
UNE INVASIO N ') problèmes non resolus est si élevé que à vivre sur des concepts qui régis-
l'auteur suggère de créer en !-rance saient les soc1étcs primitives."
Cette" invasion" féminine, dans ses un Bureau ou une Commi>sion di: 12 Dans un o uvrage publié en 1930 cheL
principales caractéristiques, est un Femme. analogue au ltomen·s Bureau le même éditeur, et à peu près so us
L'esprit féminin intervient comme un régulateur pour assurer /'épanouissement des nouvealllés récemment acquises.
Un arelier de montage é!ec1ronique. Un /aboraroire d'analyses chimiques.
(Photo C.S.r.-Georges Bru). (Photo Marc Riboud-1\lagnum).
138
A lire
le même titre (Pro11101io11 de la
fe111111e. 1930\. M. Lucien Romier
ecrivait: « Il semble qu 'approche le Poésie
moment où la femme doive reprendre
son influence intellectuelle et sociale.
Cette influence lui revient toujours Les chantres
quand le génie masculin a besoin de l'ère cosmique
d'une pause et demande à voir clair
dans ses propres conquêtes." Le Matin des Magiciens et Planète
continuent d'exercer. directement
UN REGULATEUR ., ou non, leur influence sur les écri-
vains et les artistes. On ne s'y réfère
L'homme peut voir clair dans ses pas toujours. On feint même de s'y faits, les informations, les impulsions,
conquêtes en pensant à cette phrase opposer alors même qu'on s'en ins- les énergies.
de Gœthe: "Toute acquisition de pire fortement. C'est de règle. l:.t, Ils entrent dans l't:space et déjà
puissance qui n'est pas contre- d'ailleurs. peu nous importe. Nous adaptent leurs gestes, bientôt leurs
balancée par une acquisition de ne sommes pas une école . Nous pensées, leurs façons de vivre à cette
conscience est ennemie, puur auta/lf. » ouvrons dt:s chemins. Que ceux qui nouvelle liberté. o· œuvre, la poésie
Ce n'est d'ailleurs pas la prise de s'y engagent nous en fclicitent ou devient activité, de récitation, elle
conscience qui fait défaut: l'homme non , l'essentiel est qu'ils s'y engagent. devient constellation, de phrase,
sait fort bien que, depuis plusieurs Dans le !\; .. 32 de la revue " Les elle devient structure, de chant, elle
générations, il a été un mauvais Lettres•>, de nom breuscs pages sont devient centre d'énergie. Depuis des
gérant des valeurs et des richesses, consacrées à un nouveau mouvemt:nt années, des groupes ou des auteurs
en un mot de la vie. Mais il est mené poétique: "Le Spatialisme "· Un isolés, s'ignorant presque toujours
par sa nature: on voit bien que les manifeste, signé par de nombreux mais prenant conscience de cette
entreprises masculines prédomi- poètes de différents pays, définit les humanité appelée ù la vie cosmique,
nantes sont guidées par la volonté de positions de cc mouvement. On c'est-à-dire à une métamorphose qui
puissance, le besoin de conquête, le reconnaitra dans les extraiu. sui\·ants. nous mène au-delù de la peur exis-
goût de la domination, ce qui entraîne quelques-unes des idées forces qui tentielle, ont fait des recherches
le culte du résultat immédiat sans sont les nôtres: dans le sens d'un..: poésie qu'on peut
souci réel de l'avenir. Nous assistons Les hommes sont de moins en moins couvrir du nom général de spatiale
actuellement dans tous les domaines, déterminés par leur nation, leur (les notions de temps, de structure,
dans tous les pays, sur tous les plans, classe, leur langue nationale, de plus d'énergie y étant incluses).
au triomphe de ce que Montherlant en plus par la fonction qu'ils Le dernier texte de cc numéro des
appelait les vertus masculines, par occupent dans la société et \'univers , " Lettres,. dresse une table des
opposition aux vertus féminines. par les présences, les textures. les contraires de la façon suivante:
Romier écrivait encore dans un
chapitre intitulé " la fonction histo- SuRRFAI 1s~1E SPATIAUS~ll ·
rique de l'intelligence féminine»:
« Dès que l'homme risque de s'égarer
E:tre Paraître
dans le désordre de son propre 1nconscient Matière
succès, l'esprit féminin intervient Ecriture automatique Information esthétique et cosmique
comme un régulateur précis. à la fois Energie
pour moderer ks extravagances, Image Langue-matière
préserver les forces constantes du Langue-instrument Langue enregistrant les variations
milieu et assurer \'épanouissement Langue-expression de l'inconscient humaines et universelles
des nouveautés vraiment acquises." Le merveilleux. Le fantastique L'univers tel qu'il est
La féminité contemporaine a peut-être Bouleversement du réel Collaboration au réel
une mission historique à assumer. La L'homme se montre à l'homme L'univers, par l'intermédiaire du
première femme admise au concile, cerveau, propriété de tout et de tous,
Mlle Marie-Louise Monnet, inter- l\itessianisme du poète se montre à l'univers
pellait récemment ainsi un auditoire etc ... Egalité du poète et du lecteur
de pères venus écouter la conférence
qu' elle donnait pour eux: "Si le
monde est si dur, n'est-ce pas parce Signalons enfin que dans le numéro 7 bourg) de nombreuses pages sont
qu'il est dirigé exclusivement par de l'interessante publication « Mani- aussi consacrées au Spatialisme,
!es hommes'? Dieu n'a pas voulu feste Jeune Littérature» (Editions ainsi qu'à une étude sur l'humour, de
cela',, Andre Mahe. Klotz, 34, rue des Hallebardes, Stras- Tristan Maya.
139
Poésie
Poésie
Moi, un Noir
J\.ous continuons de citer la revue rappelons-le, par Roland Busselen,
L"\11 et d"attirer sur cette publi- et wn sii:ge est à 13 ruxelle,,
cation l'attention de nos lecteurs, 14 Square de Mceus. Une partie du
parce que c·est, à notre avis, la plus dernier numéro est consacrée au\
curieuse et la plus intéressante des chansons des Noirs des Etats-Unis.
revues de poésie. !:.lie est dirigée, En voici quelques-unes:
.N lire 140
;--------------- ------- -- - -- - ----- -- ---
EXTRA-TERRESTRES '
l--- ------ ----- ------- ------- -------- -- - - - -
A l'écoute des étoiles...
Les astronomes soviétiques veulent être les premiers à prendre Les Soviétiques souhaitent lancer un
contact avec d'éventuelles intelligences extra-terrestres, et pré- vaste programme d'écoute de toutes
conisent une véritable mobilisation de l'astronomie russe pour les étoiles situées à moins d'un
écouter le cosmos et guetter les signaux de civilisations lointaines. millier d'années-lumière et étendre
cette auscultation à toutes les
Cette volonté a été affirmée au cours qu'elle soit, écoute cette fréquence longueurs d'onde. L'écoute se pour-
de la première "conférence sovié- sur laquelle on rencontre la plus suivrait sans discontinuer durant une
tique sur les civilisations extra-tcr- grande quantité d'ondes radio natu- année.
n:stres » qui vient de se tenir a relles. On peut donc penser que des Toutefois, les astronomes russes
l'observatoire de Burakane, à Erevan, n'entendent pas se lancer à la légère
extra-terrestres cho1s1ront cette
sous la présidence de l'académicien longueur d'onde pour se faire dans une telle aventure. Ils ont donc
Viktor Ambartsoumian, président de entendre. Ainsi les Américains entrepris d'étudier des systèmes
l'union astronomique internationale, n'écoutèrent que sur cette longueur capabks de repérer automatique-
la plus haute autorité astronomique l'onde trois étoiles et durant quatre ment le caractère artificiel des
de l'heure. mois seulement. Le résultat fut signaux, de mettre au point une
Les Américains avaient précédé le' technique de décodage, de créer, , . -
Russes dans cette voie, mais leurs négatif.
expériences ava1enl été beaucoup
plus limitées. Au cours du pro-
gramme Ozma, dirigé par l'astronome
Drake, ils s'étaient contentés
d'écouter, durant quatre mois, trois
étoiles situées à une diLaine d'années-
lumière. l:.n outre, ils avaient déli-
bérément limité leur expérience à
une seule fréquence. !\ supposer, en
effet, que des civilisation~ extra-
terrestres tentent effectivement de se
manifester dans le cosmos par des
signaux électromagnétiques, il reste
à savoir sur quelle longueur d'onde
ils vont envoyer ces appels.
ON ÉCOUTE SUR 21 CM
141
Extra-terrestres
Le dictionnaire du monde moderne---------
Chaque epoque enrichi/ le \'Ocabulaire. flous pouvons à la Toutefois ce n'est qu'une infime partie de l'uranium qui
se trouve en définitive brûlé dans les réacteurs actuels.
rigueur ignorer le langage des specialisles de chaque discipline
scienrifique. mais la cil"ilisa1ion en marche nous del'ie11draS1 on prétend lancer un programme important de centrales
nucléaires de puissance avec de telles installations, toutes
vile inco111prehensible si nous ne retenons et ne co111pre11011S
pas certains des mots qu"el/e suscite: ce som ceu.\ qui les reserves d'uranium seront épuisées bien avant la
desig11ent des inventiOllS llOUVel/es OU des etapes nou1•el/esd1spant1on des réserves de combustibles fossiles.
du sal'oir. Si, par contre, on parvenait à transmuter tout l'uranium
Vous trouverez ici desormats ces mots des de la connaissance 238 non fissile (c"est-à-d1re plus de 99 ', des réserves
moderne qui ouvre/li les portes dujwur. naturelles) en plutonium fissile, alors l'énergie nucléaire
conduirait à l'abondance énergétique.
Les réacteurs surgénérateurs ont précisément été conçus
Réacteurs surgénérateurs dans ce dessein. Le cœur du réacteur est constitué par
du plutonium. Tout autour est disposé l'uranium 238
Ces appareils sont également appelés "brecders .. (c'est-à- non fissile. La réaction en chaîne libère une très grande
dire "couveuses .. ) ou réacteurs à neutrons rapides. Ce quantité de neutrons qui vont bombarder l'uranium 238
type de réacteur nucléaire constitue l'espoir de l'énergie et le transmutent en plutonium. La qu!lntité de plutonium
nucléaire; mais c'est un espoir qui ne deviendra sans obtenue par transmutation doit dépasser celle qui est
doute pas une réalité industrielle avant une quinLaine consommée . l:.n même temps, évidemment, le réacteur
d'années. fournit de l'électricité. li est donc comparable à une
li n'existe dans la nature qu' un seul corps dont les centrale qui, tout en fournissant du courant. fabriquerait,
atomes soient susceptibles de se briser en deux; c'est à partir de produits non combustibles, plus de charbon
l'uranium 235. En se brisant, le noyau atomique expulse qu'elle n'en consommerait.
des neutrons qui peuvent briser d'autres noyaux et ainsi En fait, il reste de très nombreuses questions à résoudre
de suite: c'est la réaction en chaîne. Dans les piles ato- avant d'en arriver au stade industriel. Le cœur du réacteur
miques, elle est contrôlee; dans les bombes, elle est doit être refroidi au sodium liquide produit extrêmement
explosive. corrosif. Le plutonium est un métal dangereux, effroya-
Malheureusement. l'uranium 235 ne représente que 0,07 ', blement toxique. La disposition des éléments fissiles (le
de l'uranium naturel, le reste étant constitué par un autre plutonium) et fertiles (l'uranium 238) pose encore des
isotope, l'uranium 238 , qui n'est pas fissile. Heureusement, problemes, etc.
cet isotope possede la propnete, quand 11 est bombarde A l'heure actuelle trois réacteurs expérimentaux de ce type
par des neutrons, de se transmuter en plutonium lissile. fonctionnent aux Ëtats-Unis. La 1- rance en prépare un dans
L'uranium 238, c'est-à-dire la quasi-totalité de l'uranium le cadre de !'Euratom. li s'agit de" Rapsodie'" actuellement
naturel, n'est oonc pas un cornbustible 11ucléa1re mais peut en construction à Cadarache. Un fait nouveau très important
le devenir par transmutation. vientd' intervenirdans ce domaine: c'est l'accord récemment
A l'heure actuelle, on utilise dans les réacteurs soit de conclu entre !'Euratom et les Ëtats-Unis pour l'étude en
l'uranium naturel, soit de l'uranium enrichi en U 235. Dans commun de ce type de reacteurs.
le premier cas, les neutrons produits pas la fission de !::ntre les centrales actuelles qui représentent un gaspillage
l'uranium 235 transmutent une très faible partie de l'U 238. effrayant des combustibles nucléaires et la fusion contrôlée
Cest ainsi qu' a ete obtenu tout le plutonium existant qui interviendra, comme le disait Francis Perrin, "dans dix
présentement dans le monde puisque ce corps n'existe pas ans ou dans cent ans>•, les reacteurs surgenerateurs
dans la nature. représentent l'avenir de l'atome.
, . - enfin, une véritable "linguistique artificiel serait l' étroitesse de sa signaux provenant de 500 années-
spatiale" pour la réponse . Des bande de fréquence; quant au lumièrc.
groupes de travail ont déjà été codage, il serait probablement
constitués et l'on envisage de former réalisé en système binaire. L'émiss ion Il serait toutefois téméraire d'attendre
dans les universités des spécialistes demanderait une puissance de un résultat rapide de cet effort, si
des communications avec les extra- l'ordre du million de ki lowatts. grandes sont les difficultés. Seul un
terrestres . Quant à la réception c'est-à-dire à hasard miraculeux aurait placé une
Les Soviétiques ont distingué deux la recherche du signal elle civilisallon extra-terrestre à moms
prob lèmes différents: celui d'une P?urrait être effectuée par un d'une dizaine d'années- lumière.
civi lisation sensiblement aussi recepteur passant successivement Selon l'astronome allemand von
avancée que la nôtre, et celui d'une d'une fréquence à une autre, ou Hoerner, le calcul des probabilités
civilisation beaucoup plus avancée. recevant simultanément toutes les ne laisse pas espérer de rencontrer
Tro is astronomes, Vsevolod Troitski, fréquences. Ce récepteur aurait tin plus d'une dizaine de mondes
Vladimir Siforov et Vladimir réseau d'antennes fixant tous les h abités dans un rayon d'un mil lier
Kotelnikov, ont spécialement exploré points du firmament. D'ores et déjà, d'années-lumière. Le professeur
la première hypothèse. Selon eux, la estiment les savants soviétiques, Robert N. Bracewell est, lui, plus
caractéristique première d'un signal l'écoute est possible pour des optimiste (voir PlanJte 19, p. 23).
142
A savoir
feynman dit à ses elèves: "Cherchez
là où la nature vous inspire l'admi-
ration et l'effroi, du côté de la foudre PSYCHANALYSE
et du tonnerre, du côté des nammes. »
Il leur dit encore: "Ne vous laissez
Un cours de physique pas impressionner par les pédants. Un jugement scientifique
Nous ne savons rien, nous ne savons
pas comme les autres même pas pourquoi un peigne que sur le monokini
l'on a frotté attire des bouts de
Lt:s lecteurs de Planète connaissent papier. Le monde réel est infi- Les lecteurs de l'austère hebdoma-
bien Richard Feynman, l'enfant niment plus complique, infiniment daire scientifique britannique " New
terrible de la science (voir Planète plus admirable que tout ce que vous Scientist » ont dû connaître un
N 17). Ce grand savant vit:nt de avez pu concevoir. Ne confondez pas moment de profonde stupéfaction en
publier (chet Addison-~ esley Publi- les mathématiques et la physique, ni ouvrant le numéro du 3 septembre.
shing Company, lnc, à Reading, la physique et le monde réel. Ques- La page 558 était illustrée d'une
Massachusetts) le cours de Physique tionnez, doutez, cherchcL. Et pour photo du plus agréable effet, repré-
qu'il a fait en 1963 à l'Institut Tech- terminer, nous ne pouvons pas savoir sentant une baigneuse « vêtue» du
nique de Californie, à l'usage des encore ce qu'il y a derrière le voik. fameux monokini. L'article accom-
étudiants de I" et 2· année. L'esprit humain s'éveille. L'ère pagnant cette plaisante illustration
Par son niwau, ce cours se place future des hommes éveillés donnera ne démentait en rien la réputation de
entre le baccalauréat français peut-être un moyen de comprendre sérieux de la publication. Il s'agissait
Sciences et le certificat de Physique le contenu qualitatif des équations. d'une étude très <1pprofondie du
générale. Par son esprit, il ne res- Pour le moment, nous ne pouvons Dr. C.B. Goodhart du Muséum de
sembk à rien de et: qui a été fait. savoir si l'équation fondamentale de Cambridge sur les implications psy-
C'est une espèce d'immense lettre Schrôdinger contient déjà les cra- chanalytiques de la mode « seins
d'amour adressée à l'univers. C'est pauds, les compositeurs de musique nus».
un cours de physique où l'on ren- ou la morale - ou s'il y a par-delà Le Dr. Goodhart cherchant la signi-
contre constamment les mots: l'équation fondamentale de l'univers, fication de la poitrine féminine dans
émotion, beauté, inexplicable, mys- quelque chose qu'il faut bien appeler l'inconscient, rejette l'explication
tère. Dieu." freudienne selon laquelle l'homme y
retrouverait le plaisir de téter
conservé dans son inconscient
depuis son enfance profonde. S'il en
était ainsi, fait-il remarquer, les
adolescents non pubères et les
femmes adultes devraient également
subir l'attrait des poitrines féminines .
En réalité, estime le zoologiste, les
seins jouent dans la symbolique
sexuelle humaine un rôle d'incitateur
sexuel, incitateur qu'on retrouve
dans de nombreuses autres espèces
animales. Cette fonction est même
limitée au mamelon du sein et à son
aréole, le reste de la poitrine ayant
toujours été couramment exposé
sans provoquer de gêne spéciale.
Pourquoi la vue d'une poitrine fémi-
nine provoque-t-elle cet effet de
« déclencheur sexuel» chez l'homme?
Le Dr. Goodhart remarque que pour
les hommes, comme pour la plupart
des Primates, les appas sexuels
sont essentiellement visuels, alors
Fel'nman: Monokini: qu'ils sont olfactifs chez la plupart
/'eefant terrible de la Science. un peu de peau rosée. des autres animaux. Ainsi la femelle
du singe possède une « peau sex,uelle.,
qui change de couleur au cours de . . -
143
Pédagogie
'--~~É_c_o_n_o_rn~i_e~~~ll~li i i i i i_PA_R_Ai i i i i iPS_Y_C_H_O_L_O_G_lE_i i i i ilil~
....- son cycle génital et sert de signal au
mâle. Cette peau de couleur
beaucoup plus rosée n'est pas auto-
matiquement disposée autour des
organes génitaux . Par contre, les
femelles ignorent ces appas sexue ls. Cette année encore Mystère au Canada :
Les mâles ont également des parties
de leur corps très rouges, mais cela le monde a eu faim Oui frappe à Montréal?
laisse les femelles parfaitement indif-
Le drame de la faim dans le monde On a signalé à Montréal, rue Ernest-
férentes . Elles ne réagissent qu ' aux
pourra-t-il jamais être résolu? Les Gendrau, chez M. \Vilfrid Payfer, un
incitations sexuelles tactiles. dernières statistiq ues publiées par la esprit frappeur qui a eu le bon goût
Pour le Dr. Goodhart, les mêmes Food and Agricultural Organisation de se manifester devant une foule
règles sont applicables à l'espèce permettent d'en douter. Au co urs de nombreuse et les caméras de la télé-
humaine. L' excitation sexuelle de l'année écoulée l'accroissement de la vision, le 12 septembre 1964. li y a
l' homme se fait par la vue opérant population a é té presque deux fois des enfants dans la maison, Richard,
sur l'imagination. Pour la femme, plu s important que ce lui de la pro- 8 ans, Guy, 7 ans, et Robert, 4 ans.
par contre, le toucher est la sti- duction alimentaire. Le plus in- Les murs tremblent, on entend des
mulation sexuelle première. La quiétant est que la production agri- coups et des murmures. L'église
preu ve en est qu'on voit des photos co le n' augmente, dans des pro- étudie le cas mais aucun exorcisme
de femmes nues dans des revues portions appréciab les, que dans les n'a encore été prononcé. Un cru-
pour hommes; mais guère de photos pays développés. Dans les pays cifix a été posé sur le mur sans
d'hommes nw, dans les magaLines sous-développés, se ul es l' Ind e et la produire aucun effet. Les ondes
féminins. Chine paraissent avoir enregistré une rappellent le choc produit par un
li est donc vraisemblable que la augmentation de leurs ressources a li- avion supersonique . C'est la pre-
femme possède des appas sexuels mentaires supérieure à ce ll e de leur mière fois, à notre connaissance,
qui servent à exciter l'homme population. qu'un esprit frappeur se manifeste
visuellement. Cette fonction n'aurait- Tant que l'humanité ne s'attaquera devant une caméra de télévision.
elle pas été primitivement dévolue pas à ce prob lème à l'échelle plané- Cependant, à Long Island aux U.S.A .,
à l'aréole des seins qui rappelle taire , il paraît peu probable qu ' on il y a quelques années , l'action de
tant les "peaux sexuelles.. des enregistre une amé li oration. l'un d'eux a pu être photographiée.
primates et n'a aucune utilité? Le
Dr. Goodhart le pense et estime que
la dissimulation des seins a toujours
eu une raison psychanalytique. " Les
seins, conclut le savant britannique,
constituent une partie importante de
" !"équipement » biologique de la
femme pour les jeux de l'amour, et
ce n' est pas tant une question de
morale que de tactique de savoir à
quel stade dans ce processus ils
peuvent être exposés pour obtenir un
dfet maximum . ..
Mais les savan ts britann iq ues ne sont
pas les seuls à étudier scientifi-
quement ce grave problème. Les
communistes chinois se sont éga-
lement penchés sur la question et,
comme bien l'on pense, ont con-
damné les seins à l'ombre. Le très
officiel journal de Pékin " Ta Kung
Pao » dénonce la mode du monokini
comme " un nouveau complot de
l'impérialisme ... Il paraît que si de
jeunes socialistes adoptaient cette
mode leur pays deviendrait bientôt
La fa im : le problème auquel il faut donner une priorité absolue.
(( pourri». (Magnum-Phot o ).
144
A savoir
.P .P .P fi .P /;/;/;/;fi.??) .ô} .P ! LA FRANCE SECRETE
145
La France secrète
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
. . - l:t, pendant quatorLe siècles, tandis qu'en tem: 'a..
d'islam un culte aux Sept Dormants était rèn<lu dan' ~"
de nombreuses cavernes, à Vieux-Marché, un pèle- Kl,.
Vingt-cinq ans
ri nage annuel eut lieu le dimanche suivant la +0.,.
Sainte-Madeleine. w,. Lors de la précédente Exposition mondiale de New
Mais quelqu'un devait venir embrouiller encore un~ York, la grande société américaine Westinghouse
peu plus les fils . Il y a dix ans, le célèbre islamisant +0.,. patronna une initiative qui frappa les imaginations.
Louis l\lassignon eut l'idée de réunir à Vieux-"-<. Il s·agissait d'enterrer une 1i111e Capsule contenant
Marché musulmans et chrétiens dans un même " les principaux produits et témoignages de la civili-
culte aux Sept Saints. Depuis, chaque année, une +0.,. sation. Un monument signalait l'emp lacement, à
délégation musulmane, formee en grande partie -v,,. l'attention des historiens (peut-être des archéo-
d'ouvriers nord-alncains venus de la région pari- "'• logues) du futur, et les invitait à ouvrir la capsule
sienne, se joint à la fouk des Bretons. On voit alors -+q. dans cinq mille ans. C'était en 1939, et des Européens
les pèlerins d'islam se prosterner devant le dolmen "',. pensèrent sombrement que le moment etait bien
où sont placées, aux côtés de la Sainte-Vierge, les "'" choisi.
statut:s des sept Saints. -c,. Vingt-cinq ans ont passé et la l+or/c/'.1· Fair qui vient
Après quoi, tout le monde, musulmans et ch retiens . +.J,. d' avoir lieu a permis de faire le point. La transfor-
assiste à une messe de rite oriental où les can· Kl,. mation du monde, en ce temps si court, est telle que
tiques se chantent tour à tour en grec, en arabe, ;a,. l'image transmise par la première capsule ne cor-
en kabyle, en français et en breton; notamment '°' respond guëre aux réalités d 'aujourd·hui . Aussi,
la Gwer~ ar sei~ sam (cantique des sept saints) dans "',. \.\. estinghouse a décidé d' ensevelir un nouveau legs
laquelle le dolmen est curieusement présenté comme 'a.. au futur, le 16 octobre 1965. Un comité de qua-
"l'œuvre de Dieu lui-même" · Puis les pèlerins ;a,. torLe personnalités américaines, composé de
quittent la chapelle et se rendent à la source des Kl,. directeurs de grandes universités el fondations
druides pour) entendre réciter le Coran. 'a.. savantes, d'industriels et de deux lauréats Nobel,
Oui, l'é cheveau est ici bien emmêlé. Ce coin de +0.,. les docteurs Ralph Bunche et Glenn Seaborg, s'est
terre semble attirer le sacré d'où qu ' il vienne, et ;a,. attelé à la tache ardue de donner un portrait de
les routes qui mènent à Dieu s'y retrouvent biLar- ;a,. notre civilisation. li s'est adjoint dix-huit conseillers
rement. Est-ce cela que l'on appelle un« haut lieu "·'+<'" étrangers, du champion Juan Fangio au physicien
Je l'ignore . +D... Otto Hahn, la France étant représentée par
- Mais il est peut-être interessant de savoir encore +z.,. M. Bloch-Lainé, directeur général de la Caisse des
que le dolmen qui sert de crypte se trouve exac- ;a,. Dépôts.
temcnt sur un nœu<l important de courants +0.,.
telluriques. G111· Bre1011 . ;a,.
•t p p J5 p ~~
.
J5 J5 .P J5 J5 J5 J5 J5 J5 J5 J5 J5 .P J5 J5 J5 J5
""'
;(l,
25 ANNEES DE DfCOUVl:RTES
146
A savoir
d'histoire du monde dans une capsule
Les nouveautés dans cette fonction fondamentale de Voici les artistes qui représentent la peinturt et la
l'évolution humaine se limitent à la télévision sculpture de 1964: Hopper, Eshcrick, Wyeth.
scolaire, aux appareils pour l' enseignement des Baskin, Graves, Pollack, SelL, Moore, \Vatkins.
langues et à de minimes améliorations de méthode. Noguchi, Manslip, Lasansky, Portinari.
Il n'est pas surprenant que le vocabulaire de ces Et quels sont les pionniers de l'espace: Aurora 7,
dernières années se soit enrichi de termes comme Echa 1 et Il, Vanguard, Mercury, Gemini, Apollo,
blouson noir, 111od ou houligan. Pioner V, Mariner, le X-15, Freedom 7, Friendship 7.
Trois pages pour les sciences humaines. l:.t en voici Pas de Russes? Non.
le détail: manuscrits de la mer Morte histoire: Il y a une vingtaine de siècles, la carte du monde
abrégé de !'Histoire de Toynbee, un rapport au montrait une Méditerranée occupant le centre du
président des ftats-Unis, un lunch à la Maison- disque terrestre. de petits bouts d' Afrique et
Blanche l'explos.ion démographique - le jugement d'Asie, une zone nordique réduite à peu de chose:
de Nuremberg - découvertes archéologiques et quant au continent americain, il n'en était évi-
anthropologiques - nouvelle édition révisée de demment pas question.
la Bible - le Plan Marshall - les Volontaires Une carte dressée d'après le rapport que nous
de la Paix - le Mouvement œcuménique - les examinons serait établie selon la même optique,
pocket books - la préservation de la culture. simplement inversée. L'Amérique du Nord s'étend
Bien sûr, ce choix est comiquement américain. sur les neuf dixièmes des terres émergées. Il y a aussi
Mais quel pays pourrait offrir un bilan plus sensé, une île de dimensions respectables, l' Angleterre.
si l'on s' en tient aux faits, et non aux souhaits pieux'? Puis de minuscules îlots, comme la France cl
l'Allemagne, et des récifs signalés pour mémoire ,
LE TRIOMPHE DES TECHNICIENS comme l'URSS et la Chine.
1:.n comparaison, le bilan technique est écrasant; ou Les objets d'usage courant, comme chacun le verra
plutôt, il est tout simplement beau. Les antibiotiques, tout de suite, sont: un drapeau à cinquante étoiles
les produits psychopharmacologiques, les semi- des États-Unis - une Bible - une carte de crédit du
conducteurs, les ultrasons, les lasers, les jets, les Diner's Club et de l'American Express - une montre
satellites artificiels, le tunnel du Mont Blanc , le électronique - une camera automatique - des verres
barrage d'Assouan, de fantastiques ouvertures sur la de contact - une conserve par le froid de la
structure de l'univers et sur celle de la cellule Campbell Soup Company - un emballage plastique
vivante, l'écoute des étoiles, l'énergie nucléaire. un bikini - un stylo à bille un détergent une
Ce dernier sujet suggère une observation que nous radio à transistors - une pilule tranquillisante - le
ferions bien de ne plus oublier. Les trois documents guide de la World's Fair - une brosse à dents elec-
qui ouvrent le chapitre sont: la communication de trique - un paquet de cigarettes à filtre.
Otto Hahn sur la production de neutrons par bom- Après avoir ri, cl avant de faire une crise de
bardement de l'uranium, la communication de Lise xénophobie , songeons que cette forme d'impéria-
Meitner sur la désintégration de l'uranium par les lisme témoigne elle aussi d'une réalité de notre
neutrons, la lettre d'l:.instein à Roosevelt qui fut à temps. Tel est le monde vu par M r. John Doe et son
l'origine du projet Manhattan (voir dans ce même cousin M r. Smith. Celui que propose le génial Popov
numero l'article sur l' aventure d'Oppenheimer et de n'est pas plus objectif. Quant à Herr Schmidt (au
la bombe A). Les dates: janvier et août 1939. En fait, Herr signifie également: Seigneur) et à l'inimi-
somme, l'énergie nucléaire existait déjà quand fut table M. Dubois, ils font par force les modestes,
enterrée la 7 i111e Capsule I et seules quelques dou- mais ils n'en pensent pas moins.
zaines de personnes le savaient. Quelle est la La conclusion serait triste, s'il n'était pas si évident
révolution inconnue qui commence aujourd'hui, et que l'humanité possède un si grand pouvoir de trans-
que nul ne soupçonne'1 formation. Dans un quart de siècle, avant
peut-être, un autre témoignage sera destine au futur,
RIEN HORS DES U.S.A. sur un monde à nouveau changé. li nous appartient
pour une bonne part qu'il soit plus proche de la
li est difficile, hors d'Amérique, de lire attenti- raison et de l'espoir.
vement ce rapport sans une irritation croissante . (iabriel veraldi.
147
Civilisation
Zoologie Chez la fourmi, le papillon, un langage
« Il est concevable que quelque part, sur d'autres mondes, des Ëtant donné l' utilisation " homéo-
civilisations existent qui communiquent entièrement par l'éc hange pathique " qu 'e n font les animaux,
de substances chimiques qui seraient senties ou goûtées.,, C'est sur l'opération fut des plus délicates.
cette declaration liminaire que commence une récente étude que Au département américain de !'Agri-
l::d\\ard_ O. \\ ilson consacre dans le cette infime émission chimique qui, culture, W.A. Jones et Martin
"Sc1ent1fic Amcncan " aux phéror- après s'être diffusée dans l'atmo- Jacobson ont travaillé trente ans et
mon<:s, c'est-à-dire aux langages sphère, va" parler,, au mâle . Celui-ci ont traité 500 000 papillons bohé-
ch.1m1ques des amm~ux. _ . en effet, est capable de reconnaître miens pour obtenir 20 milligrammes
D.es la fin d~ x1_x· s1ecle, Fabre avait la phérormonc alors même qu'un de leur appât sexuel. Mais, ce
decouvert 1 existence des signaux centimètre cube d'air n'en contien- premier pas franchi, il a été possible
de l'analyser et de le synthétiser. Du
chimiques g~âce .auxquels les femelles drait ~u ' ~ne cent.aine_ de molécules
non fecondees attirent les papillons (le cm d air contient )0 milliards de coup, on a pu créer des pièges
mâles. Une telle femelle enfermée milliards de molécules). sexue ls sur lesquels venaient se
dans une cage n'avait pas attiré prendre les mâles et où ils étaient
moins de 60 mâles en 15 heures. !- ait CE N'EST PAS SEULEMENT tués.
plus étrange, la cage gardait son UN APPEL SEXUEL Ainsi, c'es t toute la lutte contre les
pouvoir attractif même après que la insectes nuisibles qui adopte un tour
femelle l'eût quittée. Pourtant l'idée Mais les phérormones ne sont pas nouveau grâce à ces découvertes. Au
d ' une communication chimique que des appâts sexuels, elles cons- moment même où l'on prend con-
paraissait tellement fantastique à tituent un véritable langage codé. Les science du danger que représente
l'époque que Fabre n'osa pas la fourmis l' utilisent pour indiquer les l'arrosage inconsidéré par les insec-
formuler. Aujourd'hui que le phéno- sources possibles de nourriture, pour ticides, une nouvelle méthode de
mène commence à être bien connu, déclencher l'alerte, pour prendre lutte contre les insectes nuisibles est
il paraît effectivement extrao rdinaire . conscience de la mort de l'une des proposée, plus délicate, et qui élimine
Chaque espèce semble avoir son leurs. Dans la ruche, la reine émet les risques de pollution.
appât sexuel propre et peut le dis- une phérormone qui stoppe le déve-
tinguer dans la foule des odeurs qui loppement des ovaires chez les
encombrent l'air. Ceci est d'autant autres femelles qui la respirent. Ainsi UNE PRËPARATION
plus étonnant, que la quantité de est maintenue la structure sociale de À D 'AUTRES CONTACTS
~ubstance effectivement émise par la la ruche.
femelle est 1nhmc, d..: l'ordre du Récemment, les entomologistes ont Mais voilà que même les abeilles,
millionième de gramme. l::t c'est réussi à isoler certaines phérormones. qu 'o n croyait pourtant bien connaître,
nous rcservent des surprises. Les
travaux fameux de von Frisch ont
montré que les butineuses utilisent
une «danse frétillante,. pour
indiquer à leurs semblables l'empla-
cement d'une source de nourriture.
L'abeille décrit un huit, et la partie
centrale du parcours est proport10n-
nelle à la distance considérée.
Toutefois, on ne comprenait pas
bien comment dans l'obscurité de la
ruche, les abeilles pouvaient suivre
le message. Les travaux de Herald
Esch, à Munich, et Adrian \\enner,
de l'Universitc de Californie, ont
montré que cette danse s'accom-
pagne de l'émission de vibrations
sonores de très basse fréquence. La
durée de chaque son émis est pro-
Chaque espèce emet son propre signal sexuel: un parfum. portionnelle au parcours à effectuer
(Photos Ro~er-Viollet). pour trouver la nourriture. Toutefois,
il semble que ce signal ne soit pas
148
A savoir
1 m HHuuum mmmmmu 1
chimique codé ASTROLOGIE Astronautique
----------------------- ---------
vraiment entendu, mais plutôt " senti,.
par contact physique, les abeilles Du nouveau Où en est la recherche
touchant et palpant la messagère sur Boscovich? spatiale en France?
pour percevoir la vibration.
Pourquoi, dira-t-on, se donner tout Le mystère de l'extraordinaire des- Le rapport d'activité du centre
ce mal connaître les langages tinée du mathématicien Roger national d'études spatiales ( I" juillet
du monde animal' 1 1::.n rendant Boscovich serait-il sur le point 1963 I" juillet 1964), important
compte dans le « Scientific Ame- 1
d'être levé' Jacques Bergier nous a document de 126 pages grand
rican,. de ses travaux. Adrian \\enner brossé dans Planète 17 le portrait format, montre que les recherches
répond ainsi: " Ëcouter les messages de ce génie qui était " non seulement spatiales en hance sont plus avancées
sonores des abeilles, les analyser et en avance sur la science de son que le public ne le croit généra-
en explorer la signification, on ne temps, mais sur notre propre lement. Des résultats intéressants
peut s'empêcher de penser que , pour science». Un érud it allemand, Erich ont déjà été obtenus. C'est ainsi que
l'essentiel , il s'agit d'un problème von Beckerath, propose une exp li - le laboratoire d'Ëlectronique phy-
très semblable à celui des commu- cation inédite de ce " mutant du sique de la !·ac uité des Sciences de
nications avec les êtres d'a utres X\111' siècle», dans une lettre à Bergier. l'Universite de Toulouse a rabrique
planètes. » un spectromètre directif à protons
François Derrey. qui a été essayé en vol sur ballon
UNI:. COMPOS ITIO N RARE:
avec succès au mois de juin 1964. Le
La naissance de Boscovich, le 18 mai spectre des protons d'énergie com-
1711, aurait eu lieu sous une extraor- pri se entre 250 MeV et 750 MeV a
dinaire constellation d'astres: une ainsi été mesuré. Cc méme labo-
étroite conjonction des planètes ratoire a mis au point une jauge d.:
Uranus et Pluton, avec la brillante pression pour la haute atmosphère
étoile Régulus, dans le signe du Lion. (jusqu'à 80 km), particulièrement
dominait le ciel ce jour-là. intéressante pour la météorologie.
L' Uranus de l'astrologie est le Le dispositif utilisé est un a lph atron;
royaume des étranges facultés d'in- il a étc essayé a\cc succès lors d'un
ven ti on; Pluton est ce lui des forces vol en ballon au début de 1964. Un
obscures et magiques; quant à spectromètre à rayons X associé à un
l'étoi le Régulus, elle préside souvent anal)seur à 3 canaux dans la gamme
à la naissance des grands hommes, JO keV à 300 keV a également été
par une exaltation du génie. essayé sur ballon à Aire-sur-l'Adour.
Boscovich n'est-il pas tout entier Le bruit de fond X cosm iqu e mesuré
dans cc portrait astrologique'! lors de ces expériences est bien
conforme aux résultats attendus.
Des satellites français sont en cours
NOUS RESTONS SCEPTIQUE de préparation. Les études prélim i-
Le correspondant de Jacques Bergicr n aires commandées à l'indu strie
est certain d'avoir raison. Cependant pnur ces satellites ont déjù abouti
nous restons scep tiqu e, très scep- à la mise au point de remarquables
tique. Les planètes Uranus et Pluton piles so laires au silicium. Des piles
avancent lentement le long de la encore plus intéressantes au sulfure
ceinture zodiaca le. Leur conjonction de cadm ium son t à l'étude. Un
avec l'étoile Régulus a duré au navire lance-fusées a été étudié.
moins un an. Et c'est par dizaines L' infra-structure au sol s'étend et
de milliers qu'au cours de l'année comprendra finalement 5 stations:
1711 auraient dû naître, selon cet te Brétigny, Hammaguir, Ouagadougou,
théorie, autant de futurs génies en Brazzaville, Prétoria. Un champ de
puissance. Pourtant Boscovich fut tir spatia l sera réalisé en Guyane.
et reste unique. /\ nos yeux, l'expli- Ce rapport peut être obtenu en
Boscovich: né sous une s'adressant au Centre national
extraordinaire conjonction d'astres. cation de son génie demeure encore
cachée. d' Études spatiales, 127/ 129 rue de
Michel Gauque/in. l'Université, Paris 7'.
149
Astrologie
rience et trouvèrent un peu hâtif cc
li PHYSIQUE
il baptême. Toutefois, au cours des
années 1958 et 1959, les physiciens
sovié tiqu es et américains réussirent,
sans équivoque possible, à fabriquer
PRESSE
150
A savoir
à VOiP
C Cinéma
Moins d'idées creuses, S.V.P.
Dans le monde animal, le mode et l'angle de vision constituent deux Cette poésie, dont Pierre Reverdy
des éléments qui caractérisent et différencient entre elles les espèces. donnait la définition suivante: « La
Ainsi, du lièvre et de l'éléphant: la vision du lièvre est, si l' on veut. poésie est à la vie ce qu ' est le feu au
binoculaire, chaque œil ayant un champ de vision distinct et parallèle, bois, elle transforme la vie pendant
un moment, un court moment, elle
cc qui permet au lièvre, animal 111 ' expliquer clairement. Tous deux
pare la vie de toute la magic des
faible. vivant sur la défensive , de per- mènent une aventure parallèle.
combustions et des incandescences,
cevoir 1mmediatement le danger , 1-ederico 1-ellini et Jean-Luc Godard
elle est une forme précise et ardente
d'où qu ' il vienne. L' univers du ont en commun que depuis toujours
de la vie." Je voudrais mettre cette
lièvre est constamment cerné de ils l'ont le même film. A travers
phrase en épigraphe du cinéma de
peur. l::n revanche. l'éléphant a une chaque œuvre, ils racontent " leur"
demain. Je voudrais dire a J..:an-Luc
vision globale, cohérente. Le monde vie et expliquent " leur" complicité
Godard que deux minutes de
qu'il perçoit est un monde clair, avec le monde extérieur. Chaque
ordonné, du l'ait de sa force tran- film de l'un et de l'autre renferme " regard" sont plus importantes
quille. Un univers sans danger. 11 est une part de leur subconscient. Seu- qu'une heure el demie de texte , car
« J'œil est Je plus implacable des
ccrtain que le même paysage, Je lcment la grande différence est que
même bosquet d'arbres, la même 1-ederico Fellini croit que le vrai sens, il domine et saisit Je plus
source, sont pour l'un et pour J' autrt' peut être beau, et Jean-Luc Godard m:ttement son domaine"·
essentiellement différents. Pour le pense que, pour faire vrai, il faut r- ederico 1-ellini est sûrement, dans
lièvre tout est inquiétude: chaque raire laid. le sens parisien. moins intelligent
souf'lle du vent, chaque murmure de que Godard. Il connaît moins de
l' eau recèlent une menace: il lui faut citations. moins d'auteurs. li a sûre- . . -
entendre et voir pour mieux f'u1r. Rl::SSUSCITE:R LA POÉSll::
Les mêmes images sont au contraire
pour J'eléphant une invitation à C'est cette conviction qui différencie
cueillir le fruit de l'arbre, à boire essentiellement le nouveau cinéma
J' eau de la sou r<.:e. italien de la Nouvelle Vague J'ran-
çaisc, et c'est là également que
GODJ\RD-U:-LIÈVRI:: ET réside Je grand danger d'impasse du
1-l::LLINl-L'f:LEPHANT cinéma dit d' auteur, pratiqué et
glorifié actuellement par quelques
cinéastes groupés derrière Je pa-
Je connais bien la campagne nache noir des " Cahiers du Cinéma".
romaine , les maisons paysannes de Leur porte-drapeau, Jean-Luc
!' Émilie, les rues de Rome, lieux qui Godard, veut un cinéma de texte, un
servent de cadre· au film de F-ederico cinéma qu ' on puisse voir les yeux
I- ellini . "8 112 " · Je connais bien J'ermés. La beauté doit naître du
Paris, les bords de la Seine, les commentaire, elle doit être soulignée
ruelles y attenant, les quartiers et éclairée par lui. A la caméra-stylo
pauvres de la vilk qui servent de n::pond le cinéma-lecture, et on
cadre au film de Jean-Luc Godard, tourne résolument le dos à la seule
"Bande ù part ». Or sur ces lieu\ magic possible du cinéma de demain:
différents mais familiers, l'un , Je regard qui magnifie la vision sub- Jean-Luc Godard:
F-ederico 1-cllini, a posé le regard de jective, la beauté égale et chan-
le regard du lièvre
l'éléphant, l' autre, Jean-Luc Godard. geante comme un état d'âme; en un
(Photo Agip) .
Je regard du lièvre. Je voudrai-, mol, on tourne le dos à la poésie.
151
Cinéma
ment beaucoup moins lu. Mais le est laissé au rapprochement de faire
grand art au cinéma vil d'idées l'épreuve de son impossibilité. Les
simples. Le grand art au cinéma est personnages se seront croises sans se PEINTURE
comme la nature morte en peinture, connaître 111 rien partager, et il )
\ iolent et précieux. Violent dans le aurait eu quelque indécence dans
cri et précieux dans le détail. r entn;prise, et bien de la force
1-ederico 1-ellini sait que creer une perdue dans l'œuvn., s'ils nous Une leçon de modernisme
réalité veut dire créer un rêve, el le avaient appris sur chacun d'eux ce
propre du rêve est de magnifier et que, les uns des autres, ils ignorent. " Par le nombre de ses établissements
d'embellir même l'horreur. Les pay- (Cahiers du Cinéma, critique de ou fondations d' art, la qualité de
sages d'enlancc de Fell1111 dans " Rande à part», J. Bontemps). 11 est leurs programmes, le dynamisme de
" 8 1/ 2 » sont des mots de passe à peut-être fort difficile d'écrire sim- Jeurs dirigeants, la Hollande nous
l'usage de tous: des bras nus de plement sur un tel film, et c' est là le donne une leçon permanente de
femmes, des bassines d'eau chaude, nœud du problème. Le cinéma de muséologie moderne. Après un été
une couleur de draps, presque une demain aura besoin d'instinct plus particulièrement brillant, jalonné
odeur de pain, et tous s'y recon- que de spéculation, d'éléphants plus par de grandes manifestations sur
naissent. que de lièvres, en un mot il aura les thèmes les plus actuels, la saison
besoin d'une totale simplicité. d'hiver a débuté à Amsterdam par
LI:: Rl::GARD Dl:: L'EJ\ol-Al"T 1-acc à la grande peur atomique, à la une exposition individuelle d ' une
morne tristesse des termitières popu- particulière importance: Arman, au
Le monde de Jean-Luc Godard est laires, la mission des cinéastes est Stedelijk Museum.
un monde obscur où l'on ne pénètre ùe redonner aux images la magic Soixante-quinze pièces réparties sur
point par le regard. Ses VO) ous, simple du regard de l'enfant, de cinq salles: cette exposition d'Arman
quand ils veulent être violents, ne retrouver les images mentales, sen- a les proportions d'une véritable
sont que banalement sadiques. suelles, elémentaires a partir des- rétrospective, d'une très abondante
L' amour physique y prend la couleur 4uelles se reconstruit un certain et très significative anthologie de ses
terne d ' un érotisme de collégien. bonheur. li devrait être défendu œuvres, étalée sur cinq ans: des
Mais le texte qui s' y JUXlapose nous aux cinéastes d'ajouter du vert au premières accumulations de 1959
parle de vérité éternelle. Tout est à printemps. Notre jeune cinéma aux tout derniers blocs d'objets
la fois compliqué et confus, banal cl tJ'auteur confond l' enfanet: avec pris dans le polyester (techni4ue
artificiel. Ses défenseurs mêmes sont 1\1 inou Drouet. Or Cocteau disait: mise au point par l'artiste à Nice
obligés de recourir à l'illisible: " C a r, .; 1 o us les enfants ont du génie, sauf mais systématisée à Ne\\. York lors
par ces confrontations en des lieu \ f\I inou Drouet.» Seules les forces d' un récent séjour de plusieurs mois).
de passage qui se sont substitues aux ùc beauté mènent le monde. Pour La date de 1959 a été choisie à
antichambres classiques, le temps appréhender ces forces , il faut beau- dessein: elle correspond cheL Arman
coup d'humilité, il faut aller vers au grand saut, au passage d'une pein-
elles avec la démarche tranquille de ture expérimentale à un art d'assem-
l'éléphant, avec un œil qui , bien qu ' il blage objectif.
ait tout vu, regarde chaque chose De la leçon combinée de Schwitters
comme pour la première fois. Pour et de Marcel Duchamp, Arman a
parler, convaincre, faire penser el tiré une synthese originale, les
faire rire le plus grand nombre pos- éléments d'une mise en situation de
sible de gens , on a besoin moins l' objet, à la fois d' une mise en
d'intelligence que de sensibilité. demeure et d'une mise en scène.
Je voudrais finir par une citation de Nous sommes loin des manifes-
Louis Guilloux, qui renferme et tations scandaleuses de 1960, des
conclut tout le débat: " li faut faire poubelles et du "Plein » chez Iris
comprendre le beau. On n' a pas Clert (la galerie remplie jusqu'au
besoin pour cela de théories, ni plafond des ustensiles les plus
d"ecoles, ni de manifestes, et surtout divers). Ce langage de la quantité
pas d'engagement. On n'a besoin que basé sur le pouvoir expressif des
de sa propre ignorance à partir de gestes les plus simples de l'appro-
laquelle il faut tout conquérir dans la priation objective, l'entassement d
nouveauté afin de faire bouger dans la brisure, retrouve désormais un
l'ignorance des autres la vérité équilibre et une mesure classiques.
Federico Fellini: endormie, afin de faire éclater de la Cette belle exposition d'Arman lui
le regard de /'éléphant . nuit, un signal, un signe.» rend justice, elle vient à son heure.
Fredùic Rossi/. Pierre Resia111".
152
A voir
Les urbanistes veulent
L'auto est actuellement, on s'en
doute, le grand souci des urbanistes
rendre la ville aux piétons.
prospectifs. Alors que les planifi-
cateurs, qui ne se souviennent que Contre cc cauchemar, des hommes rendre la ville aux pietons, Le
du présent, s acharnent à trouver cherchent un moyen de locomotion Ricolais préconise en effet la sup-
des solutions pour faire circult:r qui permette de sauver les villes pression de la rue, ou presque. Nous
toujours plus vite, et de plus en anciennes. L 'Exposition nationale so111111es dans nos villes dam des cor-
plus nombreuses, les automobiles, suisse de Lausanne. consciente de ridors. dit-il. /\ous circulom dans
ceux qui s'interrogent sur l'avenir ce problème, avait exclu toute cir- des tranchees. Et ce que nous royom
se demandent comment remplacer culation au sol, pour donner une est loin d'être ad111irable. vue d'ww
un engin individuel qui remet en place au télt:férique, au monorail et cerraine hauteur. la i·il/e r gagnerait
question la notion même de cité. Le à une nouvelle invention: le télé- peut-être. La i•il/e n·est-elle pas u11e
grand sociologue américain Le\\-is canapé. Résultat, il était agréable jeerie la 11uit. lorsqu'o11 la roit
M umford, dont les Ëditions du Seuil de circuler dans l'enceinte de lï::xpo- d'avion? De plus, la seule di111ension
viennent de publier le monumental sition, soit à pied, soit aveç le mono- gratuite. ou presque. es1 la hauteur.
ouvrage: la Cite à trarers /'Histoire. rail aérien qui donnait une vue
a beau jeu de se moquer des automo- panoramique excellente des pavillons,
bilistes hallucines qui tournent "à ;,oit avec le télécanape que l'on DIX TOURS c!HE:L
route allure dans une ~ampagne pouvait prendre en marche.
qui n'existe plus, grâce à des Le Ricolais (né en 1894, et qui fut
autoroutes à voies multiples dont directeur de l'Air Liquide à Nantes
la monotonie est proportionnelle à la UN PIONNIER EXIL.Ë de 1930 a 1943) est l'apôtre des
vitesse qu'elle aspire et au nombre EN AMËRIQUE structures tendues et, par là-même,
des voitures». Et il prédit la chute du !"adversaire de cet autre chercheur
xx · siècle" aveuglé par la voiture,,. On expérimente actuellement près génial qu'est Buckminster-Fuller.
de Paris un métro monorail suspendu. théoricien des structures comprimées.
LA C!TË DËCH!RËE Mais celui-ci a le désavantage de Pour Le Ricolais, le re111p/ace111el// du
Non seulement, si l'on continue ù demander de nombreux supports. poids par des forces est une des
tout sacrifier à la voiture, la ca;11- C'est justement pour éviter la mul- grandes conquêtes de /'ho111111e. et les
pagne n'existera plus. mais les villes tiplicité de ces supports, que aciers 11 'ont pas dit leur dernier 11101.
éclateront coupées, meurtries, l'ingénieur Robert Le Ricolais (qui La science 111oleculaire est actuel-
séparées en quartiers réduits à des ayant invente en !-rance les « struc- le111e11t capitale. Elle co111111ence à
îlots par les barrières des autoroutes tures spatiales» en fut récompensé emre\'Oir les proble111es de /"m·enir.
urbaines. On voit ce que sont devenus en devant émigrer aux Ëtats-Unis où Dans dix ans, Oil doublera la resistance
Chicago et Los Angeles qui ont il est professeur d'architecture à des aciers. Avec le skyrail, pas de rue.
sacrifié à la voiture. On commence l'Universite de Pennsylvanie) s'est On ne touche pas le sol. Donc pas
par ouvrir des autoroutes dans la cité attaché à la reçherche de structures d"enco111hre111en1. Pas de courbes.
pour que les voitures puissent y tendues au maximum qui peuvent Mon .1Tste111e aàien est un câble creux.
entrer. A partir du moment où ces permettre un moyen de transport Cette.nouvelle structure, Le Ricolais
autoroutes sont créées, les voitures révolutionnairP l"a découverte en observant la mousse
affluent et il faut leur trouver des de savon filmée. li s'agit donc une
parkings. D'où, nouvelles des- Celui-ci, baptisé en anglais Sky\\ay, fois de plus d'une structure naturelle,
tructions d'immeubles. Et lorsqu'on a d'abord été nommé en français (ou mais invisible à l'œil nu.
peut se parquer dans une ville, plutôt en « franglais»): skyrail. Le
les voitures se multiplient. D'où Ricolais songe à lui donner le nom L'image fantastique d'une cité de
nécessité de percer de nouvelles de« transurbain ». li s'agit en quelque l'avenir, constituée de dizaines de
voies, puis de faire de nouveaux sorte d'un métro aérien. circulant «tours l::iffel » avec des ascenseurs-
parkings, etc. E:n continuant ces dans des nasses de 500 mètres de long, express permettant de monter à
opérations, peu à peu la ville reliées à des tours d'une hauteur 90 mètres en 30 secondes, et reliées
s'effrite, disparaît. Et lorsque les minimum de 90 mètres. Ces tours par des câbles tendus supportant la
autos triomphantes ont enfin pu polariseraient par ailleurs la cité, circulation de la cité, commence
entrer dans la ville, il n'y a plus lui donneraient des repères, et l'œil donc à devenir une possibilité.
de ville. du voyageur dominerait la ville. Pour Michel Ragon.
153
Architecture
MUSIQUE
Les anciens et les modernes
Sauf dans les lycées et collèges, on ne lit plus co uramme11t Corne11le, de l'interprétation à la compré-
R acine. Beaumarchais. ou Marivaux. Au contraire, on écoute faci- hension, permettent la vraie fidélité.
lement des œuvres de Monteverdi, Couperin, Bach ou Mozart. Certainement, c'est cette sorte
Pourtant, l'école qui nous exp lique Hu go, oublie souvent Beethoven. d' éternité, à lïmage des aspirations
mystiques qui renaissent au \X' siècle,
Justement' La litt érature est la tran spos ition de notre vocab ulaire cette fac ulté d'évolution dialectique,
quotidien, et l'épre u ve du temps est plus dure pour elle que pour la de renaissance intrinsèque de la
musique, qui échappe à cette quotidienneté. Moins liée à l'univers musique, qui lui confère son sens le
contingent d'un monde précis, elle permet une fascination moins plus contemporain, exprimé dans un
éphémère. langage rendu clair par le frottement
Les sons restent ouverts à tout des âges. Henri-Pierre Cojfy.
l' imaginaire. Un tableau de Delacroix
impose une image précise de George Une revue de
Sand, un poème de Musset permet recherches musicales
déjà une vision plus " personnelle"
de !'écrivain, une œuvre de Chopin Parallèlement à rarchéologie, des
nécessite, elle, une recréation visuel le hommes passionnés de musique
totale par l'auditeur de cette femme remontent le cours du temps et
du x1x· siècle .. . qui ne sera peut-être cherchent la recréation d'œuvres de
plus ressentie comme strictement de composi teurs connus et moins connus.
ce siècle. La musique n'est pas Pour ces compositeurs, être connus
implantée dans un temps et un ou inconnus en 1964 est souvent
espace précis; ractualiser est donc reffet du hasard. 1ls ont été respon-
une tentation. Et, que ce soit en sab les de révolution de la musique
bien ou en mal, ressai en est fait à leur époque d'une manière diffé-
chaque jour. rente de celle qu'on leur attribue
E11 mal (sans doute'). c'est Henri actuellement. « Musique de tous les
Salvador qui fai t du " Rêve <l'Amour" temps», une revue complète - textes
de Liszt un t" ist à la mode. 1- rance et disques - , est le moyen d'expres-
Gall qui " interprète " r .. Adagio"
J.-S. Bach:
sion d'une équipe de chercheurs qui
d'Albinoni. l:.n moins mal (peut- le prophète du Ja::::.? a trouvé le ton juste, alliant la
être), c'est la reprise de thèmes connaissance historique à l'imagi-
classiques par de grands musiciens nation. Les œuvrcs choisies pour
de jazz: Django Reinhart, Jacques musique, la différence n'en est pas lïllustration des textes en sont
Louss1er, Errol Parker, les S"ingle moins aussi profonde: il n'y a déjà l'exact reflet. Des problèmes pas-
Singers. Bien d'autres jouent ou pas deux interprétations contempo- sionnants, des én igmes fantastiques
jouèrent des thèmes de Bach, ce raines icientiques d'une même œuvre. sont révélés. Mais qu'on ne s'y
" Prophète du jazz., au dire de De plus, par la télévision, la radio trompe pas. li ne s'agit pas ici,
Benny Goodman. et le disque, les condi ti ons d'écoute d'effleurer n'y d' allécher: chaque
D'une manière moins spectaculaire, on t considérablement changé. numéro de "Mus iqu e de tous les
les grands m>1î•.res du passé sont Si le sens initial de ces musiques du temps» (Rédaction: Saint-Michel-de-
actua lisés dans le cadre même des passé en état de survie semble objec- Provence) va jusqu'à la limite de la
interpretatwns classiques. Sont- tivement perdu, quel sens ont-elles connaissance. Contrairement aux
elles fidèles'1 Cette fidélité est-elle encore pour nous, qui puisse revues musicales de la presse co u-
seulement possible? Des siècles de expliquer cette survie'' Par-delà le rante il ne s'agit pas de "critiq ues"
perfectionnement ont modifié les dédale des frontières arbitraires obligatoirement inféodées à des
instruments et leur timbre. Les dans le temps et dans l'espace, nous jugements subjectifs, mais d'une
mus1c1ens du xx· sièc le ont néces- cherchon s l'unité sous-jacente. La table de références faisant le point
saire ment une conscience différente, musique des siècles antérieurs, telle pour les œ uvres passces et prenant
conséquence de leur vie dans une qu ' e ll e' est devenue, exprime cette date. pour les créations contem-
certaine époque. de l'œuvre qu'ils évolution sans rupture, où les trans- poraines.
interprètent. Moins flagrante en formations nécessaires et possibles, Henri Krako1•itch.
154
A voir
Le nouveau volume de
L'homme et l'animal
par Jacques Graven
avec une préface Le premier chien, le premier chat
de Rémy Chauvin Les domestications oubliées
Les candidats à la domestication
L'histoire
et la psychologie La science moderne et l'animal
de leurs dialogues L'homme s'est-il domestiqué?
Pourquoi décide -t-on d'acheter un oiseau? Ce proche parent du chameau fut parmi
Spizaète huppé (Guyane). les premiers animaux domestiques.
(Photo Terrasse). Un jeune lama.
(Photo Rapho).
155
ACTIVITll!S PLANIETE
Pour saluer une naissance
Le cocktail d'inauguration des
156
Activités Planète
scientifiques ou semi-philosophes. prodiges, etc., mais ils !"ont été de
Vos publications y trouveraient sans façon générale et l'on se rend
aucun doute un regain d'intérêt, par compte parfois, au cours de la lec-
le fait que chacun de vos lecteurs ture d'un article, qu'un certain détail
nous
, .
président à la réalisation de vos
revues ...
Vous êtes dans le cas de cette religion
d'explication. Or, il y a peut- être
parmi les lecteurs de Planète
quelqu ' un à qui ces détails seraient
157
Nos amis nous écrivent
attiré environ 250 auditeurs, mais, le Peut-on tenter de se tenir évei ll é et commençons à voir clair et notre
snobisme aidant, bien plus nombreux ne pas voir ce qui se passe autour de planète va pouvoir bientôt présenter
sont ceux qui en parlent et laissent nous? Cette Histoire qui se poursuit une face raisonnable de la vie, disons
entendre qu'ils y étaient. a-t-elle un sens? Son incohérence l'aspect positif de la vérité jusqu'ici
... Au cours de ces dernières années, (si ce n'est pas de l'anarchie dirigée) trop vague pour être admise. Il est
rares é taient les conférenciers peut-elle se concevoir pendant que vrai que la vérité de la science
français de passage et il fa llut se des esprits, tels que ceux qui ne sau ra it être la même que celle des
contenter des ressources locales: composent votre éminente équipP, rêveurs et des mystiques. Ce ll e-ci,
c'est ainsi que je fus mis plusieurs posent des problèmes aussi hauts et c'est Vén us, la séductrice; mais la
fois à contrib uti on. Ma principale aussi prolonds; pendant que vous première, c'est l'importante, l'unique,
source d'inspiration et de documen- vou lez dégager une poésie de la celle qui s'exprime en termes uni-
tation provenait de la revue et des science pure et de la technique; versels et dans un sens d'éternité.
encyclopédies " Planète" et je me pendant que vous découvrez l'inso- MARCEL DUPUIS.
devais honnêtement de leur rendre lite t:t que vous nous permette;
un hommage spécial. d'anticiper sur l'avenir possible?
Dr PAUL TA ILLARD. Peut-on ignorer que la majorité de Niez ceux qui nient
nos semblables sont dominés par
des préoccupations matérie ll es et En bientôt 3 années d'existence, la
Nous sommes cinq, que nous-mêmes, par nos charge> qualité de vo tre revue ne s'est pas
de tous ordres, y sommes contraints" démentie; mieux même: elle s'est
entre 18 et 25 ans R. BOUCHARD. affi rm ée ... Signe des temps! ... Où
chac un puise dans cette revue la
... Cette lettre a pour objet la dose de renouveau qui lui est néces-
demande d'une entrevue avec vous . saire, où l'idée nouvelle à peine
En effet, nous nous proposons de
Vous oubliez lancée trouve déjà dans chacun la
fo rm er un groupe scientifique ouvert l'enseignement résonance qui va la mûrir, la polir.
à tous les problèmes actuels et futurs. et qui sait ... peut-être contribuer à la
Ceci, parce qu'un rapprochement Il est étonnant que dans votre som- naissance de quelque chose de neuf.
assez inattendu de deux fonctions maire le mot " Ëducation" ne tigun; Mais pourquoi répondre à vos
m'a fait entrevoir une immense pos- pas. Ce serait pourtant un sujet de détracteurs? ... qu'ils pontifient dans
sibilité de la Science. Actuellement prédilection pour une éq uipe comme leur sphère, qu'ils ricanent de vos
en effet toutes les branches des la vôtre, qui ne laisse dans l'ombre idées, point n'est besoin de leur
sciences progressent sans avoir appa- aucun tabou ni aucun mouvement tendre la perche en engageant le
remment beaucoup de rapports d'idée. Vous vous targuez d'être dialogue ... ' " Ils" nient tant de
entre elles, telles par exemple la tournés vers l'an 3000. Quelle aide choses que l'on pourrait bien leur
physique nucléaire et la biologie. vous apporteriez aux éducateurs si, re tourner la pareille: nier leurs
Il semble que le côté " Rapport avec l'esprit qui vous anime, vous allusions, leur bile et leurs idées.
entre les diverses branches" ait été les aidiez à éclairer ou à former JACQUES SOUl:Gl:S.
délaissé. Pourtant il en existe cer- les jeunes qui ont maintenant de cinq
tainement un, par le langage qu'elles à vingt ans!
ont toutes en commun· les mathé- Pfl::RRE AUBRY.
matiques. J\<ous sommes cinq pour le
La bibliothèque
moment, tous entre 18 et 25 ans. du monde futur
JEAN THIRIOI'<. Oui à l'anti-matière, Les magasins du Printemps veulent
non à Krishnamurti organiser quatre quinzaines du livre
cette année . en collaboration étroite
Faut-il vraiment croire avec notre équipe. A ces occasions.
Voici plus d'un an qu'un groupe
au progrès? grandissant d'amis me demande de
une vitrine importante sera con ·
sacrée à la revue Planète et aux
vous écrire ... différentes collections des éditions .
Je suis votre abonné depuis le Ce qui m'a décidé, c'est l'horrible La première .vitrine et la première
premier numéro. décoction de l'article sur Krishna- quinzaine . prévues du 15 au 28 fé -
Chaque nouvelle publication nous murti et surtout, dans votre numéro vrier prochain. auront pour thème le
apporte sa propre révélation. Notre monde futur . A l'intérieur des
15, l'excitante thèse sur l'anti-matière.
magasins du Printemps, une biblio -
curios!lé rebondit, chaque fois, sur de Vraiment, Krishnamurti, c'est de
thèque idéale du monde futur . dont
nouvelles idées, de nouvelles décou- l'ivresse abrutissante, tandis que les titres auront été sélectionnés
vertes, de nouvelles anticipations ... l'anti-matière, c'est quelque chose par les spécialistes de notre équipe.
Et cependant... après l'espoir un susceptible d'émouvoir les pires sera proposée à la clientèle.
doute ancien resurgit et grandit. blocs de matière humaine ... Nous
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